Brevets

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Référence : Arraya, Christina (Re), 2024 CACB 22

Décision du commissaire n1681

Commissioner’s Decision #1681

Date : 2024-12-17

SUJET:

A11

Demande de brevet—Modification—Nouvelle matière

 

B00

Revendications—Caractère ambigu or indéfini (incomplet)

 

C00

Divulgation—Caractère adéquat ou inadéquat de la description

 

F00

Nouveauté

 

O00

Évidence

 

 

 

TOPIC:

A11

Application for Patent—Amendment to—New Matter

 

B00

Claim—Ambiguity or Indefiniteness (incomplete)

 

C00

Disclosure—Adequacy or Deficiency of Description

 

F00

Novelty

 

O00

Obviousness

Demande no 2 780 249
Application No. 2780249


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 199(1) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251) (les « Règles sur les brevets »), la demande de brevet numéro 2 780 249 a subséquemment fait l’objet d’une révision conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Demanderesse :

ARRAYA, CHRISTINA

205–20 Strathaven Drive

MISSISSAUGA (Ontario)

L5R 3R9

 

 


 

Introduction

[1] La présente recommandation porte sur la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 780 249, intitulée « SHOFAR ÉMETTANT DIFFÉRENTS BRUITS ET SONS AUX FINS DES AÉRONEFS ET DE L’AVIATION » et inscrite au nom de CHRISTINA ARRAYA. La Commission d’appel des brevets (« la Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, la recommandation de la Commission est que le commissaire aux brevets rejette la demande au motif qu’elle contient des éléments nouveaux non admissibles, que les revendications au dossier manquent de nouveauté, qu’elles auraient été évidentes et qu’elles sont indéfinies, et que la description n’est pas conforme aux Règles sur les brevets en ce qui concerne le contenu.

Contexte

La demande

[2] La demande a été déposée le 11 juin 2012. Elle est devenue accessible au public le 11 décembre 2013.

[3] La demande en instance concerne un dispositif permettant d’éloigner les oiseaux des réacteurs en marche d’un aéronef. Ce dispositif imite les sons des phénomènes naturels tels que la pluie et le tonnerre.

Historique de la poursuite

[4] Le 16 octobre 2020, une décision finale (« DF ») a été rendue conformément au paragraphe 86(5) des Règles sur les brevets. La DF indiquait que la demande était irrégulière au motif qu’elle contenait des éléments nouveaux non admissibles, que les revendications au dossier au moment de la DF (« les revendications au dossier ») manquaient de nouveauté et auraient été évidentes, que les revendications au dossier sont imprécises et que le titre de l’invention n’était pas conforme aux Règles sur les brevets.

[5] Dans une réponse à la DF (« R-DF ») en date du 16 février 2022, la demanderesse (« la Demanderesse ») a proposé des modifications à l’abrégé, à la description et aux revendications. Aucun argument n’a été présenté.

[6] L’examinateur ayant jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4 [Loi sur les brevets] et aux Règles sur les brevets, conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission pour révision le 16 juin 2022, accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs (« RM »). Le RM indiquait que les modifications proposées permettraient de régler certaines questions liées aux nouveaux éléments, ainsi que des questions liées au caractère indéfini, mais qu’elles ne permettraient pas de régler les questions liées à la nouveauté ou à l’évidence et qu’elles entraîneraient une autre irrégularité concernant le titre du brevet.

[7] Dans une lettre en date du 23 juin 2022, la Commission a transmis à la Demanderesse une copie du RM et a demandé à la Demanderesse de confirmer qu’elle souhaitait que l’on procède à la révision de la demande.

[8] Dans une réponse au RM en date du 15 septembre 2022 (« RRM »), dont une copie a été soumise le 16 septembre 2022, la Demanderesse a confirmé qu’elle souhaitait que l’on procède à la révision de la demande.

[9] Le Comité soussigné a été affecté à la révision de la demande en instance et à la présentation d’une recommandation au commissaire aux brevets quant à la décision à rendre.

[10] Dans une lettre de révision préliminaire (« lettre de RP ») envoyée le 22 mai 2024, le Comité a exposé son analyse préliminaire des questions en suspens. Plus particulièrement, le point de vue préliminaire du Comité a été que la demande est irrégulière puisque :

  • les revendications 1 à 3 ne sont pas claires;

  • la description, les revendications et les dessins comprennent des éléments nouveaux qui dépassent le cadre de ceux qui ont été divulgués dans le mémoire descriptif initialement déposé et ne peuvent raisonnablement s’inférer de ces derniers;

  • même si les irrégularités susmentionnées étaient corrigées, l’invention décrite et revendiquée n’aurait pas été nouvelle ou aurait été évidente pour la personne versée dans l’art à la date de dépôt de la demande;

  • la description n’est pas conforme aux Règles sur les brevets, car elle comprend un titre contenant une marque de commerce.

[11] Le Comité a aussi été d’avis préliminaire que les modifications proposées soumises avec la R-DF ne permettraient pas de remédier à toutes les irrégularités pendantes.

[12] La lettre de RP a donné à la Demanderesse une possibilité de présenter des observations orales et écrites.

[13] Aucune observation écrite n’a été formulée en réponse à la lettre de RP. Une audience a été tenue le 6 septembre 2024. Lors de l’audience, la Demanderesse a demandé une période supplémentaire pour proposer des modifications à la demande. Comme convenu lors de l’audience, la Demanderesse s’est vu accorder jusqu’au 27 septembre 2024 pour présenter d’autres observations.

[14] Le 27 septembre 2024, la Demanderesse a proposé des modifications à apporter au titre, à l’abrégé, à la description, aux revendications et aux dessins.

[15] L’analyse finale du Comité en ce qui concerne les questions en suspens figure ci-dessous.

Questions

[16] Les questions à trancher dans le cadre de la présente révision finale sont les suivantes :

  • Les revendications 1 à 3 ne sont pas claires;

  • La description, les revendications et les dessins comprennent des éléments nouveaux qui dépassent le cadre de ceux qui ont été divulgués dans le mémoire descriptif initialement déposé et ne peuvent raisonnablement s’inférer de ces derniers;

  • L’objet des revendications au dossier manquait de nouveauté;

  • L’objet des revendications au dossier aurait été évident;

  • La description n’est pas conforme aux Règles sur les brevets, car elle comprend un titre contenant une marque de commerce.

[17] Après avoir examiné la demande telle qu’elle était au moment de la DF, nous examinons les modifications proposées par la Demanderesse dans les observations postérieures à l’audience datées du 27 septembre 2024 (« observations présentées après l’audience ») afin de déterminer si elles seraient considérées comme une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Interprétation des revendications

Principes juridiques et pratiques du Bureau

[18] L’interprétation téléologique est antérieure à tout examen de la validité (Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66 [Free World Trust] au par. 19).

[19] Conformément aux arrêts Free World Trust et Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est effectuée du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes, en considérant l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante ait un effet important sur le fonctionnement de l’invention.

[20] « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [PN2020 – 04] souligne que tous les éléments d’une revendication sont présumés essentiels, à moins qu’une telle présomption ne soit contraire au libellé de la revendication ou qu’il n’en soit établi autrement (voir également Free World Trust au par. 57, Distrimedic Inc c. Dispill Inc, 2013 CF 1043 au par. 201).

Analyse

La personne versée dans l’art

[21] Dans la lettre de RP, à la page 4, nous exposons notre opinion préliminaire de la personne versée dans l’art, en complétant celle tirée de la DF :

Dans la DF au titre de l’évaluation de l’évidence, à la page 6, la personne versée dans l’art a été identifiée comme suit :

Les personnes versées dans l’art forment une équipe composée d’un ingénieur électricien et d’une personne experte dans la conduite d’un aéronef, notamment un pilote, un ingénieur ou un technicien en aérospatiale.

La définition ci-dessus n’a pas été contestée dans la R-DF.

Au vu de la nature du dispositif revendiqué (conçu pour produire des sons naturels qui repoussent les oiseaux), notre point de vue préliminaire est que l’équipe formant les personnes versées dans l’art devrait également comprendre une personne spécialisée dans la gestion de la faune.

[22] La Demanderesse n’a formulé aucun commentaire au sujet du point ci-dessus lors de l’audience ou dans les observations présentées après l’audience. Nous poursuivons sur cette base.

Les connaissances générales courantes pertinentes

[23] Aux pages 4 et 5 de la lettre de RP, nous exposons notre point de vue préliminaire concernant les points pertinents des CGC qui comprenaient les points tirés de la DF, ainsi que d’autres points déterminés par le Comité sur la base du contenu d’un document d’art antérieur :

Dans la DF, dans la rubrique portant sur l’évaluation de l’absence de nouveauté à la page 5, les connaissances générales courantes ont été définies comme suit :

[traduction]

[L]a personne versée dans l’art connaît bien le risque que représentent les oiseaux pour les aéronefs et est également experte dans la conduite d’un aéronef. Les composants nécessaires pour reproduire les sons destinés à repousser les oiseaux étaient également des connaissances générales courantes, à savoir les haut-parleurs et les systèmes de contrôle. Il relevait aussi des connaissances générales courantes que le son se propage à une vitesse d’environ 343 m/s.

Cette définition des CGC n’a pas été contestée par la Demanderesse dans la R-DF.

À ce qui précède, nous pourrons ajouter des CGC qui, selon notre opinion préliminaire, peuvent être tirées du document d’art antérieur D1 de la cité dans la DF, à savoir :

D1 WO 2010/023253 A1 Butler 4 mars 2010

Nous déduisons de D1 que les connaissances générales courantes comprenaient également la connaissance des émetteurs de bruit omnidirectionnels au sol destiné à repousser les oiseaux dans les aéroports, tels que décrits dans le document d’art antérieur D1 à la page 4, lignes 11 à 13. D1 indique qu’il est bien connu que, puisque ces émetteurs de bruit sont omnidirectionnels, les oiseaux qui ne sont pas dans la direction de vol projetée de l’aéronef et qui ne représentent donc pas un risque, peuvent également entendre les bruits. Cela peut accroître leur seuil de tolérance, réduisant ainsi l’efficacité de tels émetteurs de bruit.

En outre, compte tenu de l’inclusion dans la définition de la personne versée dans l’art d’un expert en gestion de la faune, notre point de vue préliminaire est que les CGC pertinentes devraient également inclure la connaissance de la gestion de la faune dans les aéroports et la connaissance des interactions entre les oiseaux et les aéronefs pendant les vols.

[24] La Demanderesse n’a formulé aucun commentaire sur ce qui précède lors de l’audience ou dans les observations présentées après l’audience. Nous procédons donc sur la base des CGC pertinentes précitées.

Les revendications au dossier

[25] La demande en instance contient 3 revendications au dossier, datées du 20 septembre 2018, chacune d’entre elles étant distincte :

[traduction]

1. Shofar émettant différents bruits et sons aux fins des aéronefs et de l’aviation.

2. Le shofar émettant différents bruits et sons aux fins des aéronefs et de l’aviation :

Un son préenregistré, sauvegardé sur ordinateur pour produire des sons naturels, incommodants pour les oiseaux seulement, et permanents dans les airs ou sur le sol.

3. Le shofar émettant différents bruits et sons aux fins des aéronefs et de l’aviation :

Un dispositif installé à l’extrémité de la queue de l’avion émet, de façon électronique, des sons naturels incommodants uniquement pour les oiseaux, ce qui empêche ces derniers de s’approcher de l’avion. Il s’agit d’une onde sonore tridimensionnelle se déplaçant de façon circulaire dans un rayon réaliste au nord, à l’est, au sud et à l’ouest de l’avion, à une vitesse de trois nœuds par minute.

[26] Nous avons indiqué dans la lettre de RP, à la page 5, qu’en ce qui concerne la signification et la portée du libellé des revendications, la majeure partie du libellé des revendications ne posait aucun problème de clarté. Toutefois, deux problèmes liés au caractère indéfini ont été identifiés, et ont été traités avant d’examiner les autres irrégularités, comme nous le faisons également en l’espèce.

[27] En ce qui concerne le caractère essentiel des revendications, nous avons indiqué à la page 5 de la lettre de RP que cette question serait brièvement abordée après l’évaluation des éléments nouveaux, étant donné que tout élément ajouté au cours de la procédure et considéré comme un élément nouveau inadmissible ne peut pas faire partie des éléments de la revendication. Nous faisons la même chose en l’espèce.

Caractère indéfini et absence de clarté

Principes juridiques

[28] Le paragraphe 27 (4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent l’objet en termes précis et explicites :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[29] Dans Minerals Separation North American Corp c. Noranda Mines ltée [1947], EX CR 306, 12 CPR 99 à la page 146, la Cour a insisté sur l’obligation d’un demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis :

[traduction]

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Analyse

[30] À la page 6 de la lettre de RP, nous présentons notre analyse préliminaire à l’égard des questions liées au caractère indéfini identifié dans la DF en ce qui concerne les revendications au dossier. Nous avons d’abord donné notre point de vue préliminaire que l’usage du terme « shofar » dans les revendications et la spécification particulière de la vitesse de l’onde sonore dans la revendication 3 du dossier étaient indéfinies :

[traduction]

La DF, à la page 7, a indiqué que le terme « shofar » dans les revendications 1 à 3 a été créé par la Demanderesse et que la personne versée dans l’art n’en comprendrait pas la signification.

En tant que nom propre, « Shofar » est un terme employé pour décrire une corne soufflée comme une trompette, qui est fabriquée à partir d’une corne de bélier et qui est employée lors des observances religieuses juives (https://www.merriam-webster.com/dictionary/shofar). Compte tenu de cette signification, un tel terme ne semble pas correspondre à l’objet de la présente demande. Son emploi n’est pas compatible avec le dispositif destiné à reproduire les sons naturels qui repoussent généralement les oiseaux, tels que la pluie, les secousses, le tonnerre, etc. Ce terme devrait être retiré et remplacé par un langage plus descriptif de la fonction du dispositif.

Dans la DF, à la page 8, en ce qui concerne une irrégularité liée au titre, il a été noté que le terme « shofar » est une marque déposée et un mot inventé. La marque de commerce canadienne « SHOFAR », enregistrée sous le numéro 1590118, est liée au verre décoratif, de sorte que même si un tel terme était identifié comme marque (conformément à l’article 52 des Règles sur les brevets), son emploi serait également incompatible avec l’objet de la présente demande. Nous notons qu’il existe une marque canadienne enregistrée « AIRCRAFT SHOFAR », enregistrée au nom de la Demanderesse, qui porte sur un « dispositif de sonorisation et d’avertissement d’aéronef ». Un tel langage descriptif pourrait être plus approprié dans les revendications de la demande en instance.

Compte tenu de ce qui précède, notre point de vue préliminaire est que l’usage du mot « shofar » dans les revendications entraînerait une confusion quant à l’objet revendiqué et rendrait donc les revendications indéfinies.

La DF a également indiqué que la spécification dans la revendication 3 d’une vitesse de l’onde sonore de trois nœuds par minute rend la revendication indéfinie, car elle est en contradiction avec la vitesse connue du son se propageant dans l’air.

Nous notons tout d’abord que le terme « nœuds » est lui-même une mesure de la vitesse et que, par conséquent, le terme « nœuds par minute » semble se référer à une mesure de la vitesse. En tout état de cause, une valeur de trois nœuds serait en contradiction avec les valeurs généralement acceptées par la personne versée dans l’art de la vitesse du son dans l’air, qui serait considérablement plus élevée. Cela entraînerait une confusion et rendrait la revendication dans son ensemble indéfinie.

[31] Aucun des éléments ci-dessus n’a été contesté par la Demanderesse à l’audience ou dans les observations présentées après l’audience. Comme nous le verrons plus loin, la Demanderesse a proposé des amendements aux revendications au dossier afin de corriger les irrégularités liées au caractère indéfini.

[32] À la lumière de ce qui précède, notre opinion préliminaire est que les revendications 1 à 3 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Nouveaux éléments

Principes juridiques

[33] L’article 38.2 de la Loi sur les brevets établit les conditions sous lesquelles des modifications peuvent être apportées au mémoire descriptif ou aux dessins d’une demande de brevet. Les dispositions pertinentes en l’espèce sont les suivantes :

38.2(1) Sous réserve des paragraphes (2) à (3,1) et des règlements, les dessins et le mémoire descriptif qui sont compris dans la demande de brevet peuvent être modifiés avant la délivrance du brevet.

Limite

(2) Les dessins et le mémoire descriptif qui sont compris dans une demande autre qu’une demande divisionnaire ne peuvent être modifiés pour y ajouter des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer des dessins ou du mémoire descriptif qui sont compris dans la demande à sa date de dépôt.

[34] La question de savoir si les éléments ajoutés au mémoire descriptif ou aux dessins par modification sont conformes au paragraphe 38.2 de la Loi sur les brevets est examinée du point de vue de la personne versée dans l’art.

[35] Le mémoire descriptif d’une demande de brevet comprend une description et une ou plusieurs revendications. Il s’ensuit que pour déterminer si des éléments nouveaux ont été indûment ajoutés au mémoire descriptif et/ou aux dessins par voie de modification, il convient de comparer la description, les revendications et dessins au dossier (en l’espèce, au moment de l’action finale), c’est-à-dire la description et les revendications du 20 septembre 2018, à la description initialement déposée le 11 juin 2012 (la demande initiale ne comportant aucune revendication ni aucun dessin) afin de déterminer si des modifications pourraient être raisonnablement inférées par la personne versée dans l’art à partir de la description initiale.

[36] Il existe très peu de jurisprudence sur la question de savoir si un mémoire descriptif ou des dessins modifiés sont conformes à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a mis en garde contre l’utilisation de l’approche du Royaume-Uni pour la détermination des éléments nouveaux inadmissibles, à savoir si les éléments nouveaux ont été divulgués explicitement ou implicitement dans le mémoire descriptif ou les dessins originaux (Western Oilfield Equipment Rentals Ltd. c. M-I LLC, 2021 CAF 24 [Western Oilfield] aux par. 140-143). L’affaire Western Oilfield a été examinée ultérieurement dans l’affaire Abbvie Corporation c. Jamp Pharma Corp, 2023 CF 1520. Aux par. 421-422, la Cour fédérale a résumé les problèmes posés par l’utilisation de l’approche du Royaume-Uni telle qu’elle a été présentée dans Western Oilfield. Toutefois, la Cour n’a pas clairement défini la portée de l’expression « inférence raisonnable ». La Cour a fait observer au par. 426 qu’« il serait injuste de permettre aux demandeurs de brevet d’ajouter ultérieurement un élément que ne visait pas le mémoire descriptif » et a conclu son analyse au para 444 en notant que « le segment ajouté ne se traduit par aucun gain » pour la Demanderesse. [Soulignement ajouté]

Analyse

[37] Aux pages 8 à 9 de la lettre de RP, nous avons tout d’abord discuté du contenu de la demande en instance originalement déposée le 11 juin 2012, et qui ne contenait aucune revendication ni aucun dessin. Nous avons noté les questions qui peuvent se poser en raison de la description originale minimale d’une invention et les restrictions concernant l’emploi d’un abrégé comme source pour des ajouts ultérieurs au mémoire descriptif et à tous les dessins :

À la date de dépôt (11 juin 2012), la demande ne contenait ni des revendications ni des dessins. Elle contenait une description dont la teneur est la suivante :

[traduction]

DESCRIPTION

Un grand nombre d’accidents d’avion sont causés par des oiseaux qui pénètrent et se trouvent coincés dans les réacteurs de l’avion. Les oiseaux meurent et les moteurs d’avion doivent être nettoyés ou remplacés. À cela s’ajoutent les retards des vols réguliers, les frais d’hébergement à l’hôtel et d’autres frais que doivent supporter les passagers aériens, ainsi que les indemnités d’un million de dollars pour les pertes humaines et matérielles.

Au fil des décennies, divers sons ont été créés pour empêcher les oiseaux de s’approcher du moteur de l’avion, mais sans grand succès.

La raison pour laquelle les oiseaux sont attirés par le ronronnement d’un réacteur d’avion en marche, quelle que soit l’altitude, est que les vagues d’air générées par le réacteur leur permettent de planer aisément. Les oiseaux se contenteront de planer ou de flotter dans les vagues d’air ou les vibrations du vent provenant du réacteur en marche, sans devoir fournir d’effort pour voler. D’où cet attrait pour les avions à réacteurs en marche.

Il existe des phénomènes naturels, tels que la pluie, les secousses, le tonnerre, etc., que les oiseaux évitent ou fuient par instinct de survie.

Le son produit par ce dispositif se rapproche du son des phénomènes naturels susmentionnés, en termes de fréquence, de vitesse et de volume, de sorte que, même sur un rayon de 500 mètres, les oiseaux le reconnaissent instinctivement, ce qui les fait fuir loin du réacteur de l’aéronef en marche. [Soulignement ajouté]

La plupart des éléments de la description qui ont été soumis à la date de dépôt initiale se rapportent à des éléments de base qui auraient été généralement connus de la personne versée dans l’art à ce moment-là. De notre point de vue, seul le dernier paragraphe traite du dispositif de production de sons que l’on a ensuite tenté de décrire et de revendiquer au moyen d’une modification apportée à la demande.

À la date de dépôt, la demande comprenait également un abrégé dont la teneur est la suivante :

ABRÉGÉ [traduction]

La présente invention est un dispositif conçu pour produire des sons qui incitent les oiseaux à s’éloigner ou à s’enfuir de tout réacteur d’avion en marche, que ce soit dans les airs ou au sol.

Le son préenregistré, sauvegardé par ordinateur, est une onde sonore tridimensionnelle, circulaire, d’une vitesse et d’un volume particulièrement perçus par les oiseaux (classe AVIS) uniquement, comme des signaux de danger les incitant à s’enfuir ou à s’éloigner des réacteurs d’avion en marche.

Les composants sont les suivants :

a) un capteur qui détecte ou est activé par les oiseaux volant dans un rayon réaliste au nord, à l’est, au sud et à l’ouest de l’aéronef;

b) un dispositif informatique dans le poste de pilotage qui génère automatiquement des sons transmis par voie électronique au capteur (installé à queue) et qui sont ensuite libérés dans l’atmosphère dans le rayon indiqué ci-dessus;

c) un système électrique reliant le capteur et le dispositif informatique;

d) une boîte à sons.

Comme indiqué ci-dessus, à la date de dépôt, la demande ne contenait ni des revendications ni des dessins. Bien qu’un ensemble de revendications et de dessins ne soit pas nécessaire pour obtenir une date de dépôt, une demande de brevet doit éventuellement comprendre au moins une revendication (paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets) et, dans le cas d’une machine (dont l’invention de la demande en instance est un exemple) ou dans tout autre cas où, pour l’intelligence de l’invention, il peut être fait usage de dessins, des dessins (paragraphe 27(5,1) de la Loi sur les brevets).

Un problème qui peut être engendré par le dépôt d’une demande ne comprenant qu’une description minimale, comme cela a été le cas en l’espèce, est que lorsque les revendications et les dessins requis, et peut-être une description plus complète, sont ajoutés ultérieurement par voie de modification, cette dernière peut aller à l’encontre de l’article 38.2 de la Loi sur les brevets. En d’autres termes, tout élément compris dans la modification qui ne peut raisonnablement s’inférer par la personne versée dans l’art à partir de la description originalement déposée ne peut être ajouté à la demande.

Quant aux éléments inclus dans l’abrégé à la date de dépôt, il faut noter qu’un abrégé ne fait pas partie du mémoire descriptif (description et revendications) et ne peut pas être pris en considération dans l’évaluation de l’étendue de la protection demandée ou obtenue (paragraphe 55(8) des Règles sur les brevets). L’abrégé ne peut pas servir de fondement pour l’ajout d’éléments qui n’étaient pas déjà présents dans le mémoire descriptif ou les dessins originaux, ou qui ne peuvent raisonnablement s’en inférer. (« Recueil des pratiques du Bureau des brevets », révisé en octobre 2019 (OPIC), §13,03). Un abrégé est destiné à être un simple résumé à des fins de recherche.

En ce qui concerne la présente évaluation, l’objet qui n’apparaît que dans l’abrégé à la date de dépôt ne peut pas servir à justifier l’ajout ultérieur d’un objet dans le mémoire descriptif ou dans les dessins.

[38] Nous avons ensuite discuté le contenu de la description, des revendications et des dessins au dossier, en identifiant le contenu que nous avons considéré de façon préliminaire comme représentant l’ajout d’éléments nouveaux inadmissibles. Nous présentons ces discussions ci-dessous.

La description

[39] Aux pages 10 et 11 de la lettre de RP, nous avons identifié les parties de la description qui, à notre avis préliminaire, représentaient l’introduction de nouveaux éléments inadmissibles, ainsi que les raisons qui les motivaient :

[traduction]

Nous avons indiqué ci-dessous, en rayant le texte pertinent, les parties de la description modifiée, datée du 20 septembre 2018, que nous pensons, à titre préliminaire, représenter de nouveaux éléments inadmissibles. Les motifs de notre point de vue préliminaire sur cette question sont exposés après le texte cité. Bien entendu, la suppression des parties rayées n’aboutira pas nécessairement à une description acceptable. Les termes problématiques devront être remplacés par des termes conformes à la description originalement déposée ou pouvant raisonnablement en être inférés.

LE SHOFAR ÉMETTANT DIFFÉRENTS BRUITS ET SONS AUX FINS DES AÉRONEFS ET DE L’AVIATION

DOMAINE DE L’INVENTION

Cette invention concerne un système de protection à bord d’un aéronef contre les oiseaux qui s’approchent de l’aéronef, dans les airs ou au sol.

DOMAINE TECHNIQUE

Cette invention concerne généralement un dispositif de sauvegarde préenregistré installé à la queue de l’avion, et plus particulièrement un système et une méthode de détection de la position sonore des oiseaux pour que les oiseaux entendent des sons incommodants, comme le Shofar (comme le klaxon d’un véhicule) produit des bruits et des sons.

DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L’INVENTION

Un grand nombre d’accidents d’avion sont causés par des oiseaux qui pénètrent et se trouvent coincés dans les moteurs de l’avion. Les oiseaux meurent et les moteurs d’avion doivent être nettoyés ou remplacés. À cela s’ajoutent les retards des vols réguliers, les frais d’hébergement à l’hôtel et d’autres coûts que doivent supporter les passagers aériens, ainsi que les indemnités d’un million de dollars pour les pertes humaines et matérielles.

Au fil des décennies, divers sons ont été développés pour empêcher les oiseaux de s’approcher du réacteur de l’avion, mais sans grand succès.

La raison pour laquelle les oiseaux sont attirés par le ronronnement d’un réacteur d’avion en marche, quelle que soit l’altitude, est que les vagues d’air générées par le moteur leur permettent de planer aisément. Les oiseaux se contenteront de planer ou de flotter dans les vagues d’air ou les vibrations du vent provenant du réacteur en marche, sans devoir fournir d’effort pour voler. D’où cet attrait pour les avions à réacteurs en marche.

Il existe des phénomènes naturels, tels que la pluie, les secousses, le tonnerre, etc., que les oiseaux évitent ou fuient par instinct de survie et qui ne sont pas incommodants pour les gens lorsqu’ils les entendent au sol.

Le son produit par ce dispositif se rapproche du son des phénomènes naturels susmentionnés, en termes de fréquence, de vitesse et de volume, de sorte que, même sur un rayon de 500 mètres, les oiseaux le reconnaissent instinctivement, ce qui les pousse à s’éloigner du réacteur de l’aéronef en marche.

Notre point de vue préliminaire est que l’introduction du terme « shofar » par amendement est problématique. La personne versée dans l’art, selon notre point de vue préliminaire, comprendrait généralement le terme « shofar » de la manière discutée ci-dessus dans la rubrique consacrée au caractère indéfini (c’est-à-dire une corne soufflée comme une trompette, qui est fabriquée à partir d’une corne de bélier et est employée lors des observances religieuses juives) et n’aurait donc pas considéré le dispositif présenté dans la description originalement déposée comme étant similaire au type de corne qui est généralement impliqué par le terme « shofar ». La description originalement déposée décrit le dispositif comme étant destiné à reproduire le son des bruits naturels tels que la pluie, les tremblements, le tonnerre, etc., qui éloigneraient les oiseaux des réacteurs d’avion en marche. Nous sommes donc d’avis que l’introduction du terme « shofar » dans la description et les revendications modifiées représente l’introduction d’un élément nouveau inadmissible, contrairement à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets.

Conformément à la description originale de ce dispositif comme en étant un destiné à reproduire les sons naturels qui éloignent les oiseaux des réacteurs d’avion en marche, notre point de vue préliminaire est que la précision, dans la description modifiée, selon laquelle les sons sont destinés à des « systèmes d’aéronefs et d’aviation », est un élément nouveau inadmissible. L’usage d’un tel langage comprend l’emploi des sons à de nombreuses fins autres que celle de repousser les oiseaux, ce qui était l’objectif de la description originale. Nous pensons, à titre préliminaire, que la personne versée dans l’art n’aurait pas considéré que la description originale suggérait des emplois plus larges pour le dispositif.

À notre avis, la caractéristique selon laquelle le dispositif est situé à bord d’un avion doit être raisonnablement inférée de la description originale, puisqu’elle traite de l’idée d’éloigner les oiseaux du ou des réacteurs en marche d’un avion, quelle que soit l’altitude.

Toutefois, la caractéristique d’un « dispositif de stockage préenregistré installé à l’extrémité de la queue de l’avion » ne pouvait pas, à notre avis préliminaire, être raisonnablement inférée de la description originale. La description originale ne fournit aucun détail quant à la configuration ou à l’emplacement spécifique du dispositif sur un aéronef. La personne versée dans l’art n’aurait pas pu déduire une configuration particulière ou un emplacement spécifique sur la base de l’idée générale véhiculée par la description originale.

Les revendications au dossier

[40] Aux pages 11 et 12 de la lettre de RP, nous avons identifié les caractéristiques des revendications au dossier qui, à notre avis préliminaire, représentaient l’ajout de nouveaux éléments inadmissibles, et nous avons également exposé les raisons de cet ajout :

[traduction]

En ce qui concerne les revendications au dossier, comme c’était le cas pour la description modifiée, l’introduction du terme « shofar » représente l’ajout de nouveaux éléments inadmissibles.

En ce qui concerne le fait que les sons sont destinés à un « système d’aéronefs et d’aviation », comme c’était le cas pour la description modifiée, l’usage d’un tel langage dans les revendications au dossier représente l’ajout de nouveaux éléments inadmissibles.

En outre, les caractéristiques ci-après des revendications au dossier représentent également des éléments nouveaux inadmissibles :

• « [Un] stockage informatique préenregistré » (revendication 2 du dossier).

• Le dispositif est installé à l’extrémité de la queue de l’avion (revendication 3 du dossier).

• L’existence d’une transmission électronique (revendication 3 du dossier).

• Les caractéristiques spécifiques de l’onde sonore, à savoir qu’il s’agit d’une onde sonore tridimensionnelle à déplacement circulaire dans un rayon réaliste au nord, à l’est, au sud et à l’ouest de l’avion, avec une vitesse de trois nœuds par minute (revendication 3 du dossier).

En ce qui concerne la dernière caractéristique mentionnée, aucun élément de la description originale n’indique que l’onde sonore est omnidirectionnelle, comme le précise la revendication 3. En outre, s’il n’avait pas constitué un élément nouveau et avait donc été autorisé à être ajouté au mémoire descriptif, il aurait introduit une irrégularité supplémentaire dans les revendications, pour les raisons suivantes.

L’objet revendiqué défierait les lois de la science en ce qui concerne la propagation des ondes sonores et manquerait donc d’utilité, ce qui contreviendrait à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Plus précisément, si la caractéristique de vitesse était effectivement censée faire référence à la vitesse, elle faisait partie des CGC pertinentes, comme indiqué dans la construction téléologique, selon lesquelles une onde sonore se déplace dans les airs à environ 343 mètres par seconde, plutôt qu’à trois nœuds (1,5 mètre par seconde).

Compte tenu de ce qui précède, nous avons reproduit ci-dessous les revendications au dossier, en indiquant par des rayures les parties des revendications qui portent sur des éléments nouveaux inadmissibles. Comme c’était le cas pour la description, la suppression des termes rayés n’aboutira pas en soi à des revendications acceptables. Les termes problématiques devront être remplacés par des termes conformes à la description originalement déposée ou pouvant raisonnablement en être inférés. Les autres caractéristiques sont considérées comme les éléments essentiels des revendications au dossier.

1. Shofar émettant différents bruits et sons aux fins des aéronefs et de l’aviation.

 

2. Le shofar émettant différents bruits et sons aux fins des aéronefs et de l’aviation :

 

Un son préenregistré, sauvegardé sur ordinateur pour produire des sons naturels, incommodants pour les oiseaux seulement, et permanents dans les airs ou sur le sol.

 

3. Le shofar émettant différents bruits et sons aux fins des aéronefs et de l’aviation :

 

Un dispositif installé à la queue de l’avion émet de façon électronique des sons naturels incommodants uniquement pour les oiseaux, poussant ces derniers à éviter de s’approcher de l’avion. Il s’agit d’une onde sonore tridimensionnelle se déplaçant circulairement dans un rayon réaliste au nord, à l’est, au sud et à l’ouest de l’avion, à une vitesse de trois nœuds par minute.

Les dessins

[41] À la page 13 de la lettre de RP, nous avons expliqué que, de notre point de vue préliminaire, à l’exception de la figure 2, toutes les autres figures de la demande en instance contiennent des éléments nouveaux inadmissibles.

Conclusions relatives aux nouveaux éléments

[42] Lors de l’audience, le Comité a discuté avec la Demanderesse des limites, en l’espèce, de l’ajout d’éléments à la demande, étant donné le contenu minimal de la demande initialement déposée. Nous avons également discuté du fait que le contenu de l’abrégé ne peut pas être employé comme source de matériel à ajouter au mémoire descriptif et/ou aux dessins.

[43] Toutefois, la Demanderesse n’a contesté aucun de nos points de vue préliminaires concernant la présence de nouveaux éléments inadmissibles dans la demande, que ce soit dans les observations orales lors de l’audience ou dans les observations après l’audience, tentant plutôt de corriger ces irrégularités qui figurent dans les observations après l’audience.

[44] À la lumière de ce qui précède, nous concluons que la description, les revendications et dessins au dossier contiennent des éléments nouveaux inadmissibles, comme indiqué ci-dessus, contraires à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets.

Nouveauté

Principes juridiques

[45] Le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué soit nouveau :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet au Canada ne doit pas :

a) soit plus d’un an avant la date de dépôt de celle-ci, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d’une autre personne, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

[le reste du paragraphe est omis]

[46] Il y a deux exigences distinctes pour démontrer qu’un document de l’antériorité prévoit une invention revendiquée : il doit y avoir une divulgation préalable de l’objet revendiqué et la divulgation antérieure doit permettre à une personne versée dans l’art de pratiquer l’objet revendiqué (Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi], aux par. 24 à 29, 49).

[47] Un brevet confère à son titulaire des droits exclusifs sur l’invention brevetée. Il serait injuste de conférer à un breveté ces droits s’ils ne peuvent être accordés sans porter atteinte aux droits précédemment acquis par des tiers, que ces droits soient issus du domaine public ou de la propriété privée sous la forme d’un brevet existant. Dans les deux cas, on ne peut pas dire qu’une invention présumée est nouvelle si elle existait déjà et était connue. La nouveauté est donc une des conditions essentielles d’une invention brevetable.

Analyse

[48] Dans la lettre de RP, aux pages 13 et 14, nous exposons les raisons pour lesquelles notre point de vue préliminaire est que les revendications au dossier manquent de nouveauté au vu de l’art antérieur cité (D1, discuté ci-dessous, a déjà été identifié dans la discussion sur les CGC pertinentes) :

[traduction]

La date de revendication de la demande en instance est la date de dépôt (11 juin 2012).

Dans la DF, l’examinateur a cité le document d’art antérieur D1 pour l’absence de nouveauté des revendications.

D1 révèle un système pour éviter de heurter les oiseaux, destiné aux avions et à l’aviation.

Dans presque tous les cas, l’analyse de la nouveauté (et l’analyse de l’évidence, telle qu’elle est menée ci-dessous) implique une évaluation des revendications telles qu’elles sont présentées. Toutefois, en l’espèce, comme nous avons déterminé que les revendications comprennent des éléments nouveaux sanctionnés par l’article 38.2 de la Loi sur les brevets, nous devons aborder les questions restantes de la nouveauté et de l’évidence en examinant les revendications au dossier au moment de la DF, telles qu’elles apparaîtraient si les éléments nouveaux avaient été supprimés.

En conséquence, en l’absence d’éléments nouveaux :

• La revendication 1 ne ferait pas usage du terme « shofar “et ne ferait pas référence aux sons comme destinés à des” aéronefs et à des systèmes d’aviation ». À cet égard, nous supposons, aux fins de la présente analyse, que la revendication 1 dépourvue d’un tel libellé ferait référence à un dispositif sonore destiné à repousser les oiseaux;

• La revendication 2 comprend les caractéristiques de la revendication 1, plus la caractéristique supplémentaire selon laquelle les sons sont naturels, désagréables uniquement pour les oiseaux, et la caractéristique encore supplémentaire selon laquelle le système peut être utilisé que l’aéronef soit en vol ou au sol;

• La revendication 3 comprend les caractéristiques de la revendication 1, plus la caractéristique supplémentaire que les sons sont naturels, incommodants uniquement pour les oiseaux, les sons ayant pour effet d’empêcher les oiseaux de s’approcher de l’aéronef.

Toutes ces caractéristiques sont enseignées et rendues possibles par le document D1, qui divulgue un système permettant d’éviter les collisions avec les oiseaux aux fins des aéronefs et de l’aviation, utilisant des sons générés pour simuler des sons repoussant les oiseaux (y compris des sons naturels) tels que des cris de détresse, des cris d’alarme, des cris de prédateurs et d’autres sons de ce type pour repousser les oiseaux connus de l’art antérieur (voir page 8, lignes 29 à 31). En outre, le système, tel qu’il est installé sur l’aéronef, peut être utilisé dans les airs ou au sol.

Par conséquent, les revendications 1 à 3, en l’absence de nouveaux éléments inadmissibles, manquent de nouveauté compte tenu de D1 et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets.

[49] La Demanderesse n’a pas contesté le point de vue préliminaire ci-dessus, que ce soit dans les observations orales ou dans les observations après l’audience.

[50] Nous concluons que, pour les raisons exposées ci-dessus, les revendications 1 à 3 au dossier manquent de nouveauté et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets.

Évidence

Principes juridiques

[51] L’article 28.3 de la Loi sur les brevets énonce l’exigence législative selon laquelle l’objet revendiqué ne doit pas être évident :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[52] Dans Sanofi, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il est utile, lorsqu’il s’agit d’évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes reproduites ci-dessous dans notre analyse :

(1) a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[53] Le manque d’évidence est une condition de brevetabilité différente de celle de la nouveauté. Même si une invention revendiquée est nouvelle, car elle n’a jamais été réalisée auparavant et qu’elle présente donc une nouveauté par rapport à l’état antérieur de l’art, cela ne dispense pas de l’exigence supplémentaire qui veut que cette nouveauté soit le résultat de l’ingéniosité inventive qui a permis de partir de l’état de l’art pour arriver à l’invention revendiquée. Une invention dont la réalisation a nécessité une ingéniosité créative, indépendamment de sa conception, est également qualifiée de non évidente.

[54] L’évaluation juridique de l’évidence requiert une analyse effectuée du point de vue de la personne versée dans l’art, possédant les connaissances générales courantes dans le domaine concerné et ayant pris connaissance de l’art antérieur pertinent. Si cette personne était parvenue directement et sans difficulté à l’invention revendiquée, l’invention est considérée comme évidente. Par ailleurs, si la personne versée dans l’art n’avait pas abouti directement et sans difficulté à l’invention revendiquée, on considère qu’elle a fait preuve d’ingéniosité créatrice et que l’invention n’est pas évidente.

Analyse

[55] Dans la lettre de RP, aux pages 15 et 16, nous présentons les raisons pour lesquelles notre point de vue préliminaire est que les revendications 1 à 3 au dossier auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art à la date de la revendication :

[traduction]

(1)b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

Nous avons également identifié les connaissances générales communes pertinentes de la personne versée dans l’art dans le cadre de l’interprétation téléologique et nous considérons que les mêmes points s’appliquent à l’analyse de l’évidence.

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

Nous avons déjà interprété les revendications ci-dessus, à l’exception des nouveaux éléments, en considérant que les éléments restants des revendications sont essentiels. Nous considérons que les revendications interprétées représentent les concepts inventifs individuels.

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation

Comme déterminé dans notre analyse de la nouveauté précédente, il n’y a pas de différence entre l’objet revendiqué et l’état de la technique représenté par D1.

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

Comme aucune différence n’a été identifiée à l’étape (3), il ne peut y avoir d’ingéniosité inventive. Par conséquent, les revendications 1 à 3, en l’absence de nouveaux éléments, auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art à la date de la revendication, et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[56] La Demanderesse n’a pas contesté le point de vue préliminaire ci-dessus, que ce soit lors de l’audience ou à travers les observations après l’audience.

[57] Nous concluons, pour les raisons exposées dans la lettre de RP et reproduites ci-dessus, que les revendications 1 à 3 au dossier auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art à la date de la revendication et ne sont donc pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

Irrégularité de titre dans la description

Principes juridiques

[58] L’alinéa 56(1)a) des Règles sur les brevets précise que :

 

56 (1) La description contient les éléments ci-après présentés de la manière et dans l’ordre suivant :

  • (a)Le titre de l’invention, lequel doit être bref et précis et ne contenir aucune marque de commerce, mot inventé ou nom de personne;

[le reste du paragraphe est omis]

Analyse

[59] Comme indiqué dans la lettre de RP à la page 17, le terme « shofar » a été identifié comme un terme de marque déposée et, par conséquent, son usage dans le titre de la demande en instance contrevient à l’alinéa 56(1)a) :

[traduction]

Étant donné que, comme exposé précédemment, le terme « shofar » est un terme de marque déposée, l’usage d’un tel terme dans le titre n’est pas conforme à l’alinéa 56(1)a) des Règles sur les brevets et doit être supprimé.

[60] La Demanderesse n’a pas contesté ce qui précède, ni lors de l’audience, ou à travers les observations après l’audience, tentant au contraire de surmonter le problème en proposant une modification du titre.

[61] À la lumière de ce qui précède, nous pensons que le titre de la demande en instance n’est pas conforme à l’alinéa 56(1)a) des Règles sur les brevets.

Examen des éléments jugés comme nouveaux et inadmissibles

[62] Dans la lettre de la RP, aux pages 17 à 19, nous avons présenté une analyse préliminaire supplémentaire pour examiner la nouveauté et l’évidence des revendications 1 à 3, même si elles n’étaient pas considérées comme contenant des éléments nouveaux inadmissibles. Notre point de vue préliminaire est que même dans une telle situation, les revendications n’auraient pas été nouvelles et/ou auraient été évidentes :

[traduction]

La revendication 1 a été jugée comme incluant un élément nouveau inapproprié concernant l’usage du terme « Shofar », et spécifiant que les sons sont destinés aux « avions et aux systèmes d’aviation ». Si nous supposons, pour les besoins de cette analyse hypothétique, que la revendication se réfère à un type de dispositif de sonorisation et d’avertissement pour repousser les oiseaux (correspondant à l’objet de la description originalement déposée, ainsi qu’à l’objet relatif à la marque enregistrée de la Demanderesse), alors la revendication 1 au dossier manquerait toujours de nouveauté au vu du document de l’art antérieur D1. D1, comme indiqué dans l’évaluation de la nouveauté ci-dessus, révèle un système pour éviter de heurter des oiseaux, destiné aux avions et à l’aviation, qui génère des sons naturels pour repousser les oiseaux. En l’absence de différences entre la revendication 1 au dossier et D1, la revendication aurait été évidente pour la personne versée dans l’art également. [Souligné dans l’original]

La revendication 2, si elle était évaluée comme incluant les nouveaux éléments supplémentaires d’un dispositif de sauvegarde préenregistré par ordinateur, aurait quand même été évidente pour la personne versée dans l’art pour les raisons suivantes. (Souligné dans l’original)

Comme discuté précédemment, D1 révèle un dispositif permettant d’éviter les collisions avec des oiseaux, aux fins des aéronefs et de l’aviation, qui utilise des sons générés pour repousser les oiseaux (y compris des sons naturels) tels que des cris de détresse, des cris d’alarme, des cris de prédateurs et d’autres sons de ce type pour éloigner les oiseaux, connus de l’art antérieur. D1 révèle également l’utilisation d’un émetteur de sons pour générer ces sons et, à la page 20, lignes 12-15, l’emploi de cristaux piézoélectriques et de la structure de l’avion comme caisse de résonance d’un haut-parleur ou d’air comprimé provenant d’un compresseur de réacteur pour générer les sons. D1 ne traite pas de l’emploi de sons préenregistrés sauvegardés sur un ordinateur comme source des sons générés.

Au cours de la procédure antérieure entre la Demanderesse et l’Examinateur, d’autres documents ont été cités comme représentatifs de l’art antérieur, y compris D2, qui suit. L’autre document D5 a été retrouvé par le Comité au cours de l’examen de la demande en instance.

D2 US 7 173 534 B1 Markham et coll. 6 février 2007

D5 US 6 285 630 B1 Jan 4 septembre 2001

D2 révèle un système informatique de contrôle des oiseaux qui, dans le cadre de ce système, comprend la diffusion de sons de prédateurs d’oiseaux ou d’autres sons dissuasifs reproduits à partir de fichiers audio sauvegardés sur un ordinateur (D2 at col. 4, lignes 24-31, col. 5, lignes 55-60).

D5 révèle également un dispositif d’expulsion d’oiseaux, produisant le son d’un rapace tels qu’un faucon, un aigle ou une buse. Le générateur de ces sons comprend un dispositif de stockage de données audio pour stocker les données audio du son de l’oiseau féroce et émettre un signal représentatif du son, qui, par l’intermédiaire d’un amplificateur et d’un haut-parleur, génère le son d’un rapace (D5 at col. 1, lignes 54-65).

À notre avis, bien que D1 ne révèle pas l’emploi de sons préenregistrés sur ordinateur pour produire les sons naturels qui repousseraient les oiseaux comme indiqué dans la revendication 2 au dossier, une telle réalisation aurait été évidente pour la personne versée dans l’art au vu de D2 ou D5 et des CGC correspondantes. Les CGC susmentionnées comprennent la connaissance des systèmes employés pour repousser les oiseaux, y compris les haut-parleurs et les systèmes de contrôle. À notre avis, la lecture de sons à partir d’une mémoire préenregistrée aurait été une méthode bien connue de reproduction de ces sons au moyen de haut-parleurs, comme l’illustrent les exemples divulgués dans D2 et D5, que les sons préenregistrés aient été sauvegardés sur un ordinateur ou sur un autre moyen de sauvegarde. Ainsi, l’objet de la revendication 2 au dossier aurait représenté une option bien connue de la personne versée dans l’art, dont les effets auraient également été bien connus, ce qui aurait rendu la revendication 2 évidente.

Enfin, nous considérons la revendication 3 au dossier, si elle est évaluée comme comprenant les nouveaux éléments supplémentaires suivants :

– Le dispositif de production de son installé à la queue de l’avion (D1 à la page 10, ligne 23; page 17, ligne 24-25; page 21, lignes 12-14).

– Le son produit se propageant de manière omnidirectionnelle (« une onde sonore tridimensionnelle se propageant de manière circulaire dans un rayon réaliste au nord, à l’est, au sud et à l’ouest de l’aéronef »).

– Le son produit se propage à une vitesse de trois nœuds par minute.

La première caractéristique est enseignée par D1, comme indiqué ci-dessus.

La troisième caractéristique, comme discuté ci-dessus, ne serait pas significative pour la personne qualifiée et, sur la base de ses connaissances générales communes, rendrait la revendication indéfinie et dépourvue d’utilité. La personne versée dans l’art considérerait très probablement cette caractéristique comme le résultat d’une erreur lors de la rédaction de la revendication, et elle serait ignorée par rapport à la vitesse bien connue du son se propageant dans l’air.

En ce qui concerne la deuxième caractéristique, D1 révèle des inconvénients connus des systèmes basés au sol, bien connus dans l’art antérieur. L’un des inconvénients de ces systèmes utilisant des sons omnidirectionnels est que tous les oiseaux de la zone, et pas seulement ceux qui représentent une menace pour les réacteurs d’avion en marche, sont exposés aux sons et s’y habituent, ce qui fait que le système perd de son efficacité avec le temps (D1, page 4, lignes 7 à 16; page 5, lignes 21 à 24).

La différence entre la revendication 3, incluant par hypothèse les nouveaux éléments, et la revendication D1, est que cette dernière cherche à éviter les problèmes connus des émetteurs de bruit au sol, à savoir leur application aux oiseaux environnants en général, grâce à l’emploi d’émetteurs de bruit omnidirectionnels et à l’absence de focalisation sur la zone immédiate entourant l’aéronef, y compris sa trajectoire de vol. Bien que le document D1 prévoie des cas où les systèmes d’émission de bruit sont déplacés à bord de l’aéronef et emploient un système sonore focalisé dirigé dans la trajectoire de vol de l’aéronef, il prévoit également des cas où un système d’émission de son non focalisé est simplement déplacé à bord de l’aéronef (par exemple, la revendication 1 de D1, qui n’est pas limitée à un émetteur de son utilisant un faisceau focalisé, ainsi que les quatre premiers paragraphes de la section Abrégé de l’invention, qui concernent des cas qui ne sont pas limités à un faisceau focalisé). Ainsi, bien que le document D1 identifie des problèmes avec des émetteurs de bruit omnidirectionnels bien connus employés au sol, il n’exclut pas l’emploi de tels systèmes omnidirectionnels en général et, selon notre point de vue préliminaire, révèle, permet et revendique de telles réalisations.

Au vu de ce qui précède, notre point de vue préliminaire est que l’objet de la revendication 3, en l’absence du terme « shofar » et de la vitesse spécifique de l’onde sonore, mais en incluant les autres éléments nouveaux inadmissibles, manque de nouveauté au regard de D1. De plus, puisque la revendication 3 manquerait de nouveauté, n’ayant aucune différence par rapport à D1, elle aurait également été évidente au vu de D1. [Souligné dans l’original]

[63] Comme pour les autres questions, la Demanderesse n’a fait aucune observation à ce sujet, que ce soit lors de l’audience ou dans les observations présentées après l’audience. Nous concluons donc que même si les revendications 1 à 3 au dossier n’étaient pas considérées comme contenant des éléments nouveaux inadmissibles, les revendications 1 et 3 manqueraient toujours de nouveauté et auraient été évidentes, tandis que la revendication 2 aurait été évidente.

Modifications proposées dans les observations après l’audience

[64] Dans ses observations après l’audience, la Demanderesse a proposé des modifications à toutes les sections de la demande en instance. Nous abordons chaque section tour à tour ci-après.

Titre

[65] Le titre actuel de la demande posait problème en raison de l’inclusion du terme « shofar », qui fait l’objet d’une marque déposée. Dans les observations après l’audience, la Demanderesse a proposé que le titre soit modifié et devienne « DIFFÉRENTS BRUITS ET SONS AUX FINS DE L’AVIATION À L’ARRIVÉE DES OISEAUX ».

[66] Bien que ce problème de marque ait été résolu, étant donné que, conformément à l’alinéa 56(1)a) des Règles sur les brevets, le titre doit être précis, il ne reflète pas le contenu du mémoire descriptif, qui porte sur un dispositif destiné à repousser les oiseaux à partir des aéronefs. Nous sommes donc d’avis que le titre proposé ne serait pas conforme à l’alinéa 56(1)a) des Règles sur les brevets.

Abrégé

[67] L’abrégé proposé dans les observations après l’audience comprend encore certains des éléments considérés comme des éléments nouveaux inadmissibles dans la lettre de RP, par exemple la forme des sons produits et le fait que le dispositif générateur de bruit est situé à la queue de l’aéronef. Toutefois, comme indiqué dans la lettre de RP, l’abrégé ne fait pas partie du mémoire descriptif et ne peut pas être pris en compte pour interpréter l’étendue de la protection ou pour servir de base à l’ajout d’éléments au mémoire descriptif ou aux dessins. Par conséquent, nous ne formulons aucune conclusion quant à la modification proposée.

Description

[68] La description proposée dans les observations après l’audience permettrait de corriger les irrégularités liées aux nouveaux éléments inadmissibles énoncées dans la lettre de RP. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, la formulation spécifique du titre, qui figure en haut de la page contenant la description, poserait problème.

Revendications

[69] Les modifications proposées aux revendications au dossier comporteraient encore des irrégularités contraires à la Loi sur les brevets, comme indiqué ci-dessous.

Caractère indéfini et manque de clarté

[70] Les revendications proposées permettraient de corriger les irrégularités identifiées dans la lettre de RP en vertu du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Nouveaux éléments

[71] La revendication 1 proposée contient toujours la caractéristique selon laquelle le dispositif est « situé à l’extrémité de la queue de l’avion », ce qui a été considéré comme de nouveaux éléments inadmissibles dans la lettre de RP à la page 12. La formulation représentant la configuration de l’onde sonore, à savoir qu’elle se déplace [traduction] « au nord-est, au sud et à l’ouest de l’aéronef », est également présente dans la revendication 2 proposée. Nous notons également que la revendication 1 proposée inclut une caractéristique selon laquelle le dispositif [traduction] « s’active automatiquement », une caractéristique qui n’était pas, à notre avis, présente dans la demande originalement déposée le 11 juin 2012, ni raisonnablement inférée de celle-ci.

[72] Les revendications proposées dans les observations après l’audience sont présentées ci-dessous et indiquent les caractéristiques qui devraient être enlevées parce qu’elles sont considérées comme des éléments nouveaux inadmissibles :

1. Revendication 1. le système de sonorisation et d’avertissement de l’aéronef avec différents bruits, sons pour les oiseaux qui heurtent les avions, localisé à la queue de l’aéronef.

2. Revendication 2. Le système produit différents bruits et sons qui s’activent automatiquement,que ce soit dans les airs ou au sol, dans un rayon réaliste, au nord-est, au sud et à l’ouest de lavitesse de l’avion perçue par les oiseaux.

3. Revendication 3. Les sons et bruits naturels ne sont incommodants que pour les oiseaux, ce qui les incite à éviter de s’approcher de l’avion.

4. Revendication 4 Le dispositif de sons et d’avertissements comprend des sons naturels qui repousseraient normalement les oiseaux, tels que la pluie, les tremblements, le tonnerre.

Absence de nouveauté

[73] Sans les nouveaux éléments, la revendication 1 concerne un dispositif de sonorisation et d’avertissement pour aéronefs, destiné à produire un bruit qui repousse les oiseaux des aéronefs. Comme indiqué ci-dessus dans le cadre de l’évaluation de la nouveauté des revendications au dossier, le document d’art antérieur D1 révélait déjà de telles caractéristiques.

[74] Sans les nouveaux éléments, la revendication 2 vise un système permettant de produire différents bruits et sons, dans les airs ou au sol, qui peuvent être perçus par les oiseaux. Comme indiqué ci-dessus dans le cadre de l’évaluation de la nouveauté des revendications au dossier, toutes ces caractéristiques sont divulguées dans le document d’art antérieur D1.

[75] La revendication 3 concerne les sons et bruits naturels qui sont incommodants pour les oiseaux et qui les repoussent des aéronefs. Une fois de plus, comme nous l’avons vu à propos des revendications, toutes ces caractéristiques sont révélées par le document D1 de l’art antérieur.

[76] La revendication 4 concerne un dispositif sonore et d’avertissement qui produit des sons naturels qui repoussent les oiseaux, tels que la pluie, les tremblements et le tonnerre. Étant donné que les sons particuliers ne sont donnés qu’à titre d’exemples des sons naturels largement revendiqués et que les sons naturels destinés à repousser les oiseaux sont divulgués dans D1, nous sommes d’avis que l’objet de la revendication 4 proposée est également révélé par le document d’art antérieur D1.

Évidence

[77] Étant donné que l’objet des revendications proposées est dépourvu de nouveauté au regard du document d’art antérieur D1, il n’y a donc aucune différence entre l’état de la technique représenté par D1 et l’objet des revendications proposées, l’objet des revendications proposées aurait été évident.

Considération de l’effet sur la nouveauté/l’évidence si les nouveaux éléments sont admissibles

[78] Par souci d’exhaustivité, nous examinons si la présence, dans les revendications proposées, des éléments que nous considérons comme des éléments nouveaux non admissibles affecterait le résultat de l’évaluation de la nouveauté et de l’évidence.

[79] En ce qui concerne la revendication 1, un dispositif générateur de bruit repoussant les oiseaux et situé à l’extrémité de la queue d’un avion a déjà été révélé dans le document D1, comme indiqué dans la lettre de RP à la page 18 et reproduit ci-dessus. Par conséquent, même avec les nouveaux éléments, la revendication 1 manquerait de nouveauté et aurait été évidente au vu de D1.

[80] La revendication 2 proposée précise que le système de production de bruit « s’active de façon automatique » et que les bruits et les sons sont transmis dans toutes les directions (nord, est, sud et ouest). Comme l’indique la lettre de RP à la page 18 et comme indiqué ci-dessus, D1 révèle l’emploi de systèmes omnidirectionnels, de sorte que cette caractéristique supplémentaire n’ajouterait pas de nouveauté à la revendication 2. En ce qui concerne l’activation automatique du système générateur de bruit, D1 indique, de la page 14, ligne 31 à la page 15, ligne 8, qu’une unité de détection des oiseaux active l’unité de répulsion des oiseaux, révélant ainsi l’activation automatique du dispositif générateur de bruit. À la lumière de ce qui précède, la revendication 2 proposée manquerait de nouveauté au vu du document d’art antérieur D1 et, en l’absence de différences entre D1 et l’objet de la revendication, aurait également été évidente.

[81] Les revendications proposées 3 et 4 n’ont pas été considérées comme incluant des éléments nouveaux inadmissibles, de sorte que les évaluations de la nouveauté et de l’évidence de ces revendications exposées ci-dessus ne sont pas affectées.

Dessins

[82] Dans les observations après l’audience, la Demandresse a proposé de retirer toutes les figures à l’exception de la figure 2. Conformément à notre point de vue préliminaire dans la lettre de RP, selon lequel seule la figure 2 ne contenait pas d’éléments nouveaux inadmissibles, cette proposition permettrait de corriger l’irrégularité liée aux éléments nouveaux en ce qui concerne les dessins.

Conclusions concernant les propositions de modification après audience

[83] À la lumière de ce qui précède, étant donné que les modifications proposées dans les observations après l’audience ne permettraient pas de corriger toutes les irrégularités en suspens, elles ne sont pas considérées comme une modification « nécessaire » pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Conclusions

[84] Nous concluons ce qui suit :

·

Les revendications 1 à 3 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets;

·

La description, les revendications et les dessins au dossier comportent des éléments nouveaux inadmissibles, contraires à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets;

·

Les revendications 1 à 3 du dossier, en l’absence d’éléments nouveaux inadmissibles, manquent de nouveauté et ne sont donc pas conformes à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets;

·

Les revendications 1 à 3 au dossier, en l’absence d’éléments nouveaux inadmissibles, auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art et ne sont donc pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets;

·

Le titre de la demande en instance, tel qu’il figure dans la description, n’est pas conforme à l’alinéa 56(1)a) des Règles sur les brevets.

 

[85] Nous concluons également que même si les revendications au dossier n’étaient pas considérées comme contenant des éléments nouveaux inadmissibles, leur objet manquerait toujours de nouveauté et/ou serait évident.

[86] À la lumière de ce qui précède, étant donné que les modifications proposées par la Demanderesse dans les observations après l’audience ne permettraient pas de corriger toutes les irrégularités qui figurent dans la demande actuelle en instance, elles ne sont pas considérées comme une modification « nécessaire » pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.


 

Recommandation de la Commission

[87] À la lumière de ce qui précède, nous soussignés recommandons que la demande soit rejetée aux motifs que :

·

les revendications 1 à 3 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets;

·

la description, les revendications et les dessins au dossier comportent des éléments nouveaux inadmissibles, contraires à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets;

·

les revendications 1 à 3 au dossier, en l’absence d’éléments nouveaux inadmissibles, manquent de nouveauté et ne sont donc pas conformes à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets;

·

les revendications 1 à 3 au dossier, en l’absence d’éléments nouveaux inadmissibles, auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art et ne sont donc pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets;

 

·

le titre de la demande en instance, tel qu’il figure dans la description, n’est pas conforme à l’alinéa 56(1)a) des Règles sur les brevets.

 

 

 

 

 

 

 

 

Stephen MacNeil

Membre

Zoran Novakovic

Membre

Lewis Robart

Membre


 

Décision du commissaire

[88] Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission de rejeter la demande aux motifs que :

·

les revendications 1 à 3 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets;

·

la description, les revendications et les dessins au dossier comportent des éléments nouveaux inadmissibles, contraires à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets;

·

les revendications 1 à 3 au dossier, en l’absence d’éléments nouveaux inadmissibles, manquent de nouveauté et ne sont donc pas conformes à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets;

·

les revendications 1 à 3 au dossier, en l’absence d’éléments nouveaux inadmissibles, auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art et ne sont donc pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets;

·

le titre de la demande en instance, tel qu’il figure dans la description, n’est pas conforme à l’alinéa 56(1)a) des Règles sur les brevets.

 


 

 

[89] Conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, la Demanderesse dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Konstantinos Georgaras

Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
ce 17e jour de décembre 2024.

 

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