Brevets

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Référence : Henry M. Jackson Foundation for the Advancement of Military Medicine, Inc., 2023 CACB 18

Décision du commissaire no 1651

Commissioner’s Decision #1651

Date : 2023-06-23

SUJET :

A11

C00

G00

 

Demande de brevet - Modification - Nouvelle matière

Divulgation - Caractère adéquat ou inadéquat de la description

Utilité

TOPIC:

A11

C00

G00

Application for Patent - Amendment to - New Matter

Disclosure - Adequacy or Deficiency of Description

Utility

Demande no 2 812 110

Application No.: 2,812,110


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 199(1) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 812 110 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

Ledgley Law

 

724, rue Annette

Toronto (Ontario) M6S 2E2

Introduction

[1] Cette recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 812 110, laquelle est intitulée « Identification ciblée de peptides immunogènes ». Henry M. Jackson Foundation for the Advancement of Military Medicine, Inc. est l’unique Demandeur. Un Comité de la Commission d’appel des brevets a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets.

[2] Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons au commissaire aux brevets de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[3] La demande est une demande divisionnaire de la demande originale no 2 622 036, laquelle a été déposée dans le cadre du Traité de coopération en matière de brevets (PCT) et a une date de dépôt au Canada du 8 septembre 2006. La demande originale a été rendue accessible au public le 15 mars 2007.

[4] La demande refusée concerne des procédés pour l’identification ciblée de peptides immunogènes qui pourraient provoquer une réponse immunitaire non désirée chez l’hôte. L’identification de ces séquences de peptides, qui sont associées à la liaison des anticorps, est utile pour prévenir, atténuer et traiter les maladies relatives au système immunitaire.

[5] La demande comporte 7 revendications au dossier qui ont été reçues au Bureau des brevets le 2 octobre 2017.

Historique de la poursuite

[6] Le 5 mai 2020, une décision finale a été rédigée conformément au paragraphe 199(1) des Règles sur les brevets. La décision finale indique que l’objet de la description, le listage des séquences et les dessins contiennent un nouvel objet qui ne peut pas raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif ou des dessins originalement déposés dans la demande originale 2 622 036 en contravention à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets[1]. En raison de l’irrégularité du nouvel objet, la décision finale a également refusé les revendications 1 à 7 au dossier comme visant un objet qui manque d’utilité, en contravention à l’article 2 de la Loi sur les brevets, n’étant pas étayées en vertu de l’article 84 des anciennes Règles sur les brevets (DORS/96-423, maintenant article 60 des Règles sur les brevets) et ne fournissant pas une divulgation et un caractère réalisable appropriés de l’objet revendiqué comme l’exige le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

[7] La réponse à la décision finale en date du 5 novembre 2020 n’est pas d’accord avec cette évaluation et affirme que l’objet contesté a été produit en temps opportun au cours de la phase internationale conformément aux dispositions du PCT ou des pratiques et lois de l’office récepteur des États-Unis. Elle affirme également que l’objet contesté peut être invoqué pour établir l’utilité, l’étaiement et le caractère réalisable de l’objet revendiqué.

[8] Le 4 juin 2021, la demande a été transmise à la Commission d’appel des brevets aux fins de révision en vertu de l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets, accompagnée d’un résumé des motifs (RM) expliquant que le refus est maintenu.

[9] Dans une lettre en date du 8 juillet 2021, la Commission d’appel des brevets a transmis une copie du résumé des motifs au Demandeur et a demandé qu’il confirme s’il voulait toujours que la demande soit révisée.

[10] Dans une lettre en date du 8 octobre 2021, le Demandeur a confirmé qu’il souhaitait qu’on procède à la révision.

[11] Le présent Comité a été constitué dans le but de procéder à la révision de la demande refusée en vertu de l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets. Le 13 février 2023, le Comité a envoyé une lettre de révision préliminaire expliquant notre analyse préliminaire et notre opinion que la demande contient un nouvel objet qui ne peut pas raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale 2 622 036 en contravention à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets1. La lettre de révision préliminaire a également exprimé notre opinion préliminaire que, puisque le nouvel objet des revendications au dossier manquait d’utilité en contravention à l’article 2 de la Loi sur les brevets, les revendications au dossier ne sont pas étayées en contravention à l’article 60 des Règles sur les brevets et le mémoire descriptif, dans la mesure qu’il concerne les revendications au dossier, est insuffisant en contravention au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. La lettre de révision préliminaire a également donné au Demandeur la possibilité de présenter des observations orales ou écrites.

[12] La réponse à la lettre de révision préliminaire en date du 28 mars 2023 comprenait des observations écrites en appui du dépôt opportun de l’objet contesté au cours de la phase internationale et de la brevetabilité des revendications au dossier. Le 6 juin 2023, une audience a été tenue.

Questions

[13] Compte tenu de ce qui précède, les questions suivantes sont examinées dans le cadre de la présente révision :

  • si la description, le listage des séquences, les dessins et les revendications contiennent un nouvel objet en contravention à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets1;

  • si les revendications au dossier manquent d’utilité en contravention à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

  • si les revendications au dossier ne sont pas étayées en contravention à l’article 60 des Règles sur les brevets;

  • si le mémoire descriptif, dans la mesure qu’il concerne les revendications au dossier, est insuffisant en contravention au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

Interprétation téléologique

Contexte juridique

[14] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 et à Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, une interprétation téléologique des revendications est faite du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes pertinentes à la lumière du mémoire descriptif et des dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a une incidence matérielle sur le fonctionnement de l’invention.

[15] Dans l’exécution de la détermination des éléments essentiels et non essentiels, tous les éléments établis dans une revendication sont présumés être essentiels, à moins qu’il n’en soit établi autrement ou lorsqu’une telle présomption est contraire au libellé des revendications.

Analyse

La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes pertinentes

[16] La lettre de révision préliminaire, à la page 4, indique ce qui suit à l’égard de l’identité de la personne versée dans l’art et de ses connaissances générales courantes escomptées :

[traduction]

Ni la décision finale ni la réponse à la décision finale n’identifie la personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes pertinentes. Comme il a été indiqué ci-dessus, l’interprétation téléologique des revendications est menée du point de vue de la personne versée dans l’art. Nous exprimons donc notre opinion préliminaire concernant l’identité de la personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes pertinentes.

Selon le mémoire descriptif de la demande de brevet originale 2 622 036, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art serait une équipe composée d’un immunologue et d’un bioinformaticien possédant de l’expérience dans l’identification de peptides immunogènes.

De plus, notre opinion préliminaire est que les connaissances générales courantes de cette équipe comprendraient ce qui suit, comme l’enseignent les pages 1 à 5 de la description originalement déposée de la demande de brevet no 2 622 036 (description du contexte) :

  • un antigène est une molécule ou une structure moléculaire qui est traitée par le système immunitaire et qui peut déclencher une réponse immunitaire, y compris la production d’anticorps qui reconnaissent spécifiquement l’antigène;

  • les antigènes peuvent provenir de l’environnement externe ou de l’hôte lui-même;

  • les antigènes sont traités par des cellules présentant les antigènes et seulement les fragments d’un antigène traité qui comportent des déterminants antigènes, appelés épitopes, peuvent être liés aux anticorps;

  • les épitopes de peptides représentent une approche prometteuse à la production et à la conception de vaccins pour la prévention, la suppression et le traitement des maladies relatives au système immunitaire;

  • les procédés conventionnels qui utilisent des propriétés biochimiques et biophysiques ont tenté de déterminer l’emplacement d’épitopes de peptides probables, toutefois ces procédés sont à la fois exigeants en coût et en efforts;

  • des algorithmes informatiques ont été conçus qui peuvent cerner les régions de protéines qui contiennent des épitopes qui peuvent probablement induire une réponse immunitaire.

[17] Le Demandeur n’a fait aucune observation à l’égard de ces caractérisations de la personne versée dans l’art et des connaissances générales courantes dans la réponse à la lettre de révision préliminaire ou lors de l’audience. Par conséquent, nous adoptons les caractérisations ci-dessus dans le cadre du présent examen.

Les revendications au dossier

[18] Il y a 7 revendications au dossier. La revendication indépendante 1 est considérée comme étant représentative des revendications indépendantes et est libellée comme suit :

[traduction]

  1. Un composé efficace sur le plan thérapeutique comportant un peptide qui représente une partie de la séquence de l’antigène Her2/neu, où le peptide se lie à une molécule HLA2-A2 de classe I et est composé de la séquence SEQ ID NO: 17 (GP2 = IISAVVGIL) ou SEQ ID NO: 18 (GP2’ = IVSAVVGIL), et comporte également un anticorps qui se lie à l’antigène Her2/neu, où l’anticorps est trastuzumab.

[19] Les revendications indépendantes 2 et 3 sont des revendications d’un composé pour l’utilisation et d’un peptide pour l’utilisation qui font référence au même peptide que celui de la revendication 1 et qui précisent son utilisation dans le traitement d’un cancer exprimant Her2/neu.

[20] Les revendications dépendantes 4 à 7 définissent d’autres limitations concernant le type de cancer.

[21] Le Demandeur n’a fait aucune observation à l’égard de ces caractérisations des revendications au dossier dans la réponse à la lettre de révision préliminaire ou lors de l’audience. Par conséquent, nous adoptons la caractérisation de la revendication 1 comme étant représentative des revendications indépendantes. Dans le même ordre d’idées, nous adoptons la caractérisation ci-dessus des revendications dépendantes 4 à 7 comme indiquant d’autres limitations concernant le type de cancer.

Éléments essentiels

[22] Comme il est énoncé ci-dessus, tous les éléments présentés dans une revendication sont présumés essentiels, à moins que le contraire soit établi ou qu’une telle supposition aille à l’encontre du libellé de la revendication. De plus, un élément de revendication est essentiel lorsqu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art que son omission ou son remplacement a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention : Free World Trust, au par. 55.

[23] La lettre de révision préliminaire, à la page 5, indique ce qui suit à l’égard des éléments des revendications que la personne versée dans l’art considérerait comme essentiels :

[traduction]

En ce qui concerne le libellé des revendications, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art lisant les revendications 1 à 7 dans le contexte du mémoire descriptif dans son ensemble, et compte tenu de ses connaissances générales courantes, comprendrait qu’il n’y a rien dans le libellé d’une ou l’autre des revendications qui indique que l’un des éléments est optionnel ou constitue une réalisation préférentielle. Bien que certaines revendications renferment une liste d’autres solutions de rechange, nous considérons que la personne versée dans l’art comprendrait que l’élément représenté par l’une de ces solutions de rechange est essentiel. De plus, rien dans le dossier dont nous sommes saisis n’indique que l’un des éléments des revendications est non essentiel. Par conséquent, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art considérerait tous les éléments des revendications comme étant essentiels.

[24] Le Demandeur n’a fait aucune observation à l’égard de la détermination des éléments essentiels des revendications au dossier dans la réponse à la lettre de révision préliminaire ou lors de l’audience. Par conséquent, nous adoptons la définition ci-dessus des éléments des revendications selon laquelle ces éléments sont essentiels aux fins de la présente recommandation.

Nouvel objet

[25] Dans le cas d’une demande divisionnaire, les nouveaux objets doivent être évalués en fonction de la version en vigueur de la Loi sur les brevets à la date de dépôt de la demande divisionnaire ou aux dates de modification. Dans ce cas-ci, la demande divisionnaire a été déposée le 5 avril 2013 et le mémoire descriptif et les dessins en instance comprennent des modifications apportées le 24 octobre 2013, le 25 juin 2014 et le 2 octobre 2017. Par conséquent, l’évaluation du nouvel objet doit se faire en vertu de l’article 38.2 de la Loi sur les brevets1.

Contexte juridique

[26] L’article 38.2 de la Loi sur les brevets1 établit les conditions sous lesquelles des modifications peuvent être apportées au mémoire descriptif et aux dessins d’une demande de brevet : [accentuation dans l’original]

38.2 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et des règlements, le mémoire descriptif et les dessins faisant partie de la demande de brevet peuvent être modifiés avant la délivrance du brevet.

Limite

(2) Le mémoire descriptif ne peut être modifié pour décrire des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer de celui-ci ou des dessins faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le mémoire qu’il s’agit d’une invention ou découverte antérieure.

Idem

(3) Les dessins ne peuvent être modifiés pour y ajouter des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer de ceux-ci ou du mémoire descriptif faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le mémoire qu’il s’agit d’une invention ou découverte antérieure.

[27] La question quant à savoir si l’objet ajouté au mémoire descriptif ou aux dessins par voie de modification est conforme à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets est évaluée du point de vue de la personne versée dans l’art : relative à la demande de brevet no 2 313 707 d’Uni-Charm Corp (2013), CD 1353 (Commission d’appel des brevets et commissaire aux brevets), au par. 13.

[28] Par conséquent, déterminer s’il y a un nouvel objet exige une comparaison entre le mémoire descriptif et les dessins en instance et le mémoire descriptif et les dessins déposés à l’origine et la détermination quant à savoir si l’objet des modifications aurait pu raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif ou des dessins originalement déposés par la personne versée dans l’art.

Analyse

[29] La lettre de révision préliminaire, aux pages 7 et 8, explique pourquoi dans notre opinion préliminaire le mémoire descriptif et les dessins en instance contiennent un nouvel objet :

[traduction]

À la page 2, la décision finale cerne une irrégularité de nouvel objet avec la description, le listage des séquences et les dessins en instance :

Comme il est établi dans les décisions antérieures du bureau, l’objet des pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 13 et 14 de la description, du listage des séquences et des figures 1 à 8 des dessins n’est pas conforme à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets, puisqu’il ne s’infère pas raisonnablement du mémoire descriptif et des dessins dans leur version déposée à l’origine dans la demande de brevet canadien no 2 622 036 ou la demande divisionnaire en instance. Les pages 5, 6, 7, 13 et 14 de la plus récente description (2014-06-25), le listage des séquences et les figures 1 à 8 des dessins ont été déposés avec la demande divisionnaire, alors que les pages 7a et 7b (contenant SEQ ID NO:17 et 18) ont été déposées le 2013-10-24. Afin qu’une demande soit considérée comme une demande divisionnaire appropriée, la description et les dessins d’une demande divisionnaire doivent être les mêmes que ceux originalement déposés pour la demande originale. Cependant, la demande originale telle que déposée à l’origine, laquelle est la fondation de la demande en instance, ne contient aucune figure, aucun listage de séquences, aucune description de figure et aucun exemple. Puisque l’objet de ces passages ne peut pas raisonnablement s’inférer de la description de la demande originale telle que déposée à l’origine, il est considéré comme un nouvel objet et doit être supprimé.

La décision finale aux pages 2 et 3 continue également d’être en désaccord avec les arguments du Demandeur en réponse au nouvel objet cerné dans les décisions antérieures du bureau et à l’admissibilité de la question en vertu des règles 20.6 et 20.7b) du Traité de coopération en matière de brevets. La réponse à la décision finale, à la page 2, maintient ces arguments.

Bien que la demande en instance soit une demande divisionnaire de la demande no 2 622 036 en phase nationale du Traité de coopération en matière de brevets, le règlement d’exécution qui gouvernent la demande internationale correspondante ne relèvent pas de nos compétences. Par conséquent, nous sommes d’accord avec la décision finale qu’une évaluation pour le nouvel objet doit être fondée sur une comparaison du mémoire descriptif et des dessins en instance au mémoire descriptif et aux dessins originalement déposés de sa demande originale no 2 622 036 au dossier au Bureau des brevets à sa date d’entrée en phase nationale, soit le 10 mars 2008.

Comme il est indiqué ci-dessus, la demande de brevet no 2 622 036 est fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevets. Par conséquent, le mémoire descriptif originalement déposé de la demande no 2 622 036 est la demande internationale correspondante WO2007/030771 telle que déposée le 8 septembre 2006 et publiée le 15 mars 2007 par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle comme publication initiale sans rapports de recherche internationale (RRI) [A2 11/2007] et récupérée de :

https://patentscope.wipo.int/search/fr/detail.jsf?docId=WO2007030771&_cid=P21-LD21G3-50577-1.

La demande internationale telle que déposée contient 13 pages de description et 17 revendications. Aucun listage de séquences et aucun dessin ne sont présents dans la demande internationale telle que déposée.

Les revendications modifiées reçues par le Bureau international le 14 mars 2008 dans le cadre de l’article 19 du Traité de coopération en matière de brevets ne sont pas considérées comme faisant partie de la demande telle que déposée.

Après avoir comparé le mémoire descriptif et les dessins en instance de la présente demande divisionnaire au mémoire descriptif originalement déposé de sa demande originale no 2 622 036, notre opinion préliminaire est que le contenu du mémoire descriptif et des dessins de la demande divisionnaire en instance comporte d’importantes modifications par rapport à la demande de brevet déposée à l’origine. Par exemple, le mémoire descriptif originalement déposé de la demande de brevet décrit en termes généraux un procédé pour l’identification ciblée de peptides immunogènes sans aucune identification de peptides immunogènes et sans exemples. La demande de brevet déposée à l’origine ne contenait également aucun listage de séquences et aucun dessin.

En revanche, le mémoire descriptif et les dessins en instance de la présente demande divisionnaire introduisent des résultats expérimentaux identifiant des peptides immunogènes particuliers de Her2/neu dans la description, les revendications et les dessins : des détails qui n’étaient pas présents dans le mémoire descriptif originalement déposé de sa demande originale no 2 622 036. De plus, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art ne serait pas raisonnablement arrivée à ces détails à partir des procédés généraux divulgués dans le mémoire descriptif originalement déposé de la demande de brevet no 2 622 036.

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que l’introduction de la description des figures 1 à 8 à la page 5, à la ligne 12 de la page 6 et à la ligne 4 de la description; l’introduction des caractères réalisables à la page 7, à la ligne 21 de la page 7b et à la ligne 30 de la description; l’introduction d’une référence à la figure 1 à la page 9 et à la ligne 15 de la description; l’introduction de l’exemple à la page 13, à ligne 23 de la page 14 et à la ligne 22 de la description; le listage des séquences; les revendications 1 à 7 au dossier; et les figures 1 à 8 des dessins constituent un nouvel objet qui ne peut pas s’inférer raisonnablement du mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036, en contravention à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets et doit être supprimé.

[30] Le Demandeur dans la réponse à la lettre de révision préliminaire et lors de l’audience a continué à affirmer que la demande déposée à l’origine comprenait la communication écrite en vertu de la règle 20.6 du PCT, ainsi que les modifications aux revendications en vertu de l’article 19. En particulier, le Demandeur explique que la communication écrite en vertu de la règle 20.6 de l’incorporation par renvoi, ainsi que la modification des revendications en vertu de l’article 19, ont déposés en temps opportun au cours de la phase internationale auprès du bureau récepteur aux États-Unis le 7 mars 2008.

[31] En ce qui a trait à la communication écrite en vertu de la règle 20.6 d’incorporation par renvoi, le Demandeur affirme que la soumission a été reconnue par l’Office mondial de la propriété intellectuelle (OMPI) puisqu’il n’y avait aucune indication que l’office récepteur avait rejeté la soumission, laquelle a été déposée en temps opportun conformément aux délais prescrits dans la règle 20.7 des règles du PCT. De plus, la communication écrite en vertu de la règle 20.6 a été identifiée comme un document connexe au dossier au Bureau international et est publiée sur Patentscope avec le titre « Confirmation de l’incorporation par renvoi d’éléments ou de parties (règle 20.6) » au Bureau international[2]. De plus, l’office récepteur accepte cette soumission pour tous les états désignés, comme le démontre le brevet des États-Unis no 8945573, lequel est délivré avec les mêmes revendications que le Demandeur vise dans la présente demande.

[32] En ce qui a trait à la chronologie de la soumission, le Demandeur affirme que la règle 20.7b) permet implicitement et expressément une soumission tardive de l’incorporation par renvoi en vertu de la règle 20.6 et cela est énoncé dans le bulletin du PCT 2007-05[3] :

[traduction]

Si un avis confirmant l’incorporation par renvoi d’un élément est reçu par l’office récepteur après l’expiration du délai applicable en vertu de la règle 20.7a) du PCT, mais avant que l’office n’avise le demandeur en vertu de la règle 20.4i) du PCT que la demande ne sera pas traitée comme demande internationale, l’avis de ce demandeur sera considéré comme ayant été reçu à l’intérieur de ce délai maximal (règle 20.7b) du PCT).

[33] Lors de l’audience, le Demandeur a également fait référence au bulletin du PCT 2015-07/08[4], lequel indique que la raison pour les dispositions des règles du PCT 4.18 (Déclaration d’incorporation par renvoi), 20.5 (Parties manquantes) et 20.6 (Confirmation de l’incorporation par renvoi d’éléments ou de parties) est d’offrir une protection pour les demandeurs dans les cas où l’un des éléments suivants n’est pas contenu dans la demande internationale : l’ensemble de la description ou l’ensemble des revendications; une partie de la description ou des revendications; ou l’ensemble ou une partie des dessins; et lorsque l’élément ou la partie de l’élément concerné est complètement contenu dans la demande antérieure pour laquelle la priorité est revendiquée. En ce qui a trait aux règles concernant l’incorporation par renvoi, le Demandeur a noté que bien que certains des bureaux désignés aient soumis des avis d’incompatibilité entre leurs lois nationales et les règles concernant l’incorporation par renvoi, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada n’a jamais soumis un tel avis en vertu de la règle 20.8 du PCT.

[34] De plus, le Canada est un membre du Traité sur le droit des brevets, lequel offre une autre possibilité pour corriger les erreurs en vertu de la règle 18. Puisque les règles du PCT a été compilé avant que la demande ne soit entrée en phase nationale et que ces corrections ont été apportées à la demande internationale, l’objet contesté doit être admis.

[35] Sinon, le Demandeur demande que les documents soumis en vertu de la communication écrite prévue à la règle 20.6 soient acceptés par l’entremise d’une modification, puisque le document prioritaire a été incorporé par renvoi. De plus, le document prioritaire était disponible au public, donc il n’y a aucun préjudice à des tiers.

[36] Enfin, lors de l’audience, le Demandeur a remarqué que la question du nouvel objet n’a pas été soulevée avant la deuxième ou troisième année de l’examen, soulevant une question d’équité procédurale.

[37] Premièrement, bien que l’irrégularité du nouvel objet n’ait pas été soulevée dès le début de la poursuite de la présente demande, le principe d’équité procédurale a été respecté. Avant la délivrance de la décision finale, l’irrégularité du nouvel objet a été soulevée dans trois décisions du bureau. De plus, le Demandeur a eu des possibilités de répondre à la lettre de révision préliminaire et de participer à une audience.

[38] Deuxièmement, comme il a été expliqué dans la lettre de révision préliminaire, la demande en instance est une demande divisionnaire de la demande no 2 622 036 en phase nationale du PCT et règles qui gouvernent la demande internationale correspondante ne relèvent pas de nos compétences. Par conséquent, notre évaluation pour le nouvel objet doit être fondée sur une comparaison du mémoire descriptif et des dessins en instance au mémoire descriptif et aux dessins originalement déposés de sa demande originale no 2 622 036 au dossier au Bureau des brevets à sa date d’entrée en phase nationale, soit le 10 mars 2008.

[39] Le mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036 est composé de 13 pages de description et de 17 revendications, lesquelles sont identiques à celles qui ont été publiées le 15 mars 2007 à l’OMPI à l’égard de la demande internationale correspondante WO2007/0307712. Aucun listage de séquences et aucun dessin ne sont présents dans la demande internationale telle que déposée à l’origine. Dans le même ordre d’idées, les modifications apportées aux revendications en vertu de l’article 19 n’étaient également pas présentes dans la demande internationale telle que déposée à l’origine, puisqu’elles remplacent les revendications originalement déposées : Le Guide du déposant du PCT[5]

9.005

Règle 6.1, Règle 46.5, Instruction 205

Lorsqu’il dépose des modifications relatives aux revendications en vertu de l’article 19, le déposant est tenu de soumettre une feuille ou des feuilles contenant une série complète de revendications afin de remplacer les revendications initialement déposées.

[40] Troisièmement, il n’existe aucune disposition dans notre Loi sur les brevets permettant d’inclure l’objet que le Demandeur a tenté d’incorporer par renvoi au cours de la phase internationale. En fait, le paragraphe 57(1) des Règles sur les brevets interdit expressément l’incorporation par renvoi de documents :

[accentuation dans l’original] Interdiction d’incorporer par renvoi

[41] Compte tenu de ce qui précède, nous maintenons que l’introduction de la description des figures 1 à 8 à la page 5, à la ligne 12 de la page 6 et à la ligne 4 de la description; l’introduction des caractères réalisables à la page 7, à la ligne 21 de la page 7b et à la ligne 30 de la description; l’introduction d’une référence à la figure 1 à la page 9 et à la ligne 15 de la description; l’introduction de l’exemple à la page 13, à ligne 23 de la page 14 et à la ligne 22 de la description; le listage des séquences; les revendications 1 à 7 au dossier; et les figures 1 à 8 des dessins constituent un nouvel objet qui ne peut pas s’inférer raisonnablement du mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036.

[42] Bien que nous estimions que l’analyse ci-dessus soit déterminante de l’évaluation du nouvel objet dans ce dossier, nous offrons les opinions suivantes concernant l’application et le moment de l’application de la communication écrite en vertu de la règle 20.6 au cours de la phase internationale. Notamment la demande internationale correspondante WO2007/030771 a été déposée le 8 septembre 2006. À cette date, la règle 4.18 était intitulée Objet supplémentaire et ne permettait pas de demander l’inclusion d’un objet supplémentaire comme un objet incorporé par renvoi. Les dispositions permettant l’inclusion d’un objet par une déclaration d’incorporation par renvoi en vertu de la règle 4.18 et assujettie à une confirmation en vertu de la règle 20.6 ne sont pas entrées en vigueur avant le 1er avril 2007[6],[7]. Comme il est expliqué dans le bulletin du PCT 2007-053, la règle 20.6 du PCT ne s’applique pas à la demande internationale correspondante WO2007/030771 :

[accentuation ajoutée] subséquemment à la récente entrée en vigueur des modifications au Règlement d’exécution du PCT concernant l’incorporation par renvoi d’éléments manquants ou de parties manquantes de la demande internationale, vous pouvez soumettre les pages manquantes de la description sans avoir d’incidence sur la date de dépôt international, tant que certaines conditions sont respectées (de plus amples détails suivront). La règle 20 modifiée du PCT permet l’inclusion d’éléments omis par inadvertance de la demande internationale mentionnés dans les articles 11(1)iii)d) ou e) du PCT (c’est-à-dire l’ensemble de la description ou l’ensemble des revendications) ou de parties de la demande internationale (c’est-à-dire une partie de la description, une partie des revendications ou l’ensemble ou une partie des pages de dessins)qui étaient complètement contenus dans une demande produite antérieurement, dont la priorité est revendiquée dans la demande internationale, sans avoir d’incidence sur la date de dépôt international. Ces modifications sont entrées en vigueur le 1er avril 2007 et s’appliquent à l’égard des demandes internationales déposées à cette date ou ultérieurement (elles ne s’appliqueront donc pas aux demandes internationales à l’égard desquelles un ou plusieurs des éléments mentionnés dans l’article 11(1)iii) du PCT ont été reçus en premier lieu par l’office récepteur avant le 1er avril 2007).

[43] Cela correspond à l’absence de toute déclaration d’incorporation par renvoi dans la demande soumise avec la demande internationale WO2007/030771 déposée le 8 septembre 20062. La déclaration requise d’incorporation par renvoi en vertu de la règle 4.18 du PCT a seulement été préalablement imprimée dans le formulaire de demande en date du 1er avril 2007 : Bulletin du PCT 2007-053.

[44] De plus, même si les dispositions en vertu de la règle 4.18 et de la règle 20.6 étaient en vigueur au moment du dépôt de la demande internationale WO2007/030771 correspondante, il semble que le délai maximal pour la soumission d’une incorporation par renvoi était expiré avant que le Demandeur ne produise une communication écrite en vertu de la règle 20.6 pour inclure le contenu du document prioritaire le 7 mars 2008.

[45] La règle 20.7 est la disposition pertinente pour les délais et est libellée comme suit :

20.7 Délai

a) Le délai applicable visé aux règles 20.3.a) et b), 20.4, 20.5.a), b) et c), 20.5bis.a), b) et c), et 20.6.a) est :

i) lorsqu’une invitation en vertu de la règle 20.3.a), 20.5.a) ou 20.5bis.a), selon le cas, a été envoyée au déposant, de deux mois à compter de la date de l’invitation;

ii) lorsqu’il n’a pas été envoyé d’invitation au déposant, de deux mois à compter de la date à laquelle l’office récepteur a reçu initialement au moins l’un des éléments indiqués à l’article 11.1)iii).

b) Lorsque aucune correction selon l’article 11.2) ni aucune communication selon la règle 20.6.a) confirmant l’incorporation par renvoi d’un élément mentionné à l’article 11.1)iii)d) ou e) n’est reçue par l’office récepteur avant l’expiration du délai applicable en vertu de l’alinéa a), toute correction ou communication de ce type qui parvient à cet office après l’expiration dudit délai mais avant qu’il ait envoyé au déposant une notification en vertu de la règle 20.4.i) est considérée comme ayant été reçue dans ce délai.

[46] Le Demandeur affirme que la règle 20.7b) est la disposition pertinente pour la demande WO2007/030771 et, puisqu’aucun avis en vertu de la règle 20.4i) n’a été envoyé par l’office récepteur au Demandeur, sa communication écrite en vertu de la règle 20.6 doit être considéré comme ayant été produit en temps opportun. Respectueusement, nous ne sommes pas d’accord avec l’interprétation du Demandeur de la règle 20.7 telle qu’elle s’applique à la demande internationale WO2007/030771 pour les raisons suivantes : [soulignement ajouté]

a. Il ne s’agit pas d’une interprétation raisonnable, puisque cela aurait essentiellement pour effet d’annuler la disposition de délai en vertu de la règle 20.7a)ii).

b. Nous estimons qu’une interprétation plus raisonnable de la règle 20.7 dans son ensemble est la suivante :

i. La règle 20.7a)ii) gouverne les délais pour les cas où aucune invitation de la part de l’office récepteur n’a été envoyée pour soumettre des éléments ou des parties d’éléments manquants ou exacts, comme c’est le cas pour la demande internationale WO2007/030771. Dans de tels cas, le délai pour confirmer l’incorporation par renvoi est de deux mois à compter de la date à laquelle les documents ont été reçus pour la première fois par l’office récepteur.

ii. La règle 20.7b) gouverne le délai pour les cas couverts par la règle 20.7a)i) qui seraient assujettis à une décision négative en vertu de l’article 11(1) en l’absence d’une réponse opportune avant le délai de deux mois à une invitation en vertu de la règle 20.3a), 20.5a) ou 20.5bisa). Simplement, la règle 20.7b) permet de considérer une réponse tardive à une invitation comme ayant été reçue à temps tant que la réponse tardive a été reçue avant que l’office récepteur ne puisse aviser le demandeur en vertu de la règle 20.4i) d’une décision négative en vertu de l’article 11(1).

c. Nous estimons que notre interprétation correspond aux renseignements fournis dans le Guide du déposant du PCT.5:

6.029. Quel est le délai pour confirmer l’incorporation par renvoi d’éléments ou de parties manquant(e)s ou correct(e)s?

Règle 20.7
Lorsqu’aucune invitation à remettre des éléments ou des parties manquant(e)s ou correct(e)s n’est envoyée par l’office récepteur (formulaire PCT/RO/103 ou PCT/RO/107), le délai pour confirmer est de deux mois à compter de la date à laquelle les documents ont été initialement reçus par l’office récepteur.

[47] Compte tenu de ce qui précède, nous estimons que le délai applicable à la demande internationale WO2007/030771 pour confirmer l’incorporation par renvoi des éléments manquants en vertu de la règle 20.6 était de deux mois à compter de la date à laquelle les documents ont été reçus pour la première fois par l’office récepteur. Pour la demande internationale WO2007/030771, le délai de confirmation était de deux mois à compter de la date de dépôt du 8 septembre 2006. Cependant, une communication écrite en vertu de la règle 20.6 pour inclure le contenu du document prioritaire n’a pas été soumis avant le 7 mars 2008.

[48] Enfin, contrairement aux observations du Demandeur, nous ne sommes pas d’accord que la délivrance du brevet des États-Unis no 8945573 ou l’identification de la communication écrite en vertu de la règle 20.6 comme document connexe sur Patentscope démontrent que l’office récepteur a accepté la communication écrite en vertu de la règle 20.6 pour tous les états désignés. En ce qui a trait au brevet délivré des États-Unis no 8945573, nous notons qu’il a une date de dépôt du 10 mars 2008 et pas du 8 septembre 2006, soit la date de dépôt de la présente demande. Aucun brevet des États-Unis correspondant contenant l’objet conflictuel n’a été accordé avec une date de dépôt du 8 septembre 2006. En ce qui a trait à la publication de la communication écrite en vertu de la règle 20.6, le contenu de cette soumission ne semble pas avoir été considéré comme faisant partie de la demande internationale à la date de dépôt puisqu’il n’a jamais été publié dans le cadre de la demande internationale et y figure seulement à titre de document connexe2.

[49] Compte tenu de l’analyse ci-dessus, nous concluons que le mémoire descriptif et les dessins en instance contiennent un nouvel objet qui ne peut pas raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036, en contravention à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets1.

Utilité

Contexte juridique

[50] L’utilité est exigée par l’article 2 de la Loi sur les brevets :

[accentuation dans l’original] invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[51] Dans AstraZeneca Canada Inc c. Apotex Inc, 2017 CSC 36, aux par. 54 et 55 [AstraZeneca], la Cour suprême du Canada explique l’approche qui suit pour déterminer si un brevet divulgue une invention avec suffisamment d’utilité en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets :

[54] Pour déterminer si un brevet divulgue une invention dont l’utilité est suffisante au sens de l’art. 2, les tribunaux doivent procéder à l’analyse suivante. Ils doivent d’abord cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet. Puis, ils doivent se demander si cet objet est utile — c’estàdire, se demander s’il peut donner un résultat concret.

[55] La Loi ne prescrit pas le degré d’utilité requis. Elle ne prévoit pas non plus que chaque utilisation potentielle doit être réalisée — une parcelle d’utilité suffit. Une seule utilisation liée à la nature de l’objet est suffisante, et l’utilité doit être établie au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable à la date de dépôt : AZT, par. 56.

[52] Comme il est indiqué ci-dessus, l’inventeur doit avoir soit démontré l’utilité de l’invention, soit avoir été en mesure de prévoir de manière valable son utilité à la date de dépôt. L’utilité ne peut pas être étayée par les éléments de preuve et les connaissances qui ne sont devenues disponibles qu’après cette date : Apotex Inc c. Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77, au par. 56 [AZT], cité dans le passage ci-dessus.

[53] Dans AZT, aux par. 70 et 71, la Cour suprême du Canada énumère les exigences à satisfaire pour obtenir une prévision valable de l’utilité :

· la prédiction doit avoir un fondement factuel;

· à la date de la demande de brevet, l’inventeur doit avoir un raisonnement clair et valable qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité;

· il doit y avoir divulgation suffisante du fondement factuel et du raisonnement.

[54] Ces critères sont évalués du point de vue de la personne versée dans l’art à qui s’adresse le brevet, tenant compte des connaissances générales courantes pertinentes. De plus, à l’exception des connaissances générales courantes, le fondement factuel et le raisonnement valable doivent être inclus dans la demande de brevet : Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219, aux par. 152 et 153 [Bell helicopter].

[55] Bien qu’une prédiction n’ait pas à être une certitude pour être valable, il doit à première vue y avoir une conclusion raisonnable d’utilité : Mylan Pharmaceuticals ULC c. Eli Lilly Canada Inc, 2016 CAF 119, au par. 55; et Gilead Sciences, Inc c. Idenix Pharmaceuticals Inc, 2015 CF 1156, au par. 251.

Analyse

[56] La lettre de révision préliminaire, aux pages 10 à 13, explique pourquoi, selon notre opinion préliminaire, les revendications au dossier englobent l’objet pour lequel l’utilité n’a pas été établie par démonstration ou prévision valable :

[traduction]

[le texte en gras indique une date corrigée de la lettre de révision préliminaire] Selon la page 4 de la décision finale, l’objet revendiqué n’a pas été établi par démonstration ou prévision valable essentiellement parce qu’il n’y a aucun indice dans les parties du mémoire descriptif en instance qui correspond au mémoire descriptif originalement déposé de la demande de brevet 2 622 036 « pour l’utilité d’un composé ou d’une combinaison comportant un peptide comportant une séquence telle qu’établie dans SEQ ID NO: 17 ou 18 et un anticorps qui se lie à une région immunogène de Her2/neu ».

La réponse à la décision finale, à la page 3, n’est pas d’accord avec cette évaluation et observe que les arguments présentés pour l’irrégularité du nouvel objet s’appliquent également à cette irrégularité. Elle observe également que l’objet aux pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 13 et 14 de la description, le listage des séquences et les figures 1 à 8 des dessins peut être invoqué pour établir l’utilité de l’objet revendiqué.

Comme il est indiqué ci-dessus, l’utilité doit être établie au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable à la date de dépôt : AZT, au par. 56. De plus, il n’y a aucune exigence de divulguer l’utilité de l’invention pour satisfaire aux exigences de l’article 2 de la Loi sur les brevets : AstraZeneca, au par. 58.

Un examen de l’historique de la poursuite de la demande de brevet no 2 622 036 dévoile que la demande provisoire des États-Unis 60/714,865 déposée le 8 septembre 2005 contient la pièce jointe A, laquelle démontre la lyse de diverses lignées de tumeurs exprimant Her2/neu traitée avec une combinaison comprenant une séquence telle qu’établie dans SEQ ID NO: 17 (appelée dans celle-ci GP2) et l’anticorps trastuzumab. De plus, au cours de la poursuite de la présente demande, le Demandeur indique dans la réponse en date du 14 janvier 2016 que la pièce jointe A étaie l’objet des pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 13 et 14 de la description, du listage des séquences et des figures 1 à 8 des dessins.

Par conséquent, puisqu’il semble que l’objet des pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 13 et 14 de la description, du listage des séquences et des figures 1 à 8 des dessins contient des renseignements qui sont pertinents à la démonstration de l’utilité qui existait avant la date de dépôt de la présente demande, comme le démontre la pièce jointe A de la demande provisoire des États-Unis no 60/714,865, notre opinion préliminaire est que ces renseignements peuvent être invoqués pour établir l’utilité démontrée.

Cependant, la pièce jointe A ne fournit pas une démonstration de l’utilité d’un peptide comprenant une séquence telle qu’établie dans SEQ ID NO: 18 et l’anticorps trastuzumab. Par conséquent, ce qui doit être évalué est la question de savoir si l’utilité de ce peptide avait été prédite de manière valable à la date de dépôt. Bien que l’objet aux pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 13 et 14 de la description, du listage des séquences et des figures 1 à 8 des dessins, ainsi que dans la pièce jointe A de la demande provisoire des États-Unis no 60/714,865, puisse fournir un fondement factuel pour l’utilité d’un composé ou d’une combinaison comprenant un peptide comprenant une séquence telle qu’établie dans SEQ ID NO: 18 et l’anticorps trastuzumab, nous ne sommes pas d’accord que cet objet puisse être invoqué pour établir si l’utilité de l’objet revendiqué était prédite de manière valable. Comme il a été expliqué ci-dessus, à l’exception des connaissances générales courantes, seuls les renseignements qui sont contenus dans les parties du mémoire descriptif en instance qui correspondent au mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036 peuvent être utilisés pour établir si les exigences pour une prévision valable de cet objet revendiqué ont été satisfaites : Bell Helicopter, au par. 153.

Comme il est indiqué ci-dessus, nous avons déjà présenté notre opinion préliminaire que les informations aux pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 13 et 14 de la description, le listage des séquences et les figures 1 à 8 des dessins contiennent un nouvel objet que la personne versée dans l’art n’aurait pas raisonnablement inféré du mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036. Cela signifie que ces renseignements ne peuvent pas être invoqués pour établir l’utilité d’un composé ou d’une combinaison comprenant un peptide comprenant une séquence telle qu’établie dans SEQ ID NO: 18 et l’anticorps trastuzumab par une prévision valable.

Quel est l’objet de l’invention tel qu’elle est revendiquée?

Notre opinion préliminaire est que l’objet de l’invention concerne des méthodes pour identifier des peptides immunogènes qui pourraient provoquer une réponse immunitaire chez l’hôte. L’identification de ces séquences de peptides, qui sont associées à la liaison des anticorps, est utile pour prévenir, atténuer et traiter les maladies relatives au système immunitaire. La page 8 de la description originalement déposée fait référence à une réalisation préférentielle où une région immunogène unique de la protéine Her2/neu a été identifiée. Par conséquent, l’objet de l’invention telle que revendiquée qui doit être utile est un peptide composé de la séquence SEQ ID NO: 17 ou 18 et de l’anticorps trastuzumab pour traiter un cancer exprimant Her2/neu.

Cet objet est-il utile?

Comme il est indiqué ci-dessus, lorsque la demande a été déposée, il avait été démontré qu’un peptide composé de la séquence SEQ ID NO: 17 ou 18 et de l’anticorps trastuzumab pouvait traiter un cancer exprimant Her2/neu. Cependant, il n’y a aucune indication dans les parties du mémoire descriptif en instance qui correspond au mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036 qui indique qu’un peptide composé de la séquence SEQ ID NO: 17 sera utile pour traiter un cancer exprimant Her2/neu; comme il est expliqué dans AstraZeneca, il n’y a aucune exigence de divulguer l’utilité de l’invention pour satisfaire aux exigences de l’article 2 de la Loi sur les brevets (par. 58).

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que la démonstration, avant la date de dépôt, qu’un peptide composé de la séquence SEQ ID NO: 17 serait utile pour traiter un cancer exprimant Her2/neu est asssocié, de façon appropriée, à l’objet de la présente demande et satisfait les exigences en matière d’utilité en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Cependant, nous avons également établi que, au moment auquel la demande a été déposée, l’utilité d’un peptide composé d’une séquence telle que celle établie dans SEQ ID NO: 18 et l’anticorps trastuzumab n’avait pas été démontrée. De plus, il n’y a aucune indication dans les parties du mémoire descriptif en instance qui correspond au mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036 qui divulgue un peptide composé de la séquence SEQ ID NO: 18 et son utilisation pour traiter un cancer exprimant Her2/neu.

Notre opinion préliminaire EET que, en l’absence de la divulgation d’un peptide composé de la séquence SEQ ID NO: 18 et de son utilisation pour traiter un cancer exprimant Her2/neu, la personne versée dans l’art estimerait qu’il n’y a aucun fondement factuel ou raisonnement valable pour appuyer la prévision valable de l’utilité thérapeutique d’un peptide composé de la séquence SEQ ID NO: 18 et de l’anticorps trastuzumab pour traiter un cancer exprimant Her2/neu.

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que les revendications 1 à 7 au dossier englobent un objet pour lequel l’utilité n’a pas été établie par démonstration ou prévision valable, en contravention à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[57] Dans la réponse à la lettre de révision préliminaire et lors de l’audience, le Demandeur a observé que les arguments présentés à l’égard du nouvel objet s’appliquent également à cette irrégularité. Cependant, comme il est expliqué ci-dessus dans l’évaluation du nouvel objet, nous ne sommes pas d’accord avec les observations dans la réponse à la lettre de révision préliminaire et lors de l’audience que les informations aux pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 9, 13 et 14 de la description, le listage des séquences et les figures 1 à 8 des dessins puissent raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036.

[58] Par conséquent, nous maintenons le raisonnement précédent et concluons que les revendications 1 à 7 au dossier englobent un objet pour lequel l’utilité n’a pas été établie par démonstration ou prédiction valable, en contravention à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Insuffisance de fondement

Contexte juridique

[59] L’article 60 des Règles sur les brevets (l’équivalent à l’article 84 des anciennes Règles) exige que les revendications soient pleinement étayées par la description :

Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle-ci.

[60] La section 16.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (Office de la propriété intellectuelle du Canada, octobre 2019) fournit les directives suivantes concernant les exigences de l’article 06 des Règles sur les brevets :

En vertu de l’article 60 des Règles sur les brevets, une revendication se fonde entièrement sur la description. Il faut que toutes les caractéristiques concernant la réalisation de l’invention mentionnées dans la revendication soient définies dans la description (article 60 des Règles sur les brevets). Toutefois, puisque toutes les revendications incluses dans la demande au moment du dépôt font partie du mémoire descriptif (voir le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et la définition de la « description » au paragraphe 1(1) des Règles sur les brevets), tout élément des revendications originales non compris dans la description au moment du dépôt peut y être ajouté (à l’exception des demandes divisionnaires pour lesquelles il existe des exigences supplémentaires en ce qui concerne le nouvel objet, voir la section 20.01.04 pour obtenir de plus amples renseignements).

On refuse une revendication si elle n’est pas suffisamment étayée par la description et si les termes qui y sont employés ne se retrouvent pas dans la description ou ne peuvent être déduits clairement de celle-ci. Les termes des revendications et de la description doivent avoir le même sens.

Analyse

[61] La lettre de révision préliminaire, aux pages 14 et 15, explique pourquoi, selon notre opinion préliminaire, les revendications au dossier ne sont pas fondées :

[traduction]

Selon la page 4 de la décision finale, il n’y a aucun fondement dans la description originalement déposée avec la demande originale no 2 622 036 pour l’objet des revendications au dossier :

Dans les parties de la description qui ont été originalement déposées, ou de celles qui peuvent s’inférer du mémoire descriptif originalement déposé, il n’y a aucun fondement pour l’utilité d’un peptide (ou d’une composition comprenant ledit peptide) comportant une séquence telle qu’établie dans SEQ ID NO: 17 ou 18 et d’un anticorps qui se lie à une région immunogène de Her2/neu pour traiter un cancer […] Puisque le demandeur n’a pas divulgué un peptide comportant une séquence d’acides aminés telle qu’établi dans SEQ ID NO: 17 ou 18 et un anticorps qui se lie à une région immunogène de Her2/neu, les revendications 1 à 7 sont considérées comme visant un objet spéculatif.

La réponse à la décision finale, à la page 4, n’est pas en accord avec cette évaluation et indique que les arguments présentés pour l’irrégularité de nouvel objet s’appliquent également à cette irrégularité. Elle indique également que l’objet aux pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 13 et 14 de la description, le listage des séquences et les figures 1 à 8 des dessins peuvent servir à établir le fondement dans la description de l’objet revendiqué.

Bien que l’objet aux pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 13 et 14 de la description, le listage des séquences et les figures 1 à 8 des dessins puissent fournir un fondement pour l’utilité d’un peptide comprenant une séquence telle qu’établie dans SEQ ID NO: 17 ou 18 et de l’anticorps trastuzumab pour traiter un cancer Her2/neu, nous ne sommes pas d’accord que cet objet puisse servir à établir le fondement dans la description de l’objet revendiqué.

Comme il est indiqué ci-dessus, nous avons déjà présenté notre opinion préliminaire que les informations aux pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 9, 13 et 14 de la description, le listage des séquences et les figures 1 à 8 des dessins contiennent un nouvel objet que la personne versée dans l’art n’aurait pas raisonnablement inféré du mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036. Cela signifie que ces informations ne peuvent pas servir à établir le fondement dans la description de l’objet revendiqué.

Comme il est expliqué à la section 16.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets, l’article 60 des Règles sur les brevets exige que toutes les caractéristiques concernant la réalisation de l’invention mentionnées dans une revendication soient fondées sur la description. Par conséquent, une revendication ne sera pas fondée sur la description si les termes qui sont employés dans la revendication ne se retrouvent pas dans la description et qu’ils ne peuvent pas clairement s’inférer du mémoire descriptif originalement déposé.

Nous sommes d’accord avec la décision finale qu’il n’y a aucun fondement dans les parties du mémoire descriptif en instance qui correspondent au mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036 pour l’utilité d’un peptide composé de la séquence SEQ ID NO: 17 ou 18 pour traiter un cancer exprimant Her2/neu.

De plus, nous sommes d’accord avec la décision finale que le mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036 enseigne simplement des procédés généraux pour identifier des peptides immunogènes. Bien que la page 8 de la description originalement déposée fait référence à une réalisation préférentielle où une région immunogène unique de la protéine Her2/neu a été identifiée, cette région n’est ni divulguée ni démontrée comme étant efficace sur le plan thérapeutique.

Notre opinion préliminaire est que, en l’absence de la divulgation d’un peptide composé de la séquence SEQ ID NO: 17 ou 18 et de son utilisation pour traiter un cancer exprimant Her2/neu, la personne versée dans l’art n’inférerait pas l’utilité thérapeutique d’un peptide composé de la séquence SEQ ID NO: 17 ou 18 et de l’anticorps trastuzumab pour traiter un cancer exprimant Her2/neu du mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036.

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que l’objet des revendications 1 à 7 au dossier n’est pas fondé sur la description, en contravention à l’article 60 des Règles sur les brevets.

[62] Dans la réponse à la lettre de révision préliminaire et lors de l’audience, le Demandeur a observé que les arguments présentés à l’égard du nouvel objet s’appliquent également à cette irrégularité. Cependant, comme il est expliqué ci-dessus dans l’évaluation du nouvel objet, nous ne sommes pas d’accord avec les observations dans la réponse à la lettre de révision préliminaire et lors de l’audience que les informations aux pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 9, 13 et 14 de la description, le listage des séquences et les figures 1 à 8 des dessins puissent raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036.

[63] Par conséquent, nous maintenons le raisonnement précédent et concluons que les revendications 1 à 7 au dossier ne sont pas fondées sur la description, en contravention à l’article 60 des Règles sur les brevets.

Caractère suffisant de la divulgation

Contexte juridique

[64] Le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets exige, entre autres, que le mémoire descriptif d’un brevet décrive d’une façon exacte et complète l’invention, et en permette sa pratique :

27(3) Le mémoire descriptif doit :

  • a)décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

  • b)exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;


[…].

[65] Pour déterminer si le mémoire descriptif est conforme aux alinéas 27(3)a) et 27(3)b) de la Loi sur les brevets, il importe de répondre aux trois questions suivantes : En quoi consiste l’invention? Comment fonctionne-t-elle? En se fondant seulement sur le mémoire descriptif, la personne versée dans l’art est-elle en mesure de produire l’invention en utilisant uniquement les instructions contenues dans la divulgation? : Teva Canada Limited c. Novartis AG, 2013 CF 141, citant Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60 [Teva] et Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 RCS 504, à la p. 520 [Consolboard]).

[66] En ce qui concerne cette troisième question, « il faut qu’aucune activité inventive supplémentaire ne soit nécessaire pour faire fonctionner l’invention visée par le brevet » : Aventis Pharma Inc. c. Apotex Inc., 2005 CF 1283, au par. 172. Un brevet ne sera pas invalide pour cause de divulgation insuffisante s’il exige la conduite d’essais courants de la part d’une personne versée dans l’art, mais la Cour suprême du Canada a conclu qu’une divulgation est insuffisante si le mémoire descriptif « requiert la résolution d’un problème » : Idenix Pharmaceuticals, Inc. c. Gilead Pharmasset LLC, 2017 CAF 161, au par. 19, citant Pioneer Hi-Bred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 RCS 1623, à la p. 1641.

[67] Dans Consolboard, à la page 517, la Cour suprême du Canada a renvoyé au livre Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions (1969, 4e édition), qui cite H.G. Fox pour affirmer que [traduction] « l’inventeur doit, en retour pour l’octroi d’un brevet, fournir au public une description adéquate de l’invention avec des détails suffisamment exhaustifs et précis pour permettre à un travailleur, versé dans l’art associé à l’invention, de construire ou d’employer cette invention une fois que le monopole est expiré ».

[68] D’ailleurs, « […] le fait que la divulgation enseigne comment fabriquer la réalisation préférentielle ne suffit pas. La divulgation doit enseigner à la personne versée dans l’art comment mettre en pratique toutes les réalisations de l’invention, et ce, sans devoir faire preuve d’ingéniosité inventive ou avoir à entreprendre des expériences indues » : Seedlings Life Science Ventures, LLC c. Pfizer Canada ULC, 2021 CAF 154, au par. 68.

Analyse

[69] La lettre de révision préliminaire, aux pages 17 et 18, explique pourquoi, selon notre opinion préliminaire, le mémoire descriptif, dans la mesure qu’il concerne les revendications au dossier, est insuffisant :

[traduction]

Les pages 4 et 5 de la décision finale expliquent pourquoi, compte tenu de l’irrégularité du nouvel objet, le mémoire descriptif ne décrit pas correctement et complètement l’invention, son fonctionnement ou son utilisation, de façon à permettre à la personne versée dans l’art de mettre en pratique l’invention :

Dans les parties du mémoire descriptif qui a été déposé à l’origine, ou qui peuvent être déduites de la demande déposée à l’origine, le Demandeur n’a ni divulgué de peptide qui représente une part de la séquence de Her2/neu ni indiqué la façon d’utiliser ledit peptide pour traiter le cancer.

La réponse à la décision finale, à la page 4, n’est pas d’accord avec cette évaluation et observe que les arguments présentés pour l’irrégularité du nouvel objet s’appliquent également à cette irrégularité. Elle observe également que l’objet aux pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 13 et 14 de la description, au listage des séquences et aux figures 1 à 8 des dessins peut être invoqué pour établir le fondement du caractère réalisable de l’objet revendiqué.

Bien que l’objet aux pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 13 et 14 de la description, au listage des séquences et aux figures 1 à 8 des dessins puisse fournir une divulgation suffisante d’un peptide comprenant une séquence telle qu’établie dans SEQ ID NO: 17 ou 18 et l’anticorps trastuzumab pour traiter un cancer Her2/neu, nous ne sommes pas d’accord que cet objet puisse être invoqué pour établir le caractère réalisable de l’objet revendiqué.

Comme il est indiqué ci-dessus, nous avons déjà présenté notre opinion préliminaire que les informations aux pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 13 et 14 de la description, le listage des séquences et les figures 1 à 8 des dessins contiennent un nouvel objet que la personne versée dans l’art n’aurait pas raisonnablement inféré du mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036. Cela signifie que ces renseignements ne peuvent pas être invoqués pour établir une divulgation suffisante de l’objet revendiqué.

Nous sommes d’accord avec la décision finale qu’il n’y a aucune divulgation dans les parties du mémoire descriptif en instance qui correspond au mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036 de tout peptide qui représente une partie de la séquence de Her2/neu ou la façon d’utiliser ledit peptide pour traiter le cancer.

Le renvoi dans le mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036 à une réalisation préférentielle où une région immunogène unique de la protéine Her2/neu a été identifiée ne fournit pas une description correcte et complète d’un peptide composé de la séquence SEQ ID NO: 17 ou 18 et de son utilisation pour traiter un cancer exprimant Her2/neu.

De plus, en l’absence de la divulgation d’un peptide composé de la séquence SEQ ID NO: 17 ou 18, la personne versée dans l’art devra faire preuve d’inventivité pour résoudre le problème d’identifier les peptides qui représentent une partie de la séquence de Her2/neu, qui sont efficaces sur le plan thérapeutique pour traiter un cancer exprimant Her2/neu et qui peuvent être utilisés en combinaison avec l’anticorps trastuzumab.

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que le mémoire descriptif ne décrit pas correctement et complètement l’invention et qu’il ne permet pas de l’utiliser en ce qui a trait aux revendications 1 à 7 au dossier, en contravention aux alinéas 27(3)a) et b) de la Loi sur les brevets.

[70] Dans la réponse à la lettre de révision préliminaire et lors de l’audience, le Demandeur a observé que les arguments présentés à l’égard du nouvel objet s’appliquent également à cette irrégularité. Cependant, comme il est expliqué ci-dessus dans l’évaluation du nouvel objet, nous ne sommes pas d’accord avec les observations dans la réponse à la lettre de révision préliminaire et lors de l’audience que les informations aux pages 5, 6, 7, 7a, 7b, 9, 13 et 14 de la description, le listage des séquences et les figures 1 à 8 des dessins puissent raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif originalement déposé de la demande originale no 2 622 036.

[71] Par conséquent, nous maintenons le raisonnement précédent et concluons que le mémoire descriptif ne décrit pas de façon exacte et complète l’invention et qu’il ne permet pas de l’utiliser en ce qui a trait aux revendications 1 à 7 au dossier, en contravention aux alinéas 27(3)a) et b) de la Loi sur les brevets.

Conclusions

[72] Nous avons déterminé que la description, le listage des séquences, les dessins et les revendications contiennent un nouvel objet en contravention à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets1.

[73] Nous avons également déterminé que les revendications 1 à 7 au dossier englobent un objet pour lequel l’utilité n’a pas été établie par démonstration ou prévision valable, en contravention à l’article 2 de la Loi sur les brevets, que les revendications 1 à 7 au dossier ne sont pas étayées en contravention à l’article 60 des Règles sur les brevets et que le mémoire descriptif, dans la mesure qu’il concerne les revendications 1 à 7 au dossier, est insuffisant en contravention au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[74] Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande que la demande soit rejetée pour les motifs suivants :

  • la description, le listage des séquences, les dessins et les revendications contiennent un nouvel objet en contravention à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets1;

  • les revendications 1 à 7 renferment un objet dénué d’utilité en contravention à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

  • les revendications 1 à 7 ne sont pas fondées en contravention à l’article 60 des Règles sur les brevets;

  • le mémoire descriptif, dans la mesure qu’il concerne les revendications 1 à 7, est insuffisant en contravention au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

 

 

 

 

 

Christine Teixeira

Marcel Brisebois

Ian de Belle

Membre

Membre

Membre


 

Décision du commissaire

[75] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande pour les motifs suivants :

· la description, le listage des séquences, les dessins et les revendications contiennent un nouvel objet en contravention à l’article 38.2 de la Loi sur les brevets1;

· les revendications 1 à 7 renferment un objet dénué d’utilité en contravention à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

· les revendications 1 à 7 ne sont pas fondées en contravention à l’article 60 des Règles sur les brevets;

· le mémoire descriptif, dans la mesure qu’il concerne les revendications 1 à 7, est insuffisant en contravention au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

[76] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je rejette cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Konstantinos Georgaras

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec)

ce 23e jour de juin 2023.



[1] Loi sur les brevets (LRC 1985, ch. P-4, telle que modifiée par la Loi d’actualisation du droit de la propriété intellectuelle : (Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, la Loi sur les dessins industriels, la Loi sur les topographies de circuits intégrés, la Loi sur les brevets, la Loi sur les marques de commerce et d'autres lois en conséquence), SR 1993, ch. 15, art. 41))

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