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Référence : Regeneron Pharmaceuticals Inc. et Sanofi Biotechnology (Re), 2025 CACB6

Décision du commissaire no 1687

Commissioner’s Decision #1687

Date : 2025-05-14

SUJET :

O00

Évidence

 

 

 

TOPIC:

O00

Obviousness

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 851 751
Application No. 2851751


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 199(1) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251), la demande de brevet numéro 2 851 751 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent des demandeurs :

ROBIC AGENCE PI S.E.C. / ROBIC IP AGENCY LP

630, boulevard René-Lévesque Ouest, 20e étage

Montréal (Québec) H3B 1S6

 


 

Introduction

[1] La présente recommandation porte sur la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 851 751 qui est intitulée « COMPOSITIONS DE SARILUMAB ET DE MÉTHOTREXATE ET LEUR UTILISATION POUR LE TRAITEMENT DE L’ARTHRITE RHUMATOÏDE » et qui appartient à Regeneron Pharmaceuticals Inc. et Sanofi Biotechnology (les « Demandeurs »). La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251) (les Règles sur les brevets).

[2] Comme il est expliqué ci-dessous, nous recommandons au commissaire aux brevets de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[3] La demande en instance a été déposée sous le régime du Traité de coopération en matière de brevets, et sa date de dépôt au Canada est le 10 octobre 2012. Elle est devenue accessible au public le 18 avril 2013.

[4] L’objet revendiqué concerne l’utilisation d’un anticorps comprenant des zones de liaison de l’antigène de sarilumab, un anticorps monoclonal de l’anti-récepteur de l’interleukine-6 (IL-6) entièrement humaine, seul ou en combinaison avec le méthotrexate (MTX), pour traiter l’arthrite rhumatoïde (AR) chez un sujet qui a été précédemment traité de manière inefficace avec un antagoniste alpha du facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α) ou qui a été précédemment traité de manière inefficace avec à la fois le MTX et un antagoniste TNF-α.

[5] La demande comporte 45 revendications au dossier, qui ont été reçues au Bureau des brevets le 4 avril 2022.

Historique de la poursuite

[6] Le 31 janvier 2023, une décision finale a été rendue en vertu du paragraphe 86(5) des Règles sur les brevets. La décision finale indiquait que la demande en instance est irrégulière parce que l’objet que définissent toutes les revendications 1 à 45 au dossier au moment de la rédaction de la décision finale aurait été évident et que les revendications 1 à 45 ne sont donc pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, ch P-4 (la Loi sur les brevets).

[7] La réponse des Demandeurs à la décision finale datée du 31 mai 2023 contestait l’évaluation de l’évidence.

[8] Le 5 juin 2024, la demande a été transmise à la Commission aux fins de révision en vertu de l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets, avec un résumé des motifs expliquant que le refus de l’examinateur est maintenu, puisque les arguments présentés en réponse à la décision finale ne sont pas convaincants.

[9] Dans une lettre datée du 5 juin 2024, la Commission a transmis une copie du résumé des motifs aux Demandeurs et a demandé qu’ils confirment s’ils souhaitaient toujours que la demande soit révisée.

[10] Dans une lettre datée du 4 septembre 2024, les Demandeurs ont confirmé qu’ils souhaitaient qu’on procède à la révision.

[11] Le comité en l’espèce (le « Comité »), composé des membres soussignés de la Commission, a été chargé de réviser la demande refusée en instance, conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets, et de présenter une recommandation au commissaire aux brevets quant à la décision à rendre.

[12] Dans une lettre de révision préliminaire envoyée le 5 février 2025, nous avons présenté notre analyse préliminaire de la question de l’évidence en ce qui a trait aux revendications au dossier. L’opinion préliminaire du Comité était que les revendications au dossier visent un objet qui aurait été évident, contrairement à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[13] La lettre de révision préliminaire donnait également aux Demandeurs la possibilité de présenter des observations orales et écrites.

[14] Dans une lettre datée du 14 février 2025, les Demandeurs ont refusé de participer à une audience et ont indiqué que des observations écrites seraient fournies.

[15] Le 6 mars 2025, les Demandeurs ont fourni une réponse écrite à la lettre de révision préliminaire et un ensemble de revendications proposées (les revendications proposées).

La question en litige

[16] La seule question à trancher dans la présente révision est de savoir si l’objet des revendications au dossier est évident, contrairement à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[17] Après avoir examiné les revendications au dossier, nous avons révisé les revendications proposées afin de déterminer si elles seraient considérées comme une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Interprétation téléologique

Principes juridiques et pratique du Bureau

[18] L’interprétation téléologique précède tout examen de la validité (Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 au par. 19 [Free World Trust]).

[19] Conformément à Free World Trust et Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 [Whirlpool], l’interprétation téléologique est effectuée du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (CGC) pertinentes, en considérant l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci, et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[20] L’énoncé « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020-04] aborde également l’application de ces principes, soulignant que tous les éléments énoncés dans une revendication sont présumés essentiels, à moins qu’il n’en soit établi autrement ou qu’une telle présomption soit contraire au libellé de la revendication.

[21] En ce qui concerne la personne versée dans l’art, plusieurs décisions judiciaires ont fourni un contexte supplémentaire en ce qui a trait à leur identification. Dans Whirlpool au par. 53, la Cour suprême du Canada a expliqué que, même si la personne versée dans l’art est réputée ne posséder aucune étincelle d’esprit inventif ou d’imagination, le mémoire descriptif d’un brevet s’adresse « aux personnes suffisamment versées dans l’art dont relève le brevet [qui sont] en mesure, techniquement parlant, de comprendre la nature et la description de l’invention ». De plus, « dans le cas de brevets de nature hautement technique et scientifique, cette personne peut être quelqu’un qui possède un niveau élevé de connaissances scientifiques spécialisées et d’expertise dans le domaine spécifique des sciences dont relève le brevet » : Consolboard c MacMillan Bloedel (Sask) Ltd, [1981] 1 RCS 504 à la p. 525.

[22] En outre, la personne versée dans l’art peut représenter un ensemble de scientifiques – des personnes hautement qualifiées et formées qui effectuent des recherches scientifiques pour faire progresser les connaissances dans un domaine d’intérêt – et de chercheurs (Bayer Aktiengesellschaft c Apotex Inc (1995), 60 CPR (3d) 58 à la p. 79) :

[traduction]

Le technicien fictif compétent peut être un ensemble de scientifiques, de chercheurs et de techniciens qui apportent leur expertise combinée pour s’attaquer au problème à l’étude; « [c]ela est particulièrement vrai lorsque l’invention se rapporte à une science ou à un art qui vise plusieurs disciplines scientifiques » (le juge Wetston dans Mobil Oil Corp c. Hercules Canada Inc, non publiée, 21 septembre 1994, CF 1re inst. à la p. 5 [maintenant publiée dans 57 CPR (3d) 488 à la p. 494, 82 FTR 211]).

[23] En ce qui concerne l’identification des CGC, il est bien établi que les CGC sont limitées aux connaissances généralement connues des personnes versées dans l’art ou la science auxquelles se rapporte un brevet : Apotex Inc c Sanofi­Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 au par. 37 [Sanofi]; Free World Trust au par. 31.

[24] Plus précisément, nous considérons que l’évaluation des CGC est régie par les principes énoncés dans Eli Lilly & Co c Apotex Inc, 2009 CF 991 au par. 97, confirmé par 2010 CAF 240, citant General Tire & Rubber Co c Firestone Tyr & Rubber Co Ltd, [1972] RPC 457, [1971] FSR 417 (CA R-U) aux p. 482 et 483 (du RPC) :

[traduction]

Il faut évidemment prendre soin de distinguer les connaissances générales courantes attribuées à une personne à qui s’adresse un tel brevet de ce que le droit des brevets considère comme des connaissances publiques. Cette distinction est bien expliquée dans Halsbury’s Law of England, vol. 29, paragraphe 63. Pour ce qui est du mémoire descriptif du brevet, la notion quelque peu artificielle (d’après lord Reid dans l’affaire Technograph, [1971] F.S.R. 188 à la p. 193) du droit des brevets veut que chaque mémoire descriptif, des 50 dernières années, fasse partie des connaissances publiques pertinentes s’il se trouve à quelque endroit du bureau des brevets, même s’il est peu vraisemblable qu’il sera consulté et quelle que soit la langue dans laquelle il est rédigé. Par ailleurs, les connaissances générales courantes sont un concept différent dérivé d’une conception rationnelle de ce qui serait en fait connu par une personne adéquatement versée dans l’art – le genre d’homme, qui fait bien son travail et qui existerait réellement.

Les deux catégories de documents à examiner relativement aux connaissances générales courantes en l’espèce étaient un mémoire descriptif de brevet individuel et des « publications à grand tirage ».

En ce qui concerne la première catégorie de documents, il est clair que les mémoires descriptifs de brevets individuels et leur contenu ne font habituellement pas partie des connaissances générales courantes, bien que des mémoires descriptifs puissent être si bien connus chez ceux qui sont versés dans l’art que lorsque cet état de choses est établi, ils font partie de ces connaissances et il peut y avoir des secteurs d’activité précis (comme celui de la photographie couleur) dans lesquels la preuve peut indiquer que tous les mémoires descriptifs font partie des connaissances pertinentes.

Pour ce qui est des documents scientifiques en général, le juge Luxmoore a déclaré ce qui suit dans British Acoustic Films (53 R.P.C. 221 à la p. 250) :

« À mon avis, pour les connaissances générales courantes, il ne suffit pas de prouver qu’une divulgation a été faite dans un article, une série d’articles, dans une revue scientifique, peu importe l’importance du tirage de cette revue, en l’absence de toute preuve selon laquelle la divulgation est généralement acceptée par ceux versés dans l’art auquel se rapporte la divulgation. Une connaissance précise divulguée dans un document scientifique ne devient pas une connaissance générale courante simplement parce que le document est lu par de nombreuses personnes et encore moins parce qu’il a un fort tirage. Une telle connaissance fait partie des connaissances générales courantes uniquement lorsqu’elle est connue de manière générale et acceptée sans hésitation par ceux versés dans l’art particulier; en d’autres mots, lorsqu’elle fait partie du lot courant des connaissances se rapportant à l’art. » Un peu plus loin, faisant la distinction entre ce qui a été écrit et ce qui a été utilisé, il a déclaré ce qui suit :

« Il est assurément difficile d’évaluer comment l’utilisation d’une chose, qui dans la réalité n’a jamais été utilisée dans un art particulier, peut être reconnue comme appartenant aux connaissances générales courantes de l’art. »

Ces passages ont souvent été cités et aucune décision ne nous a été présentée dans laquelle ils étaient critiqués. Nous les acceptons comme énonçant correctement le droit en général sur ce point, bien que nous réservions pour un examen plus approfondi la question de savoir si les mots « acceptée sans hésitation » ne mettent pas la barre plutôt haute : pour les fins de la présente affaire, nous sommes disposés, sans souhaiter présenter une définition complète, à leur substituer les mots « généralement considérée comme un bon fondement pour continuer. »

[25] Les ouvrages de référence établis (comme les manuels, les articles de revue et les recueils, etc.) ou l’aspect courant démontré de certaines connaissances dans un certain nombre de divulgations dans le domaine sont pertinents à l’enquête : Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC), à la section 12.02.02c, révisée en octobre 2019.

[26] En outre, les renseignements contenus dans un mémoire descriptif peuvent également constituer une preuve des CGC, car il pourrait être raisonnable de considérer des affirmations générales ou larges sur les pratiques ou les connaissances traditionnelles comme des CGC : Corning Cable Systems LLC c Canada (Procureur général), 2019 CF 1065; et Newco Tank Corp c Canada (Procureur général), 2015 CAF 47.

Analyse

[27] Étant donné que l’interprétation du sens des termes et la définition des éléments essentiels sont effectuées à la lumière des CGC pertinentes, il faut d’abord identifier la personne versée dans l’art pour déterminer ses CGC.

La personne versée dans l’art et les CGC pertinentes

[28] Dans la lettre de révision préliminaire, aux pages 7 à 9, nous avons exposé une analyse préliminaire de l’identification de la personne versée dans l’art et de ses CGC pertinentes :

[traduction]

À la page 3, la décision finale définit la personne versée dans l’art comme « une équipe comprenant un clinicien, un biologiste moléculaire et un immunologiste ».

La réponse à la décision finale indique à la page 2 que la définition ci-dessus de la personne versée dans l’art n’est pas claire, mais n’explique pas comment ni pourquoi elle n’est pas claire et ne précise pas quel aspect, s’il y en a un en particulier, manque de clarté.

À titre préliminaire, nous considérons que la définition de la personne versée dans l’art comme une équipe comprenant un clinicien, un biologiste moléculaire et un immunologiste est claire, mais incomplète et trop large en ce qui a trait aux domaines d’expertise liés à cette demande.

Après avoir examiné le mémoire descriptif dans son ensemble, notre opinion préliminaire est qu’il se rapporte généralement au domaine technique des thérapies pour l’AR. Il convient de noter que le premier paragraphe de la page 1 de la description indique ce qui suit :

La présente invention concerne le domaine des thérapies pour l’arthrite rhumatoïde. Plus précisément, l’invention concerne l’utilisation d’antagonistes du récepteur de l’interleukine-6 (ILSR), comme des anticorps d’anti-récepteurs de l’IL-6, combinés avec des médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie, pour traiter l’arthrite rhumatoïde.

En tenant compte des conclusions ci-dessus, à titre préliminaire, nous considérons que la personne versée dans l’art est une équipe multidisciplinaire composée des personnes suivantes :

un chercheur et un clinicien dans le domaine de la rhumatologie qui sont spécialisés dans le diagnostic, le traitement et la gestion de l’AR, qui connaissent bien le développement et les tests de médicaments, et qui sont au courant des essais cliniques en ce qui a trait à l’efficacité et à l’innocuité, ainsi que leurs paramètres de notation, pour l’AR;

un biologiste moléculaire qui connaît bien la conception et la mise à l’essai d’anticorps humanisés thérapeutiques;

un immunologiste qui connaît les aspects immunitaires de la pathogénie de l’AR.

En ce qui concerne les CGC, à la page 3, la décision finale indique que les CGC comprennent « l’utilisation d’anticorps thérapeutiques pour le traitement de l’arthrite rhumatoïde, y compris les traitements combinés. L’utilisation du méthotrexate pour traiter l’arthrite rhumatoïde constituait des connaissances générales courantes. »

La réponse à la décision finale indique, à la page 2, que l’affirmation de l’examinateur selon laquelle les traitements combinés font partie des CGC est vague. De plus, nous comprenons que le Demandeur ne reconnaît pas que les enseignements des documents d’antériorité cités soutiennent la définition de l’examinateur de la personne versée dans l’art et de ses CGC.

Nos points de vue préliminaires exprimés ci-dessus concernant l’identité de la personne versée dans l’art ont une incidence sur notre évaluation préliminaire des CGC attendues de la personne versée dans l’art, qui est détaillée ci-dessous.

À cet égard, notre opinion préliminaire est que les connaissances suivantes étaient généralement connues à l’époque pertinente et acceptées sans question par la majorité de ceux qui sont impliqués dans les domaines particuliers de la rhumatologie clinique et de la recherche en rhumatologie, et plus particulièrement dans le domaine des thérapies pour l’AR :

des options thérapeutiques pour le traitement de l’AR, qui comprennent des thérapies combinatoires, des médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie (MARMM) traditionnels, y compris le MTX comme pierre angulaire des thérapies antirhumatisme, ainsi que des MARMM biologiques, comme les antagonistes TNF-α (examiné dans Feely et coll., « Therapeutic options for rheumatoid arthritis » (2009), 10:13 Expert Opininion on Pharmacotherapy 2095 (Feely));

les stratégies après l’échec d’un traitement aux antagonistes TNF-α pour l’AR comprennent l’utilisation d’une autre classe d’agents biologiques avec un mécanisme d’action différent, ainsi que des thérapies combinées (examinées dans Papagoras et coll., « Strategies after the failure of the first anti-tumor necrosis factor alpha agent in rheumatoid arthritis » (2010), 9 Autoimmunity Reviews 574 (Papagoras));

les essais de dosage et la sélection des doses constituent un travail pharmaceutique courant dans le domaine des thérapies antirhumatismales afin d’évaluer l’innocuité et l’efficacité des thérapies potentiellement utiles.

[29] Les Demandeurs n’ont pas contesté ou commenté nos définitions de la personne versée dans l’art et de se CGC pertinentes dans leur réponse à la lettre de révision préliminaire. Nous adoptons donc les définitions ci-dessus de la personne versée dans l’art et de ses CGC aux fins de notre analyse finale.

Les revendications au dossier

[30] Il y a 45 revendications au dossier. Nous considérons que les revendications indépendantes 1, 16 et 33 sont représentatives de l’objet revendiqué, et elles se lisent comme suit :

[traduction]

  • 1.Utilisation d’un anticorps qui se lie spécifiquement au récepteur de l’IL-6 humain et qui comprend une région à chaîne lourde (VH) et une région à chaîne légère (VL), où la VH comprend les trois régions déterminantes de la complémentarité (RDC) situées dans la séquence du SEQ ID NO:2 et où le VL comprend les trois RDC situées dans la séquence du SEQ ID NO:3, pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, qui était précédemment traité de manière inefficace pour la polyarthrite rhumatoïde avec le méthotrexate et qui était précédemment traité de manière inefficace pour la polyarthrite rhumatoïde avec un antagoniste TNF-α, où l’anticorps est destiné à être utilisé en combinaison avec le méthotrexate, et où l’anticorps est destiné à être administré de manière sous-cutanée à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines, et où le sujet observe une amélioration d’au moins 20 % selon les critères de l’index de maladies du American College of Rheumatology après 12 semaines de traitement.

  • 16.Utilisation d’un anticorps qui se lie spécifiquement au récepteur de l’IL-6 humain et qui comprend une région à chaîne lourde (VH) et une région à chaîne légère (VL), où la VH comprend les trois régions déterminantes de la complémentarité (RDC) situées dans la séquence du SEQ ID NO:2 et où le VL comprend les trois RDC situées dans la séquence du SEQ ID NO:3, pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, qui était précédemment traité de manière inefficace pour la polyarthrite rhumatoïde avec un antagoniste TNF-α, où l’anticorps est destiné à être utilisé en combinaison avec le méthotrexate, où l’anticorps est destiné à être administré de manière sous-cutanée à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines, et où le sujet observe une amélioration d’au moins 20 % selon les critères de l’index de maladies du American College of Rheumatology après 12 semaines de traitement.

  • 33.Utilisation d’un anticorps qui se lie spécifiquement au récepteur de l’IL-6 humain et qui comprend une région à chaîne lourde (VH) et une région à chaîne légère (VL), où la VH comprend les trois régions déterminantes de la complémentarité (RDC) situées dans la séquence du SEQ ID NO:2 et où le VL comprend les trois RDC situées dans la séquence du SEQ ID NO:3, pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, qui était précédemment traité de manière inefficace pour la polyarthrite rhumatoïde avec un antagoniste TNF-α, où l’anticorps est destiné à être administré de manière sous-cutanée à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines, et où le sujet observe une amélioration d’au moins 20 % selon les critères de l’index de maladies du American College of Rheumatology après 12 semaines de traitement.

[31] Les revendications indépendantes 3, 18 et 35 définissent l’anticorps envisagé, avec des renvois supplémentaires aux régions générales à chaînes lourdes et légères variables.

[32] Les revendications dépendantes 2, 17 et 34 précisent davantage les séquences des régions à chaînes lourdes et légères variables.

[33] Les revendications dépendantes 4, 5, 19, 20, 36 et 37 précisent en outre que l’anticorps comprend une substitution dans la VL générale (revendications 4, 19 et 36) ou dans les VH et VL générales (revendications 5, 20 et 37).

[34] Les revendications dépendantes 6, 21 et 38 précisent en outre que l’anticorps est le sarilumab.

[35] Les revendications dépendantes 7, 8, 24 et 25 précisent en outre que l’anticorps et le MTX sont destinés à une administration séquentielle (revendications 7, 8 et 24) ou à une administration simultanée (revendications 7, 24 et 25).

[36] Les revendications dépendantes 9, 10, 26, 27, 41 et 42 précisent en outre le schéma posologique des anticorps (quantité et fréquence de l’administration).

[37] Les revendications dépendantes 11 et 28 précisent en outre la dose de MTX.

[38] Les revendications dépendantes 12, 13, 29, 30, 43 et 44 précisent en outre l’atteinte d’un niveau d’amélioration mesurée chez le sujet.

[39] Les revendications dépendantes 14, 15, 22, 23, 39 et 40 précisent en outre la nature de l’antagoniste TNF-α.

[40] Les revendications dépendantes 31 et 45 précisent en outre la durée du traitement antérieur du sujet avec un antagoniste TNF-α ou que le sujet était intolérant à au moins un antagoniste TNF-α.

[41] La revendication dépendante 32 précise en outre que le sujet a été précédemment traité avec le MTX.

Éléments essentiels

[42] Dans la lettre de révision préliminaire, à la page 13, nous avons exprimé l’opinion que tous les éléments des revendications au dossier sont essentiels :

[traduction]

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, les éléments énoncés dans une revendication sont généralement présumés essentiels, à moins que le contraire soit établi ou qu’une telle présomption soit contraire au libellé de la revendication.

À notre avis, la personne versée dans l’art qui lit les revendications 1 à 45 dans le contexte du mémoire descriptif dans son ensemble et des CGC comprendrait que les revendications n’incluent aucun libellé indiquant que l’un ou l’autre des éléments est destiné à être non essentiel.

Bien que certaines revendications expriment une liste de solutions de rechange, nous estimons que la personne versée dans l’art comprendrait que, lorsque l’une de ces solutions de rechange est choisie, elle est essentielle à cette réalisation.

Notre opinion préliminaire est donc que tous les éléments des revendications 1 à 45 sont essentiels.

[43] Les Demandeurs n’ont pas contesté ou commenté l’importance des éléments revendiqués, et nous considérons donc que tous les éléments des revendications 1 à 45 sont essentiels aux fins de la présente analyse finale.

Évidence

[44] Pour les raisons énoncées ci-dessous, nous considérons que les revendications 1 à 45 au dossier définissent un objet qui aurait été évident pour la personne versée dans l’art à la date de revendication.

Principes juridiques

[45] L’article 28.3 de la Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident pour la personne versée dans l’art :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

  • a)qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

  • b)qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[46] Dans Sanofi au par. 67, la Cour suprême du Canada déclare qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre l’approche en quatre étapes suivantes :

  • (1)a) Identifier la « personne versée dans l’art ».

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

  • (2)Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

  • (3)Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

  • (4)Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[47] Dans le contexte de la quatrième étape, la Cour dans Sanofi déclare qu’il peut être indiqué, dans certains cas, de procéder à une analyse de l’« essai allant de soi » et elle identifie les facteurs non exhaustifs suivants à considérer dans une analyse de l’essai allant de soi [termes définis ajoutés] :

Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art? [le facteur de l’évidence]

Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants? [le facteur de l’ampleur et de l’effort]

L’art antérieur fournit-[il] un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet? [le facteur du motif]

[48] Pour conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », le tribunal doit être convaincu qu’il allait « plus ou moins de soi » de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas (Sanofi au par. 66).

Analyse

[49] À titre de question préliminaire, l’analyse de l’évidence suivante adoptera les désignations de la population visée par l’objet que les Demandeurs ont utilisées à la page 2 de leur réponse à la révision préliminaire. Plus précisément :

[traduction]

la population visée « précédemment traitée de manière inefficace pour l’arthrite rhumatoïde avec un antagoniste TNF-α en combinaison avec du méthotrexate » est désignée dans les présentes sous le nom de « la population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX »;

la population visée « précédemment traitée de manière inefficace pour l’arthrite rhumatoïde avec un antagoniste TNF-α » est désignée dans les présentes sous le nom de « la population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α ».

[50] À la page 4 de la réponse à la lettre de révision préliminaire, les Demandeurs ont soutenu que la population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX, et la population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α sont des populations entièrement différentes et distinctes, et ils ont en outre soutenu que le Comité considérait qu’elles étaient les mêmes.

[51] Nous convenons que la population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX et la population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α sont des populations distinctes. Cette distinction a été reconnue et prise en compte dans la lettre de révision préliminaire tout au long de l’analyse de l’évidence, notamment aux pages 19 et 20 [nouvelles populations désignées ajoutées] :

[traduction]

Dans le contexte de l’objet revendiqué, nous estimons que les questions pertinentes en l’espèce sont de savoir s’il aurait été plus ou moins évident pour la personne versée dans l’art, à la lumière des divulgations des [documents d’antériorité cités] et des CGC pertinentes, que l’administration sous-cutanée d’un anticorps comprenant des zones de liaison de l’antigène de sarilumab à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines devrait être efficace pour traiter l’AR :

1) lorsqu’il est utilisé en combinaison avec du MTX dans un sujet qui a été traité de manière inefficace pour l’AR avec du MTX et un antagoniste TNF-α (revendications 1 à 15 et 32) [population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX];

2) lorsqu’il est utilisé en combinaison avec du MTX dans un sujet qui a été traité de manière inefficace pour l’AR avec un antagoniste TNF-α (revendications 16 à 31) [population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α];

3) lorsqu’il est utilisé dans un sujet qui a été traité de manière inefficace pour l’AR avec un antagoniste TNF-α (revendications 33 à 45) [population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α].

Notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art (à la lumière de ses CGC) considérerait que la portée des revendications 16 à 31, et 33 à 45 englobe un sujet qui a également été précédemment traité de manière inefficace pour l’AR avec du MTX, et que la portée des revendications 33 à 45 englobe l’utilisation du MTX en combinaison avec l’anticorps mentionné qui se lie spécifiquement au récepteur de l’IL-6 humain. En d’autres termes, toutes les revendications englobent l’administration sous-cutanée de sarilumab à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines en combinaison avec du MTX chez un sujet qui a été précédemment traité de manière inefficace pour l’AR avec du MTX et un antagoniste TNF-α.

[…]

Compte tenu des considérations ci-dessus, notre opinion préliminaire qu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art que l’administration sous-cutanée de sarilumab à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines en combinaison avec du MTX chez un sujet qui avait été précédemment traité de manière inefficace pour l’AR avec du MTX et un antagoniste TNF-α [population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX] devrait être efficace pour traiter l’AR.

Notre opinion préliminaire est également qu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art que l’administration sous-cutanée de sarilumab à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines, seule ou en combinaison avec du MTX, chez un sujet qui avait été précédemment traité de manière inefficace pour l’AR uniquement avec un antagoniste TNF-α (c.-à-d. non en combinaison avec du MTX) [population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α] devrait également être efficace pour traiter l’AR.

[52] Cela dit, nous avons également exprimé, dans le passage cité ci-dessus, notre opinion préliminaire selon laquelle :

la portée des revendications 16 à 31, et 33 à 45 englobe un sujet qui a également été traité de manière inefficace pour l’AR avec du MTX;

la portée des revendications 33 à 45 englobe l’utilisation de MTX en combinaison avec l’anticorps mentionné qui se lie spécifiquement au récepteur de l’IL-6 humain.

[53] Les Demandeurs n’ont pas contesté ou commenté ces conclusions préliminaires concernant la portée des revendications 16 à 31, et 33 à 45 dans leur réponse à la lettre de révision préliminaire.

[54] Nous estimons donc toujours que la portée des revendications 16 à 31, et 33 à 45 au dossier est suffisamment large pour englober à la fois la population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX et à la population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α parce que ces revendications n’excluent pas explicitement la sous-population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX, et la personne versée dans l’art saurait, à la lumière de se CGC, que les antagonistes TNF-α sont utilisés pour traiter les patients qui, dans la plupart des cas, n’ont déjà répondu au MTX (comme en témoigne Papagoras à la p. 575, colonne de gauche; et Feely à la p. 2102, section 10).

[55] De même, nous estimons toujours que la portée des revendications 33 à 45 au dossier est suffisamment large pour englober l’utilisation de MTX en combinaison avec l’anticorps mentionné qui lie spécifiquement le récepteur de l’IL-6 humain, tel d’énoncé dans le passage cité ci-dessus, parce que ces revendications n’excluent pas explicitement l’utilisation de MTX en combinaison avec l’anticorps mentionné et que la personne versée dans l’art saurait, à la lumière de se CGC, que les antagonistes TNF-α sont généralement utilisés en combinaison avec d’autres MARMM, principalement le MTX (comme en témoigne Papagoras à la p. 575, colonne de droite, et à la p. 576, colonne de gauche; et Feely, dans la section sur le contexte, ainsi qu’aux sections 5.2.1, 5.2.2, 5.2.3 et 11).

La personne versée dans l’art et les CGC pertinentes

[56] La personne versée dans l’art et les CGC pertinentes ont été identifiées cidessus, dans le contexte de l’interprétation téléologique des revendications à la date de publication. À notre avis, les CGC sont également valides à la date des revendications et sont donc pertinentes pour évaluer l’évidence.

Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[57] Aux pages 15 et 16, la lettre de révision préliminaire indique ce qui suit au sujet des idées originales des revendications au dossier :

[traduction]

À la page 3, la décision finale indique ce qui suit concernant l’idée originale des revendications au dossier :

L’idée originale de ces revendications concerne l’utilisation d’un anticorps particulier qui lie spécifiquement le récepteur de l’IL-6 humain, qui est le sarilumab dans certains modes de réalisations, pour traiter la polyarthrite rhumatoïde dans un sujet qui a été précédemment traité de manière inefficace pour la polyarthrite rhumatoïde avec un antagoniste TNF-α, où l’anticorps est destiné à une utilisation sous-cutanée. Les revendications 1 à 32 comprennent également une thérapie combinée avec le méthotrexate. Un autre mode de réalisation comprend l’utilisation de l’anticorps chez un sujet qui a également été traité de manière inefficace avec le méthotrexate (revendications 1 à 15).

La réponse à la décision finale indique, à la page 2, que l’évaluation cidessus est incomplète, car elle omet des caractéristiques de la revendication comme les doses et le schéma posologique.

Comme il est indiqué ci-dessus, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art considérerait tous les éléments des revendications comme étant essentiels et qu’ils devraient donc être reflétés dans les idées originales des revendications. Par conséquent, aux fins de cette évaluation, nous tenons compte de tous les éléments essentiels des revendications. Notre opinion préliminaire est que la combinaison des éléments essentiels des revendications indépendantes 1, 3, 16, 18, 33 et 35 représente également leurs idées originales.

Notre opinion préliminaire est également que les éléments des revendications dépendantes relatives aux séquences des VH et VL variables, la substitution dans la VL générale ou dans les VH et VL générales, l’identification des anticorps, le type d’utilisation, la quantité et la fréquence d’administration, le schéma posologique du MTX, le niveau d’amélioration mesurée, la nature de l’antagoniste TNF-α, la durée du traitement précédent avec un antagoniste TNF-α ou l’intolérance à au moins un antagoniste TNF-α, ou un traitement précédent avec le MTX, font partie des idées originales des revendications dépendantes.

[58] Les Demandeurs n’ont pas contesté ou autrement commenté l’identification des idées originales des revendications au dossier, et nous considérons donc que la combinaison des éléments essentiels des revendications indépendantes 1, 3, 16, 18, 33 et 35 représente leurs idées originales et que les éléments additionnels des revendications dépendantes font partie de leurs idées originales respectives.

Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

[59] Aux pages 16 à 18, la lettre de révision préliminaire indique ce qui suit concernant les différences qui existent entre ce qui relève de « l’état de la technique » et ce qui correspond aux idées originales des revendications [nouvelles populations désignées ajoutées] :

D1 : Regeneron, « Sanofi and Regeneron Report Positive Phase 2b Trial Results with Sarilumab in Rheumatoid Arthrite » (12 juillet 2011). Consulté en ligne : https://investor.regeneron.com/news-releases/news-release-details/sanofi-and-regeneron-report-positive-phase-2b-trial-results.

D2 : Emery et coll., « IL-6 receptor inhibition with tocilizumab improves treatment outcomes in patients with rheumatoid arthritis refractory to anti-tumour necrosis factor biologicals: results from a 24-week multicentre randomised placebo-controlled trial » (2008), 67 Ann Rheum Dis 1516.

D3 : Sanofi, « Effect of SAR153191 (REGN88) With Methotrexate in Patients With Active Rheumatoid Arthritis Who Failed TNF-α Blockers », version 20 (27 septembre 2011). Consulté en ligne : https://clinicaltrials.gov/study/NCT01217814.

Le document D1 est un communiqué de presse qui divulgue les résultats d’un essai de phase 2b (MOBILITÉ) sur l’utilisation combinée de sarilumab et de MTX pour traiter des patients atteints d’AR active qui ne répondent pas de manière adéquate à la thérapie par MTX. L’essai a évalué l’administration de doses de sarilumab de 100 mg et de 150 mg chaque semaine, et l’administration sous-cutanée de doses de 100 mg, de 150 mg et de 200 mg toutes les deux semaines. Une amélioration d’au moins 20 % dans la réponse selon les critères de maladie du American College of Rheumatology (ACR20) après 12 semaines a été observée chez 49,0 % des patients recevant la dose le plus basse de sarilumab et 72,0 % des patients recevant la dose la plus élevée, comparativement à 46,2 % des patients recevant un placebo et du MTX. Le sarilumab a également démontré un bénéfice significatif par rapport au placebo dans les résultats ACR50 (au moins 50 % d’amélioration) et ACR70 (au moins 70 % d’amélioration).

Le document D2 divulgue l’utilisation d’un anticorps anti-récepteur de l’IL-6 humanisé, le tocilizumab, en combinaison avec le MTX, pour le traitement de l’AR réfractaire à la thérapie par antagoniste TNF. Les patients avaient précédemment une réponse inadéquate à un ou plusieurs antagonistes TNF, y compris l’étanercept, l’adalimumab et l’infliximab. La dose de MTX de base était d’environ 16 mg par semaine (tableau 1). Le document D2 divulgue que 20 % à 40 % des patients atteints d’AR présentent une réponse inadéquate au traitement par inhibiteurs TNF, seuls ou en combinaison avec des médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie (MARMM) comme le MTX (page 1516). Le document D2 divulgue également que le tocilizumab, en combinaison avec le MTX, présente une efficacité clinique supérieure par rapport aux témoins dans plusieurs populations, y compris les patients ayant une réponse inadéquate au MTX (page 1516). Chez les patients précédemment traités de manière inefficace pour l’AR avec un antagoniste TNF, des résultats ACR20 ont été atteints à 24 semaines par 50,0 %, 30,4 % et 10,1 % des patients dans les groupes recevant des doses de 8 mg/kg et de 4 mg/kg de tocilizumab, et le groupe témoin, respectivement (abrégé, aux p. 1518 et 1519, et figure 2A). À 12 semaines, des résultats ACR20 ont été atteints par environ 44 %, environ 39 % et environ 13 % des patients dans les groupes recevant des doses de 8 mg/kg et de 4 mg/kg de tocilizumab, et le groupe témoin, respectivement (figure 2A).

Le document D3 divulgue la description d’étude d’un essai clinique de phase II portant spécifiquement sur l’utilisation du sarilumab en combinaison avec le MTX chez des patients atteints d’AR qui ont montré un manque de réponse clinique adéquate après au moins trois mois de traitement par bloqueur TNF-α et cotraitement au MTX.

Notre opinion préliminaire est que les principales différences entre les idées originales des revendications indépendantes 1, 3, 16, 18, 33 et 35 au dossier et les divulgations des documents D1, D2 et D3 sont les suivantes :

le document D1 ne divulgue pas que le sujet traité précédemment a été traité de manière inefficace avec un antagoniste TNF-α [population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX, ou population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α];

le document D2 ne divulgue pas l’utilisation du sarilumab comme anticorps qui se lie spécifiquement au récepteur de l’IL-6 humain et ne divulgue pas l’administration sous-cutanée dudit anticorps à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines;

le document D3 ne divulgue pas l’utilisation d’une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines.

[60] Aux pages 4 et 5, la réponse à la lettre de révision préliminaire indique ce qui suit concernant les différences pertinentes entre les documents d’antériorité cités et l’objet revendiqué :

[traduction]

Comme le reconnaît la Commission, le document D1 ne divulgue pas les populations revendiquées. Cependant, le document D1 rapporte avoir traité une population qui avait été traitée de manière inadéquate avec le MTX.

Les documents D2 et D3 ne divulguent pas le traitement des populations revendiquées avec l’anticorps anti-récepteur de l’IL-6 revendiqué et le MTX à la dose actuellement revendiquée (c.-à-d. une dose de 150 mg à 200 mg toutes les deux semaines).

Au lieu de cela, le document D2 rapporte les résultats d’un essai clinique de phase III (RADIATION) qui a traité des sujets ayant eu une réponse inadéquate aux inhibiteurs TNF avec du tocilizumab, qui est différent de l’anticorps revendiqué, et du MTX. Même si, en théorie, le document D2 divulgue les populations visées par les revendications (ce que les Demandeurs n’admettent pas), le document D2 ne divulgue pas ni ne suggère l’utilisation de l’anticorps revendiqué, encore moins l’anticorps revendiqué à la dose et selon le schéma posologique spécifiés, pour une utilisation en combinaison avec le MTX pour traiter la population de sujets telle que décrite dans les revendications en instance.

De même, le document D3 ne divulgue pas l’anticorps revendiqué selon le schéma posologique spécifié pour une utilisation en combinaison avec le MTX pour traiter un sujet comme énoncé dans les revendications en instance. En fait, le document D3 n’est qu’un plan pour étudier l’efficacité et l’innocuité du sarilumab chez des participants atteints d’arthrite rhumatoïde active qui n’ont pas répondu aux bloqueurs TNF-α. Le document D3 ne fournit aucune donnée. Le document D3 ne divulgue aucunement des doses d’anticorps ou des schémas posologiques, et encore moins pour la population visée telle que décrite dans les revendications en instance. [Caractères gras et italique dans l’original.]

[61] Nous comprenons que les observations des Demandeurs sont conformes à notre définition des différences qui existent entre le document D1 et les idées originales des revendications.

[62] En ce qui concerne le document D2, nous comprenons également que les observations des Demandeurs sont généralement conformes à notre définition des différences, à l’exception du fait que les Demandeurs n’admettent pas que le document D2 divulgue les populations cibles revendiquées.

[63] Nous notons que le document D2 divulgue ce qui suit, à la page 1516, concernant les patients à inclure dans l’étude de phase III :

[traduction]

Les patients âgés de 18 ans et plus atteints d’AR active modérée à sévère et ayant présenté une absence de réponse ou une intolérance à un ou plusieurs antagonistes TNF au cours de l’année écoulée ont été inclus. Les patients souffraient d’AR active depuis six mois ou plus, avaient au moins six articulations enflées, avaient au moins huit articulations sensibles, et présentaient une protéine C-réactive (CRP) supérieure à 1,0 mg/dl ou une vitesse de sédimentation des érythrocytes (ESR) supérieure à 28 mm/h au départ. Les patients ont cessé de recevoir de l’étanercept (≥2 semaines), de l’infliximab ou de l’adalimumab (≥8 semaines), du léflunomide (≥12 semaines) et tous les MARMM autres que le MTX avant de recevoir le médicament à l’étude. Les patients devaient être traités avec du MTX pendant 12 semaines ou plus avant le moment de référence (≥8 semaines de doses stables). [Non souligné dans l’original.]

[64] Compte tenu de ce passage, nous estimons toujours que le document D2 divulgue le traitement d’une population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX, une population explicitement visée par les revendications 1 à 15 et 32 au dossier. De plus, comme nous l’avons expliqué aux paragraphes [52] et [55], nous considérons que la portée des revendications 16 à 31, et 33 à 45 au dossier est suffisamment large pour englober la population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX.

[65] En ce qui concerne le document D3, respectueusement, nous ne sommes pas d’accord que la description de l’étude fournie dans le document D3 se limite aux participants atteints d’AR active qui n’ont pas répondu aux bloqueurs TNF-α, comme le suggèrent les observations des Demandeurs. La section des critères d’inclusion définit un participant considéré comme une personne ne répondant pas à un bloqueur TNF-α principal comme étant un patient ayant une [traduction] « absence de réponse clinique adéquate après au moins trois mois de thérapie par bloqueurs TNF-α (jusqu’à deux agents) avec du MTX ou un autre médicament antirhumatismal modificateur de la maladie (MARMM) en cothérapie » [non souligné dans l’original].

[66] Nous maintenons donc la définition suivante des différences qui existent entre ce qui relève de [traduction] « l’état de la technique » et l’objet revendiqué aux fins de notre analyse finale :

[traduction]

le document D1 ne divulgue pas que le sujet traité précédemment a été traité de manière inefficace avec un antagoniste TNF-α [population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX, ou population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α];

le document D2 ne divulgue pas l’utilisation du sarilumab comme anticorps qui se lie spécifiquement au récepteur de l’IL-6 humain et ne divulgue pas l’administration sous-cutanée dudit anticorps à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines;

le document D3 ne divulgue pas l’utilisation d’une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines.

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[67] Dans la lettre de révision préliminaire, à la page 18, nous avons expliqué pourquoi nous considérions qu’une analyse de l’« essai allant de soi » est appropriée en l’espèce :

[traduction]

Étant donné que l’objet des revendications en instance concerne le domaine des thérapies pour l’AR, un domaine que nous considérons comme un domaine d’activité « où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation » (Sanofi au par. 68), notre opinion préliminaire est qu’une analyse de l’« essai allant de soi » est appropriée en l’espèce. Par conséquent, nous examinerons les trois facteurs mentionnés ci-dessus dans la section « Principes juridiques ».

[68] Les Demandeurs n’ont pas contesté ou commenté la pertinence d’une analyse de l’« essai allant de soi » et ont présenté des arguments en réponse à notre analyse préliminaire qui sont conformes à l’approche de l’« essai allant de soi » adoptée. Nous adoptons donc le cadre analytique de l’« essai allant de soi » aux fins de notre analyse finale.

[69] Aux pages 18 à 22, la lettre de révision préliminaire explique pourquoi notre opinion préliminaire est que les revendications 1 à 45 au dossier englobent un objet dont l’essai allait de soi et qui n’aurait donc nécessité aucun degré d’inventivité de la part de la personne versée dans l’art à la lumière de l’art antérieur cité et des CGC pertinentes compte tenu des différences qui existent entre l’objet cité comme relevant de l’« état de la technique » et les idées originales des revendications :

[traduction]

Facteur de l’évidence

Il faut souligner qu’une conclusion selon laquelle il aurait été plus ou moins évident que « l’essai sera fructueux » ne signifie pas que la garantie de réussite soit requise; autrement dit, il n’y aurait aucune logique à le décrire comme quelque chose « allant de soi ». En effet, une analyse de l’« essai allant de soi » est utilisée précisément dans les domaines où des progrès sont réalisés par l’expérimentation, de manière que la réussite ne puisse pas être garantie avant d’essayer (Les Laboratoires Servier c Apotex Inc, 2019 CF 616 au par. 269). En fait, ce qui doit être examiné est la question de savoir s’il est plus ou moins évident que l’« essai » sera fructueux à la lumière des CGC et de l’art antérieur; une simple possibilité ne suffira pas, mais un certain niveau d’incertitude est permis dans l’analyse de l’essai allant de soi; voir Janssen Inc c Apotex Inc, 2021 CF 7 au par. 135 :

Pour ce qui est de la question de savoir si « l’essai sera fructueux », il est clair que la certitude du succès n’est pas nécessaire sinon il ne serait pas utile de le décrire comme quelque chose à « tenter ». Le terme « tenter » sous-entend la possibilité d’un échec, mais avec l’attente d’un succès. Il n’est jamais facile de le définir sur un spectre de succès probables, mais il ne s’agit pas d’une passe « Hail Mary » de Doug Flutie de Boston College ni d’un « but dans un filet ouvert » de Wayne Gretsky. Certaines expériences limitées sont autorisées dans le contexte du deuxième facteur. Elles ne doivent pas être ardues, inventives ou inhabituelles.

Dans le contexte de l’objet revendiqué, nous considérons que les questions pertinentes en l’espèce sont de savoir s’il aurait été plus ou moins évident pour la personne versée dans l’art, à la lumière des divulgations des documents D1, D2 et D3, et des CGC pertinentes, que l’administration sous-cutanée d’un anticorps comprenant les régions de liaison de l’antigène de sarilumab à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines serait efficace pour traiter l’AR :

1) lorsqu’il est utilisé en combinaison avec du MTX dans un sujet qui a été traité de manière inefficace pour l’AR avec du MTX et un antagoniste TNF-α (revendications 1 à 15 et 32);

2) lorsqu’il est utilisé en combinaison avec du MTX dans un sujet qui a été traité de manière inefficace pour l’AR avec un antagoniste TNF-α (revendications 16 à 31);

3) lorsqu’il est utilisé dans un sujet qui a été traité de manière inefficace pour l’AR avec un antagoniste TNF-α (revendications 33 à 45).

Notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art (à la lumière de ses CGC) considérerait que la portée des revendications 16 à 31, et 33 à 45 englobe un sujet qui a également été précédemment traité de manière inefficace pour l’AR avec du MTX, et que la portée des revendications 33 à 45 englobe l’utilisation du MTX en combinaison avec l’anticorps mentionné qui se lie spécifiquement au récepteur de l’IL-6 humain. En d’autres termes, toutes les revendications englobent l’administration sous-cutanée de sarilumab à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines en combinaison avec du MTX chez un sujet qui a été précédemment traité de manière inefficace pour l’AR avec du MTX et un antagoniste TNF-α.

Les considérations pertinentes comprennent les suivantes :

le passage à une autre catégorie d’agents biologiques avec un mécanisme d’action différent après l’échec d’un traitement à l’antagoniste TNF-α pour l’AR était une stratégie couramment utilisée à la date pertinente, comme en témoignent Papagoras, ou comme il est autrement connu à la lumière du document D2;

le document D2 démontre que le passage à un anticorps monoclonal de l’anti-récepteur de l’IL-6 chez les patients atteints d’AR qui répondent de manière insuffisante au MTX ou qui répondent de manière insuffisante au MTX et à un ou plusieurs antagonistes TNF est efficace;

le document D3 divulgue spécifiquement l’étude de l’administration sous-cutanée de l’anticorps monoclonal de l’anti-récepteur de l’IL-6, le sarilumab (en combinaison avec le MTX) chez les patients atteints d’AR qui ont montré un manque de réponse clinique adéquate à un bloqueur TNF-α et au MTX;

le document D1 divulgue que le sarilumab (en combinaison avec le MTX) démontre une efficacité chez les patients atteints d’AR active qui répondent de manière inadéquate au traitement au MTX, et décrit les essais de posologie qui comprennent l’administration sous-cutanée d’une posologie entre 100 mg à 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines.

Compte tenu de ce qui précède, notre opinion préliminaire est qu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art que l’administration sous-cutanée du sarilumab à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines, en combinaison avec du MTX, dans un sujet qui a été précédemment traité de façon inefficace avec le MTX et un antagoniste TNF-α devrait être efficace pour traiter l’AR.

Notre opinion préliminaire est également qu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art que l’administration sous-cutanée de sarilumab à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines, seule ou en combinaison avec du MTX, chez un sujet qui avait été précédemment traité de manière inefficace pour l’AR uniquement avec un antagoniste TNF-α (c.-à-d. non en combinaison avec du MTX) devrait également être efficace pour traiter l’AR.

Le problème du traitement de l’AR chez des patients qui ont été précédemment traités de manière inefficace pour l’AR avec du MTX et un antagoniste TNF-α était connu (CGC et documents D2 et D3). En raison de l’absence de réponse à un traitement par un antagoniste TNF-α, les CGC (comme le démontre Papagoras) et l’art antérieur cité (document D2) enseignent de passer à un agent biologique avec un mécanisme d’action différent, et l’antagoniste du récepteur de l’IL-6 est une option importante. Le nombre d’antagonistes du récepteur de l’IL-6 disponibles était déterminé, et le sarilumab était déjà à l’étude pour traiter l’AR (documents D1 et D3).

Facteur du motif

Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, les solutions à explorer étaient limitées et notre opinion préliminaire est que les documents d’antériorité D2 et D3 cités motiveraient l’exploration d’antagonistes du récepteur de l’IL-6R (document D2), et plus spécifiquement du sarilumab (document D3), comme solution de rechange biologique pour les patients qui ont été précédemment traités de manière inefficace pour l’AR avec du MTX et un antagoniste TNF-α.

En ce qui concerne un schéma posologique pour le sarilumab, notre opinion préliminaire est que le document D1 inciterait la personne versée dans l’art à procéder à des essais variés qui incluent au moins, mais ne sans toutefois s’y limiter, à l’administration sous-cutanée d’une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines.

Facteur de l’ampleur et de l’effort

Notre opinion préliminaire est que les efforts requis pour réaliser l’objet revendiqué sont à la portée des compétences et des capacités de la personne versée dans l’art et ne dépasseraient pas ce qui est courant dans le domaine. Par exemple, les essais de dosage pour la sélection de doses constituent un travail pharmaceutique courant dans le domaine des thérapies antirhumatismales pour évaluer l’innocuité et l’efficacité de thérapies potentiellement utiles. Quoi qu’il en soit, les schémas posologiques visés par les revendications indépendantes sont explicitement divulgués dans le document D1 dans un contexte pertinent et connexe du traitement de l’AR, et ont donc fourni à la personne versée dans l’art un schéma posologique potentiel à essayer.

Par conséquent, compte tenu des analyses ci-dessus des facteurs pertinents dans le cadre d’une analyse de l’« essai allant de soi », notre opinion préliminaire est qu’il allait de soi de tenter d’arriver à l’objet des revendications indépendantes 1, 3, 16, 18, 33 et 35.

En ce qui concerne les revendications dépendantes 2, 4, 5, 6, 17, 19 à 21, 34 et 36 à 38 qui précisent davantage les caractéristiques énumérées ci-dessus, aux pages 12 et 13, dans la section « Les revendications au dossier », notre opinion préliminaire qu’aucune des caractéristiques des revendications dépendantes n’aurait nécessité un degré d’inventivité de la part de la personne versée dans l’art.

[70] Avant d’examiner en détail les arguments fournis dans la réponse à la lettre de révision préliminaire, nous notons d’abord que les observations des Demandeurs portent principalement sur l’ensemble des revendications proposées plutôt que sur les revendications au dossier. Néanmoins, nous estimons que les arguments et les observations présentés aux pages 3 à 6 de ladite réponse à la lettre de révision préliminaire sont également pertinents pour les revendications en dossier, et nous en tiendrons donc compte en conséquence.

Facteur de l’évidence

[71] Aux pages 3 et 4 de la Réponse à la lettre de révision préliminaire, les Demandeurs ont soutenu que la [traduction] « solution » potentielle au [traduction] « problème » des traitements pour les populations revendiquées n’est pas définie, car la personne versée dans l’art qui examine Feely et Papagoras aurait de nombreuses options pour traiter la population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX ou la population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α. Les Demandeurs ont également soutenu qu’ignorer ce que les CGC (Feely et Papagoras) divulguent à la personne versée dans l’art comme options de traitement disponibles, et se concentrer plutôt sur la solution des inventeurs constituent une interprétation rétroactive inappropriée.

[72] Nous notons que la question de savoir s’il est plus ou moins évident que l’essai sera fructueux est la principale considération du facteur de l’évidence. Nous estimons que la question de savoir s’il existe un nombre déterminé de solutions prévisibles identifiables apporte des renseignements pertinents dans l’analyse, qui nous aident à déterminer en quoi la solution revendiquée est « évidente » pour la personne versée dans l’art. Cependant, une telle conclusion demeure une considération non déterminante pour l’un des trois facteurs non exhaustifs à examiner dans le cadre d’une analyse de l’« essai allant de soi ». En d’autres termes, nous estimons que l’existence de plusieurs solutions possibles ne conduit pas nécessairement à la conclusion selon laquelle il serait évident d’essayer une solution particulière (voir Eli Lilly Canada Inc c Apotex Inc, 2018 CF 736 au par. 120), surtout si une solution est un choix évident et prévisible.

[73] Cela étant dit, nous estimons que le nombre de solutions prévisibles identifiables connues de la personne versée dans l’art pour traiter la population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX ou la population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α n’était pas indéterminé, mais limité en ce qui a trait aux stratégies de traitement. Ces quelques options de traitement enseignées par les CGC sont résumées dans le tableau 1 de Papagoras à la p. 576 :

[traduction]

Tableau 1

Options de traitement après une première absence de réponse au traitement par antagoniste TNF-α

_________________________________________________________________________________

1. Optimiser le dosage du MTX ou des ARMM

2. Optimiser le dosage et la fréquence d'administration des antagonistes TNF-α

3. Arrêter l'administration de l’antagoniste TNF-α et traiter uniquement avec des ARMM synthétiques

4. Ajouter un autre médicament biologique (non recommandé)

5. Passer à un autre antagoniste TNF-α

6. Passer à une autre catégorie de médicaments biologiques

_________________________________________________________________________________

[74] Nous estimons que ces quelques stratégies étaient des options prévisibles couramment connues dans l’art et qu’elles étaient bien définies, plutôt que trop larges ou indéterminées.

[75] Quoi qu’il en soit, nous estimons que l’analyse du facteur de l’évidence est contextuelle et qu’elle inclut la divulgation de l’état de la technique citée, pas seulement les CGC, puisque l’état de la technique cité porte directement sur l’inhibition de l’IL-6 comme stratégie. Dans ce contexte plus étroit, l’ensemble des solutions prévisibles n’est plus que les quelques options de traitement présentées dans le tableau 1, mais devient plutôt l’utilisation d’un anticorps monoclonal d’anti-récepteur de l’IL-6 après une absence de réponse au traitement par antagoniste TNF-α, comme l’enseignent les documents D2 et D3. Le nombre d’antagonistes thérapeutiques du récepteur de l’IL-6 disponibles était déterminé, et le sarilumab était déjà à l’étude pour traiter l’AR (documents D1 et D3).

[76] Les documents d’antériorité D2 et D3 cités identifient tous deux spécifiquement l’utilisation d’un anticorps monoclonal d’anti-récepteur de l’IL-6 parmi les quelques solutions prévisibles identifiables connues pour traiter la population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX, et le document D1 divulgue des schémas posologiques efficaces pour l’administration d’une combinaison de sarilumab et de MTX chez les patients atteints d’AR active qui ne répondent pas de manière adéquate à la thérapie par MTX, y compris l’administration sous-cutanée simultanée d’une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines. De plus, nous estimons que la personne versée dans l’art, consciente du fait que le sarilumab a été sélectionné dans le cadre d’une étude clinique pour le traitement d’une population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX (document D3), s’attendrait raisonnablement à un succès.

[77] Compte tenu du contexte des connaissances existantes divulguées dans les documents D1, D2 et D3, était-il plus ou moins évident que l’administration sous-cutanée de sarilumab, en combinaison avec du MTX, à une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines devrait être efficace pour traiter l’AR chez une population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX ou une population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α? À notre avis, c’était le cas.

[78] En ce qui concerne l’argument selon lequel l’analyse exposée dans la lettre de révision préliminaire souffrait d’une interprétation rétrospective classique et inappropriée parce qu’elle ignorait les enseignements des CGC (p. ex. Feely et Papagoras) sur les options de traitement disponibles pour la personne versée dans l’art et se concentrait plutôt sur la solution des inventeurs, nous offrons la réponse suivante.

[79] Dans la lettre de révision préliminaire, nous étions conscients, et nous le sommes toujours, qu’il faut faire preuve de prudence à l’égard de l’analyse rétrospective qui interprète une invention sur la base de connaissances non exposées ou suggérées dans l’art antérieur. Comme nous l’avons mentionné cidessus, l’art antérieur cité porte directement sur l’utilisation d’un anticorps monoclonal d’anti-récepteur de l’IL-6 (documents D2 et D3), et plus spécifiquement sur l’utilisation d’une combinaison de sarilumab et de MTX (document D3) après une absence de réponse au traitement par antagoniste TNF-α. Notre analyse était et est toujours axée sur les connaissances divulguées ou suggérées dans l’art antérieur.

Facteur du motif

[80] En ce qui concerne le facteur du motif, les Demandeurs soutenaient, aux pages 4 et 5 de la réponse à la lettre de révision préliminaire, que les documents d’antériorité cités ne motiveraient pas la personne versée dans l’art à choisir le traitement revendiqué, encore moins le schéma posologique, et que la personne versée dans l’Art ne s’attendrait pas à ce que le traitement revendiqué soit fructueux pour traiter la population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX ou la population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α avec la posologie revendiquée :

[traduction]

Comme le reconnaît la Commission, le document D1 ne divulgue pas les populations revendiquées. Cependant, le document D1 indique avoir traité une population qui avait été traitée de manière inadéquate avec le MTX.

Les documents D2 et D3 ne divulguent pas le traitement des populations revendiquées avec l’anticorps anti-récepteur de l’IL-6 revendiqué et le MTX à la dose actuellement revendiquée (c.-à-d. une dose de 150 mg à 200 mg toutes les deux semaines).

Au lieu de cela, le document D2 indique les résultats d’un essai clinique de phase III (RADIATION) qui a traité des sujets ayant eu une réponse inadéquate aux inhibiteurs TNF avec du tocilizumab, qui est différent de l’anticorps revendiqué, et du MTX. Même si, en théorie, le document D2 divulgue les populations visées par les revendications (ce que les Demandeurs n’admettent pas), le document D2 ne divulgue pas ni ne suggère l’utilisation de l’anticorps revendiqué, encore moins l’anticorps revendiqué à la dose et à la posologie spécifiées pour une utilisation en combinaison avec le MTX pour traiter la population de sujets telle que décrite dans les revendications en instance.

De même, le document D3 ne divulgue pas l’anticorps revendiqué selon le schéma posologique spécifié pour une utilisation en combinaison avec le MTX pour traiter un sujet comme énoncé dans les revendications en instance. En fait, le document D3 n’est qu’un plan pour étudier l’efficacité et l’innocuité du sarilumab chez des participants atteints d’arthrite rhumatoïde active qui n’ont pas répondu aux bloqueurs TNF-α. Le document D3 ne fournit aucune donnée. Le document D3 est complètement silencieux sur les doses d’anticorps ou les schémas posologiques, et encore moins pour la population visée telle que décrite dans les revendications en instance.

Compte tenu de ce qui précède, une personne versée dans l’art ne saurait pas comment sélectionner le traitement revendiqué parmi les nombreux choix de traitement, encore moins la posologie, le schéma posologique et la voie d’administration (et le rapport préliminaire n’explique pas comment une personne versée dans l’art choisirait parmi les divers anticorps, options de posologie et schémas) pour arriver à l’invention revendiquée, encore moins avoir une attente de succès. Par exemple, le document D1, qui est le seul document qui déclare les doses de sarilumab et indique les doses dans le contexte du traitement d’une population précédemment traitée de manière efficace avec le MTX. Le document D1 expose cinq différents schémas posologiques pour la combinaison de sarilumab et de MTX, et a montré que le pourcentage le plus élevé de patients ayant atteint une réponse ACR20 était celui des patients ayant reçu le schéma posologique le plus élevé (150 mg chaque semaine). En revanche, l’invention revendiquée en l’instance mentionne actuellement un schéma posologique inférieur (c.àd. 150 mg à 200 mg toutes les deux semaines). Le document D3, qui n’est qu’un protocole d’étude clinique, n’expose aucun résultat, encore moins la posologie, et bien que le document D2 expose la posologie, celleci concerne un anticorps entièrement différent administré par une voie d’administration différente et à une population différente. Une personne versée dans l’art qui examine les documents cités ne serait pas motivée à combiner les documents, encore moins à s’attendre à ce que le traitement revendiqué soit efficace pour traiter une telle population à la posologie revendiquée. [Soulignement et caractères gras dans l’original.]

[81] Respectueusement, nous ne sommes pas d’accord. Nous estimons que les documents d’antériorité D2 et D3 cités fournissent une justification et un motif clairs pour d’utiliser des antagonistes du récepteur de l’IL-6 (document D2), et plus spécifiquement du sarilumab (document D3) comme agent biologique de rechange utilisant un mécanisme d’action différent, plutôt que des antagonistes TNF-α pour traiter la population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX. Notamment, le document D3 fournit un motif très précis, car il propose des essais d’administration de sarilumab à une population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX.

[82] En ce qui concerne le schéma posologique, nous estimons que la personne versée dans l’art aurait généralement été motivée à déterminer une voie, une dose et un moment d’administration du sarilumab efficaces sur le plan thérapeutique. À cet égard, bien que la personne versée dans l’art sache que la population de patients visée par le document D1 n’est pas une population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX ou une population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α, nous estimons que la personne versée dans l’art serait néanmoins motivée à essayer des régimes posologiques de sarilumab qui étaient connus comme étant efficaces sur le plan thérapeutique chez les patients atteints d’AR, et que le document D1 inciterait donc la personne versée dans l’art à procéder à des essais variés qui incluent au moins, mais ne sans toutefois s’y limiter, à l’administration sous-cutanée d’une posologie entre 100 mg et 200 mg une fois toutes les deux semaines pendant 12 semaines.

[83] Les Demandeurs ont également soutenu que la pathogenèse sous-jacente entraînant deux populations atteintes d’AR serait différente et que, par conséquent, la personne versée dans l’art ne serait pas motivée à essayer le même traitement pour une population atteinte d’AR, mais ayant une réponse inadéquate au MTX ou à un antagoniste TNF-α et pour une population ayant une réponse inadéquate à la fois au MTX et à un antagoniste TNF-α.

[84] Respectueusement, nous ne sommes pas d’accord. La personne versée dans l’art saurait que le MTX, les antagonistes TNF-α et le sarilumab ont des mécanismes d’action différents, et saurait que passer d’un traitement qui a échoué à un autre traitement avec un mécanisme d’action différent est une stratégie courante. Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, le document D3 propose des essais d’une combinaison de sarilumab et de MTX pour une population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX, et D1 divulgue que la combinaison de sarilumab et de MTX est efficace chez une population ne répondant pas au MTX. Nous estimons donc que la personne versée dans l’art aurait généralement été motivée à essayer la combinaison de sarilumab et de MTX, pour toute population de patients atteints d’AR qui ne répond ni au MTX (augmentation de l’adénosine et diminution de la synthèse de la pyrimidine), ni à un antagoniste TNF-α (inhibition du TNF-α), ni aux deux, car le sarilumab (inhibition de l’IL-6) n’agit pas par le même mécanisme d’action.

[85] Quoi qu’il en soit, et comme nous l’avons expliqué aux paragraphes [52] et [55], nous estimons que : (i) la portée des revendications 16 à 31, et 33 à 45 au dossier est suffisamment large pour englober à la fois la population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX et la population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α; et (ii) la portée des revendications 33 à 45 au dossier est suffisamment large pour englober l’utilisation de MTX en combinaison avec l’anticorps mentionné qui se lie spécifiquement au récepteur de l’IL-6 humain.

Facteur de l’ampleur et de l’effort

[86] En ce qui concerne le facteur de l’ampleur et de l’effort, les Demandeurs ont soutenu, à la page 5 de la réponse à la lettre de révision préliminaire, que la conclusion préliminaire du Comité selon laquelle l’effort requis pour réaliser l’invention revendiquée ne dépasserait pas ce qui est courant n’est pas la considération pertinente.

[87] Selon les Demandeurs, [traduction] « [l]a question qu’il convient de se poser n’est pas de savoir si une invention est le résultat d’un développement pharmaceutique courant, mais plutôt si une personne versée dans l’art aurait considéré le résultat du processus – ici, l’obtention des traitements pour les populations revendiquées – comme l’une des solutions identifiées et prévisibles parmi un nombre déterminé de solutions ». Sur cette base, les Demandeurs concluent que, [traduction] « [p]uisque la Commission n’a pas établi qu’il existe un nombre déterminé de solutions, son analyse de l’essai allant de soi échoue ».

[88] Respectueusement, nous ne sommes pas d’accord. Sanofi par. 69 décrit le facteur de l’ampleur et de l’effort comme suit :

Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

[89] Nous estimons donc qu’examiner la question de savoir si les efforts requis pour réaliser l’objet revendiqué sont à la portée des compétences et des capacités de la personne versée dans l’art et ne dépasseraient pas ce qui est courant dans le domaine, comme nous l’avons fait dans la lettre de révision préliminaire, est une considération appropriée dans le contexte de l’analyse du facteur de l’ampleur et de l’effort.

[90] Les Demandeurs semblent confondre le facteur de l’évidence et le facteur de l’ampleur et de l’effort dans une analyse de l’« essai allant de soi ». Nous avons déjà admis et examiné l’argument concernant la question de savoir s’il existe un nombre déterminé de solutions prévisibles identifiables dans notre analyse du facteur de l’évidence ci-dessus, car nous estimons que de telles considérations apportent des renseignements pertinents dans l’analyse, qui nous aident à déterminer en quoi la solution revendiquée est « évidente » pour la personne versée dans l’art.

[91] Quoi qu’il en soit, nous réitérons ici notre avis selon lequel le nombre de solutions prévisibles identifiables connues de la personne versée dans l’art pour traiter la population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX ou la population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α n’était pas indéterminé, mais limité en ce qui a trait aux stratégies de traitement, et que compte tenu des divulgations antérieures citées qui portent directement sur l’inhibition de l’IL-6 comme stratégie, les solutions prévisibles enseignées par l’état de la technique sont limitées et sont axées sur l’utilisation d’une combinaison d’anticorps monoclonal de l’anti-récepteur de l’IL-6 et de MTX après l’absence de réponse à un traitement par antagoniste TNF-α, tel qu’enseigné par les documents D2 et D3.

[92] En outre, dans Apotex Inc. c Janssen Inc., 2021 CAF 45 aux par. 30 à 36, la Cour d’appel fédérale a précisé que l’examen de la question de savoir s’il est « plus ou moins évident que l’essai sera fructueux » est simplement un facteur parmi plusieurs, qui n’est pas en soi déterminant et ne constitue pas une exigence. Nous considérons que la même chose s’applique à l’examen de la question de savoir s’il existe un nombre déterminé de solutions prévisibles identifiables connues de la personne versée dans l’art; cela n’est pas en soi déterminant et ne constitue pas une exigence. Nous estimons donc, indépendamment de notre conclusion ci-dessus concernant la manière dont le nombre de solutions identifiables était déterminé et prévisible, qu’une conclusion à cet égard n’aurait pas permis de trancher la question de savoir s’il allait de soi de tenter d’arriver à l’objet revendiqué, comme le suggèrent les observations des Demandeurs.

[93] La réponse à la lettre de révision préliminaire n’a pas contesté ou commenté notre opinion préliminaire concernant les efforts requis pour réaliser l’objet revendiqué. Nous estimons donc toujours que les efforts nécessaires pour réaliser l’objet revendiqué relèvent des compétences et des capacités de la personne versée dans l’art et ne dépasseraient pas ce qui est courant dans le domaine. Il convient de noter que nous considérons que les essais de posologies pour la sélection de doses constituent un travail pharmaceutique courant dans le domaine des thérapies antirhumatismales pour évaluer l’innocuité et l’efficacité des agents thérapeutiques potentiellement utiles. Nonobstant cette opinion, nous estimons également que la personne versée dans l’art, en essayant d’identifier un schéma posologique efficace sur le plan thérapeutique pour l’utilisation de sarilumab chez une population ne répondant pas à une combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX ou une population ne répondant pas à un antagoniste TNF-α, utiliserait les renseignements disponibles dans le document D1.

Est-ce qu’il allait de soi de tenter d’arriver à l’invention?

[94] Compte tenu de toutes les évaluations ci-dessus des facteurs pertinents dans une analyse de l’« essai allant de soi », ainsi que des observations et des arguments présentés dans la réponse des Demandeurs à la lettre de révision préliminaire, nous estimons qu’il allait de soi de tenter d’arriver à l’objet des revendications indépendantes 1, 3, 16, 18, 33 et 35 au dossier.

[95] En ce qui concerne les revendications dépendantes 2, 4 à 15, 17, 19 à 32, 34, et 36 à 45 au dossier qui précisent davantage les caractéristiques énumérées cidessus aux paragraphes [31] à [41] de la section « Les revendications au dossier », la réponse à la lettre de révision préliminaire n’a pas fourni d’observations précises sur ces caractéristiques, et nous estimons donc toujours qu’aucune des caractéristiques énoncées dans les revendications n’aurait exigé un quelque degré d’inventivité de la part de la personne versée dans l’art.

Conclusion concernant l’évidence

[96] Compte tenu de ce qui précède, nous estimons que les revendications au dossier englobent un objet qui aurait été évident pour la personne versée dans l’art, à la date pertinente, compte tenu des documents D1, D2 et D3, et de ses CGC, contrairement à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[97] Comme nous l’avons mentionné dans la section « Historique de la poursuite » cidessus, les Demandeurs ont soumis un ensemble de revendications comprenant les revendications 1 à 45 avec la réponse à la lettre de révision préliminaire (les revendications proposées).

[98] Pour les motifs qui suivent, nous ne considérons pas que les revendications proposées corrigent l’irrégularité décrite ci-dessus relativement à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[99] Dans les revendications indépendantes proposées 1, 3, 15, 18, 33 et 35, une dose de 150 mg à 200 mg toutes les deux semaines est revendiquée, tandis que dans les revendications indépendantes au dossier, une dose de 100 mg à 200 mg toutes les deux semaines est revendiquée.

[100] Les revendications indépendantes proposées 1 et 3 comprennent l’énoncé [traduction] « traiter l’arthrite rhumatoïde chez un sujet qui a été précédemment traité de manière inefficace pour l’arthrite rhumatoïde avec un antagoniste TNF-α en combinaison avec du méthotrexate », tandis que les revendications 1 et 3 au dossier comprennent l’énoncé [traduction] « traiter l’arthrite rhumatoïde chez un sujet qui a été précédemment traité de manière inefficace pour l’arthrite rhumatoïde avec le méthotrexate et qui a été précédemment traité de manière inefficace pour l’arthrite rhumatoïde avec un antagoniste TNF-α ». Nous considérons que les deux phrases englobent une population ne répondant pas à la combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX.

[101] Les revendications proposées 11 et 28 précisent en outre que le MTX est destiné à être utilisé [traduction] « en combinaison avec l’anticorps ».

[102] Les revendications proposées 15, 23 et 40 sont modifiées pour supprimer l’expression [traduction] « le groupe comprenant ».

[103] Nous avons déjà exprimé ci-dessus notre avis sur les raisons pour lesquelles l’objet des revendications au dossier est évident et ne se conforme pas à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Nous considérons que notre analyse de l’évidence des revendications au dossier s’applique également aux revendications proposées 1 à 45, puisque leur objet est visé par une ou plusieurs des revendications au dossier et a donc déjà été examiné dans notre analyse de l’évidence ci-dessus.

[104] À cet égard, nous avons déjà considéré une population de patients comprenant un [traduction] « sujet qui a été précédemment traité de manière inefficace pour l’arthrite rhumatoïde avec un antagoniste TNF-α en combinaison avec du méthotrexate » lorsque nous avons considéré une population ne répondant pas à la combinaison d’antagoniste TNF-α et de MTX, et nous avons déjà considéré une dose de 150 mg à 200 mg toutes les deux semaines lorsque nous avons considéré une dose de 100 mg à 200 mg toutes les deux semaines.

[105] Nous concluons donc que les revendications proposées englobent un objet qui aurait été évident pour la personne versée dans l’art, à la date pertinente, compte tenu des documents D1, D2 et D3, et des CGC, contrairement à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[106] Étant donné que les revendications proposées ne permettraient pas de corriger l’irrégularité identifiée dans les revendications au dossier, elles ne sont pas considérées comme des modifications « nécessaires » pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.


 

Recommandation de la Commission

[107] Compte tenu de ce qui précède, nous recommandons que la demande soit rejetée au motif que l’objet des revendications 1 à 45 est évident, contrairement à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

 

 

 

Marcel Brisebois

Lewis Robart

Christine Teixeira

Membre

Membre

Membre


 

Décision du commissaire

[108] Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission de rejeter la demande pour le motif que l’objet des revendications 1 à 45 est évident, contrairement à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[109] Par conséquent, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, les Demandeurs disposent d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Konstantinos Georgaras

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec)

ce 14e jour de mai 2025.

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