Référence : Edward Jones & Co. (Re), 2025 CACB 7
Décision du commissaire no 1688
Commissioner’s Decision #1688
Date : 2025-05-26
SUJET : |
B22 |
Revendications—Portée excessive—Non appuyée par la divulgation |
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C00 |
Divulgation—Caractère adéquat ou inadéquat de la description |
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J00 |
Objet des demandes—Signification de la technique |
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TOPIC: |
B22 |
Claims—Excessive Width—Not Supported by Disclosure |
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C00 |
Disclosure—Adequacy or Deficiency of Description |
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J00 |
Subject Matter of Applications—Meaning of Art |
Demande no 2 800 066
Application No. 2800066
BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
Le commissaire rejette la demande de brevet numéro 2 800 066 sur recommandation de la Commission d’appel des brevets. La Commission a révisé la demande en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets, DORS/2019-251, à la suite du refus de la demande en vertu du paragraphe 30(3) des anciennes Règles sur les brevets, DORS/96-423.
Agent du demandeur :
BORDEN LADNER GERVAIS S.E.N.C.R.L.
World Exchange Plaza
1300—100, rue Queen
Ottawa (Ontario) K1P 1J9
Introduction
[1] La présente recommandation porte sur la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 800 066, qui est intitulée « Système et procédé pour un compte à gestion de revenu » et qui appartient à Edward Jones & Co. Les irrégularités qui subsistent, telles qu’indiquées dans la décision finale, sont que les revendications visent un objet non brevetable, que certaines revendications ne sont pas fondées sur la description et que la description des dessins contient une irrégularité.
[2] La Commission d’appel des brevets a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets, DORS/2019-251 (ci-après, les Règles sur les brevets dans cette version, à moins d’indication contraire). Comme il est expliqué ci-dessous, je recommande au commissaire aux brevets de rejeter la demande.
Contexte
La demande
[3] La demande de brevet canadien no 2 800 066 a une date de dépôt du 28 décembre 2012 et est devenue accessible au public le 29 juin 2013.
[4] La demande concerne généralement la gestion des comptes consolidés et, plus particulièrement, le suivi, la gestion et la consolidation des revenus et des investissements provenant de plusieurs sources, ainsi que la distribution contrôlée des actifs des comptes consolidés.
Historique de la poursuite
[5] L’examinateur a rendu une décision finale, datée du 7 octobre 2019, qui refusait la demande conformément au paragraphe 30(3) des anciennes Règles sur les brevets, DORS/96-423. La décision finale indiquait que la demande était irrégulière au motif que les revendications portent sur un objet non brevetable, que certaines revendications ne sont pas fondées sur la description et que la description des dessins contient une irrégularité.
[6] Le demandeur a déposé une réponse à la décision finale, datée du 6 janvier 2020, qui proposait une description modifiée et plaidait en faveur de l’acceptation de la demande.
[7] L’examinateur n’a pas été convaincu par les arguments du demandeur et n’a pas considéré que la modification proposée corrigeait toutes les irrégularités identifiées dans la décision finale, comme indiqué dans le résumé des motifs, envoyé au demandeur dans une lettre datée du 19 février 2020. La demande a été transmise à la Commission d’appel des brevets aux fins de révision des questions au nom du commissaire aux brevets.
[8] Le soussigné a été chargé de réviser la demande refusée en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets.
[9] Une lettre de révision préliminaire, datée du 14 novembre 2024, a été envoyée au demandeur, laquelle concluait que les revendications portent sur un objet non brevetable et que la description des dessins contient une irrégularité, mais que celle-ci serait corrigée par la description proposée. La lettre de révision préliminaire concluait également que les revendications étaient entièrement fondées sur la description.
[10] Le demandeur a déposé une réponse à la lettre de révision préliminaire le 15 janvier 2025, dans laquelle il soutenait que les revendications portent sur un objet brevetable. Cette réponse proposait également des modifications aux revendications.
[11] Une audience en personne a eu lieu le 23 janvier 2025. Le demandeur a fourni des précisions sur les arguments présentés dans sa réponse à la lettre de révision préliminaire.
[12] J’ai terminé ma révision de la demande en instance et je présente ci-dessous mon analyse des questions concernant la demande refusée, ainsi que ma recommandation que le commissaire aux brevets rejette la demande.
Questions
[13] La présente révision porte sur la question de savoir si les revendications 1 à 19 (les revendications au dossier au moment de la décision finale; ces revendications sont datées du 3 juillet 2018) portent sur un objet brevetable. En particulier, les revendications au dossier englobent-elles un objet qui ne relève pas de la définition d’« invention » et qui n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, LRC (1985), ch P-4 (ci-après, la Loi sur les brevets)? De plus, les revendications au dossier sont-elles conformes au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets?
[14] La présente révision examine également la question de savoir si les revendications 1, 14 et 17 au dossier ne sont pas entièrement fondées sur la description originale et ne sont pas conformes à l’article 60 des Règles sur les brevets.
[15] Enfin, la présente révision examine la question de savoir si la description des dessins n’est pas conforme au paragraphe 59(11) des Règles sur les brevets.
[16] Après avoir examiné les revendications au dossier dans la demande en instance, j’examine les modifications proposées par le demandeur, en particulier la description modifiée déposée le 6 janvier 2020 et les revendications proposées déposées le 15 janvier 2025, afin de déterminer si elles seraient considérées comme des modifications nécessaires en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.
Interprétation téléologique
Principes
[17] L’interprétation téléologique précède toute considération de validité (Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, [Free World Trust] au par. 19; et Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67, [Whirlpool] au par. 43). L’interprétation téléologique est effectuée du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes pertinentes, compte tenu de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (Free World Trust aux par. 31, 44, 51, 52, et 55 à 60; Whirlpool aux par. 45 à 49, 52 et 53; « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020), section « Interprétation téléologique » [EP2020-04]).
[18] En plus d’interpréter la signification des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels des revendications des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci, et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.
[19] L’EP2020-04 (section « Interprétation téléologique ») résume l’interprétation téléologique en notant que tous les éléments d’une revendication sont présumés essentiels, à moins que le contraire soit établi, ou à moins qu’une telle présomption ne soit contraire au libellé de la revendication.
Analyse : la personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes
[20] Étant donné que l’interprétation téléologique est effectuée du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes pertinentes, je dois d’abord définir les deux (Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC) section 12.02.01, révisée en juin 2015 [RPBB]).
[21] À la page 2, la décision finale a défini la personne ou l’équipe versée dans l’art comme suit :
[traduction]
[…] la personne versée dans l’art, laquelle peut être une équipe de personnes, est versée dans le domaine de la gestion de portefeuilles d’investissement, ce qui inclut la surveillance des flux de revenus et des besoins en dépenses, la gestion des flux de trésorerie des comptes, le suivi et la prévision du solde des comptes, et la détermination de la répartition des actifs. La personne versée dans l’art (ou l’équipe de personnes) serait également versée dans le domaine des appareils informatiques (logiciels et matériels) avec des connexions en réseau, et des IGU (interface graphique de l’utilisateur) pour exécuter des programmes informatiques.
[22] Dans la réponse à la décision finale (page 3), le demandeur n’est pas d’accord avec la définition de la personne versée dans l’art :
[traduction]
Il est respectueusement soutenu que la définition ci-dessus de la personne versée dans l’art est inappropriée, du moins dans la mesure où l’examinateur identifie ces personnes en renvoyant à ce qui semble être une affirmation implicite des connaissances générales courantes pertinentes. Comme indiqué ci-dessus, l’identification des connaissances générales courantes pertinentes est réalisée au deuxième élément, seulement une fois que la personne versée dans l’art a été identifiée au premier élément. Confondre les deux exigences de la manière dont l’examinateur l’a fait, risque d’inclure de manière inappropriée, dans les connaissances générales courantes évaluées, des enseignements disponibles uniquement selon la propre divulgation du demandeur, en définissant la personne versée dans l’art comme étant une personne qui aurait possédé la connaissance de cet enseignement, communément et généralement avec d’autres personnes semblables.
[23] Dans la lettre de révision préliminaire (page 5), j’ai convenu avec le demandeur qu’il est inapproprié de définir la personne versée dans l’art uniquement en fonction de ses connaissances générales courantes.
[24] La lettre de révision préliminaire (page 5) a également exposé mon opinion préliminaire selon laquelle la personne versée dans l’art est identifiée comme étant une équipe composée d’un ou plusieurs professionnels de l’industrie de la planification financière et de la gestion des risques, expérimentés dans le domaine de la gestion de portefeuilles d’investissement. L’équipe comprend également des programmeurs ou d’autres technologues expérimentés dans le développement et la fourniture de logiciels, d’outils et d’infrastructures traditionnellement utilisés pour appuyer ces professionnels.
[25] Le demandeur n’a pas contesté cette définition dans sa réponse à la lettre de révision préliminaire. Le demandeur a également confirmé cette position à l’audience. Par conséquent, j’adopte cette définition de la personne versée dans l’art aux fins de la présente révision.
[26] La décision finale (page 2) a défini les connaissances générales courantes comme comprenant ce qui suit :
[traduction]
Compte tenu des déclarations dans la description originale (par. 0001 à 0005), les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art comprennent des connaissances dans les domaines suivants :
-
gestion de comptes et de portefeuilles d’investissement;
-
répartition des actifs entre différents comptes;
-
gestion de soldes et de flux de trésorerie;
-
identification de l’ordre de priorité des actifs pour les liquidations;
-
projection des soldes de comptes consolidés.
Il convient de noter en outre que le demandeur a reconnu que les appareils informatiques utilisés pour réaliser l’invention en instance sont des appareils informatiques généraux et des connexions réseau bien connus, lesquels représentent la technologie standard qui fait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art (description originale, aux par. 0025, et 0030 à 0041).
[27] Dans la réponse à la décision finale (pages 3 et 4), le demandeur a soutenu que la généralisation des connaissances générales courantes comme incluant la [traduction] « projection des soldes de comptes consolidés » n’était pas fondée sur la preuve au dossier et ne devrait pas être considérée comme des connaissances générales courantes. Comme il ressort de mon analyse cidessous, ce point contesté de connaissances générales courantes n’a été ni adopté ni appliqué.
[28] La lettre de révision préliminaire (page 6) a exposé mon opinion préliminaire selon laquelle les connaissances générales courantes comprennent :
- la connaissance de la gestion de comptes et de portefeuilles d’investissement;
- la connaissance de la répartition des actifs entre différents comptes;
- la connaissance de la gestion de soldes et de flux de trésorerie;
- la connaissance de la gestion de comptes consolidés et de leurs lacunes connexes;
- les ordinateurs à usage général, les appareils informatiques, les processeurs, les appareils d’entrée et de sortie, les interfaces de réseau et les interfaces d’utilisateur;
- matériel informatique et les techniques relatives à la programmation d’ordinateurs;
- l’utilisation de bases de données et de systèmes de gestion de bases de données;
- l’utilisation de tels ordinateurs et appareils informatiques dans l’industrie de la gestion de portefeuilles d’investissement pour faciliter et automatiser les services de gestion de portefeuilles.
[29] Comme il est expliqué dans la lettre de révision préliminaire (page 7), ces éléments sont fondés sur la définition de la personne versée dans l’art. Les quatre premiers points sont fondés sur la description, dans la demande en instance, de ce qui est habituel dans le domaine (par. 0002). Les quatre derniers éléments sont fondés sur la description, dans la demande en instance, de la réalisation informatique de l’invention revendiquée en ce qui a trait à la gestion d’un compte consolidé (par. 0030 à 0039). Le niveau de détails dans la description suggère que ces réalisations informatiques relèvent des compétences de la personne versée dans l’art.
[30] Tout comme dans sa réponse concernant la personne versée dans l’art, le demandeur n’a également pas contesté la définition des connaissances générales courantes dans sa réponse à la lettre de révision préliminaire. Le demandeur a également confirmé cette position à l’audience. Par conséquent, j’adopte cette définition des connaissances générales courantes aux fins de la présente révision.
Analyse : éléments essentiels
[31] Il y a 19 revendications au dossier.
[32] La revendication indépendante 1 au dossier concerne un procédé de gestion d’un compte consolidé en classant les transactions potentielles qui optimisent les prévisions du solde du compte consolidé en fonction de critères prédéterminés. La revendication indépendante 14 au dossier concerne un procédé de gestion d’un compte consolidé et de liquidation d’actifs pour optimiser le solde prédit du compte consolidé en fonction de critères prédéterminés. La revendication indépendante 17 au dossier porte sur un système informatique permettant de réaliser la revendication de méthode 14.
[33] La revendication indépendante 1 au dossier est représentative de l’invention revendiquée :
[traduction]
1. Une méthode de gestion d’un compte consolidé, comprenant les étapes suivantes :
a) fournir un premier compte d’actifs non monétaires;
b) fournir un deuxième compte d’actifs non monétaires, le deuxième compte étant différent du premier compte;
c) en utilisant un processeur, prédire le solde du compte consolidé associé à une pluralité de comptes, y compris le premier et le deuxième compte, en fonction du temps et du montant du solde, y compris les étapes suivantes :
(i) prédire le montant et le moment où les revenus à tirer des actifs du premier compte seront déposés dans le compte consolidé,
(ii) prédire le montant et le moment où les revenus à tirer des actifs du deuxième compte seront déposés dans le compte consolidé,
(iii) prédire le montant et le moment où des retraits seront effectués à partir du compte consolidé;
d) utiliser un processeur pour comparer le solde prédit du compte consolidé avec des critères prédéterminés, et si le solde prédit du compte est inférieur aux critères prédéterminés :
(i) identifier le moment où le solde prédit du compte consolidé sera inférieur aux critères prédéterminés,
(ii) identifier une liste de transactions potentielles pour la pluralité de comptes dans lesquels il faudrait liquider des actifs afin d’augmenter le solde prédit du compte consolidé pour respecter les critères prédéterminés dans une période donnée sélectionnable avant le moment identifié où le solde prédit du compte consolidé est inférieur aux critères prédéterminés,
(iii) pour chaque transaction potentielle, effectuer l’étape c) ci-dessus, comparer le solde prédit du compte consolidé avec les critères prédéterminés et refuser une transaction potentielle si le solde prédit du compte est inférieur aux critères prédéterminés,
(iv) pour les transactions potentielles qui n’ont pas été refusées, classer la liste des transactions potentielles pour la pluralité de comptes par ordre de priorité.
[34] Les revendications dépendantes 2 à 13, 15, 16, 18 et 19 au dossier comprennent des restrictions supplémentaires sur les revendications indépendantes décrivant des moyens additionnels pour gérer un compte consolidé, comme la liquidation d’actifs dans l’ordre de priorité, l’affichage du solde du compte consolidé, l’exécution des étapes de la méthode périodiquement, mensuellement, ou lors de dépôts, et les types de revenus à déposer dans le compte consolidé. Les revendications dépendantes exposent également des précisions supplémentaires concernant les critères prédéterminés, la priorisation de la liste de comptes, les périodes de prédiction et le moment des dépôts.
[35] À titre de question préliminaire, je note que l’examinateur a interprété les revendications au dossier dans la décision finale conformément à une pratique antérieure du Bureau, qui est maintenant remplacée par l’EP2020-04. La lettre de révision préliminaire a fourni au demandeur ma nouvelle interprétation des revendications selon les « Principes » décrits ci-dessus.
[36] L’interprétation téléologique est effectuée du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière de ses connaissances générales courantes et comprend une interprétation de la signification des termes d’une revendication. Les revendications examinées en l’espèce ne semblent pas inclure des mots qui ne seraient pas connus de la personne versée dans l’art à la lumière de ses connaissances générales courantes pertinentes. J’ai exprimé mon opinion dans la lettre de révision préliminaire selon laquelle la personne versée dans l’art comprendrait facilement le libellé des revendications, leur portée et leur signification.
[37] Ensuite, comme décrit plus haut, dans la section « Principes », l’interprétation téléologique identifie le caractère essentiel des éléments des revendications. Comme il est indiqué dans la lettre de révision préliminaire, j’estimais que la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a aucun libellé indiquant qu’un des éléments est optionnel, et par conséquent, conformément à l’EP2020-04, j’ai considéré que tous les éléments de la revendication représentative 1 au dossier sont essentiels, y compris les étapes de la méthode de gestion d’un compte consolidé et les éléments mis en œuvre par ordinateur permettant d’exécuter les étapes de la méthode. Un raisonnement similaire s’applique également aux autres revendications au dossier.
[38] Le demandeur n’a pas contesté ou commenté l’interprétation de la revendication telle qu’exposée dans la lettre de révision préliminaire. La présente révision est fondée sur cette compréhension de l’interprétation des revendications.
Irrégularité liée à l’objet brevetable
Principes
[39] Le terme « invention » est défini à l’article 2 de la Loi sur les brevets :
invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.
[40] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets prévoit également ce qui suit :
Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.
[41] L’EP2020-04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une revendication porte sur un objet brevetable :
Afin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.
[42] La détermination de l’invention réelle est une question pertinente et nécessaire dans l’évaluation de l’objet brevetable (Canada (Procureur général) c Amazon.com, Inc, 2011 CAF 328 [Amazon] au par. 42). Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c Benjamin Moore & Co, 2023 CAF 168 [Benjamin Moore] au par. 68, cette détermination correspond à la déclaration de la Cour dans Schlumberger Canada Ltd c Le commissaire des brevets, [1982] 1 CF 845 (CAF) [Schlumberger], selon laquelle une évaluation de l’objet brevetable comprend la détermination de ce qui a été découvert selon la demande. L’invention réelle est déterminée dans le contexte d’une découverte ou d’une nouvelle connaissance et doit satisfaire en fin de compte à « l’exigence du caractère matériel » qui est implicite dans la définition d’« invention » (Amazon aux par. 65 et 66).
[43] Amazon au par. 44, indique « qu’une revendication du brevet [peut] être exprimée dans un langage qui [est] trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance », et que ce qui, à première vue, semble être la revendication d’une « réalisation » ou d’un « procédé » peut, dans le cadre d’une interprétation appropriée, constituer la revendication d’une formule mathématique non brevetable, comme c’était le cas dans Schlumberger.
[44] Cette opinion est exprimée par la position de la Cour d’appel fédérale dans Amazon concernant l’exigence du caractère matériel. Il existe l’exigence d’une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou un changement discernable. Malgré tout, cette exigence ne peut pas être satisfaite simplement par le fait que l’invention revendiquée a une application pratique (Amazon aux par. 66 et 69). Pour illustrer ce point, Amazon renvoie à Schlumberger, où les revendications n’avaient « pas été déclarées valides en raison du fait qu’elles avaient trait à l’utilisation d’un outil matériel, un ordinateur, pour donner une application pratique à la nouvelle formule mathématique » (Amazon au par. 69).
[45] Les préoccupations en matière de brevetabilité concernant l’utilisation bien connue d’un ordinateur pour traiter un algorithme, telle qu’illustrée par Schlumberger, sont exprimées dans les facteurs énoncés dans l’EP2020-04, qui peuvent être pris en compte lors de l’examen des inventions mises en œuvre par ordinateur, à savoir :
- le simple fait qu’un ordinateur soit identifié comme étant un élément essentiel d’une invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’objet défini par la revendication est un objet brevetable;
- un algorithme en soi est un objet abstrait, non brevetable et interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;
- un ordinateur programmé pour exécuter simplement un algorithme abstrait d’une manière bien connue sans plus ne fera pas de l’algorithme un objet brevetable;
- si l’exécution de l’algorithme améliore le fonctionnement de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc, ensemble, une seule invention réelle qui serait brevetable.
[46] Les facteurs susmentionnés et préoccupations générales entourant l’utilisation bien connue d’un ordinateur pour exécuter de nouveaux algorithmes abstraits peuvent être considérés comme impliquant des considérations de nouveauté ou d’ingéniosité. Le droit canadien n’interdit pas de tenir compte de la nouveauté ou de l’ingéniosité des éléments d’une revendication dans l’examen d’un objet brevetable, et trouve son appui dans des situations comme celle dans Schlumberger, où un outil connu, un ordinateur, est utilisé pour donner à une formule mathématique abstraite une application pratique (Benjamin Moore aux par. 69 et 70, renvoyant à Amazon). Ces considérations aident à déterminer la découverte ou nouvelle connaissance, la méthode d’application et l’invention réelle (Benjamin Moore au par. 89), qui sont en fin de compte mesurés en fonction de l’exigence du caractère matériel.
[47] Comme il est noté dans Benjamin Moore au par. 94 (et pareillement exprimé dans Amazon au par. 61), l’exigence du caractère matériel ne sera probablement pas satisfaite sans quelque chose de plus que l’utilisation seulement d’un outil bien connu, comme un ordinateur, pour mettre en œuvre un procédé abstrait. Les facteurs de l’EP2020-04, tels qu’énoncés ci-dessus, aident à déterminer si quelque chose de plus est présent.
Analyse : les revendications ne portent pas sur un objet brevetable
[48] À mon avis, les revendications 1 à 19 au dossier définissent un objet non brevetable.
[49] À titre de question préliminaire, je note que l’examinateur a évalué, dans la décision finale, l’irrégularité liée à l’objet brevetable conformément à une pratique antérieure du Bureau, qui est maintenant remplacée par l’EP2020-04. Par conséquent, comme pour l’évaluation de l’interprétation téléologique cidessus, j’ai effectué une nouvelle évaluation de l’objet brevetable des revendications selon les « Principes » décrits ci-dessus, et j’ai présenté mon opinion préliminaire au demandeur dans la lettre de révision préliminaire.
[50] Au cœur de cette évaluation, comme je l’ai décrit ci-dessus dans la section « Principes », il s’agit de déterminer ce que l’inventeur a réellement inventé ou prétend avoir inventé (Amazon au par. 42; Benjamin Moore au par. 68). Selon l’EP2020-04, cela consiste à déterminer « l’invention réelle », ou de manière équivalente, à identifier la « découverte » (comme dans Schlumberger) ou à « déterminer en quoi consiste la découverte » (comme dans Benjamin Moore au par. 89). Étant donné que les revendications en l’espèce portent sur une invention mise en œuvre par ordinateur, l’évaluation porte sur le rôle, le cas échéant, de l’ordinateur dans l’invention réelle.
[51] La réponse du demandeur à la lettre de révision préliminaire (pages 10 à 15) aborde cette question concernant le rôle d’un ordinateur dans l’invention réelle en examinant la pratique du Bureau et la loi. Le demandeur commence par une évaluation des principes sous-tendant la pratique du Bureau, soulignant que l’invention réelle visée par une revendication est une combinaison d’éléments qui coopèrent, qui ont une existence physique ou manifestent un effet ou un changement physique discernable, et qui se rapportent aux réalisations manuelles ou de production. Le demandeur compare ces principes à l’évaluation de la pratique du Bureau en matière de revendications portant sur de « simples agrégations », comme décrite dans le RPBB, à la section 18.02.04, à savoir que les éléments de la revendication doivent coopérer de façon à produire un résultat unitaire qui est différent de la somme des résultats des éléments. Selon le demandeur, la question à trancher en ce qui a trait au rôle de la technologie de l’information (l’ensemble des éléments mis en œuvre par ordinateur) dans une revendication devient la suivante (page 12) :
[traduction]
Lorsque la technologie de l’information a une configuration nouvelle, dans quelles circonstances la technologie de l’information : a) « fonctionne comme on pourrait s’y attendre si elle était utilisée seule »; ou, au contraire, b) « produit un résultat unitaire qui est différent de la somme des résultats des éléments »?
Il est respectueusement soutenu qu’au moins une manière valide d’aborder cette question est de se demander si l’intégralité de cette partie du résultat souhaité, apportée par l’utilisation de la technologie de l’information, est ou n’est pas exclusivement liée aux avantages connus offerts par l’utilisation de la technologie de l’information en général.
[52] Le demandeur a fondé cette position sur Schlumberger, où il semble, à tout le moins pour le demandeur, que [traduction] « la Cour a traité l’objet revendiqué dans Schlumberger comme une “simple agrégation” parce que les éléments de technologie de l’information et les éléments de la configuration nouvelle n’ont pas produit “un résultat unitaire différent de la somme des résultats des éléments” » (page 12).
[53] Le demandeur a également fondé cette opinion sur l’exemple dans l’EP202004 appelé [traduction] « Exemple 2 d’invention mise en œuvre par ordinateur », où le Bureau reconnaît que, dans les mots du demandeur, [traduction] « il y a un objet brevetable lorsque la configuration d’un ordinateur permet d’améliorer le rendement de la fonction par l’ordinateur, au moins en ce sens qu’il faut moins de ressources informatiques ou moins de temps pour exécuter la fonction » (page 13).
[54] Je suis respectueusement en désaccord avec la position du demandeur selon laquelle un ordinateur doit coopérer avec la méthode revendiquée pour produire un résultat unitaire qui est différent de la somme des résultats des éléments afin que l’objet revendiqué puisse être jugé brevetable. À mon avis, une telle position semble confondre la pratique du Bureau sur les « agrégations », décrite dans le RPBB, à la section 18.02.04, comme une irrégularité liée à l’évidence où chaque élément d’une revendication faisant partie d’une agrégation est connu dans l’art antérieur, avec la pratique du Bureau énoncée dans l’EP2020-04 pour déterminer l’objet brevetable qui évalue l’invention réelle d’une revendication. Il s'agit d'examens distincts qui reposent sur des fondements différents dans la Loi sur les brevets.
[55] Je suis également respectueusement en désaccord avec la définition de la décision Schlumberger par le demandeur. La décision ne renvoie ni aux « agrégations » ni au « résultat unitaire » dans le contexte de l’évaluation du rôle d’un ordinateur dans une invention mise en œuvre par ordinateur. La décision a plutôt évalué ce qui, selon la demande, avait été découvert et a conclu qu’une revendication de mise en œuvre par ordinateur d’une découverte non brevetable était elle-même non brevetable.
[56] Le demandeur a en outre noté (page 13) que l’amélioration du rendement du fonctionnement d’un ordinateur ne devrait pas être considérée comme étant limitée à moins de ressources informatiques ou comme nécessitant moins de temps pour exécuter la fonction. Il peut y avoir d’autres situations où la technologie de l’information et une nouvelle configuration de celle-ci constituent une [traduction] « seule invention réelle » en évaluant la question de savoir [traduction] « si l’intégralité de cette partie du résultat contribuée par l’utilisation de la technologie de l’information est ou n’est pas exclusivement liée aux avantages connus offerts par l’utilisation de la technologie de l’information en général » (page 13). Le demandeur a fourni des exemples d’avantages connus [traduction] « par rapport aux humains qui utilisent un stylo et un papier, [soit que] la technologie de l’information est plus rapide et exempte d’erreur humaine, [que] les résultats sont faciles à afficher, à stocker ou à transmettre, etc. » (page 12).
[57] Le demandeur a examiné le cas de l’automatisation des fonctions manuelles (pages 13 à 15), en faisant valoir ce qui suit (page 14) :
[traduction]
[…] si la configuration nouvelle revendiquée ne se limite pas simplement à une orientation quant à la façon d’utiliser une technologie de l’information, mais qu’elle comprend plutôt une disposition particulière et non conventionnelle d’éléments permettant à la technologie de l’information d’exécuter la fonction – c’est-à-dire, non seulement une orientation quant à la façon d’utiliser la technologie de l’information, mais aussi des directives précises sur la façon d’utiliser la technologie de l’information –, alors, dans au moins certains cas, le résultat attendu inclura des avantages supérieurs à ceux qui sont connus pour l’utilisation de la technologie de l’information en général parce que ces connaissances traditionnelles ne permettent pas à une personne versée dans l’art de réaliser l’invention revendiquée, et fournissent cette partie du résultat attendu en plus des avantages conventionnels de l’utilisation de la technologie de l’information. [Caractères gras et soulignement dans l’original.]
[58] Le demandeur a en outre fondé cette opinion sur le raisonnement dans une décision de la Cour d’appel fédérale des États-Unis (pages 14 et 15), notant à juste titre que le commissaire n’est pas lié par cette décision, où des revendications portant sur des techniques d’animation 3D comprenant des règles précises qui ont abouti à un résultat technologique amélioré dans la pratique industrielle conventionnelle ont été jugées comme portant sur un objet brevetable, du moins dans cette juridiction.
[59] Le demandeur a conclu son analyse de l’automatisation des fonctions comme suit (page 15) :
[traduction]
[…] [dans un cas où] la technologie de l’information exécute la fonction différemment de la façon dont elle était réalisée dans l’esprit humain, alors plus que les avantages connus de l’utilisation de la technologie de l’information en général sont apportés, auquel cas la technologie de l’information et une configuration nouvelle de celle-ci constituent « une combinaison d’éléments qui coopèrent pour offrir une solution à un problème », et constituent ainsi une « seule invention réelle ».
[60] Encore une fois, à mon avis, le demandeur intègre à tort des considérations impliquant des agrégations dans l’évaluation de l’objet brevetable. Comme décrit ci-dessus, l’EP2020-04 énonce deux facteurs principaux à considérer en ce qui a trait au fonctionnement d’un ordinateur dans le cadre de l’examen d’inventions mises en œuvre par ordinateur :
- un ordinateur programmé pour exécuter simplement un algorithme abstrait d’une manière bien connue sans plus ne fera pas de l’algorithme un objet brevetable;
- si l’exécution de l’algorithme améliore le fonctionnement de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc, ensemble, une seule invention réelle qui serait brevetable.
[61] Après avoir examiné l’approche d’évaluation du demandeur et conclu qu’une telle approche repose sur des considérations qui ne sont pas entièrement proportionnelles à celles énoncées dans l’EP2020-04, je me penche sur la question de savoir si les revendications au dossier portent sur un objet brevetable conformément à la pratique du Bureau.
[62] La revendication représentative 1, qui représente l’invention revendiquée et qui a fait l’objet de l’interprétation téléologique ci-dessus, porte sur la gestion d’un compte consolidé qui comprend plusieurs comptes d’actifs non monétaires, prédisant les soldes de compte au fil du temps en prédisant les revenus gagnés et les retraits, et en comparant le solde prédit avec certains critères pour identifier et classer les transactions potentielles pour la liquidation d’actifs si le solde est inférieur à celui prédit. Les étapes de la méthode pour gérer un compte consolidé sont mises en œuvre par un ordinateur.
[63] J’ai déjà établi ci-dessus, dans la section « Interprétation téléologique », que l’ordinateur est essentiel à l’invention revendiquée. Cependant, comme je l’ai expliqué dans la section « Principes », ce facteur ne fournit aucune conclusion définitive dans une évaluation de l’objet brevetable (Amazon aux par. 61 à 63; Schlumberger; Benjamin Moore au par. 94).
[64] La lettre de révision préliminaire (page 13) a présenté mon opinion préliminaire selon laquelle :
[traduction]
[…] le rôle de l’ordinateur dans les revendications représentatives est de traiter les méthodes de gestion d’un compte consolidé de manière bien connue. L’ordinateur exécute simplement la programmation selon les étapes de la méthode revendiquée. L’exécution de cette programmation n’améliore pas le fonctionnement de l’ordinateur, par exemple, en termes d’utilisation de la mémoire ou de vitesse d’exécution. En outre, la demande ne décrit aucune amélioration de l’ordinateur résultant de l’exécution des étapes de la méthode dans l’invention revendiquée.
[…]
Étant donné que l’ordinateur ne fait pas partie de l’invention réelle, l’invention réelle ne porte que sur la gestion d’un compte consolidé, un ensemble abstrait de règles ou un schéma pour gérer un compte consolidé.
[65] La réponse du demandeur à la lettre de révision préliminaire (pages 16 à 21) soutenait que les revendications au dossier définissent un objet brevetable, affirmant ce qui suit :
[traduction]
Le système revendiqué n’implique pas simplement une orientation pour utiliser une technologie de l’information conventionnelle pour exécuter un algorithme. En fait, les revendications définissent une disposition précise d’éléments qui permet à la technologie de l’information d’exécuter une fonction d’une manière qui offre des avantages par rapport aux méthodes conventionnelles, et en particulier, des avantages supplémentaires par rapport à ceux connus de l’utilisation de la technologie de l’information en général.
En particulier, l’invention revendiquée concerne l’automatisation dans la technologie de l’information de l’exécution d’une fonction précédemment effectuée manuellement et, en particulier, par l’esprit humain. La méthode revendiquée réalisée par la technologie de l’information est de nature différente de celle de la méthode réalisée par l’esprit humain en raison des différences fondamentales entre le fonctionnement de la technologie de l’information et celui de l’esprit humain. La méthode revendiquée n’est pas simplement l’automatisation de la méthode réalisée par l’esprit humain.
[66] Le demandeur a d’abord affirmé (page 16) qu’il s’agissait d’un fondement pour une approche conventionnelle en matière de gestion de comptes consolidés, renvoyant à la description en instance (par. 0003), soulignant que [traduction] « le conseiller financier a généralement déterminé le montant du revenu qui devrait être gagné des actifs au cours de l’année, divisé ce nombre par douze, et utilisé ce nombre comme montant fixe disponible chaque mois ». Le demandeur a comparé (page 17) cette méthode subjective réalisée par l’esprit humain et la méthode objective revendiquée à une configuration nouvelle qui évite et améliore la méthode subjective de prédiction et d’équilibrage manuels des flux de trésorerie de plusieurs comptes en se fondant davantage sur la description en instance, au par. 0013.
[67] À mon avis, lue dans l’ensemble du contexte de la demande en instance, la description en instance, aux par. 0003 et 0013, présente un exemple illustrant une méthode d’estimation manuelle des flux de trésorerie. Ces paragraphes font état de la variabilité des flux de trésorerie dans un compte consolidé et justifient la nécessité d’améliorer la gestion du solde de trésorerie et des flux de trésorerie d’un compte consolidé, comme indiqué aux par. 0004 et 0005. En outre, à mon avis, la personne versée dans l’art ne considérerait pas cet exemple comme le seul moyen de mettre en œuvre une méthode manuelle de gestion des flux de trésorerie dans un compte consolidé, compte tenu de la définition ci-dessus de la personne versée dans l’art. Les arguments du demandeur suggèrent, à mon avis à tort, que tous les conseillers financiers utilisant des méthodes conventionnelles pour gérer les flux de trésorerie dans un compte consolidé étaient limités à cette approche particulière d’estimation manuelle des flux de trésorerie et n’ont jamais réussi à gérer les flux de trésorerie dans des comptes consolidés.
[68] En outre, à mon avis, afin de mettre en œuvre un système informatique, la méthode doit, par définition, être objective. Cependant, une revendication décrivant une méthode objective ne signifie pas nécessairement que l’ordinateur fait partie de l’invention réelle. Soutenir le contraire suggérerait que toutes les méthodes informatisées revendiquées porteraient sur un objet brevetable, ce qui, selon notre compréhension de Schlumberger, n’est pas la considération déterminante.
[69] Afin d’appuyer davantage l’affirmation du demandeur selon laquelle l’invention revendiquée est une configuration nouvelle d’une technologie de l’information qui est différente de la méthode conventionnelle réalisée manuellement, de sorte que la configuration de la technologie de l’information contribue davantage au résultat attendu que les avantages connus de la technologie de l’information en général et constitue donc une seule invention réelle, le demandeur a fourni trois exemples pour démontrer comment la nouvelle configuration objective diffère de la pratique conventionnelle de l’industrie. Même si j’estime qu’une telle approche d’évaluation est incorrecte, comme je l’ai déjà mentionné, je tiendrai compte de ces exemples pour compléter l’approche d’évaluation énoncée dans l’EP2020-04. La considération appropriée consiste à évaluer les étapes de la méthode revendiquée, un ensemble abstrait de règles ou un schéma pour gérer un compte consolidé, mis en œuvre par un ordinateur, afin de déterminer si l’ordinateur fait partie d’une seule invention réelle. Je suis saisi de deux questions : l’exécution des étapes de la méthode revendiquée améliore-t-elle le fonctionnement de l’ordinateur; et l’ordinateur fonctionne-t-il d’une manière bien connue en raison de l’exécution des étapes de la méthode revendiquée?
[70] L’exemple 1 du demandeur souligne l’étape d)(ii) de la revendication 1 consistant à [traduction] « identifier une liste de transactions potentielles pour la pluralité de comptes dans lesquels liquider des actifs », où la complexité du calcul dépasserait ce qui pourrait raisonnablement être réalisé manuellement. L’exemple 2 du demandeur souligne l’étape d)(iii) de la revendication 1 consistant à [traduction] « pour chaque transaction potentielle, effectuer l’étape c) ci-dessus, comparer le solde prédit du compte consolidé et les critères prédéterminés et refuser une transaction potentielle si le solde prédit du compte est inférieur aux critères prédéterminés », et l’étape d)(iv) de la revendication 1 consistant à [traduction] « pour les transactions potentielles qui n’ont pas été refusées, classer la liste des transactions potentielles pour la pluralité de comptes par ordre de priorité ». Le demandeur soutient que ces étapes appartiennent à une classe de problèmes d’optimisation mathématique qui ne peuvent pas être résolus ou vérifiés en temps polynomial, et que ces étapes ne sont pas presque réalisables dans l’esprit humain.
[71] La description en instance, au par. 0020, enseigne que les transactions potentielles pour la liquidation visant à maintenir un solde minimum ciblé pourraient utiliser soit un actif prédéterminé pour la liquidation, soit [traduction] « des actifs [pouvant] être identifiés par ordre de priorité pour la liquidation pour des montants prédéterminés afin de maintenir le solde dans le [compte consolidé géré] tel qu’indiqué par le titulaire du compte ». La description en instance enseigne en outre ce qui suit au par. 0020 :
[traduction]
Un moteur de règles peut être utilisé en conjonction avec les actifs identifiés pour liquidation afin de tenir compte du traitement fiscal, des restrictions à la liquidation des actifs, des montants minimum et maximum, de l’affectation des actifs, entre autres. Le moteur de risques peut recommander différentes actions en fonction des préférences du titulaire du compte, comme la tolérance au risque, la taille du compte ou d’autres variables. Le moteur de risques peut suggérer d’autres solutions comme une réduction des retraits de flux de trésorerie, ce qui peut découler d’une diminution des revenus due à la baisse des valeurs du marché, d’une réduction des revenus externes ou d’une augmentation des dépenses.
[72] À mon avis, la description en instance ne décrit pas les moyens spécifiques entraînant la complexité de calcul informatique, comme l’affirme le demandeur. La description en instance n’aborde pas non plus le problème d’optimisation, comme l’affirme le demandeur à l’exemple 2, qui doit être résolu par la solution revendiquée. En outre, la demande en instance ne décrit aucune amélioration de l’ordinateur résultant de l’exécution des étapes de la méthode visée par l’invention revendiquée, notamment en termes d’utilisation de la mémoire ou de vitesse d’exécution. La demande en instance ne mentionne pas non plus un ordinateur fonctionnant d’une manière autre qu’une manière bien connue.
[73] Les étapes d)(ii), d)(iii) et d)(iv) de la revendication 1 ne sont en aucune façon limitées aux moyens entraînant la complexité du calcul informatique, comme l’a fait valoir le demandeur. À mon avis, la personne versée dans l’art interpréterait les étapes de la méthode revendiquée de manière large, en se fondant sur les enseignements de la description en instance, comme incluant tout moyen d’identifier, de rejeter et de classer les transactions, y compris des moyens qui automatisent simplement des méthodes manuelles antérieures pour le calcul de ces étapes. Dans de tels modes de réalisation, l’ordinateur fonctionne de manière bien connue selon la description en instance, et l’exécution des étapes de la méthode n’améliore pas l’ordinateur.
[74] L’exemple 3 du demandeur souligne que la méthode de la revendication 1 écarte et classe les transactions potentielles afin de réduire le nombre total de transactions potentielles à considérer, de sorte que la méthode et le système revendiqués utilisent efficacement l’interface graphique de l’utilisateur pour afficher et permettre la navigation dans les dossiers priorisés, améliorant ainsi le rendement et augmentant l’efficacité du système.
[75] À mon avis, la description en instance est silencieuse sur toute fonction au-delà des avantages connus d’un écran d’ordinateur bien connu, comme en témoigne la description en instance, au par. 0037.
[76] Étant donné que la personne versée dans l’art interpréterait les éléments revendiqués comme étant larges et comme englobant des modes de réalisation qui incluent l’automatisation de méthodes manuelles antérieures, la situation est analogue à celle soulignée dans Amazon aux par. 61 et 62, décrivant Schlumberger, où les revendications d’une formule mathématique non brevetable n’étaient pas sauvées par leur programmation dans un ordinateur fournissant une application pratique.
[77] De même, en l’espèce, l’ordinateur fonctionne de manière bien connue, selon la description en instance. Il n’y a aucune amélioration de l’ordinateur en raison de l’exécution des étapes de la méthode revendiquée. Par conséquent, l’ordinateur ne fait pas partie de l’invention réelle. L’invention réelle porte plutôt uniquement sur un ensemble abstrait de règles ou un schéma pour gérer un compte consolidé.
[78] Par conséquent, à mon avis, la revendication représentative 1 au dossier porte sur un objet qui ne satisfait pas à « l’exigence du caractère matériel » qui est implicite dans la définition d’« invention » (Amazon aux par. 65 et 66), et qui n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. La revendication porte sur un objet exclusivement abstrait interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.
[79] Un raisonnement similaire s’applique également à la revendication de méthode indépendante 14 au dossier, qui porte sur une méthode de gestion d’un compte consolidé et de liquidation d’actifs pour optimiser le solde prédit du compte consolidé en fonction d’un critère prédéterminé, ainsi qu’à la revendication de système indépendante 17 au dossier, qui porte sur un système informatique visé par la revendication de méthode 14. En outre, à mon avis, un raisonnement similaire s’applique aux revendications dépendantes 2 à 13 au dossier, aux revendications dépendantes 15 et 16 au dossier, et aux revendications dépendantes 18 et 19 au dossier.
[80] Ainsi, à mon avis, aucune des revendications au dossier ne porte sur un objet brevetable, car toutes les revendications au dossier portent sur un objet abstrait qui ne satisfait pas à l’exigence du caractère matériel implicite dans la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.
Irrégularité liée au fait que les revendications sont fondées sur la description originale
Principes
[81] L’article 60 des Règles sur les brevets, DORS/2019-251, exige que les revendications soient entièrement fondées sur la description :
Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle-ci.
Analyse : les revendications sont entièrement fondées sur la description originale
[82] La décision finale (page 6) a déclaré que les revendications 1, 14 et 17 ne sont pas entièrement fondées sur la description :
[traduction]
Les caractéristiques revendiquées « pour les transactions potentielles qui n’ont pas été refusées, classer la liste des transactions potentielles pour la pluralité de comptes par ordre de priorité » ne sont pas décrites dans la description.
[83] La décision finale a noté que la description ne divulgue que l’ordre de priorité aux paragraphes [0020] et [0029].
[84] Dans la réponse à la décision finale (page 9), le demandeur a soutenu que la description en instance (par. 0029) divulgue des mesures correctives qui peuvent être identifiées, y compris des transactions qui peuvent être effectuées dans les comptes :
[traduction]
Ainsi, la mesure corrective peut consister en une liste des comptes par ordre de priorité dans lequel une transaction (p. ex. la liquidation d’actifs) doit être effectuée, y compris l’identification des actifs précis à liquider, qui peuvent être identifiés en fonction de critères particuliers, comme de minimiser les conséquences fiscales. Ainsi, la mesure corrective comprend une identification des transactions à réaliser par ordre de priorité. Une personne versée dans l’art qui lit le mémoire descriptif comprendrait que les mesures correctives incluraient aussi d’autres détails, y compris le montant de la liquidation (« les actifs peuvent être identifiés par ordre de priorité pour liquidation pour des montants prédéterminés » : voir le par. 0020) et le moment de la liquidation (« les actifs identifiés peuvent être liquidés automatiquement au moment approprié » : voir le par. 0020).
[85] La lettre de révision préliminaire (pages 15 et 16) a exposé mon opinion préliminaire selon laquelle les caractéristiques préoccupantes des revendications sont la revendication 1d)(ii), [traduction] « identifier une liste de transactions potentielles pour la pluralité de comptes dans lesquels liquider des actifs afin d’augmenter le solde prédit du compte consolidé […] », et la revendication 1d)(iv), [traduction] « […] classer la liste des transactions potentielles pour la pluralité de comptes par ordre de priorité ».
[86] La description en instance révèle l’établissement de la priorité des comptes, des actifs, des types d’actifs et des transactions :
- par. [0020] : [traduction] « […] des actifs peuvent être identifiés par ordre de priorité pour la liquidation pour des montants prédéterminés afin de maintenir le solde dans le [compte géré] […] »;
- par. [0021] : [traduction] « […] le titulaire du compte peut prioriser les comptes à partir desquels effectuer des dépôts » et [traduction] « […] l’actif à liquider peut être priorisé automatiquement en fonction d’un critère donné, comme de minimiser les conséquences fiscales, de minimiser les pertes, d’optimiser les gains, de maintenir l’affectation d’actifs cible, entre autres »;
- par. [0023] : [traduction] « […] les paramètres sélectionnables peuvent identifier la mesure corrective qui corrige le plus grand nombre d’alertes, qui entraîne le moins de transactions, ou qui nécessite le moins de liquidations »;
- par. [0029] :
[traduction]
[…] La mesure corrective automatique peut être fondée sur un ensemble de critères prédéterminés. Par exemple, la mesure corrective peut inclure l’identification d’une liste de pluralité de comptes dans un ordre de priorité dans lesquels liquider des actifs afin d’augmenter le solde prédit du compte consolidé pour respecter le seuil prédéterminé. La liste priorisée peut désigner le type de comptes pouvant être utilisés, par ordre de priorité, pour effectuer des dépôts dans le compte consolidé, ou peut désigner le type d’actif, comme des fonds communs de placement, des actions, entre autres, en tenant compte d’un critère donné, comme de minimiser les conséquences fiscales, de minimiser les pertes, d’optimiser les gains, entre autres.
[87] La personne versée dans l’art qui lit le mémoire descriptif, y compris les renvois notés, comprendrait qu’il existe plusieurs options pour déterminer comment mieux maintenir le solde du compte consolidé, y compris l’identification et le classement des transactions par ordre de priorité. La lettre de révision préliminaire (page 16) a exprimé une opinion préliminaire selon laquelle les revendications 1, 14 et 17 sont entièrement fondées sur la description.
[88] Le demandeur n’a pas contesté cette conclusion préliminaire dans sa réponse à la lettre de révision préliminaire. Le demandeur a également confirmé cette position à l’audience.
[89] Par conséquent, la présente révision conclut que les revendications 1, 14 et 17 sont entièrement fondées sur la description et sont conformes à l’article 60 des Règles sur les brevets.
Description de l’irrégularité dans les dessins
Principes
[90] Le paragraphe 59(11) des Règles sur les brevets exige que tous les signes de référence figurent dans la description et les dessins :
Des signes de référence non mentionnés dans la description ne peuvent figurer dans les dessins, et vice versa.
Analyse : un signe de référence est dans les dessins, mais pas dans la description
[91] À la page 6, la décision finale indiquait que le signe de référence « 530 » ne figure pas dans la description, mais qu’il figure dans les dessins.
[92] La lettre de révision préliminaire (page 16) a confirmé l’irrégularité relevée dans la décision finale selon laquelle le signe de référence « 530 » ne figure pas dans la description, mais qu’il est inclus à la figure 4 des dessins. Ainsi, la description des dessins n’est pas conforme au paragraphe 59(11) des Règles sur les brevets.
[93] Le demandeur n’a pas contesté cette conclusion préliminaire dans sa réponse à la lettre de révision préliminaire, notant que le résumé des motifs de l’examinateur et ma lettre de révision préliminaire reconnaissaient tous deux que la modification proposée à la description, datée du 2 janvier 2020, corrigeait cette irrégularité. Le demandeur a également confirmé cette position à l’audience.
[94] Par conséquent, je conclus que la description des dessins n’est pas conforme au paragraphe 59(11) des Règles sur les brevets. J’examinerai les modifications proposées dans la section suivante.
Modifications proposées
La description proposée corrige l’irrégularité dans la description des dessins
[95] Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur a proposé des modifications à la description. La description proposée ajoute le signe de référence « 530 » au paragraphe 0023, et ajoute, à partir du paragraphe 0030, des énoncés correspondant aux revendications au dossier.
[96] Le résumé des motifs de l’examinateur (page 3) a noté que la description proposée permettrait de corriger l’irrégularité liée au signe de référence manquant dans la description.
[97] La lettre de révision préliminaire (page 17) exposait l’opinion préliminaire selon laquelle la description proposée corrigerait l’irrégularité liée au signe de référence, mais ne corrigerait pas l’irrégularité liée à l’objet brevetable des revendications au dossier.
[98] Le demandeur n’a pas contesté ma conclusion préliminaire dans sa réponse à la lettre de révision préliminaire. Le demandeur a confirmé cette position à l’audience.
[99] Par conséquent, je conclus, aux fins de la présente, que la description proposée corrige l’irrégularité dans la description des dessins et est conforme au paragraphe 59(11) des Règles sur les brevets. Cependant, je conclus également que la description proposée ne corrigerait pas l’irrégularité liée à l’objet brevetable des revendications au dossier.
Les revendications proposées ne corrigent pas l’irrégularité liée à l’objet brevetable
[100] Le demandeur a proposé des modifications aux revendications au dossier dans sa réponse à la lettre de révision préliminaire :
- Il est proposé de modifier les revendications 1, 14 et 15 au dossier afin de :
- définir davantage un premier et un deuxième comptes d’actifs non monétaires, chacun avec une valeur actuelle;
- préciser davantage la méthode revendiquée en fournissant une valeur actuelle totale pour le premier et le deuxième comptes d’actifs non monétaires;
- préciser davantage que l’ordre de priorité est fondé sur un critère particulier d’optimisation mathématique de la valeur actuelle totale;
- préciser davantage la méthode revendiquée en affichant le solde prédit du compte sur une ou plusieurs périodes, et en générant et en affichant des alertes si le solde prédit du compte est inférieur au montant prédéterminé.
- Il est proposé de modifier les revendications 3, 15 et 18 au dossier afin de préciser que l’étape de liquidation se produit dans une période sélectionnable.
- Il est proposé de supprimer la revendication 6 au dossier, qui porte sur l’affichage des résultats, et la revendication 13, qui porte sur l’émission d’alertes, et de les incorporer dans la revendication 1 proposée.
- Il est proposé d’ajouter une nouvelle revendication afin de préciser davantage que la méthode revendiquée à la revendication 1 proposée génère une ou plusieurs alertes de flux de trésorerie réels si des dépôts réels ne peuvent plus fournir un montant et un calendrier réels de revenus correspondant à un montant prédit de revenus à un moment donné à gagner grâce aux actifs du premier compte et du deuxième compte.
- La numérotation des revendications et l’énumération des étapes de la méthode revendiquée sont révisées pour correspondre aux modifications proposées ci-dessus.
[101] À mon avis, la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes seraient les mêmes que celles identifiées ci-dessus. La personne versée dans l’art considérerait également que les étapes des méthodes revendiquées et les éléments mis en œuvre par ordinateur sont tous essentiels, puisque la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a aucun libellé indiquant qu’un des éléments est optionnel.
[102] À mon avis, la personne versée dans l’art interpréterait les étapes de la méthode décrites dans les revendications proposées de manière large, en se fondant sur les enseignements de la description en instance, comme incluant tout moyen d’identifier, de refuser, de classer et d’afficher des transactions. Les modifications proposées sont des perfectionnements d’un ensemble abstrait de règles ou un schéma pour gérer un compte consolidé et ne changent donc pas la nature de l’invention réelle, telle qu’identifiée dans les revendications au dossier. De plus, la personne versée dans l’art estimerait que l’ordinateur fonctionne d’une manière bien connue selon la description en instance, et que l’exécution des étapes de la méthode n’améliore pas l’ordinateur. Par conséquent, l’ordinateur ne fait pas partie de l’invention réelle visée par les revendications proposées. L’invention réelle porte plutôt uniquement sur un ensemble abstrait de règles ou un schéma pour gérer un compte consolidé, de manière similaire à la conclusion dans les revendications au dossier.
[103] Étant donné que l’invention réelle visée par les revendications proposées porte sur un ensemble abstrait de règles ou un schéma, l’objet des revendications proposées ne satisfait pas à l’exigence du caractère matériel implicite dans la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets et est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.
[104] Il s’ensuit que les revendications proposées ne sont pas considérées comme une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.
Conclusions
[105] À la lumière de mon analyse ci-dessus, je conclus que :
- les revendications 1 à 19 au dossier portent sur un objet interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne correspondent pas à la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets;
- les revendications 1, 14 et 17 au dossier sont entièrement fondées sur la description et sont conformes à l’article 60 des Règles sur les brevets;
- un signe de référence figure dans les dessins, mais pas dans la description, et, par conséquent, la demande n’est pas conforme au paragraphe 59(11) des Règles sur les brevets.
[106] Je conclus également que la description modifiée proposée ne corrige que l’irrégularité liée au signe de référence, mais pas l’irrégularité liée à l’objet brevetable. En outre, les revendications proposées ne corrigeraient pas l’irrégularité liée à l’objet non brevetable des revendications au dossier. Par conséquent, les modifications proposées ne sont pas considérées comme une modification « nécessaire » pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.
Recommandation de la Commission
[107] À la lumière de ce qui précède, je recommande que la demande soit rejetée pour les motifs suivants :
- les revendications 1 à 19 au dossier portent sur un objet interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne correspondent pas à la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets;
- un signe de référence figure dans les dessins, mais pas dans la description, et, par conséquent, la demande n’est pas conforme au paragraphe 59(11) des Règles sur les brevets.
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Lewis Robart |
Membre |
Décision du commissaire
[108] Je souscris aux conclusions de la Commission et à sa recommandation de rejeter la demande au motif que :
- les revendications 1 à 19 au dossier portent sur un objet interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne correspondent pas à la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets;
- un signe de référence figure dans les dessins, mais pas dans la description, et, par conséquent, la demande n’est pas conforme au paragraphe 59(11) des Règles sur les brevets.
[109] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, Le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.
Konstantinos Georgaras
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
ce 26e jour de mai 2025.