Référence : Benjamin Moore & Co (Re), 2025 CACB 10
Décision du commissaire no 1691
Commissioner’s Decision #1691
Date : 2025-08-22
SUJET : |
J00 |
Objet des demandes – Signification de la technique |
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J50 |
Objet des demandes – Simple plan |
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J80 |
Objet des demandes – Aptitudes professionnelles (artistiques) |
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TOPIC: |
J00 |
Subject Matter of Applications – Meaning of Art |
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J50 |
Subject Matter of Applications – Mere Plan |
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J80 |
Subject Matter of Applications – Professional or Artistic Skill |
Demande no 2695130
Application No. 2695130
BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
Le commissaire aux brevets rejette la demande de brevet no 2 695 130 conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets. La Commission a révisé la demande après que la Cour d’appel fédérale l’a eu renvoyé au commissaire pour qu’il rende une nouvelle décision en fonction de la pratique actuelle et des motifs de la Cour. La demande avait initialement été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, DORS/96-423, dans sa version antérieure au 30 octobre 2019, et rejetée en vertu de l’article 40 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, ch P-4 (la Loi sur les brevets). Ce rejet a été contesté devant la Cour fédérale conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets; la décision a subséquemment été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale.
Agent du Demandeur :
Smart & Biggar S.E.C.
1100-150, rue York,
Toronto (Ontario) M5H 3S5
Introduction
[1] La Commission d’appel des brevets recommande le rejet de la demande de brevet no 2 695 130 au motif qu’elle revendique un objet non brevetable. La Commission formule cette recommandation après avoir révisé cette demande à la lumière de la pratique actuelle de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), et en fonction des motifs énoncés dans Canada (Procureur général) c. Benjamin Moore & Co, 2023 CAF 168, autorisation d’appel à la CSC refusée, no 41004 (16 mai 2024) [Benjamin Moore]. La « pratique actuelle » est reflétée par l’énoncé de pratique intitulé « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020-04]. Elle est également dans toutes les sections de la plus récente version du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC) [RPBB] non remplacées par l’EP2020-04. (L’EP2020-04, dans son deuxième paragraphe et dans sa première note, identifie les directives du RPBB qu’il remplace.)
[2] Benjamin Moore & Co a demandé un brevet (no 2 695 130) pour un « Système de sélection de couleurs ». L’invention concerne un système informatique visant à aider les consommateurs et les designers professionnels à sélectionner des combinaisons de couleurs satisfaisantes. Des combinaisons de couleurs sont suggérées aux utilisateurs en fonction de [traduction] « scores » de couleurs et de modèles colorimétriques, dérivés des réactions de sujets aux couleurs.
[3] L’examinateur a refusé la demande au motif qu’elle revendique un objet non brevetable. Le demandeur a répondu en proposant un premier ensemble de revendications modifiées et en soumettant des arguments à l’appui de leur admissibilité. L’examinateur, non convaincu, a maintenu le refus. La demande refusée a été renvoyée à la Commission en vue de sa révision au nom du commissaire aux brevets, et un comité de la Commission a été formé pour procéder à cette révision. Le comité a convenu que la demande revendiquait un objet non brevetable, et le commissaire a rejeté la demande en mai 2020 (Benjamin Moore & Co (Re), 2020 CACB 16, décision du commissaire no 1536 [DC 1536]).
[4] Le demandeur a interjeté appel de DC 1536 devant la Cour fédérale, qui a accueilli l’appel (Benjamin Moore & Co c. Canada (Procureur général), 2022 CF 923). La Cour fédérale a renvoyé la demande au commissaire pour qu’il rende une nouvelle décision conformément à un cadre juridique nouvellement proposé pour évaluer la brevetabilité.
[5] Ce nouveau cadre d’évaluation proposé était différent de celui utilisé dans notre pratique actuelle, telle que présentée dans l’EP2020-04. L’EP2020-04 a été promulguée après CD 1536, mais avant que le demandeur n’interjette appel de cette décision devant la Cour fédérale. (L’EP2020-04 était le résultat d’une révision de la pratique de l’OPIC, motivée par une affaire non liée tranchée en août 2020 (Choueifaty c. Canada (Procureur général), 2020 CF 837 [Choueifaty]).) Par conséquent, le procureur général du Canada a interjeté appel de la décision de la Cour fédérale, soutenant que le cadre d’évaluation ordonné n’était pas conforme en droit. Le procureur général du Canada a demandé que la demande soit plutôt renvoyée au commissaire pour qu’il rende une nouvelle décision conformément à la pratique actuelle.
[6] La Cour d’appel fédérale a accueilli l’appel, ordonnant au commissaire de rendre une nouvelle décision concernant la brevetabilité à la lumière de la pratique la plus récente de l’OPIC, et en fonction des motifs de la Cour (Benjamin Moore, aux par. 13 et 98). L’Institut de la propriété intellectuelle du Canada a demandé l’autorisation d’interjeter appel du jugement devant la Cour suprême du Canada, mais sa demande a été cassée.
[7] Le 25 septembre 2023, le demandeur a présenté à l’OPIC un deuxième ensemble de revendications proposées modifiées pour plus de clarté. Un nouveau comité de la Commission a été formé, dont nous, les soussignés, sommes les membres. Nous avons effectué une révision préliminaire de la demande et avons communiqué les résultats au demandeur dans une lettre de révision préliminaire datée du 27 novembre 2023. La lettre expliquait que les revendications au dossier définissent un objet non brevetable (p. 13 à 20). La lettre expliquait également la raison pour laquelle nous ne considérions pas le deuxième ensemble de revendications proposées comme une modification qui rendrait la demande acceptable (p. 20). Enfin, la lettre invitait le demandeur à répondre en présentant des observations écrites et en indiquant si elle souhaitait participer à une audience (p. 2).
[8] Le demandeur a répondu en présentant des observations écrites à l’appui de l’acceptation le 2 janvier 2024. Le demandeur a également demandé [traduction] « une nouvelle révision préliminaire compte tenu des observations » qu’elle a présentées, et s’est réservé [traduction] « le droit de demander une audience à une date ultérieure » (p. 1).
[9] Nous avons envoyé une lettre au demandeur le 31 janvier 2024, expliquant pourquoi nous n’avions pas l’intention de procéder à une autre révision préliminaire. En règle générale, notre pratique ne permet pas des révisions supplémentaires sur demande (voir, par exemple, le Manuel des procédures de la Commission d’appel des brevets pour les demandes de brevet refusées (OPIC), aux sections 1.0, 2.4, 2.5 et 2.7 (version de décembre 2023)). Notre révision préliminaire était complète, et nous en avons partagé les résultats avec le demandeur. Nous avions invité le demandeur à répondre à ces résultats et à demander une audience, s’il le souhaitait. Étant donné que notre prochaine étape consistait à examiner les observations écrites du demandeur et de formuler une recommandation à l’intention du commissaire, il n’y aurait aucune autre occasion de demander une audience. Notre lettre a donc poursuivi son explication en demandant au demandeur de confirmer s’il souhaitait participer à une audience. Le demandeur a en fin de compte refusé de demander une audience, et le 15 juillet 2024, on nous a demandé, par courriel, de procéder sur la base du dossier écrit disponible.
Questions en litige
[10] La Cour d’appel fédérale nous a ordonné de trancher à nouveau sur la question suivante :
- Les revendications au dossier 1 à 36 définissent-elles un objet qui ne correspond pas à la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, ch P-4 (la Loi sur les brevets), et qui est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets?
[11] Nous devions ensuite examiner la question suivante :
- Le remplacement des revendications au dossier par le deuxième ensemble de revendications proposées 1 à 35 rendrait-il la demande acceptable, comme requis pour constituer une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, DORS/2019-251 (les Règles sur les brevets)?
[12] Avant de nous prononcer à nouveau sur la brevetabilité de l’objet revendiqué, nous avons dû procéder à une interprétation téléologique des revendications.
Interprétation téléologique
Principes
[13] Il faut procéder à une interprétation téléologique des revendications avant d’examiner les questions relatives à la validité (Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, au par. 19 [Free World Trust]; et Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, au par. 43 [Whirlpool]).
[14] L’interprétation téléologique des revendications est effectuée du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes pertinentes à la date de la publication (Free World Trust, aux par. 31, 43, 44, 5 à 60 et 66; Whirlpool, aux par. 45, 48, 49 et 52 à 55). La divulgation complète est prise en compte, y compris le mémoire descriptif et les dessins.
[15] En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique montrera « que certains éléments de l’invention sont essentiels, alors que d’autres ne le sont pas » (Free World Trust, aux par. 15, 31e) et 55; Whirlpool, aux par. 45 et 48; Eli Lilly Canada Inc .c Apotex Inc, 2024 FCA 72, au par. 16; voir aussi Choueifaty, au par. 28). Les éléments revendiqués sont présumés être essentiels, à moins que le contraire soit établi ou qu’une telle présomption soit contraire au libellé de la revendication (Free World Trust, au par. 57, Distrimedic Inc c. Dispill Inc, 2013 CF 1043, aux par. 200 et 201 [Distrimedic]). Par conséquent, la question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci, et de la question de savoir s’il aurait été évident qu’une variante n’a pas d’effet matériel sur le fonctionnement de l’invention (Free World Trust, aux par. 31e), 51, 52, 55 à 57 et 59; Easton Sports Canada Inc c. Bauer Hockey Corp, 2011 CAF 83, aux par. 31 et 39; Halford c. Seed Hawk Inc, 2006 CAF 275, aux par. 13 et 14).
[16] Une variante représente une substitution ou une omission d’un élément revendiqué. Il est considéré que la variante n’a aucun effet matériel sur une invention revendiquée lorsqu’elle fonctionne de la même manière que l’invention revendiquée. Free World Trust, aux par. 55 à 57 (voir aussi dTechs EPM Ltd c. British Columbia Hydro and Power Authority, 2021 CF 190, aux par. 157 à 160, conf. par 2023 CAF 115, autorisation d’appel à la CSC refusée, no 40869 (15 février 2024)) :
Dans ce contexte, je crois qu’il faut entendre par « fonctionner de la même manière » que la variante (ou le composant) accomplirait essentiellement la même fonction, d’une manière essentiellement identique pour obtenir essentiellement le même résultat.
[17] L’interprétation du sens des termes et l’identification des éléments essentiels sont toutes deux effectuées à la lumière des connaissances générales courantes pertinentes. Par conséquent, il faut d’abord identifier la personne versée dans l’art et déterminer ses connaissances générales courantes.
La personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes
[18] Nous définissons la personne versée dans l’art comme une équipe composée de professionnels des couleurs et de technologues de soutien. L’équipe connaît bien la théorie générale des couleurs et ses concepts généraux, ainsi que les systèmes informatiques de sélection de couleurs conventionnels.
[19] La personne versée dans l’art est le destinataire d’une demande de brevet, et elle est censée être capable de faire fonctionner l’invention divulguée et revendiquée (Whirlpool, aux par. 42, 53, 70 et 71; Almecon Industries Ltd c. Nutron Manufacturing Ltd (1996), 72 CPR (3d) 397, à la p. 401 (CAF); Arctic Cat Inc c. Bombardier Produits Récréatifs Inc, 2016 CF 1047, aux par. 146, 159 et 164, conf. par 2018 CAF 125). Par conséquent, comprendre l’objet de l’invention, le problème abordé et la façon dont l’invention y répond peut aider à identifier la personne versée dans l’art.
[20] L’expérience de la personne versée dans l’art en l’espèce ne se limite pas à l’industrie de la peinture. Les revendications au dossier ne limitent pas l’utilisation de leurs méthodes et dispositifs à une entreprise de peinture ou aux clients de celle-ci. Le mot « peinture » ne figure que dans les revendications dépendantes 32 et 33. De plus, la description (par. 2 à 4 et 103) indique que l’invention a une utilisation au-delà de l’industrie de la peinture et qu’elle :
[traduction]
[…] peu[t] également être appliqu[ée] à d’autres domaines où la coordination des couleurs est précieuse, comme dans le choix des tissus pour les meubles, les couleurs des revêtements muraux, les couleurs des moquettes et les couleurs des appareils, pour ne nommer que quelques applications possibles.
[21] La Cour d’appel fédérale a fait une observation similaire dans Benjamin Moore (par. 42) :
Une compréhension de l’objectif, du problème et de sa solution peut également se révéler utile lorsqu’il s’agit de déterminer à qui le brevet s’adresse. Par exemple, si l’auteur de la demande en l’espèce est une société de peinture, il semble (du moins à mon avis,) que le monopole revendiqué pourrait viser le recours à un système mis en œuvre par ordinateur permettant des choix de couleurs par des artistes, des paysagistes – pour le choix des fleurs –, des fabricants de mobilier ou quiconque procède à la réorganisation d’une garde-robe.
[22] La personne versée dans l’art a été identifiée dans DC 1536 comme étant une personne ne connaissant pas nécessairement bien des théories de couleur aussi avancées que l’harmonie des couleurs et l’émotion des couleurs (par. 26 à 28). Nous considérons que la personne versée dans l’art connaît suffisamment avec ces théories, compte tenu de la description de l’objet de l’invention, du problème qu’elle est censée résoudre et de la façon dont elle le résout.
[23] La description explique que des outils de sélection de couleurs existent déjà dans divers secteurs (par. 3). Néanmoins, il est toujours difficile pour les consommateurs non formés et les designers expérimentés de choisir des combinaisons de couleurs, compte tenu de l’abondance de couleurs. Il est nécessaire d’avoir un système qui peut aider ses utilisateurs [traduction] « à faire des choix confiants et satisfaisants en matière de sélection de couleurs » (par. 4). L’invention vise à répondre à ce besoin en offrant [traduction] « un système de sélection de couleurs pour aider les consommateurs et les designers à rechercher les couleurs souhaitées et à développer des palettes de couleurs qui peuvent évoquer des émotions particulières et créer une harmonie » (par. 2, 23 et 84). La description explique comment le système atteint son objectif (par. 84) :
[traduction]
En utilisant des modèles mathématiques des perceptions psychophysiques humaines, fondés sur des données de réponse recueillies auprès d’une pluralité de sujets, les réalisations décrites dans les présentes simulent les réactions humaines typiques aux couleurs et aux combinaisons de couleurs, et utilisent ces renseignements pour aider les utilisateurs à choisir des couleurs. Ainsi, dans les exemples de réalisations, les méthodes et les dispositifs de sélection des couleurs décrits dans les présentes peuvent fournir une seconde opinion virtuelle sur les sentiments ou les émotions de couleur propres à l’utilisateur, ce qui peut améliorer la confiance de l’utilisateur dans la sélection des couleurs, en particulier dans des environnements où les utilisateurs peuvent être confrontés à plusieurs couleurs dans un court laps de temps. En outre, dans les exemples de réalisations, les méthodes et les dispositifs de sélection des couleurs décrits dans les présentes peuvent être utilisés pour filtrer le nombre de sélections de couleurs possibles présentées à l’utilisateur et ainsi réduire la confusion à l’idée de se voir présenter une myriade de choix de couleurs.
[24] De plus, les revendications au dossier visent des méthodes mises en œuvre par ordinateur et des dispositifs informatiques. Toutes les réalisations suggérées par la description et les dessins semblent impliquer un ordinateur. Par conséquent, la définition de la personne versée dans l’art devrait aussi tenir compte de ce fait.
[25] Par conséquent, les professionnels des couleurs de l’équipe constituant la personne versée dans l’art seraient expérimentés dans l’application de théories des couleurs impliquant la perception des couleurs, l’harmonie et les émotions. Ces professionnels seraient également expérimentés dans l’utilisation d’outils conceptuels comme des espaces couleur et des systèmes de coordination (par exemple, l’espace couleur CIELAB). Les technologues de l’équipe seraient expérimentés dans le développement et la fourniture de systèmes et de logiciels conventionnellement utilisés pour soutenir les conceptions et les activités de ces professionnels.
[26] Selon cette définition de la personne versée dans l’art, nous déterminons que les connaissances générales courantes pertinentes à la date de publication (le 15 janvier 2009) comprennent :
- les outils et les méthodes conventionnels pour sélectionner des combinaisons de couleurs, y compris :
- les espaces couleur et les systèmes de coordination des couleurs (par exemple, l’espace couleur CIELAB), ainsi que les roues de couleurs;
- les théories générales relatives à la manière dont les couleurs sont perçues comme harmonieuses, et quelles émotions sont suscitées par des couleurs particulières;
- les techniques conventionnelles de modélisation mathématique et de programmation informatique;
- la conception, la mise en œuvre, l’exploitation et l’entretien de systèmes informatiques, de réseaux et de logiciels, notamment :
- des systèmes informatiques pour proposer des couleurs harmonieuses en fonction de la couleur sélectionnée ou créée par l’utilisateur,
- des ordinateurs à usage général, des dispositifs informatiques, des processeurs, des interfaces utilisateurs et des périphériques,
- des dispositifs informatiques et de communication portables, ainsi que d’autres équipements informatiques disponibles sur le marché,
- des systèmes de base de données et d’autres systèmes de stockage de données,
- un réseau informatique et d’autres systèmes de communication de données.
[27] Nous fondons également cette définition sur ce que la description en instance décrit comme étant généralement connu ou fait habituellement dans le domaine (par. 2 à 4, 35 à 41 et 52). Cette définition est également étayée par les divulgations dans les documents D1, et D3 à D10, lesquels renvoient aux documents suivants, qui sont pertinents pour les déterminer les connaissances générales courantes. Ces documents divulguent un objet semblable ou connexe à celui de l’invention en instance :
D1 : |
US 7136074 |
14 novembre 2006 |
Hussie |
D3 : |
Li-Chen Ou et al., « A study of colour emotion and colour preference. Part I: colour emotions for single colours » (juin 2004), 29:3 Color Research & Application 232 |
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D4 : |
Li-Chen Ou et al., « A study of colour emotion and colour preference. Part II: colour emotions for two-colour combinations » (août 2004), 29:4 Color Research & Application 292 |
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D5 : |
Li-Chen Ou et al., « A study of colour emotion and colour preference. Part III: colour preference modeling » (octobre 2004), 29:5 Color Research & Application 381 |
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D6 : |
Li-Chen Ou et M. Ronnier Luo, « A colour harmony model for two-colour combinations » (juin 2006), 31:3 Color Research & Application 191 |
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D7 : |
Nathan Moroney et al., « The CIECAM02 color appearance model », compte-rendu de la dixième IS&T/SID Color Imaging Conference (CIC10), 12 au 15 novembre 2002, à Scottdale (Arizona) |
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D8 : |
Tetsuya Sato et al., « Numerical expression of colour emotion and its application », compte-rendu de la réunion AIC 2003 Bangkok: Color Communication and Management, 4 au 6 août 2003, Bangkok (Thaïlande) (CGT, 2003), p. 365; en ligne : AIC – Association Intarionale de la Couleur – Compte-rendu, https://aic-color.org/resources/Documents/aic2003.pdf |
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D9 : |
Xingmei Wang, Li-Chen Ou et Ronnier Luo, « Influence of area proportion on colour harmony », présentation à l’International Conference on Colour Harmony tenue du 24 au 26 avril 2007, à Budapest (Hongrie). |
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D10 : |
US 2004/0046802 |
11 mars 2004 |
Wright et al. |
[28] Les documents D1 et D10 divulguent des méthodes informatisées pour aider les utilisateurs à choisir des combinaisons de couleurs harmonieuses. Les documents D3 à D5 divulguent et explorent les modèles d’émotions de couleurs pour les couleurs et les combinaisons de couleurs. Les documents D5, D6 et D9 divulguent et explorent des modèles d’harmonie des couleurs pour les combinaisons de couleurs. Le document D7 divulgue un modèle expérimental d’aspects chromatiques. Le document D8 révèle une méthode d’expression numérique des émotions de couleurs à l’aide d’une formule dérivée des résultats de tests d’évaluation visuelle.
[29] Comme la demande en instance, les documents cités décrivent certaines choses comme étant généralement connues ou conventionnellement réalisées dans le domaine. Plus précisément, ils renvoient à :
- des théories générales bien connues concernant :
- la façon dont les couleurs sont perçues comme harmonieuses (document D1, colonnes 1 à 3; document D5, p. 381 et 382; document D6, p. 191 et 192); document D9, introduction; document D10, aux par. 1 et 2),
- les émotions suscitées par des couleurs particulières (document D3, p.s 232 et 233); document D4, p. 292 et 293); document D5, p. 381 et 382); document D6, p. 191 et 192); document D8, p. 365; document D9, introduction);
- des systèmes informatiques bien connus pour proposer des couleurs harmonieuses en fonction de la couleur sélectionnée ou générée par un utilisateur (document D1, colonnes 1 à 3); document D10, aux par. 1 et 2; document D8, p. 368, qui envisage également le développement de tels systèmes);
- la dérivation des modèles d’aspects de couleurs à partir des expériences de couleurs correspondantes et des expériences d’aspects de couleurs (document D7, p. 23).
[30] Ci-dessus, nous avons identifié des systèmes informatiques de sélection de couleurs et des technologies informatiques à usage général comme faisant partie des connaissances générales courantes. Cette identification est également étayée par la faible quantité de détails dans la demande concernant la mise en œuvre du système de sélection de couleurs, ainsi que de son matériel et de ses logiciels. Ce nombre limité de détails suggère que cette mise en œuvre doit pouvoir être comprise par la personne versée dans l’art.
[31] Le demandeur n’a pas contesté ces définitions de la personne versée dans l’art et de ses connaissances générales courantes pertinentes, telles qu’énoncées dans la lettre de révision préliminaire. Ces définitions fournissent le fondement nécessaire pour procéder à une interprétation téléologique des revendications.
Les revendications
[32] Il y a 36 revendications au dossier. Les revendications indépendantes 1, 17 et 27 à 29 au dossier concernent des méthodes mises en œuvre par ordinateur, et la revendication indépendante 31 au dossier concerne un dispositif informatique. La revendication 1 est illustrative :
[traduction]
Revendication 1 Une méthode de sélection de couleurs mise en œuvre par ordinateur, comprenant :
l’association, au moyen d’un contrôleur, en fonction d’une équation mathématique dérivée de la mesure des réponses psychophysiques d’une pluralité de sujets d’essai à une première pluralité de couleurs d’essai, d’un score de couleur à chacune d’une deuxième pluralité de couleurs qui sont définies numériquement dans un inventaire de couleurs stocké dans un moyen de stockage;
la réception d’une entrée d’un utilisateur à partir d’un dispositif d’entrée, par l’intermédiaire d’une interface utilisateur visuelle d’un écran d’affichage de couleurs, sélectionnant au moins trois couleurs à partir de l’inventaire de couleurs;
l’affichage sur l’interface utilisateur visuelle de l’écran d’affichage des couleurs d’un échantillon de couleurs de chacune d’au moins trois couleurs sélectionnées, dans une position relative de sélection de couleurs sur l’écran d’affichage de couleurs, affiché simultanément sur l’écran d’affichage de couleurs;
l’affichage sur l’interface utilisateur visuelle d’un score de couleur combiné pour ladite combinaison de couleurs;
dans laquelle le score de couleur combiné est calculé à l’aide du contrôleur comme suit :
(a) calculant pour chaque paire unique de combinaison de couleurs qui sont adjacentes l’une à l’autre, un score de couleur d’une paire adjacente à l’aide d’une première équation en fonction du score de couleur de chaque couleur dans la paire adjacente;
(b) calculant pour chaque paire unique de combinaison de couleurs qui sont non adjacentes l’une à l’autre, un score de couleur d’une paire non adjacente à l’aide d’une deuxième équation en fonction du score de couleur de chaque couleur dans la paire non adjacente;
(c) dans laquelle le score de couleur combiné est égal à 1/n • (∑score ou scores de la paire de couleurs adjacentes + ∑score ou scores de la paire de couleurs non adjacentes), dans laquelle n est le nombre total de paires adjacentes et non adjacentes uniques dans la combinaison de couleurs.
[33] La méthode de la revendication indépendante 17 diffère de celle de la revendication 1 en définissant l’interface utilisateur visuelle de manière plus détaillée, et en définissant le calcul du score des couleurs combinées (appelée [traduction] « première valeur de perception psychophysique humaine » dans la revendication 17) de manière moins détaillée. Les revendications indépendantes 27 et 28 sont semblables à la revendication 17, mais citent, respectivement, le calcul supplémentaire d’une valeur de perception d’harmonie des couleurs et d’une valeur d’émotion des couleurs pour la combinaison de couleurs. Ces calculs sont semblables à ceux de la revendication 1. La revendication indépendante 29 est semblable à la revendication 17, mais précise également qu’une des valeurs de perception psychophysique humaine représente une association de réponse émotionnelle chaude-froide pour la combinaison de couleurs, et définit une équation pour calculer un score d’émotion de couleur pour chaque couleur.
[34] Le dispositif informatique indépendant mentionné dans la revendication 31 est principalement défini par le fait qu’il s’agit d’un dispositif programmé pour exécuter la méthode de l’une des revendications 1 à 29.
[35] Les revendications dépendantes 2 à 10, 12 à 16, 18 à 20, 22 à 26, 33, 35 et 36 au dossier comprennent des détails supplémentaires sur l’importance ou la signification des renseignements de sortie affichés, ainsi que sur la manière dont ils sont présentés. La revendication dépendante 11 au dossier comprend des détails supplémentaires sur la façon dont les couleurs sont définies dans la bibliothèque de couleurs. Les revendications dépendantes 21 et 32 au dossier comprennent des détails supplémentaires concernant le format d’affichage de l’interface visuelle configurée pour accepter des entrées, ainsi que la signification des renseignements qu’elle affiche. La revendication dépendante 30 au dossier précise comment l’écran de couleur est calibré pour représenter les couleurs réelles dans certaines conditions d’éclairage. La revendication dépendante 34 au dossier ajoute que l’utilisateur peut modifier la disposition des couleurs affichées dans l’interface visuelle.
[36] Étant donné que le sens des termes dans les revendications au dossier n’est pas un enjeu, notre interprétation téléologique est axée sur la détermination des éléments revendiqués qui sont essentiels.
Les éléments des revendications 1 à 36 sont essentiels
[37] Le demandeur a soutenu dans sa réponse à notre lettre de révision préliminaire [traduction] « que tous les éléments des revendications sont prima facie essentiels, tels qu’intentionnellement perçus par le ou les inventeurs » (p. 2). Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, bien que les éléments revendiqués soient présumés être essentiels, cette présomption peut être réfutée (Free World Trust; Distrimedic). La présence d’un élément dans une revendication ne peut pas être concluante.
[38] De plus, il pourrait y avoir des préoccupations concernant l’usage excessif de la présomption. Benjamin Moore, au par. 43 :
[…] s’il y a effectivement recours excessif à tel principe, on accord[erait] ainsi une grande importance à la formulation des revendications et néglige un peu, au moins à l’étape de l’examen de la demande, le fait mentionné dans l’arrêt Amazon [au par. 44] suivant lequel les revendications peuvent être exprimées dans des termes trompeurs par leur auteur, par inadvertance ou de manière délibérée.
[39] Une interprétation téléologique montrera si un élément revendiqué est essentiel, en fonction de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci, et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.
[40] En ce qui concerne l’intention, la revendication 1 au dossier ne semble pas avoir pour but de distinguer l’un de ses éléments comme étant non essentiel. Plus précisément, l’utilisation d’un certain type de système informatique est clairement prévue, selon le libellé de la revendication 1. En règle générale, un ordinateur est programmé pour effectuer certains calculs et afficher des résultats, en fonction des données saisies par l’utilisateur.
[41] En ce qui concerne l’effet des variantes sur l’invention, omettre tous les ordinateurs de la revendication 1 aurait un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention. La demande propose de fournir un système de sélection de couleurs (voir, par exemple, le titre; aux par. 2 à 4, 23 et 84). Partout où la demande définit ce système, elle définit toujours le système comme étant un système informatique. Aucune réalisation non informatique n’est suggérée. La personne versée dans l’art considérerait qu’une réalisation non informatique ne parvient pas à « accompli[r] essentiellement la même fonction, d’une manière essentiellement identique pour obtenir essentiellement le même résultat » (Free World Trust, au par. 55). Une telle variante aurait un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention revendiquée.
[42] Ainsi, à la fois l’intention exprimée dans la revendication et l’effet matériel de la variante suggèrent que les éléments informatiques sont essentiels. L’effet global de la description, des dessins et des revendications porterait la personne versée dans l’art, à la lumière de ses connaissances générales courantes, à considérer que l’utilisation d’un ordinateur dans l’invention revendiquée était essentielle.
[43] Par conséquent, nous considérons que tous les éléments de la revendication 1 au dossier sont essentiels. Un raisonnement similaire s’applique également aux autres revendications au dossier.
Brevetabilité : les revendications 1 à 36 ne sont pas brevetables
Principes
[44] Une revendication doit définir un objet qui correspond à l’une des catégories énoncées dans la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets. La définition d’« invention » à l’article 2 impose implicitement une exigence de caractère matériel (Canada (procureur général) c. Amazon.com Inc, 2011 CAF 328, aux par. 64 à 69 [Amazon.com]; Benjamin Moore, aux par. 53, 61, 64, 89 et 94), voulant que l’objet revendiqué soit une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable.
[45] Le demandeur exprime son désaccord dans sa réponse à notre lettre de révision préliminaire, soutenant que rien n’étaye l’affirmation selon laquelle il existe une exigence de caractère matériel ou que l’article 2 en impose implicitement une (p. 2, 12 et 13).
[46] Une simple idée ou découverte n’est pas brevetable; la découverte doit être réalisée par une application pratique permettant d’atteindre le résultat souhaité (Amazon.com, au par. 66; Benjamin Moore, au par. 64). Une invention doit être concrète et tangible. Il doit y avoir « une manifestation, un effet ou un changement de nature quelconque ». En d’autres termes, « il est implicite dans la définition d’“invention” qu’un objet brevetable doit être une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable » (Amazon.com, au par. 66). Il s’agit de l’« exigence du caractère matériel » imposée par la définition d’« invention » l’article 2 (Amazon.com, aux par. 68 et 69).
[47] Indépendamment de cette exigence du caractère matériel, aucun brevet ne peut être octroyé pour un simple principe scientifique, un théorème abstrait ou une formule mathématique (Loi sur les brevets, par. 27(8); Schlumberger Canada Ltd c. Commissaire aux brevets, [1982] 1 CF 845 (CAF), à la p. 847, autorisation d’appel à la CSC refusée, (1981), 63 CPR (2d) 261 [Schlumberger]).
[48] Les algorithmes, tout comme les formules mathématiques, sont des idées (Amazon.com, aux par. 61 à 63 et 69; Benjamin Moore, au par. 85). Les revendications ne satisfont donc pas à l’exigence du caractère matériel imposée par l’article 2 et sont également interdites en vertu du paragraphe 27(8). En conséquence, elles ne sont pas brevetables.
[49] Le demandeur a soutenu que, puisque les revendications comprennent des éléments essentiels matériels (par exemple, des composants et des étapes informatiques), l’objet des revendications correspond à un objet autorisé par la loi (p. 10, 14 et 15).
[50] L’objet revendiqué n’est pas automatiquement brevetable parce que ses éléments essentiels comprennent un ordinateur (Benjamin Moore, au par. 87). Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, l’exigence du caractère matériel imposée par l’article 2 signifie qu’une découverte doit être réalisée par une application pratique permettant d’atteindre un résultat souhaité. Toutefois, le simple fait qu’une revendication ait une application pratique peut être insuffisant (Amazon.com, aux par. 61 et 66 à 69; Benjamin Moore, aux par. 66 et 94). Plus particulièrement, programmer un ordinateur pour qu’il exécute simplement un algorithme d’une manière bien connue, sans améliorer le fonctionnement de l’ordinateur, ne lui confère pas le caractère matériel nécessaire pour le rendre brevetable. Cela ne contournerait pas non plus l’interdiction prévue au paragraphe 27(8) (Schlumberger; Amazon.com, aux par. 62, 63 et 69).
[51] Lors de l’évaluation d’objets revendiqués mis en œuvre par ordinateur, il faut déterminer la combinaison d’éléments qui constitue l’invention réelle (EP2020-04, section « Objet »). C’est ce que les tribunaux appellent également le caractère « nouveau » ou « ce qui a été ajouté à la connaissance humaine » (Shell Oil Co c. Commissaire des brevets, [1982] 2 RCS 536, à la p. 548 [Shell Oil]; Benjamin Moore, au par. 64, 68, 69, 87, 89 et 94; Amazon.com, au par. 42, 62 et 63).
[52] On peut alors évaluer si cette « invention réelle » a été réalisée par une application pratique ou une réalisation physique d’une manière qui satisfait l’exigence du caractère matériel (Shell Oil, à la p. 549; Amazon.com, aux par. 46 et 50; Benjamin Moore, aux par. 64 et 68). Cette invention réelle est également pertinente aux autres exigences et exclusions législatives et judiciaires relatives à l’évaluation de l’objet brevetable (Amazon.com, au par. 42; Benjamin Moore, aux par. 68 et 72). L’interdiction prévue au paragraphe 27(8) est une exclusion prévue par la loi. Un exemple d’une autre exigence législative ou judiciaire pertinente est la nécessité d’appartenir à la catégorie des « réalisations manuelles ou industrielles ». Ces exemples sont indépendants de l’exigence du caractère matériel.
[53] La définition d’« invention » à l’article 2 exige que l’objet revendiqué appartienne aux « catégories bien comprises d’objets brevetables » (Amazon.com, au par. 58). Ces catégories ont été appelées de diverses façons dans la jurisprudence, notamment des « réalisations manuelles ou industrielles » (voir, par exemple, Imperial Chemical Industries Ltd c Commissaire des brevets, [1986] 3 CF 40 (CAF), aux p 48 et 49 [Imperial Chemical Industries]; Tennessee Eastman Co c. Commissaire des brevets (1970), 62 CPR 117 (C de l’Ex), aux p 127, 129, 134, 138, 149, 150, 154 et 155 [Tennessee Eastman], conf par (1972), [1974] RCS 111;Lawson c. Commissaire des brevets (1970), 62 CPR 101 (C de l’Ex), à la p. 111 [Lawson]).
[54] L’EP2020-04 décrit les « réalisations manuelles ou industrielles » comme « des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles » (section « Objet »). Une invention réelle doit se rapporter aux réalisations manuelles ou industrielles, peu importe le domaine de l’invention; en d’autres termes, cette exigence s’applique également aux inventions mises en œuvre par ordinateur (EP2020-04, section « Inventions mises en œuvre par ordinateur »).
[55] Les objets qui ne sont pas des réalisations manuelles ou industrielles comprennent les « compétences professionnelles » et les « beaux-arts » (Shell Oil, aux p. 554 et 555; voir aussi Amazon.com, aux par. 49, 50 et 58; Tennessee Eastman, aux p. 127, 129, 143, 154 et 155; Lawson, aux p. 110 et 111; Imperial Chemical Industries, aux p. 48 à 50) :
[…] la substance n’était pas brevetable parce qu’elle était essentiellement de nature non économique et non reliée au commerce ou à l’industrie. Elle appartenait plutôt au domaine de la compétence professionnelle.
[56] Il a été jugé que les catégories non brevetables des « compétences professionnelles » et des « beaux-arts » comprennent des exemples comme :
- un objet qui n’est « origina[l] que dans un sens […] esthétique » (Amazon.com, au par. 58);
- [traduction] « une méthode pour décrire et placer des parcelles de terrain dans un plan de lotissement d’un plus grand terrain » (Lawson, à la p. 111; voir aussi Shell Oil, à la p. 555);
- [traduction] « une méthode de contre-interrogatoire ou de plaidoyer particulière » (Lawson, à la p. 111);
- « [une] méthode [qui] fait essentiellement partie du domaine professionnel du traitement chirurgical et médical du corps humain » (Imperial Chemical Industries, aux p. 48 à 50; Tennessee Eastman, aux p. 129, 136, 138 et 155; voir aussi Shell Oil, à la p. 555; Lawson, à la p. 111; Pharmascience Inc c Janssen Inc, 2024 CAF 23, aux par. 21 à 24, autorisation d’appel à la CSC accordée, no 41209 (19 septembre 2024));
- « [un] mode d’application [d’une nouvelle substance visant] à nettoyer ou traiter une partie du corps humain » (Imperial Chemical Industries, aux p. 43, 44, 46 et 48 à 50; voir aussi Tennessee Eastman, à la p. 129).
[57] Une telle méthode « fait essentiellement [toujours] partie du domaine professionnel […] même si à l’occasion elle peut être appliquée par des gens qui n’œuvrent pas dans ce domaine » (Imperial Chemical Industries, aux p. 44, 45 et 48; Tennessee Eastman, aux p. 124 et 155). De même, reconnaître qu’une méthode correspond à des « compétences professionnelles » ne nécessite pas que le succès de la méthode dépende [traduction] « de la compétence ou des connaissances » du praticien (Tennessee Eastman, à la p. 123; voir aussi les méthodes revendiquées dans Imperial Chemical Industries, aux p. 43 à 45, et Lawson, à la p. 105). La procédure peut être largement divulguée, facilement suivie et peut produire des résultats uniformes.
[58] Le demandeur a soutenu que l’exclusion des « compétences professionnelles » est beaucoup plus limitée. Il a suggéré qu’en plus des méthodes de traitement médical, une revendication valide pourrait toujours inclure des compétences professionnelles ayant [traduction] « l’originalité appropriée »; elle a cité Benjamin Moore (au par. 92) à l’appui (p. 2 et 15).
[59] Il ne semble pas y avoir de jurisprudence suggérant que des « compétences professionnelles » autrement non brevetables puissent être brevetées tant qu’il s’agit de « compétences professionnelles originales ». Premièrement, l’exemple cité dans Benjamin Moore semble servir à illustrer des aspects du concept de l’exigence du caractère matériel, et non le concept de « compétences professionnelles » (par. 92 à 94). Deuxièmement, les délibérations concernant les exemples cités ci-dessus et tirés de Lawson, de Tennessee Eastman, de Shell Oil et d’Imperial Chemical Industries n’influent pas sur l’originalité de leurs compétences professionnelles. En fait, les méthodes sont décrites comme ayant été [traduction] « conçues » par leurs créateurs, ou comme impliquant une nouvelle utilisation d’une composition connue, ou comme utilisant une nouvelle composition.
Analyse
[60] Nous considérons que les revendications au dossier visent un objet non brevetable et interdit. Les méthodes et systèmes informatiques revendiqués incarnent des systèmes informatiques programmés servant simplement à exécuter des modèles mathématiques d’une manière bien connue sans améliorer la fonctionnalité de l’ordinateur. Elles ne correspondent pas non plus à des « réalisations manuelles ou industrielles ».
[61] Nous l’avions indiqué de manière préliminaire dans notre lettre de révision préliminaire. Le demandeur a répondu [traduction] « [qu’]il est évident que les modèles sont des objets brevetables dans des circonstances appropriées » (p. 3 à 6). Le demandeur a cité des revendications de cinq [traduction] « brevets de sélection de couleurs » octroyés, soutenant que [traduction] « l’octroi de brevets dans le domaine de la sélection de couleurs doit se faire de manière cohérente ».
[62] Les brevets précédemment octroyés ne constituent pas un précédent contraignant. En outre, nous ne connaissons pas les circonstances uniques ayant conduit à l’octroi des brevets cités, et nous ne pouvons donc pas les comparer aux circonstances en l’espèce. « Comme toujours, la question de la brevetabilité en est une où les faits particuliers de l’affaire sont de très haute importance » (Benjamin Moore, au par. 86). Cette question est aggravée par le fait que les cinq brevets cités ont tous été octroyés avant la promulgation de l’EP2020-04, dont deux ont même été octroyés avant la publication d’Amazon.com.
[63] Le demandeur a également comparé l’invention revendiquée à un exemple dans le RPBB (section 22.03.03, exemple 1, modifié en octobre 2010), soutenant qu’elle devrait également être brevetable (p. 7 à 10). Toutefois, l’exemple cité vise une revendication non brevetable. Quoi qu’il en soit, cette section du RPBB a été remplacée par l’EP2020-04.
[64] L’invention réelle en l’espèce semble être une collection de valeurs (ou de scores) et de modèles mathématiques (voir, par exemple, aux par. 41 à 84). Ces valeurs et modèles visent à représenter comment les humains peuvent percevoir psychologiquement certaines couleurs et combinaisons de couleurs, et y réagir. Ils découlent de données psychométriques sur les réactions des sujets aux couleurs.
[65] Cette caractérisation de l’invention réelle est conforme à la déclaration du co-inventeur, Carl Minchew, soumise le 29 juin 2017 (énoncé 19) :
[traduction]
Notre idée collective, à mes co-inventeurs et moi, était que nous n’avons pas à suivre la théorie des couleurs conventionnelle fondée sur la roue des couleurs ou à suivre la sélection des experts en couleurs. Au lieu de cela, nous pourrions utiliser des scores de couleur fondés sur la perception psychophysique humaine, l’émotion des couleurs, l’harmonie des couleurs, et ainsi de suite, pour sélectionner une palette de couleurs.
[66] En soi, les valeurs et les modèles dérivés n’ont aucune existence physique et ne correspondent à aucune catégorie d’invention prévue à l’article 2. Étant donné qu’il s’agit en quelque sorte « de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques », ils ne sont pas non plus brevetables en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.
[67] La demande divulgue et revendique, pour utiliser ces valeurs et modèles, divers modes de réalisation de systèmes informatiques. Les systèmes informatiques sont programmés pour accepter les entrées des utilisateurs, réaliser des calculs et fournir des suggestions, selon les modèles de couleur psychophysiques proposés. Néanmoins, la demande semble envisager l’utilisation de moyens et techniques informatiques conventionnels pour mettre en œuvre l’invention (par. 23 à 27, 29, 31, 93 et 99; figure 1). Elle ne suggère aucun enjeu à cet égard. D’autres systèmes informatiques visant à proposer des couleurs harmonieuses en fonction de la couleur sélectionnée ou générée par un utilisateur font partie des connaissances générales courantes, comme mentionné ci-dessus. Comme le demandeur l’a reconnu à l’audience dans DC 1536, « il ne faisait pas fonctionner les ordinateurs de façon plus efficace et, à cet égard, il n’essayait pas de résoudre un problème informatique » (DC 1536, au par. 37).
[68] Dans sa réponse à notre lettre de révision préliminaire, le demandeur a comparé son invention à celle dans Shell Oil, soutenant que les deux reposent sur un principe scientifique nouvellement découvert (p. 13 et 14). Le demandeur a soutenu que dans l’invention en instance, le principe scientifique est fourni [traduction] « une application très réelle, physique et pratique » grâce aux composants informatiques.
[69] La situation en l’espèce est différente de celle dans Shell Oil, où les propriétés nouvellement reconnues des composés – l’utilisation nouvellement découverte des composés – ont été obtenues par une réalisation pratique en tant que compositions de régulateurs de croissance végétale (aux p. 549 et 551 à 555; voir aussi Benjamin Moore, au par. 64). Les compositions pouvaient être utilisées pour agir sur les plantes de manière souhaitée, car elles incorporaient certaines propriétés. En l’espèce, les perceptions et réactions psychologiques représentées par les modèles ne sont pas obtenues par une réalisation pratique de la même manière. Elles sont modélisées, et le modèle est utilisé pour fournir des informations. L’ordinateur est simplement utilisé comme outil pour manipuler les informations de manière plus rapide et plus efficace qu’un humain. Les valeurs et les modèles sont traités par un système informatique d’une manière bien connue. Les valeurs et les modèles n’améliorent pas la fonctionnalité du système informatique. Par conséquent, toute application pratique réalisée par l’utilisation de l’ordinateur ne fait pas partie de l’invention réelle, et elle ne peut pas aider l’invention réelle à satisfaire l’exigence du caractère matériel prévue à l’article 2 ou à contourner l’interdiction prévue au paragraphe 27(8).
[70] Ce scénario est semblable à celui dans Schlumberger (à la p. 847; voir aussi Benjamin Moore, aux par. 69 et 87; Amazon.com, aux par. 62 et 69). Dans cette affaire, l’invention réelle était la découverte que des renseignements utiles pouvaient être extraits de certaines mesures en effectuant certains calculs à l’aide de certaines formules mathématiques. Un ordinateur a été programmé pour réaliser l’invention en tant que méthode de collecte, d’enregistrement et d’analyse de données sismiques, mais la méthode a été jugée non brevetable. « Dans Schlumberger, les revendications n’ont pas été déclarées valides en raison du fait qu’elles avaient trait à l’utilisation d’un outil matériel, un ordinateur, pour donner une application pratique à la nouvelle formule mathématique » (Amazon.com, au par. 69). C’est parce que la seule invention réelle de l’invention revendiquée était des formules mathématiques (équivalant à « de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques » et interdites en vertu du paragraphe 28(3) de la Loi sur les brevets) et des calculs (« les opérations et processus mentaux […] n’ont rien à voir avec les procédés dont fait état la définition d’invention à l’article 2 »). Bien que l’utilisation de l’ordinateur ait été essentielle (comme revendiqué), ce n’était rien de plus qu’un outil; il manipulait simplement les renseignements plus rapidement qu’un humain ne le pouvait.
[71] Le demandeur a répondu à notre lettre de révision préliminaire en indiquant que l’invention en instance se distingue de celle dans Schlumberger, car elle utilise des dispositifs d’entrée et de sortie différents de ceux de cette affaire (p. 14). Le demandeur a soutenu que les entrées de l’invention en instance sont variées et non frivoles, et que l’étape d’entrée par l’utilisateur renforce son caractère matériel. Le demandeur a laissé entendre que l’interface utilisateur [traduction] « utilise des mesures comme entrée (par exemple, sélection de couleurs) » et répond également à l’exigence du caractère matériel. Le demandeur a ajouté que les sorties de l’invention ne sont pas simplement le résultat de calculs, mais plutôt une gamme unique de couleurs.
[72] Les systèmes informatiques de sélection de couleurs, avec des interfaces utilisateur graphiques, font partie des connaissances générales courantes, comme mentionné ci-dessus. Ils acceptent conventionnellement les entrées des utilisateurs (parfois des sélections de couleurs) et produisent conventionnellement des couleurs. Comme dans Schlumberger, un système informatique est utilisé, d’une manière conventionnelle, pour accepter des entrées, réaliser des opérations et des calculs selon un modèle défini, et fournir des résultats. Le modèle ne vise pas à améliorer la fonction d’entrée ou de sortie. Le système informatique ne fait pas partie de l’invention réelle.
[73] Dans sa réponse à notre lettre de révision préliminaire, le demandeur avait également laissé entendre que l’invention revendiquée devrait être brevetable parce qu’elle produit des renseignements pouvant être utilisés dans une étape physique (p. 14). (Le demandeur avait formulé cette remarque en parlant du deuxième ensemble de revendications proposées, mais il a indiqué que cette remarque s’appliquait également aux revendications au dossier.) L’invention revendiquée produit un résultat destiné à une étape physique : [traduction] « mélanger, créer ou sélectionner la couleur finale de la peinture, la couleur de surface ou la couleur de revêtement de surface ». Par conséquent, le demandeur a suggéré que l’invention revendiquée est un processus physique qui entraîne des effets physiques discernables.
[74] Les revendications au dossier portent sur un système informatique programmé, d’une manière conventionnelle, pour accepter les renseignements saisis par un utilisateur, effectuer des opérations selon un modèle proposé et fournir des renseignements à l’utilisateur. Nous ne considérons pas la simple production de renseignements d’une certaine importance pour un utilisateur comme un effet physique discernable dans ce contexte. Il importe peu de savoir ce que l’utilisateur pourrait décider de faire plus tard avec ses nouveaux renseignements. Les renseignements fournis par l’invention dans Schlumberger étaient des « informations utiles », mais l’invention n’était néanmoins pas brevetable (Schlumberger, aux p. 846 et 847; voir aussi Amazon.com, au par. 62).
[75] Ce scénario est également décrit dans l’EP2020-04 (section « Inventions mises en œuvre par ordinateur », aux par. 2 et 3). La collection proposée de valeurs et de modèles ne résout aucun problème dans le fonctionnement de l’ordinateur utilisé, d’une manière bien connue, pour le mettre en pratique. Par conséquent, l’ordinateur et la collection de valeurs et de modèles n’interagissent pas de manière à former une seule invention réelle liée à des réalisations manuelles ou industrielles. L’invention réelle est la collection désincarnée de valeurs et de modèles, qui n’a aucune existence physique et qui ne manifeste aucun effet ou de changement physique discernable.
[76] De plus, l’invention réelle n’a pas trait à des « réalisations manuelles ou industrielles » brevetables. L’invention réelle concerne un objet non brevetable.
[77] L’invention réelle concerne des « compétences professionnelles » non brevetables, en ce sens que les valeurs et les modèles sont destinés à être utilisés pour fournir des suggestions, imitant des services professionnels. Selon la description, l’objet revendiqué vise à aider les consommateurs et les designers professionnels [traduction] « à faire des choix de sélection de couleurs satisfaisants et avec confiance » (par. 4 et 84), et ce, pour [traduction] « fournir un deuxième avis virtuel sur les propres sentiments ou émotions de l’utilisateur à l’égard des couleurs ». Pour y parvenir, des opérations sont effectuées en fonction des modèles pour [traduction] « simul[er] les réactions humaines typiques aux couleurs et aux combinaisons de couleurs, et utilisent ces informations pour aider les utilisateurs à choisir des couleurs ». Les méthodes et le dispositif revendiqués ont le même objectif que des services fournis par des designers professionnels et des experts en couleur, et simulent ces services (bien que ces fonctions puissent également être réalisées par des personnes en dehors du domaine). Cette caractérisation est cohérente avec les déclarations faites par le demandeur à l’audience dans DC 1536 (par. 34) :
M. Minchew a expliqué que l’invention a été élaborée en fonction du problème que le public a de la difficulté à choisir une couleur, en l’occurrence une couleur de peinture parmi la myriade de choix offerts. Ce choix devient encore plus difficile lorsqu’une combinaison de couleurs doit être choisie pour coordonner les choix de couleurs d’un espace. Ce rôle est traditionnellement rempli par des designers qui utilisent leurs connaissances et leur expertise pour conseiller les clients sur la coordination des couleurs.
[78] En conséquence, nous considérons que l’invention réelle en ce qui a trait aux méthodes et au dispositif revendiqués – les valeurs et les modèles décrits – relève du domaine non brevetable, y compris les « compétences professionnelles » et les « beaux-arts ». L’invention réelle ne concerne pas les « réalisations manuelles ou industrielles » brevetables.
[79] Nous avons pris une décision similaire dans la lettre de révision préliminaire; le demandeur n’a pas contesté ce raisonnement au-delà de ses observations mentionnées ci-dessus concernant la restriction relative à l’exclusion relative aux « compétences professionnelles ».
[80] En résumé, l’article 2 de la Loi sur les brevets impose aux inventions une « exigence du caractère matériel » et exige qu’elles se rapportent aux « réalisations manuelles ou industrielles ». Les inventions doivent également éviter l’interdiction prévue au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. Étant donné que les méthodes et le dispositif décrits aux revendications 1 à 36 au dossier ne répondent à aucune de ces exigences (et que chacun de ces défauts serait fatal à la brevetabilité), nous les considérons comme non brevetables. Ces revendications définissent un objet qui ne relève pas des catégories d’invention définies à l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.
Le deuxième ensemble de revendications proposées ne peut pas être accepté
[81] Le deuxième ensemble de revendications proposées ne peut pas être accepté en tant que modification, puisqu’il ne rendrait pas la demande acceptable.
[82] Lorsqu’un rejet n’est pas retiré, la demande ne peut être modifiée que si le commissaire informe le demandeur que cette modification est nécessaire pour la rendre acceptable (ou si la modification est ordonnée par la Cour fédérale compétente) (Règles sur les brevets, par. 86(11) et 199(3), et article 200).
[83] À notre avis, le deuxième ensemble de revendications proposées ne corrige pas les irrégularités liées à la brevetabilité.
[84] Le deuxième ensemble de revendications proposées diffère des revendications au dossier parce qu’il incorpore la revendication 32 au dossier dans les revendications de méthode indépendantes proposées. (Les couleurs sélectionnées concernent maintenant toutes la peinture, une surface ou un revêtement de surface.) Le deuxième ensemble de revendications de méthode indépendantes proposées décrit également le modèle mathématique comme ayant été calculé au moyen de variables relatives à un espace de couleur. D’autres modifications mineures figurent également dans le deuxième ensemble de revendications proposées. La revendication 1 proposée dans le deuxième ensemble de revendications proposées est illustrative :
[Le gras indique du texte ajouté et les astérisques indiquent du texte supprimé.]
[traduction]
Revendication 1 Une méthode de sélection de couleurs mise en œuvre par ordinateur, comprenant :
l’association, au moyen d’un contrôleur, en fonction d’une équation mathématique dérivée de la mesure des réponses psychophysiques d’une pluralité de sujets d’essai à une *première* pluralité de couleurs d’essai, d’un score de couleur à chacune d’une deuxième pluralité de couleurs qui sont définies numériquement dans un inventaire de couleurs stocké dans un moyen de stockage;
la réception d’une entrée d’un utilisateur à partir d’un dispositif d’entrée, par l’intermédiaire d’une interface utilisateur visuelle d’un écran d’affichage de couleurs, sélectionnant au moins trois couleurs à partir de l’inventaire de couleurs;
l’affichage sur l’interface utilisateur visuelle de l’écran d’affichage des couleurs d’un échantillon de couleurs de chacune d’au moins trois couleurs sélectionnées, dans une position relative de sélection de couleurs sur l’écran d’affichage de couleurs, affiché simultanément sur l’écran d’affichage de couleurs;
l’affichage sur l’interface utilisateur visuelle d’un score de couleur combiné pour ladite combinaison de couleurs;
dans laquelle le score de couleur combiné est calculé au moyen de variables relatives à un espace de couleur découlant des couleurs sélectionnées et à l’aide du contrôleur comme suit :
(a) calculant pour chaque paire unique de combinaison de couleurs qui sont adjacentes l’une à l’autre, un score de couleur d’une paire adjacente à l’aide d’une *première* équation en fonction du score de couleur de chaque couleur dans la paire adjacente;
(b) calculant pour chaque paire unique de combinaison de couleurs qui sont non adjacentes l’une à l’autre, un score de couleur d’une paire non adjacente à l’aide d’une deuxième équation en fonction du score de couleur de chaque couleur dans la paire non adjacente;
(c) dans laquelle le score de couleur combiné est égal à 1/n • (∑score ou scores de la paire de couleurs adjacentes + ∑score ou scores de la paire de couleurs non adjacentes), dans laquelle n est le nombre total de paires adjacentes et non adjacentes uniques dans la combinaison de couleurs, où chacune des couleurs sélectionnées est une couleur de peinture, une couleur de surface ou une couleur de revêtement de surface.
[85] Le demandeur a soumis, en réponse à notre lettre de révision préliminaire, que le deuxième ensemble de revendications proposées est brevetable (p. 14). L’invention revendiquée produit un résultat destiné à une étape physique : [traduction] « mélanger, créer ou sélectionner la couleur finale de la peinture, la couleur de surface ou la couleur de revêtement de surface ». Par conséquent, le demandeur suggère que l’invention revendiquée est un processus physique qui entraîne des effets physiques discernables.
[86] Tout comme les revendications au dossier, le deuxième ensemble de revendications proposées portent sur un système informatique programmé, d’une manière bien connue, pour accepter les renseignements saisis par un utilisateur, effectuer des opérations selon un modèle proposé et fournir des renseignements à l’utilisateur (voir ci-dessus, aux par. 74 et 75). L’invention réelle dans le deuxième ensemble de revendications proposées reste les valeurs et modèles de couleurs. Le système informatique de sélection de couleurs concerné semble toujours être conventionnel (voir ci-dessus, au par. 72). Le simple traitement d’un tel modèle par un tel système informatique de la manière revendiquée ne l’aide pas à satisfaire l’exigence du caractère matériel prévue à l’article 2 (voir ci-dessus, au par. 69). Il ne permet pas non plus d’éviter l’interdiction prévue au paragraphe 27(8). L’invention réelle ne se rapporte pas non plus à des « réalisations manuelles ou industrielles », comme l’exige l’article 2 (voir ci-dessus, aux par. 76-78).
[87] Étant donné que le deuxième ensemble de revendications proposées ne corrige pas les irrégularités relevées dans les revendications au dossier, elles ne rendent pas la demande acceptable. Il s’ensuit qu’il ne peut pas s’agir d’une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.
La Commission recommande le refus de la demande
[88] À la lumière de ce qui précède, nous recommandons que la demande soit rejetée, puisque les revendications 1 à 36 au dossier définissent un objet non brevetable qui ne répond pas à la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.
Leigh Matheson |
Lewis Robart |
Christine Teixeira |
Membre |
Membre |
Membre |
Le commissaire rejette la demande
[89] Je suis d’accord avec les conclusions de la Commission et avec sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications 1 à 36 au dossier définissent un objet qui ne répond pas à la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.
[90] Je refuse donc, en vertu de l’article 40 de la Loi sur les brevets, d’octroyer un brevet pour cette demande. Le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada, conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets.
Konstantinos Georgaras
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
ce 22e jour d’août 2025.
Annexe
Dispositions pertinentes de la Loi sur les brevets, LRC 1985, ch P-4
Définitions
2 |
[…] invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité. […] |
Ce qui n’est pas brevetable
27(8) |
Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques. |
Le commissaire peut refuser le brevet
40 |
Chaque fois que le commissaire s’est assuré que le demandeur n’est pas fondé en droit à obtenir la concession d’un brevet, il rejette la demande et, par courrier recommandé adressé au demandeur ou à son agent enregistré, notifie à ce demandeur le rejet de la demande, ainsi que les motifs ou raisons du rejet. |
Appel à la Cour fédérale
41 |
Dans les six mois suivant la mise à la poste de l’avis, celui qui n’a pas réussi à obtenir un brevet en raison du refus ou de l’opposition du commissaire peut interjeter appel de la décision du commissaire à la Cour fédérale qui, à l’exclusion de toute autre juridiction, peut s’en saisir et en décider. |
Dispositions pertinentes des Règles sur les brevets, DORS/2019-251
Avis requérant des modifications
86(11) |
Si, au terme de sa révision d’une demande de brevet refusée, le commissaire a des motifs raisonnables de croire que la demande n’est pas conforme à la Loi ou aux présentes règles et que des modifications sont nécessaires pour que la demande soit jugée acceptable, il informe, par avis, le demandeur que ces modifications doivent être apportées au plus tard trois mois après la date de l’avis. |
Refus non annulé après la décision finale
199(3) |
Si le demandeur d’une demande de catégorie 3 répond de bonne foi à l’avis visé au paragraphe 30(4) des anciennes règles au plus tard à la date visée au paragraphe (4) du présent article et, après cette date, l’examinateur a des motifs raisonnables de croire que la demande n’est pas conforme à la Loi ou aux présentes règles : |
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a) |
si un avis n’a pas été envoyé en vertu du paragraphe 30(6)a) des anciennes règles, le commissaire informe, par avis, le demandeur que le refus n’est pas annulé; |
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b) |
toute modification apportée à la demande pendant la période commençant à la date de l’avis de décision finale et se terminant à la date prévue au paragraphe (4) du présent article est considérée comme n’ayant jamais été apportée; |
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c) |
le commissaire révise la demande. |
Aucune modification après le refus
200 |
Si la demande de catégorie 3 est refusée par l’examinateur en vertu du paragraphe 199(1) des présentes règles ou du paragraphe 30(3) des anciennes règles, les dessins et le mémoire descriptif compris dans celle-ci ne peuvent être modifiés après la date prévue au paragraphe 199(4) des présentes règles, sauf dans les cas suivants : |
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a) |
un avis est envoyé au demandeur l’informant que le refus est annulé; |
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b) |
les modifications apportées à la demande sont celles précisées dans un avis envoyé en application du paragraphe 86(11) des présentes règles ou du paragraphe 30(6.3) des anciennes règles; |
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c) |
la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale l’ordonne. |
Disposition pertinente des anciennes Règles sur les brevets, par. 30(3)
Il s’agit des Règles sur les brevets dans leur version immédiatement antérieure au 30 octobre 2019 (DORS/96-423).
30(3) |
Lorsque le demandeur a répondu de bonne foi à la demande de l’examinateur visée au paragraphe (2) dans le délai prévu, celui-ci peut refuser la demande s’il a des motifs raisonnables de croire qu’elle n’est toujours pas conforme à la Loi et aux présentes règles en raison des irrégularités signalées et que le demandeur ne la modifiera pas pour la rendre conforme à la Loi et aux présentes règles. |