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Référence : BGC Partners, Inc. (Re), 2024 CACB 20

Décision du commissaire n1679

Commissioner’s Decision #1679

Date :2024-12-13

SUJET :

B00

Revendications—Caractère ambigu ou indéfini (incomplet)

 

J00

Objet des demandes—Signification de la technique

 

J10

Objet des demandes—Programmes d’ordinateur

 

J50

Objet des demandes—Simple plan

 

 

 

TOPIC:

B00

Claims—Ambiguity or Indefiniteness (incomplete)

 

J00

Subject Matter of Applications—Meaning of Art

 

J10

Subject Matter of Applications—Computer Programs

 

J50

Subject Matter of Applications—Mere plan

 

 

Demande no 2 554 241

Application No. 2554241


 


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96‑423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les anciennes Règles sur les brevets), la demande de brevet numéro 2 554 241 a subséquemment fait l’objet d’une révision conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019‑251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du Demandeur :

KIRBY EADES GALE BAKER

300-55, rue Murray,

Ottawa (Ontario)

K1N 5M3


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 554 241, intitulée « Système et procédé d’acheminement d’un ordre commercial », et inscrite au nom de BGC Partners, Inc. Le Demandeur est Espeed Inc. (le Demandeur). La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)(c) des Règles sur les brevets. Les questions qui restent en litige dans le cadre de cette révision consistent à savoir si les revendications définissent un objet brevetable et si les revendications sont claires et non ambiguës. Comme expliqué ci‑dessous, je recommande que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2] La demande en instance a été déposée sous le régime du Traité de coopération en matière de brevets, et la date de dépôt en vigueur au Canada est le 31 janvier 2005. Elle est devenue accessible au public le 11 août 2005.

[3] La demande en instance concerne le commerce électronique. Plus précisément, elle concerne un procédé, un appareil et un article manufacturé pour acheminement des ordres commerciaux.

Historique de la poursuite de la demande

[4] Le 1er mars 2018, une décision finale (DF) a été rendue conformément au paragraphe 30(4) des anciennes Règles sur les brevets, dans leur version immédiatement antérieure au 30 octobre 2019 (DORS/96‑423). La DF expliquait que la demande était irrégulière au motif que les revendications 1 à 45 (les revendications au dossier) visaient un objet non prévu par la Loi et, par conséquent, n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets et que les revendications 1, 16 et 31 à 45 étaient imprécises et n’étaient pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[5] Dans une réponse à la DF (RDF) en date du 3 septembre 2019, le Demandeur a présenté des arguments en faveur de l’acceptation des revendications au dossier. Le Demandeur a également présenté un ensemble de revendications proposées.

[6] Comme l’examinateur a jugé que la demande n’était toujours pas conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission aux fins de révision conformément au paragraphe 30(6) des anciennes Règles sur les brevets, de même qu’un résumé des motifs (RM) expliquant le maintien du refus de la demande.

[7] Dans une lettre en date du 19 février 2020, la Commission a transmis une copie du RM au Demandeur. Le 14 mai 2020, dans sa réponse au RM, le Demandeur a confirmé qu’il souhaitait que la Commission procède à la révision de la demande.

[8] La soussignée a été chargée d’examiner la demande en vertu de l’alinéa 199(3)c) des anciennes Règles sur les brevets et de présenter une recommandation au commissaire quant à la décision à rendre. Dans une lettre de révision préliminaire (lettre RP) en date du 5 mai 2022, je présente mon analyse préliminaire et la raison pour laquelle, selon le dossier, l’objet des revendications au dossier est non brevetable, puisqu’il n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets et est proscrit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, et que les revendications 1, 16 et 31 à 45 sont imprécises et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. La lettre de RP offrait au Demandeur la possibilité de participer à une audience et de présenter des observations supplémentaires.

[9] Le Demandeur a répondu à la lettre de RP indiquant qu’il ne souhaitait pas la tenue d’une audience. Aucune autre correspondance n’a été reçue de la part du Demandeur.

[10] À la lumière des commentaires récemment publiés dans Canada (Procureur général) c. Benjamin Moore et Co, 2023 CAF 168 [Benjamin Moore CAF], j’ai examiné les arguments présentés dans la lettre de RP. Une lettre de RP supplémentaire a été envoyée au Demandeur le 22 juillet 2024, présentant les raisons pour lesquelles l’objet des revendications au dossier est non brevetable, puisqu’elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets et qu’elles sont proscrites en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, en tenant compte de Benjamin Moore CAF, ainsi qu’en présentant de nouveau la raison pour laquelle les revendications 1, 16 et 31 à 45 sont imprécises et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. La lettre de RP supplémentaire offrait au Demandeur la possibilité de participer à une audience et de présenter des observations supplémentaires.

[11] Le Demandeur n’a pas répondu à la lettre de RP supplémentaire.

Questions

[12] Les questions consistent à savoir si l’objet des revendications au dossier est proscrit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et s’il ne correspond pas à la définition d’« invention » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets, si les revendications 1, 16 et 31 à 45 sont imprécises et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[13] J’ai également examiné les revendications proposées afin de déterminer si elles seraient considérées comme des modifications nécessaires en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Les éléments revendiqués sont‑ils essentiels?

[14] À mon avis, tous les éléments des revendications au dossier sont essentiels.

Principes

[15] L’interprétation téléologique est antérieure à tout examen de la validité (Free World Trust c Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, au par. 19 [Free World Trust]).

[16] Conformément à Free World Trust et Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est effectuée du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes, en considérant l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle‑ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[17] L’énoncé de pratique « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020‑04] indique que tous les éléments d’une revendication sont présumés essentiels, à moins qu’une telle présomption ne soit contraire au libellé de la revendication ou qu’il en soit établi autrement (voir également Free World Trust au par. 57).

[18] Étant donné que l’interprétation du sens des termes et l’identification des éléments essentiels sont effectuées à la lumière des CGC pertinentes, je dois d’abord identifier la personne versée dans l’art afin de déterminer ses CGC.

Analyse de la demande actuelle

La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes pertinentes

[19] Tel qu’il est indiqué dans la lettre de RP, la DF (à la page 3) qualifie la personne versée dans l’art comme étant composée d’une [traduction] « équipe de courtiers ou de négociateurs financiers et de programmeurs informatiques ».

[20] Tel qu’il est également indiqué dans la lettre de RP, la DF (à la page 3) a défini les CGC comme suit :

[traduction]

Les courtiers ou les négociateurs financiers connaissent bien les concepts et les pratiques de placement, y compris la négociation d’instruments financiers comme les capitaux propres et les obligations, ainsi que la négociation d’options sur lesdits instruments financiers, ladite négociation se déroulant notamment par l’intermédiaire de bourses de valeurs automatisées.

Les programmeurs connaissent bien les architectures de réseau standard, l’adaptation des applications logicielles de négociation pour répondre aux exigences particulières des produits d’investissement, la programmation de bases de données, ainsi que le matériel informatique courant.

[21] Ces qualifications n’ont pas été contestées par le Demandeur. Je les adopte aux fins de la présente révision.

Éléments essentiels des revendications

[22] La demande en instance comporte 45 revendications au dossier. La revendication 1 vise un procédé qui permet d’effectuer des échanges de produits commerciaux. La revendication 16 vise un appareil qui permet d’effectuer les échanges de la revendication 1. La revendication 31 vise un article manufacturé qui comprend un support lisible par ordinateur sur lequel sont stockées les directives permettant d’exécuter le procédé de la revendication 1. Les revendications dépendantes 2 à 15, 17 à 30 et 32 à 45 énoncent des mises au point apportées au procédé de la revendication indépendante et définissent d’autres caractéristiques du procédé qui permet d’effectuer les échanges. Je considère que la revendication indépendante 1 est illustrative de l’invention.

[traduction]

1. Un procédé comprenant :

la réception, au moyen d’un processeur logé dans une plateforme d’échange commercial, d’un ordre commercial comprenant :

(i) un montant total d’un produit commercial;

(ii) un montant de divulgation qui doit être communiqué à une pluralité d’entités commerciales capables d’exécuter l’ordre commercial, dans lequel le montant de divulgation est une partie du montant total;

l’acheminement, au moyen du processeur, d’une partie de l’ordre commercial à apparier avec au moins un ordre commercial interne, dans lequel ledit ordre commercial interne est stocké dans une base de données interne à la plateforme d’échange commercial;

le calcul, au moyen du processeur, d’une quantité restante de l’ordre commercial, dans laquelle la quantité restante de l’ordre commercial comprend le montant total moins la partie de l’ordre commercial;

l’indication, au moyen du processeur, d’au moins une entité commerciale capable d’apparier la quantité restante de l’ordre commercial, dans lequel ladite entité commerciale est externe à la plateforme commerciale;

la réception, à partir d’un dispositif à distance, d’une indication sur la politique de divulgation d’au moins une entité commerciale, dans laquelle la politique de divulgation précise une manière de divulguer la quantité restante de l’ordre commercial à l’au moins une entité commerciale, dans laquelle le dispositif à distance et le processeur sont en communication électronique à l’aide d’un réseau;

la transmission, au moyen du processeur, d’un deuxième ordre commercial comprenant la quantité restante de l’ordre commercial à l’au moins une entité commerciale conformément à la politique de divulgation;

l’indication, au moyen du processeur, que l’entité commerciale facture des frais pour les ordres qui demeurent non appariés pendant une certaine période;

la surveillance, au moyen du processeur, de si le deuxième ordre commercial est apparié dans la période;

en réponse à l’indication que le deuxième ordre commercial dépassera la période prévue pour des frais, l’annulation, au moyen du processeur, du deuxième ordre commercial et la présentation, au moyen du processeur, d’un troisième ordre commercial qui comprend la quantité restante à l’au moins une entité commerciale.

[23] Dans la lettre de RP, de même que dans la lettre supplémentaire, j’ai considéré que toutes les étapes du procédé mises en œuvre par ordinateur identifiées dans la revendication illustrative 1 étaient essentielles, y compris les pièces d’ordinateur utilisées pour exécuter ces étapes du procédé comme indiqué dans les revendications liées au système :

[traduction]

Compte tenu de la revendication représentative 1, et de l’ensemble du mémoire descriptif, la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a pas d’emploi du langage indiquant que l’une ou l’autre des étapes de chaque revendication est facultative, une réalisation préférée ou une variante. Il n’y a pas non plus d’indication dans le dossier qui nous permettrait de conclure que l’un des éléments revendiqués est non essentiel. Par conséquent, je suis d’avis, à titre préliminaire, que l’ensemble des composantes d’échange de négociation et des étapes effectuées par l’échange présenté dans la revendication représentative 1 sont considérées comme essentielles. Par conséquent, je suis d’avis, à titre préliminaire, que toutes les étapes du procédé mises en œuvre par ordinateur identifiées dans la revendication représentative 1 sont considérées comme essentielles, y compris les composants informatiques utilisés pour exécuter ces étapes du procédé, comme il est indiqué dans les revendications correspondantes d’appareil et d’article manufacturé.

Les revendications dépendantes 2 à 15, 17 à 30 et 32 à 45 énoncent d’autres options de données et calculs de données. Ces caractéristiques sont également considérées comme essentielles.

[24] Les revendications 16 et 31 sont les revendications correspondantes d’appareil et d’article manufacturé et sont considérées comme ayant des éléments correspondant à la revendication 1. Je continue de supposer que tous les éléments des revendications au dossier sont essentiels.


 

L’invention revendiquée est‑elle un objet brevetable?

[25] À mon avis, l’objet des revendications 1 à 45 est proscrit et n’est pas un objet brevetable.

Principes

[26] Toute invention brevetable doit correspondre à la définition énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets, y compris correspondre à l’une des catégories définies dans celui‑ci :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[27] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets prévoit également ce qui suit :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[28] L’EP2020‑04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une revendication est un objet brevetable :

Afin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à, ou être moins vaste que, l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux‑arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[29] L’identification de l’invention réelle est une question pertinente qui est nécessaire de trancher dans le cadre de l’évaluation de l’objet brevetable (Canada (Procureur général) c. Amazon.com inc, 2011 CAF 328 au par. 42 [Amazon]). Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans Benjamin Moore CAF (para 68), cette décision est conforme à la décision rendue par la Cour dans Schlumberger Canada Ltd c. Commissaire aux brevets, [1982] 1 CF 845 (CA) [Schlumberger], selon laquelle une évaluation de l’objet brevetable consiste à déterminer ce qui, selon la demande, a été découvert. L’invention réelle est identifiée dans le contexte de la nouvelle découverte ou connaissance et doit en fin de compte satisfaire à l’« exigence du caractère matériel », qui est implicite dans la définition d’« invention » (Amazon, aux par. 65 et 66).

[30] Amazon, (par. 44), nous dit « qu’une revendication du brevet pourrait être exprimée dans un langage qui soit trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance » et que ce qui à première vue semble être une « réalisation » ou un « procédé » peut en fait constituer une revendication d’une formule mathématique non brevetable, comme c’était le cas dans Schlumberger.

[31] Cette observation représente la position de la Cour d’appel fédérale dans Amazon concernant l’exigence du caractère matériel. Il est indispensable de revendiquer une chose dotée d’une existence matérielle ou une chose qui manifeste un effet ou un changement discernable. Malgré tout, cette exigence ne peut pas être satisfaite simplement par le fait que l’invention revendiquée a une application pratique (Amazon, aux par. 66 et 69).

[32] Les préoccupations en matière d’objets brevetables concernant l’usage bien connu d’un ordinateur pour traiter un algorithme, illustré par Schlumberger, sont exprimées dans les facteurs énoncés dans l’EP2020‑04 qui peuvent être pris en considération lors de l’examen des inventions mises en œuvre par ordinateur, à savoir :

·

le simple fait qu’un ordinateur figure parmi les éléments essentiels de l’invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée est un objet brevetable;

·

un algorithme en soi est un objet non brevetable abstrait et interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;

·

un ordinateur programmé pour traiter simplement l’algorithme abstrait d’une manière bien connue sans plus ne fera pas de l’algorithme un objet brevetable;

·

si le traitement d’un algorithme sur l’ordinateur améliore la fonctionnalité de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc ensemble une seule invention réelle qui serait brevetable.

 

[33] Les facteurs susmentionnés et les préoccupations générales liées à l’usage bien connu d’un ordinateur pour traiter de nouveaux algorithmes abstraits peuvent être considérés comme impliquant des facteurs de nouveauté ou d’ingéniosité. Le droit canadien n’interdit pas de tenir compte de la nouveauté ou de l’ingéniosité des éléments d’une revendication dans l’examen d’un objet brevetable et trouve appui dans des situations comme celle de Schlumberger où un outil connu, un ordinateur, est utilisé pour donner une formule mathématique abstraite, une demande pratique (Benjamin Moore CAF, aux par. 69 à 70, faisant référence à Amazon). Ces facteurs aident à déterminer la découverte ou les nouvelles connaissances, le mode de leur demande et l’invention réelle (Benjamin Moore CAF, au par. 89) qui est à la limite évaluée par rapport à l’exigence du caractère matériel.

[34] Comme il a été souligné dans Benjamin Moore CAF, au par. 94 (et comme il a été exprimé dans Amazon, au par. 61), l’exigence du caractère matériel ne sera vraisemblablement pas satisfaite sans que quelque chose de plus qu’un simple instrument bien connu, comme un ordinateur, soit utilisé pour mettre en œuvre une méthode abstraite. Les facteurs énumérés ci‑dessus de l’EP2020‑04 aident à déterminer si quelque chose de plus est présent.

Analyse de la demande actuelle

[35] La lettre de RP supplémentaire indiquait que l’objet n’était pas brevetable :

[traduction]

[Les caractères gras indiquent des ajouts, les astérisques indiquent un texte supprimé] Les revendications indépendantes au dossier visent à mener un échange commercial qui nécessite un ordre commercial incluant un montant total d’un produit commercial, un montant de divulgation pour les entités commerciales; à acheminer une partie de l’ordre commercial à apparier au moyen d’un ordre commercial interne; à calculer une partie restante de l’ordre commercial en tant que deuxième ordre commercial; à déterminer une entité commerciale qui permet d’apparier le deuxième ordre commercial; à recevoir une indication relative à la politique de divulgation d’une entité commerciale; à transmettre un deuxième ordre commercial comprenant la quantité restante à l’entité commerciale conformément à la politique de divulgation; à déterminer les frais qui reviennent à l’entité commerciale pour les ordres qui demeurent non appariés pendant une certaine période; à surveiller le deuxième ordre relativement au délai; à déterminer que le deuxième ordre commercial dépassera la période pour des frais, à annuler le deuxième ordre commercial et soumettre un troisième ordre commercial à une entité commerciale.

Les revendications au dossier énoncent un certain nombre d’éléments liés à l’informatique tels qu’un système ou une plateforme informatique, un dispositif informatique, un processeur, une mémoire, une base de données, un réseau et un support lisible par ordinateur. Elles mentionnent également que ces éléments réalisent des étapes liées à l’informatique, y compris la réception, l’acheminement, le calcul, le traitement et la transmission.

Je suis d’avis, à titre préliminaire, toutes ces étapes de la revendication représentative 1 forment une méthode qui permet un échange commercial capable de diviser les opérations; de surveiller les frais liés à la période pendant laquelle l’opération demeure non appariée; d’annuler et de soumettre à nouveau les ordres pour éviter les frais. Ensemble, ces étapes représentent la mise en œuvre par ordinateur d’une idée abstraite, d’un théorème ou d’un ensemble de règles pour un échange commercial.

Comme il est expliqué dans Amazon (par. 61 à 63, 66 et 69), un ordinateur ne peut pas être utilisé pour donner à une idée abstraite non brevetable une application pratique satisfaisant l’exigence du caractère matériel implicite dans la définition d’invention qui figure à l’article 2 de la Loi sur les brevets simplement en mettant en œuvre l’idée qui se trouve dans un ordinateur. C’était la situation dans Schlumberger, où l’ordinateur agissait simplement d’une manière bien connue.

Selon l’EP2020‑04, « [s]i un ordinateur est simplement utilisé d’une façon bien connue, l’usage de l’ordinateur ne sera pas suffisant pour rendre l’idée désincarnée, le principe scientifique ou les conceptions théoriques en un objet brevetable et en dehors de l’interdiction prévue au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets ».

Mon opinion préliminaire est que rien dans le mémoire descriptif ne suggère que les éléments informatiques revendiqués représentent autre chose que des composants génériques d’un ordinateur. L’ordinateur était simplement utilisé pour effectuer le genre de calculs et de manipulation de données qu’il avait été inventé pour effectuer. Les ordinateurs utilisés dans *l’enchère d’échange* échange commercial mentionnée dans la demande sont considérés comme des ordinateurs bien connus, qui effectuent les calculs et les manipulations de données pour lesquels ils ont été inventés. La description (*page 10, ligne 26 – page 12, ligne 14* page 13, ligne 26 – page 15, ligne 14) décrit les ordinateurs bien connus et les autres appareils et leurs capacités connexes qui sont régulièrement utilisés dans les bourses financières.

De plus, il n’y a aucune indication dans le mémoire descriptif que le fonctionnement de l’ordinateur est amélioré par les étapes revendiquées. Il n’y a aucune suggestion dans le mémoire descriptif qu’il y avait des difficultés ou des lacunes dans le fonctionnement du dispositif informatique pour mener un échange commercial. Il n’y a aucune discussion détaillée de la mise en œuvre des fonctionnalités de manipulation de données revendiquées qui suggérerait que de quelconques difficultés seraient surmontées à cet égard.

Je suis d’avis, à titre préliminaire, que les éléments informatiques revendiqués sont simplement utilisés d’une manière bien connue et ne font donc pas partie de la seule invention réelle des revendications indépendantes au dossier. L’invention réelle semble plutôt être un schéma abstrait comprenant un algorithme ou un ensemble de règles permettant d’effectuer un échange commercial capable de diviser les opérations; de surveiller les frais liés à la période pendant laquelle l’opération demeure non appariée; d’annuler et de soumettre à nouveau les ordres pour éviter les frais.

Par conséquent, le schéma abstrait qui permet de mener un échange commercial n’a aucune existence physique en soi et ne manifeste pas d’effet physique ou de changement. Non plus l’usage de l’ordinateur dans ce cas‑ci ne lui permet de respecter l’exigence du caractère matériel.

En soi, l’ensemble de règles ou d’algorithmes qui permettent de mener un échange commercial n’a pas d’existence matérielle et ne correspond à aucune catégorie d’invention prévue à l’article 2. Elles sont en quelque sorte « de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques », il est également interdit de brevetabilité par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. De plus, programmer un ordinateur (à l’aide des CGC) pour effectuer un échange commercial selon les règles ou l’algorithme proposés, ne fait pas correspondre cette « nouvelle connaissance » aux catégories d’invention. Comme je l’ai indiqué ci‑dessus, dans la discussion sur l’EP2020‑04, un tel algorithme au moyen d’un système informatique de la manière revendiquée ne fournit pas une application pratique satisfaisant à l’exigence du caractère matériel.

Par conséquent, je suis d’avis, à titre préliminaire, que l’invention réelle, la nouvelle connaissance ou la découverte des revendications indépendantes ne satisfait pas au critère d’« une autre composante » tel qu’il est énoncé dans Benjamin Moore CAF pour satisfaire à l’exigence du caractère matériel énoncée dans Amazon et l’EP2020‑04.

La même analyse et la même conclusion s’appliquent aux revendications indépendantes 16 et 31.

J’estime, à titre préliminaire, que l’ordinateur est lui aussi simplement utilisé pour effectuer le genre de calculs et de manipulations de données qu’il a été inventé pour effectuer aux fins des revendications dépendantes 2 à 15, 17 à 30 et 32 à 45, lesquelles énoncent d’autres options et calculs de données. L’ordinateur est utilisé de manière bien connue, ne fait pas partie de l’invention réelle, et par conséquent, ces revendications visent également une invention réelle qui est abstraite.

[36] Comme le Demandeur ne conteste pas la présente opinion préliminaire, je maintiens mon opinion que l’objet des revendications 1 à 45 est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne vise pas un objet brevetable puisqu’il ne correspond pas à la définition d’« invention » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Les revendications sont‑elles claires et non ambiguës?

[37] À mon avis, les revendications 1, 16 et 31 à 45 au dossier ne sont pas claires et non ambiguës.

Principes

[38] Le paragraphe 27 (4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent l’objet en termes précis et explicites :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[39] Dans Minerals Separation North American Corp c. Noranda Mines ltée [1947], EX CR 306, 12 CPR 99 à la page 146, la Cour a insisté sur l’obligation d’un demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis :

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Analyse

[40] Comme indiqué dans la lettre de RP ainsi que dans la lettre de RP supplémentaire, la DF à la page 7, a déclaré que les revendications 1, 16 et 31 :

[traduction]

sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. L’expression (avec soulignement) « a dépassera » (qui figure à la quatrième dernière ligne de chacune de ces revendications) est grammaticalement incorrecte et présente une ambiguïté inutile quant à l’objet précis revendiqué.

[41] La DF a également déclaré que les revendications 32 à 45 sont indéfinies en ce que le préambule :

[traduction]

désigne un appareil, cependant la revendication de base indépendante sous‑jacente (revendication 31) vise un article manufacturé. Les incohérences de réalisation des revendications 32 à 45 par rapport à la revendication 31 présentent une ambiguïté inutile quant à l’objet précis revendiqué.

[42] Le Demandeur n’a pas contesté ces incohérences dans la RDF.

[43] Mon opinion est que les revendications 1, 16 et 31 à 45 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets pour les raisons précisées.

Revendications proposées

[44] Comme il est indiqué ci‑dessus, le Demandeur a soumis dans la RDF les revendications proposées 1 à 126 afin de tenter de corriger les irrégularités décelées dans la DF. Par rapport aux revendications au dossier, les revendications 1, 16 et 31 à 45 ont été modifiées et de nouvelles revendications 46 à 126 ont été ajoutées. Les revendications indépendantes 1, 16 et 31 ont été modifiées afin d’inclure un réseau, un message électronique, un serveur d’entité commerciale et une minuterie électronique pour déterminer le temps écoulé pour les ordres commerciaux non appariés. Les revendications 2 à 15 et 16 à 30 demeurent inchangées par rapport aux revendications au dossier. Les revendications 32 à 46 ont été modifiées afin de faire référence à l’article manufacturé de la revendication 31.

Les éléments revendiqués proposés sont‑ils essentiels?

[45] J’estime que les éléments des revendications proposées sont essentiels.

[46] La revendication 1 des revendications proposées est représentative des revendications proposées 1 à 45 et vise un procédé permettant de mener des échanges de produits commerciaux qui comprend la détermination et l’évitement des frais associés aux ordres commerciaux non appariés. La revendication proposée 1 est la suivante :

[traduction]

1. Une méthode comprenant :

la réception, sur un processeur dans une plateforme d’échange commercial connecté à un réseau, d’un message électronique incluant un ordre commercial qui comprend :

(i) un montant total d’un produit de négociation;

(ii) un montant de divulgation qui doit être communiqué à une pluralité d’entités commerciales capables d’exécuter l’ordre commercial, dans lequel le montant de divulgation constitue une partie du montant total;

l’acheminement, au moyen du processeur, d’une partie de l’ordre commercial à apparier avec au moins un ordre commercial interne, dans lequel ledit ordre commercial interne est stocké dans une base de données interne à la plateforme d’échange commercial;

le calcul, au moyen du processeur, d’une quantité restante de l’ordre commercial, dans laquelle la quantité restante de l’ordre commercial comprend le montant total moins la partie de l’ordre commercial;

la détermination, au moyen du processeur, d’au moins une entité commerciale et d’au moins un serveur d’entité commerciale capable d’apparier la quantité restante de l’ordre commercial, dans lequel ladite entité commerciale est externe à la plateforme commerciale et ledit serveur d’entité commerciale est connecté au réseau;

la réception, sur le processeur, en provenance du au moins un serveur d’entité commerciale sur le réseau, d’un message électronique incluant une indication d’une politique de divulgation de l’au moins une entité commerciale, dans laquelle la politique de divulgation précise une manière de divulguer la quantité restante de l’ordre commercial à l’au moins une entité commerciale;

la transmission, via le processeur à au moins un serveur d’entité commerciale sur le réseau, d’un message électronique incluant un deuxième ordre commercial comprenant la quantité restante de l’ordre commercial à l’au moins un entité commerciale conformément à la politique de divulgation;

la détermination, au moyen du processeur, que l’au moins une entité commerciale facture des frais pour les ordres qui demeurent non appariés pendant une certaine période;

la surveillance, au moyen d’une minuterie électronique actionnable par le processeur, pour déterminer lorsqu’une période prédéterminée s’écoule pendant laquelle le deuxième ordre commercial est non apparié à compter d’un moment où le deuxième ordre commercial est transmis à l’au moins un serveur d’entité commerciale;

en réponse à l’écoulement de la période prédéterminée, la transmission, via le processeur à l’au moins un serveur d’entité commerciale sur le réseau, d’un message électronique incluant une directive pour annuler le deuxième ordre commercial à l’au moins une entité commerciale;

la transmission, via le processeur à l’au moins un serveur d’entité commerciale sur le réseau, d’un message électronique incluant un troisième ordre commercial comprenant la quantité restante à l’au moins une entité commerciale.

[47] Compte tenu des modifications apportées dans la revendication 1 proposée, et de l’ensemble du mémoire descriptif, la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a pas d’emploi du langage indiquant que l’une ou l’autre des étapes de chaque revendication est facultative, une réalisation préférée ou une variante. Il n’y a pas non plus d’indication, dans le dossier dont nous sommes saisis, qui nous permettrait de conclure que l’un des éléments revendiqués est non essentiel. Par conséquent, je suis d’avis que toutes les étapes du procédé indiquées dans la revendication 1 proposée sont considérées comme essentielles.

[48] La revendication 46 est représentative des revendications proposées 46 à 126 et vise un procédé qui permet de mener des échanges de produits commerciaux comprenant la réception d’un prix offert et d’une politique sur les prix d’une entité commerciale, puis la détermination d’un prix offert rajusté à partir des politiques sur les prix. Revendication proposée 46 :

[traduction]

46. Une méthode comprenant :

la réception, à l’étape d’un processeur dans une plateforme d’échange commercial connecté à un réseau, comportant un message électronique incluant un ordre commercial qui comprend :

(i) un montant total d’un produit de négociation;

(ii) un montant de divulgation qui doit être communiqué à une pluralité de centres de marché capables d’exécuter l’ordre commercial, dans lequel le montant de divulgation est une partie du montant total;

l’acheminement, au moyen du processeur, d’une partie de l’ordre commercial à apparier avec au moins un ordre commercial interne, dans lequel ledit ordre commercial interne est stocké dans une base de données interne à la plateforme d’échange commercial;

le calcul, au moyen du processeur, d’une quantité restante de l’ordre commercial, dans laquelle la quantité restante de l’ordre commercial comprend le montant total du produit de négociation moins la partie de l’ordre commercial;

la détermination, au moyen du processeur, d’au moins une entité commerciale et d’au moins un serveur d’entité commerciale capable d’apparier la quantité restante de l’ordre commercial, dans lequel ladite entité commerciale est externe à la plateforme d’échange commercial ledit serveur d’entité commerciale est connecté au réseau;

la réception, à l’étape du processeur provenant d’au moins un serveur d’entité commerciale sur le réseau, d’un message électronique incluant un prix offert et une politique sur les prix de ladite entité commerciale;

la détermination d’un prix offert rajusté pour au moins une entité commerciale en fonction du prix offert et de la politique sur les prix;

la réception, à l’étape du processeur, d’au moins un serveur d’entité commerciale sur le réseau, un message électronique incluant une indication d’une politique de divulgation d’au moins une entité commerciale, dans laquelle la politique de divulgation précise une manière de divulguer la quantité restante de l’ordre commercial à au moins une entité commerciale;

la transmission, via le processeur à au moins un serveur d’entité commerciale sur le réseau, d’un message électronique, la quantité restante de l’ordre commercial à au moins une entité commerciale conformément à la politique de divulgation.

[49] Compte tenu des modifications apportées dans la revendication 46 proposée, et de l’ensemble du mémoire descriptif, la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a pas d’emploi du langage indiquant que l’une ou l’autre des étapes de chaque revendication est facultative, une réalisation préférée ou une variante. Il n’y a pas non plus d’indication, dans le dossier dont nous sommes saisis, qui nous permettrait de conclure que l’un des éléments revendiqués est non essentiel. Par conséquent, je suis d’avis que toutes les étapes du procédé mis en œuvre par ordinateur, identifiées dans la revendication 46 proposée, sont considérées comme essentielles.

L’invention revendiquée proposée est‑elle un objet brevetable?

[50] À mon avis, l’objet des revendications proposées est interdit et n’est pas un objet brevetable.

[51] Comme présenté dans la lettre de RP supplémentaire :

[traduction]

Conformément à ce qui a été susmentionné, les revendications indépendantes 1, 16 et 31 ont été modifiées afin d’inclure un réseau, un message électronique, un serveur d’entité commerciale et une minuterie électronique qui permet de déterminer le temps écoulé aux fins des ordres commerciaux non appariés.

Grâce aux modifications apportées à la revendication proposée 1 représentative et compte tenu de l’ensemble du mémoire descriptif, il semble que l’invention demeure inchangée et vise à mener un échange commercial qui nécessite un ordre commercial incluant un montant total d’un produit commercial, un montant de divulgation pour les entités commerciales; l’acheminement d’une partie de l’ordre commercial à apparier au moyen d’un ordre commercial interne; le calcul d’une partie restante de l’ordre commercial en tant que deuxième ordre commercial; la détermination d’un d’une entité commerciale qui permet d’apparier le deuxième ordre commercial; la réception d’une indication de politique de divulgation d’une entité commerciale; la transmission d’un deuxième ordre commercial comprenant la quantité restante à une entité commerciale conformément à la politique de divulgation; la détermination des frais de l’entité commerciale aux fins des ordres qui demeurent non appariés pendant une certaine période; la surveillance du deuxième ordre commercial relativement au délai; la détermination de ce que le deuxième ordre commercial dépassera la période quant aux frais, l’annulation du deuxième ordre commercial et la soumission d’un troisième ordre commercial à une entité commerciale.

Je suis d’avis, à titre préliminaire, tout comme l’énoncent les revendications au dossier, que les étapes essentielles de la revendication proposée 1 forment une méthode pour un échange commercial capable de traiter un ordre commercial à l’aide d’une opération interne et d’une opération d’entité commerciale où les opérations d’entité commerciale non appariées sont surveillées pour des frais entraînant l’annulation de l’ordre commercial, suivie de la soumission d’un autre ordre commercial de l’entité commerciale. Ensemble, ces étapes représentent la mise en œuvre par ordinateur d’une idée abstraite, d’un théorème ou d’un ensemble de règles pour un échange commercial.

Compte tenu de la revendication proposée représentative 46 et compte tenu de l’ensemble du mémoire descriptif, il semble que l’invention vise à mener un échange commercial qui nécessite un ordre commercial incluant un montant total d’un produit commercial, un montant de divulgation pour les entités commerciales; l’acheminement d’une partie de l’ordre commercial à apparier au moyen d’un ordre commercial interne; le calcul d’une partie restante de l’ordre commercial en tant que deuxième ordre commercial; la détermination d’une entité commerciale qui permet d’apparier le deuxième ordre commercial; la réception d’un prix offert et d’une politique sur les prix d’une entité commerciale; la détermination d’un prix offert rajusté; la réception d’une indication de politique de divulgation d’une entité commerciale; la transmission d’un deuxième ordre commercial pour la quantité restante de l’ordre commercial conformément à la politique de divulgation.

Je suis d’avis, à titre préliminaire, tout comme l’énoncent les revendications au dossier, que les étapes essentielles de la revendication proposée 46 forment une méthode qui permet un échange commercial capable de traiter un ordre commercial à l’aide d’une opération interne et d’une opération d’entité commerciale concernant une politique de divulgation. Ensemble, ces étapes représentent une idée abstraite, un théorème ou un ensemble de règles liées à un échange commercial.

Les revendications proposées énoncent également un certain nombre d’éléments liés à l’informatique tels qu’un système ou une plateforme informatique, un dispositif informatique, un serveur, un processeur, une mémoire, une base de données et un support lisible par ordinateur. Elles mentionnent également que ces éléments réalisent des étapes liées à l’informatique, y compris la réception, l’acheminement, le calcul, le traitement et la transmission. À l’instar des revendications au dossier, il n’y a aucune suggestion dans le mémoire descriptif que les éléments informatiques revendiqués représentent autre chose que des composants génériques d’ordinateur. Les ordinateurs sont simplement utilisés pour faire le genre de calculs et de manipulation de données pour lesquels ils ont été inventés. Les ordinateurs et les dispositifs des utilisateurs dans le cadre des échanges commerciaux mentionnés dans la demande sont considérés comme des ordinateurs bien connus qui effectuent les calculs et les manipulations de données pour lesquels ils ont été inventés.

De plus, il n’y a aucune indication dans le mémoire descriptif que le fonctionnement de l’ordinateur est amélioré par les étapes énoncées dans les revendications proposées. Il n’y a aucune suggestion dans le mémoire descriptif qu’il y avait des difficultés ou des lacunes dans le fonctionnement du dispositif informatique pour mener un échange commercial. Il n’y a aucune discussion détaillée de la mise en œuvre des fonctionnalités de manipulation de données revendiquées qui suggérerait que de quelconques difficultés seraient surmontées à cet égard.

Je suis d’avis, à titre préliminaire, que les éléments informatiques énoncés dans les revendications proposées sont simplement utilisés d’une manière bien connue et ne font donc pas partie de la seule invention réelle des revendications indépendantes au dossier. C’est‑à‑dire, l’invention réelle semble plutôt être un algorithme ou un ensemble de règles permettant d’effectuer un échange commercial capable de diviser les opérations; de surveiller les frais liés à la période pendant laquelle la négociation demeure non appariée; et d’annuler et de soumettre à nouveau les ordres pour éviter les frais. Ensemble, ces étapes représentent la mise en œuvre par ordinateur d’une idée abstraite, d’un théorème ou d’un ensemble de règles permettant de mener un échange commercial.

Par conséquent, le schéma abstrait permettant de mener un échange commercial n’a aucune existence physique en soi et ne manifeste pas d’effet physique ou de changement. L’usage de l’ordinateur dans ce cas‑ci ne lui permet pas non plus de respecter l’exigence du caractère matériel.

En soi, l’ensemble de règles ou d’algorithmes qui permettent de mener un échange commercial n’a pas d’existence matérielle et ne correspond à aucune catégorie d’invention prévue à l’article 2. Elles sont en quelque sorte « de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques », il est également interdit de brevetabilité par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. De plus, programmer un ordinateur (à l’aide des CGC) pour effectuer un échange commercial selon les règles ou l’algorithme proposés ne fait pas correspondre cette « nouvelle connaissance » aux catégories d’invention. Comme je l’ai démontré ci‑dessus, dans la discussion de l’EP2020‑04, un tel algorithme au moyen d’un système informatique de la manière revendiquée ne fournit pas une application pratique satisfaisant à l’exigence du caractère matériel.

Par conséquent, je suis d’avis, à titre préliminaire, que l’invention réelle, la nouvelle connaissance ou la découverte des revendications indépendantes proposées ne satisfait pas au critère d’« une autre composante » tel qu’il est énoncé dans Benjamin Moore CAF pour satisfaire à l’exigence du caractère matériel énoncée dans Amazon et l’EP2020‑04.

Les revendications proposées 2 à 15 et 17 à 30 demeurent inchangées par rapport aux revendications au dossier. Les revendications 32 à 45 ont été modifiées afin de faire référence à l’article manufacturé de la revendication 31. Ces revendications demeurent interdites en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne sont toujours pas un objet brevetable puisqu’elles ne correspondent pas à la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets, pour les mêmes raisons énoncées ci‑dessus.

J’estime, à titre préliminaire, que l’ordinateur est, lui aussi, simplement utilisé pour effectuer le genre de calculs et de manipulations de données qu’il a été inventé pour effectuer aux fins des revendications dépendantes 47 à 126, lesquelles énoncent d’autres options et calculs de données. L’ordinateur est utilisé de manière bien connue, ne fait pas partie de l’invention réelle, et par conséquent, ces revendications visent également une invention réelle qui est abstraite. Les revendications 47 à 126 sont également interdites en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et l’objet de ces revendications n’est pas un objet brevetable puisqu’elles ne correspondent pas à la définition d’« invention » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[52] À mon avis, tout comme cela figure dans les revendications au dossier, l’invention réelle de la revendication proposée 46 forme une méthode pour un échange commercial capable de traiter un ordre commercial à l’aide d’une négociation interne et d’une négociation d’entité commerciale concernant une politique de divulgation. Ensemble, ces étapes représentent une idée abstraite, un théorème ou un ensemble de règles permettant un échange commercial.

[53] Comme le Demandeur ne conteste pas cette opinion préliminaire, je maintiens mon opinion que l’objet des revendications 1 à 126 est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne vise pas un objet brevetable puisqu’il ne correspond pas à la définition d’« invention » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Les revendications proposées sont‑elles claires et non ambiguës?

[54] Comme présenté dans la lettre de RP supplémentaire, je suis d’avis que les revendications proposées 1 à 126 sont définies, claires et non ambiguës.

[55] Le résumé des motifs à la page 3 indiquait que les revendications proposées :

[traduction]

corrigent les irrégularités liées au caractère indéfini relevées à l’égard des revendications en instance 1, 16, 31 à 45 parce que le manque de clarté découlant d’erreurs grammaticales et de revendications de base sous‑jacentes incohérentes a été corrigé.

[56] Pour les mêmes motifs, mon opinion est que les revendications proposées ne sont pas indéfinies et sont conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Conclusions sur les revendications proposées

[57] Comme l’objet des revendications 1 à 126 est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne vise pas un objet brevetable puisqu’il ne correspond pas à la définition d’« invention » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets; il s’ensuit que les revendications proposées 1 à 126 ne sont pas considérées, à titre préliminaire, comme une modification « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.


 

Recommandation de la Commission

[58] Compte tenu de ce qui précède, je recommande que la demande soit rejetée sur la base que :

·

l’objet des revendications au dossier est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et n’est pas un objet brevetable puisqu’il ne correspond pas à la définition d’« invention » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets,

·

les revendications 1, 16 et 31 à 45 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

[59] De plus, les revendications proposées ne corrigent pas les irrégularités de l’objet non brevetable et, par conséquent, l’introduction de ces revendications ne constitue pas une modification « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

 

 

 

 

Mara Gravelle

Membre

 


 

Décision du commissaire

[60] Je souscris aux conclusions de la Commission et à sa recommandation de refuser la demande pour les motifs suivants :

·

les revendications au dossier sont interdites en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et l’objet des revendications au dossier n’est pas un objet brevetable puisqu’il ne correspond pas à la définition d’« invention » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets,

·

les revendications 1, 16 et 31 à 45 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

[61] De plus, les revendications proposées ne corrigent pas les irrégularités de l’objet non brevetable et, par conséquent, l’introduction de ces revendications ne constitue pas une modification « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

[62] Par conséquent, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande en vertu de l’article 40 de la Loi sur les brevets. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Konstantinos Georgaras

Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
ce 13e jour de décembre 2024.

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