Brevets

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Référence : Cantor Index LLC (Re), 2024 CACB 9

Décision du commissaire no 1668

Commissioner’s Decision #1668

Date : 2024-05-15

SUJET :

A20

B00

J00

O00

Demande de brevet—Double brevet

Revendications—Caractère ambigu or indéfini (incomplet)

Objet des demandes—Signification de la technique

Évidence

 

 

 

TOPIC:

A20

B00

J00

O00

Application for Patent—Double patenting

Claims—Ambiguity or Indefiniteness (incomplete)

Subject Matter of Applications—Meaning of Art

Obviousness

Demande no 2 558 675
Application No. 2558675


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96–423) (« anciennes règles »), la demande de brevet numéro 2 558 675 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019–251) (« Règles sur les brevets »). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

Kirby Eades Gale Baker

300–55, rue Murray

Ottawa (Ontario) K1N 5M3

 


 

Introduction

[1] La présente recommandation porte sur la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 558 675 intitulée « TRAITEMENT GRAPHIQUE INFORMATIQUE ET SYSTÈME D’AFFICHAGE D’INFORMATION DE MISE POUR LES INDICATEURS DE MARCHÉ FINANCIER DYNAMIQUES » et qui appartient à CANTOR INDEX LLC (le « Demandeur »). La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci‑dessous, la Commission recommande au commissaire aux brevets de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[2] La demande de brevet canadien no 2 558 675, fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, a une date de dépôt du 4 mars 2005 et est devenue accessible au public le 6 octobre 2005.

[3] La demande en instance concerne un procédé d’affichage d’une possibilité de miser. Plus particulièrement, le procédé comprend l’affichage d’une ligne de mise du marché, une ligne de mise élevée, une ligne de mise basse et deux icônes de mise associées à chacune de la ligne de mise du marché, de la ligne de mise élevée et de la ligne de mise basse.

Historique de la poursuite

[4] Le 10 octobre 2017, une décision finale (« DF ») a été rendue en vertu du paragraphe 30(3) des anciennes règles. La DF indiquait que la demande est irrégulière au motif que les revendications 1 à 21 au dossier visent un objet non brevetable qui ne correspond pas à la définition d’« invention » et ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets et que les revendications 1 à 21 au dossier auraient été évidentes et qu’elles ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[5] Le 8 avril 2019, une réponse à la DF (« RDF ») a été déposée par le Demandeur. Dans la RDF, le Demandeur présentait un nouvel ensemble de revendications 1 à 19 (l’« ensemble de revendications proposées 1 ») et affirmait que les revendications étaient conformes à la Loi sur les brevets.

[6] Puisque l’analyse de l’objet dans la DF était fondée sur une pratique du Bureau antérieure, l’examinateur a réévalué l’objet revendiqué à la lumière de la pratique du Bureau mise à jour conformément à « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020–04] dans un résumé des motifs (« RM »). Subséquemment, le RM a conclu que les revendications au dossier et l’ensemble de revendications proposées 1 ne visent pas un objet brevetable et ne sont pas conformes à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. De plus, le RM estimait que l’ensemble de revendications proposées 1 ne corrigerait pas l’irrégularité relative à l’évidence dans les revendications au dossier. Par conséquent, la demande a été transmise à la Commission le 26 mars 2021 aux fins de révision pour le compte du commissaire aux brevets.

[7] Le 31 mars 2021, la Commission a transmis une copie du RM au Demandeur et lui a demandé de confirmer qu’il souhaitait toujours la révision de la demande.

[8] Dans une réponse au RM datée du 4 janvier 2022 (« RRM »), le Demandeur a confirmé qu’il souhaitait toujours que l’on procède à une révision de la demande. Dans la RRM, le Demandeur a soumis un deuxième ensemble de revendications proposées 1 à 19 (l’« ensemble de revendications proposées 2 ») dans un effort visant à corriger les irrégularités soulevées dans le RM.

[9] Dans une lettre de révision préliminaire datée du 22 janvier 2024 (la « lettre de RP »), le Comité soussigné (le « Comité ») a présenté son analyse et sa justification préliminaires, y compris un avis en vertu du paragraphe 86(9) des Règles sur les brevets et l’identification d’autres irrégularités. En bref, la lettre de RP estime, à titre préliminaire, ce qui suit :

  • les revendications 1 à 21 au dossier visent un objet non brevetable et ne sont pas conformes à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;
  • les revendications 1 à 21 au dossier n’auraient pas été évidentes et sont conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;
  • la revendication 1 au dossier est imprécise et n’est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets;
  • les revendications 2, 3, 12, 13 et 21 au dossier ne sont pas distinctes sur le plan de la brevetabilité des revendications 30 et 35 du brevet canadien 2 661 630 C (le « brevet 630 ») et sont donc irrégulières en raison du double-brevet relatif à l’évidence;
  • l’ensemble de revendications proposées 2 comporte les irrégularités de l’objet non brevetable et du caractère indéfini et ne peut pas être considéré comme une modification « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

[10] La lettre de RP offrait également au Demandeur la possibilité de présenter des observations écrites et de participer à une audience.

[11] Dans une lettre datée du 1er février 2024, le Demandeur a indiqué qu’il ne souhaitait pas procéder avec l’audience.

[12] Aucune autre observation n’a été reçue.

questions

[13] La présente révision porte sur les questions suivantes :

  • si les revendications 1 à 21 au dossier visent un objet brevetable et sont conformes à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;
  • si les revendications 1 à 21 au dossier sont non évidentes, comme l’exige l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;
  • si la revendication 1 au dossier est définie, comme l’exige le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets;
  • si les revendications 2, 3, 12, 13 et 21 au dossier sont distinctes sur le plan de la brevetabilité des revendications du brevet 630;
  • si l’ensemble de revendications proposées 2, qui remplace l’ensemble de revendications proposées 1, corrige les irrégularités des revendications au dossier et constitue des modifications nécessaires aux fins de la conformité avec la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets.

Interprétation téléologique

Principes juridiques

[14] L’interprétation téléologique précède toute évaluation de la validité (Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, au par. 19 [Free World Trust]).

[15] Conformément à Free World Trust et Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est menée à partir du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes, tenant compte de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[16] L’énoncé de pratique EP2020–04 note que tous les éléments dans une revendication sont présumés être un élément essentiel, à moins qu’une telle présomption soit contraire au libellé de la revendication ou que le contraire soit établi (voir également Free World Trust, au par. 57, Distrimedic Inc c. Dispill Inc, 2013 CF 1043, au par. 201).

Analyse

La personne versée dans l’art et ses CGC pertinentes

[17] La lettre de RP a adopté les caractérisations de la personne versée dans l’art et de ses CGC de la DF :

[traduction]

Caractériser la personne versée dans l’art

La personne versée dans l’art est considérée comme étant une personne ou une équipe composée d’un ou plusieurs chercheurs en informatique et professionnels de la TI qui ont l’éducation et l’expérience pertinentes dans la conception, la programmation et la mise en œuvre de systèmes de paris ou de jeux, ainsi que des investisseurs ou des courtiers qui connaissent les marchés boursiers.

Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

La personne versée dans l’art posséderait des connaissances comme l’envoi et la réception de données par un serveur ou un réseau, la conception et la mise en œuvre d’interface utilisateur graphique, la consultation et le stockage de données au moyen d’une base de données ou d’une mémoire et des connaissances statistiques concernant l’industrie du jeu et le marché boursier. De plus, des connaissances générales sur les paris comme la façon de faire un pari élevé ou un pari bas sont également considérées comme des connaissances générales courantes.

[18] En l’absence d’autres observations de la part du Demandeur concernant l’interprétation téléologique, nous adoptons les caractérisations ci-dessus de la personne versée dans l’art et des CGC pertinentes.

Les éléments essentiels

[19] Il y a 21 revendications dans les revendications au dossier, y compris les revendications indépendantes 1, 2, 12 et 21 et les revendications dépendantes 3 à 11 et 13 à 20.

[20] La revendication 2 est représentative des revendications indépendantes et est libellée comme suit :

[traduction]

2. Un appareil pour afficher une possibilité de miser, comprenant :

au moins un processeur;

une mémoire qui stocke des instructions qui, lorsqu’elles sont exécutées par ledit processeur, font que ledit processeur exécute une méthode comprenant :

recevoir une première demande d’un premier utilisateur sur des renseignements de mises;

selon cette première demande, entraîner un premier écran d’interface graphique à s’afficher à une première interface graphique, la première interface graphique comprenant :

une première ligne de mise du marché ayant une valeur affichée qui correspond à une valeur marchande en cours d’un indicateur de marché financier à un premier moment;

une première ligne de mise élevée ayant une valeur affichée qui correspond à un montant supérieur à la valeur marchande en cours de l’indicateur de marché financier audit premier moment, la valeur affichée de la première ligne de mise élevée indiquant une valeur qui forme le fondement pour une mise;

une première ligne de mise basse ayant une valeur affichée qui correspond à un montant inférieur à la valeur marchande en cours de l’indicateur de marché financier audit premier moment, la valeur affichée de la première ligne de mise basse indiquant une valeur qui forme le fondement pour une mise;

où chacune des lignes de mise du marché, élevée et basse est disposée dans l’espace sur l’écran d’interface selon au moins les valeurs respectives de chacune des lignes de manière à ce que la ligne du marché, la ligne élevée et la ligne basse soient disposées en séquence dans l’ordre croissant de la valeur du bas de l’écran d’interface au haut de l’écran d’interface;

pour chacune des premières lignes de mise du marché, élevée et basse, une première et une deuxième icônes associées à la ligne de mise respective; les première et deuxième icônes pour chacune des premières lignes de mise étant affichées simultanément sur l’écran d’interface;

dans laquelle la première icône associée à chaque ligne de mise peut être sélectionnée pour soumettre une demande de mise à la hausse pour parier que, à un moment désigné après ledit premier moment, l’indicateur de marché financier aura une valeur qui est supérieure à la valeur affichée de la ligne de mise respective et où la deuxième icône associée à chaque ligne de mise peut être sélectionnée pour soumettre une demande de mise à la baisse pour parier que, au moment désigné, l’indicateur de marché financier aura une valeur qui est inférieure à la valeur affichée de la ligne de mise respective; et

les premières probabilités de mise respectives associées à chacune des première et deuxième icônes pour chacune des lignes de mise; et

recevoir une première mise du premier utilisateur, où l’acte de recevoir la première mise comporte la réception d’une sélection d’une des première et deuxième icônes associées à l’une des lignes de mise, la première mise ayant les probabilités associées avec l’icône sélectionnée respective.

[21] Les revendications indépendantes 1, 12 et 21 au dossier définissent respectivement un appareil, un procédé et un média lisible par ordinateur stockant des instructions. Chacune de ces revendications partage des caractéristiques semblables avec la revendication 2. De plus, la revendication 1 au dossier comporte des caractéristiques d’un deuxième utilisateur utilisant l’interface graphique pour faire des mises, recevant des renseignements du marché mis à jour et rafraîchissant l’écran d’interface graphique en conséquence et transmettant les résultats des mises. Les revendications dépendantes définissent d’autres caractéristiques ayant trait au procédé et à l’appareil pour afficher une possibilité de miser.

[22] Comme il est expliqué dans la lettre de RP, selon l’EP2020–04, dans « l’exécution de cette détermination des éléments essentiels et non essentiels, tous les éléments établis dans une revendication sont présumés être un élément essentiel, à moins qu’il n’en soit établi autrement ou que ce soit contraire au libellé employé dans la revendication ». Compte tenu de l’ensemble du mémoire descriptif, nous estimons que la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a aucun langage dans les revendications qui indique qu’un des éléments est optionnel ou est autrement non essentiel. Par conséquent, nous présumons que tous les éléments revendiqués sont essentiels.

Objet brevetable

Principes juridiques

[23] Toute invention brevetable doit correspondre à la définition établie à l’article 2 de la Loi sur les brevets, y compris à l’une des catégories définies dans celui-ci :

« invention » toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[24] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets prévoit également ce qui suit :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[25] L’EP2020–04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une revendication est un objet brevetable :

Afin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[26] La détermination de l’invention réelle est une question pertinente et nécessaire dans l’évaluation de l’objet brevetable (Canada (Procureur général) c. Amazon.com, Inc, 2011 CAF 328, au par. 42 [Amazon]). Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Benjamin Moore & Co, 2023 CAF 168, au par. 68 [Benjamin Moore], cette détermination correspond à la déclaration de la Cour dans Schlumberger Canada Ltd c. Le commissaire des brevets, [1982] 1 CF 845 (CA) [Schlumberger] qu’une évaluation de l’objet brevetable comporte la détermination de ce qui a été découvert selon la demande. L’invention réelle est déterminée dans le contexte d’une découverte ou nouvelle connaissance et doit satisfaire en bout de compte « l’exigence du caractère matériel » qui est implicite à la définition d’« invention » (Amazon, aux par. 65 et 66).

[27] Amazon, au par. 44, nous indique qu’une « revendication du brevet [peut] être exprimée dans un langage qui [est] trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance » et que ce qui semble à première vue être une « réalisation » ou un « procédé » peut en fait être la revendication d’une formule mathématique non brevetable, comme c’était le cas dans Schlumberger.

[28] Cette opinion est exprimée dans la position de la Cour dans Amazon que la présence d’une application pratique n’est peut-être pas, dans certains cas, suffisante pour satisfaire à l’exigence du caractère matériel, lequel exige quelque chose avec une présence physique ou qui manifeste un effet ou un changement discernable (Amazon aux par. 66 et 69). Pour illustrer ce point, Amazon fait référence à Schlumberger, où les revendications « n’ont pas été déclarées valides en raison du fait qu’elles avaient trait à l’utilisation d’un outil matériel, un ordinateur, pour donner une application pratique à la nouvelle formule mathématique » (Amazon, au par. 69).

[29] Les préoccupations relatives à l’objet brevetable concernant l’utilisation bien connue d’un ordinateur pour traiter un algorithme, illustrées par Schlumberger, sont exprimées dans les facteurs établis dans l’EP2020–04 qui peuvent être considérés dans l’examen des inventions mises en œuvre par ordinateur, nommément :

  • le simple fait qu’un ordinateur figure parmi les éléments essentiels de l’invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée est un objet brevetable;
  • un algorithme en soi est un objet abstrait non brevetable et est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;
  • un ordinateur programmé pour traiter simplement un algorithme abstrait d’une manière bien connue sans en faire plus n’en fera pas un objet brevetable;
  • si le traitement d’un algorithme améliore la fonctionnalité de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc ensemble une seule invention réelle qui sera brevetable.

[30] Les facteurs ci-dessus et les préoccupations générales concernant l’emploi bien connu d’un ordinateur pour traiter de nouveaux algorithmes abstraits peuvent être considérés comme comportant l’évaluation de la nouveauté ou de l’ingéniosité. Le droit canadien n’interdit pas l’évaluation de la nouveauté ou de l’ingéniosité des éléments d’une revendication dans l’évaluation de l’objet brevetable et est appuyé par des situations comme celle de Schlumberger où un outil connu, un ordinateur, est utilisé pour donner à une formule mathématique abstraite une application pratique (Benjamin Moore, aux par. 69 et 70, faisant référence à Amazon). Ces considérations aident avec la détermination de la découverte ou de la nouvelle connaissance, du procédé d’application et de l’invention réelle (Benjamin Moore, au par. 89) qui sont en bout de compte mesurés en fonction de l’exigence du caractère matériel.

[31] Comme il est noté dans Benjamin Moore, au par. 94 (et exprimé de façon similaire dans Amazon, au par. 61), l’exigence du caractère matériel ne sera probablement pas satisfaite sans quelque chose de plus que seulement un instrument bien connu, comme un ordinateur, étant utilisé pour mettre en œuvre un procédé abstrait. Les facteurs établis ci-dessus de l’EP2020–04 aident à déterminer si quelque chose est plus présent.

Analyse

[32] La lettre de RP explique pourquoi nous avons déterminé de façon préliminaire que les revendications 1 à 21 au dossier visent un objet non brevetable.

[traduction]

En ce qui a trait aux caractéristiques dans les revendications au dossier, la RRM (pages 3 et 4) indique ce qui suit :

(1) « Les revendications de la présente demande visent un fonctionnement amélioré d’un système informatique de manière à améliorer l’efficacité de traitement lorsque le système informatique est utilisé pour fournir une possibilité de miser. » Le Demandeur indique également que l’efficacité de traitement est améliorée, car « un profil d’utilisateur personnalisé améliore le délai d’accès d’un utilisateur à son compte » et « un système informatique fonctionne en éliminant la saisie de données inutile de la part de l’utilisateur, augmentant ainsi l’efficacité de traitement des données ».

(2) Les procédés décrits dans les revendications sont « des procédés de fonctionnement d’un système informatique » et donc « toute exigence de caractère matériel est satisfaite ».

Nous abordons en premier lieu l’argument que « toute exigence de caractère matériel est satisfaite » parce qu’un système informatique est utilisé.

Afin de déterminer si les revendications au dossier définissent un objet brevetable, il est nécessaire d’identifier l’invention réelle. Pour les revendications au dossier, notre opinion préliminaire est que l’invention réelle est limitée à des règles abstraites concernant la façon dont des renseignements de mises sont présentés.

Bien que, de façon préliminaire, nous considérons tous les éléments revendiqués, y compris les éléments informatiques, comme essentiels, le simple fait que ces éléments sont des éléments essentiels ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée vise un objet brevetable. Notre opinion préliminaire est que les éléments informatiques ne sont pas considérés comme faisant partie de l’invention réelle.

Tout au long du mémoire descriptif, la demande en instance divulgue seulement un système informatique générique avec des composants conventionnels d’entrée, de sortie, de stockage, de communications et de traitement de données. Comme il est indiqué dans Benjamin Moore, « si la seule nouvelle connaissance consiste en la méthode en soi, c’est cette méthode qui constitue l’objet brevetable. Toutefois, si la nouvelle connaissance se limite au recours à un outil connu (livre ou ordinateur) comme moyen d’application pratique de la méthode, elle ne sera pas visée par la définition prévue à l’article 2 à moins de présenter une autre composante qui respecte les exigences énoncées au paragraphe 66 de l’arrêt Amazon » (par. 94). Pour la demande en instance, les éléments informatiques, tels que revendiqués, sont simplement utilisés pour faire la sorte de calculs génériques et d’opérations de traitement de données pour lesquels ils sont reconnus (voir Schlumberger). Rien dans le mémoire descriptif ne suggère que les éléments informatiques sont utilisés pour une tout autre fin au-delà des opérations de traitement de données génériques bien connues. Par conséquent, notre opinion préliminaire est que la « nouvelle connaissance » ou la « découverte » ne comprend pas la mise en œuvre d’un ordinateur et que les éléments informatiques revendiqués ne font pas partie de l’invention réelle.

Nous abordons maintenant l’argument concernant le « fonctionnement amélioré d’un système informatique » en raison de l’utilisation de profils d’utilisateur personnalisés et l’élimination de la « saisie de données inutiles de la part de l’utilisateur ».

En ce qui a trait les profils d’utilisateur personnalisés, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art comprendrait qu’il s’agit d’une pratique commerciale bien connue à la date pertinente. La mise en œuvre de ces profils n’améliore pas le fonctionnement du système informatique conventionnel que la demande en instance utilise. De plus, les revendications au dossier ne mentionnent pas cette fonctionnalité, ce qui l’exclut de l’invention réelle.

En ce qui a trait à l’utilisation d’une interface graphique pour miser et l’affirmation que cela peut « éliminer la saisie de données inutile de la part de l’utilisateur », la personne versée dans l’art comprendrait que l’utilisation d’une interface graphique pour accepter les commandes de l’utilisateur ne va pas « au-delà des interactions normales d’un programme informatique avec un système ». Le mémoire descriptif divulgue simplement que les icônes peuvent être « sélectionnées » sans enseigner ou suggérer un quelconque moyen nouveau ou non conventionnel pour accepter les commandes de l’utilisateur depuis l’interface graphique. Le moyen d’accepter les commandes de l’utilisateur, dans le cadre du système informatique conventionnel utilisé dans les revendications, ne fonctionne pas au-delà du moyen de saisie de données connu et ne fait pas partie de la « nouvelle connaissance » ou de la « découverte » de l’objet revendiqué.

Nous notons que les revendications 1, 3, 4 et 13 au dossier comportent également la caractéristique de rafraîchissement de l’interface graphique en fonction de renseignements du marché mis à jour. Il est divulgué dans la description que les renseignements de mises peuvent être mis à jour quotidiennement ou « plusieurs fois par jour » en fonction de renseignements du marché mis à jour afin de « fournir de nouvelles possibilités de miser » (pages 9, 10 et 29). Notre opinion préliminaire est que la fonctionnalité de rafraîchissement vise aussi la façon dont les renseignements de mises sont affichés aux utilisateurs. Elle n’entraîne aucune amélioration du système informatique et n’ajoute rien de plus pour satisfaire à l’exigence décrite au paragraphe 66 d’Amazon.

À la lumière de ce qui précède, notre opinion préliminaire est qu’aucune des caractéristiques revendiquées ne comporte une quelconque amélioration du système informatique. Comme il est énoncé dans Benjamin Moore, l’utilisation d’éléments informatiques bien connus pour mettre en œuvre un procédé abstrait sans plus, ne satisferait pas à l’exigence du caractère matériel. Notre opinion préliminaire est que l’invention réelle des revendications au dossier vise un procédé abstrait de présentation de renseignements de mises.

Puisque l’invention réelle se limite à un procédé abstrait de présentation de renseignements de mises, notre opinion préliminaire est que l’objet revendiqué ne vise pas « une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable » (Amazon par. 66). Par conséquent, notre conclusion préliminaire est que les revendications 1 à 21 au dossier visent un objet non brevetable et ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. De plus, puisque les opérations de données et les règles abstraites sont semblables à « un simple principe scientifique ou une conception théorique », les revendications 1 à 21 au dossier sont également interdites en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[33] Le Demandeur n’a pas contesté cette analyse et n’a fait aucun commentaire à cet égard. Nous concluons que les revendications 1 à 21 au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Évidence

Principes juridiques

[34] L’article 28.3 de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué ne soit pas évident :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[35] Dans Apotex Inc c. Sanofi–Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61, au par. 67, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, lorsqu’il s’agit d’évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes reproduite ci‑dessous :

(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »,

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

Analyse

[36] La lettre de RP explique pourquoi nous avons considéré, de façon préliminaire, que les revendications 1 à 21 au dossier n’auraient pas été évidentes pour la personne versée dans l’art.

[traduction]

(1)a) Identifier la personne versée dans l’art

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

La personne versée dans l’art et ses CGC pertinentes ont été définies ci‑dessus sous l’interprétation téléologique.

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

Comme il a été expliqué précédemment, tous les éléments revendiqués sont présumés comme étant essentiels aux fins de cette révision. Par conséquent, nous considérons que tous les éléments des revendications sont représentatifs de leurs idées originales pour l’évaluation du critère de l’évidence.

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation

Les documents suivants ont été cités dans la DF et le RM :

D1 :

US 6 527 270 B2

Maksymec et coll.

4 mars 2003

D2 :

US 6 126 270 B2

Friedman

3 octobre 2000

D3 :

US 6 296 251

Webb

2 octobre 2001

De plus, nous considérons que le document suivant est pertinent. Il a été cité précédemment dans le rapport de recherche internationale.

D4 :

US 2001/0032169 A1

Sireau

18 octobre 2001

Le document D1 divulgue un système de pari où le paiement d’un côté ou l’autre d’un point central augmente au fur et à mesure que le montant des gains ou des pertes diverge du point central. Le document D2 vise un procédé pour parier sur plusieurs événements sportifs qui comportent plusieurs équipes. Le document D3 vise un jeu de Blackjack modifié avec une échelle de paiement variable. Le document D4 vise un système de mise qui permet de miser sur un marché financier.

Nous estimons de façon préliminaire que D4 est l’art antérieur le plus rapproché. Nous avons également évalué les documents D1 à D3.

Le document D4 divulgue ce qui suit :

• miser sur un marché financier, comme miser sur un indice boursier (abrégé, paragraphes [0004] et [0005]);

• mise de marge, laquelle paie un montant proportionnel à la fluctuation du marché (paragraphe [0004]);

• option numérique, laquelle paie un montant d’argent convenu si un certain indice boursier atteint un certain niveau avant un certain moment (paragraphe [0005]);

• le système de mises comprend une machine de traitement central et des terminaux d’utilisateur branchés à la machine de traitement central par des réseaux (figure 1, paragraphes [0041] à [0045]);

• les utilisateurs sont en mesure de miser sur le marché financier au moyen d’un terminal d’utilisateur par une interface graphique, laquelle comprend « un certain nombre de menus ou élément semblable que l’utilisateur peut naviguer pour obtenir des renseignements ou sélectionner des paramètres de mises » (paragraphes [0050], [0090] à [0092]);

• les paramètres de mise comprennent « le montant que l’utilisateur veut miser ou le montant que l’utilisateur veut gagner; ou une ou plusieurs limites ou niveaux cibles (relatifs au rendement du marché) qui établissent un seuil pour le paramètre du marché financier surveillé » (paragraphe [0050]);

• la réception de renseignements du marché mis à jour concernant les indicateurs du marché financier et la détermination de paramètres de mise valides en fonction de l’état actuel du marché (paragraphe [0054]);

• faire des mises à la hausse ou à la baisse quant à savoir si un marché donné sera au-dessus ou en dessous d’un niveau donné (paragraphe [0063]);

• déterminer les prix des mises en fonction de l’état actuel du marché et d’une certaine formule (paragraphes [0073] à [0089]).

Selon notre opinion préliminaire, les différences entre le document D4 et les idées originales des revendications indépendantes sont la disposition particulière de la présentation des renseignements de mises, incluant une ligne du marché, une ligne de mise élevée au-dessus de la ligne du marché, une ligne de mise basse en dessous de la ligne du marché et un ensemble séparé d’une icône de mise à la hausse et d’une icône de mise à la baisse associé à chacune des trois lignes, respectivement.

La DF (pages 8 et 9) indique que le document D1 divulgue toutes les caractéristiques revendiquées de la revendication indépendante 1, à l’exception de la « réception d’une deuxième demande de la part d’un deuxième utilisateur pour des renseignements de mises et, en fonction de la deuxième demande, déclencher et afficher sur une deuxième interface graphique et ainsi de suite, tel que défini dans la revendication 1 ». Plus particulièrement, la DF affirme que le document D1 enseigne la disposition d’affichage au-dessus à la figure 1, à la figure 2, à la colonne 7, lignes 28 à 30, et à la colonne 9, ligne 52 à la colonne 10, ligne 4.

De manière préliminaire, nous ne sommes pas d’accord. D’abord, les figures 1 et 2 sont des graphiques et des tableaux de paiement; les lignes à la figure 1 indiquent les valeurs de multiplication du paiement, pas des lignes de mises. Deuxièmement, bien que la colonne 7 du document D1 mentionne que le système de mises peut être utilisé pour miser sur le marché boursier, rien dans le document D1 ne divulgue une présentation particulière des données de mises comme définie dans les revendications au dossier.

Nous notons qu’aucun des documents D2 et D3 ne divulgue les lignes de mises revendiquées, les icônes et leurs dispositions dans l’affichage.

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

Comme il en a été question ci-dessus à l’étape 3, aucun des documents D1 à D4 ne divulgue ou ne suggère la caractéristique d’afficher une ligne du marché, une ligne de mise élevée au-dessus de la ligne du marché, une ligne de mise basse en dessous de la ligne du marché et un ensemble séparé d’une icône de mise à la hausse et d’une icône de mise à la baisse associé à chacune de la ligne du marché, de la ligne de mise élevée et de la ligne de mise basse.

De plus, notre opinion préliminaire est qu’il n’y a rien dans les CGC qui enseignerait ou suggérerait la présentation graphique revendiquée des lignes de mise et des icônes.

Par conséquent, nous concluons de façon préliminaire que les revendications 1, 2, 12 et 21 n’auraient pas été évidentes compte tenu de l’art antérieur cité et des CGC pertinentes, évalués séparément ou en combinaison, et sont donc conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Puisque les revendications 3 à 11 et 13 à 20 dépendent des revendications 1, 2 et 12, il s’ensuit que ces revendications sont également non évidentes et conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[37] En l’absence d’autres observations de la part du Demandeur, nous concluons que les revendications 1 à 21 au dossier sont conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Caractère indéfini

Principes juridiques

[38] Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent l’objet en termes précis et explicites :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[39] Dans Minerals Separation North American Corp c. Noranda Mines Ltd, [1947] R.C. de l’Éch. 306, 12 CPR 99 à la page 146, la Cour a insisté sur l’obligation faite au demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis :

[traduction]

De par ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Analyse

[40] La lettre de RP considère de façon préliminaire que la revendication 1 au dossier est indéfinie.

[traduction]

Notre opinion préliminaire est que la revendication 1 au dossier est imprécise et n’est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, puisque l’expression « la deuxième fois » (page 35, ligne 9) manque d’antécédent.

[41] En l’absence d’autres observations de la part du Demandeur, nous concluons que la revendication 1 au dossier n’est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Double-brevet

Principes juridiques

[42] Il n’y a aucune disposition qui aborde expressément le double-brevet dans la Loi sur les brevets. Cependant, la Cour suprême du Canada a indiqué que le fondement législatif pour le double-brevet se trouve dans le paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets qui indique, au singulier, qu’un « brevet ne peut être accordé que pour une seule invention » (Whirlpool, au par. 63). Les cours ont également considéré que le double-brevet est un fondement approprié pour permettre au commissaire des brevets de rejeter une demande : Bayer Schering Pharma Aktiengesellschaft c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 275, confirmant 2009 CF 1249.

[43] Dans Whirlpool, la Cour suprême a noté qu’il y a deux volets au critère relatif au double-brevet. Le premier est le double-brevet relatif à la « même invention », ce qui se produit lorsque les revendications d’un premier et d’un deuxième brevets, les deux appartenant à la même partie, sont « identiques » aux unes et aux autres. Le deuxième volet est appelé « double-brevet relatif à l’évidence ». Il s’agit d’un « critère plus souple et moins littéral » que le double-brevet relatif à la même invention qui interdit l’octroi du deuxième brevet à moins que ses revendications visent un « élément brevetable distinct » et font preuve « de nouveauté ou d’ingéniosité » par rapport à celles du premier brevet (Whirlpool aux par. 66 et 67).

[44] Le critère du double-brevet relatif à l’évidence est évalué du point de vue de la personne versée dans l’art, tenant compte des CGC de cette personne. L’analyse compare les revendications dans la demande en instance aux revendications du brevet octroyé et tout autre art antérieur est seulement pertinent dans la mesure qu’il contribue aux CGC de la personne versée dans l’art (Mylan Pharmaceuticals ULC c. Eli Lilly Canada Inc., 2016 CAF 119 aux par. 28 et 29).

Analyse

[45] La lettre de RP a expliqué pourquoi nous avons considéré de façon préliminaire que les revendications 2, 3, 12, 13 et 21 au dossier sont irrégulières en raison du double-brevet relatif à l’évidence :

[traduction]

Le document suivant est considéré comme pertinent pour notre analyse du double-brevet :

D5:

CA 2,661,630 C

Amaitis et coll.

28 février 2008

Selon notre opinion préliminaire, les revendications 2, 12 et 21 au dossier ne sont pas distinctes sur le plan de la brevetabilité de la revendication 30 du document D5. Toutes ces revendications définissent un procédé ou un appareil informatisé pour afficher une possibilité de miser, l’affichage comprenant une ligne de mise du marché, une ligne de mise élevée et une ligne de mise basse. Elles définissent également la réception d’une mise d’un utilisateur en sélectionnant un objet graphique associé à l’une des lignes de mise.

La principale différence entre les caractéristiques revendiquées des revendications 2, 12 et 21 au dossier et de la revendication 30 du document D5 est que les revendications au dossier définissent deux icônes associées à chaque ligne de mise pour soumettre une mise à la hausse et une mise à la baisse, alors que la revendication 30 défini « une pluralité d’objets graphiques pouvant être sélectionnés pour soumettre au moins une d’une demande de mise à la hausse et d’une demande de mise à la baisse » pour chacune des lignes de mise. Selon notre opinion préliminaire, après avoir interprété les deux revendications de façon téléologique en tenant compte de l’ensemble des mémoires descriptifs, la personne versée dans l’art comprendrait que ces caractéristiques ne sont pas distinctes sur le plan de la brevetabilité de l’une et de l’autre. Les expressions « icônes graphiques » et « objets graphiques » font toutes deux référence aux symboles graphiques sur une interface graphique pour la sélection par l’utilisateur et ont la même signification.

Notre opinion préliminaire est également que les revendications 3 et 13 au dossier ne sont pas distinctes sur le plan de la brevetabilité de la revendication 35 du document D5. Ces revendications définissent le rafraîchissement des paramètres de mises affichés en fonction de renseignements du marché mis à jour.

Pour les raisons exposées ci-dessus, notre conclusion préliminaire est que les revendications 2, 3, 12, 13 et 21 ne sont pas distinctes sur le plan de la brevetabilité des revendications 30 et 35 du document D5, respectivement, et sont donc irrégulières en raison du double-brevet relatif à l’évidence.

[46] En l’absence d’autres observations du Demandeur, nous concluons que les revendications 2, 3, 12, 13 et 21 au dossier sont irrégulières en raison du double-brevet relatif à l’évidence.

Ensemble de revendications proposées 2

[47] La lettre de RP a expliqué la raison pour laquelle nous avons considéré, de façon préliminaire, que l’ensemble de revendications proposées 2 ne constitue pas des modifications nécessaires aux fins de la conformité avec la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets.

[traduction]

Comparativement aux revendications au dossier, l’ensemble de revendications proposées 2 comprend les caractéristiques supplémentaires suivantes dans les revendications indépendantes :

a) un appareil d’insertion de cartes d’argent configuré pour recevoir une carte d’argent donné au moyen de laquelle une mise donnée est faite;

b) une indication de l’appareil d’insertion de cartes d’argent d’une carte d’argent pour faire la première mise;

c) une première ligne de mise avec marge et une deuxième ligne de mise avec marge, où la première et la deuxième lignes de mise avec marge dévient de la première ligne de mise du marché de manière à ce que la première ligne de mise avec marge dévie vers le haut par rapport à la première ligne de mise du marché et la deuxième ligne de mise avec marge dévie vers le bas par rapport à la première ligne de mise du marché;

d) la première ligne de mise à la hausse et la première ligne de mise à la baisse sont espacées de la première et de la deuxième lignes de mise avec marge; où les positions respectives de la pluralité de lignes de mise peuvent être déplacées en réponse à un changement d’une valeur en temps réel du prix du marché au cours de la première séance de mises;

e) une troisième ligne de mise avec marge et une quatrième ligne de mise avec marge, où la troisième et la quatrième lignes de mise avec marge dévient de la deuxième ligne de mise du marché de manière à ce que la troisième ligne de mise avec marge dévie vers le haut par rapport à la deuxième ligne de mise du marché et la quatrième ligne de mise avec marge dévie vers le bas par rapport à la deuxième ligne de mise du marché.

Objet brevetable

En ce qui a trait à l’ensemble de revendications proposées 2, la RRP (page 4) affirme ce qui suit :

(1) [Les revendications modifiées fournissent] « une interface d’utilisateur graphique à un appareil informatique de réseau qui peut améliorer la convivialité, l’efficacité et le fonctionnement dynamique en temps réel d’un système de paris électronique et qui comporte des caractéristiques qui ne sont pas bien comprises, routinières ou conventionnelles ».

(2) L’insertion de la carte d’argent à la revendication 1 est « un appareil physique requis qui ne peut pas être abstrait ».

En ce qui a trait aux éléments informatiques dans les revendications, comme il est expliqué ci-dessus, notre opinion préliminaire est que la demande en instance n’enseigne rien et ne suggère rien au-delà d’un système informatique générique, y compris son interface graphique et son interface réseau. S’il y avait une quelconque caractéristique revendiquée qui n’était pas « bien comprise, routinière ou conventionnelle », elle viserait à la disposition de l’affichage, pas le système informatique.

En ce qui a trait à l’appareil d’insertion de la carte d’argent pour accepter le paiement de cartes de crédit ou de cartes de débit, cela était considéré comme un moyen d’entrée bien connu à la date pertinente. Selon notre opinion préliminaire, il n’ajoute rien de plus pour satisfaire à l’exigence décrite au paragraphe 66 d’Amazon. Comme il est indiqué dans Benjamin Moore, « Toutefois, si la nouvelle connaissance se limite au recours à un outil connu (livre ou ordinateur) comme moyen d’application pratique de la méthode, elle ne sera pas visée par la définition prévue à l’article 2 à moins de présenter une autre composante qui respecte les exigences énoncées au paragraphe 66 de l’arrêt Amazon » (par. 94). Notre opinion préliminaire est que l’appareil d’insertion de carte d’argent ne fait pas partie de l’invention réelle.

Les nouvelles caractéristiques c) à e) visent principalement la façon dont les lignes de mise avec marge qui sont présentées dans une interface graphique. Selon notre opinion préliminaire, elles visent des limitations supplémentaires au procédé abstrait d’afficher les renseignements de mises.

De plus, la caractéristique d) spécifie que les lignes de mise « peuvent être déplacées en réponse à un changement d’une valeur en temps du prix du marché ». Selon notre opinion préliminaire, la personne versée dans l’art comprendrait que la réception de renseignements du marché par des technologies de réseau conventionnelles et l’affichage des renseignements reçus sur une interface graphique conventionnelle des manières escomptées n’entraîneraient aucune amélioration du système informatique. Cette caractéristique concerne toujours l’affichage des renseignements de mises, plutôt qu’une amélioration de l’interface graphique. Par conséquent, notre opinion préliminaire est que cette caractéristique n’ajouterait rien de plus pour satisfaire à l’exigence du caractère matériel.

À la lumière de ce qui précède, notre conclusion préliminaire est que l’invention réelle de l’ensemble de revendications proposées 2 vise toujours un procédé abstrait de présentation de renseignements de mises. Par conséquent, les revendications proposées visent un objet non brevetable et ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. De plus, puisque les règles abstraites sont semblables à « un simple principe scientifique ou une conception théorique », ces revendications sont également interdites en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Évidence

Puisque les différences cernées entre l’idée originale des revendications au dossier et l’état de la technique sont toujours présentes dans toutes les revendications de l’ensemble de revendications proposées 2, nous considérons de façon préliminaire que l’ensemble de revendications proposées 2 n’aurait pas été évident et est conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets pour les raisons énoncées ci-dessus.

Caractère indéfini

Dans la revendication proposée 1, l’expression « la deuxième fois » (page 36, ligne 6) manque d’antécédent. Notre conclusion préliminaire est que la revendication proposée 1 n’est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Double-brevet

Selon notre opinion préliminaire, les revendications du document D5 et les CGC n’enseignent et ne suggèrent pas les caractéristiques dans les différences c) et e), lesquelles sont présentes dans toutes les revendications indépendantes des revendications proposées.

Par conséquent, nous concluons de façon préliminaire que les revendications 1 à 19 de l’ensemble de revendications proposées 2 sont distinctes sur le plan de brevetabilité des revendications du document D5.

[48] Le Demandeur n’a pas contesté cette analyse et n’a fait aucun commentaire à cet égard. Nous concluons que l’ensemble de revendications proposées 2 comporte les irrégularités de l’objet non brevetable et du caractère indéfini et ne peut pas être considéré comme une modification « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Conclusions et recommandation de la Commission

[49] Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis que :

  • les revendications 1 à 21 au dossier visent un objet non brevetable et ne sont pas conformes à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;
  • les revendications 1 à 21 au dossier n’auraient pas été évidentes à la personne versée dans l’art et sont conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;
  • la revendication 1 au dossier est imprécise et n’est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets;
  • les revendications 2, 3, 12, 13 et 21 au dossier ne sont pas distinctes sur le plan de la brevetabilité des revendications 30 et 35 du brevet 630 et sont donc irrégulières en raison du double-brevet relatif à l’évidence;
  • l’ensemble de revendications proposées 2 comporte les irrégularités de l’objet non brevetable et du caractère indéfini et ne peut pas être considéré comme une modification « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

[50] Par conséquent, nous recommandons que la demande soit rejetée au motif que les revendications 1 à 21 au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, que la revendication 1 au dossier n’est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et que les revendications 2, 3, 12, 13 et 21 au dossier sont irrégulières en raison du double-brevet relatif à l’évidence.

Liang Ji

Alison Canteenwalla

Howard Sandler

Membre

Membre

Membre


 

Décision du commissaire

[51] Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission de rejeter la demande pour les motifs suivants :

  • les revendications 1 à 21 au dossier visent un objet non brevetable et ne sont pas conformes à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;
  • la revendication 1 au dossier est imprécise et n’est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets;
  • les revendications 2, 3, 12, 13 et 21 au dossier ne sont pas distinctes sur le plan de la brevetabilité des revendications 30 et 35 du brevet 630 et sont irrégulières en raison du double-brevet relatif à l’évidence;

[52] En conséquence, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Konstantinos Georgaras

Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
ce 15e jour de mai 2024.

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