Brevets

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Référence : Creditex Group, Inc (Re), 2024 CACB 19

Décision du commissaire no 1678

Commissioner’s Decision #1678

Date : 2024-12-11

SUJET :

J00

Objet des demandes—Signification de la technique

 

J10

Objet des demandes—Programmes d’ordinateur

 

J50

Objet des demandes—Simple plan

 

 

 

TOPIC :

J00

Subject Matter of Applications—Meaning of Art

 

J10

Subject Matter of Applications—Computer Programs

 

J50

Subject Matter of Applications—Mere Plan


Demande no 2 842 736

Application No. 2842736


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 842 736 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du Demandeur :

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Bay Adelaide Centre, tour est

22, rue Adelaide Ouest

Toronto (Ontario)

M5H 4E3


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 842 736, intitulée « Système et méthode de tenue d’une enchère d’échange en vue de remplacer les positions dérivées héritées ». La demande de brevet appartient à Creditex Group, Inc (le Demandeur). La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). La question en litige à aborder dans le cadre de cette révision est de savoir si les revendications définissent un objet brevetable. Comme expliqué ci-dessous, je recommande que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2] La demande en instance a été déposée au Canada le 11 février 2014 et est devenue accessible au public le 15 août 2014.

[3] La demande en instance concerne des enchères d’échanges financiers. Plus précisément, elle concerne un procédé et un système de tenue d’une enchère d’échange comprenant notamment la conversion de données de position financière en propositions commerciales conformes.

Historique de la poursuite

[4] Le 31 août 2018, une décision finale (DF) a été rendue conformément au paragraphe 30(4) des anciennes Règles sur les brevets, dans leur version immédiatement antérieure au 30 octobre 2019 (DORS/96-423) (les anciennes Règles sur les brevets). La DF expliquait que la demande était irrégulière au motif que les revendications 1 à 28 (revendications au dossier) visaient un objet non prévu par la loi et, par conséquent, n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[5] Dans les réponses à la DF en dates du 25 octobre 2018 et du 21 décembre 2018, le Demandeur a soumis des arguments en faveur de l’acceptation des revendications au dossier. Le Demandeur a également soumis un ensemble de revendications proposées.

[6] Comme l’examinateur a jugé que la demande n’était toujours pas conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission aux fins de révision conformément au paragraphe 30(6) des anciennes Règles sur les brevets, de même qu’un résumé des motifs (RM) expliquant le maintien du refus de la demande.

[7] Dans une lettre en date du 31 mai 2019, la Commission a transmis une copie du RM au Demandeur. Dans sa réponse au RM du 30 août 2019, le Demandeur a confirmé qu’il souhaitait que la Commission procède à la révision de la demande.

[8] La soussignée a été chargée de réviser la demande en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets et de présenter une recommandation au commissaire quant à la décision à rendre. Dans une lettre de révision préliminaire (lettre de RP) en date du 11 février 2022, j’ai exposé mon analyse préliminaire et la raison pour laquelle, selon le dossier, l’objet des revendications au dossier est non brevetable, puisqu’il n’est pas conforme aux dispositions de l’article 2 de la Loi sur les brevets et est proscrit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. La lettre de RP offrait au Demandeur la possibilité de participer à une audience et celle de présenter des observations supplémentaires.

[9] En réponse à la lettre de RP, le Demandeur a soumis un nouvel ensemble de revendications proposées (les deuxièmes revendications proposées) le 14 avril 2022. Dans la réponse à la lettre de RP, le Demandeur a énoncé les raisons pour lesquelles ces revendications corrigeraient les irrégularités présentées dans la lettre de RP. Le Demandeur a également soulevé la question de l’équité procédurale, demandant qu’une nouvelle DF soit rendue avant d’entreprendre la révision.

[10] La première audience a eu lieu le 28 avril 2022 et le Demandeur s’est prononcé sur les revendications au dossier et sur les deuxièmes revendications proposées. Le Demandeur a également répété son argument concernant l’équité procédurale. Subséquemment à l’audience, le Demandeur a présenté un troisième ensemble de revendications proposées le 29 avril 2022.

[11] À la lumière des commentaires récemment publiés dans Canada (Procureur général) c. Benjamin Moore et Co, 2023 CAF 168 [Benjamin Moore CAF], j’ai examiné les arguments présentés dans la lettre de RP. Une lettre de RP supplémentaire (lettre de RP supplémentaire) a été envoyée au Demandeur le 7 mai 2024, présentant les raisons pour lesquelles l’objet des revendications au dossier est non brevetable, puisqu’il est à la fois non conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets et proscrit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, en tenant compte de Benjamin Moore CAF. La lettre de RP supplémentaire offrait au Demandeur la possibilité de participer à une audience et de présenter des observations supplémentaires.

[12] En réponse à la lettre de RP supplémentaire, le Demandeur a présenté un nouvel ensemble de revendications proposées (les quatrièmes revendications proposées) le 5 juillet 2024. Dans la réponse, le Demandeur a énoncé les raisons pour lesquelles ces revendications corrigeraient les irrégularités présentées dans la lettre de RP supplémentaire.

[13] La deuxième audience a eu lieu le 19 juillet 2024 et le Demandeur s’est prononcé sur les quatrièmes revendications proposées. Subséquemment à l’audience, le Demandeur a présenté un cinquième ensemble de revendications proposées (cinquièmes revendications proposées) le 8 août 2024.

Questions

[14] La question est de savoir si l’objet des revendications au dossier est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et s’il ne correspond pas à la définition « d’invention » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[15] J’examine également les cinquièmes revendications proposées.

[16] J’examine également la question de l’équité procédurale soulevée par le Demandeur en réponse à la lettre de RP ainsi que lors de la première audience.

Les éléments revendiqués sont-ils essentiels?

[17] J’estime que les éléments des revendications au dossier sont essentiels.

Principes

[18] L’interprétation téléologique est antérieure à tout examen de la validité (Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, au par. 19 [Free World Trust]).

[19] Conformément à Free World Trust et Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est effectuée du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes, en considérant l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[20] Le terme « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020-04] indique que tous les éléments d’une revendication sont présumés essentiels, à moins qu’une telle présomption ne soit contraire au libellé de la revendication ou qu’il en soit établi autrement (voir également Free World Trust au par. 57).

[21] Étant donné que l’interprétation du sens des termes et l’identification des éléments essentiels sont effectuées à la lumière des CGC pertinentes, je dois d’abord identifier la personne versée dans l’art afin de déterminer ses CGC.

Analyse de la présente demande

La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes pertinentes

[22] Tel qu’il est indiqué dans la lettre de RP, la DF (à la page 2) qualifie la personne versée dans l’art comme suit :

Compte tenu des énoncés dans la description (paragraphes 0001 à 0003 et 0013 à 0020), la personne versée dans l’art à qui s’adresse la demande peut être qualifiée par des négociateurs et des courtiers d’instruments financiers en collaboration avec un personnel de la technologie de l’information connaissant les systèmes informatisés pour la transaction d’instruments financiers.

[23] Tel qu’il est également indiqué dans la lettre de RP, la DF (aux pages 2 et 3) a défini les CGC comme incluant :

[traduction]

la connaissance des contrats d’échange sur défaillance (CDS), y compris les nouvelles versions normalisées de crédit (paragraphe 0002);

la connaissance de composants informatiques, d’appareils, de réseaux et d’applications informatiques, y compris leur conception, leur mise en œuvre, leur fonctionnement et leur maintien, y compris, sans toutefois s’y limiter :

les systèmes d’enchères d’échanges électroniques;

l’échange de données d’information financière;

les ordinateurs à usage général, les ordinateurs à usage spécialisé, les appareils informatiques, les processeurs, les appareils d’entrée et de sortie, les interfaces de réseau et les interfaces d’utilisateur;

les logiciels et les langages de programmation connexes, ainsi que les dispositifs de mémoire et les supports de stockage;

les systèmes informatiques répartis, y compris les protocoles de réseaux et les transferts d’information et de données entre les appareils et les modules;

les bases de données informatiques et les protocoles de gestion de base de données.

[24] Ces qualifications n’ont pas été contestées par le Demandeur dans ses réponses. Je les adopte aux fins de la présente révision.

Éléments essentiels des revendications

[25] Tel que présenté dans la lettre de RP supplémentaire :

[traduction]

La demande en instance comporte 28 revendications au dossier. La revendication 1 vise un procédé de tenue d’une enchère d’échange comprenant la conversion de données de position financière en propositions commerciales conformes. La revendication 15 vise un système de tenue de l’enchère d’échange de la revendication 1. Les revendications dépendantes 2 à 14 et 16 à 28 décrivent des améliorations apportées au procédé de la revendication indépendante et définissent d’autres fonctionnalités de la conversion des données financières. Je considère que la revendication indépendante 1 est illustrative de l’invention.

 

1. Un procédé de tenue d’une enchère d’échange comprenant la conversion de données de positions financières qui ne sont pas traitables par les systèmes informatiques en aval en données de positions financières qui sont traitables par les systèmes informatiques en aval, le procédé comportant :

la réception, à l’aide d’au moins un ordinateur, de données non conformes comportant des données de positions financières définissant une ou plusieurs positions longues et une ou plusieurs positions courtes associées à un premier actif financier;

l’appariement, par l’au moins un ordinateur, d’au moins une des une ou plusieurs Q1positions longues avec au moins une des une ou plusieurs positions courtes associées à un premier actif financier;

la conversion, par l’au moins un ordinateur, des données non conformes en données conformes qui sont traitables par un système informatique en aval, ladite conversion comprenant :

la génération, par l’au moins un ordinateur, d’une première transaction proposée des données non conformes qui comprend les positions appariées;

la génération, par l’au moins un ordinateur, d’une deuxième transaction proposée des données de positions financières conformes traitable par le système informatique en aval, lesdites données de positions financières conformes définissant une ou plusieurs positions longues et une ou plusieurs positions courtes associées à un deuxième actif financier, ledit deuxième actif financier étant associé à un même actif financier sous-jacent que le premier actif financier, où une valeur théorique nette associée à la première transaction proposée est égale à une valeur théorique nette associée à la deuxième transaction proposée;

la présentation de la première transaction proposée et de la deuxième transaction proposée à un premier négociateur et à un deuxième négociateur aux fins d’approbation;

l’exécution de la première transaction proposée et de la deuxième transaction proposée si aucune indication de retrait n’est reçue du premier négociateur ou du deuxième négociateur, ladite exécution entraînant un remplacement des données de positions financières non conformes avec les données de positions financières conformes; et

le traitement, par le système informatique de traitement en aval, des données de positions financières conformes,

autrement, si une indication de retrait est reçue, il faut recevoir l’indication de retrait d’au moins l’un d’entre le premier négociateur et le deuxième négociateur, où la réception de ladite indication de retrait empêche l’exécution de la première transaction proposée et de la deuxième transaction proposée,

où, si l’indication de retrait est reçue de seulement l’un d’entre le premier et le deuxième négociateur, il faut répéter les étapes d’appariement et de génération pour au moins l’une des positions appariées appartenant au négociateur duquel l’indication de retrait n’a pas été reçue jusqu’à ce qu’aucune indication de retrait ne soit reçue.

[26] Dans la lettre de RP, j’ai considéré que toutes les étapes du procédé mis en œuvre par ordinateur indiquées dans la revendication illustrative 1 sont essentielles, y compris les composants informatiques qui sont utilisés pour exécuter ces étapes du procédé, comme indiqué dans les revendications de système :

[traduction]

Compte tenu de la revendication représentative 1, et de l’ensemble du mémoire descriptif, la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a pas d’emploi du langage indiquant que l’une ou l’autre des étapes de chaque revendication est facultative, une réalisation préférée ou une variante. Il n’y a pas non plus d’indication dans le dossier qui nous permettrait de conclure que l’un des éléments revendiqués est non essentiel. Par conséquent, je suis d’avis, à titre préliminaire, que l’ensemble des composantes d’enchère d’échange et des étapes effectuées par l’enchère présentée dans la revendication représentative 1 sont considérées comme essentielles. Par conséquent, je suis d’avis, à titre préliminaire, que toutes les étapes du procédé mis en œuvre par ordinateur, indiquées dans la revendication représentative 1 sont considérées comme essentielles, y compris les composants mis en œuvre par ordinateur utilisés pour exécuter ces étapes du procédé, comme il est indiqué dans les revendications de système correspondantes.

Les revendications dépendantes de 2 à 14 et 16 à 28 énumèrent d’autres options de données et calculs de données. Ces fonctionnalités sont également considérées comme essentielles.

[27] La revendication 15 est la revendication de système correspondante et est considérée comme ayant des éléments correspondant à ceux de la revendication 1. Je continue de supposer que tous les éléments des revendications au dossier sont essentiels.

L’invention revendiquée est-elle un objet brevetable?

[28] À mon avis, l’objet des revendications 1 à 28 est interdit et n’est pas un objet brevetable.

Principes

[29] Toute invention brevetable doit correspondre à la définition énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets, y compris correspondre à l’une des catégories définies dans celui-ci :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[30] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets prévoit également ce qui suit :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[31] L’EP2020-04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une revendication est un objet brevetable :

[traduction]

Afin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à, ou être moins vaste que, l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[32] L’identification de l’invention réelle est une question pertinente qu’il faut trancher dans le cadre de l’évaluation de l’objet brevetable (Canada (Procureur général) c. Amazon.com inc, 2011 CAF 328, au par. 42 [Amazon]). Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans Benjamin Moore CAF (para 68), cette décision est conforme à la décision rendue par la Cour dans Schlumberger Canada Ltd c. Commissaire aux brevets, [1982] 1 CF 845 (CA) [Schlumberger], selon laquelle une évaluation de l’objet brevetable consiste à déterminer ce qui, selon la demande, a été découvert. L’invention réelle est identifiée dans le contexte de la nouvelle découverte ou connaissance et doit en fin de compte satisfaire à l’« exigence du caractère matériel », qui est implicite dans la définition d’« invention » (Amazon, aux par. 65 et 66).

[33] Amazon, (par. 44), nous dit « qu’une revendication du brevet pourrait être exprimée dans un langage qui soit trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance » et que ce qui à première vue semble être une « réalisation » ou un « procédé » peut en fait constituer une revendication d’une formule mathématique non brevetable, comme c’était le cas dans Schlumberger.

[34] Cette observation représente la position de la Cour d’appel fédérale dans Amazon concernant l’exigence du caractère matériel. Il est indispensable de revendiquer une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou un changement discernable. Malgré tout, cette exigence ne peut pas être satisfaite simplement par le fait que l’invention revendiquée a une application pratique (Amazon, aux par. 66 et 69).

[35] Les préoccupations en matière d’objets brevetables concernant l’usage bien connu d’un ordinateur pour traiter un algorithme, illustré par Schlumberger, sont exprimées dans les facteurs énoncés dans l’EP2020-04 qui peuvent être pris en considération lors de l’examen des inventions mises en œuvre par ordinateur, à savoir :

·

le simple fait qu’un ordinateur figure parmi les éléments essentiels de l’invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée est un objet brevetable;

·

un algorithme en soi est un objet non brevetable abstrait et interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;

·

un ordinateur programmé pour traiter simplement un algorithme abstrait d’une manière bien connue sans plus ne fera pas de l’algorithme un objet brevetable; et

·

si le traitement d’un algorithme sur l’ordinateur améliore la fonctionnalité de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc ensemble une seule invention réelle qui serait brevetable.

[36] Les facteurs susmentionnés et les préoccupations générales liées à l’utilisation bien connue d’un ordinateur pour traiter de nouveaux algorithmes abstraits peuvent être considérés comme impliquant des facteurs de nouveauté ou d’ingéniosité. Le droit canadien n’interdit pas de tenir compte de la nouveauté ou de l’ingéniosité des éléments d’une revendication dans l’examen d’un objet brevetable et trouve appui dans des situations comme celle de Schlumberger où un outil connu, notamment un ordinateur, est utilisé pour donner une application pratique à une formule mathématique abstraite (Benjamin Moore CAF, aux par. 69 à 70, faisant référence à Amazon). Ces facteurs aident à déterminer la découverte ou les nouvelles connaissances, le procédé de leur application et l’invention réelle (Benjamin Moore CAF, au par. 89) qui, en bout de compte, sont évalués par rapport à l’exigence du caractère matériel.

[37] Comme il a été souligné dans Benjamin Moore CAF, au par. 94 (et comme il a été exprimé dans Amazon, au par. 61), l’exigence du caractère matériel ne sera vraisemblablement pas satisfaite sans que quelque chose de plus qu’un simple instrument bien connu, comme un ordinateur, soit utilisé pour mettre en œuvre une méthode abstraite. Les facteurs énumérés ci-dessus de l’EP2020-04 aident à déterminer si quelque chose de plus est présent.

Analyse de la présente demande

[38] La lettre de RP supplémentaire indiquait que l’objet n’était pas brevetable :

[traduction]

Les revendications indépendantes au dossier visent une enchère d’échange en mesure de traiter des transactions à l’aide de données de position financière non conformes au moyen d’un processus de conversion. Les règles de l’enchère d’échange comprennent la réception de données non conformes comprenant une ou plusieurs positions longues et courtes; l’appariement d’une position longue avec au moins une position courte; la conversion des données de positions financières en générant des transactions proposées impliquant des positions financières conformes et en présentant les transactions aux fins d’approbation; l’exécution de la transaction si aucun retrait n’est reçu des négociateurs; et si la transaction est retirée, répéter le processus d’appariement avec les négociateurs qui n’ont pas envoyé de retrait.

Les revendications au dossier mentionnent un certain nombre d’éléments liés à l’informatique tels qu’un système informatique, un ordinateur, un dispositif informatique, un serveur, un processeur, une mémoire et un support lisible par machine. Elles mentionnent également que ces éléments réalisent des étapes liées à l’informatique, y compris la réception, le traitement, le calcul et la présentation des données.

Comme expliqué dans Amazon (par. 61 à 63, 66 et 69), un ordinateur ne peut pas être utilisé pour donner à une idée abstraite non brevetable une application pratique satisfaisant l’exigence du caractère matériel implicite dans la définition d’invention prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets simplement en mettant en œuvre l’idée sur un ordinateur. C’était la situation dans Schlumberger, où l’ordinateur agissait simplement d’une manière bien connue.

Selon l’EP2020-04, « [s]i un ordinateur est simplement utilisé d’une façon bien connue, l’emploi de l’ordinateur ne sera pas suffisant pour rendre l’idée désincarnée, le principe scientifique ou les conceptions théoriques en un objet brevetable et en dehors de l’interdiction prévue au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets ».

Mon opinion préliminaire est que rien dans le mémoire descriptif ne suggère que les éléments informatiques revendiqués représentent autre chose que des composants génériques d’un ordinateur. L’ordinateur était simplement utilisé pour effectuer le genre de calculs et de manipulation de données qu’il avait été inventé pour effectuer. Les ordinateurs utilisés dans l’enchère d’échange mentionnée dans la demande sont considérés comme des ordinateurs bien connus, qui effectuent les calculs et les manipulations de données pour lesquels ils ont été inventés. Les paragraphes [0013] à [0015] et [0018] décrivent les ordinateurs bien connus et les autres appareils et leurs capacités connexes régulièrement utilisés dans les bourses financières.

De plus, il n’y a aucune indication dans le mémoire descriptif que les étapes revendiquées améliorent le fonctionnement de l’ordinateur. Il n’y a aucune suggestion dans le mémoire descriptif qu’il y avait des difficultés ou des lacunes dans le fonctionnement du dispositif informatique quant à la tenue des enchères d’échanges avec des données non conformes. Il n’y a aucune discussion détaillée de la mise en œuvre des fonctionnalités de manipulation de données revendiquées qui suggérerait que de quelconques difficultés seraient surmontées à cet égard.

Je suis d’avis, à titre préliminaire, que les éléments informatiques revendiqués sont simplement utilisés d’une manière bien connue et ne font donc pas partie de la seule invention réelle des revendications indépendantes au dossier. C’est-à-dire, l’invention réelle semble être un algorithme ou un ensemble de règles qui permettent de convertir des données de position financière non conformes en vue de traiter des transactions. Ensemble, ces étapes représentent la mise en œuvre par ordinateur d’une idée abstraite, d’un concept théorique ou d’un ensemble de règles pour une enchère d’échange.

Par conséquent, le schéma abstrait pour mener une enchère d’échange comportant la conversion de données de positions financières en propositions commerciales conformes n’a aucune présence physique en lui-même et ne présente aucun effet physique ou changement. L’utilisation de l’ordinateur dans ce cas-ci ne lui permet pas non plus de respecter l’exigence du caractère matériel.

En soi, l’ensemble de règles ou d’algorithmes qui permettent de convertir des données n’a pas d’existence physique et ne correspond à aucune catégorie d’invention prévue à l’article 2. Ils sont en quelque sorte « de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques », il est également interdit de brevetabilité en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. De plus, programmer un ordinateur (à l’aide des CGC) pour convertir des données selon les règles ou l’algorithme proposés ne fait pas correspondre cette « nouvelle connaissance » aux catégories d’invention. Comme je l’ai démontré ci‑dessus, dans la discussion sur l’EP2020‑04, un tel algorithme au moyen d’un système informatique de la manière revendiquée ne fournit pas une application pratique satisfaisant à l’exigence du caractère matériel.

Par conséquent, je suis d’avis, à titre préliminaire, que l’invention réelle, la nouvelle connaissance ou la découverte des revendications indépendantes ne satisfait pas au critère d’« une autre composante » tel qu’il est énoncé dans Benjamin Moore CAF pour satisfaire à l’exigence du caractère matériel énoncée dans Amazon et l’EP2020‑04.

La même analyse et conclusion s’appliquent à la revendication indépendante 15.

J’estime, à titre préliminaire, que l’ordinateur est, lui aussi, simplement utilisé pour effectuer le genre de calculs et de manipulations de données pour lequel il a été inventé pour effectuer aux fins des revendications dépendantes 2 à 14 et 16 à 28, lesquelles énoncent d’autres options et calculs de données.

Position du Demandeur

[39] Comme décrit dans la lettre de RP supplémentaire, le Demandeur a comparé les revendications au dossier à la revendication 1 de l’exemple 1 de mise en œuvre par ordinateur des « Exemples d’analyses d’objets brevetables » [Document d’exemples] de l’EP2020-04 dans sa réponse à la lettre de RP. Ce rapprochement a également été fait lors de la première audience.

[traduction]

Dans la revendication en exemple, l’étape « la prise de mesures sismiques » comprend un tiers ou un composant tiers qui prend un ensemble de mesures, dont les données sont alors reçues par l’ordinateur. En particulier, ces données ne sont pas un ensemble de données génériques qui est produit par le système, mais dépendent plutôt d’une collection externe de points de données qui ne sont pas générés par le système. Dans la revendication 1 en instance, le procédé comprend l’exécution (équivalent à la prise) d’une enchère électronique comportant une pluralité d’appareils d’utilisateur négociateur à distance. Par conséquent, la revendication 1 en instance possède le même tiers ou composant tiers qui est utilisé pour produire les données qui sont reçues par l’ordinateur. Ces données ne sont pas un ensemble de données générique déjà élaboré dans le serveur d’enchères électroniques, mais sont plutôt reçues des appareils d’utilisateurs négociateurs à distance et dépendent des données de positions financières de chaque utilisateur. Les données de positions financières longues et courtes et de chaque utilisateur correspondent, par exemple, à l’achat et à la vente d’actions de chaque utilisateur. Les changements dans les données de positions financières de chaque utilisateur dépendent d’un effet ou changement physique (l’achat et la vente) de la même façon qu’une mesure sismique dépend d’un effet ou changement physique (comme il est déterminé dans les exemples du guide de l’OPIC). Essentiellement, les données reçues de la pluralité d’appareils d’utilisateurs négociateurs à distance ne sont pas plus qu’une mesure des données de positions financières de chaque utilisateur.

[…]

Comme il est démontré dans la comparaison des revendications ci-dessus, le Demandeur fait valoir qu’en effet, l’objet revendiqué satisfait à l’exigence de présence physique. La décision dans la révision préliminaire n’arrive pas à reconnaître l’ensemble des éléments essentiels de la revendication qui font partie de l’invention réelle; c’est-à-dire que la révision préliminaire ne considère pas que les appareils d’utilisateurs négociateurs à distance qui collaborent avec le serveur d’enchères électroniques font partie de l’invention réelle qui a une présence physique et qui manifeste un effet ou un changement physique discernable.

[40] Le Demandeur a également soumis une comparaison à l’exemple 1, revendication 2 du Document d’exemples dans sa réponse à la lettre de RP (pages 5 à 7) :

[traduction]

Dans la revendication 2 de l’exemple des nouvelles directives de l’OPIC, l’analyse considère les capteurs utilisés pour la prise des mesures sismiques et indique que ceux-ci ne correspondent pas à une entrée générique de données dans un ordinateur : les capteurs collaborent en combinaison avec l’ordinateur puisque les mesures des capteurs sont utilisées par l’ordinateur dans l’analyse. L’analyse indique : « Comme les capteurs ont une existence physique et fonctionnent en collaboration avec l’ordinateur pour obtenir de meilleurs résultats par l’utilisation de l’algorithme X, cet élément est suffisant pour rendre l’objet de la revendication brevetable ». Bien que cette revendication 2 de l’exemple vise une revendication de système, une analyse semblable peut être menée à l’égard de la revendication 1 en instance de la demande en instance. Puisque les appareils d’utilisateurs négociateurs à distance ont une existence physique et collaborent avec le serveur d’enchères électroniques pour obtenir de meilleurs résultats (convertir des données de positions financières qui ne sont pas traitables par des systèmes informatiques en aval en données de positions qui sont traitables par les systèmes informatiques en aval) au moyen d’un algorithme X, cet élément est suffisant pour rendre l’objet de la revendication 1 brevetable.

[…]

Comme il en a été question ci-dessus, la revendication 1 [des revendications au dossier] comprend des éléments de mesure qui génèrent des données; par exemple, chaque appareil d’utilisateurs négociateurs mesure ou autrement quantifie les données de positions financières d’un utilisateur et génère des données pour le traitement subséquent par le serveur d’enchères électroniques. En ce qui a trait aux données sortantes, le Demandeur ajoute également que la revendication 1 en instance en effet décrit des éléments de données sortantes qui exécutent des commandes transmises ou des éléments exécutant des actions selon les résultats affichés.

[…]

Par conséquent, la revendication 1 comprend des éléments de sortie qui effectuent des tâches selon les résultats affichés; plus particulièrement, une action est entreprise selon les résultats affichés et l’interaction d’un utilisateur (ou la non-interaction) avec le système. En n’interagissant pas avec le système, c’est-à-dire si aucun indicateur d’action n’est reçu, une action est tout de même prise par l’utilisateur, bien qu’elle soit négative. C’est-à-dire, l’utilisateur décide d’interagir ou non avec le système selon les résultats affichés et une action de sortie de donnée (exécuter ou annuler la transaction proposée) est produite selon la décision de l’utilisateur d’interagir ou non. De plus, la sortie de données est exécutée par une commande transmise en fonction de la décision de l’utilisateur d’interagir ou non avec le système.

[41] Comme présenté dans la lettre de RP supplémentaire, pour ces deux exemples, dans le Document d’exemples sous la section de l’évaluation de l’objet brevetable, les mesures prises dans l’étape a) offrent les effets physiques discernables de produire des données et ne correspondent pas à des entrées génériques de données dans un ordinateur.

[traduction]

Pour la revendication 1 […]

Comme l’étape a) comprend des mesures qui s’appuient sur des effets physiques discernables pour produire leurs données, l’étape a) fournit l’effet physique discernable ou le changement qui rend l’objet de la revendication brevetable.

[…]

Pour la revendication 2 : Dans cette revendication, les capteurs utilisés pour prendre des mesures sismiques ne correspondent pas à une entrée générique de données sur un ordinateur […] Comme les capteurs ont une existence physique et fonctionnent en collaboration avec l’ordinateur […]

[42] Comme présenté dans la lettre de RP supplémentaire, je n’estime pas que la réception des données des appareils de négociateurs à distance par le réseau plus général soit la même chose que la prise de mesures, étant différente des revendications 1 et 2 de l’exemple 1 du Document d’exemples. J’estime que les appareils de négociateurs à distance sont des ordinateurs bien connus qui fonctionnent comme prévu, qui notamment reçoivent et envoient des données. Ils ne prennent pas de mesures et ne fournissent pas de mesures en utilisant des données de capteurs comme entrée. Les revendications au dossier sont plus semblables à la revendication 3 de l’exemple 1 dans le Document d’exemples, laquelle prévoit la réception, le traitement et l’affichage génériques de données et ne satisfait pas à l’exigence de l’étape physique discernable.

[traduction]

Pour la revendication 3 : […] les étapes d’entrée et de sortie des données a) et c) représentent les étapes génériques d’entrée et de sortie d’un processus mis en œuvre par ordinateur. Dans ce cas, tous les éléments essentiels correspondent uniquement au traitement des données à l’aide de l’algorithme X afin d’obtenir de meilleurs résultats au moyen d’un ordinateur générique. Il est donc nécessaire de vérifier si l’ordinateur fait partie de l’invention réelle. Il n’existe aucune preuve que le problème résolu par l’utilisation de l’algorithme X est un problème informatique; rien n’indique que l’utilisation de l’algorithme X réduit les ressources utilisées dans le traitement informatique par exemple. Par conséquent, l’ordinateur et les étapes de l’entrée, de sortie et de traitement ne constituent pas une seule invention réelle. Étant donné que la divulgation est axée sur l’algorithme et ses avantages, l’invention réelle est considérée comme l’algorithme ou l’analyse et les données qui en résultent, lesquelles n’ont pas d’existence physique, n’ont pas d’effet physique et n’entraînent pas de changement.

[43] Je maintiens mon opinion selon laquelle l’objet des revendications 1 à 28 est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne vise pas un objet brevetable puisqu’il ne correspond pas à la définition « d’invention » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[44] Comme il est indiqué ci-dessus, le Demandeur a soumis plusieurs revendications proposées après la DF afin de corriger les irrégularités décelées dans la DF, dans le RM et la lettre de RP ainsi que lors des première et deuxième audiences. Les plus récentes revendications proposées, les cinquièmes revendications proposées, seront examinées. Les cinquièmes revendications proposées ont les revendications 1 à 26. Parmi les revendications au dossier, la revendication 1 a été modifiée afin d’inclure un serveur d’enchères électroniques comportant des appareils d’utilisateurs négociateurs à distance sur un réseau; la capacité du serveur d’enchère de générer une interface utilisateur graphique sur les appareils d’utilisateurs négociateurs à distance; des notifications en temps réel des transactions dans les interfaces d’utilisateur; et des limites de temps aux propositions commerciales qui permettent de générer des actions automatiques. La revendication indépendante modifiée 14 est modifiée de manière semblable à la revendication 1. Les revendications 2 à 13 et 15 à 26 contenaient des modifications mineures concernant des ajustements de langage et de dépendance par rapport aux revendications au dossier.

Les éléments revendiqués proposés sont-ils essentiels?

[45] J’estime que les éléments des revendications proposées sont essentiels.

[46] La revendication 1 des cinquièmes revendications proposées vise un procédé de tenue d’une enchère d’échange comportant la conversion de données de position financière en propositions commerciales conformes et est représentative des revendications 1 à 26. La revendication proposée 1 est la suivante :

[traduction]

1. Un procédé de tenue d’une enchère d’échange comportant la conversion de données de positions financières qui ne sont pas traitables par des systèmes informatiques en aval en données de positions financières qui sont traitables par les systèmes informatiques en aval, le procédé comportant :

la tenue, au moyen d’au moins un serveur d’enchères électroniques sur un réseau, d’une enchère électronique comportant une pluralité d’appareils d’utilisateurs négociateurs à distance, lesdits appareils d’utilisateurs négociateurs à distance en communication électronique avec l’au moins un serveur d’enchères électroniques par ledit réseau;

où l’au moins un serveur d’enchères électroniques est configuré pour créer une interface utilisateur graphique (IUG) sur la pluralité d’appareils d’utilisateurs négociateurs à distance;

la réception, par ledit au moins un serveur d’enchères électroniques, au moyen de l’IUG, en réponse à ladite enchère électronique, par le réseau, des données non conformes d’au moins un appareil d’utilisateurs négociateurs à distance, lesdites données non conformes comprenant des données de positions financières définissant une ou plusieurs positions longues et une ou plusieurs positions courtes associées à un premier actif financier;

l’appariement, par l’au moins un serveur d’enchères électroniques, d’au moins une des une ou plusieurs positions longues avec au moins une des une ou plusieurs positions courtes associées avec ledit premier actif financier;

la conversion, par l’au moins un serveur d’enchères électroniques, des données non conformes en données conformes traitables par un système informatique en aval, ladite conversion comprenant :

la génération, par l’au moins un serveur d’enchères électroniques, d’une première transaction proposée des données non conformes qui comprend les positions appariées;

la génération, par l’au moins un serveur d’enchères électroniques, d’une deuxième transaction proposée des données de positions financières conformes et traitable par le système informatique en aval, lesdites données de positions financières conformes définissant une ou plusieurs positions longues et une ou plusieurs positions courtes associées à un deuxième actif financier, ledit deuxième actif financier étant associé avec un même actif financier sous-jacent que le premier actif financier, où une valeur théorique nette associée à la première transaction proposée est égale à une valeur théorique nette associée à la deuxième transaction proposée;

la détermination d’un premier appareil d’utilisateurs et d’un deuxième appareil d’utilisateurs parmi la pluralité d’appareil d’utilisateurs négociateurs à distance associés à la première transaction proposée et à la deuxième transaction proposée;

la génération, par l’au moins un serveur d’enchères électroniques, d’une notification en temps réel de la première transaction proposée et de la deuxième transaction proposée aux fins d’examen immédiat au premier appareil d’utilisateur et au deuxième appareil d’utilisateur, la notification en temps réel comporte la mise à jour d’un écran de résumé de la transaction de l’IUG sur le premier appareil d’utilisateur et le deuxième appareil d’utilisateur, afin d’afficher la première transaction proposée et la deuxième transaction proposée ensemble et comportant un indicateur d’action qui peut être sélectionné par l’un ou plusieurs des premiers appareils d’utilisateur et des deuxièmes appareils d’utilisateur.

où l’indicateur d’action est un indicateur de retrait ou un indicateur d’acceptation;

l’établissement, par l’au moins un serveur d’enchères électroniques, d’une période prédéterminée au cours de laquelle l’indicateur d’action peut être transmis au moyen de l’IUG par l’un ou plusieurs des premiers appareils ou des deuxièmes appareils d’utilisateur;

l’indication, par l’au moins un serveur d’enchères électroniques, qu’aucun indicateur de retrait ou qu’un indicateur d’acceptation a été reçu à partir du premier appareil d’utilisateur et du deuxième appareil d’utilisateur au cours de ladite période prédéterminée;

l’exécution automatique, par l’au moins un serveur d’enchères électroniques, d’une action comportant l’une des tâches suivantes :

l’exécution automatique de la première transaction proposée en vue d’équilibrer les données de position financière non conformes;

l’exécution automatique de la deuxième transaction proposée afin de créer les données de positions financières conformes, la première transaction proposée étant exécutée simultanément avec la deuxième transaction proposée; et

la transmission automatique, par au moins un serveur d’enchères électroniques, des données de positions financières conformes au système informatique de traitement en aval;

où le système informatique de traitement en aval est un serveur de centre d’échange de données configuré pour traiter des transactions financières conformes et rejeter les transactions financières non conformes; et

l’annulation automatique de la première transaction proposée et de la deuxième transaction proposée lorsqu’il est établi que l’indicateur de retrait a été reçu à partir du premier appareil d’utilisateur ou du deuxième appareil d’utilisateur au cours de ladite période prédéterminée.

[47] Compte tenu des modifications apportées dans la cinquième revendication 1 proposée, et de l’ensemble du mémoire descriptif, la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a pas d’emploi de langage indiquant que l’une ou l’autre des étapes de chaque revendication est facultative, une réalisation préférée ou une variante. Il n’y a pas non plus d’indication, dans le dossier qui nous est soumis, qui nous permettrait de conclure que l’un des éléments revendiqués est non essentiel. Par conséquent, je suis d’avis que toutes les étapes du procédé mis en œuvre par ordinateur et indiquées dans la cinquième revendication 1 proposée sont considérées comme essentielles.

Signification des termes

[48] Lors de la deuxième audience, il y a eu une discussion sur la signification de certaines fonctionnalités. Ces derniers comprenaient :

  • le fait que le serveur d’enchères électroniques est configuré pour créer une interface utilisateur graphique (IUG) sur la pluralité d’appareils d’utilisateurs négociateurs à distance; et

  • la génération, par l’au moins un serveur d’enchères électroniques, d’une notification en temps réel de la première transaction proposée et de la deuxième transaction proposée aux fins d’examen immédiat au premier appareil d’utilisateur et au deuxième appareil d’utilisateur, la notification en temps réel comportant la mise à jour d’un écran de résumé de la transaction de l’IUG sur le premier appareil d’utilisateur et le deuxième appareil d’utilisateur, afin d’afficher la première transaction proposée et la deuxième transaction proposée ensemble et comportant un indicateur d’action qui peut être sélectionné par l’un ou plusieurs des premiers appareils d’utilisateur et des deuxièmes appareils d’utilisateur.

[49] En ce qui concerne la première fonctionnalité concernant l’IGU, il a été précisé qu’il n’y avait aucune discussion dans le mémoire descriptif original sur la manière dont cela serait réalisé, au-delà de l’échange de renseignements avec des appareils des informations avec les appareils de négociateurs à distance. Cela est considéré comme une fonctionnalité courante des réseaux informatiques permettant d’échanger des renseignements qui peuvent ensuite être affichés sur une IGU.

[50] En ce qui concerne la deuxième fonctionnalité concernant la notification en temps réel, il a également été précisé qu’il n’y avait aucune discussion dans le mémoire descriptif original sur les notifications en temps réel. Il y a un affichage de renseignements sur les appareils de négociateurs à distance à mesure que les renseignements de négociation changent. Il n’y a aucune notification particulière au-delà de la mise à jour des renseignements affichés.

L’invention revendiquée dans la cinquième revendication est-elle un objet brevetable?

[51] À mon avis, l’objet des revendications 1 à 26 est interdit et n’est pas un objet brevetable.

[52] Considérant les modifications apportées à la cinquième revendication 1 proposée, et compte tenu de l’ensemble du mémoire descriptif, il semble que l’invention est inchangée et vise un procédé permettant de tenir une enchère d’échange qui nécessite une conversion des données de positions financières qui comprennent :

·

des données non conformes comprenant des données de position financière définissant une ou plusieurs positions longues et courtes;

·

l’appariement d’au moins une position longue avec au moins une position courte;

·

la conversion des données non conformes au moyen de la génération des transactions proposées impliquant des positions financières appariées et conformes;

·

la génération d’une notification en temps réel des transactions proposées envoyées aux appareils de négociateurs;

·

le traitement ou l’annulation automatiques des transactions lors de la réception d’une réponse particulière ou de l’expiration d’une minuterie.

 

[53] Comme indiqué ci-dessus, les modifications ajoutent un serveur d’enchères électroniques comportant des appareils d’utilisateurs négociateurs à distance sur un réseau; et des limites de temps aux propositions commerciales qui permettent d’exécuter une action automatique si aucune réponse n’est reçue. Les modifications suppriment l’exécution de la transaction si aucun retrait n’est reçu des négociateurs et, s’il y a un retrait de la transaction, la répétition du processus d’appariement.

[54] J’estime, tout comme l’énoncent les revendications au dossier, que les éléments essentiels de la cinquième revendication 1 proposée forment un procédé pour une enchère d’échange qui permet de traiter des transactions à l’aide de données de positions financières non conformes au moyen d’un processus de conversion. Ensemble, ces étapes représentent la mise en œuvre par ordinateur d’une idée abstraite, d’un concept théorique ou d’un ensemble de règles liées à une enchère d’échange.

[55] Les éléments des cinquièmes revendications proposées doivent être utilisés sur des ordinateurs existants et très disponibles. La cinquième revendication 1 proposée est un concept théorique abstrait mis en œuvre par des ordinateurs communs et des réseaux informatiques, y compris le serveur d’enchères électroniques, les appareils d’utilisateurs négociateurs à distance et d’autres ordinateurs dans le réseau. Les ordinateurs sont simplement utilisés d’une manière bien connue, ne constituent pas une seule invention réelle avec la conception théorique abstraite et ne font donc pas de la conception théorique un objet brevetable. Les ordinateurs simplement utilisés pour effectuer le genre de calculs pour lesquels ils ont été inventés, recevoir et manipuler les données de la façon dont il est prévu, ainsi qu’afficher ces manipulations et ces calculs.

[56] Par conséquent, le schéma abstrait de tenue d’une enchère d’échange comportant la conversion de données de positions financières en propositions commerciales conformes n’a aucune présence physique en lui-même et ne présente aucun effet physique ou changement. L’utilisation de l’ordinateur dans ce cas-ci ne lui permet pas non plus de respecter l’exigence du caractère matériel. Ainsi, dans mon opinion, l’objet de la cinquième revendication représentative 1 proposée est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et n’est pas un objet brevetable puisqu’il ne correspond pas à la définition « d’invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[57] Dans sa version modifiée, la revendication indépendante 14 est modifiée de manière semblable à la revendication 1, l’ordinateur est également considéré comme un ordinateur générique fonctionnant de manière bien connue. Les modifications mineures des revendications dépendantes 2 à 13 et 15 à 26 ne vont pas non plus au-delà des fonctions informatiques génériques. Par conséquent, les cinquièmes revendications 2 à 26 proposées demeurent également interdites en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne sont toujours pas un objet brevetable puisqu’elles ne correspondent pas à la définition « d’invention » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[58] Il s’ensuit que les revendications proposées ne sont pas considérées comme une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Équité procédurale

[59] Dans la réponse à la lettre de RP, le Demandeur a affirmé qu’un test problème-solution inapproprié a été appliqué dans la DF, ce qui n’est pas conforme aux directives fournies dans l’EP2020-04. Cette affirmation a également été faite lors de la première audience.

[traduction] […] le Demandeur affirme que la CAB et cette révision préliminaire de la CAB ignorent indûment les obligations législatives du Bureau des brevets de produire un rapport d’examen valide avant que la Commission d’appels des brevets entreprenne sa révision. Plus particulièrement, la règle 86(5) prévoit que « l’examinateur envoie au demandeur un avis portant la mention “Décision finale” ou “Final Action”, signalant les irrégularités non corrigées et demandant que, au plus tard quatre mois après la date de l’avis, il modifie la demande de brevet pour la rendre conforme à la Loi et aux présentes règles ou lui communique les motifs pour lesquels il estime sa demande conforme » [en italique dans l’original]. Le Demandeur affirme que l’omission de fournir au Demandeur un avis en vertu de la règle 86(5) est contraire à l’équité procédurale et se fait en violation de la Loi sur les brevets. La récente décision de la Cour fédérale dans l’affaire Choueifaty a maintenu qu’il n’y a aucun fondement juridique dans le droit canadien quant à l’utilisation d’une approche « problème-solution » dans l’interprétation des revendications.

[…]

Par conséquent, le Demandeur fait valoir que le critère juridique et l’analyse utilisés pour s’opposer aux revendications dans chacune des actions du Bureau de la présente demande, puis pour les rejeter, sont non fondés et non conformes à la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et aux directives du Bureau. Le processus actuellement entrepris par la Commission ne donne pas au Demandeur l’avis approprié initial des irrégularités alléguées dans la demande conformément au paragraphe 86(2) des Règles sur les brevets, ni ne lui donne l’équité procédurale prévue au paragraphe 86(5) des Règles sur les brevets. Par conséquent, le Demandeur rejette la validité du processus du Bureau des brevets qui consiste à délivrer sa révision préliminaire et demande qu’un avis émis en vertu de la règle 86, soulevant un fondement juridique valide pour l’opposition, soit d’abord envoyé au Demandeur.

[60] Tel que présenté dans la lettre de RP supplémentaire :

[traduction]

Après qu’une DF a été rédigée conformément au paragraphe 86(5) des Règles sur les brevets et que le délai pour réponse se soit écoulé, la demande est envoyée au commissaire aux fins de révision en vertu du paragraphe 86(7) des Règles sur les brevets. Une fois que la demande a atteint la limite de temps de la DF, il n’y a aucun moyen législatif ou autre de reprendre l’examen et une révision doit être effectuée. La lettre de RP est rédigée par la CAB afin d’informer le Demandeur de toute nouvelle irrégularité ou question, ainsi que d’informer le Demandeur de ses opinions quant aux irrégularités décelées par la DF. Cela permet de s’assurer que la décision finale du commissaire tient compte de toute nouvelle décision du tribunal et des pratiques de l’OPIC. Le Demandeur a alors l’option de fournir des observations écrites et des modifications ainsi que de participer à une audience avant qu’une recommandation finale soit présentée au commissaire aux fins de prise de décision par le commissaire.

Dans la poursuite de la présente demande, ces règles ont été suivies. Après que la DF a été rédigée par l’Examen, la demande a été acheminée pour révision. Le Demandeur a été informé, au moyen de la lettre de RP, des questions soumises au commissaire aux brevets. Le Demandeur a également été invité à soumettre des réponses écrites et à participer à une audience, ce qu’il a choisi de faire.

De plus, tel que présenté ci-dessus, à la lumière des commentaires récemment publiés dans la décision Benjamin Moore CAF, j’ai examiné les motifs présentés dans la lettre de RP. Je l’ai fait afin de m’assurer que les questions, en particulier celles liées à l’interprétation téléologique et à l’objet brevetable, ont été traitées de manière complète et appropriée. De plus, afin de m’assurer que le Demandeur soit pleinement informé des questions à traiter, mes motifs mis à jour sont présentés dans la présente lettre supplémentaire et le Demandeur a la possibilité de répondre par des observations écrites et de participer à une audience.

[61] Le Demandeur n’a pas soulevé la question de l’équité procédurale lors de la deuxième audience ni dans les arguments ultérieurs.

 


 

Recommandation de la Commission

[62] Compte tenu de ce qui précède, je recommande que la demande soit rejetée au motif que l’objet des revendications au dossier est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et n’est pas un objet brevetable puisqu’il ne correspond pas à la définition « d’invention » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

 

 

 

Mara Gravelle

Membre

 


 

Décision du commissaire

[63] Je suis d’accord avec les conclusions de la Commission et avec sa recommandation de rejeter la demande puisque les revendications au dossier sont interdites en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et que l’objet des revendications au dossier n’est pas un objet brevetable puisqu’il ne correspond pas à la définition « d’invention » prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[64] Par conséquent, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande en vertu de l’article 40 de la Loi sur les brevets. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

 

Konstantinos Georgaras

Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
ce 11e jour de décembre 2024.

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