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BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 199(1) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251), la demande de brevet numéro 3 021 086 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont d’annuler le refus de la demande et d’accepter cette dernière.

Agent du demandeur :

MBM INTELLECTUAL PROPERTY LAW LLP

275, rue Slater, 14e étage

Ottawa (Ontario) K1P 5H9

 

Introduction

[1] Cette recommandation concerne l’examen de la demande de brevet canadien refusée numéro 3 021 086, qui est intitulée « Anticorps anti-Axl, fragments d’anticorps et leurs immunoconjugués et utilisations associées » et appartient à Bioatla, LLC (le Demandeur). Un Comité de la Commission d’appel des brevets a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets.

[2] Comme il est indiqué plus en détail ci-dessous, la Commission recommande que le commissaire aux brevets annule le refus et accepte la demande.

Contexte

La Demande

[3] La demande a été déposée en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, et la date de dépôt au Canada est le 13 avril 2017. Elle est devenue accessible au public le 19 octobre 2017.

[4] La demande refusée concerne des anticorps anti-Axl conditionnellement actifs qui ont une affinité de liaison plus élevée avec Axl dans un microenvironnement tumoral par rapport à leurs affinités de liaison avec Axl dans un environnement non tumoral. Cela peut également permettre l’administration de doses plus élevées d’anticorps anti-Axl ou un traitement plus fréquent.

[5] Les revendications visées par la révision sont les revendications 1 à 26, datées du 6 août 2021 (les revendications au dossier) qui ont été refusées dans la décision finale.

Historique de la poursuite

[6] Le 24 septembre 2021, une décision finale a été rédigée conformément au paragraphe 199(1) des Règles sur les brevets. La décision finale indique que l’objet des revendications 1 à 26 est antériorisé, en contravention de l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets. La décision finale indique également que la revendication 26 est ambiguë et qu’elle n’est donc pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[7] Dans la réponse à la décision finale datée du 24 janvier 2022, le Demandeur a exprimé un désaccord général avec les positions énoncées dans la décision finale, a présenté des observations spécifiques expliquant pourquoi les revendications au dossier sont conformes à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets et a proposé un ensemble de revendications modifiées (les revendications proposées) contenant la revendication 26 modifiée afin de corriger l’irrégularité en matière de clarté relevée dans la décision finale.

[8] Le 11 mars 2022, la demande a été acheminée à la Commission d’appel des brevets aux fins de révision en vertu de l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets, ainsi qu’un résumé des motifs expliquant que le refus est maintenu puisque les arguments du Demandeur présentés en réponse à la décision finale ne sont pas convaincants que les modifications proposées présentées en réponse à la décision finale ne corrigeaient pas l’ensemble des irrégularités indiquées dans la décision finale.

[9] Dans une lettre datée du 15 mars 2022, la Commission d’appel des brevets a transmis une copie du résumé des motifs au Demandeur et a demandé qu’il confirme s’il voulait toujours que la demande soit révisée.

[10] Dans une lettre datée du 8 avril 2022, le Demandeur a confirmé qu’il souhaitait qu’on procède à la révision.

Questions

[11] Compte tenu de ce qui précède, les questions suivantes sont examinées dans le cadre de la présente révision finale :

[12] À la lumière de notre recommandation que le refus soit annulé et que la demande soit acceptée, nous n’avons pas examiné les revendications proposées.

Subséquemment à l’interprétation téléologique, quels sont les éléments essentiels parmi les éléments revendiqués?

[13] À notre avis, tous les éléments des revendications au dossier sont essentiels.

Contexte juridique

[14] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, et à Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, une interprétation téléologique des revendications est faite du point de vue d’une personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (CGC) pertinentes et au regard du mémoire descriptif et des dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art (PVA) qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[15] Dans l’exécution de la détermination des éléments essentiels et non essentiels, tous les éléments établis dans une revendication sont présumés être essentiels, à moins qu’il n’en soit établi autrement ou lorsqu’une telle présomption est contraire au libellé des revendications.

Analyse des revendications au dossier

La personne versée dans l’art et les CGC pertinentes

[16] À notre avis, la personne versée dans l’art est une personne exerçant dans les domaines de l’immunologie et de la cancérothérapie.

[17] Aux fins du présent document et en ce qui concerne les CGC que possède la personne versée dans l’art, il suffit de dire que la PVA possède des CGC et une expérience technique de la production d’anticorps monoclonaux thérapeutiques de différents types et une connaissance des conditions générales des microenvironnements tumoraux par rapport aux microenvironnements non tumoraux.

Les revendications au dossier

[18] Il y a 26 revendications au dossier. Nous estimons que les revendications indépendantes 1, 2, 18, 23, 25 et 26 sont des revendications indépendantes et se lisent comme suit :

[traduction]

1. Anticorps ou fragment d’anticorps qui se lie spécifiquement à la protéine Axl, cet anticorps ou fragment d’anticorps comprenant une région variable à chaîne lourde comprenant trois régions de détermination de la complémentarité à chaîne lourde et une région variable à chaîne légère comprenant trois régions de détermination de la complémentarité à chaîne légère, ces trois régions de détermination de la complémentarité à chaîne lourde ayant des séquences H1, H2 et H3, où :

a) la séquence H1 est X1GX2X3MX4 (SEQ ID NO : 1);
b) la séquence H2 est LIKX5SNGGTX6YNQKFKG (SEQ ID NO : 2); et
c) la séquence H3 est GX7X8X9X10X11X12X13X14DYX15X16 (SEQ ID NO : 3),


X1 est T ou W,
X2 est H ou A,
X3 est T,
X4 est N,
X5 est P,
X6 est S,
X7 est H,
X8 est Y,
X9 est E,
X10 est S,
X11 est Y,
X12 est E,
X13 est A,
X14 est M,
X15 est W, et
X16 est G, et
lesdites trois régions de détermination de la complémentarité à chaîne légère ayant des séquences L1, L2 et L3, où :
d) la séquence L1 est KASQDX17X18SX19VX20 (SEQ ID NO : 4);
e) la séquence L2 est X21X22X23TRX24
T (SEQ ID NO : 5); et
f) la séquence L3 est QEX25X26SX27X28X29X30 (SEQ ID NO : 6)
,

X17 est V,
X18 est S ou V,
X19 est A,
X20 est A,
X21 est W,
X22 est Q,
X23 est D,
X24 est H,
X25 est H,
X26 est F,
X27 est T or P,
X28 est P,
X29 est L, et
X30 est T ou R.

2. Anticorps ou fragment d’anticorps qui se lie spécifiquement à la protéine Axl, comprenant une région variable à chaîne lourde codée par une séquence d’ADN choisie parmi les séquences de SEQ ID NOS : 11 à 13, et une région variable à chaîne légère codée par une séquence d’ADN choisie parmi les séquences suivantes
SEQ ID NOS : 7 à 10.

18. Immunoconjugué comprenant l’anticorps ou le fragment d’anticorps de l’une des revendications 1 à 17.

23. Une composition pharmaceutique comprenant :

l’anticorps ou le fragment d’anticorps de l’une des revendications 1 à 17, ou l’immunoconjugué de l’une des revendications 18 à 22; et un excipient pharmaceutiquement acceptable.

25. Utilisation de la composition pharmaceutique de l’une des revendications 23 et 24 pour traiter le cancer.

26. Une trousse comprenant l’anticorps ou le fragment d’anticorps de l’une des revendications 1 à 17, ou l’immunoconjugué de l’une des revendications 18 à 22, ou la composition pharmaceutique de l’une des revendications 23 à 24, et instructions pour l’utilisation de l’anticorps ou du fragment d’anticorps pour une dose thérapeutique et/ou diagnostique, de l’immunoconjugué et/ou de la composition
pharmaceutique.

[19] Les revendications dépendantes 3 à 17, 19 à 22 et 24 définissent d’autres limitations en ce qui concerne : la séquence d’ADN de la chaîne lourde ou légère (revendications 3 à 8), les séquences d’acides aminés des régions de détermination de la complémentarité (revendications 9 à 12), l’affinité relative de l’anticorps englobé pour Axl dans différentes conditions de microenvironnement (revendications 13 et 16), les conditions de microenvironnement (revendications 14 et 15), le type d’anticorps (revendication 17), la présence d’un ou plusieurs agents supplémentaires (revendications 19, 20, 22 et 24), et la présence d’une molécule de liaison entre l’anticorps ou le fragment d’anticorps et le ou les agents supplémentaires (revendication 21).

Éléments essentiels

[20] Nous considérons que la personne versée dans l’art qui lit les revendications 1 à 26 comprendrait qu’aucun libellé des revendications n’indique que l’un des éléments est facultatif ou constitue un mode de réalisation préférentiel. Bien que certaines revendications contiennent une liste de solutions de rechange, nous estimons que la PVA comprendrait que l’élément représenté par l’une de ces solutions est essentiel. De plus, il n’y a aucune indication au dossier devant nous que l’un des éléments des revendications est non essentiel. Notre opinion est donc que la PVA considérerait tous les éléments des revendications 1 à 26 comme essentiels.

L’objet des revendications 1 à 26 au dossier est-il antériorisé?

[21] Nous sommes d’avis que l’objet des revendications 1 à 26 est nouveau.

Contexte juridique

[22] L’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets énonce l’exigence selon laquelle l’objet d’une revendication doit être une nouveauté compte tenu d’une divulgation par le demandeur en soi :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet au Canada (la « demande ») ne doit pas avoir été divulgué

a) soit plus d’un an avant la date de dépôt de celle-ci, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

[…]

[23] Il y a deux exigences distinctes pour démontrer que l’art antérieur antériorise une invention revendiquée : il doit y avoir une divulgation antérieure de l’objet revendiqué et la divulgation antérieure doit permettre à une PVA de réaliser l’objet revendiqué (Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi] aux par. 24 à 29, 49).

[24] « Divulgation antérieure » signifie que l’art antérieur doit divulguer l’objet qui, s’il est exécuté, entraînerait nécessairement une contrefaçon du brevet. La PVA qui se penche sur la divulgation « est censée tenter de comprendre ce que l’auteur de la description [dans le brevet antérieur] a voulu dire » (voir Sanofi au par. 32). À ce stade, il n’y a pas de place pour que la PVA puisse faire des essais successifs ou des expériences. L’art antérieur se lit simplement « pour en comprendre la teneur » : voir Sanofi, au paragraphe 25, citant Synthon B.V. v. SmithKline Beecham plc, [2006] 1 All ER 685, [2005] UKHL 59.

[25] L’exigence liée au caractère réalisable signifie que le document de l’art antérieur permet à la personne versée dans l’art de réaliser et d’exécuter l’invention, permettant de procéder à quelques essais successifs pour la faire fonctionner (voir Sanofi, par. 26 et 27).

[26] Nous comprenons du paragraphe 37 de la décision Sanofi que les facteurs suivants (non exhaustifs) doivent être pris en considération :

[27] Les décisions sur la divulgation et la réalisation doivent être prises en se fondant sur la norme de preuve habituelle de la prépondérance des probabilités, et non sur une norme plus stricte, comme une norme quasi criminelle (Laboratoires Abbott c. Sandoz Canada Inc, 2008 CF 1359, conf. par 2009 CAF 94, au par. 69).

Analyse des revendications

[28] Nous devons déterminer si l’objet des revendications 1 à 26 au dossier est antériorisé par la divulgation de WO 2016/033331 [D2], une demande de brevet dont la date de publication est le 3 mars 2016. Le document D2 et la présente demande ont Short, J.M. comme inventeur nommé et Bioatla, LLC comme demandeur.

[29] Selon la page 1 de la décision finale, le document D2 divulgue « des anticorps, dont plusieurs sont identiques à ceux divulgués dans la présente demande (tableau 3). Le document D2 ne divulgue pas que les anticorps lient Axl, mais simplement qu’ils se lient à la “cible médicamenteuse X”. Le document D2 divulgue également des immunoconjugués, des compositions pharmaceutiques, des méthodes de traitement et de diagnostic du cancer, et des trousses associées ».

[30] En ce qui concerne l’exigence liée à la divulgation, la page 2 de la décision finale contient essentiellement les éléments suivants :

[traduction]

Plus précisément, le document D2 divulgue les mêmes anticorps ou fragments d’anticorps qui lient spécifiquement la protéine Axl, tels que divulgués dans la présente demande. Le document D2 ne divulgue pas que les anticorps lient Axl, mais simplement qu’ils se lient à la « cible médicamenteuse X ». Cependant, sur la base du fait que les anticorps ont le même nom et les mêmes paramètres cinétiques que ceux de la présente demande (comparez le tableau 3 du document D2 avec le tableau 5 de la présente demande), il est clair que les anticorps sont identiques. Le document D2 divulgue également des immunoconjugués associés, des compositions pharmaceutiques, l’utilisation de la composition pour traiter le cancer, et des trousses pour le diagnostic ou le traitement.

[31] En réponse, la réponse à la décision finale soutient à la page 2 que les motifs énoncés dans la décision finale [traduction] « ne reposent pas sur la divulgation de D2, mais exigent qu’une personne versée dans l’art consulte la divulgation de la présente demande en plus de la divulgation de l’art antérieur D2 cité, afin qu’une personne versée dans l’art ait prétendument compris que les anticorps de D2 sont les mêmes que ceux divulgués dans la présente demande ». [soulignement dans l’original]

[32] Étant donné que la question porte directement sur les anticorps qui figurent dans le tableau 3 de D2 et dans le tableau 5 de la présente demande, les deux tableaux sont reproduits ci-dessous.

[33] Sur la base de notre compréhension de la jurisprudence relative à la signification de la « divulgation antérieure », nous sommes d’avis qu’une question pertinente est de savoir si le document D2 divulgue un objet qui, s’il était exécuté, entraînerait nécessairement une contrefaçon des revendications au dossier s’il était accepté. Nous pensons que la PVA qui examine la divulgation du document D2 et essaie de comprendre ce que l’auteur de la description voulait dire, considérerait que l’exemple 7 aux pages 96 et 97 et le tableau 3 correspondant divulguent des anticorps biologiques conditionnellement actifs avec diverses propriétés et caractéristiques physiques qui servent à caractériser lesdits anticorps dans une certaine mesure. Ce que la PVA ne peut pas comprendre d’une lecture équitable du document D2, c’est l’identité de l’antigène ou des antigènes ciblés par les anticorps du tableau 3, puisque le document D2 indique qu’ils se lient à la « cible médicamenteuse X ».

[34] La détermination de la question de savoir si les anticorps du tableau 3 de D2 violeraient nécessairement les revendications au dossier est une recherche axée sur les faits qui nécessite de comparer ce qui est compris dans les revendications au dossier et la divulgation pertinente de D2 décrite ci-dessus. Par conséquent, nous sommes d’avis qu’il est raisonnable de consulter le mémoire descriptif de la présente demande et la divulgation du document D2 pour rassembler les faits pertinents requis. Cependant, et conformément à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets, l’analyse de la divulgation doit commencer par les éléments essentiels des revendications au dossier. Ensuite elle se poursuit afin d’examiner si les éléments essentiels ont été divulgués dans le document D2.

[35] Nous sommes d’avis que la PVA ne comprendrait pas facilement à partir d’une lecture équitable de la présente description, que les anticorps anti-Axl conditionnellement actifs décrits dans l’exemple 1, et le tableau 5 correspondant aux pages 86 à 89, possèdent nécessairement tous les éléments essentiels des anticorps anti-Axl décrits dans les revendications au dossier, ce qui inclut les séquences spécifiées. La description n’indique pas quels clones du tableau 5 possèdent les régions de détermination de la complémentarité qu’englobe la portée des revendications. À cet égard, la description indique seulement au paragraphe [0112] que les anticorps anti-Axl comprenant des régions variables à chaîne lourde codées par les séquences d’ADN de SEQ ID NOS : 11 à 13 et des régions variables à chaîne légère codées par les séquences d’ADN de SEQ ID NOS : 7 à 10 ont une affinité de liaison plus élevée pour Axl à un pH trouvé dans le microenvironnement tumoral qu’à un pH dans un microenvironnement non tumoral.

[36] Une fois comparés, il est évident que les dix anticorps du tableau 3 du document D2 partagent exactement les mêmes valeurs de constante de liaison cinétique avec dix anticorps du tableau 5 de la présente demande, une coïncidence hautement improbable dans le contexte des documents respectifs qui se rapportent tous deux à des anticorps biologiques conditionnellement actifs et à leur utilisation pour le traitement du cancer. Cependant, nous avons déjà conclu ci-dessus que les anticorps du tableau 5 de la présente demande ne possèdent pas nécessairement tous les éléments essentiels des anticorps anti-Axl mentionnés dans les revendications au dossier. En outre, nous considérons que la PVA ne comprendrait pas facilement, à partir d’une interprétation raisonnable du document D2, que les anticorps du tableau 3 du document D2 possèdent nécessairement les régions essentielles déterminant la complémentarité mentionnées dans les revendications au dossier. Par conséquent, nous sommes d’avis que les anticorps décrits dans le tableau 3 du document D2 ne sont pas nécessairement englobés par les revendications au dossier.

[37] De toute façon, si nous avions conclu que les anticorps englobés par les revendications au dossier ont été divulgués dans le tableau 3 du document D2, cela n’aurait pas été la fin de la recherche. Conformément aux faits de la présente affaire, la phrase « s’il est réalisé » figurant dans notre question préliminaire au paragraphe [33] ci-dessus a du poids et nous amène directement à la deuxième exigence d’un document d’antériorité : la divulgation antérieure doit permettre à l’objet revendiqué d’être réalisé par la PVA sans fardeau indu.

[38] La décision finale n’expose pas les raisons de considérer que la divulgation du document D2 est, en fait, à caractère réalisable en ce qui concerne les anticorps qui se lient à la « cible médicamenteuse X » énumérée dans le tableau 3, au-delà d’une simple déclaration selon laquelle les anticorps « étaient disponibles pour la réalisation de l’invention » figurant à la page 3 :

[traduction]

L’examinateur n’est pas d’accord avec l’affirmation du demandeur selon laquelle l’objet revendiqué n’a pas été entièrement divulgué et rendu réalisable par le document D2. Le document D2 divulgue exactement les mêmes anticorps, ce qui aurait été clair pour un travailleur versé dans l’art. La définition différente des anticorps ne change pas le fait que les anticorps étaient connus dans l’art et étaient disponibles pour la réalisation de l’invention. [je souligne]

[39] En revanche, la réponse à la décision finale présente à la page 4 un argument raisonné et des faits pertinents expliquant pourquoi la divulgation du document D2 n’a pas un caractère réalisable en ce qui concerne les anticorps énumérés dans le tableau 3 du document D2 :

[traduction]

Bien que l’exemple 7 du document D2 divulgue une méthode de production d’un anticorps conditionnellement actif qui se lie à la cible « X », le document D2 ne divulgue pas de manière directe et sans ambiguïté que cette cible « X » est Axl, et encore moins les séquences des présents anticorps ou fragments d’anticorps revendiqués, afin de permettre à la personne versée dans l’art de fabriquer les anticorps présentement revendiqués. [soulignement dans l’original]

[40] Ayant à l’esprit les facteurs qui doivent être pris en considération, et conformément à la preuve de la présente affaire, nous sommes d’avis que le document D2 ne fournit pas suffisamment d’informations pour permettre à la PVA de produire et d’utiliser les anticorps du tableau 3 sans fardeau indu. En l’absence de toute information concernant l’antigène cible, leurs régions de liaison à l’antigène et/ou leur séquence d’acide nucléique de codage, nous estimons que la divulgation du document D2 n’est pas suffisante pour permettre à la PVA de fabriquer ou d’utiliser les anticorps du tableau 3.

[41] Compte tenu de ce qui précède, il s’ensuit également que les anticorps du tableau 3 du document D2 ne peuvent être fabriqués sans accès aux anticorps en soi. Contrairement à la position exprimée dans la décision finale, nous ne sommes pas d’avis que D2 a mis à disposition les anticorps du tableau 3. Le document D2 ne suggère pas que lesdits anticorps sont disponibles sur le marché et le document D2 ne fournit pas un accès fiable auxdits anticorps par le biais de dépôts de ce matériel biologique ou d’une autre manière. Selon la section 23.06.06 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC), révisée en octobre 2019, qui porte sur les considérations relatives à l’antériorité dans le contexte de la matière biologique, la divulgation du document D2 ne serait pas antériorisée en raison de ces considérations :

[traduction]

Lorsqu’une invention ne peut être réalisée sans nécessiter l’accès à la matière biologique associée à l’invention, une description peut s’avérer insuffisante à moins d’être accompagnée d’un dépôt de matière biologique [voir la section 23.06.01]. Cette exigence s’étend à une présumée divulgation antérieure aux termes de l’article 28.2 de la Loi sur les brevets [voir le chapitre 18 pour d’autres orientations]. Par conséquent, si l’accès à une matière biologique est exigé dans une divulgation antérieure pour que l’objet qui y est décrit soit mis en œuvre, la matière biologique doit nécessairement être facilement accessible à une personne versée dans l’art avant la date de revendication pour que la divulgation soit considérée comme une antériorité.

[42] Par conséquent, et compte tenu de ce qui précède, nous concluons que l’objet des revendications 1 à 26 n’est pas antériorisé par la divulgation du document D2 et qu’il est conforme à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets.

La revendication 26 est-elle ambiguë et/ou imprécise?

[43] À notre avis, la revendication 26 au dossier définit distinctement l’objet de l’invention et est conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Contexte juridique

[44] Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets prévoit que « [l]e mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif ».

[45] Dans Minerals Separation North American Corp v. Noranda Mines Ltd, [1947] RC de l’É 306, à la p. 352, 12 CPR 99, la Cour a souligné l’obligation d’un demandeur de préciser dans les revendications la portée du monopole demandé et l’exigence selon laquelle les termes utilisés dans les revendications sont clairs et précis :

[traduction]

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Analyse de la revendication

[46] Selon la décision finale, page 4, la phrase [traduction] « instructions concernant l’utilisation de l’anticorps ou du fragment d’anticorps pour une dose thérapeutique et/ou diagnostique, l’immunoconjugué et/ou la composition pharmaceutique » est ambiguë, car il difficile de savoir à quoi l’immunoconjugué et la composition pharmaceutique sont censés se rapporter. À cet égard, la décision finale suggère que la phrase [traduction] « instructions concernant l’utilisation de l’anticorps ou du fragment d’anticorps, de l’immunoconjugué et/ou de la composition pharmaceutique dans une dose thérapeutique et/ou diagnostique » pourrait avoir été prévue à la place.

[47] La décision finale indique en outre que l’objectif de la dose thérapeutique et/ou diagnostique n’est pas défini de manière adéquate, car il n’est pas clair si cette dose est limitée à une dose thérapeutique et/ou diagnostique pour le cancer.

[48] La réponse à la décision finale ne conteste pas ou ne commente pas les points de vue ci-dessus, mais propose néanmoins des modifications pour modifier la revendication 26 au dossier.

[49] Après avoir examiné la revendication 26 dans le dossier, nous sommes d’avis que, même si la revendication 26 [traduction] « n’est pas un modèle de concision et de clarté » (Letourneau c. Clearbrook Iron Works Ltd, 2005 CF 1229, au par. 37), elle peut faire l’objet d’une interprétation raisonnable par la personne versée dans l’art qui est disposée à comprendre. Nous considérons que la trousse de la revendication 26 peut être raisonnablement interprétée comme comprenant des instructions générales pour l’utilisation de l’immunoconjugué et/ou de la composition pharmaceutique, pas nécessairement dans une dose thérapeutique et/ou diagnostique.

[50] Nous sommes également d’avis que la revendication 26 est claire en ce qui concerne la portée prévue; elle n’est pas limitée à un test thérapeutique et/ou diagnostique pour le cancer.

[51] Nous sommes donc d’avis que la revendication 26 au dossier définit distinctement l’objet de l’invention et qu’elle est conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.


 

Conclusions

[52] Nous avons déterminé que :

Recommandation de la Commission

[53] À la lumière de ce qui précède, nous sommes d’avis que le refus n’est pas justifié pour le motif de l’irrégularité indiquée dans l’avis de décision finale et nous avons des motifs raisonnables de croire que la demande en instance est conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Nous recommandons que le Demandeur soit avisé, conformément au paragraphe 86(10) des Règles sur les brevets, que le refus de la demande en instance est annulé et que la demande en instance a été jugée acceptable.

[54] Étant donné que nous considérons que la demande dans sa forme actuelle est acceptable, nous n’avons pas révisé les revendications proposées. Conformément à l’alinéa 86(7)b) des Règles sur les brevets, ces modifications proposées sont réputées n’avoir jamais été apportées.

 

 

 

Marcel Brisebois

Ryan Jaecques

Christine Teixeira

Membre

Membre

Membre

 

Décision du commissaire

[55] Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission. Conformément au paragraphe 86(10) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le Demandeur que le refus de la demande en instance est annulé, que la demande en instance est jugée acceptable et que j’ordonnerai qu’un avis d’acceptation soit envoyé en temps voulu.

Konstantinos Georgaras

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec)

ce 17e jour d’avril 2023.

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