Référence : The Coca-Cola Company (Re), 2025 CACB 2
Décision du commissaire no 1683
Commisoner’s Decision #1683
Date : 2025-03-07
SUJET : |
O00 |
Évidence |
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TOPIC: |
O00 |
Obviousness |
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Demande no 2 718 279
Application No. 2718279
BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
La demande de brevet numéro 2 718 279, ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96-423) dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, rejetée en vertu de l’article 40 de la Loi sur les brevets, et les revendications de méthode proposée ayant été renvoyée pour nouvel examen après l’appel devant la Cour fédérale en vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, a par la suite été examinée conformément aux instructions de la Cour. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.
Agent du demandeur :
AIRD & MCBURNEY LP
Place Brookfield, 1800-181, rue Bay,
Case postale 754
Toronto (Ontario) M5J 2T9
Introduction
[1] La présente recommandation concerne l’examen de la demande de brevet refusé numéro 2 718 279, qui est intitulée « POLYMÈRE DE POLYÉTHYLÈNE TÉRÉPHTALATE D’ORIGINE BIOLOGIQUE ET SON PROCÉDÉ DE FABRICATION » et qui appartient à The Coca-Cola Company (« le Demandeur »). Conformément au jugement rendu le 28 mars 2023 par la Cour fédérale du Canada dans Coca-Cola Company c Canada (Procureur général), 2023 CF 424 [Coca-Cola], la demande a été renvoyée au commissaire aux brevets pour qu’il réexamine les revendications de méthode proposées en vertu de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, ch P-4.
[2] Un comité de la Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a été mis sur pied pour effectuer une révision de la demande au nom du commissaire, conformément aux directives de la Cour. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, la Commission recommande au commissaire de rejeter la demande.
Contexte
La demande
[3] La demande a été déposée en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, et la date de dépôt au Canada est le 3 mars 2009. Elle est devenue accessible au public le 1er octobre 2009.
[4] La demande concerne des contenants pour aliments et boissons fabriqués à partir d’un polymère de polyéthylène téréphtalate (PET) d’origine biologique, au lieu du PET standard d’origine pétrolière, ainsi que ses procédés de fabrication. Le PET d’origine biologique serait plus respectueux de l’environnement, car l’un des deux monomères utilisés pour le produire est fabriqué à partir de matières premières d’origine biologique qui sont renouvelables et ne contribuent pas aux émissions de gaz à effet de serre de la même manière que celles dérivées de combustibles fossiles.
Historique de la poursuite
[5] La demande en instance a été refusée dans une décision finale rendue le 23 octobre 2017, qui n’a en fin de compte pas été retirée; la demande a donc été renvoyée à la Commission pour révision au nom du commissaire, comme il a été communiqué au Demandeur le 13 septembre 2018.
[6] Lors de la révision, le Demandeur a présenté des observations orales et écrites qui comprenaient un nouvel ensemble de revendications proposées 1 à 18 datées du 15 mars 2021. À la conclusion de la révision, la Commission a recommandé que la demande soit rejetée. La recommandation a été acceptée et la demande a été rejetée dans la décision du commissaire The Coca-Cola Company (Re), 2021 CACB 26, DC 1579.
[7] Le Demandeur a interjeté appel de cette décision et la Cour fédérale a accueilli en partie l’appel, renvoyant les revendications de méthode proposées (c’est-à-dire les revendications proposées 14 à 18 datées du 15 mars 2021) au commissaire pour nouvel examen de la question de l’évidence, en vertu de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, qui a été soulevée dans Coca-Cola.
[8] Un nouveau comité de la Commission a été mis sur pied pour réviser la demande et réexaminer, au nom du commissaire, la question de l’évidence des revendications de méthode proposées 14 à 18 (ci-après appelées les « revendications 14 à 18 au dossier » par souci de commodité). Une lettre de révision préliminaire concernant le [traduction] « renvoi », datée du 7 août 2023, a été remise au Demandeur, laquelle décrit l’analyse du comité et son opinion préliminaire selon laquelle les revendications 14 à 18 au dossier définissent un objet qui aurait été évident en vertu de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Conformément au paragraphe 86(9) des Règles sur les brevets, DORS/2019-251, la lettre a informé le Demandeur d’une autre irrégularité, à savoir que l’objet de la revendication 16 au dossier était ambigu, et une analyse préliminaire de cette question a également été fournie. Cette lettre invitait le Demandeur à assister à une audience et à présenter d’autres observations orales et écrites.
[9] Dans une réponse datée du 25 octobre 2023 (la « première réponse »), le Demandeur a présenté des observations écrites concernant les observations préliminaires avant l’audience, qui avait été reportée au 8 novembre 2023 à la demande du Demandeur.
[10] Le 27 octobre 2023, la Commission a envoyé une lettre informant le Demandeur qu’un des membres du comité était malheureusement décédé. Le Demandeur s’est vu offrir l’option de poursuivre le processus de révision avec les deux membres restants du comité, Mme Cara Weir et M. Lewis Robart, ce qui était considéré comme la manière la plus rapide de procéder. Le Demandeur a naturellement préféré procéder avec un comité de trois membres; l’audience a donc été reportée en attendant la nomination d’un nouveau comité.
[11] Le comité en l’espèce a été nommé, lequel est composé d’un nouveau membre, M. Owen Terreau, ainsi que des deux autres membres du comité précédent. Dans une lettre datée du 17 novembre 2023, nous avons informé le Demandeur que le présent comité avait été mis sur pied et nous avons décrit en détail le processus qui serait suivi, compte tenu des circonstances inhabituelles liées au changement de la composition du comité en cours de processus. Nous avons également informé le Demandeur que le fait de procéder devant un nouveau comité entraînerait un retard d’environ trois mois, et nous avons demandé au Demandeur de confirmer s’il souhaitait procéder avec le nouveau comité de trois membres. Dans une lettre datée du 30 novembre 2023, le Demandeur a confirmé qu’il souhaitait procéder avec le comité de trois personnes malgré le retard.
[12] Le 10 avril 2024, nous avons envoyé une lettre informant le Demandeur que les trois membres du comité avaient effectué une révision préliminaire de la demande, y compris les revendications 14 à 18 au dossier et tout document au dossier, à l’exception de la première lettre de réponse du Demandeur. Conformément aux étapes énoncées dans notre lettre précédente, nous avons expliqué que ces observations écrites, ainsi que toute autre possible observation orale ou écrite subséquente, seraient pleinement prises en compte à la prochaine étape du processus de révision. Nous avons informé le Demandeur que les avis et les opinions préliminaires énoncées dans la lettre du premier comité, datée du 7 août 2023, étaient entièrement conformes aux opinions préliminaires du nouveau comité, et nous avons donc fait nôtre cette lettre, ci-après appelée « notre première lettre ».
[13] Notre lettre du 10 avril 2024, ci-après appelée « notre deuxième lettre », invitait également le Demandeur à assister à une audience le 14 mai 2024 et à présenter d’autres observations écrites, en plus de celles qui figurent dans la première lettre de réponse, si elle le souhaite. Pour aider à faire progresser rapidement la révision, notre deuxième lettre a également identifié des points qui pourraient bénéficier de précisions concernant le nouvel ensemble proposé de modifications aux revendications soumises avec la première réponse du Demandeur, et incitait le Demandeur à présenter des observations supplémentaires sur ces points par écrit ou lors de l’audience.
[14] Le Demandeur a dû reporter cette audience, d’abord en raison de problèmes d’horaire et d’un changement de conseiller adjoint, puis à nouveau plus tard parce qu’un des conseillers adjoints avait une urgence personnelle. Après avoir fixé une nouvelle date d’audience, le Demandeur a présenté une deuxième série d’observations écrites (la « deuxième réponse ») le 25 septembre 2024, avant l’audience qui a été tenue le 3 octobre 2024.
[15] Le 4 octobre 2024, le jour suivant l’audience, le Demandeur a fourni des revendications proposées 14 à 26 révisées, comme il avait été discuté et convenu à l’audience.
[16] Nous avons terminé notre révision et présentons notre analyse ci-dessous.
La question de l’évidence
[17] Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, la Cour fédérale a renvoyé la demande au commissaire pour nouvel examen de la question de savoir si les revendications de méthode 14 à 18 au dossier sont évidentes en vertu de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.
[18] Comme nous l’indiquons également ci-dessus, le Demandeur a été informé d’une irrégularité supplémentaire qui a été découverte au cours de la révision relativement à la question de savoir si l’objet de la revendication de méthode 16 au dossier était ambigu, en contravention au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. Cependant, après un examen plus approfondi, nous sommes maintenant convaincus que cette revendication est conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, et nous avons donc limité notre analyse à la question de l’évidence.
Interprétation téléologique
Principes juridiques
[19] Conformément à Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, et à Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est faite du point de vue de la personne versée dans l’art, à la lumière des connaissances générales courantes (CGC) pertinentes, en tenant compte de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.
[20] Nous considérons que tous les éléments présentés dans une revendication sont présumés essentiels, à moins que le contraire soit établi ou que la personne versée dans l’art comprendrait, au regard du libellé de la revendication, que le Demandeur n’avait pas l’intention que cet élément soit essentiel.
Analyse
Revendications 14 à 18 au dossier
[21] Les revendications 14 à 18 au dossier concernent toutes un procédé de fabrication d’un contenant pour boissons en polymère de PET d’origine biologique. La revendication 14 est la seule revendication indépendante :
[traduction]
14. Procédé de fabrication d’un contenant pour boissons en polyéthylène téréphtalate (PET) d’origine biologique, comprenant :
le traitement d’un polymère de PET d’origine biologique pour former une résine d’origine biologique, le polymère de PET d’origine biologique comprenant un composant de téréphtalate pétrochimique comprenant de l’acide téréphtalique et ayant des niveaux négligeables de carbone-14 (C-14), et de l’éthylène glycol dont au moins 70 % en poids provient d’au moins une matière d’origine biologique et comprenant du C-14, ledit éthylène glycol comprenant des niveaux de C-14 plus élevés par rapport au composant de téréphtalate pétrochimique;
un moulage par injection ou un moulage biorienté de ladite résine d’origine biologique pour former ledit contenant pour boissons en PET d’origine biologique.
[22] Les revendications dépendantes 15 à 17 définissent des restrictions supplémentaires concernant la matière d’origine biologique (revendication 15), le taux de décomposition du carbone-14 (C-14) compris dans le polymère de PET (revendication 16) et le type de contenant pour boissons (revendication 17). La revendication dépendante 18 définit une étape supplémentaire du procédé concernant le recyclage du contenant pour boissons :
[traduction]
18. Procédé décrit aux revendications 14 à 17, comprenant en outre le recyclage du contenant pour boissons en polymère de PET d’origine biologique à l’aide de systèmes de recyclage conçus pour les produits en PET dérivé du pétrole.
Personne versée dans l’art
[23] La décision finale a défini la personne versée dans l’art comme suit :
[traduction]
La personne versée dans l’art est considérée comme un fabricant de contenants pour aliments ou boissons en PET. Dans la correspondance du 12 février 2016, le Demandeur a défini la personne versée dans l’art comme un « transformateur », c’est-à-dire, une personne « participant à la transformation de résines plastiques en produits finis, notamment des contenants pour aliments et boissons », mais « pas une personne compétente dans la préparation de polymères ». Selon l’examinateur, il est clair que la personne versée dans l’art participe à la préparation du polymère de PET, en particulier au choix des monomères appropriés pour la polymérisation. Quoi qu’il en soit, les deux opinions sont prises en compte dans l’analyse qui suit.
[24] Après avoir examiné le dossier et tenu compte des observations du Demandeur, nous avons exprimé, dans notre première lettre, l’opinion préliminaire selon laquelle cette définition était raisonnable, et nous avons invité le Demandeur à fournir d’autres commentaires s’il n’était pas d’accord. Dans notre deuxième lettre, nous avons précisé nos propos antérieurs en fournissant explicitement notre opinion préliminaire selon laquelle la personne versée dans l’art serait une équipe comprenant à la fois un chimiste des polymères et un transformateur.
[25] La première réponse du Demandeur contestait notre définition, affirmant que la personne versée dans l’art devrait être considérée comme un transformateur participant à la transformation de résines plastiques en produits finis, notamment des contenants pour aliments et boissons, et non pas comme une personne compétente dans la préparation de polymères. La deuxième réponse du Demandeur a modifié cette affirmation en indiquant que la personne versée dans l’art serait un transformateur [traduction] « et non pas seulement » une personne compétente dans la préparation de polymères.
[26] À l’audience, le Demandeur a précisé que le libellé de sa deuxième réponse ne visait [traduction] « pas seulement » à indiquer qu’il était d’accord que la personne versée dans l’art serait une équipe comprenant à la fois un transformateur et une personne compétente dans la préparation de polymères, comme un chimiste des polymères. Le Demandeur a ajouté que l’expertise de la personne versée dans l’art comprendrait une compréhension du recyclage des contenants. Nous convenons que cela est raisonnable.
Connaissances générales courantes
[27] Notre première lettre expose nos opinions préliminaires concernant les éléments de CGC fondés sur les renseignements contextuels fournis dans la description en instance, et indique en outre que les renseignements pertinents trouvés dans les manuels, les encyclopédies et les livres de référence suivants, tous publiés au moins dix ans avant la date de publication de la demande, auraient été considérés comme CGC :
J. E. Brady et J. R. Holum, Chemistry: The Study of Matter and Its Changes, John Wiley & Sons, Inc., 1993, aux p. 44, 45, 50 et 54 (Brady et Holum);
Gillespie et coll., Atoms, Molecules, and Reactions: An Introduction to Chemistry, Prentice-Hall International, Inc., 1994, à la p. 25 (Gillespie et coll.);
J. Karhu, « Carbon Isotopes », dans Encyclopedia of Geochemistry: A Comprehensive Reference Source on the Chemistry of the Earth, Springer Dordrecht, 1998, à la p. 67 (Karhu);
M. P. Stevens, Introduction to Polymer Chemistry, 2e édition, New York, Oxford University Press, 1990, aux p. 26, 31, 32, 94, et 393 à 395 (Stevens);
C. A. Harper (rédacteur en chef), Modern Plastics Handbook, New York, McGraw-Hill, 1999, aux p. 1.35, 1.37 à 1.39, 12.17, 12.28, 12.29, 12.33 et 12.34 (Harper);
M. M. Gauthier (éditeur), Engineered Materials Handbook, Desk Edition, ASM International, 1995, aux p. 292 à 294 (Gauthier).
[28] Le Demandeur n’a pas contesté que les renseignements contextuels particuliers que nous avons mentionnés dans la description (comme détaillés ci-dessous) étaient des CGC. De même, le Demandeur n’a pas contesté que l’un de ces livres de référence est cité de manière appropriée pour étayer les CGC. Cependant, la première réponse du Demandeur a maintenu que les renseignements fournis dans ces références sont liés à la chimie en général et qu’ils divulguent certaines propriétés du C-14 et la fabrication conventionnelle de résine de PET d’origine pétrolière. Nous sommes d’accord et ajoutons de manière similaire que ces livres de référence divulguent des procédés conventionnels de recyclage des contenants en résine de PET d’origine pétrolière, y compris les bouteilles en particulier, comme détaillé ci-dessous.
[29] Nous avons également exprimé l’opinion préliminaire selon laquelle il est plus approprié de considérer les renseignements fournis dans la section contextuelle du document D5 au dossier concernant la synthèse du PET conventionnel et des résines de PET d’origine pétrolière comme des CGC que comme un art antérieur. Il est important de noter que le document D5 est un document de brevet qui a été précédemment cité dans le dossier comme art antérieur, et non comme CGC :
D5 : US 6500890 EDWARDS et coll. 31 décembre 2002
[30] Notre première lettre expliquait que les enseignements pertinents sont fournis sous forme de renseignements contextuels sur la synthèse conventionnelle du PET à l’aide de PET d’origine pétrolière, qui était bien connue dans le domaine. Le Demandeur avait précédemment reconnu dans le dossier (page 13 de sa lettre du 15 mars 2021) que les renseignements fournis dans la section contextuelle du document D5 concernaient la synthèse conventionnelle du PET et l’utilisation de résines de PET d’origine pétrolière dans des emballages rigides, comme des bouteilles. Sur cette base, et puisque les mêmes renseignements sont également fournis dans les autres livres de référence qui font maintenant partie du dossier, notre opinion préliminaire était que les renseignements devaient être considérés comme des CGC.
[31] Le Demandeur n’a pas admis dans la première ou la deuxième réponse que le document D5, un document de brevet, ferait partie des CGC.
[32] Les principes régissant l’évaluation des CGC, qui ont été examinées dans notre première lettre, ont été énoncés dans Eli Lilly and Company c Apotex Inc, 2009 CF 991, au par. 97; conf. par 2010 CAF 240, citant General Tire & Rubber Co c Firestone Tyre & Rubber Co Ltd, [1972] RPC 457 (CA du R-U), aux p. 482 et 483. En résumé, les CGC sont un concept qui découle d’une approche fondée sur le bon sens à la question pratique de ce qui serait en fait connu d’une personne visée possédant les compétences appropriées. En général, les articles scientifiques font partie des CGC tant qu’ils sont en général connus et considérés comme un fondement à d’autres mesures prises par la majorité des personnes qui participent à un art en particulier.
[33] Les ouvrages de référence établis (comme des manuels, des articles de revue et des recueils, etc.) ou l’aspect courant démontré de certaines connaissances dans un certain nombre de divulgations dans le domaine sont pertinents à l’enquête (voir le Recueil des pratiques du Bureau des brevets (RPBB), à la section 12.02.02c).
[34] Notre opinion préliminaire sur le document D5 a été exprimée en gardant ces principes à l’esprit.
[35] Cette question a été abordée à l’audience. Le Demandeur n’est généralement pas d’accord qu’un document de brevet devrait être considéré comme des CGC plutôt que comme un art antérieur, citant le même extrait de la section 12.02.02c du RPBB.
[36] Nous avons expliqué que, puisque les renseignements pertinents se limitaient à la section contextuelle du brevet (c’est-à-dire à la section qui fournit un contexte dans le domaine) et figurent également dans les livres de référence cités dans notre lettre, cela démontre un aspect courant des connaissances dans un certain nombre de divulgations dans le domaine. Étant donné que les renseignements pertinents figurent également dans des sources qu’on peut définir comme des [traduction] « documents de référence établis », nous avons demandé si le Demandeur considérerait qu’il serait plus approprié pour nous de retirer complètement le document de référence D5.
[37] Bien que le document D5 contienne d’autres renseignements ailleurs que dans la section contextuelle qui n’était pas bien connue, ce qui est en grande partie la raison pour laquelle les documents de brevet ne sont généralement pas considérés comme des documents de CGC, le Demandeur n’a pas contesté que les renseignements contextuels figurant dans les colonnes 1 et 2 du document D5 étaient bien connus. Le Demandeur n’a pas accepté que le document D5 soit retiré complètement parce que, peu importe si les renseignements contenus dans le document D5 étaient considérés comme un art antérieur ou des CGC, les renseignements sur la qualité de la résine de bouteille à la colonne 2, lignes 28 à 30, sont pertinents aux fins de l’enquête sur l’évidence. Nous sommes d’accord.
[38] À notre avis, les CGC auraient inclus les renseignements suivants, qui ont été inclus dans notre première lettre et qui n’ont été ni contestés ni commentés par le Demandeur dans ses réponses, et qui sont en outre étayés dans certains cas par la déclaration datée du 16 septembre 2016 de l’expert du Demandeur, M. Robert J. Schiavone, qui est présenté comme un expert en plastiques d’emballage de PET et qui détient un doctorat en chimie organique et en sciences macromoléculaires :
- il est connu que l’isotope de C-14, qui a une demi-vie d’environ 5 700 ans, se trouve dans les matières d’origine biologique, mais pas dans les combustibles fossiles (description, au par. [0016]);
- tous les isotopes d’un élément donné ont des propriétés chimiques pratiquement identiques – ils entraînent tous les mêmes types de réactions chimiques (Brady et Holum, aux p. 44 et 45);
- la réactivité chimique et les propriétés chimiques sont dictées par les électrons (et les protons) d’un atome, et non par le nombre de neutrons qu’il possède, le nombre de neutrons étant la différence entre les isotopes de C-12, de C-13 et de C-14 (Brady et Holum, aux p. 44, 45, 50 et 54);
- l’abondance isotopique du C-14 dans la nature est relativement faible (environ 10-10 %) par rapport aux isotopes stables de C-12 et de C-13, qui ont une abondance naturelle en pourcentage de 98,89 % et 1,11 %, respectivement (Gillespie et coll., à la p. 25; Karhu, à la p. 67);
- la composition du C-14 peut être déterminée en mesurant son processus de désintégration (nombre de désintégrations par minute et par gramme de carbone, ou dpm/gC) par le comptage par scintillation liquide (description, au par. [0017]);
- le PET est le polyester linéaire le plus utilisé parmi les principaux plastiques d’ingénierie qui sont bien connus pour avoir des propriétés mécaniques supérieures et une plus grande durabilité (Stevens, aux p. 31, 32 et 393);
- le PET est bien connu comme une matière de qualité pour les bouteilles moulées par soufflage, et ses résines sont largement utilisées pour fabriquer des emballages comme des contenants pour boissons gazeuses de deux litres et ont pratiquement remplacé le verre dans l’emballage de nombreux produits de consommation comme les boissons gazeuses (Harper, à la p. 1.35; document D5, colonne 1, lignes 21 à 30);
- le PET est produit directement par la polymérisation de l’éthylène glycol (EG) et de l’acide téréphtalique (AT), ou l’EG et l’AT peuvent réagir dans le cadre d’une estérification pour former le monomère de bi-(2-hydroxyéthyl)téréphtalate (BHET), qui est ensuite polymérisé en PET (Stevens, aux p. 393 à 395; document D5, colonne 1, lignes 50 à 56; Harper, aux p. 1.37 et 1.38; Gauthier, à la p. 294);
- l’AT et l’EG sont généralement d’origine pétrolière (description, au par. [0003]);
- le PET a une température de transition vitreuse caractéristique d’environ 69oC et contient un rapport molaire standard de 1:1 de AT:EG dans la structure polymérique, ce qui se traduit par un pourcentage en poids d’environ 70 % d’AT et d’environ 30 % d’EG (Stevens, aux p. 26, 94 et 395; Harper, aux p. 1.38 et 1.39);
- selon les techniques conventionnelles de fabrication de résine de bouteilles, le PET est d’abord polymérisé dans le cadre de la phase de fusion à un poids moléculaire et à une viscosité intrinsèque inférieurs d’environ 0,6 dl/g, puis il est polymérisé dans le cadre de la phase solide pour augmenter davantage le degré de polymérisation et le poids moléculaire afin d’atteindre une viscosité intrinsèque plus élevée qui favorise mieux la paraison de bouteilles (document D5, colonne 1, lignes 30 à 35 et 62, et colonne 2, ligne 10; Gauthier, à la p. 294);
- cette technique de polymérisation en phase solide, aussi connue sous le nom de « solidification », était bien connue dans la fabrication de résines de PET pour augmenter le poids moléculaire et la viscosité intrinsèque du PET au niveau désiré afin d’assurer de bonnes propriétés mécaniques et la pertinence pour un plus grand nombre d’applications (Harper, aux p. 12.33 et 12.34; Gauthier, à la p. 294);
- le PET est généralement transformé en bouteilles par un processus en deux étapes consistant à injecter du PET fondu dans une paraison, qui est réchauffée et placée dans un moule à bouteille, puis étirée et gonflée à l’air sous haute pression pour former une bouteille (document D5, colonne 2, lignes 14 à 25; déclaration de M. Schiavone, au par. 6);
- les bouteilles de boissons gazeuses en PET ont été les premiers contenants en plastique recyclables après la consommation à grande échelle, recyclage qui a commencé presque en même temps que l’introduction de la bouteille en 1977 (Gauthier, à la p. 293; Harper, aux p. 12.28 et 12.29);
- le PET composant les bouteilles est généralement récupéré et transformé en flocons ou en granules de PET pouvant être réutilisés pour fabriquer de nouveaux produits (recyclage secondaire ou physique), ou décomposé en ses monomères constitutifs, comme l’AT, l’EG ou le BHET, qui peuvent être réutilisés pour fabriquer d’autres polymères ou générer du PET vierge (recyclage tertiaire ou chimique) (Gauthier, aux p. 292 à 294; Harper, aux p. 12.17, 12.33 et 12.34).
[39] Compte tenu des connaissances sur le C-14, nous avons conclu que la personne versée dans l’art aurait su que tout C-14 présent dans l’EG d’origine biologique (qui serait d’environ 10-10 %, ou 0,0000000001 %, des atomes de carbone d’origine biologique ou moins) entraînerait les mêmes réactions chimiques que les autres isotopes du carbone. Nous fondant sur cela, notre opinion préliminaire était que la personne versée dans l’art se serait raisonnablement attendue à ce que l’EG d’origine biologique et l’AT d’origine biologique aient les mêmes propriétés chimiques et entraînent les mêmes réactions chimiques que ceux d’origine pétrolière. Pour cette raison, notre opinion préliminaire était que les produits en PET d’origine biologique et d’origine pétrolière ne seraient pas distinguables en termes d’apparence, de fonction et de caractère recyclable.
[40] Le Demandeur a contesté cela dans ses observations écrites, expliquant, à l’audience, que, mis à part les isotopes de carbone, l’EG d’origine biologique ne réagirait pas de la même manière que l’EG d’origine pétrolière, à moins qu’il ne soit suffisamment pur, ajoutant que les monomères d’origine biologique sont difficiles à purifier. Pour préciser ce point, nous avons demandé au Demandeur si les propriétés seraient similaires à celles de l’EG d’origine pétrolière si l’EG d’origine biologique était purifié, et le Demandeur a répondu que cela [traduction] « dépend[rait] de ce que [un producteur d’EG d’origine biologique] faisait pour le purifier ».
[41] Après un examen plus approfondi, nous concluons que l’argument du Demandeur est compatible avec une déclaration similaire dans la section contextuelle du document D5 (colonne 1, lignes 46 à 50) selon laquelle la pureté des monomères utilisés pour produire le PET est un facteur important dans ce domaine. Nous formulons donc notre opinion comme suit : la personne versée dans l’art s’attendrait à ce que l’EG d’origine biologique et l’AT d’origine biologique aient les mêmes propriétés chimiques et entraînent les mêmes réactions chimiques que l’EF et l’AT d’origine pétrolière. C’est pourquoi ils seraient utiles, à la place d’un monomère d’origine pétrolière, pour polymériser le PET. Cependant, pour produire de la résine de PET de qualité suffisante pour fabriquer des bouteilles, ces monomères d’origine biologique devraient également être suffisamment purs.
[42] Mis à part la pureté, le Demandeur a également expliqué, à l’audience, que les résines de PET ne sont pas toutes les mêmes, même en comparant deux résines de PET d’origine pétrolière, et qu’elles ne permettront donc pas nécessairement de fabriquer des produits similaires qui seraient indiscernables en termes d’apparence, de fonction et de caractère recyclable. Le Demandeur a cité le document D5 comme preuve que la qualité de la résine est essentielle pour fabriquer des bouteilles acceptables sur le plan commercial.
[43] Cela est également compatible avec les CGC énoncées ci-dessus. La capacité de fabriquer des bouteilles nécessite un traitement à une certaine viscosité intrinsèque, et changerait donc avec le degré de polymérisation et le poids moléculaire du polymère de PET. En outre, compte tenu des renseignements fournis dans la description, Harper et la déclaration de M. Schiavone, il était bien connu que les propriétés peuvent être modifiées ou adaptées à l’aide d’additifs qui améliorent les propriétés de base de la résine de PET.
[44] Au regard des observations du Demandeur concernant la pureté et la qualité, et étant donné qu’il est possible de modifier les propriétés du produit de PET en modifiant la résine, nous ajoutons les renseignements suivants aux CGC :
- la résine de PET de qualité suffisante pour fabriquer des bouteilles est préparée en utilisant des monomères d’EG et d’AT qui sont suffisamment purs (document D5, colonne 1, lignes 46 à 50);
- les défauts dans la paraison sont généralement transférés à la bouteille, et par conséquent, la qualité de la résine de bouteilles utilisée pour former les paraisons moulées par injection est essentielle pour obtenir des bouteilles acceptables sur le plan commercial (document D5, colonne 2, lignes 26 à 30);
- d’autres ingrédients peuvent être ajoutés à la résine de PET afin d’améliorer ses propriétés souhaitées pour une application donnée (déclaration de M. Schiavone, au par. 9; Harper, aux p. 1.39, 1.79 et 1.80; description, au par. [0014]).
Signification des termes
Réclamation 16 : au moins 0,1 dpm/gC de C-14
[45] La revendication dépendante 16 au dossier définit le polymère de PET d’origine biologique comme ayant un taux de désintégration global du C-14 d’au moins 0,1 dpm/gC. Notre première lettre exprimait l’opinion préliminaire selon laquelle la personne versée dans l’art qui lit les revendications dans le contexte de la description, y compris l’exemple I, interpréterait cela comme indiquant que le polymère de PET d’origine biologique comprend au moins environ 1 % de matières d’origine biologique. Cette opinion était fondée sur la conclusion de l’exemple I concernant l’association d’un taux de désintégration moyen du C-14 d’environ 0,14 dpm/gC pour chaque 1 % de matières d’origine biologique dans l’échantillon.
[46] En réponse, le Demandeur n’a ni admis ni contesté cette interprétation, bien qu’un libellé modifié ait été proposé pour préciser la définition du taux de désintégration du C-14 de 0,14 dpm/gC, plutôt que de 0,1 dpm/gC, ainsi que pour redéfinir le taux de désintégration comme un taux moyen pour chaque pourcentage en poids d’EG.
[47] Nous avons réexaminé notre interprétation préliminaire en fonction de cela, ainsi que d’autres modifications et précisions proposées présentées avec les réponses du Demandeur.
[48] Le taux de désintégration du C-14, qui est spécifique uniquement aux atomes de carbone contenus dans l’EG ou le PET, diminuera nécessairement très lentement au fil du temps à mesure que le C-14 se désintègre et que la teneur globale en C-14 diminue lentement. Même si le C-14 diminuera lentement au fil du temps, cela ne changera pas le fait que le PET d’origine biologique et l’EG d’origine biologique qui le compose sont (et resteront) d’origine biologique.
[49] Pour cette raison, la personne versée dans l’art interpréterait [traduction] « au moins 0,1 dpm/gC » comme indiquant la quantité minimale de C-14 contenue ou restante dans le polymère.
Éléments essentiels
[50] Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, nous considérons que tous les éléments présentés dans une revendication sont présumés essentiels, à moins que le contraire soit établi ou que la personne versée dans l’art comprenne, au regard du libellé de la revendication, que le Demandeur n’avait pas l’intention que cet élément soit essentiel. À notre avis, la personne versée dans l’art qui lit les revendications 14 à 18 dans le contexte du mémoire descriptif dans son ensemble et des CGC comprendrait que les revendications n’incluent aucun libellé indiquant que l’un ou l’autre des éléments est facultatif ou préférable, ou autrement destiné à être non essentiel. Pour cette raison, dans notre première lettre, nous avons exprimé notre opinion préliminaire selon laquelle tous les éléments des revendications 14 à 18 au dossier sont essentiels.
[51] Le Demandeur n’a ni contesté ni commenté cette opinion en réponse, et pour les mêmes raisons énoncées ci-dessus, nous concluons que la personne versée dans l’art interpréterait tous les éléments comme essentiels.
Les revendications 14 à 18 au dossier sont évidentes
Principes juridiques
[52] L’article 28.3 de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué ne soit pas évident :
a) |
qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs; |
b) |
qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs. |
[53] Dans Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61, au par. 67 [Sanofi], la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il est utile, lorsqu’il s’agit d’évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes suivantes :
(1)a) |
Identifier la « personne versée dans l’art »[;] |
b) |
Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne; |
(2) |
Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation; |
(3) |
Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation; |
(4) |
Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité? |
Analyse
(1) Identifier la personne versée dans l’art et déterminer les connaissances générales courantes pertinentes
[54] Nos définitions de la personne versée dans l’art et des CGC pertinentes sont énoncées ci-dessus.
(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation
[55] Nous notons que la plupart des arguments soulevés dans la première réponse du Demandeur sont répétés dans la deuxième réponse, et nous renverrons donc principalement à la deuxième réponse par souci de commodité. Nous notons également que les réponses du Demandeur font valoir des ensembles de revendications proposées différents de ceux renvoyés par la Cour fédérale, mais les arguments s’appliquent néanmoins aux revendications 14 à 18 au dossier et sont examinés dans le cadre de notre analyse.
[56] Notre première lettre exprimait l’opinion préliminaire selon laquelle la personne versée dans l’art considérerait les idées originales des revendications 14 à 18 comme étant les mêmes que les revendications individuelles, telles qu’interprétées. Nous avons ajouté qu’il serait implicite, pour la personne versée dans l’art, que l’EG et le PET d’origine biologique, qui sont des éléments essentiels dans toutes les revendications 14 à 18, sont renouvelables et plus respectueux de l’environnement que ceux traditionnellement issus de combustibles fossiles.
[57] À la page 8, la deuxième réponse du Demandeur fait valoir que les méthodes revendiquées offrent trois avantages qui devraient être considérés comme faisant partie de leurs idées originales. En d’autres termes, la méthode revendiquée produit, de manière avantageuse, des contenants pour boissons qui : i) ont des propriétés similaires à celles fabriquées à partir de PET d’origine pétrolière; ii) pourraient être utilisées dans des installations de fabrication de PET existantes; et iii) sont recyclables dans les installations de recyclage de PET existants.
[58] Dans Sanofi, aux paragraphes 76 à 78, la Cour suprême du Canada reconnaît que l’idée originale d’une revendication peut différer de son interprétation lorsque l’idée originale d’un brevet n’est pas claire à la lecture des revendications elles-mêmes, comme dans le cas d’une simple formule chimique. Dans de telles circonstances, il est acceptable de lire le mémoire descriptif pour déterminer l’idée originale des revendications. Bien sûr, il n’est pas permis de lire le mémoire descriptif pour interpréter les revendications de façon plus étroite ou plus large que ce que le libellé permettra (Sanofi, au par. 77).
[59] Bien que Sanofi concerne un brevet de sélection, les décisions subséquentes des tribunaux inférieurs ont considéré qu’autre que dans le contexte d’un brevet de sélection, l’idée originale peut tenir compte des propriétés spéciales, ainsi que de tout avantage allégué qui est divulgué dans la description. Par exemple, dans Apotex Inc c Shire LLC, 2021 CAF 52, au par. 84, la Cour d’appel fédérale déclare ce qui suit :
En résumé, le juge n’a commis aucune erreur en tenant compte de ces propriétés et des caractéristiques avantageuses de la LDX pour déterminer l’idée originale des revendications en litige. Je conclus également que le mémoire descriptif était suffisant pour permettre au juge d’interpréter ces propriétés comme étant des caractéristiques du composé visé par les revendications indépendantes, de sorte qu’elles devraient faire partie de l’idée originale. Contrairement à la situation décrite dans l’affaire Bristol-Myers [Société Bristol-Myers Squibb Canada c Teva Canada Limitée, 2017 CAF 76], ces propriétés bénéfiques étaient la « solution enseignée par le brevet ». Elles expliquent la source de la motivation à trouver la solution (Bristol-Myers, par. 75).
[60] Dans cette optique, nous devons examiner la question de savoir si les éléments essentiels des revendications 14 à 18 auraient nécessairement les trois avantages affirmés ci-dessus et si la description est suffisante pour les interpréter comme faisant partie de la « solution enseignée par le brevet » et des idées originales des revendications 14 à 18.
[61] En regardant la description, les paragraphes [0004] à [0006] abordent le besoin d’un substitut renouvelable et respectueux de l’environnement au PET d’origine pétrolière. Une approche antérieure dans l’art consistait à utiliser de l’acide polylactique (APL), mais la description explique que ce n’était pas un substitut satisfaisant en raison de [traduction] « propriétés significativement différentes » entre les deux polymères qui rendent les contenants en APL moins adaptés pour les boissons que les contenants en PET. Par exemple, le paragraphe [0005] indique que l’APL a une propriété d’imperméabilité aux gaz inférieure à celle du PET, ce qui rend l’APL moins adapté pour contenir des boissons gazeuses. Ce paragraphe indique également que la plupart des systèmes de recyclage actuellement utilisés sont conçus pour le PET et seraient contaminés si l’APL était introduit.
[62] Le paragraphe [0006] de la description identifie un besoin pour un PET dérivé de ressources renouvelables qui partagerait des [traduction] « propriétés similaires » à celles du PET d’origine pétrolière. Aucune propriété particulière du PET d’origine pétrolière n’est identifiée, bien que la deuxième réponse du Demandeur indique ce qui suit à la page 19 :
[traduction]
Les bouteilles doivent avoir des propriétés souhaitables similaires à celles des bouteilles à base de pétrole, avec une clarté et une résistance appropriées pour pouvoir résister aux installations de fabrication (capacité à supporter les mouvements et l’entreposage) et être remplies d’une variété de types de boissons, dont certaines sont gazeuses.
[63] Il est important de noter que la description n’indique nulle part, explicitement, que le PET d’origine biologique a des [traduction] « propriétés similaires » au PET d’origine pétrolière, et ne fournit aucun exemple qui en témoigne. Le paragraphe [0005] souligne plutôt les différences entre le PET et l’APL qui empêchent l’APL d’être un substitut satisfaisant au PET, et la description continue en présentant le PET d’origine biologique comme un remplacement approprié pour la fabrication de contenants pour boissons en PET.
[64] À notre avis, la personne versée dans l’art qui lit le mémoire descriptif, y compris ces paragraphes, comprendrait qu’on renvoie généralement aux propriétés de base qui sont uniques au PET, en particulier celles qui sont pertinentes dans ce domaine. La personne versée dans l’art saurait qu’un polymère fondamentalement différent, comme l’APL, aurait une composition chimique différente dans sa structure et un ensemble unique de propriétés.
[65] En d’autres termes, la personne versée dans l’art qui lit la description comprendrait que le PET d’origine biologique est du PET : c’est fondamentalement le même polymère que le PET d’origine pétrolière. Bien que certaines différences mineures soient possibles selon la façon dont il est polymérisé, la composition chimique de la structure du polymère de PET est la même. C’est pourquoi le PET a son propre ensemble de propriétés qui servent à le distinguer des autres polymères, comme une température de transition vitreuse d’environ 69oC et les propriétés mécaniques et la durabilité supérieurs pour lesquelles le PET est bien connu.
[66] La description divulgue cela comme un avantage par rapport à des polymères autres que du PET. Étant donné que l’incorporation de cet avantage ne mènerait pas à une interprétation des idées originales plus large ou plus étroite que ne le permet le libellé des revendications 14 à 18, nous convenons qu’il est approprié d’inclure cet avantage dans les idées originales. En d’autres termes, ce PET d’origine biologique est du PET et peut donc être utilisé comme substitut du PET d’origine pétrolière d’une manière que d’autres polymères fondamentalement différents ne peuvent pas.
[67] Cependant, à notre avis, il serait excessif d’ajouter que le contenant pour boissons aura nécessairement des propriétés similaires à celles des contenants fabriqués à partir de PET d’origine pétrolière dans l’idée originale. Dans la section relative aux CGC, nous avons accepté les arguments du Demandeur selon lesquels tous les produits de PET ne sont pas égaux et que leurs propriétés ne sont pas dictés uniquement par le choix du polymère. Comme nous l’avons expliqué ci-dessus dans la section relative aux CGC, il est courant de modifier la viscosité intrinsèque de la résine par solidification ou de modifier ses propriétés de base au moyen d’additifs, conformément à son utilisation prévue (déclaration de M. Schiavone, au par. 9; Harper, aux p. 1.39, 1.79 et 1.80; description, au par. [0014]).
[68] En ce qui concerne les deux autres avantages, la description indique au paragraphe [0006] qu’il serait [traduction] « souhaitable pour certaines applications » si le PET d’origine biologique pouvait être traité par l’intermédiaire d’installations de fabrication de PET existantes ou être facilement recyclé par des systèmes conçus pour le PET d’origine pétrolière. À notre avis, ce libellé à lui seul n’est pas suffisant pour l’ajouter dans les idées originales des revendications 14 à 17, et mènerait à une interprétation de ces revendications plus étroite que ce que leur libellé permettrait.
[69] En revanche, l’étape supplémentaire de recyclage du contenant d’origine biologique par l’intermédiaire de systèmes conçus pour les produits en PET d’origine pétrolière est explicitement revendiquée comme un élément essentiel dans la revendication 18. La description divulgue la capacité de recyclage par l’intermédiaire des systèmes de recyclage du PET existants comme un avantage (ou un inconvénient évité) parce que la plupart des systèmes en usage sont conçus pour le PET et seraient donc contaminés si l’APL était introduit (au par. [0005]). Les systèmes existants pourraient être adaptés à un nouveau polymère, ou on pourrait investir dans de nouvelles sections ou technologies de tri, mais cela serait coûteux (au par. [0005]). Étant donné que la description enseigne que sa capacité de recyclage dans les systèmes de recyclage existants conçus pour le PET d’origine pétrolière est un avantage qui fait partie de la solution enseignée par la revendication du brevet, et que cela ne mènerait pas à une interprétation de la revendication de façon plus étroite ou plus large que ce que son libellé permettrait, nous convenons que cela est considéré de façon appropriée comme faisant partie de l’idée originale de la revendication 18.
(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation
[70] Nous avons identifié le document D6 comme l’art antérieur le plus proche dans notre première lettre :
D6 : JP 2007-176873 KATO et coll. 12 juillet 2007
[71] Nous notons que le Demandeur l’a contesté dans sa deuxième réponse, au motif qu’une personne versée dans l’art dûment interprété n’aurait pas identifié le document D6. Cependant, puisque la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il est plus approprié d’examiner la possibilité de trouver cet art antérieur à l’étape 4, ces arguments sont abordés dans la section suivante (Corporation de soins de la santé Hospira Healthcare c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 30, au par. 86).
[72] Notre première lettre décrit le document D6 comme incluant les renseignements suivants :
- utilisation de matières premières dérivées d’une biomasse pour préparer des résines polymères commerciales, comme le PET, à titre de solution de rechange aux monomères dérivés du pétrole qui sont traditionnellement utilisés (aux par. [0064], [0068] et [0083]);
- méthodes de préparation de diverses matières premières organiques dérivées d’une biomasse, y compris l’éthylène glycol (aux par. [0062] à [0064]);
- préparation de polymères de PET d’origine biologique dérivés d’AT et d’EG au moyen des mêmes méthodes standard traditionnellement utilisées avec des monomères d’origine pétrolière (au par. [0068]);
- exemple de préparation d’un polymère de PET d’origine biologique à partir d’AT d’origine biologique et d’EG d’origine pétrolière ayant une température de transition vitreuse de 69oC (aux par. [0083] et [0084]);
- fait que le remplacement de précurseurs d’origine pétrolière par des matières d’origine biologique peut simultanément résoudre les problèmes de suppression du réchauffement climatique et de l’épuisement des ressources pétrolières non renouvelables, sans nuire aux caractéristiques mécaniques et aux caractéristiques de résistance à la chaleur de la résine, et peut être utilisé pour des produits moulés en résine (aux par. [0026] et [0069]);
- fait que l’APL attirait le plus d’attention en tant que matière première de résine d’origine biologique dérivée d’une biomasse, mais ces résines ont une utilisation limitée, car elles présentent généralement de faibles propriétés mécaniques et une faible résistance à la chaleur (au par. [0007]).
[73] La deuxième réponse du Demandeur a contesté notre résumé, affirmant qu’il déforme les enseignements généraux en choisissant essentiellement de façon ciblée des déclarations parmi plusieurs listes ouvertes et exhaustives (à la p. 9). Selon le Demandeur, les enseignements du document D6 englobent largement la possibilité de fabriquer des centaines, voire des milliers, de précurseurs d’origine biologique distincts sur le plan chimique qui peuvent ensuite prétendument être utilisés pour fabriquer au moins autant de résines de polymères (à la p. 11). Le Demandeur a ajouté ce qui suit aux pages 12 et 13 :
[traduction]
Nous soutenons qu’au mieux, le document D6 vise à résoudre le problème technique en fournissant une méthode de production d’une matière brute de résine dérivée d’une biomasse qui est carboneutre (au par. [0008]). Le document D6 décrit la solution comme une méthode par laquelle la matière première dérivée d’une biomasse est transformée en une source de combustible carboneutre, c’est-à-dire un composé organique (au par. [0061]) qui est ensuite converti en une matière première de résine biologique pouvant être utilisée pour produire une résine (au par. [0009]). Le document D6 décrit la méthode comme comprenant des étapes où chaque étape englobe une liste ouverte impliquant une multitude de sources de biomasse, une multitude de composés organiques possibles, une multitude de zéolites possibles sélectionnées pour un composé organique spécifique, une multitude de méthodes pour isoler et convertir le composé organique en matière première de résine, et une multitude de matières premières de résine possibles pour produire une multitude de résines dérivées d’une biomasse indéfinie.
[74] En ce qui concerne la sélection ciblée, nous convenons que notre résumé met l’accent sur les passages du document D6 qui se rapportent directement au PET et à ses monomères. À notre avis, il est raisonnable qu’une personne versée dans l’art impliquée dans ce domaine et dans la préparation de PET se concentre sur les passages du document D6 qui portent spécifiquement sur le PET et ses monomères. En outre, comme nous l’avons indiqué à la page 18 de notre première lettre, nous estimons que la personne versée dans l’art reconnaîtrait que le PET d’origine biologique et ses monomères sont largement présentés dans le document D6, puisque le PET est le seul polymère de résine d’origine biologique qui est préparé dans les exemples.
[75] Quoi qu’il en soit, compte tenu des commentaires du Demandeur, nous avons axé notre analyse et le résumé ci-dessus principalement sur les mêmes paragraphes qui ont été examinés par la Cour fédérale dans Coca-Cola, aux par. 70, 79, 83 et 84. Étant donné que c’est directement pertinent à l’idée originale de la revendication 15, nous ajoutons que le paragraphe [0030] du document D6 divulgue l’utilisation de la canne à sucre et du maïs comme sources de biomasse.
[76] Notre première lettre a identifié quatre principales différences entre l’idée originale de la revendication 14 et le document D6. La première est que le polymère de PET d’origine biologique qui est produit dans l’exemple du document D6 (au par. [0083]) et traité pour former une résine d’origine biologique n’est pas ensuite moulé par injection ou par moulage biorienté pour former un contenant.
[77] La deuxième est que le document D6 ne mentionne pas spécifiquement la production de contenants pour boissons.
[78] La troisième principale différence est que la composition du polymère de PET d’origine biologique dans l’exemple du document D6 est inversée, en termes de source, par rapport à celui de la revendication 14, en ce sens qu’elle contient de l’AT d’origine biologique et de l’EG d’origine pétrolière (plutôt que l’inverse).
[79] La quatrième principale différence est que le document D6 ne divulgue pas spécifiquement l’utilisation d’un monomère d’origine biologique qui est [traduction] « au moins 70 % en poids » dérivé de matières d’origine biologique, le monomère étant l’AT dans l’exemple au paragraphe [0083]. Le Demandeur a convenu (deuxième réponse, à la p. 14) et a souligné que les revendications sont plus spécifiques parce qu’elles indiquent qu’au moins 70 % en poids d’EG provient de matières d’origine biologique. Nous sommes d’accord.
[80] Le Demandeur a convenu qu’il s’agit de quatre principales différences avec le document D6 et en a identifié deux autres. Premièrement, le Demandeur a contesté que le document D6 divulgue l’EG d’origine biologique et une méthode pour sa préparation aux paragraphes [0062] à [0064] (deuxième réponse, à la p. 14).
[81] En regardant le document D6, les matières premières en résine dérivée d’une biomasse, y compris l’EG, sont discutées aux paragraphes [0062] et [0063], et une méthode de préparation de l’EG est divulguée au paragraphe [0064]. Le document D6 ne fournit aucune instruction étape par étape pour la préparation de l’EG d’origine biologique, mais une méthode pour sa préparation est divulguée, comme l’a reconnu la Cour fédérale dans Coca-Cola, au paragraphe 70 :
[…] bien que D6 ne fournisse pas d’exemple de procédé de fabrication de PET à partir d’un composé diol dérivé d’une biomasse, comme l’a bien décrit le commissaire, il divulgue l’utilisation de méthodes traditionnelles de synthèse de PET à partir de matières premières dérivées de biomasse (au para [0083]) et divulgue des méthodes d’extraction de diverses matières premières organiques à partir de biomasse, y compris l’éthylène glycol (aux par. [0062] à [0064]).
[82] Nous ne sommes donc pas d’accord que l’EG d’origine biologique constitue une autre différence.
[83] Deuxièmement, le Demandeur a soutenu que la présence de C-14 dans l’EG d’origine biologique, l’absence de C-14 dans l’AT pétrochimique et la différence relative de la teneur en C-14 entre eux constituent une autre différence par rapport au document D6 (deuxième réponse, aux p. 14 et 15).
[84] Aux pages 16 et 17 de notre première lettre, nous avons exprimé notre opinion préliminaire selon lequel, même si l’exemple au paragraphe [0083] ne le mentionne pas explicitement, cela aurait été une partie implicite de la troisième différence, puisque le lecteur versé dans l’art aurait reconnu que le composant d’AT d’origine biologique du polymère de PET aurait inclus du C-14 et que le composant d’EG d’origine pétrolière n’en aurait pas inclus. Même si ce n’était pas le cas, cette présence et cette absence relatives de C-14 auraient été intrinsèquement révélées dans le document D6, puisque les atomes de carbone dérivés d’une biomasse auraient nécessairement contenu des traces de C-14 d’environ 10-10 %, contrairement au carbone d’origine pétrolière (Gillespie et coll., à la p. 25; Karhu, à la p. 67).
[85] Au regard des observations du Demandeur, nous reformulons la troisième principale différence comme suit : la composition du polymère de PET d’origine biologique dans l’exemple du document D6 est inversée, en termes de source, par rapport à celui de la revendication 14, en ce sens qu’elle contient de l’AT d’origine biologique qui comprend du C-14 et de l’EG d’origine pétrolière qui n’en comprend pas (plutôt que l’inverse).
[86] Nous avons ajouté un avantage à l’idée originale de la revendication 14 qui doit également être pris en compte, c’est-à-dire que le polymère de PET d’origine biologique est du PET et peut être utilisé comme substitut du PET d’origine pétrolière d’une manière que d’autres polymères sans PET, ayant des compositions et des propriétés chimiques différentes, ne le peuvent pas. Cependant, cela ne constitue pas une différence supplémentaire, car cet avantage est également divulgué dans le document D6.
[87] Le document D6 divulgue que des résines d’origine biologique qui sont biodégradables, comme l’APL, et qui ont généralement de faibles propriétés mécaniques et une faible résistance à la chaleur, ce qui limite leur utilité en tant que remplacement viable et carboneutre des résines conventionnelles d’origine pétrolière (au par. [0007]). Le document D6 propose de résoudre le problème en préparant des résines commerciales bien connues à l’aide de matières premières d’origine biologique plutôt que des matières premières habituelles d’origine pétrolière, de sorte à préserver les propriétés de la résine (aux par. [0026], [0068] et [0069]). Le document D6 démontre également cela dans l’exemple au paragraphe [0083], où le PET d’origine biologique est polymérisé par fusion et solidification pour augmenter la viscosité intrinsèque à 0,8 dl/g. Il a été démontré que ce PET d’origine biologique a la même température de transition vitreuse bien connue que le PET conventionnel dérivé du pétrole (au par. [0084]).
[88] Étant donné que l’avantage découlant de l’idée originale de la revendication 14 est divulgué dans le document D6, il ne s’agit pas d’une différence supplémentaire.
[89] En ce qui concerne la revendication 15, notre première lettre indiquait qu’il n’y a aucune autre différence en ce qui a trait à l’idée originale de cette revendication, car le document D6 divulgue l’utilisation de la canne à sucre ou du maïs comme matière d’origine biologique. La deuxième réponse du Demandeur a contesté ce point, à la page 15, affirmant que le document D6 n’enseigne pas ou ne suggère pas explicitement la [traduction] « source citée de la matière d’origine biologique qui constitue au moins 70 % en poids de l’éthylène glycol », en combinaison avec le composant d’AT pétrochimique cité.
[90] La revendication 15 se lit comme suit :
[traduction]
15. La méthode décrite à la revendication 14, où la ou les matières d’origine biologique sont sélectionnées parmi le groupe comprenant le maïs, la canne à sucre, la betterave, la pomme de terre, l’amidon, les agrumes, les plantes ligneuses, la lignine cellulosique, la matière première de bois huileux, et les combinaisons de ceux-ci. [Non souligné dans l’original.]
[91] Dans la mesure où le Demandeur affirme que la revendication 15 n’inclut pas la canne à sucre ou le maïs parce que ces sources ne produiraient pas d’EG qui est d’au moins 70 % en poids d’origine biologique, ou ne produiraient pas de PET avec un composant d’EG qui est d’au moins 70 % en poids d’origine biologique, nous ne sommes pas d’accord. Cela est incompatible avec le libellé clair de la revendication 15, qui définit explicitement le maïs et la canne à sucre comme étant l’une des [traduction] « matières d’origine biologique » visées à la revendication 14. En outre, cela est contredit par le propre exemple I du Demandeur au paragraphe [0019], qui enseigne que l’EG d’origine biologique fabriqué à partir de 100 % et de 98 % de matières d’origine biologique (qui sont [traduction] « au moins 70 % » d’origine biologique) peut être préparé à partir de sucres et de maïs (échantillons 1 et 2, respectivement). L’exemple divulgue également un PET d’origine biologique (échantillon 6) qui relève de la portée des revendications 14 et 15, et qui est produit à partir d’EG qui est 100 % d’origine biologique (échantillon 1).
[92] Étant donné que le document D6 identifie explicitement la canne à sucre et le maïs comme sources de biomasse, il n’y a aucune autre différence dans l’idée originale de la revendication 15.
[93] Notre première lettre a identifié les caractéristiques supplémentaires des idées originales des revendications dépendantes 16 à 18 comme des différences supplémentaires, puisque le document D6 ne divulgue pas : que le polymère de PET d’origine biologique comprend au moins 0,1 dpm/gC de C-14 (revendication 16); la fabrication d’une bouteille (revendication 17); ou que les produits moulés fabriqués à partir de polymère de PET d’origine biologique sont recyclés par l’intermédiaire de systèmes de recyclage conçus pour les produits en PET dérivés du pétrole (revendication 18). En réponse, le Demandeur n’a pas contesté qu’il s’agit de différences supplémentaires.
[94] En ce qui concerne la revendication 18, nous avons reconnu, dans notre analyse à l’étape 2 ci-dessus, que le fait d’être recyclable dans les systèmes de recyclage de PET existants contrairement aux contenants qui ne sont pas en PET est un avantage qui fait partie de l’idée originale. Ceci est une différence supplémentaire qui n’est pas divulguée dans le document D6.
(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?
Revendications 14 à 17
[95] Notre première lettre a présenté une analyse des différences et a exprimé notre opinion préliminaire selon laquelle l’objet aurait été évident pour la personne versée dans l’art. Il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qui lit le document D6, au regard des CGC, de remplacer une résine PET d’origine pétrolière par une résine PET d’origine biologique dans un procédé de production de produits moulés, y compris des contenants pour boissons et des bouteilles en particulier. Nous avons également exprimé l’opinion qu’il aurait été évident pour elle de produire du PET d’origine biologique en utilisant de l’EG d’origine biologique, de l’AT d’origine biologique, ou les deux, plutôt que des monomères dérivés du pétrole.
[96] En ce qui concerne la première différence selon laquelle le PET d’origine biologique dans l’exemple du document D6 n’est pas moulé par injection ou par moulage biorienté pour former un contenant, nous avons souligné que le document D6 mentionne que des résines conventionnelles, comme le PET, sont utilisées pour fabriquer des produits moulés. Nous avons exprimé l’opinion préliminaire selon laquelle le lecteur versé dans l’art aurait su que les contenants en PET, et les bouteilles en PET en particulier – la deuxième différence identifiée –, figurent parmi les produits en PET moulés les plus largement produits. Nous avons ajouté que les méthodes générales de paraison des contenants en PET par moulage par injection et par moulage biorienté faisaient partie des CGC (première lettre, aux p. 18 et 19).
[97] En ce qui concerne la troisième différence, à savoir que l’exemple du document D6 prépare le PET à partir d’EG dérivé du pétrole et d’AT d’origine biologique (plutôt que l’inverse), notre opinion préliminaire était qu’il aurait été évident pour le lecteur versé dans l’art de produire du PET d’origine biologique en utilisant une version d’origine biologique de l’un ou l’autre des monomères (EG ou AT) ou des deux pour protéger l’environnement et éviter d’épuiser les ressources pétrolières (première lettre, à la p. 20).
[98] En ce qui concerne la quatrième différence selon laquelle l’EG est dérivé d’au moins 70 % en poids de matières d’origine biologique, nous avons exprimé notre opinion préliminaire selon laquelle la personne versée dans l’art n’attribuerait aucune ingéniosité inventive à cette caractéristique. Notre opinion préliminaire était plutôt que la personne versée dans l’art considérerait cela comme une sélection arbitraire qui ne confère aucun avantage (première lettre, à la p. 20).
[99] Le Demandeur a soulevé plusieurs arguments en réponse à notre analyse préliminaire. Le premier argument principal de la deuxième réponse (aux p. 16 et 17) repose sur le fait que la personne versée dans l’art n’est définie que comme un transformateur. Cependant, le Demandeur a effectivement retiré cet argument à l’audience en reconnaissant que la personne versée dans l’art comprend également un chimiste des polymères, comme discuté.
[100] Le deuxième argument principal est que notre analyse préliminaire repose sur une mauvaise interprétation du document D5, sans aucune preuve que la personne versée dans l’art trouverait le document D6 ou le combinerait avec le document D5. Le Demandeur a contesté qu’une personne versée dans l’art dûment interprété aurait identifié le document D6, en soutenant qu’un [traduction] « transformateur » ne l’aurait pas trouvé et n’en aurait pas tenu compte. La deuxième lettre du Demandeur souligne également le fait que le document D6 n’a pas été identifié plus tôt au cours de la poursuite comme étayant son affirmation.
[101] Encore une fois, le Demandeur a convenu à l’audience que la personne versée dans l’art inclurait également une personne compétente dans la préparation de polymères, comme un chimiste des polymères. En outre, la Cour fédérale a déjà examiné le moment où le document D6 a été cité pour la première fois contre la présente demande et a conclu que le fait qu’il n’ait pas été cité plus tôt était insuffisant pour tirer des conclusions définitives concernant la possibilité de sa découverte (Coca-Cola, au par. 75).
[102] Nous estimons que le chimiste des polymères versé dans l’art de l’équipe aurait trouvé et considéré le document D6 sous l’angle des CGC. En ce qui concerne la combinaison avec le document D5, nous estimons que ce point est théorique, puisque les seuls renseignements fournis par le document D5 qui sont pertinents aux revendications 14 à 18 au dossier étaient les CGC.
[103] Un troisième argument est que le coût d’utilisation des composants d’origine biologique est beaucoup plus élevé que celui des composants d’origine pétrolière, et que cela dissuaderait généralement une personne versée dans l’art de se tourner vers des solutions d’origine biologique (deuxième réponse du Demandeur, à la p. 19). Le Demandeur a renvoyé à la déclaration de M. Schiavone qui explique que les matières premières représentent un pourcentage significatif du coût de production des bouteilles en PET et que les transformateurs de plastique sont motivés à maintenir le coût de la résine de PET aussi bas que possible (au par. 10).
[104] Cet argument est compatible avec la déclaration générale suivante dans Harper, à la page 12.8 :
[traduction]
Des processus ont été élaborés pour substituer les ressources renouvelables (biomasse) au pétrole en tant que matière première pour les plastiques. Pour l’instant, ils ne sont pas économiques, mais ils sont disponibles si les approvisionnements en pétrole diminuent ou si les prix augmentent de manière significative.
[105] La Cour fédérale du Canada a examiné un argument similaire dans Bauer Hockey Ltd c Sport Maska Inc (CCM Hockey), 2020 CF 624 [Bauer]. Dans cette affaire, la Cour a conclu que le fait de refuser d’adopter une conception parce qu’elle n’était pas rentable ne la rend pas moins évidente. L’évidence se rapporte à la faisabilité technique, et non à des facteurs d’ordre économique ou commercial (Bauer, au par. 165). Nous convenons que l’évidence tient compte de la faisabilité technique, et nous estimons que l’évidence ne dépendrait pas de la démotivation causée uniquement par les coûts en l’espèce. En outre, contrairement à l’argument du Demandeur, le document D6 explique et démontre qu’il y avait une motivation dans le domaine à se tourner vers des solutions d’origine biologique.
[106] Le quatrième argument principal est que les enseignements du document D6 sont si larges qu’ils englobent un projet scientifique et qu’une conclusion selon laquelle les différences étaient évidentes ne peut être tirée qu’à la suite d’une analyse rétrospective inappropriée utilisant des déclarations [traduction] « sélectionnées de façon ciblée » figurant dans des listes exhaustives énoncées dans le document D6 (deuxième réponse, aux p. 18 et 19).
[107] En ce qui concerne la [traduction] « sélection ciblée » des parties du document D6 qui portent spécifiquement sur le PET, nous avons déjà exprimé notre opinion selon laquelle il est raisonnable que la personne versée dans l’art de la production de résine de PET et de contenants pour boissons en PET se concentre sur les parties du document D6 qui concernent le PET et ses monomères.
[108] En ce qui concerne la vision en rétroaction, la section 18.02.02e du RPBB prévoit qu’il est important d’évaluer l’évidence à l’étape 4 sans présupposer que le problème précis que tente de résoudre l’inventeur était reconnu dans l’art antérieur, afin d’éviter d’adopter une perspective de « vision en rétrospective » inappropriée. Lorsque l’existence ou la nature d’un problème n’était pas évidente, l’acte d’identification du problème peut éclairer l’idée originale.
[109] Dans Bauer, la Cour fédérale explique également ce point, insistant sur le fait que l’évidence ne doit pas être évaluée avec une vision en rétroaction, mais plutôt à la date de priorité du brevet. La question de savoir si le problème précis était connu ou non à la date de priorité se rapporte à la motivation d’une personne versée dans l’art à en venir à l’invention, et cela peut donner lieu à des conclusions différentes selon le contexte (Bauer, au par. 148). Par exemple, si seulement l’inventeur a eu l’idée d’analyser la cause d’un problème particulier et de trouver une solution, cela peut démontrer la non-évidence. De même, si un problème particulier était connu, et que tous les acteurs de l’industrie étaient motivés à trouver une solution et que seul l’inventeur l’a trouvée, cela peut aussi démontrer que la solution n’était pas évidente. En revanche, l’état de la technique peut avoir motivé la personne versée dans l’art à améliorer l’art antérieur dans le sens du brevet, ce qui milite en faveur d’une conclusion d’évidence (Bauer, au par. 148). À notre avis, les faits en l’espèce correspondent à ce troisième scénario.
[110] La preuve dans la description et le document D6 indiquent que le besoin d’un remplacement d’origine biologique pour le PET était un problème connu dans le domaine à la date de priorité. La section contextuelle de la demande indique que les problèmes associés aux matières premières dérivées du pétrole (c’est-à-dire qu’elles s’épuisent et contribuent aux émissions de gaz à effet de serre) ont été précédemment reconnus dans le domaine (au par. [0004]). Le paragraphe suivant décrit une approche antérieure pour résoudre ce problème en substituant des bioplastiques d’APL aux PET d’origine pétrolière, en renvoyant à un brevet américain. De même, le document D6 aborde le même problème et une tentative précédente de le résoudre en utilisant l’APL (qui n’était pas satisfaisant en raison de ses propriétés). La description, au paragraphe [0005], renvoie également à deux autres brevets antérieurs qui ont tenté de produire des contenants par le moulage par injection de résines d’APL, mais en raison de différences significatives dans leurs propriétés respectives, l’APL n’est pas un substitut approprié au PET.
[111] Ainsi, le Demandeur n’était ni le premier ni le seul inventeur ayant eu l’idée de rechercher un substitut d’origine biologique au PET d’origine pétrolière à la date de priorité. La personne versée dans l’art qui lit le document D6 aurait été consciente que ce problème nécessitait une solution. En outre, le Demandeur n’était ni le premier ni le seul inventeur ayant eu l’idée de remplacer le PET d’origine pétrolière par une version d’origine biologique du même polymère. Ceci est également divulgué dans le document D6.
[112] Pour ces raisons, nous ne sommes pas d’accord que notre analyse préliminaire était fondée sur une vision en rétroaction inacceptable. À notre avis, la personne peu inventive versée dans l’art qui lisait le document D6 à la date de priorité aurait compris l’importance d’utiliser une version d’origine biologique du même polymère comme remplacement et comment cela s’appliquerait aux méthodes existantes de production de produits commerciaux moulés en PET bien connus, y compris les contenants pour boissons moulés, au regard de ses CGC (Harper, à la p. 1.35; document D5, colonne 1, lignes 21 à 30).
[113] La deuxième réponse du Demandeur a également soutenu que, sans vision en rétroaction, il n’y a aucun enseignement dans le document D6 qui aurait conduit la personne versée dans l’art à développer une méthode pour fabriquer des contenants en PET à partir de résine où au moins 70 % en poids d’EG provient d’une matière d’origine biologique (à la p. 18). Nous convenons que le document D6 n’enseigne pas ni ne suggère ce nombre minimum d’au moins 70 % en poids. Cependant, compte tenu de la preuve dont nous disposons, notre première lettre exprimait l’opinion préliminaire selon laquelle la personne versée dans l’art considérerait ce nombre minimum précis comme une sélection arbitraire qui ne nécessiterait aucune ingéniosité inventive. Le Demandeur n’a pas contesté cette opinion préliminaire dans sa réponse. Étant donné qu’il n’y a rien qui indique l’existence d’un avantage découlant de ce choix de conception particulier, nous estimons que la personne versée dans l’art n’attribuerait aucun degré d’ingéniosité inventive à cette caractéristique. De plus, 70 % en poids est la quantité minimale. À notre avis, il est raisonnable que la personne versée dans l’art qui lit le document D6 ait été motivée à utiliser un monomère d’origine biologique qui dérive d’autant de matières d’origine biologique que possible, jusqu’à 100 %, afin de minimiser la quantité de matières dérivées du pétrole, dans la mesure du possible.
[114] À notre avis, les avantages de remplacer le PET par une version d’origine biologique du même polymère auraient été évidents pour le chimiste des polymères et le transformateur versés dans l’art, au regard du document D6, y compris la capacité d’utiliser les installations et l’infrastructure existantes. Plus précisément, la personne versée dans l’art comprendrait, au regard du document D6, que l’EG, l’AT ou les deux pourraient être remplacés par une version d’origine biologique pour produire du PET; sinon, la méthode conventionnelle et les étapes de traitement pour produire des produits moulés à partir de résine de PET resteraient les mêmes.
[115] Cependant, pour paraphraser le cinquième argument du Demandeur, même si l’idée de substituer des monomères d’origine biologique dans les processus conventionnels existants aurait été évidente au regard du document D6 (un point que le Demandeur n’a pas admis), la mise en œuvre nécessiterait des matières premières d’une certaine pureté afin de produire du PET d’une qualité suffisante pour fabriquer des bouteilles. À cette fin, l’argument clé du Demandeur dans la deuxième réponse (à la p. 19) et à l’audience est que la personne versée dans l’art qui lit le document D6 ne s’attendrait pas raisonnablement à ce que l’EG d’origine biologique puisse être produit avec la pureté nécessaire pour produire une résine de PET d’une qualité suffisante pour fabriquer des bouteilles et des contenants pour boissons. Le Demandeur a également ajouté à la page 19 que les monomères d’origine biologique sont difficiles à purifier et que la viscosité intrinsèque du PET dépend de la pureté de l’EG.
[116] Tout d’abord, nous notons que le Demandeur n’a fourni aucune preuve (et le dossier n’en contient aucune) étayant l’argument selon lequel la viscosité intrinsèque du PET est liée à la pureté du monomère d’EG, ou dépendrait de celle-ci. Comme nous l’avons indiqué ci-dessus dans la section relative aux CGC, la viscosité intrinsèque est liée au degré de polymérisation et au poids moléculaire du polymère, et non à la pureté du monomère. Cependant, il y a une preuve dans le document D5 étayant l’argument selon lequel la personne versée dans l’art de la production de contenants pour boissons en PET aurait su que la pureté des monomères utilisés pour produire le PET est un facteur (document D5, colonne 1, lignes 46 à 50). Cette connaissance a été incluse ci-dessus dans les CGC. Dans cette optique, la personne versée dans l’art aurait su que la production de PET d’une qualité suffisante pour fabriquer des bouteilles nécessite des monomères suffisamment purs.
[117] Étant donné que la personne versée dans l’art aurait su que la pureté du monomère était importante, la question est de savoir si la personne versée dans l’art aurait eu les connaissances et les compétences nécessaires pour produire l’EG avec une pureté suffisante en suivant les instructions fournies dans le document D6 seulement. Dans la mesure où le Demandeur affirme qu’elle n’aurait pas les connaissances et les compétences requises pour produire de l’EG avec une pureté suffisante, nous considérons cela comme étant en contradiction avec la propre description du Demandeur. Cela découle du fait que la description ne fournit aucune directive ou instruction pour purifier l’EG obtenu dérivé d’une biomasse, ce qui, à notre avis, suggère que les renseignements sur la purification auraient été bien connus. Étant donné que la personne versée dans l’art est le destinataire de la description, il n’est pas nécessaire que les CGC soient divulguées de façon exhaustive ni qu’elles enseignent des choses qui seraient manifestement évidentes pour elles (voir le RPBB, à la section 14.02.03, citant Sanofi, au par. 37, et Burton Parsons Chemicals, Inc c Hewlett-Packard (Canada) Ltd (1976), 17 CPR (2d) 97 (CSC), à la p. 105).
[118] La description indique que l’EG d’origine biologique peut être en tout ou en partie dérivé d’au moins une matière d’origine biologique en utilisant n’importe quel processus, et renvoie généralement aux méthodes conventionnelles de production de l’EG (au par. [0022]). Aucun exemple, étape par étape, de préparation de l’EG d’origine biologique n’est fourni dans la description. Le seul exemple, l’exemple I au paragraphe [0019], indique les taux de désintégration du C-14 et le contenu d’origine biologique de l’EG d’origine biologique (échantillons 1 et 2) et du PET d’origine biologique (échantillon 6) qui ont été préparés. Cependant, les méthodes, étapes et conditions réelles qui ont été utilisées pour préparer ces échantillons ne sont pas divulguées dans l’exemple. En d’autres termes, l’exemple I démontre que le Demandeur a produit de l’EG d’origine biologique à partir de deux sources différentes, mais ne décrit pas comment l’un ou l’autre a été préparé.
[119] Ainsi, l’absence de tout détail, dans la description, concernant la pureté et la purification soutient une présomption selon laquelle tout renseignement supplémentaire nécessaire pour préparer les monomères d’origine biologique avec la pureté requise pour appliquer les méthodes revendiquées et produire un contenant pour boissons en PET d’origine biologique aurait constitué des CGC. Soutenir le contraire remettrait effectivement en question la brevetabilité des revendications de méthode pour le motif distinct du caractère réalisable. Quoi qu’il en soit, nous estimons qu’il est raisonnable que le chimiste des polymères versé dans l’art qui est impliqué dans la préparation des polymères de PET et qui lit la description ou le document D6 aurait eu les connaissances et les compétences nécessaires pour préparer de l’EG ou de l’AT de la pureté requise pour produire du PET d’une qualité suffisante pour fabriquer des bouteilles et des contenants en PET moulés.
[120] Ainsi, dans la mesure où les produits en PET d’origine biologique sont préparés à partir de PET d’une qualité suffisante pour fabriquer des bouteilles qui sont suffisamment pures, les différences entre les produits en PET moulés seraient plus raisonnablement attribuées à autre chose qu’au polymère de PET. Comme nous en avons déjà discuté dans la section relative aux CGC, il était connu que toutes les résines de PET ne donneront pas nécessairement des produits similaires, car la qualité et les propriétés de la résine peuvent être modifiées avec des additifs ou par un traitement à différentes viscosités intrinsèques (déclaration de M. Schiavone, au par. 9; Harper, aux p. 1.39, 1.79, 1.80, 12.33 et 12.34; description, au par. [0014]; Gauthier, à la p. 294).
[121] Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, en plus d’introduire au moins un monomère d’origine biologique, il est raisonnable de s’attendre à ce que la personne versée dans l’art considère que les autres étapes de traitement conventionnelles associées à la paraison de bouteilles en PET restent les mêmes. Par exemple, si une méthode commerciale traite la résine de PET d’origine pétrolière par [traduction] « solidification » à une viscosité intrinsèque précise, ou si on ajoute des ingrédients pour améliorer ses propriétés de base pour une application précise, la personne versée dans l’art s’attendrait raisonnablement à faire de même au moment de traiter la résine de PET d’origine biologique. Quoi qu’il en soit, le procédé revendiqué à la revendication 14 n’est pas limité à des conditions ou étapes particulières, à l’exception du traitement du polymère de PET pour produire une résine, et du moulage par injection ou du moulage biorienté de la résine pour fabriquer le contenant pour boissons.
[122] Pour toutes ces raisons, nous estimons que la méthode de fabrication d’un contenant pour boissons revendiquée à la revendication 14, ainsi que la méthode de fabrication d’une bouteille, en particulier, revendiquée à la revendication 17, aurait été évidente au regard des enseignements du document D6 et des CGC.
[123] En ce qui concerne la revendication dépendante 15, il n’y a aucune autre différence par rapport au document D6 et elle aurait donc été évidente pour les mêmes raisons que pour la revendication 14. En ce qui concerne la revendication dépendante 16, notre opinion préliminaire était que la personne versée dans l’art n’aurait attribué aucune ingéniosité inventive à la restriction énoncée dans cette revendication, et cela n’a pas été contesté dans les réponses du Demandeur. Nous concluons donc que l’objet de la revendication dépendante 16 aurait également été évident pour la personne versée dans l’art à la lumière du document D6 et des CGC.
Revendication 18 : recyclage dans les installations existantes
[124] À la page 22, notre première lettre a souligné qu’il est bien connu que le recyclage du PET implique soit le traitement du PET en granulés, qui sont solidifiés aux niveaux souhaités de viscosité intrinsèque et réutilisée, soit, à titre subsidiaire, la décomposition du polymère en ses monomères constitutifs qui sont polymérisés de nouveau pour produire du PET vierge. Étant donné que le PET dérivé du pétrole et le PET d’origine biologique sont tous deux fondamentalement du PET, il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’ils ont la même composition chimique et qu’ils entraîneraient les mêmes réactions chimiques associées au recyclage du PET, à savoir la décomposition, la repolymérisation et la solidification. Pour ces raisons, notre opinion préliminaire était qu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qui lit le document D6 que le PET d’origine biologique serait recyclable au moyen de la même technologie et des mêmes installations que les produits de PET d’origine pétrolière.
[125] Le Demandeur n’a pas contesté, dans aucune des réponses, que le PET d’origine biologique et le PET dérivé du pétrole subiraient les mêmes réactions chimiques associées au recyclage du PET. La deuxième réponse (à la p. 18) fait plutôt valoir que nous n’avons pas réussi à fournir des motifs convaincants en présentant les raisons sous-jacentes pour lesquelles il serait évident, au regard des enseignements génériques du document D6, de développer une méthode pour fabriquer une bouteille de boisson à l’aide de PET d’origine biologique à partir d’EG d’origine biologique, qui pourrait être recyclée dans les systèmes de recyclage existants.
[126] À l’audience, le Demandeur a expliqué que, parce que le Demandeur fabrique [traduction] « 60 milliards de bouteilles par année », il était important [traduction] « pour son économie de bouteilles circulaires » de mettre au point une méthode lui permettant de [traduction] « les fabriqu[er], les utilis[er], les recycl[er] » et qu’elle [traduction] « peut passer par le recyclage actuel de ses milliards de bouteilles dans ses usines ». Elle a expliqué en outre que la capacité de recyclage au moyen des systèmes de recyclage du PET existants indiquerait à la personne versée dans l’art [traduction] « qu’elle satisfait aux propriétés requises pour passer par le système de recyclage ». Elle a ajouté que le recyclage des bouteilles en polymère de PET est [traduction] « un processus très contrôlé parce que […] si vous le contaminez, vous devez jeter toutes les bouteilles, que les bouteilles se dégradent au fil du temps et que le recyclage des bouteilles en polymère est donc toujours testé et réglementé ».
[127] Le Demandeur a également expliqué que les bouteilles en APL semblaient prometteuses au début, mais qu’elles n’ont finalement pas fonctionné :
[traduction]
[Les bouteilles en APL] avaient des propriétés similaires à celles des bouteilles en PET conventionnel dérivé d’hydrocarbures; elles avaient donc des températures de transition vitreuse similaires et des valeurs de viscosité intrinsèque similaires. Par conséquent, si vous regardiez simplement les chiffres et que vous pensiez « oh, c’est d’origine biologique et il a certaines des mêmes propriétés, cela va être bon pour les bouteilles », mais cela n’a pas fonctionné. Ce n’était pas bon pour les boissons gazeuses et en raison de la nature des polymères et de leur dégradation, nous ne pouvions pas les utiliser dans le recyclage conventionnel. C’est pourquoi on a cherché à apporter une amélioration, à créer une méthode pour fabriquer une bouteille qui avait les bonnes propriétés et qui était recyclable.
[128] À notre avis, il est raisonnable de penser que la personne versée dans l’art ait pu se demander si les bouteilles en APL auraient eu la résistance et la durabilité requises pour le recyclage, puisque l’APL était bien connue comme l’un des rares polymères synthétiques qui est biodégradable (Harper, aux p. 12.92 et 12.93). On ne peut pas en dire autant pour le PET d’origine biologique, car c’est du PET, et le PET n’est pas un polymère biodégradable. De plus, il est raisonnable de penser que la personne versée dans l’art saurait que le PET possède les propriétés requises pour le recyclage, puisqu’il est bien connu que les bouteilles de boissons gazeuses en PET sont recyclées à grande échelle depuis plusieurs décennies (Gauthier, à la p. 293; Harper, aux p. 12.28 et 12.29).
[129] À notre avis, même si l’ALP n’était pas connue pour être biodégradable, la personne versée dans l’art aurait su que tout polymère autre que le PET, y compris le PET, contaminerait les systèmes de recyclage physique et chimique conçus pour le PET, car tout polymère fondamentalement différent serait différent et se décomposerait en différents monomères (Gauthier, aux p. 292 à 294; Harper, aux p. 12.17 et 12.34). Selon Harper, il était également bien connu que la plupart des procédés commerciaux de recyclage chimique par dépolymérisation et repolymérisation sont limités à un seul polymère, qui est habituellement le PET, le nylon 6 ou le polyuréthane (Harper, à la p. 12.17).
[130] Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, les avantages de remplacer une résine commerciale d’origine pétrolière comme le PET par une version d’origine biologique du même polymère auraient été évidents pour la personne versée dans l’art qui lit le document D6, y compris la capacité d’utiliser les installations et l’infrastructure existantes pour traiter les contenants en PET. À notre avis, cela serait vrai pour l’ensemble du cycle de vie du contenant en PET, y compris la fabrication et le recyclage. Étant donné qu’il était bien connu que le recyclage des bouteilles en PET avait commencé depuis l’introduction de la bouteille en 1977, il est raisonnable de penser que la personne versée dans l’art était consciente du recyclage en lisant le document D6. Étant donné que le PET d’origine biologique est du PET, nous estimons que la personne versée dans l’art aurait su qu’il pourrait être recyclé dans les systèmes de recyclage du PET existant d’une manière que d’autres produits pas en PET ne le pourraient pas.
[131] Pour toutes ces raisons, nous estimons que la personne versée dans l’art n’attribuerait aucune ingéniosité inventive à la recyclabilité ou à l’étape supplémentaire de recyclage du contenant pour boissons en PET d’origine biologique par l’intermédiaire des systèmes de recyclage conçus pour les produits en PET dérivés du pétrole. À notre avis, l’objet de la revendication 18 aurait été évident à la personne versée dans l’art.
Conclusions concernant l’évidence
[132] Pour toutes les raisons énoncées ci-dessus, nous estimons que les revendications 14 à 18 au dossier auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art, au regard du document D6, compte tenu des CGC, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.
Les nouvelles revendications proposées 14 à 26 sont évidentes
[133] Le Demandeur a proposé un nouvel ensemble de revendications de méthode modifiées 14 à 26 avec la deuxième réponse, qui a été révisé après l’audience et soumis le 4 octobre 2024. Les revendications proposées 14 à 18 correspondent aux revendications 14 à 18 au dossier examiné ci-dessus, et les revendications proposées 19 à 26 sont nouvelles, mais concernent d’autres modes de réalisation associés aux revendications au dossier. Plus précisément, ce sont toutes des méthodes de fabrication de contenants pour boissons en PET d’origine biologique utilisant de l’EG d’origine biologique. Les revendications proposées 19 et 20 sont des revendications dépendantes qui dépendent de la revendication indépendante 14. Les nouvelles revendications 21 à 26 comprennent les trois nouvelles revendications de méthode indépendantes 21, 23 et 24, qui portent particulièrement sur la production ou la fabrication d’une bouteille pour boisson en particulier.
[134] De la même manière que les revendications au dossier, nous estimons que la personne versée dans l’art qui lit les revendications proposées 14 à 26 dans le contexte du mémoire descriptif dans son ensemble et des CGC comprendrait que les revendications n’incluent aucun libellé indiquant que l’un ou l’autre des éléments est facultatif, préférable ou autrement destiné à être non essentiel. Pour cette raison, nous estimons que tous les éléments des revendications proposées 14 à 26 sont essentiels. De plus, en plus de ces éléments essentiels, leurs idées originales respectives comprendraient le même avantage que les revendications au dossier selon lesquelles le PET d’origine biologique peut être utilisé comme substitut du PET d’origine pétrolière d’une manière que des polymères fondamentalement différents ne le peuvent pas.
Revendications proposées 14 à 20
[135] La nouvelle revendication proposée 14 a toutes les mêmes caractéristiques que la revendication 14 au dossier et ajouterait la caractéristique supplémentaire que le contenant est recyclable par l’intermédiaire d’un système de recyclage conçu pour les produits en PET dérivés du pétrole.
[136] En outre, comme elle l’a expliqué dans la deuxième réponse, dans la section [traduction] « Interprétation téléologique » (à la p. 2), le Demandeur a proposé de supprimer [traduction] « au moins une » dans l’expression [traduction] « au moins 70 % en poids provient d’au moins une matière d’origine biologique » de la revendication 14. Le Demandeur a expliqué qu’il s’agirait d’une modification mineure, puisque cela est déjà clair dans la revendication dépendante 15, qui indique que [traduction] « une matière d’origine biologique » peut inclure des combinaisons de sources d’origine biologique. Nous sommes d’accord avec le Demandeur qu’il s’agit d’une modification mineure. À notre avis, il n’y aurait aucune différence significative par rapport à la revendication 14 au dossier à cet égard.
[137] Nous avons déjà examiné ce même objet dans notre analyse de la revendication 18 au dossier, qui inclut l’avantage d’être recyclable dans les systèmes de recyclage de PET existants conçus pour les produits en PET dérivés du pétrole dans l’idée originale, concluant qu’il était évident et non conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. En tenant compte de toutes les caractéristiques des revendications proposées 14 et 18 modifiées, nous estimons que l’objet aurait été évident pour la personne versée dans l’art, au regard du document D6, compte tenu des CGC, pour les mêmes raisons fournies ci-dessus concernant la revendication correspondante 18 au dossier. En outre, la revendication proposée 15 restreint la source de la matière visée à la revendication 14 au maïs ou à la canne à sucre, ce qui est divulgué dans le document D6 et n’est donc pas une différence supplémentaire. À notre avis, l’objet de cette revendication aurait été évident, au regard du document D6 et des CGC, pour les mêmes raisons que la revendication proposée 14.
[138] La revendication proposée 16 est identique à la revendication correspondante 16 au dossier, sauf en ce qui a trait au nouveau libellé qui préciserait un taux de décomposition de 0,14 dpm/gC (plutôt que 0,1 dpm/gC) et qui exprimerait le taux de décomposition comme une moyenne pour chaque pourcentage en poids d’EG d’origine biologique. Il est important de noter qu’il s’agit du même taux de décomposition moyen que pour le polymère de PET d’origine biologique – [traduction] « [l’]échantillon 6 » – dans l’exemple I de la description, qui est produit à partir d’EG supposément en totalité d’origine biologie.
[139] Cet objet a déjà été examiné ci-dessus dans le cadre de notre analyse de la revendication 14 au dossier. Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, l’expression [traduction] « 70 % en poids » est la quantité minimale et nous estimons que la personne versée dans l’art aurait été motivée par le document D6 à utiliser un monomère dérivant d’autant de matières d’origine biologique que possible, jusqu’à 100 %, afin de minimiser l’utilisation de matières dérivées du pétrole, dans la mesure du possible. Par conséquent, compte tenu de toutes les caractéristiques de cette revendication ensemble, nous estimons que l’objet de la revendication proposée 16 aurait été évident, au regard du document D6, compte tenu des CGC, pour les mêmes raisons.
[140] La revendication proposée 17 limiterait le contenant visé aux revendications 14 à 16 à une bouteille, de la même manière que la revendication correspondante 17 au dossier. Compte tenu de toutes les caractéristiques, prises ensemble, nous estimons que l’objet de la revendication proposée 17 aurait été évident pour la personne versée dans l’art, au regard du document D6, compte tenu des CGC, pour les mêmes raisons que les revendications proposées 14 à 16 et la revendication 17 au dossier.
[141] La revendication dépendante proposée 19 dépend de la revendication 14 et ajouterait la restriction voulant que le contenant en PET d’origine biologique comprenne d’environ 20 % à environ 30 % en poids d’EG.
[142] Comme nous l’avons indiqué ci-dessus dans la section relative aux CGC, il était bien connu que la structure du polymère de PET contient environ 30 % en poids du composant d’EG. La personne versée dans l’art s’attendrait à ce que le contenant pour boissons contienne environ 30 % en poids d’EG. La personne versée dans l’art comprendrait que le pourcentage d’EG dans la bouteille diminuerait si, par exemple, d’autres ingrédients étaient ajoutés à la résine de PET, notamment pour améliorer ses propriétés. Par conséquent, nous estimons que la personne versée dans l’art n’aurait attribué aucune ingéniosité inventive à cette caractéristique de l’idée originale de la revendication 19. Compte tenu de toutes les caractéristiques, prises ensemble, nous estimons que la revendication 19 aurait été évidente pour la personne versée dans l’art, au regard du document D6, compte tenu des CGC, pour les mêmes raisons que la revendication proposée 14.
[143] La revendication dépendante proposée 20 limiterait la bouteille visée à la revendication proposée 17 aux bouteilles destinées à contenir une boisson gazeuse ou une boisson alcoolisée en particulier. À notre avis, étant donné que l’utilisation de bouteilles en PET comme contenants pour les boissons gazeuses était bien connue, la personne versée dans l’art n’aurait attribué aucune ingéniosité inventive à cette restriction. Compte tenu de toutes les caractéristiques, prises ensemble, nous estimons que l’objet de la revendication proposée 20 aurait été évident pour la personne versée dans l’art, au regard du document D6 et des CGC, pour les mêmes raisons que la revendication proposée 17.
Revendications proposées 21 et 22
[144] Le Demandeur a proposé la nouvelle revendication indépendante 21, qui est semblable à la revendication proposée 14, avec quelques restrictions supplémentaires. La méthode visée par cette revendication produit une bouteille pour boissons en particulier, comme le revendique la revendication proposée 17 ci-dessus, précise que le taux de décomposition moyen du C-14 est de 0,14 dpm/gC par pourcentage en poids d’EG d’origine biologique, comme le revendique la revendication 16 ci-dessus, et précise que la bouteille en PET comprend environ 30 % en poids d’EG d’origine biologique, ce qui se situe dans la plage d’environ 20 % à environ 30 % définie dans la revendication 19 ci-dessus. Nous avons déjà déterminé que la personne versée dans l’art n’aurait attribué aucune ingéniosité inventive à l’une ou l’autre de ces qualités.
[145] Contrairement aux revendications précédentes, la méthode visée à la revendication proposée 21 comprend l’étape réelle de la [traduction] « réaction à un composant de téréphtalate dérivé de la pétrochimie comprenant de l’[AT] […] et de l’[EG] dérivé d’une matière d’origine biologique pour produire un polymère de PET d’origine biologique ». Comme nous en avons déjà discuté dans l’analyse de la revendication 14 au dossier, le document D6 divulgue la réaction de l’AT et de l’EG pour produire PET de la manière conventionnelle, suggère de remplacer l’un des monomères ou les deux par une version d’origine biologique pour produire un PET d’origine biologique, et fournit un exemple où l’EG dérivé du pétrole et l’AT d’origine biologique réagissent pour produire du PET d’origine biologique. Bien que cela soit l’inverse, en termes de source, du PET d’origine biologique dans la revendication proposée 14, nous avons conclu qu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qui lit le document D6 de produire du PET d’origine biologique en utilisant de l’EG d’origine biologique.
[146] À notre avis, compte tenu de toutes les caractéristiques de l’idée originale de la revendication proposée 21, prises ensemble, l’objet de cette revendication aurait été évident pour la personne versée dans l’art, au regard du document D6, compte tenu des CGC, pour toutes les mêmes raisons énoncées ci-dessus pour les revendications proposées 14, 16, 17 et 19.
[147] La revendication proposée 22 dépend de la revendication proposée 21 et définit en outre la source précise de la matière d’origine biologique comme incluant le maïs et la canne à sucre, qui sont explicitement divulgués dans le document D6 et ne constituent donc pas une différence supplémentaire. Compte tenu de toutes les caractéristiques de la revendication 22, prises ensemble, nous estimons que l’objet aurait été évident, au regard du document D6, compte tenu des CGC, pour les mêmes raisons que la revendication proposée 21.
Revendication proposée 23
[148] La nouvelle revendication indépendante proposée 23 est semblable à la revendication proposée 21, la principale différence étant que l’EG dans la bouteille en PET est dérivé d’un contenant en polymère de PET d’origine biologique recyclé :
[traduction]
23. (nouvelle – modifiée) Procédé de fabrication d’une bouteille pour boissons en polyéthylène téréphtalate (PET) d’origine biologique, comprenant :
une réaction d’un composant de téréphtalate dérivé de la pétrochimie comprenant de l’acide téréphtalique ayant des niveaux de carbone-14 (C-14) négligeables, avec de l’éthylène glycol dérivé d’un contenant pour boissons en polymère de PET d’origine biologique recyclé pour produire un polymère de PET d’origine biologique, l’éthylène glycol ayant un taux de décomposition du C-14 d’environ 0,14 dpm/g (décomposition par minute par gramme de carbone) pour chaque pourcentage en poids d’éthylène glycol d’origine biologique;
un moulage par injection ou un moulage biorienté dudit polymère de PET d’origine biologique pour former ledit contenant pour boissons en polymère de PET d’origine biologique,
où le contenant pour boissons en polymère de PET d’origine biologique recyclé comprend environ 30 % en poids d’éthylène glycol d’origine biologique, dont au moins 70 % en poids d’éthylène glycol provient d’une matière d’origine biologique. [Non souligné dans l’original.]
[149] Selon Harper, la fabrication de bouteilles pour boissons en PET à partir de matière en partie recyclées était bien connue. Au début des années 1990, de grands embouteilleurs de boissons gazeuses, y compris le Demandeur, distribuaient leurs produits dans des bouteilles contenant 25 % de PET recyclé (Harper, aux p. 12.11 et 12.35; Gauthier, à la p. 295). En outre, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, dans la section relative aux CGC, le recyclage chimique du PET en le décomposant en ses monomères constitutifs, qui peuvent être utilisés à nouveau pour créer du PET vierge pour fabriquer de produits nouveaux, était bien connu (Gauthier, aux p. 292 à 294; Harper, aux p. 12.17 et 12.34).
[150] Par conséquent, nous estimons que la personne versée dans l’art n’aurait attribué aucune ingéniosité inventive à l’étape supplémentaire de recyclage du contenant en PET d’origine biologique ou à l’utilisation de ces matières recyclées dans la méthode de production de bouteilles en PET d’origine biologique. Compte tenu de toutes les caractéristiques de la revendication 23, prises ensemble, nous estimons que l’objet aurait été évident pour la personne versée dans l’art, au regard du document D6, compte tenu des CGC, pour les mêmes raisons énoncées ci-dessus concernant les revendications précédentes.
Revendications proposées 24 à 26
[151] La nouvelle revendication indépendante 24 se lit comme suit :
[traduction]
24. (nouvelle) Procédé de fabrication d’une bouteille pour boissons en polyéthylène téréphtalate (PET) d’origine biologique, comprenant :
la fourniture de l’éthylène glycol dérivé d’une matière d’origine biologique;
la fourniture de l’acide téréphtalique entièrement dérivé de la pétrochimie;
un traitement de l’éthylène glycol et de l’acide téréphtalique dans une installation de fabrication de PET pour fournir une résine de PET d’origine biologique, la résine de PET d’origine biologique étant caractérisée par 3,01 ± 0,13 dpm/gC;
le moulage par injection ou le moulage biorienté de la résine de PET d’origine biologique pour former une bouteille pour boissons d’origine biologique,
où la bouteille de boisson d’origine biologique est recyclable dans un système de recyclage de contenants en PET pétrochimique. [Non souligné dans l’original.]
[152] La principale différence qui distingue la revendication proposée 24 des autres revendications proposées est que la résine de PET d’origine biologique est caractérisée par le taux de décomposition global du C-14 de 3,01 dpm/gC, qui est le même que celui de l’échantillon 6 de PET à l’exemple I. Nous notons que ce taux de décomposition global est équivalent au taux de décomposition moyen de 0,14 dpm/gC par pourcentage en poids d’EG d’origine biologique de l’échantillon 6, qui est utilisé dans la revendication proposée 16 pour définir le même objet, mais d’une façon différente. De même, la revendication proposée 25 dépend de la revendication proposée 24 et ajoute que l’EG d’origine biologique a un taux de décomposition global du C-14 d’environ 15 dpm/gC, ce qui est également équivalent à l’échantillon 6, puisqu’il est fabriqué à partir de l’EG de l’échantillon 1 ayant ce même taux de décomposition global du C-14.
[153] À notre avis, ce sont des manières différentes de définir la même résine de PET d’origine biologique de l’échantillon 6, que nous avons déjà examinée ci-dessus dans nos évaluations des revendications proposées 16 et 21. Nous avons déjà conclu que cet objet aurait été évident pour la personne versée dans l’art, au regard du document, compte tenu des CGC.
[154] La revendication proposée 26 dépend des revendications proposées 24 ou 25 et ajoute l’étape supplémentaire de recyclage de la bouteille pour boissons en PET d’origine biologique par l’intermédiaire des systèmes conçus pour le recyclage du PET dérivé du pétrole. Cette étape est également incluse dans la revendication 18 au dossier. Nous avons déjà examiné cette étape de recyclage et la capacité d’être recyclé par l’intermédiaire des systèmes de recyclage du PET existants, et nous avons conclu que la personne versée dans l’art n’aurait attribué aucune ingéniosité inventive à l’un ou l’autre.
[155] Compte tenu de toutes les caractéristiques de la revendication 26, prises ensemble, nous estimons que l’objet aurait été évident pour la personne versée dans l’art, au regard du document D6, compte tenu des CGC, pour les mêmes raisons que les revendications proposées 24 et 25, et la revendication 18 au dossier.
[156] Pour toutes ces raisons, nous concluons que le nouvel ensemble de revendications proposées 14 à 26 fourni avec la lettre du 4 octobre 2024 ne serait pas conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.
Conclusions
[157] Nos conclusions sont que l’objet des revendications proposées 14 à 18 au dossier, c’est-à-dire les revendications proposées 14 à 18 reçues avec la lettre du 15 mars 2021, qui ont été renvoyées au commissaire aux termes du jugement de la Cour fédérale dans Coca-Cola, ne serait pas conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Par conséquent, ces modifications proposées ne rendent pas la demande acceptable et ne sont donc pas admissibles en tant que modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.
[158] Nous avons également conclu que les nouvelles revendications 14 à 26 fournies avec la lettre du 4 octobre 2024 ne seraient pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets et ne sont donc pas admissibles en tant que modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.
Recommandation de la Commission
[159] Compte tenu de ce qui précède, nous recommandons que la demande soit rejetée pour les motifs que les revendications de méthode proposées 14 à 18, soumises avec la lettre du 15 mars 2021, ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.
Cara Weir |
Lewis Robart |
Owen Terreau |
Membre |
Membre |
Membre |
Décision du commissaire
[160] Je souscris aux conclusions de la Commission concernant les revendications de méthode proposées 14 à 18 qui m’ont été renvoyées pour réexamen en vertu du jugement de la Cour fédérale dans Coca-Cola, ainsi qu’à la recommandation de la Commission de rejeter la demande au motif que :
- les revendications de méthode proposées 14 à 18, soumises avec la lettre du 15 mars 2021, ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.
[161] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.
Konstantinos Georgaras
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
ce 7e jour de mars 2025.