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Référence : Stanley Victor Campbell (Re), 2024 CACB 18

Décision du commissaire no 1677

Commissioner’s Decision #1677

Date : 2024-10-18

SUJET :

J00

Objet des demandesSignification de la technique

 

J10

Objet des demandesProgrammes d'ordinateur

 

 

 

 

 

 

TOPIC:

J00

Subject Matter of ApplicationsMeaning of Art

 

J10

Subject Matter of ApplicationsComputer Programs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 816 107

Application No. 2816107


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 199(1) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 816 107 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

Deeth Williams Wall LLP

400150, rue York, bureau

Toronto (Ontario) M5H 3S5


 

Introduction

[1] La Commission d’appel des brevets recommande de rejeter la demande de brevet numéro 2 816 107, laquelle est intitulée « Système et procédé d’identification d’un code de diagnostic médical sur machine, d’accumulation, d’analyse et d’adjudication automatique d’un processus de revendication » et appartient à Stanley Victor Campbell.

[2] L’invention revendiquée porte sur des systèmes, des procédés et des appareils pour l’automatisation de l’identification et du traitement des codes de diagnostic médical. Elle utilise des algorithmes sur machine pour analyser les données des patients, appariant les codes médicaux particuliers identifiés avec des codes médicaux connus ou de référence afin de simplifier l’adjudication des demandes de remboursement d’assurance en fonction de ces codes.

[3] La demande a été refusée dans une décision finale qui indiquait que les revendications 1 à 27, datées du 3 juin 2021, (« revendications au dossier ») définissent un objet non brevetable. La réponse à la décision finale affirmait que l’évaluation dans la décision finale était inexacte en termes de droit et présentait des arguments en faveur de la brevetabilité des revendications au dossier. Le résumé des motifs n’était pas d’accord avec les observations mises de l’avant dans la réponse à la décision finale et a maintenu le refus. La demande refusée a été transmise à la Commission d’appel des brevets aux fins de révision au nom du commissaire aux brevets.

[4] La soussignée a été chargée de réviser la demande refusée et de présenter une recommandation au commissaire quant à la décision à rendre. J’ai envoyé une lettre de révision préliminaire qui expliquait mon analyse préliminaire que les revendications 1 à 27 au dossier définissent un objet non brevetable qui est abstrait et qui ne correspond à aucune catégorie d’invention. De plus, la lettre de révision préliminaire offrait au Demandeur la possibilité de produire des observations orales et/ou écrites.

[5] La réponse à la lettre de révision préliminaire a présenté des arguments en faveur de l’acceptation de la demande compte tenu des modifications proposées aux revendications au dossier datées du 16 juillet 2024 (« revendications proposées »).

[6] Des observations orales à l’appui de la brevetabilité des revendications proposées ont également été présentées lors d’une audience.

[7] Pour les raisons qui suivent, j’estime que les revendications 1 à 27 au dossier définissent un objet non brevetable. J’ai également évalué les revendications proposées et j’estime qu’elles ne rendent pas la demande acceptable.

Questions

[8] Compte tenu de ce qui précède, j’ai examiné les questions suivantes dans le cadre de la présente révision :

· si les revendications 1 à 27 au dossier englobent un objet qui ne correspond pas à la définition d’« invention » et qui n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

· si les revendications 1 à 27 définissent un objet interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[9] De plus, j’ai analysé la question de savoir si les revendications proposées soumises dans la réponse à la lettre de révision préliminaire rendraient la demande acceptable et seraient une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Interprétation téléologique

Contexte juridique

[10] L’interprétation téléologique précède toute considération de la validité : Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 au par. 19 [Free World Trust] et Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67 au par. 43 [Whirlpool]. L’interprétation téléologique est effectuée du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes pertinentes, compte tenu de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins : Free World Trust aux par. 31, 44, 51, 52 et 55 à 60; Whirlpool aux par. 45 à 49, 52 et 53; Énoncé de pratique : « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020-04] à l’Interprétation téléologique.

[11] En ce qui concerne la personne versée dans l’art, plusieurs décisions judiciaires ont fourni un contexte supplémentaire pour son identification. Dans Whirlpool au par. 53, la Cour suprême du Canada a expliqué que même si la personne versée dans l’art est réputée ne posséder aucune étincelle d’esprit inventif ou d’imagination, un mémoire descriptif de brevet s’adresse aux « personnes suffisamment versées dans l’art dont relève le brevet pour être en mesure, techniquement parlant, de comprendre la nature et la description de l’invention ». En outre, « dans le cas de brevets de nature hautement technique et scientifique, cette personne peut être quelqu’un qui possède un niveau élevé de connaissances scientifiques spécialisées et d’expertise dans le domaine spécifique des sciences dont relève le brevet » : Consolboard c. MacMillan Bloedel (Sask) Ltd, [1981] 1 RCS 504 à la page 525.

[12] En outre, la personne versée dans l’art peut représenter un ensemble de scientifiques – des personnes hautement qualifiées et formées qui effectuent de la recherche scientifique pour faire progresser les connaissances dans un domaine d’intérêt – et des chercheurs : Bayer Aktiengesellschaft c. Apotex Inc [1995] 60 CPR (3d) 58 à la page 79 :

[traduction]

Le technicien fictif compétent peut être un ensemble de scientifiques, de chercheurs et de techniciens qui apportent leur expertise combinée pour s’attaquer au problème à l’étude : « Cela est particulièrement vrai lorsque l’invention se rapporte à une science ou à un art qui vise plusieurs disciplines scientifiques » (le juge Wetston dans l’affaire Mobil Oil Corp. c. Hercules Canada Inc. non publiée, 21 septembre 1994, C.F. 1re inst., à la page 5 [maintenant publiée à 57 C.P.R. (3d) 488, à la p. 494, 82 F.T.R. 211]).

[13] En ce qui a trait à l’identification des connaissances générales courantes, il est bien établi que les connaissances générales courantes sont limitées aux connaissances généralement connues des personnes du domaine de l’art ou de la science auxquelles se rapporte un brevet : Apotex Inc c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 au par. 37; Free World Trust au par. 31. Par conséquent, les connaissances générales courantes concernent le sous-ensemble des brevets, des articles de journaux et des renseignements techniques, qui est généralement connu par des personnes versées dans l’art dans le domaine auquel se rapporte un brevet.

[14] Les ouvrages de référence reconnus (tels des manuels, des articles de synthèse, des recueils, etc.) ou le caractère courant démontré de certaines connaissances dans un certain nombre de divulgations dans le domaine sont pertinents à l’enquête : Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC), section 12.02.02c, révisée en octobre 2019.

[15] De plus, les renseignements dans un mémoire descriptif peuvent également constituer des preuves de connaissances générales courantes, puisqu’il peut être raisonnable de considérer des affirmations de pratiques ou de connaissances conventionnelles formulées de façon générale ou globale comme des connaissances générales courantes : Corning Cable Systems LLC c. Canada (Procureur général), 2019 CF 1065 et Newco Tank Corp c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 47.

[16] En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a une incidence matérielle sur le fonctionnement de l’invention.

[17] Comme il est indiqué sous la section de l’interprétation téléologique de l’avis EP2020-04, « tous les éléments énoncés dans une revendication sont présumés essentiels, à moins qu’ils ne soient établis autrement ou qu’ils ne soient contraires au langage utilisé dans la revendication ».

[18] Puisque l’interprétation de la signification des termes et l’identification des éléments essentiels sont menées à la lumière des connaissances générales courantes, la personne versée dans l’art doit être identifiée en premier lieu afin de déterminer ses connaissances générales courantes : Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC), section 12.02.01, révisée en juin 2015.

Analyse

[19] La lettre de révision préliminaire, aux pages 6 à 8, indique ce qui suit à l’égard de l’identité de la personne versée dans l’art et de ses connaissances générales courantes escomptées :

[traduction]

La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes pertinentes

La décision finale considère les trois documents de l’art antérieur suivants comme pertinents pour la détermination des connaissances générales courantes pertinentes :

D4 : Magoulas, G.D., Prentza, A., Machine Learning in Medical Applications. Dans : Paliouras, G., Karkaletsis, V., Spyropoulos, C.D., eds, Machine Learning and Its Applications (Berlin, Heidelberg: Springer-Verlag, 2001) pages 300 à 307.

D5 : Boger, J. et coll., « A planning system based on Markov decision processes to guide people with dementia through activities of daily living » (2006) volume 10, numéro 2, IEEE Transactions of Information Technology in Biomedicine, pages 323 à 333.

D7 : Woodside, J.M., « Neuro-fuzzy CBR hybridization: healthcare application » (2008) IEEE International Joint Conference on Neural Networks (IEEE World Congress on Computational Intelligence), Hong Kong, Chine, pages 1814 à 1819.

Bien que la décision finale fasse référence à un autre document de l’art antérieur appelé D6, il y a une erreur dans la citation et le document n’est pas disponible. Toutefois, en cherchant le document D6, j’ai découvert le document de l’art antérieur suivant rédigé par les mêmes auteurs que ceux énumérés pour le document D6, lequel est pertinent pour l’identification des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art :

D8 : Hornung, J.H. et coll., « Fighting fraud, automatically » (2006) volume 77, numéro 3, Journal of the American Health Information Management Association, pages 32 à 36.

Le document D8 fournit un aperçu de l’utilisation des logiciels de programmation automatisée pour la détection de fraude en matière de santé. En particulier, le document D8 discute de la façon dont les réseaux neuronaux artificiels peuvent prédire le potentiel de fraude dans les demandes de remboursement médicales en fonction des données dans les demandes et dans les dossiers de santé électroniques. Le document D8 explique que les réseaux neuronaux artificiels utilisent le profilage des données, des modèles analytiques avancés et un classement pour comprendre les caractéristiques et les motifs dans les comportements légitimes et illégitimes liés aux demandes de remboursement. Au fil du temps, ces réseaux sont devenus plus intelligents et justes dans leur détection des demandes frauduleuses.

La décision finale, à la page 2, identifie la personne versée dans l’art à la lumière des enseignements de la description :

À la lumière des énoncés dans la description (présente description, page 1), la personne versée dans l’art visée par la demande, personne qui peut être une équipe de personnes, est qualifiée dans le domaine de la planification médicale et, en particulier, le traitement des demandes de remboursement médicales. La personne versée dans l’art est également qualifiée dans l’art de l’intelligence artificielle.

En ce qui a trait aux connaissances générales courantes, la page 2 de la décision finale indique ce qui suit :

La personne versée dans l’art posséderait les connaissances générales courantes (CGC) suivantes :

flux de travail du traitement, de la gestion, du paiement et du rapprochement des demandes de remboursement médicales (page 1, lignes 15 à 23);

utilisation de l’intelligence artificielle et des réseaux neuronaux dans les applications et les systèmes médicaux (D4 et D5, voir les documents en entier), (D6 – page 3, paragraphe 4; page 4, paragraphe 2). (D7abrégé, page 1814, colonne de droite, paragraphe 1, page 815, B. Neural network et E. Health Sciences).

La réponse à la décision finale n’a pas contesté ces caractérisations, et n’a fait aucun commentaire à leur sujet, de la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes pertinentes. De plus, la réponse à la décision finale n’a proposé aucune considération supplémentaire concernant la personne versée dans l’art ou les connaissances générales courantes pertinentes.

En ce qui a trait à la personne versée dans l’art, compte tenu de la jurisprudence pertinente indiquée ci-dessus et après avoir examiné le mémoire descriptif dans son ensemble, j’estime que la caractérisation de la personne versée dans l’art présentée dans la décision finale est raisonnable. Par exemple, la page 1 de la présente description indique que le domaine de l’invention concerne « des procédés, des systèmes et des appareils pour exécuter un processus décisionnel fondé sur les codes médicaux associé à l’appariement d’un élément médical identifié donné à un ou plusieurs ensembles d’éléments médicaux identifiés connus ou référencés ». De plus, l’objet des revendications au dossier concerne l’exécution d’un processus décisionnel fondé sur les codes médicaux en appariant des identifiants médicaux, de fournisseurs et de patients extraits avec des éléments de référence, appliquant des ensembles de règles pour identifier les codes, générer les seuils contextuels et prendre des décisions pour reclassifier, accepter, refuser ou analyser davantage les codes jusqu’à ce qu’une décision finale soit prise.

En ce qui a trait aux connaissances générales courantes pertinentes, après avoir examiné le mémoire descriptif, ainsi que les documents D4, D5, D7 et D8, mon opinion préliminaire est que les renseignements concernant le traitement des demandes de remboursement médicales et l’utilisation de l’intelligence artificielle et des réseaux neuronaux dans les applications médicales établis dans la décision finale auraient été généralement connus par la personne versée dans l’art définie ci-dessus qui est « suffisamment versée […] dans l’art dont relève le brevet pour être en mesure, techniquement parlant, de comprendre la nature et la description de l’invention » : Whirlpool au par. 53.

De plus, compte tenu des détails limités dans le mémoire descriptif (p. ex. les pages 18 à 28 et la figure 1) concernant la mise en œuvre d’un système informatique pour l’adjudication des demandes de remboursement médicales, j’estime, à titre préliminaire, que la personne versée dans l’art serait en mesure de comprendre et de mettre en œuvre un tel système.

Compte tenu de ce qui précède, je considère, à titre préliminaire, ce qui suit comme des connaissances générales courantes :

  •  

la connaissance des flux de travail du traitement, de la gestion, du paiement et du rapprochement des demandes de remboursement médicales;

  •  

la connaissance des normes de l’industrie et des exigences de conformité associées à la facturation et au traitement des demandes de remboursement pour des services médicaux;

  •  

les connaissances concernant la conception, le fonctionnement et la maintenance des systèmes informatisés utilisés dans le traitement des demandes de remboursement médicales;

  •  

la connaissance des réseaux neuronaux artificiels et des techniques d’apprentissage machine et de la façon de mettre en œuvre des systèmes d’apprentissage continu;

  •  

la connaissance des techniques de profilage de données et des modèles analytiques comme méthode des moindres carrés, Monte Carlo, chaîne de Markov et Dempster-Shafer.

[20] Le Demandeur n’a abordé aucune de ces caractérisations de la personne versée dans l’art et des connaissances générales courantes pertinents dans la réponse à la lettre de révision préliminaire ou lors de l’audience. Par conséquent, j’adopte les caractérisations ci-dessus aux fins de mon analyse.

Les revendications au dossier

[21] La lettre de révision préliminaire, aux pages 9 et 10, résume le contenu des revendications au dossier et exprime mon opinion préliminaire que leur signification et leur portée auraient été claires pour la personne versée dans l’art :

[traduction]

Il y a 27 revendications au dossier. La revendication indépendante 1 vise un système pour exécuter un processus décisionnel fondé sur les codes médicaux, les revendications indépendantes 10 et 22 visent des médias lisibles par ordinateur non transitoires avec des instructions pour exécuter un processus décisionnel fondé sur les codes médicaux et la revendication indépendante 16 vise à un procédé pour exécuter un processus décisionnel fondé sur les codes médicaux. La revendication 1 est illustrative et est libellée comme suit :

1. Un système pour exécuter un processus décisionnel fondé sur les codes médicaux comprenant au moins un processeur, où ledit au moins un processeur est programme pour exécuter :

a. une fonction de processeur de codes médicaux configurée pour apparier au moins un élément médical identifié extrait d’une demande de remboursement comprenant au moins un code médical pour un service médical à un ensemble d’éléments médicaux identifiés de référence;

a. une fonction de processeur de codes de fournisseur médical configurée pour apparier un élément de fournisseur identifié extrait associé à une demande de remboursement à un ensemble d’éléments de fournisseur médical identifiés de référence;

c. une fonction de processeur de codes de patient médical configurée pour apparier un élément de patient médical identifié extrait associé à une demande de remboursement à un ensemble d’éléments de patient identifiés de référence;

d. une fonction de processeur de sélection de codes médicaux configurée pour déterminer et exécuter un ensemble de règles pour l’élément médical identifié extrait et une quantité d’éléments médicaux identifiés de référence pour déterminer une fonction globale d’identification de codes médicaux;

e. une fonction de processeur de seuil de codes médicaux configurée pour générer un seuil en fonction du contexte pour une décision relative aux codes;

f. une fonction de processeur de décisions configurée pour comparer la fonction globale de codes médicaux au seuil en fonction du contexte en comparant itérativement chaque élément médical extrait à l’ensemble d’éléments médicaux identifiés de référence jusqu’à ce qu’un seuil de confiance pour une décision acceptable relative aux codes soit atteint pour déterminer un résultat sélectionné parmi le groupe composé de :

i) exécuter une reclassification automatique;

ii) exécuter une décision d’auto-acceptation;

iii) exécuter un auto-refus;

iv) accumuler et regrouper d’autres éléments médicaux identifiés de référence et répéter les fonctions a) à f) jusqu’à ce qu’une décision f1) à f3) soit générée.

Les revendications indépendantes 10 et 22 au dossier décrivent des médias lisibles par ordinateur non transitoires avec des instructions pour exécuter le processus décisionnel fondé sur les codes médicaux.

La revendication indépendante 16 au dossier décrit un procédé pour exécuter un processus décisionnel fondé sur les codes médicaux.

Les revendications dépendantes au dossier introduisent des systèmes analytiques pour l’analyse contextuelle et le processus décisionnel, intégrant des techniques comme la méthode des moindres carrés et l’échantillonnage de Monte Carlo et des fonctionnalités comme le classement regroupé, la rétroaction des utilisateurs et le traitement de grands ensembles de vecteurs de caractéristiques avec des seuils probabilistes pour les données incomplètes.

Signification des termes

Comme il est indiqué ci-dessus, l’interprétation téléologique est effectuée du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière de ses connaissances générales courantes pertinentes et comporte l’interprétation de la signification des termes d’une revendication.

Il n’y a aucune indication dans le dossier de la poursuite d’une quelconque question à l’égard du libellé des revendications; par exemple, la signification des termes ou l’ambiguïté des revendications. Les revendications au dossier ne semblent pas inclure de termes que la personne versée dans l’art ne connaîtrait pas à la lumière de ses connaissances générales courantes pertinentes. Mon opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art comprendrait facilement le libellé des revendications et leur signification.

[22] Le Demandeur n’a pas abordé ces caractérisations des revendications au dossier dans la réponse à la lettre de révision préliminaire ou lors de l’audience. Par conséquent, j’adopte les perspectives ci-dessus aux fins de mon analyse.

Éléments essentiels

[23] La lettre de révision préliminaire, à la page 11, indique ce qui suit à l’égard des éléments des revendications que la personne versée dans l’art considérerait comme essentiels :

[traduction]

La page 2 de la décision finale précise, conformément à l’EP2020-04 : « En l’absence d’une indication contraire dans les revendications, tous les éléments des revendications sont considérés comme essentiels. »

Comme je l’ai mentionné précédemment, la question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a une incidence matérielle sur le fonctionnement de l’invention.

En gardant les considérations précédentes à l’esprit, et après avoir examiné le mémoire descriptif dans son ensemble, mon opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art, à la lecture des revendications 1 à 27, ne considérerait pas les étapes individuelles du procédé ou les éléments informatiques comme optionnels ou non essentiels en fonction du libellé des revendications en soi. Pareillement, mon opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art reconnaîtrait que l’utilisation d’un système informatique pour mettre en œuvre les étapes du procédé dans les revendications au dossier ne peut pas être ignorée ou substituée.

Par conséquent, je suis d’accord, à titre préliminaire, avec l’évaluation dans la décision finale et je considère que tous les éléments dans les revendications au dossier sont essentiels.

[24] Le Demandeur n’a fait aucune observation à l’égard de la détermination des éléments essentiels des revendications au dossier dans la réponse à la lettre de révision préliminaire ou lors de l’audience. Par conséquent, j’adopte la caractérisation ci-dessus de tous les éléments des revendications selon laquelle ces éléments sont essentiels aux fins de la présente recommandation.

Les revendications ne visent pas un objet brevetable

[25] À mon avis, les inventions réelles des revendications 1 à 27 au dossier ne définissent pas un objet brevetable.

Contexte juridique

[26] Toute invention brevetable doit correspondre à la définition établie à l’article 2 de la Loi sur les brevets, y compris correspondre à l’une des catégories définies dans celui-ci :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[27] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets prévoit également ce qui suit :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[28] L’EP2020-04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une revendication est un objet brevetable :

Afin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à, ou être moins vaste que, l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[29] La détermination de l’invention réelle est une question pertinente et nécessaire dans l’évaluation de l’objet brevetable : Canada (procureur général) c. Amazon.com Inc, 2011 CAF 328 au par. 42 [Amazon]. Comme l’a énoncé la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Benjamin Moore & Co, 2023 CAF 168 au par. 68 [Benjamin Moore], cette détermination correspond à la déclaration de cette Cour dans Schlumberger Canada Ltd c. Commissaire aux brevets, [1982] 1 CF 845 (CA) à la p 847 [Schlumberger] que l’évaluation d’un objet brevetable comporte la détermination de ce qui a été découvert, selon la demande. L’invention réelle est identifiée dans le contexte de la nouvelle découverte ou des nouvelles connaissances et doit, en bout de compte, satisfaire à « l’exigence du caractère matériel » qui est implicite dans la définition « d’invention » : Amazon aux par. 65 et 66.

[30] Cependant, Amazon au par. 44, avertit « qu’une revendication du brevet puisse être exprimée dans un langage qui soit trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance » et que ce qui semble à première vue être une « réalisation » ou un « procédé » peut en fait être la revendication d’une formule mathématique non brevetable, comme c’était le cas dans Schlumberger.

[31] Cette observation représente la position de la Cour d’appel fédérale dans Amazon concernant l’exigence du caractère matériel. Il existe l’exigence d’une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou un changement discernable. Malgré tout, cette exigence ne peut pas être satisfaite simplement par le fait que l’invention revendiquée a une application pratique : Amazon aux par. 66 et 69. Pour illustrer ce point, Amazon fait référence à Schlumberger, où les revendications « n’ont pas été déclarées valides en raison du fait qu’elles avaient trait à l’utilisation d’un outil matériel, un ordinateur, pour donner une application pratique à la nouvelle formule mathématique » : Amazon au par. 69.

[32] Les questions relatives à l’objet brevetable concernant l’utilisation bien connue d’un ordinateur pour traiter un algorithme, illustrée par Schlumberger, sont soulignées dans les facteurs établis dans l’EP2020-04 qui peuvent être considérés dans l’examen des inventions mises en œuvre par ordinateur, à savoir :

· le simple fait qu’un ordinateur figure parmi les éléments essentiels de l’invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée est un objet brevetable;

· un algorithme en soi est un objet non brevetable abstrait et interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;

· un ordinateur programmé pour traiter simplement l’algorithme abstrait d’une manière bien connue sans plus ne fera pas de l’algorithme un objet brevetable;

· si le traitement d’un algorithme sur l’ordinateur améliore la fonctionnalité de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc ensemble une seule invention réelle qui serait brevetable.

[33] Les facteurs ci-dessus et les préoccupations générales entourant l’utilisation bien connue d’un ordinateur pour traiter de nouveaux algorithmes abstraits peuvent être interprétés comme comportant la considération de la nouveauté ou de l’inventivité. Le droit canadien n’interdit pas la considération de la nouveauté ou de l’inventivité des éléments d’une revendication dans l’évaluation de l’objet brevetable et puise un soutien dans des situations comme celles de Schlumberger où un outil connu, un ordinateur, est utilisé pour donner à une formule mathématique abstraite une application pratique : Benjamin Moore aux par. 69 et 70, faisant référence à Amazon. Ces considérations appuient la détermination de la découverte ou des nouvelles connaissances, le procédé de leur application et l’invention réelle (Benjamin Moore au par. 89) qui, en bout de compte, sont mesurés à l’exigence du caractère matériel.

[34] Comme il est noté dans Benjamin Moore au par. 94 (et exprimé de façon similaire dans Amazon au par. 61), l’exigence du caractère matériel ne sera probablement pas satisfaite sans quelque chose de plus que seulement un instrument bien connu, comme un ordinateur, utilisé pour mettre en œuvre un procédé abstrait. Les facteurs établis ci-dessus de l’EP2020-04 aident à déterminer si quelque chose de plus est présent.

Analyse

[35] La décision finale a déclaré que l’invention réelle des revendications au dossier [traduction] « est considérée comme un algorithme pour exécuter un processus décisionnel fondé sur des codes médicaux, lequel n’a aucune existence physique et ne manifeste pas d’effet ou de changement physique discernable ».

[36] La réponse à la décision finale, aux pages 2 et 3, affirmait que, à la lumière de la décision de la Cour fédérale dans Benjamin Moore & Co c. Canada (Procureur général) 2022 CF 923, le concept d’[traduction] « une invention réelle » qui est distincte d’une interprétation téléologique des revendications n’a absolument aucun fondement dans le droit canadien. La réponse à la décision finale a également évalué les revendications au moyen du test en trois parties établi par la Cour fédérale.

[37] Comme l’a noté le résumé des motifs, la Cour d’appel fédérale dans Benjamin Moore a rejeté et mis de côté le test en trois parties établi par la Cour fédérale. La Cour d’appel fédérale a également ordonné que les demandes Benjamin Moore fassent l’objet d’une nouvelle détermination conformément à la plus récente pratique du Bureau des brevets, sous l’angle des motifs de la Cour d’appel fédérale. La lettre de révision préliminaire a expliqué que, selon mon opinion préliminaire, je considère que les directives établies dans l’EP2020-04, telles qu’appliquées dans la décision finale, demeurent pertinentes et applicables.

[38] La lettre de révision préliminaire, aux pages 17 à 20, a également expliqué pourquoi, selon mon opinion préliminaire, les revendications 1 à 27 au dossier définissent un objet non brevetable qui ne correspond pas aux catégories d’invention définies à l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets :

[traduction]

Après avoir examiné les revendications au dossier, je suis d’accord avec l’évaluation dans la décision finale que l’invention réelle des revendications au dossier est un algorithme pour exécuter un processus décisionnel fondé sur des codes médicaux. En commençant avec la revendication indépendante 1, mon opinion préliminaire est que la revendication établit un système informatique pour mettre en œuvre un procédé où un processeur est programmé pour exécuter les manipulations de données fondées sur des règles suivantes :

Apparier au moins un élément médical identifié extrait d’une demande de remboursement comprenant au moins un code médical pour un service médical à un ensemble d’éléments médicaux identifiés de référence.

Apparier un élément de fournisseur identifié extrait associé à une demande de remboursement à un ensemble d’éléments de fournisseur médical identifiés de référence.

Apparier un élément de patient identifié extrait associé à une demande de remboursement à un ensemble d’éléments de patient médical identifiés de référence.

Déterminer et exécuter un ensemble de règles pour l’élément médical identifié extrait et une quantité d’éléments médicaux identifiés de référence pour déterminer une fonction globale d’identification de codes médicaux.

Générer un seuil en fonction du contexte pour une décision relative aux codes.

Comparer la fonction globale de codes médicaux au seuil en fonction du contexte en comparant itérativement chaque élément médical extrait à l’ensemble d’éléments médicaux identifiés de référence jusqu’à ce qu’un seuil de confiance pour une décision acceptable relative aux codes soit atteint pour déterminer un résultat sélectionné parmi le groupe composé de :

i) une reclassification automatique;

ii) une décision d’auto-acceptation;

iii) un auto-refus;

iv) accumuler et regrouper d’autres éléments médicaux identifiés de référence et répéter les étapes ci-dessus jusqu’à ce qu’une décision i) à iii) soit obtenue.

Selon les pages 2 et 3 de la description, le système ci-dessus vise à automatiser l’examen et le traitement des demandes de remboursement médicales, remplaçant l’analyse et la prise de décisions par des humains. Il génère également des mesures pour détecter et signaler les paiements inappropriés et emploie un apprentissage machine continu pour améliorer sa précision et son efficacité au fil du temps.

La description à la page 29, avec référence à la figure 1, décrit un système informatique utilisé pour exécuter un processus décisionnel fondé sur des codes médicaux. Elle décrit les éléments informatiques génériques pour le transfert de données, la migration et la conversion des anciennes données. Les écrans d’interface utilisateur graphique génériques sont également abordés pour la gestion des schémas de données et la supervision de la conversion des données.

Selon mon opinion préliminaire, la revendication 1 établit une série d’étapes de manipulation et d’analyse de données formant un algorithme d’adjudication des demandes de remboursement médicales, cette série d’étapes étant mise en œuvre au moyen d’un système de traitement informatique générique. Rien dans la revendication 1 ou dans le reste du mémoire descriptif ne suggère que les moyens de traitement des entrées et des données associés au système d’adjudication des demandes de remboursement médicales électroniques sont autre chose que la saisie et le traitement générique bien connus des données en fonction d’un algorithme, dans ce cas-ci un algorithme d’adjudication des demandes de remboursement médicales.

De plus, comme le note la décision finale, il n’y a aucune preuve que le fonctionnement de l’ordinateur est amélioré par le traitement de l’algorithme d’adjudication des demandes de remboursement médicales. Il n’y a aucune indication dans le mémoire descriptif que le fonctionnement de l’ordinateur est en fait amélioré par les étapes revendiquées. Plutôt, cet apprentissage adaptatif aide à mettre au point les règles et les seuils appliqués au cours du processus d’adjudication, assurant des résultats plus justes au fil du temps.

Cette opinion est conforme aux enseignements de la description, lesquels indiquent que l’attention est portée sur l’amélioration du processus d’adjudication des demandes de remboursement médicales plutôt que le fonctionnement général du système informatique. Il n’y a aucune suggestion que le changement des règles pour l’adjudication des demandes de remboursement médicales surmonte des défis ou comble des lacunes dans le fonctionnement ou le rendement du système informatique au-delà de l’exécution de ces règles et de ces processus. Plus particulièrement, il n’y a aucune indication que changer les règles de traitement des demandes de remboursement médicales cible des questions comme l’utilisation de la mémoire ou la vitesse de calcul générale dans un contexte informatique général.

Le procédé contextuel itératif utilisé pour optimiser le niveau de confiance de l’exactitude jusqu’à ce qu’un seuil de décision de code acceptable soit atteint entraîne des améliorations particulières à l’efficacité et à la justesse du processus d’adjudication des demandes de remboursement médicales. Cependant, cela ne change pas ou n’améliore pas les caractéristiques fondamentales de la vitesse ou du rendement de l’ordinateur dans un contexte général. Selon mon opinion préliminaire, le système informatique générique traite l’algorithme d’une manière bien connue, exécutant les instructions fournies par l’algorithme d’adjudication des demandes de remboursement médicales sans améliorer le fonctionnement du système informatique.

Comme il est énoncé dans Benjamin Moore au par. 94, « si la seule nouvelle connaissance consiste en la méthode en soi, c’est cette méthode qui constitue l’objet brevetable. Toutefois, si la nouvelle connaissance se limite au recours à un outil connu (livre ou ordinateur) comme moyen d’application pratique de la méthode, elle ne sera pas visée par la définition prévue à l’article 2 à moins de présenter une autre composante qui respecte les exigences énoncées au paragraphe 66 de l’arrêt Amazon ». Dans ce cas-ci, les éléments informatiques tels que revendiqués sont simplement utilisés pour exécuter le type de manipulations de données génériques pour lequel ils sont reconnus : voir Schlumberger. Il n’y a rien dans la revendication 1 au dossier pour suggérer que les éléments informatiques sont utilisés au-delà des opérations de traitement de données génériques bien connues. Par conséquent, mon opinion préliminaire et que la « nouvelle connaissance » ou la « découverte » ne comprend pas la mise en œuvre par ordinateur et les éléments informatiques ne font pas partie de l’invention réelle.

Mon opinion préliminaire est que l’invention réelle de la revendication 1 se limite à un algorithme abstrait pour l’adjudication des demandes de remboursement médicales. Cet algorithme comprend des étapes pour les manipulations et les analyses de données fondées sur des règles pour déterminer s’il faut reclassifier, accepter ou refuser un code médical. Il s’ensuit que l’invention réelle, la nouvelle connaissance ou la découverte de la revendication 1 vise une idée abstraite qui ne satisfait pas à l’exigence du caractère matériel établi dans Amazon et l’EP2020-04.

Dans le même ordre d’idées, les revendications indépendantes 10 et 22 au dossier, lesquelles décrivent des médias lisibles par ordinateur non transitoires avec des instructions pour exécuter l’adjudication des demandes de remboursement médicales, et la revendication indépendante 16, laquelle décrit un procédé pour exécuter l’adjudication des demandes de remboursement médicales, visent des inventions réelles composées de manipulations et d’analyses de données abstraites.

De plus, mon opinion préliminaire est que les caractéristiques supplémentaires formulées dans les revendications dépendantes au dossier, comme les systèmes analytiques pour le processus décisionnel, intégrant des techniques comme la méthode des moindres carrés et l’échantillonnage de Monte Carlo et des fonctionnalités comme le classement regroupé, la rétroaction des utilisateurs et le traitement de grands ensembles de vecteurs de caractéristiques avec des seuils probabilistes pour les données incomplètes, représentent des variations dans les paramètres des algorithmes pour l’adjudication des demandes de remboursement médicales. Ces variations ne changent pas la nature des inventions réelles. Par conséquent, mon opinion préliminaire est que les revendications dépendantes n’ajoutent aucune caractéristique qui satisferait à l’exigence du caractère matériel et rendrait les revendications brevetables.

À la lumière de ce qui précède, mon opinion préliminaire est que les inventions réelles des revendications 1 à 27 au dossier visent une série de manipulations et de règles de données abstraites qui n’ont aucune existence physique et ne correspondent à aucune catégorie d’invention à l’article 2 de la Loi sur les brevets. De plus, puisque les opérations et les règles relatives aux données abstraites sont en quelque sorte « de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques », elles sont également interdites de la brevetabilité par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[39] Le Demandeur n’a pas abordé mon analyse préliminaire de l’objet brevetable dans la réponse à la lettre de révision préliminaire ou lors de l’audience. Par conséquent, j’adopte les raisons ci-dessus. Les inventions réelles des revendications 1 à 27 au dossier visent une série de manipulations et de règles de données abstraites qui n’ont aucune existence physique et ne correspondent à aucune catégorie d’invention à l’article 2 de la Loi sur les brevets. De plus, puisque les opérations et les règles relatives aux données abstraites sont en quelque sorte « de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques », elles sont également interdites de la brevetabilité par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Erreurs administratives

[40] Comme il est expliqué à la page 20 de la lettre de révision préliminaire, à la revendication 1, dans les sous-étapes sous l’étape f, des chiffres romains (i à iv) sont utilisés, mais à la sous-étape iv), des chiffres arabes (f1 à f3) sont utilisés. Un format de chiffres uniforme doit être utilisé.

Revendications proposées

[41] À mon avis, les revendications proposées ne sont pas une modification nécessaire puisqu’elles ne rendent pas la demande acceptable.

Contexte juridique

[42] Selon le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, une demande qui a été refusée dans une décision finale peut seulement être modifiée si le commissaire informe le Demandeur que certaines modifications sont nécessaires pour rendre la demande acceptable :

Si, au terme de sa révision d’une demande de brevet refusée, le commissaire a des motifs raisonnables de croire que la demande n’est pas conforme à la Loi ou aux présentes règles et que des modifications sont nécessaires pour que la demande soit jugée acceptable, il informe, par avis, le demandeur que ces modifications doivent être apportées au plus tard trois mois après la date de l’avis.

Analyse

[43] Avec la réponse à la lettre de révision préliminaire, le Demandeur a soumis les revendications proposées 1 à 27. Selon la page 2 de la réponse à la lettre de révision préliminaire, la revendication proposée 1 a été modifiée pour indiquer que le processus décisionnel fondé sur les codes médicaux est [traduction] « exécuté par un système fondé sur l’intelligence artificielle (IA) utilisant une logique de calcul neuronal» et comprend également [traduction] « une interface utilisateur configurée pour recevoir les données de patient auto-surveillées qui sont utilisées pour déterminer également si une décision acceptable relative au code est obtenue ». Les revendications proposées 10, 16 et 22 ont été modifiées d’une manière semblable à la revendication proposée 1.

[44] De plus, la revendication proposée 1 a été modifiée pour corriger les erreurs administratives indiquées à la revendication 1 au dossier.

Objet brevetable

[45] Selon la page 2 de la réponse à la lettre de révision préliminaire, les revendications proposées définissent un objet brevetable, puisque les modifications proposées aux revendications indépendantes ont une existence physique et démontrent des effets physiques :

[traduction]

[soulignement dans l’original] La revendication modifiée proposée 1 vise « Un système pour exécuter un processus décisionnel fondé sur des codes médicaux par un système fondé sur l’intelligence artificielle (IA) en utilisant la logique de calcul neuronal comprenant au moins un processeur ». L’élément correspondant a été retiré de la revendication modifiée proposée 2. Le système fondé sur l’IA est un appareil physique comportant un processeur informatique et n’est pas un élément informatique générique.

La revendication 1 a également été modifiée pour ajouter au système revendiqué « une interface utilisateur configurée pour recevoir les données de patient auto-surveillées qui sont utilisées pour déterminer également si une décision acceptable relative au code est obtenue ». Des modifications semblables [ont] également été apportées aux revendications indépendantes 10, 16 et 22. Les modifications sont appuyées par la description originale, de la page 19, ligne 24, à la page 20, ligne 2, laquelle indique ce qui suit :

« Le système peut également comprendre une interface utilisateur configurée pour accepter la rétroaction humaine afin d’améliorer l’apprentissage du système automatisé […] De plus, la rétroaction humaine des patients concernant l’auto-surveillance peut être utilisée pour améliorer le niveau de référence de la personne audelà de la norme généralisée établie par le dossier historique ».

Voir également la page 3, lignes 20 à 24, où il est indiqué « les niveaux de référence et la mise à jour dynamique de ces niveaux de référence [sont utilisés] pour déterminer si un code médical donné est exact ».

Une interface utilisateur telle que recitée dans les revendications modifiées comprend les éléments physiques avec lesquels un utilisateur interagit physiquement avec. Le demandeur observe que le système fondé sur l’intelligence artificielle (IA) revendiqué qui comprend une interface utilisateur physique qui est essentielle pour permettre la rétroaction humaine par l’interaction physique d’un utilisateur avec le système a clairement une existence physique et démontre des effets physiques et n’est clairement pas semblable à un « simple principe scientifique ou une conception théorique ». Pour à tout le moins cette raison, il est observé que l’invention par les revendications modifiées proposées [récite] un objet brevetable.

[46] Respectueusement, je ne suis pas d’accord que les revendications proposées définissent un objet brevetable. J’estime que les modifications proposées ne transforment pas la nature abstraite sous-jacente des revendications. Les inventions réelles demeurent la série de manipulations et de règles de données abstraites associées à l’adjudication des demandes de remboursement médicales.

Système fondé sur l’intelligence artificielle utilisant une logique de calcul neuronal

[47] Bien que les revendications proposées fassent référence à un [traduction] « système fondé sur l’IA utilisant une logique de calcul neuronal », les étapes de traitement décrites demeurent les mêmes que celles établies dans les revendications au dossier. Ces étapes, comme l’appariement d’éléments extraits à des éléments de référence, l’application de règles et la prise de décisions fondée sur des seuils, sont des processus standards de manipulation de données qui peuvent être exécutés par tout système informatique à usage général. Il n’y a aucune indication dans les revendications proposées ou le mémoire descriptif que le système revendiqué introduit quoi que ce soit de plus que la saisie, le traitement et l’analyse de routine des données pour l’adjudication des demandes de remboursement médicales.

[48] Bien que les revendications proposées introduisent la terminologie de l’IA, la logique de calcul neuronal met simplement en œuvre l’algorithme d’adjudication des demandes de remboursement médicales existant sans changer la nature du système informatique lui-même. Comme décrit, l’algorithme d’IA met au point le processus d’adjudication des demandes de remboursement médicales, mais dans ce cas-ci l’algorithme se concentre sur l’amélioration de la précision des résultats plutôt que le rendement ou l’efficacité de l’ordinateur. Comme il a été observé précédemment à l’égard des revendications au dossier, le mémoire descriptif n’aborde pas les améliorations aux aspects techniques comme l’utilisation de la mémoire, la vitesse de traitement ou l’efficacité de calcul, indiquant que le système fondé sur l’IA utilisant une logique de calcul neuronal fait toujours partie du traitement de données de routine.

[49] Le système exécute les tâches de traitement de données standards au moyen d’un algorithme fondé sur l’IA pour l’adjudication des demandes de remboursement médicales. Cependant, il n’y a aucune utilisation nouvelle ou non conventionnelle du matériel informatique lui-même ou une quelconque amélioration démontrée de la fonctionnalité ou de l’efficacité du processeur ou du système informatique. La simple inclusion de la terminologie de l’IA et des réseaux neuronaux ne porte pas le système au-delà d’un outil de traitement de données générique.

[50] Sans preuve d’une amélioration particulière du fonctionnement du système, le système demeure un système informatique générique exécutant une idée abstraite. Par conséquent, il ne fait pas partie des inventions réelles des revendications proposées et n’aide pas les inventions réelles à satisfaire à l’exigence du caractère matériel de l’article 2 de la Loi sur les brevets ou à éviter l’interdiction du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Interface utilisateur configurée pour recevoir des données de patient auto-surveillées

[51] Dans le même ordre d’idées, la référence à une interface utilisateur pour recevoir des données de patient auto-surveillées ne change pas la nature abstraite des revendications proposées. Les revendications proposées continuent de concerner la manipulation et le traitement de données pour l’adjudication des demandes de remboursement médicales et l’ajout d’une interface physique ne change pas ce fait. L’interface utilisateur est simplement utilisée pour saisir des données, lesquelles sont ensuite traitées par le même algorithme sous-jacent d’adjudication des demandes de remboursement médicales. Bien que cette interaction comporte un appareil physique, cela n’aborde pas les améliorations apportées aux aspects techniques comme l’utilisation de la mémoire, la vitesse de traitement ou d’autres aspects techniques du fonctionnement de l’ordinateur.

[52] Bien que les revendications proposées utilisent des données propres aux patients pour mettre au point le processus décisionnel fondé sur les codes médicaux, les inventions réelles demeurent une idée abstraite, semblable à des manipulations de données fondées sur des règles, laquelle ajuste simplement la façon dont les données saisies sont interprétées. La saisie de données de la rétroaction des patients est simplement un autre point de données utilisé dans le processus décisionnel sans influencer la façon dont le système fonctionne. La mise au point des résultats de l’adjudication des demandes de remboursement médicales fondés sur les données d’auto-surveillance dépend toujours du même procédé abstrait, sans aucune amélioration de la fonctionnalité du système informatique.

[53] L’interface utilisateur configurée pour recevoir des données de patient auto-surveillées demeure un appareil d’entrée générique. Elle permet de saisir des renseignements supplémentaires dans l’algorithme, mais ne modifie pas la façon dont le système informatique fonctionne. Le rôle de l’interface utilisateur est limité à la saisie de données et son inclusion ne porte pas le système au-delà du traitement abstrait de renseignements.

[54] Sans preuve d’une amélioration particulière du fonctionnement de l’ordinateur, l’interface demeure un mécanisme d’entrée générique. Par conséquent, il ne fait pas partie des inventions réelles des revendications proposées et n’aide pas les inventions réelles à satisfaire à l’exigence du caractère matériel de l’article 2 de la Loi sur les brevets ou à éviter l’interdiction du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[55] De plus, mon analyse et mes conclusions concernant l’objet non brevetable des revendications 1 à 27 au dossier s’appliquent également aux revendications proposées. Par conséquent, j’estime que les inventions réelles des revendications proposées 1 à 27 visent une série de manipulations et de règles de données abstraites qui n’ont aucune existence physique et ne correspondraient à aucune catégorie d’invention à l’article 2 de la Loi sur les brevets. De plus, puisque les opérations et les règles relatives aux données abstraites sont en quelque sorte « de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques », elles seraient également interdites de la brevetabilité par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Erreurs administratives

[56] La revendication proposée 1 a été modifiée pour faire référence à [traduction] « f(i) à f(iii) ».

[57] Je suis d’accord que la modification proposée corrige l’erreur administrative avec le format des chiffres dans la revendication 1 au dossier.

Conclusion concernant les revendications proposées

[58] Compte tenu de ce qui précède, les revendications proposées ne rendent pas la demande acceptable et, par conséquent, elles ne peuvent pas être des modifications nécessaires en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[59] À la lumière de ce qui précède, je recommande que la demande soit rejetée pour les motifs suivants :

· les revendications 1 à 27 au dossier englobent un objet qui ne correspond pas à la définition d’« invention » et qui n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

· les revendications 1 à 27 définissent un objet interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Christine Teixeira

Membre

 

 

 


 

Décision du commissaire

[60] Je souscris aux conclusions de la Commission d’appel des brevets et à sa recommandation de rejeter la demande pour les motifs suivants :

· les revendications 1 à 27 au dossier englobent un objet qui ne correspond pas à la définition d’« invention » et qui n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

· les revendications 1 à 27 définissent un objet interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[61] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Konstantinos Georgaras

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec)
ce 18e jour d’ octobre 2024.

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