Brevets

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Référence : BGC Partners, Inc (Re), 2024 CACB 3

Décision du commissaire no 1662

Commissioner’s Decision #1662

Date : 2024-02-12

SUJET :

A11

Nouvelle matière

 

B00

Caractère ambigu ou indéfini (incomplet)

 

J00

Signification de la technique

 

J10

Programmes d'ordinateur

 

 

 

TOPIC:

A11

New Matter

 

B00

Ambiguity or Indefiniteness (incomplete)

 

J00

Meaning of Art

 

J10

Computer Programs

Demande no 2 596 761
Application No. 2596761


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96–423) dans leur version immédiatement antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 596 761 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019–251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

Dickinson Wright LLP

2200–199, rue Bay

Case postale 447, succursale postale Commerce Court

Toronto (Ontario) M5L 1G4


 

Introduction

[1] Cette recommandation concerne l’examen de la demande de brevet canadien no 2 596 761 refusée, qui est intitulée « SYSTEMES ET PROCEDES DESTINES A MAINTENIR LA FIABILITE D’UN TYPE D’ORDRE AU MARCHE SUR DES MARCHES FLUCTUANTS » et qui appartient à BGC PARTNERS, INC. La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019–251) (les « Règles sur les brevets »). Comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, la Commission recommande que le commissaire aux brevets refuse la demande au motif que les revendications visent un objet non brevetable.

Contexte

La demande

[2] La demande a été déposée sous le régime du Traité de coopération en matière de brevets, et la date de dépôt au Canada est le 1er août 2006. Elle est devenue accessible au public le 8 février 2007.

[3] La demande concerne les systèmes de négociation électronique et les méthodes qui appliquent les règles régissant la façon dont les ordres au marché (ordres d’achat ou de vente d’actions au cours du marché) sont traités lorsqu’ils sont soumis. La demande propose qu’une détermination soit effectuée sur présentation d’un ordre au marché pour un élément quant à la stabilité du cours du marché actuel de l’élément. Si certains critères de stabilité sont respectés, l’ordre au marché est exécuté. Si les critères de stabilité ne sont pas respectés, l’ordre au marché est converti en ordre à cours limité et son cours est modifié.

Antécédents judiciaires

[4] Le 20 septembre 2018, une décision finale (« DF ») a été rédigée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96–423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les « anciennes règles »). La DF indiquait que la demande en instance est irrégulière au motif que toutes les revendications 1 à 33 au dossier au moment de la rédaction de la DF (les « revendications au dossier ») concernent un objet non brevetable et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[5] Dans une réponse à la DF (« R-DF ») du 3 mars 2020, le demandeur a soumis un jeu de revendications modifiées proposées 1 à 31 (les « revendications proposées ») et a soumis des arguments en faveur de la brevetabilité qui mettaient l’accent sur le langage utilisé dans les revendications modifiées proposées.

[6] L’examinateur ayant jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets conformément au paragraphe 199(3) des Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission pour révision le 27 mai 2020, accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs (« RM »). Le RM indiquait que les revendications au dossier demeuraient irrégulières au motif d’un objet non brevetable et que les revendications proposées visaient également un objet non brevetable. Le RM indiquait que les revendications proposées 1, 11 et 22 comprenaient un libellé qui n’était pas étayé par la demande au dossier initial et que la revendication proposée 1 manquait de clarté.

[7] La DF et le RM présentaient une analyse de l’objet brevetable conforme aux directives maintenant obsolètes établies à la section 12.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC) révisé en juin 2015.

[8] Dans une lettre en date du 29 mai 2020, la Commission a transmis au demandeur une copie du RM et lui a demandé de confirmer qu’il souhaitait toujours la révision de la demande.

[9] Aucune réponse n’a été reçue à la lettre du 29 mai 2020.

[10] Le soussigné a été affecté à la révision de la demande en instance et à la présentation d’une recommandation au commissaire aux brevets quant à la décision à rendre.

[11] Dans une lettre de révision préliminaire (« lettre de RP ») en date du 7 juin 2022, j’ai exposé mon analyse préliminaire de l’objet brevetable au regard des revendications au dossier et des revendications proposées. Mon opinion préliminaire était que les revendications proposées visaient un objet non brevetable. Il en allait de même pour les revendications proposées. Mon opinion préliminaire était également que les revendications proposées 1, 11 et 22 n’étaient pas irrégulières puisqu’elles ajoutaient une nouvelle question inadmissible, en contravention de l’article 38.2 de la Loi sur les brevets (ce motif ayant été substitué à la question de l’absence de soutien énoncée dans le RM en vertu de l’article 60 des Règles sur les brevets). De plus, mon opinion préliminaire était que la revendication 1 proposée était irrégulière au motif qu’elle manquait de clarté.

[12] La lettre de RP a également donné au demandeur une occasion de présenter des observations orales et écrites.

[13] Dans une réponse datée du 22 juin 2022, le demandeur a décliné la possibilité d’une audience, mais a indiqué que des observations écrites seraient fournies.

[14] Des observations écrites ont été présentées en réponse à la lettre de RP (la « R-RP ») le 30 juin 2022. La R-RP a fourni des arguments concernant la question de l’objet brevetable, y compris le droit applicable et la pratique du Bureau. Le demandeur a fait référence à la décision de la Cour fédérale rendue récemment dans Benjamin Moore et Co. c. Canada (Procureur général), 2022 CF 923, et au critère en trois volets qui y est énoncé pour évaluer la brevetabilité.

[15] Avec la R-RP, le demandeur a soumis un nouveau jeu de revendications proposées (étiqueté « Jeu de revendications C » dans la R-RP) pour remplacer les revendications proposées soumises avec la R-DF.

[16] Compte tenu de la publication de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Benjamin Moore et Co., 2023 CAF 168 [Benjamin Moore CAF], pour veiller à ce que le demandeur soit pleinement informé des questions à trancher, j’ai examiné la lettre de RP et les observations contenues dans la R-RP et fourni une analyse à jour à la lumière des commentaires de la Cour dans Benjamin Moore CAF. Cette lettre de révision préliminaire supplémentaire (la « lettre de RPS ») envoyée le 29 novembre 2023 a également donné au demandeur une autre occasion de présenter des observations orales et écrites.

[17] Dans une réponse datée du 13 décembre 2023, le demandeur a refusé la possibilité de présenter des observations orales et écrites.

[18] J’ai terminé l’examen de la demande en instance et je présente ci-dessous une analyse finale.

Questions

[19] La principale question à traiter dans le cadre de cet examen est de savoir si les revendications 1 à 33 de la présente demande sont irrégulières en raison de l’absence d’objet brevetable et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Comme dans le cas de la lettre de RPS, il s’agit également d’une question de conformité avec le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[20] Après avoir examiné les revendications au dossier, j’examine les dernières revendications proposées avec la R-RP (le Jeu de revendications C) afin de déterminer si elles sont considérées comme une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Interprétation des revendications

Principes juridiques et pratiques du Bureau

[21] L’interprétation téléologique est antérieure à tout examen de la validité (Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66 [Free World Trust] au para 19).

[22] Conformément aux arrêts Free World Trust et Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est effectuée du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes, en considérant l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet important sur le fonctionnement de l’invention.

[23] « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [PN2020 – 04] souligne que tous les éléments d’une revendication sont présumés essentiels, à moins que cette présomption ne soit contraire au libellé de la revendication ou qu’il n’en soit établi autrement (voir également Free World Trust au para. 57, Distrimedic Inc c. Dispill Inc, 2013 CF 1043 au para 201).

Analyse

[24] Dans la lettre de RPS, aux pages 4 à 6, j’ai présenté une analyse préliminaire fondée sur l’interprétation téléologique des revendications au dossier, incluant l’identification d’une personne versée dans l’art et des CGC pertinentes, ainsi que les éléments essentiels :

La personne versée dans l’art

Dans la DF, à la page 3, la caractérisation de la personne versée dans l’art est la suivante :

[l]a personne versée dans l’art comprendrait une équipe de négociateurs financiers et de programmeurs informatiques.

Le demandeur n’a pas contesté ce qui précède dans la R-DF ou la R-RP, et je l’adopte aux fins de cet examen supplémentaire.

Les connaissances générales courantes pertinentes

Dans la DF à la page 3, les CGC pertinentes ont été définies comme suit :

Les descriptions contextuelles de la demande immédiate (para. 0001-0004), ainsi que les documents D3 et D6, illustrent bien les connaissances générales courantes pertinentes.

Les négociateurs financiers connaissent bien les concepts et les pratiques de placement, y compris la négociation automatisée d’instruments financiers comme les capitaux propres et les obligations par l’intermédiaire de bourses de valeurs électroniques.

Les programmeurs connaissent bien les architectures de réseau standard, l’adaptation des applications logicielles d’investissement, y compris les interfaces utilisateur, pour répondre aux exigences particulières des produits de négociation, la programmation de bases de données, ainsi que le matériel informatique courant.

Les références ci-dessus aux documents D3 et D6 se rapportent aux documents de l’art antérieur suivants :

D3 :

US 2004/0177024

Bok et al.

9 septembre 2004

D6 :

US 2005/0075963

Balabon et al.

7 avril 2005

Aucune référence précise n’a été faite à ces documents dans les CF, à l’exception des références susmentionnées dans les CGC. J’interprète les CGC pertinentes comme signifiant que les points généraux des CGC énoncés sont appuyés par le contexte de la demande en cause ainsi que par les sections CONTEXTE DE L’INVENTION des documents D3 et D6.

Aucun des éléments ci-dessus n’a été contesté par le demandeur dans la R-DF et je les adopte à titre préliminaire aux fins de cette révision.

Les revendications au dossier

La demande en instance contient trois revendications indépendantes 1, 12 et 23, qui visent respectivement une méthode, un appareil pour exécuter les étapes de la méthode et des instructions de stockage sur support informatique non transitoire lisibles qui, lorsqu’elles sont exécutées par au moins un processeur, exécutent les étapes de la méthode. Je considère la revendication 1 au dossier comme représentative :

1. Une méthode comprenant :

l’établissement, par un processeur d’un serveur de négociation électronique, un seuil de stabilité des cours avant l’achat ou la vente par un ordre boursier d’un article au cours du marché actuel sur un marché électronique constitué d’un réseau d’ordinateurs;

la réception, par le processeur, de l’ordre au marché à partir d’un ordinateur du réseau d’ordinateurs;

la détermination, par le processeur, lorsque l’ordre au marché est détecté, la stabilité du cours du marché actuel de l’article au fur et à mesure que celui-ci est acheté et vendu dans l’ensemble du réseau informatique;

déterminer si la stabilité du cours du marché actuel atteint le seuil de stabilité du cours;

en réponse à la détermination que la stabilité du cours du marché actuel ne respecte pas le seuil de stabilité des cours, en modifiant, par le processeur, l’ordre au marché, selon une modification définie par le système, pour qu’il soit un ordre de base dont le cours modifié place une certaine différence de cours par rapport au cours du marché actuel pour l'article et en plaçant, par le processeur, l'ordre restant sur le marché électronique au prix modifié; et

en réponse à la détermination que la stabilité du cours du marché actuel respecte le seuil de stabilité des cours, en plaçant, par le processeur, l’ordre au marché, sur le marché électronique à un prix de marché d'ordres opposés pour exécution immédiate par rapport à un ordre opposé.

Je remarque qu’aucune question n’a été soulevée au cours de la poursuite de la demande en instance concernant la signification ou la portée des termes utilisés dans les revendications au dossier. Je poursuis ci-dessous en supposant que la signification et la portée des revendications auraient été claires pour la personne versée dans l’art.

L’objet des revendications relatives à la personne à charge est traité ci-dessous, au besoin.

Les éléments essentiels

La DF a présenté aux pages 2-4 une analyse de l’interprétation intentionnelle des revendications au dossier conformément aux orientations énoncées dans le Recueil des pratiques du Bureau des brevets à la section 12.02, révisé en juin 2015. Cette approche ayant été remplacée par l’EP2020–04, la lettre de la RP présentait une identification révisée des éléments essentiels des revendications au dossier, qui n’a pas été modifiée par le présent examen complémentaire.

L’EP2020–04 indique ce qui suit en ce qui a trait à la détermination des éléments essentiels et non essentiels :

Dans l’exécution de cette détermination des éléments essentiels et non essentiels, tous les éléments établis dans une revendication sont présumés être un élément essentiel, à moins qu’il n’en soit établi autrement ou que ce soit contraire au libellé employé dans la revendication.

En ce qui a trait aux revendications au dossier, la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a aucune formulation dans les revendications qui indique que les éléments de chaque revendication sont facultatifs, des solutions de rechange ou une réalisation préférée.

Je souligne que le demandeur a présenté des observations concernant le fondement juridique de l’interprétation téléologique des revendications dans la DF, mais ces observations étaient en réponse à l’analyse effectuée conformément à la pratique antérieure du bureau, maintenant remplacée par la EP2020–04.

Le Demandeur n’a contesté aucun des éléments susmentionnés dans la R-RP.

Conformément à la lettre de RP, à mon avis préliminaire, tous les éléments des revendications au dossier sont considérés comme essentiels, y compris les éléments liés à la mise en œuvre informatique et les éléments liés à l’informatique.

[25] Aucune observation n’ayant été présentée en réponse à la lettre de RP, aucun des raisonnements ci-dessus n’a été contesté par le demandeur.

Objet brevetable

Principes juridiques et pratiques du Bureau

[26] Toute invention brevetable doit être visée par la définition énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets, y compris dans l’une des catégories qui y sont définies :

« invention » toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[27] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets prévoit également ce qui suit :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[28] L’EP2020–04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une revendication est un objet brevetable :

Afin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[29] La détermination de l’invention est une question pertinente et nécessaire dans l’évaluation de l’objet brevetable (Canada [Procureur général] c. Amazon.com Inc, 2011 CAF 328 [Amazon] au para 42). Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans Benjamin Moore CAF, au para 68, cette décision est conforme à la décision rendue par la Cour dans Schlumberger Canada Ltd c. Commissaire aux brevets, [1982] 1 CF 845 (CA) [Schlumberger], selon laquelle une évaluation de l’objet brevetable consiste à déterminer ce qui, selon la demande, a été découvert. L’invention réelle est identifiée dans le contexte de la nouvelle découverte ou connaissance et doit ultimement satisfaire à « l’exigence du caractère matériel » qui est implicite dans la définition de « l’invention » (Amazon, aux paragraphes 65 et 66).

[30] Amazon, au paragraphe 44, nous dit « qu’une revendication de brevet peut être exprimée dans un langage qui est délibérément ou par inadvertance trompeur » et que ce qui semble à première vue être un « art » ou un « processus » peut en fait être une revendication d’une formule mathématique non brevetable, comme c’était le cas dans Schlumberger.

[31] Ce sentiment est exprimé dans la position de la Cour d’Amazon selon laquelle la présence d’une demande pratique peut, dans certains cas, ne pas être suffisante pour satisfaire à l’exigence de la physique, qui exige quelque chose ayant une existence physique ou quelque chose qui manifeste un effet ou un changement discernable (Amazon, aux paragraphes 66 et 69). Pour illustrer ce point, Amazon a renvoyé à Schlumberger, où les revendications [traduction] « n’étaient pas justifiées par le fait qu’elles envisageaient l’utilisation d’un outil physique, un ordinateur, pour donner à la nouvelle formule mathématique une demande pratique » (Amazon, au paragraphe 69).

[32] Les préoccupations en matière de brevetabilité concernant l’utilisation bien connue d’un ordinateur pour traiter un algorithme, illustrée par Schlumberger, sont exprimées dans les facteurs énoncés dans l’EP2020–04 qui peuvent être pris en considération lors de l’examen des inventions mises en œuvre par ordinateur, à savoir :

  • le simple fait qu’un ordinateur figure parmi les éléments essentiels de l’invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée est un objet brevetable;
  • un algorithme en soi est un objet abstrait et interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;
  • un ordinateur programmé pour traiter simplement un algorithme abstrait d’une manière bien connue, sans plus, n’en fera pas un objet brevetable;
  • si le traitement d’un algorithme améliore la fonctionnalité de l’ordinateur, alors l’ordinateur et l’algorithme constitueraient ensemble une seule invention réelle qui serait brevetable.

[33] Les facteurs susmentionnés et les préoccupations générales liées à l’utilisation bien connue d’un ordinateur pour traiter de nouveaux algorithmes abstraits peuvent être considérés comme impliquant des considérations de nouveauté ou d’ingéniosité. Le droit canadien n’interdit pas de tenir compte de la nouveauté ou de l’ingéniosité des éléments d’une revendication dans l’examen d’un objet brevetable et trouve appui dans des situations comme celle de Schlumberger où un outil connu, un ordinateur, est utilisé pour donner une formule mathématique abstraite, une demande pratique (Benjamin Moore CAF, aux paragraphes 69 à 70, faisant référence à Amazon). Ces considérations aident à déterminer la découverte ou les nouvelles connaissances, le mode de leur demande et l’invention réelle (Benjamin Moore CAF, au paragraphe 89) qui est ultimement évaluée par rapport à l’exigence relative à la physique.

[34] Comme il a été souligné dans Benjamin Moore CAF, au paragraphe 94 (et comme il a été exprimé dans Amazon, au paragraphe 61), l’exigence relative à la physique ne sera vraisemblablement pas satisfaite sans qu’un instrument financier bien connu, comme un ordinateur, soit utilisé pour mettre en œuvre une méthode abstraite. Les facteurs énoncés ci-dessus dans l’EP2020–04 aident à déterminer si quelque chose de plus est présent.

Observations du demandeur sur l’applicabilité de lEP2020–04

[35] Comme il est indiqué dans la lettre de RPS, aux pages 4 et 5 de la R-RP, le demandeur a soutenu que, à la lumière de la décision de la Cour fédérale du Canada dans Benjamin Moore et Co. c. Canada (Procureur général), 2022 CF 923, les directives énoncées dans l’EP2020–04 ne s’appliquaient plus et que la demande en instance devait être évaluée selon le critère en trois volets énoncé par la Cour fédérale dans cette affaire.

[36] J’ai noté dans la lettre de RPS que la Cour d’appel fédérale, dans Benjamin Moore, CAF, a rejeté et annulé le critère à trois volets établi par la Cour fédérale. La Cour d’appel fédérale a également ordonné que les demandes de Benjamin Moore soient réexaminées conformément aux pratiques les plus récentes du Bureau des brevets, en tenant compte des motifs de la Cour d’appel fédérale. Je considère donc que les indications énoncées dans l’EP2020–4 demeurent applicables.

Analyse

[37] Dans la lettre de RPS, aux pages 8 à 11, j’ai exposé mon analyse préliminaire de la question de l’objet brevetable :

La revendication 1 établit une méthode mise en œuvre par ordinateur selon laquelle, avant la réception d’un ordre au marché pour acheter ou vendre un article, un seuil de stabilité des cours est établi. Lorsque l’ordre au marché est reçu, le processeur détermine si le seuil de stabilité des cours a été atteint. Si le résultat est négatif, le système modifie le cours de l’ordre et le place sur le marché comme un ordre permanent qui sera apparié et exécuté lorsque le cours modifié sera atteint. Si le résultat est positif, l’ordre est placé sur le marché au cours du marché pour les ordres opposés (pour acheter ou vendre) pour exécution immédiate à un cours opposé.

La méthode ci-dessus, qui s’applique à la demande en cause à la page 1, vise à traiter d’une question où les prix peuvent changer rapidement sur des marchés en rapide évolution, de sorte que le cours au moment où l’ordre est placé peut ne pas correspondre à ce qui a été obtenu antérieurement d’un service ou d’un prix établi par un courtier de services.

Les paragraphes [0024] à [0031] traitent du système informatique qui peut être utilisé pour mettre en œuvre la méthode divulguée, en faisant référence aux figures 1 et 2. Ces passages décrivent des postes de travail, des serveurs, des réseaux et des liens de communication informatiques génériques, ainsi que la technologie générique d’interface utilisateur graphique (« GUI ») pour fournir des écrans d’interface utilisateur. On discute également des dispositifs d’entrée génériques pour entrer les commandes et les valeurs.

À mon avis préliminaire, la revendication 1 énonce une série d’étapes de manipulation et d’analyse de données qui forment un algorithme de négociation de titres, mis en œuvre par des systèmes de traitement informatique génériques utilisant des moyens informatiques génériques. Rien dans la revendication 1 ou dans le reste du mémoire descriptif ne suggère que les entrées et les sorties associées au système de négociation électronique sont autre chose que la réception générique bien connue des données et la sortie des résultats du traitement des données bien connu.

En ce qui concerne le caractère générique des éléments informatiques utilisés dans les revendications à la page 8 de la R-RP, le demandeur a soutenu ce qui suit :

L’utilisateur ou le système qui utilise le serveur de négociation électronique tel qu’il est exploité par la méthode verrait son fonctionnement, son effet et son utilité discernables d’un serveur de négociation électronique qui n’est pas exploité par la méthode.

Des arguments similaires ont été présentés à la page 17 de la R-RP.

La revendication 1 porte sur une méthode d’exploitation d’une machine particulière—un serveur de négociation électronique—sur un marché électronique.

Les systèmes informatiques génériques ne peuvent pas faire ces choses, et il y a même d’autres systèmes de négociation électronique qui ne peuvent pas faire les choses qui sont revendiquées. Cela avait été établi au cours de la poursuite parce qu’il n’y a aucune préoccupation quant au fait que les revendications soient « bien connues » ou évidentes.

Toutefois, un serveur électronique n’est pas rendu unique uniquement parce qu’il utilise un nouvel algorithme de négociation, pas plus que l’ordinateur utilisé dans Schlumberger n’était unique parce qu’il effectuait les opérations mathématiques particulières énoncées dans ces revendications. Comme il est mentionné dans [Benjamin Moore CAF], au paragraphe 94, l’exigence de physique d’Amazon ne sera probablement pas satisfaite sans qu’on utilise plus qu’un instrument financier bien connu, comme un ordinateur (ou, en l’espèce, un serveur), pour mettre en œuvre une méthode abstraite. L’algorithme de négociation qui sous-tend l’objet revendiqué est lui-même un ensemble d’étapes abstraites de manipulation et d’analyse de données, dont la mise en œuvre au moyen d’un système informatique n’est pas en soi suffisante pour satisfaire à l’exigence de matérialité, comme c’était le cas dans l’affaire Schlumberger. Il faut quelque chose de plus.

Pour déterminer si quelque chose de plus est présent pour satisfaire à l’exigence de physique d’Amazon, conformément à l’EP2020–04 et aux exemples illustratifs qui y sont joints, la question est de savoir si l’ordinateur fait partie de l’invention réelle (ou pour utiliser le langage de [Benjamin Moore FCA], si les « nouvelles connaissances » ou la « découverte » comprennent la mise en œuvre de l’ordinateur). Comme il est indiqué dans la liste de facteurs qui figure dans l’EP2020–04 ci-dessus, si le traitement d’un algorithme sur un ordinateur améliore le fonctionnement de l’ordinateur, alors l’ordinateur et l’algorithme forment ensemble une seule invention réelle qui résout un problème lié aux arts manuels ou productifs, et l’objet défini par la revendication est brevetable. Dans la langue de [Benjamin Moore CAF], la nouvelle connaissance ou découverte comprendrait quelque chose qui satisferait à l’exigence relative à la condition physique.

Dans la R-DF, à la page 3, le demandeur a soutenu que la demande instantanée [traduction] « comporte une façon particulière de faire en sorte qu’un système de négociation électronique soit capable d’appliquer des règles », que le serveur de négociation est capable d’utiliser un seuil de stabilité des cours pour potentiellement changer automatiquement l’ordre lui-même après l’entrée dans le marché, mais avant son exécution, dans le cas où le seuil de stabilité n’est pas atteint.

Le demandeur a également affirmé, à la page 9 de la R-RP, que les revendications manifestent des effets perceptibles par un négociateur.

Cependant, selon mon point de vue préliminaire, toutes les fonctions et actions automatiques prises par le système de négociation sont causées par l’exécution de l’algorithme de négociation particulier. Le système informatique générique traite l’algorithme d’une manière bien connue, exécutant les instructions qui lui sont données au moyen de l’algorithme de négociation sans amélioration du fonctionnement du système informatique. Ce n’est pas suffisant pour satisfaire à l’exigence physique d’Amazon. L’affichage prévu des résultats ou l’étape abstraite de l’offre d’un article en vente ne constitue pas, à mon avis préliminaire, le quelque chose de plus qu’il faut.

Rien ne prouve que les étapes particulières de manipulation et d’analyse des données de l’algorithme de négociation aient pour effet d’améliorer le fonctionnement du système de négociation électronique. J’estime, à titre préliminaire, que l’invention, la connaissance nouvelle ou la découverte de la revendication représentative 1 est l’ensemble des étapes abstraites de manipulation et d’analyse des données qui constituent l’algorithme de négociation. Par conséquent, je suis d’avis, à titre préliminaire, que la revendication 1 au dossier vise un objet qui n’est pas une « chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable » (Amazon, au paragraphe 66).

De même, les revendications indépendantes 12 et 23, qui représentent elles-mêmes un appareil permettant d’exécuter les étapes de la revendication 1 et un support informatique non transitoire stockant ces instructions, visent une invention réelle consistant en des manipulations et des analyses de données abstraites.

Les revendications dépendantes 2 à 11, 13 à 22 et 24 à 33 portent sur les éléments suivants : les variations de l’étape de la détermination du respect d’un seuil de stabilité du marché; les renseignements utilisés pour déterminer; la façon dont l’ordre de marché est modifié en réponse à la détermination; et la question de savoir si l’augmentation utilisée pour modifier le cours de l’ordre est une entrée ou est déterminée par l’algorithme.

À mon avis préliminaire, les étapes supplémentaires de ces revendications représentent également des étapes abstraites de manipulation et d’analyse de données et l’entrée générique de données dans un système informatique. Par conséquent, elles ne représentent pas un objet qui soit « quelque chose dotée d’une existence physique, ou quelque chose qui manifeste un effet ou un changement perceptible » (Amazon, paragraphe 66).

[38] Aux pages 11 à 12 de la lettre de RPS, j’ai également abordé les observations du demandeur sur l’applicabilité de Schlumberger à la présente affaire :

À la page 4 de la R-DF, le demandeur a soutenu que la demande en instance doit être distinguée de Schlumberger en ce que les revendications de l’affaire Schlumberger n’ont appliqué qu’une patine de [traduction] « fonctionnement à la machine » aux étapes de la méthode.

De même, à la page 13 de la R-RP, le demandeur a soutenu que Schlumberger était une affaire dans laquelle « un placage aussi mince et pelable que possible » a été appliqué aux revendications dans le but de faire paraître les revendications brevetables. Le demandeur a également soutenu à la page 16 de la R-RP que ce placage était ce qui était « trompeur, délibérément ou par inadvertance » (Amazon, au paragraphe 44) au sujet des revendications de Schlumberger et que, selon une interprétation téléologique, un tel placage n’était pas suffisant pour rendre les revendications de Schlumberger brevetables. Conformément à ce qui précède, le demandeur a soutenu que le Bureau des brevets utilise deux types différents d’interprétation des revendications à deux fins différentes, soit l’interprétation téléologique et l’évaluation de l’objet brevetable (R-RP, pages 11 et 16).

Toutefois, comme c’était le cas dans la lettre de RP, à mon avis préliminaire, les revendications dans le fichier sont semblables à celles de Schlumberger. Le système ou réseau informatique en l’espèce est utilisé pour recevoir des données d’entrée et traiter un algorithme de négociation abstrait d’une manière attendue bien connue et, comme Schlumberger, un tel système ou réseau informatique et ses fonctions bien connues ne confèrent pas de brevetabilité aux revendications. Dans Amazon, la Cour d’appel fédérale n’a pas qualifié l’utilisation de l’ordinateur dans Schlumberger de « patine » ou de « placage », qualifiant plutôt l’utilisation de l’ordinateur comme pratique, mais qui était toutefois insuffisante pour satisfaire à l’exigence du caractère physique qui est implicite dans la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets (Amazon, aux paragraphes 62 et 69).

Pour ce qui est de la question alléguée selon laquelle le Bureau des brevets a procédé à deux types différents d’interprétation des revendications, j’ai examiné l’interprétation téléologique des revendications précédemment dans la présente lettre, en partant du principe que tous les éléments des revendications sont essentiels. La question de savoir si l’utilisation d’un système informatique suffit pour rendre les revendications brevetables ne constitue pas un deuxième exercice d’interprétation. Elle utilise les principes récemment analysés dans [Benjamin Moore CAF], à savoir qu’une fois que les revendications ont été interprétées en fonction de leur objet, des considérations comme la nouveauté ou l’ingéniosité des éléments de la revendication peuvent être pertinentes pour déterminer si l’objet revendiqué est visé par la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets et n’est pas autrement exclu ([Benjamin Moore CAF], au paragraphe 72). Ces principes se manifestent dans des questions telles que celle de savoir si les éléments informatiques d’une demande d’asile sont génériques et s’ils sont utilisés d’une manière bien connue, qui ont été appliquées précédemment.

Je remarque qu’à la page 5 de la R-RP, le demandeur a laissé entendre, après avoir considéré tous les éléments des revendications comme essentiels, que la RP visait à indiquer que les revendications étaient conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets, mais non au paragraphe 27(8). Ce n’était pas l’avis préliminaire prévu dans la lettre de la RP et ce n’est pas non plus l’avis préliminaire complémentaire présenté ici. Le fait que tous les éléments des revendications soient considérés comme essentiels ne signifie pas nécessairement que les revendications sont conformes à l’article 2. L’exigence de physique implicite dans la définition d’« invention » qui est évaluée à l’étape de l’objet brevetable n’est pas satisfaite uniquement par l’utilisation d’un ordinateur pour mettre en œuvre les étapes de manipulation et d’analyse de données abstraites.

[39] Aucune observation n’ayant été présentée en réponse à l’analyse exposée dans la lettre de la RPS, je conclus que l’objet des revendications 1–33 au dossier est dirigé vers un objet non brevetable, n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets et, étant abstrait, n’est pas conforme au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Jeu de revendications C proposé

[40] Dans la lettre de RPS, aux pages 12 à 16, j’ai exposé mon analyse préliminaire du Jeu de revendications C qui a été soumis avec la R-RP. Étant donné que le seul changement entre la revendication C et la revendication proposée antérieure présentée avec la RDF est l’insertion du mot « interface » dans une partie de la revendication 1 (indiquée à la page 2 de la RDRP), l’analyse précédemment établie pour les revendications proposées dans la lettre de RP s’appliquait également au Jeu de revendications C :

Objet brevetable

Avec la R-RP, le demandeur a soumis le Jeu de revendications C, comprenant les revendications 1 à 31. Aux pages 5 et 6 de la R-DF, le demandeur a fourni une version corrigée de la revendication proposée 1 de la RDF soulignant les changements apportés, qui s’appliquent toujours à l’égard de la revendication C :

la réception, par le processeur, sur le réseau de communication à partir d’un dispositif informatique à distance, dans des renseignements courants sur les cours du marché en temps réel;

automatiquement en réponse à la réception de l’ordre du marché, en temps réel :

déterminer, par le transformateur, une stabilité [dans] le prix du marché actuel de l’article au fur et à mesure que celui-ci est acheté et vendu dans l’ensemble du réseau informatique, en fonction des renseignements actuels sur le prix du marché;

déterminer, par le transformateur, si la stabilité du cours du marché actuel atteint le seuil de stabilité du cours;

lorsque la stabilité du cours du marché actuel est établie de façon à ne pas atteindre le seuil de stabilité des cours, en modifiant, par le transformateur, l’ordre au marché, selon une modification de système, pour qu’il soit un ordre permanent dont le cours modifié correspond à une certaine différence de cours par rapport au prix du marché actuel, et en remplaçant l’élément de marché électronique par l’élément de marché modifié

lorsque la stabilité du cours du marché actuel est établie de manière à atteindre le seuil de stabilité des cours, ce qui entraîne, pour le transformateur, l’exécution immédiate de l’ordre sur le marché électronique par rapport à un ordre donné de côté opposé au cours du marché actuel des ordres de côté opposé. [soulignement modifié par rapport à l’original]

Dans la R-DF, le demandeur a soutenu que les caractéristiques mises en évidence, comme la réception de l’information sur un réseau de communication, la réception de l’information en temps réel et la détermination automatique de la stabilité du marché et la modification d’un ordre du marché, si ce n’est pas le cas, représentent des améliorations dans le fonctionnement d’un ordinateur. Le demandeur a soutenu que ces caractéristiques peuvent aider à contrôler l’activité sur un réseau et à contrôler la charge de travail des ordinateurs, puisqu’elles permettent à un ordinateur d’exécuter des fonctions qu’il n’était pas en mesure d’accomplir auparavant. Le demandeur a souligné le temps réel, la communication à haute vitesse et le traitement de l’information, sans latence et avec une fiabilité et une exactitude élevées, et que ces facteurs peuvent aider à améliorer le rendement informatique, ce qui peut aider à contrôler l’activité sur un réseau informatique.

Dans la R-RP, à la page 8, le demandeur a réitéré les caractéristiques de réception de l’information sur le cours du marché en temps réel à partir d’un appareil informatique à distance sur un réseau de communications.

Je souligne d’abord que les arguments du demandeur ci-dessus en ce qui concerne les avantages de l’invention revendiquée semblent largement hypothétiques. Il ne semble pas y avoir de fondement dans la demande en l’espèce pour les prestations que le demandeur prétendait être présentes. De plus, les avantages tels que le transfert et le traitement à haute vitesse de l’information sont les avantages attendus de l’utilisation d’un système informatique, tout comme la fiabilité et l’exactitude du traitement et de l’information recueillie et produite.

Bien que l’algorithme de négociation particulier énoncé dans les revendications au dossier et dans les revendications proposées puisse effectivement permettre au système informatique d’exécuter des fonctions qu’il n’était pas en mesure d’exécuter auparavant, cela ne suffit pas en soi pour conférer la brevetabilité aux revendications. Si l’ordinateur ne fait que traiter simplement l’algorithme d’une manière bien connue sans améliorer le fonctionnement de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme ne font pas partie d’une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou industrielles. L’algorithme lui-même devient la nouvelle connaissance ou découverte, qui ne serait pas un objet brevetable. À mon avis préliminaire, c’est le cas en l’espèce. Les nouvelles fonctions fournies par l’algorithme de négociation sont présentes simplement parce qu’il s’agit d’étapes de l’algorithme et, bien qu’elles soient exécutées par le système informatique, elles n’ont aucun effet sur celui-ci, si ce n’est de faire en sorte que le système les exécute de la manière prévue.

Bien que cela n’ait pas été abordé dans la RDF ou la R-RP, je souligne que les revendications indépendantes proposées 1, 11 et 22 du Jeu de revendications C comprennent également une étape de transmission d’une GUI sur le réseau de communication pour affichage sur un ordinateur.

Comme nous l’avons vu précédemment, il semble que la demande en question utilise la technologie de GUI conventionnelle pour afficher et accepter des informations. La communication de ces informations d’affichage sur les réseaux de communication est une fonction générique de ces réseaux et ne représente pas une amélioration de ceux-ci, de sorte que le réseau, l’ordinateur et l’algorithme constituent une seule invention réelle qui résout un problème lié aux arts manuels ou productifs.

À la lumière de ce qui précède, mon opinion préliminaire est que les revendications proposées 1 à 31 du Jeu de revendications C visent également un objet non brevetable et ne sont pas conformes à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur brevets.

Nouvel objet/Absence de soutien

Dans la lettre de RP, aux pages 11 et 12, j’ai exposé mon opinion préliminaire selon laquelle les revendications proposées dans la R-DF étaient conformes à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets (l’article 38.2 étant considéré comme une base appropriée pour la question plutôt que comme un manque de justification). Par souci d’exhaustivité, l’analyse de cette question a été reportée à cet examen préliminaire supplémentaire.

Principes juridiques et pratiques du Bureau

Bien que le RM ait indiqué un problème avec les revendications proposées dans la R-DF (et, par extension, celles du Jeu de revendications C) concernant l’absence de fondement d’une caractéristique du mémoire descriptif déposé initialement, à mon avis préliminaire, la question de savoir si une caractéristique ajoutée pendant la poursuite est appuyée par le mémoire descriptif déposé initialement est traitée plus adéquatement en vertu des dispositions de l’article 38.2 de la Loi sur les brevets.

L’article 38.2 de la Loi sur les brevets établit les conditions sous lesquelles des modifications peuvent être apportées au mémoire descriptif ou aux dessins d’une demande de brevet. Les dispositions pertinentes en l’espèce sont les suivantes :

38.2(1) Sous réserve des paragraphes (2) à (3.1) et des règlements, les dessins et le mémoire descriptif qui sont compris dans la demande de brevet peuvent être modifiés avant la délivrance du brevet.

Limite

(2) Les dessins et le mémoire descriptif qui sont compris dans une demande autre qu’une demande divisionnaire ne peuvent être modifiés pour y ajouter des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer des dessins ou du mémoire descriptif qui sont compris dans la demande à sa date de dépôt.

La question de savoir si la matière ajoutée au mémoire descriptif ou aux dessins par modification est conforme à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets est examinée du point de vue de la personne versée dans l’art.

L’évaluation de la présence de nouveaux éléments exige une comparaison du mémoire descriptif en attente avec le mémoire descriptif et les dessins déposés initialement et une détermination quant à savoir si l’objet des modifications est celui qui aurait été raisonnablement déduit du mémoire descriptif ou des dessins originaux par la personne versée dans l’art.

Analyse

Le RM, à la page 3, indiquait que l’introduction de l’expression « automatiquement en réponse à la réception de l’ordre du marché, en temps réel » représentait une question qui n’était pas appuyée par le mémoire descriptif déposé initialement. Comme je l’ai indiqué précédemment, je suis d’avis préliminaire qu’il est préférable de trancher cette question en déterminant si l’article 38.2 de la Loi sur les brevets est respecté et si l’on peut raisonnablement déduire la question à partir du mémoire descriptif ou des dessins originaux.

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que les revendications proposées du Jeu de revendications C sont conformes à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets.

Je note que les revendications originales datées du 1ᵉʳ août 2007 faisaient référence à la modification automatique de l’ordre en fonction d’une détermination par le système de conformité à une condition associée à la négociation d’un article. Une fonctionnalité similaire était énoncée dans la description initialement déposée datée du 1ᵉʳ août 2007 au paragraphe [0032] en référence à la figure 3 alors en vigueur. Par conséquent, à mon avis préliminaire, les actions automatiques prises par le système informatique étaient étayées par le mémoire descriptif et les dessins originaux et en étaient raisonnablement déduites.

En ce qui concerne la caractéristique du temps réel, la description initiale au paragraphe [0018] traite d’une réalisation lorsque la stabilité du marché d’un article est fondée sur le fait que le cours est demeuré essentiellement constant pendant les deux secondes précédant la soumission de l’ordre. On peut supposer que le délai peut aussi être plus court. Compte tenu de la brièveté de la période d’évaluation de la stabilité du marché et de la rapidité du traitement des ordres par le système informatique, j’estime, à titre préliminaire, que la détermination de la stabilité et le traitement des commandes en temps réel sont étayés par le mémoire descriptif original et peuvent raisonnablement en être déduits.

Aucune autre observation sur les points susmentionnés n’a été présentée dans la R-RP.

Caractère indéterminé

Principes juridiques et pratiques du Bureau

Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent l’objet en termes précis et explicites :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

Dans Minerals Separation North American Corp c. Noranda Mines ltée [1947], EX CR 306, 12 CPR 99 à la page 146, la Cour a insisté sur l’obligation d’un demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis :

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Analyse

Le RM indiquait que l’expression incomplète « entré chez un premier utilisateur graphique affiché à un premier affichage du premier ordinateur », telle qu’elle est énoncée dans la revendication 1 proposée dans la R-DF, entraîne un manque de clarté et ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Comme les revendications proposées dans la R-DF ont été remplacées par le Jeu de revendications C, dont la question ci-dessus ne fait plus partie, il est de mon avis préliminaire que la revendication 1 du Jeu de revendications C n’est pas indéterminée.

[41] Par conséquent, les revendications proposées ne sont pas considérées comme « nécessaires » aux fins de conformité avec la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

[42] Aucune soumission n’ayant été faite en réponse à la lettre de la RPS, je conclus que les revendications proposées dans le Jeu de revendications C ne sont pas considérées comme « nécessaires » pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Conclusions

[43] Je conclus que l’objet des revendications 1 à 33 au dossier est un objet non brevetable, n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets et, étant abstrait, n’est pas conforme au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[44] Je conclus également que les revendications proposées du Jeu de revendications C soumis avec la R-RP ne corrigent pas l’irrégularité de l’objet brevetable et ne sont donc pas considérées comme une modification « nécessaire » pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la commission

[45] Compte tenu de ce qui précède, le soussigné recommande que la demande soit rejetée au motif que l’objet des revendications 1–33 au dossier vise un objet non brevetable, n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets et, étant abstrait, n’est pas conforme au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.


Stephen MacNeil

Membre

 

Décision du commissaire

[46] Je souscris aux conclusions ainsi qu’à la recommandation de la Commission que la demande soit rejetée au motif que l’objet des revendications 1–33 au dossier vise un objet non brevetable, n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets et, étant abstrait, n’est pas conforme au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[47] Conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Konstantinos Georgaras

Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
en cette 2e journée de février 2024.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.