Brevets

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Référence : Armagen Inc. (Re), 2023 CACB 8

Décision du commissaire no 1641

Commissioner’s Decision #1641

Date : 2023-03-02

 

SUJET :

J80

F00

O00

B22

C00

 

B00

 

Aptitudes professionnelles ou artistiques

Nouveauté

Évidence

Non fondé sur la description

Caractère adéquat ou inadéquat de la description

Caractère ambigu ou indéfini

TOPIC:

J80

F00

O00

B22

C00

B00

Professional or Artistic Skill

Novelty

Obviousness

Not Supported by Disclosure

Adequacy or Deficiency of Description

Ambiguity or indefiniteness

Demande no 2 694 762

Application No.: 2,694,762

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les anciennes Règles sur les brevets), la demande de brevet numéro 2 694 762 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur

GOWLING WLG (Canada) LLP

160, rue Elgin, bureau 2600

Ottawa (Ontario) K1P 1C3

 

Introduction

[1] La présente recommandation porte sur l’examen de la demande de brevet canadienne refusée numéro 2 694 762, qui est intitulée « Méthodes et compositions pour accroître l’activité alpha-L-iduronidase dans le SNC » et qui appartient à Armagen Inc. (le « Demandeur »). Un comité d’appel des brevets (le « Comité ») a examiné la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets.

[2] Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons au commissaire aux brevets de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[3] La demande a été déposée sous le régime du Traité de coopération en matière de brevets, et la date de dépôt au Canada est le 25 juillet 2008. Elle est devenue accessible au public le 5 février 2009.

[4] La demande refusée porte sur le transport de l’α-L-iduronidase (IDUA) au-delà la barrière hématoencéphalique (BHE) d’un sujet souffrant d’une déficience de l’IDUA dans le système nerveux central (SNC) en liant le récepteur de l’insuline humaine (RIH) avec un anticorps de fusion RIH Ab-IDUA. Cette liaison déclenche le transport de l’anticorps de fusion à travers la BHE, transportant ainsi dans le SNC l’IDUA de remplacement attachée.

[5] Les revendications visées par la révision sont les revendications 1 à 42 du 4 septembre 2018 (les revendications au dossier) qui ont été refusées dans la décision finale (la « Décision finale »)(DF).

Historique de la poursuite

[6] Le 5 avril 2019, une décision finale a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des anciennes Règles sur les brevets. La DF indique que l’objet des revendications 1 à 27, 29 à 33 et 36 à 42 comporte un objet qui ne relève pas de la définition d’« invention », et qui n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. La DF indique d’ailleurs que l’objet des revendications 28, 30 à 35 et 37 à 42 est antériorisé, en contravention à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets et est également évident, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. La DF indique également que les revendications 28 à 42 ne sont pas conformes à l’article 84 des anciennes Règles sur les brevets et que le mémoire descriptif, dans la mesure où il porte sur l’objet de ces revendications, n’est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Enfin, la DF stipule que les revendications 12, 13, 24 et 25 manquent de clarté et donc non conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[7] Dans la réponse à la DF (la « Réponse à la DF ») datée du 5 octobre 2020, le Demandeur a exprimé un désaccord général avec les positions énoncées dans la DF, mais a néanmoins proposé un ensemble de revendications modifiées contenant les revendications 1 à 86 proposées.

[8] Le 30 mars 2021, la demande a été acheminée à la Commission d’appel des brevets aux fins de révision en vertu de l’alinéa 199(3)c) des anciennes Règles sur les brevets, ainsi qu’un résumé des motifs (le « Résumé des motifs ») expliquant que le refus est maintenu puisque les arguments du Demandeur présentés en réponse à la DF ne sont pas convaincants et que les modifications proposées présentées en réponse à la DF ne corrigeaient pas l’ensemble des irrégularités indiquées dans la DF.

[9] Dans une lettre datée du 31 mars 2021, la Commission d’appel des brevets a transmis une copie du Résumé des motifs au Demandeur et a demandé qu’il confirme s’il souhaitait toujours que la demande soit révisée.

[10] Dans une lettre datée du 11 juin 2021, le Demandeur a confirmé qu’il souhaitait qu’on procède à la révision.

[11] Le présent Comité a été constitué dans le but de procéder à la révision de la demande refusée en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets. Le 15 novembre 2022, le Comité a envoyé une lettre d’examen préliminaire (la « Lettre de révision préliminaire ») détaillant notre analyse préliminaire et notre opinion selon laquelle les revendications 1 à 27, 29 à 33 et 36 à 42 portent sur un objet brevetable relevant de la définition de « invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets; que l’objet des revendications 28, 30 à 33, 35, 37, 41 et 42 est nouveau; que l’objet des revendications 34 et 38 à 40 est antériorisé, en contravention à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets; que l’objet des revendications 1 à 42 est évident, en contravention à l’alinéa 28.3 de la Loi sur les brevets; que les revendications 28 à 41 ont une portée excessive et que le mémoire descriptif n’est pas conforme aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui concerne l’objet de ces revendications; et que les revendications 12, 13, 24 et 25 ne définissent pas distinctement l’objet de l’invention, en contravention au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[12] Dans la même lettre, le Comité a d’ailleurs exprimé l’opinion préliminaire selon laquelle les revendications proposées 31, 32, 62 et 63 ne définissent pas distinctement l’objet de l’invention, en contravention au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets; que les revendications 66 à 86 ont une portée excessive et, indépendamment de ce point de vue, le mémoire descriptif n’est pas conforme aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui concerne l’objet de ces revendications; et que l’objet des revendications 1 à 65 proposées est évident, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[13] La Lettre de révision préliminaire a également donné au Demandeur la possibilité de présenter des observations orales ou écrites.

[14] Le 28 novembre 2022, le Demandeur a refusé la possibilité d’une audience et le 23 janvier 2023, il a indiqué qu’il n’y aurait pas d’observations écrites.

Questions

[15] Compte tenu de ce qui précède, les questions suivantes sont examinées dans le cadre de la présente révision finale :

· Expliquer si les revendications 1 à 14 au dossier englobent un objet qui n’entre pas dans la définition d’« invention » et qui n’est donc pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

· Expliquer si l’objet des revendications 28, 30 à 35 et 37 à 42 est antériorisé, en contravention à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets;

  • Expliquer si l’objet des revendications 28, 30 à 35 et 37 à 42 est évident, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

  • Expliquer si les revendications 12, 13, 24 et 25 sont indéfinies et non conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

· Expliquer si les revendications 28 à 42 ne sont pas conformes à l’article 84 des anciennes Règles sur les brevets;

· Expliquer si le mémoire descriptif, dans la mesure où il porte sur l’objet des revendications 28 à 42, ne se conforme pas au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets;

[16] En plus des revendications au dossier, les revendications proposées ont également été étudiées.

Subséquemment à l’interprétation téléologique, quels sont les éléments essentiels parmi les éléments revendiqués?

[17] Nous estimons que tous les éléments des revendications au dossier sont essentiels.

Contexte juridique

[18] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, et à Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, une interprétation téléologique des revendications est faite du point de vue d’une personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (CGC) pertinentes et au regard du mémoire descriptif et des dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art (PVA) qu’une variante a une incidence matérielle sur le fonctionnement de l’invention.

[19] Dans l’exécution de la détermination des éléments essentiels et non essentiels, tous les éléments établis dans une revendication sont présumés être essentiels, à moins qu’il n’en soit établi autrement ou que ce soit contraire au libellé des revendications.

Analyse des réclamations au dossier

La personne versée dans l’art et les CGC pertinentes

[20] La Lettre de révision préliminaire, aux pages 7 à 8, indique ce qui suit concernant l’identité de la personne versée dans l’art et la définition de ses CGC :
[traduction]

La DF définit la PVA comme une équipe de recherche comprenant des immunologistes, des cliniciens-chercheurs spécialisés dans le syndrome d’Hurler et la déficience en IDUA, des fabricants de médicaments et des omnipraticiens.

En ce qui a trait aux CGC pertinentes, la DF affirme qu’elle inclurait le rôle de l’IDUA dans le syndrome de Hurler et les difficultés associées au transport de l’IDUA à travers la barrière hématoencéphalique. De plus, et fondé sur la divulgation de US2005/0142141 (introduite sous le nom D1 dans la DF), la DF soutient que les CGC de la PVA comprend l’utilisation d’un anticorps de fusion, dans lequel l’anticorps de fusion comprend a) une protéine de fusion comprenant une chaîne lourde d’immunoglobuline et une IDUA, et b) une chaîne légère d’immunoglobuline pour traiter la déficience en IDUA, dans laquelle la chaîne lourde comprend le SEQ ID NO : 1, SEQ ID NO : 2 et SEQ ID : 3, et la chaîne légère comprend le SEQ ID NO : 4, SEQ ID NO : 5 et/ou SEQ ID : 6.

La Réponse à la DF ne commente pas l’identité de la personne versée dans l’art ou la définition de ses CGC.

Après avoir examiné le mémoire descriptif dans son ensemble, ainsi que la divulgation de D1 et de la documentation scientifique pertinente à l’objet revendiqué, nous considérons que la caractérisation de la PVA trouvée dans la DF est raisonnable et nous l’adoptons aux fins de cet examen préliminaire.

Nous sommes également d’accord sur le fait que le rôle de l’IDUA dans le syndrome d’Hurler et les difficultés associées à l’administration de l’IDUA à travers la BHE étaient les CGC.

Bien que nous considérions que le principe général des systèmes de transcytose par récepteur pour le transport à travers la BHE de traitements conjugués aux anticorps était des CGC (comme en témoigne l’article de revue de Jones et Shusta, « Blood-brain barrier transport of therapeutics via receptor-mediation », Pharm Res., 24(9) : 1759-71, publié en ligne le 10 juillet 2007, doi : 10.1007/s11095-007-9379-0 [Jones and Shusta]), nous considérons que les enseignements spécifiques concernant l’anticorps de fusion RIH Ab-IDUA enseigné par D1 et ses séquences de codage de chaîne lourde et légère correspondantes ne sont pas des connaissances qui auraient été généralement connues par la PVA décrit ci-dessus. Nous sommes donc d’avis, à titre préliminaire, que ces enseignements spécifiques de D1 n’étaient pas des CGC.

Enfin, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la plage normale de niveaux d’activité enzymatique IDUA par mg de protéine pour le cerveau humain et la quantité totale de protéine dans un cerveau humain moyen étaient des CGC (comme en témoigne le paragraphe [00157] de la description).

[21] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons la définition ci-dessus de la PVA et les CGC pertinentes aux fins de notre analyse finale.

Les revendications au dossier

[22] Il y a 42 revendications au dossier. Les revendications 1, 16, 28 et 34 sont des revendications indépendantes et se lisent comme suit :

[traduction]

1. Un anticorps de fusion ayant une activité α-L-iduronidase dans le traitement d’une déficience en α-L-iduronidase dans le système nerveux central, dans laquelle :

(i) l’anticorps de fusion comprend : a) une protéine de fusion comprenant

une chaîne lourde comprenant un CDR1 défini par la séquence d’acides aminés du SEQ ID NO : 1, un CDR2 défini par la séquence d’acides aminés du SEQ ID NO : 2, et un CDR3 défini par la séquence d’acides aminés du SEQ ID NO : 3, et un α-L-iduronidase, dans laquelle α-L-iduronidase conserve au moins 30 % de son activité par rapport à un α-L-iduronidase non fusionnée, et b) une chaîne légère d’immunoglobuline comprenant un CDR1 défini par la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO : 4, un CDR2 défini par la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO : 5 et un CDR3 défini par la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO : 6;

(ii) l’anticorps de fusion se lie à un domaine extracellulaire d’un récepteur

d’insuline humaine exprimé sur la barrière hématoencéphalique (BHE), dans laquelle le récepteur d’insuline humain exprimé sur la BHE est destiné au transport de l’anticorps de fusion au cerveau; et catalyse l’hydrolyse de liaisons alpha-L-iduronosidiques non sulfatées dans le sulfate de dermatan;

(iii) la séquence d’acides aminés de α-L-iduronidase est liée de façon

covalente à l’extrémité glucidique terminale de la séquence d’acides aminés de la chaîne lourde d’immunoglobuline;

(iv) l’anticorps de fusion est destiné à l’administration périphérique et une

dose de l’anticorps de fusion pour administration comprend entre 5 x 105 et 3 x 107 unités d’activité de α-L-iduronidase.

16. L’utilisation d’un anticorps de fusion ayant une activité de α-L-iduronidase

pour la fabrication d’un médicament pour le traitement d’une déficience

en α-L-iduronidase dans le système nerveux central, dans laquelle :

(i) l’anticorps de fusion comprend : a) une protéine de fusion comprenant

une chaîne lourde comprenant un CDR1 défini par la séquence d’acides aminés du SEQ ID NO : 1, un CDR2 défini par la séquence d’acides aminés du SEQ ID NO : 2, et un CDR3 défini par la séquence d’acides aminés du SEQ ID NO : 3, et un α-L-iduronidase, dans laquelle α-L-iduronidase conserve au moins 30 % de son activité par rapport à un α-L-iduronidase non fusionnée, et b) une chaîne légère d’immunoglobuline comprenant un CDR1 défini par la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO : 4, un CDR2 défini par la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO : 5 et un CDR3 défini par la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO : 6;

(ii) l’anticorps de fusion se lie à un domaine extracellulaire d’un récepteur

d’insuline humaine exprimé sur la barrière hématoencéphalique (BHE), dans laquelle le récepteur d’insuline humain exprimé sur la BHE est destiné au transport de l’anticorps de fusion au cerveau; et catalyse l’hydrolyse de liaisons alpha-L-iduronosidiques non sulfatées dans le sulfate de dermatan;

(iii) la séquence d’acides aminés de α-L-iduronidase est liée de façon

covalente à l’extrémité glucidique terminale de la séquence d’acides aminés de la chaîne lourde d’immunoglobuline;

(iv) une dose efficace sur le plan thérapeutique comprend entre 1 x 106 et

3 x 107 unités d’activité de l’activité de α-L-iduronidase.

 

28. Un anticorps de fusion ayant une activité α-L-iduronidase dans le

traitement d’une déficience en α-L-iduronidase dans le système nerveux central, dans laquelle :

(i) l’anticorps de fusion comprend : a) une protéine de fusion comprenant

SEQ ID NO : 10, dans laquelle la protéine de fusion conserve au moins 30 % d’activité de α-L-iduronidase par rapport à un α-L-iduronidase non fusionnée, et b) une chaîne légère d’immunoglobuline comprenant un CDR1 défini par la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO : 4, un CDR2 défini par la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO : 5 et un CDR3 défini par la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO : 6;

(ii) l’anticorps de fusion se lie à un domaine extracellulaire d’un récepteur

d’insuline humaine exprimé sur la barrière hématoencéphalique (BHE), dans laquelle le récepteur d’insuline humain exprimé sur la BHE est destiné au transport de l’anticorps de fusion au cerveau; et catalyse l’hydrolyse de liaisons alpha-L-iduronosidiques non sulfatées dans le sulfate de dermatan.

34. Un anticorps de fusion ayant une activité α-L-iduronidase dans le

traitement d’une déficience en α-L-iduronidase dans le système nerveux central, dans laquelle :

(i) l’anticorps de fusion comprend : a) une protéine de fusion comprenant

une chaîne lourde d’immunoglobuline et une enzyme de α-L-iduronidase comprenant le SEQ ID NO : 10, ou une protéine de fusion contenant la séquence d’acides aminés d’une chaîne légère d’immunoglobuline comprenant un CDR1 définie par la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO : 4, un CDR2 définie par la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO : 5, ou un CDR3 définie par la séquence d’acides aminés de SEQ ID NO : 6 et un α-L-iduronidase, dans laquelle le α-L-iduronidase conserve au moins 30 % de son activité par rapport à un α-L-iduronidase non fusionnée; l’anticorps de fusion se lie à un domaine extracellulaire d’un récepteur d’insuline humaine exprimé sur la barrière hématoencéphalique (BHE), où le récepteur d’insuline humaine exprimé sur la BHE est destiné à la distribution de l’anticorps de fusion au cerveau; et catalyse l’hydrolyse de liaisons alpha-L-iduronosidiques non sulfatées dans le sulfate de dermatan;

(ii) la séquence d’acides aminés de α-L-iduronidase est liée de façon

covalente à l’extrémité glucidique terminale de la séquence d’acides aminés de la chaîne lourde d’immunoglobuline ou de la chaîne légère d’immunoglobuline.

[23] Les revendications dépendantes 2 à 15, 17 à 27, 29 à 33 et 35 à 42 définissent d’autres limitations en ce qui concerne : la dose de l’activité de α-L-iduronidase (revendications 2, 3, 17, 29, 30, 36 et 37), la voie d’administration (revendications 4, 31 et 38), le moment du transport au SNC (revendications 5, 32 et 39), le type chimérique de l’anticorps (revendications 6, 18, 3 et 40), les séquences d’acides aminés des chaînes lourdes et légères (revendications 7 à 15, 19 à 27, 41 et 42) et la composition de la protéine de fusion (revendication 35).

Éléments essentiels

[24] La Lettre de révision préliminaire, à la page 6, indique ce qui suit à l’égard des éléments dans les revendications que la PVA considérerait comme essentiels :

[traduction]

Nous considérons que la personne versée dans l’art qui lit les revendications 1 à 42 comprendrait qu’aucun libellé des revendications n’indique que l’un des éléments est facultatif ou constitue un mode de réalisation préférentiel. Bien que certaines revendications contiennent une liste de solutions de rechange, nous estimons que la PVA comprendrait que l’élément représenté par l’une de ces solutions est essentiel. De plus, il n’y a aucune indication au dossier devant nous que l’un des éléments des revendications est non essentiel. Notre opinion préliminaire est donc que la PVA considérerait tous les éléments des revendications 1 à 42 comme essentiels.

[25] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons la détermination précédente des éléments des revendications qui sont essentiels pour cette recommandation.

Est-ce que les revendications 1 à 27, 29 à 33 et 36 à 42 englobent un objet qui ne relève pas de la définition d’« invention » et qui n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets?

[26] Selon notre opinion, les revendications 1 à 27, 29 à 33 et 36 à 42 visent un objet brevetable qui correspond à la définition « d’invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Contexte juridique

[27] La définition d’invention est établie à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[28] Il est bien établi que les méthodes de traitement médical et de chirurgie ne sont pas brevetables parce qu’elles ne relèvent pas des réalisations manuelles ou industrielles, et sont exclues de la définition d’invention au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets (voir Tennessee Eastman Co. c. Commissaire des Brevets (1970), 62 CPR 117 (C de l’É), conf. par [1974] RCS 111). Toutefois, les revendications d’« utilisation » médicale ont été considérées comme visant un objet brevetable (voir Apotex Inc c. Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77).

[29] Un certain nombre de décisions de tribunaux inférieurs ont examiné la question de la validité des revendications d’utilisation médicale (Axcan Pharma Inc c. Pharmascience Inc, 2006 CF 527; Merck & Co, Inc c. Pharmascience Inc, 2010 CF 510; Janssen Inc c. Mylan Pharmaceuticals ULC, 2010 CF 1123; AbbVie Biotechnology Ltd c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1251 [AbbVie]). Après avoir examiné les décisions antérieures, la Cour fédérale, dans AbbVie, a conclu que la jurisprudence est cohérente; la jurisprudence de la Cour fédérale a énoncé le principe suivant :

[U]ne revendication visant l’exercice de la compétence ou du jugement professionnel n’est pas brevetable. Toutefois, une revendication qui ne limite pas l’exercice de la compétence ou du jugement professionnel, n’empiète pas sur eux, ni ne les fait par ailleurs intervenir – notamment une revendication portant sur une dose fixe ou une fréquence d’administration ou un intervalle posologique précis – n’est pas un objet interdit lorsqu’il n’y a aucun élément de preuve contredisant la posologie revendiquée. [par. 114]

[30] En renvoyant particulièrement à l’évaluation de l’objet brevetable de revendications d’utilisation médicale contenant une définition des doses ou une posologie, l’avis de brevet actuel intitulé « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets »[1] stipule que :

[D]ans les cas où au moins un des éléments essentiels de l’invention réelle limite l’utilisation revendiquée à une dose, à une plage de doses potentielles qu’un patient peut recevoir et/ou à une posologie, qu’il s’agisse de doses fixes et/ou couvrant une plage, ce fait en soi n’est pas déterminant quant à savoir si la revendication est un objet brevetable. Il est également nécessaire de considérer si l’exercice des compétences professionnelles et du jugement d’un professionnel de la santé fait partie d’une invention réelle. Par exemple, une compétence et un jugement professionnels peuvent être en cause si un professionnel de la santé doit surveiller le traitement ou y apporter des ajustements, ou choisir une dose d’une plage revendiquée (c.-à-d., dans les cas où toutes les doses de la plage ne fonctionneront pas pour tous les sujets du groupe traité).

Analyse des revendications

[31] La Lettre d’examen préliminaire, aux pages 8 à 9, explique pourquoi nous sommes d’accord avec le Résumé des motifs de l’examinateur qui stipule que l’irrégularité quant à l’objet non brevetable comprise dans les revendications 1 à 27, 29 à 33 et 36 à 42 devrait être retirée :

[traduction]

Selon la DF à la page 4, ces revendications englobent une méthode de traitement médical et ne sont donc pas brevetables, parce que l’utilisation de l’anticorps à fusion récité est définie en termes de dose qui comprend une plage d’unités d’activité IDUA et que cette utilisation nécessiterait donc la compétence d’un professionnel de la santé pour déterminer la dose thérapeutique de l’anticorps à fusion nécessaire pour atteindre l’effet thérapeutique souhaité. L’analyse présentée dans la DF était fondée sur une interprétation des revendications qui a été effectuée conformément à une pratique du Bureau qui n’est plus en vigueur.

Le Résumé des motifs indique que, compte tenu de la pratique la plus récente du Bureau, l’irrégularité d’objet non brevetable comprise dans les revendications 1 à 27, 29 à 33 et 36 à 42 devrait être retirée « puisque le mémoire descriptif ne semble pas fournir de preuve indiquant que la plage de doses indiquée dans ces revendications empêche, interfère ou exige la compétence ou le jugement d’un professionnel de la santé ». Nous sommes d’accord pour les motifs suivants.

L’un des éléments essentiels communs aux revendications 1 à 27, 29 à 33 et 36 à 42 est l’utilisation d’une dose pour l’administration périphérique de l’anticorps de fusion récité qui est exprimée comme une plage d’activité de α-L-iduronidase pour traiter une déficience de α-L-iduronidase dans le système nerveux central.

Il n’y a rien dans la description qui indique que la plage revendiquée de doses d’activité de α-L-iduronidase ne fonctionnerait pas toute pour le traitement d’une déficience de α-L-iduronidase dans le système nerveux central pour tous les sujets qui en ont besoin, ou que la dose est sélectionnée en fonction de caractéristiques propres à un quelconque patient. Au contraire, les doses revendiquées sont basées sur des éléments des CGC comme la plage normale de niveaux d’activité enzymatique IDUA par mg de protéine pour le cerveau humain et la quantité totale de protéine dans un cerveau humain moyen (voir le paragraphe [00157] de la description). Par conséquent, il n’y a aucune indication que sélectionner une dose à l’intérieur de la plage revendiquée nécessiterait la compétence et le jugement d’un professionnel de la santé.

Notre opinion préliminaire est donc que les revendications 1 à 27, 29 à 33 et 36 à 42 visent un objet brevetable qui correspond à la définition « d’invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[32] Nous adoptons le raisonnement qui précède et concluons que les revendications 1 à 27, 29 à 33 et 36 à 42 visent un objet brevetable qui correspond à la définition « d’invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

L’objet des revendications 28, 30 à 35 et 37 à 42 au dossier est-il antériorisé?

[33] Nous sommes d’avis que l’objet des revendications 28, 30 à 33, 35, 37, 41 et 42 est nouveau, mais que l’objet des revendications 34 et 38 à 40 est devenu accessible au public d’une manière contraire à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets.

Contexte juridique

[34] L’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets énonce l’exigence selon laquelle l’objet d’une revendication doit être une nouveauté compte tenu d’une divulgation par le demandeur en soi :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

a) soit plus d’un an avant la date de dépôt de celle-ci, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

[…].

[35] Il y a deux exigences distinctes pour démontrer que l’art antérieur antériorise une invention revendiquée : il doit y avoir une seule divulgation antérieure de l’objet revendiqué et la divulgation antérieure doit permettre la réalisation de l’objet revendiqué par une PVA de (Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi] aux par. 24 à 29, 49).

[36] « Divulgation antérieure » signifie que l’art antérieur doit divulguer l’objet qui, s’il est réalisé, entraînerait nécessairement une contrefaçon du brevet. La PVA qui se penche sur la divulgation « est censée tenter de comprendre ce que l’auteur de la description [dans le brevet antérieur] a voulu dire » (voir Sanofi au par. 32). À ce stade, il n’y a pas de place pour que la PVA puisse faire des essais successifs ou des expériences. L’art antérieur se lit simplement « pour en comprendre la teneur » : voir Sanofi, au paragraphe 25, citant Synthon B.V. c. SmithKline Beecham plc, [2006] 1 All ER 685, [2005] UKHL 59.

[37] L’exigence de caractère réalisable signifie que la PVA aurait pu réaliser l’invention telle qu’elle est revendiquée sans charge excessive. Contrairement au stade de la divulgation préalable, à ce stade, on suppose que la PVA est disposée à procéder par essais successifs pour arriver à l’invention (voir Sanofi, aux par. 26 à 27).

Analyse des revendications

[38] La Lettre d’examen préliminaire, aux pages 10 à 13, identifie le document d’art antérieur D1 (US2005/0142141) cité dans la DF, et présente l’analyse suivante [accent dans l’original] :

[traduction]

Divulgation de l’art antérieur

Nous devons déterminer si l’objet des revendications 28, 30 à 35 et 37 à 42 au dossier est divulgué dans le document ci-après cité dans la DF :

D1 : US2005/0142141 Pardridge date de publication : 30 juin 2005

Selon notre point de vue préliminaire, D1 enseigne l’utilisation d’un anticorps de fusion RIH Ab-IDUA qui comprend a) une protéine de fusion comprenant une chaîne lourde d’immunoglobuline et une IDUA, et b) une chaîne légère d’immunoglobuline pour traiter la déficience en IDUA, dans laquelle la chaîne lourde comprend le SEQ ID NO : 1, SEQ ID NO : 2 et SEQ ID : 3, et la chaîne légère comprend le SEQ ID NO : 4, SEQ ID NO : 5 et SEQ ID : 6. Cet anticorps de fusion se lie spécifiquement au domaine extracellulaire d’un récepteur d’insuline humaine exprimé sur la BHE, ce qui déclenche le transport de l’anticorps de fusion à travers la BHE pour le transport de l’anticorps de fusion, qui comprend l’IDUA, au cerveau. D1 enseigne également que la séquence d’acides aminés de l’IDUA peut être reliée de manière covalente à l’extrémité glucidique terminale de la séquence d’acides aminés de la chaîne lourde ou de la chaîne légère d’immunoglobuline. Cet anticorps de fusion peut être pour l’administration périphérique.

Plus précisément, D1 révèle à la figure 5 la séquence d’acides aminés suivante de la chaîne lourde envisagée de l’anticorps de fusion dans laquelle la séquence codante de l’IDUA est en gras [notre accent] :

QVQLLESGAELVRPGSSVKISCKASGYTFTNYDIHWVKQRPGQGLEWIGWIYPGDGSTKYNEKFKGKATLTADKSSSTAYMHLSSLTSEKSAVYFCAREWAYWGQGTTVTVSAASTKGPSVFPLAPSSKSTSGGTAALGCLVKDYFPEPVTVSWNSGALTSGVHTFPAVLQSSGLYSLSSVVTVPSSSLGTQTYICNVNHKPSNTKVDKKVEPKSCDKTHTCPPCPAPELLGGPSVFLFPPKPKDTLMISRTPEVTCVVVDVSHEDPEVKFNWYVDGVEVHNAKTKPREEQYNSTYRVVSVLTVLHQDWLNGKEYKCKVSNKALPAPIEKTISKAKGQPREPQVYTLPPSRDELTKNQVSLTCLVKGFYPSDIAVEWESNGQPENNYKTTPPVLDSDGSFFLYSKLTVDKSRWQQGNVFSCSVMHEALHNHYTQKSLSLSPGKAPHLVQVDAARALWPLRRFWRSTGFCPPLPHSQADQYVLSWDQQLNLAYVGAVPHRGIKQVRTHWLLELVTTRGSTGRGLSYNFTHLDGYLDLLRENQLLPGFELMGSASGHFTDFEDKQQVFEWKDLVSSLARRYIGRYGLAHVSKWNFETWNEPDHHDFDNVSMTMQGFLNYYDACSEGLRAASPALRLGGPGDSFHTPPRSPLSWGLLRHCHDGTNFFTGEAGVRLDYISLHRKGARSSISILEQEKVVAQQIRQLFPKFADTPIYNDEADPLVGWSLPQPWRADVTYAAMVVKVIAQHQNLLLANTTSAFPYALLSNDNAFLSYHPHPFAQRTLTARFQVNNTRPPHVQLLRKPVLTAMGLLALLDEEQLWAEVSQAGTVLDSNHTVGVLASAHRPQGPADAWRAAVLIYASDDTRAHPNRSVAVTLRLRGVPPGPGLVYVTRYLDNGLCSPDGEWRRLGRPVFPTAEQFRRMRAAEDPVAAAPRPLPAGGRLTLRPALRLPSLLLVHVCARPEKPPGQVTRLRALPLTQGQLVLVWSDEHVGSKCLWTYEIQFSQDGKAYTPVSRKPSTFNLFVFSPDTGAVSGSYRVRALDYWARPGPFSDPVPYLEVPVPRGPPSPGNP

Bien que D1 fasse référence à l’ensemble de la séquence de codage IDUA humaine connue dans le tableau 4 (Genbank NM_000203), nous notons que la séquence de codage IDUA ci-dessus représentée dans la figure 5 et le SEQ ID NO : 48 ne comportent pas le peptide signal ni le premier acide glutamique amino-terminus codant de IDUA.

L’anticorps de fusion compris dans les revendications 28, 30 à 35 et 37 à 42 comprend « une protéine de fusion comprenant SEQ ID NO : 10". Nous croyons comprendre que le SEQ ID NO : 10 représente une protéine de fusion qui comprend la chaîne lourde de l’anticorps RIH lié de façon covalente à IDUA, tel que décrit dans la présente demande.

Une fois que la séquence représentée à la figure 5 de D1 est alignée et comparée à la séquence représentée dans le SEQ ID NO : 10 de la présente demande, nous notons les différences suivantes :

· la séquence trouvée dans la figure 5 ne contient pas de peptide signal IgG à son extrémité amino-terminale;

· les positions 5, 6, 9, 13, 16 et 17 de la séquence trouvée dans la figure 5 (toutes les parties de la région Cadre 1 (FR)) diffèrent des positions correspondantes dans le SEQ ID NO : 10;

· la position 108 de la séquence trouvée dans la figure 5 (partie de la région FR4) diffère de la position correspondante dans le SEQ ID NO : 10;

· il y a un lien de peptide Ser-Ser supplémentaire entre l’extrémité carboxyle de la chaîne lourde et l’IDUA fusionné dans le SEQ ID NO : 10;

· le premier acide glutamique à l’extrémité aminée terminale de l’IDUA est absent dans la partie séquence de l’IDUA représentée à la figure 5.

Compte tenu des différences susmentionnées, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que D1 ne divulgue pas l’objet des revendications 28, 30 à 35 et 37 à 42 dans la mesure où elles portent sur un anticorps à fusion comprenant le SEQ ID NO : 10.

Nous notons d’ailleurs que la revendication indépendante 34 comporte également un anticorps de fusion comprenant un α-L-iduronidase qui est étroitement lié à l’extrémité glucidique terminale de la séquence d’acides aminés de la chaîne légère d’immunoglobuline. Après examen de D1, notre avis préliminaire est que D1 décrit à la page 11 est l’incarnation d’un anticorps de fusion RIH Ab-IDUA humanisé dans lequel le gène codant IDUA est fusionné à la région du gène de chaîne légère RIH Ab humanisé correspondant à l’extrémité carboxyle terminale d’une protéine de chaîne légère RIH Ab comprenant les CDR de chaîne légère mentionnée dans la revendication 34. Nous sommes également d’avis, à titre préliminaire, que D1 révèle la caractéristique supplémentaire citée dans la revendication dépendante 38 et que la caractéristique citée dans la revendication dépendante 39 est inhérente à l’administration périphérique de l’anticorps de fusion RIH Ab-IDUA. Enfin, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que D1 ne divulgue pas les dosages mentionnés dans les revendications 36 et 37 ni un anticorps de fusion dans lequel la séquence d’acides aminés de la chaîne légère d’immunoglobuline est au moins identique à 90 % au SEQ ID NO : 8, tel que comportent les revendications 41 et 42.

Caractère réalisable

Étant donné que l’exigence de divulgation n’est pas respectée pour l’objet des revendications 28, 30 à 35 et 37 à 42 dans la mesure où l’objet comprend le SEQ ID NO : 10 ou le SEQ ID NO : 8 et/ou les dosages des revendications 36 et 37, il n’y a pas lieu d’envisager le caractère réalisable d’un tel objet.

En ce qui concerne les revendications 34 et 38 à 40, qui visent l’anticorps de fusion RIH Ab-IDUA dans lequel IDUA est étroitement lié à l’extrémité glucidique terminale de la séquence d’acides aminés de la chaîne légère d’immunoglobuline, nous sommes d’avis que D1 fournit tous les renseignements nécessaires afin que la PVA puisse effectuer l’objet revendiqué sans fardeau excessif.

Conclusion sur l’antériorité

Compte tenu des analyses ci-dessus, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que l’objet des revendications 28, 30 à 33, 35, 37, 41 et 42 est nouveau en raison de D1 et est conforme à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets.

De plus, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que l’objet des revendications 34 et 38 à 40 est antériorisé par D1, en contravention à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets.

[39] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons le raisonnement précédent et concluons que l’objet des revendications 28, 30 à 33, 35, 37, 41 et 42 est nouveau au vu de D1 et est conforme à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets.

[40] De plus, nous concluons que l’objet des revendications 34 et 38 à 40 est antériorisé par D1, en contravention à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets.

L’objet des revendications au dossier est-il évident?

[41] À notre avis, les revendications au dossier définissent un objet qui aurait été évident pour la PVA en raison des renseignements qui étaient accessibles au public avant la date de la revendication.

Contexte juridique

[42] L’article 28.3 de Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident pour la personne versée dans l’art :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

  • (a)qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

  • (b)qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[43] Dans Sanofi, la Cour suprême du Canada indique qu’il est utile, lorsqu’il s’agit d’évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes reproduite ci-dessous :

(1)(a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

(b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée ces différences constituentelles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotentelles quelque inventivité?

Analyse des revendications

[44] Bien que la DF ne mentionne que les revendications 28, 30 à 35 et 37 à 42 visent un objet qui aurait été évident, nous avons également examiné si l’objet des revendications 1 à 27, 29 et 36 est évident et, conformément au paragraphe 86(9) des Règles sur les brevets, nous avons donné avis au demandeur de cette évaluation et de la conclusion préliminaire correspondante dans la Lettre de révision préliminaire. Nous avons également présenté le document de l’art antérieur Crow et coll., « Biochemical and histopathological studies on patients with mucopolysaccharidoses, two of whom had been treated by fibroblast transplantation », J Clin Pathol. 36(4):415 à 30, 1983 comme D2. Les passages pertinents se trouvent aux pages 14 à 17 de la Lettre de révision préliminaire :

[traduction]

La personne versée dans l’art et les CGC pertinentes

La PVA et les CGC pertinentes ont été définies dans le cadre de l’interprétation téléologique des revendications. Bien que dans ce contexte les renseignements formant les CGC sont identifiés par la date de publication, ces renseignements sont également considérés comme des CGC à la date de revendication et sont donc pertinents pour évaluer l’évidence.

Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

Dans cette évaluation, nous tenons compte de tous les éléments essentiels des revendications. À notre avis préliminaire, la combinaison des éléments essentiels des revendications 1, 16, 28 et 34 représente leurs concepts inventifs (idées originales) également.

Nous sommes également d’avis que les éléments des revendications dépendantes relatives à la dose de l’activité de α-L-iduronidase, à la voie d’administration, au moment du transport au SNC, au type chimérique de l’anticorps, aux séquences d’acides aminés des chaînes lourdes et légères et à la composition de la protéine de fusion, comme indiqué ci-dessus, font partie des concepts inventifs respectifs des revendications dépendantes 2 à 15, 17 à 27, 29 à 33 et 35 à 42.

Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

La DF cite le même document D1 pour l’évidence.

À notre avis préliminaire, les principales différences entre l’objet des revendications au dossier et la divulgation de D1 sont les suivantes : i) une dose spécifiée de l’anticorps de fusion pour administration périphérique définie en unités d’activité de l’IDUA (revendications 1 à 27, 29 à 33 et 36 à 42); et/ou ii) la séquence d’acides aminés récitée dans le SEQ ID NO : 10 de l’application instantanée dans la chaîne lourde fusionnée de l’anticorps de fusion (revendications 15 et 27 à 42) et/ou iii) la séquence d’acides aminés récitée dans le SEQ ID NO : 8 de l’application instantanée dans l’anticorps de fusion (revendications 41 et 42).

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituentelles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotentelles quelque inventivité?

La Cour d’appel fédérale a rappelé, au paragraphe 65 de Bristol-Myers Squibb Canada Co c. Teva Canada Limited, 2017 CAF 76, que l’étape actuelle de l’analyse de l’évidence porte sur la question de savoir si le fait de combler la différence entre l’état de la technique et un deuxième point constitue une étape qui exige un degré quelconque d’invention :

Il peut être utile de garder à l’esprit que l’analyse de l’évidence demande si la distance entre deux points dans le développement de l’art peut être comblée par la personne qualifiée en utilisant seulement les connaissances générales courantes disponibles à une telle personne. Si c’est le cas, c’est évident. Le premier de ces points est l’état de la technique à la date pertinente. Les références dans la jurisprudence à « l’idée originale », « la solution enseignée par le brevet », « ce qui est revendiqué » ou simplement « l’invention » sont des tentatives de définir le deuxième point.

Dans le cas présent, il faut examiner s’il aurait fallu, à partir de la divulgation de D1 et des CGC pertinentes, un degré quelconque d’invention de la PVA pour utiliser l’anticorps de fusion RIH Ab-IDUA divulgué en D1 à une dose d’unités d’activité de l’IDUA comprise dans les revendications au dossier pour traiter un déficit de l’IDUA-L dans le système nerveux central et si la présence de SEQ ID NO : 10 ou SEQ ID NO : 8 dans un anticorps de fusion envisagé est par ailleurs révélateur de l’inventivité.

Nous sommes d’avis qu’il n’aurait pas été nécessaire d’avoir une quelconque invention de la PVA pour déterminer avec l’expérimentation de routine une dose de remplacement de l’activité de l’IDUA pour le cerveau étant donné que la plage normale des niveaux d’activité de l’IDUA par mg de protéine pour le cerveau humain et la quantité totale de protéine dans un cerveau humain moyen étaient des CGC (ou autrement connu de Crow et coll., « Biochemical and histopathological studies on patients with mucopolysaccharidoses, two of whom had been treated by fibroblast transplantation », J Clin Pathol. 36(4):415 à 30, 1983 [D2], cité dans la présente description au paragraphe [00157]).

En ce qui concerne la présence de la séquence d’acides aminés indiquée dans le SEQ Id NO : 10 dans l’anticorps de fusion envisagé, nous avons déjà identifié ci-dessus les différences avec la chaîne lourde de l’anticorps de fusion RIH Ab-IDUA divulgué en D1. En résumé, la séquence d’acides aminés décrite dans le SEQ ID NO : 10 comprend un signal IgG supplémentaire à l’extrémité amino-terminale, un lien peptide Ser-Ser supplémentaire entre l’extrémité carboxyle terminale de la chaîne lourde, un acide glutamique aminé supplémentaire dans la partie de séquence IDUA ainsi que des différences d’acides aminés uniques dans les régions FR1 (6 différences) et FR4 (1 différence).

Nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la PVA comprendrait que ces différences se situent en dehors de la région variable de liaison antigène à chaîne lourde et des régions de liaison/catalyse du substrat IDUA. De plus, la PVA ne considérerait pas que ces différences sont associées à des effets surprenants ou inattendus pertinents, compte tenu de ses CGC et/ou des enseignements de la présente description et, par conséquent, ces différences ne permettent pas d’appuyer que la présence de la séquence d’acides aminés énoncée dans le SEQ ID NO : 10 dans l’anticorps de fusion envisagé est inventive par rapport à l’anticorps de fusion RIH Ab-IDUA enseigné par D1.

Nous avons d’ailleurs envisagé une solution de rechange pour les revendications 34 à 42, plus précisément un anticorps de fusion comprenant un α-L-iduronidase qui est étroitement lié à l’extrémité glucidique de la séquence d’acides aminés de la chaîne légère d’immunoglobuline comprenant les CDR à chaîne légère récitée. Comme nous l’avons mentionné précédemment, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que D1 décrit un anticorps de fusion comprenant un α-L-iduronidase de l’enzyme de fusion qui est étroitement lié à l’extrémité glucidique terminale de la séquence d’acides aminés d’une chaîne légère d’immunoglobuline comprenant les CDR de la chaîne légère récitée dans la revendication 34.

Après avoir examiné les autres caractéristiques limitatives des revendications dépendantes, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, qu’aucune ingéniosité n’aurait été requise de la PVA en ce qui concerne la dose de l’activité de α-L-iduronidase (revendications 2, 3, 17, 29, 30, 36 et 37), la voie d’administration (revendications 4, 31 et 38), le moment du transport au SNC (revendications 5 32 et 39), le type chimérique de l’anticorps (revendications 6, 18, 3 et 40),le pourcentage récité d’identité avec les séquences d’acides aminés des chaînes lourdes et légères (revendications 7 à 15, 19 à 27, 41 et 42) et la composition de la protéine de fusion (revendication 35).

Conclusion sur l’évidence

Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que l’objet des revendications 1 à 42 au dossier aurait été évident pour la PVA à la date pertinente, compte tenu de la D1 et des CGC ou de la D1, de la D2 et des CGC, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[45] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons le raisonnement précédent et concluons que l’objet des revendications 1 à 42 au dossier aurait été évident pour la PVA à la date pertinente, compte tenu de la D1 et des CGC ou de la D1, de la D2 et des CGC, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Les revendications 28 à 42 ne se fondent-elles pas entièrement sur la description, la description est-elle insuffisante en vertu du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets et la doctrine de la portée excessive créée par les tribunaux s’applique-t-elle aux revendications 28 à 42?

[46] À notre avis, les revendications 28 à 41 ont une portée excessive et, indépendamment de ce point de vue, le mémoire descriptif n’est pas conforme aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui concerne l’objet des revendications 28 à 41.

Contexte juridique

[47] L’un des motifs de refus mentionnés dans la DF, l’absence de fondement, invoque l’article 84 des anciennes Règles sur les brevets (maintenant l’article 60) comme fondement législatif. Nous croyons comprendre que la préoccupation de l’absence de fondement en vertu de l’article 84 des anciennes Règles sur les brevets a donné lieu à un motif de refus en vertu du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets pour un manquement dans la description de l’objet revendiqué et de son utilisation. Sur les deux dispositions législatives, celle-ci a fait l’objet d’un examen approfondi de la part des tribunaux. Aux fins du présent cas, nous n’avons donc examiné que cette dernière exigence; toute préoccupation au sujet du non-respect de l’article 84 des anciennes Règles sur les brevets sera considérée comme relevant de cette enquête.

[48] Les alinéas 27(3)a) et b) de la Loi sur les brevets exigent, respectivement, que le mémoire descriptif d’une invention (1) décrive l’invention et (2) précise les étapes de sa production et de son utilisation :

Le mémoire descriptif doit :

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

[…].

[49] Pour déterminer si le mémoire descriptif est conforme aux alinéas 27(3)a) et 27(3)b) de la Loi sur les brevets, il importe de répondre aux trois questions suivantes : En quoi consiste l’invention? Comment fonctionne-t-elle? En se fondant seulement sur le mémoire descriptif, la personne versée dans l’art est-elle en mesure de produire l’invention en utilisant uniquement les instructions contenues dans la divulgation (voir Teva Canada Limited c. Novartis AG, 2013 CF 141, citant Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc, 2012 CSC 60, et Consolboard Inc c. MacMillan Bloedel (Sask) Ltd (1981), 56 CPR (2e) 145 (CSC) [Consolboard])? Bien que les CGC puissent être invoquées, une réponse affirmative à la troisième question exige que la personne versée dans l’art n’ait pas à faire preuve d’ingéniosité inventive ou à entreprendre des expériences indues (Aventis Pharma Inc c. Apotex Inc, 2005 CF 1283; Mobil Oil Corp c. Hercules Canada Inc, [1995] ACF no 1243; Merck & Co c. Apotex Inc, [1995] 2 CF 723).

[50] Dans Consolboard, aux pages 154 à155, la Cour suprême a renvoyé au livre Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions (1969, 4e éd.), qui cite H.G. Fox pour affirmer que [traduction] « l’inventeur doit, en retour pour l’octroi d’un brevet, fournir au public une description adéquate de l’invention avec des détails suffisamment exhaustifs et précis pour permettre à un travailleur, versé dans l’art associé à l’invention, de construire ou d’employer cette invention une fois que le monopole est expiré ».

[51] Les principes et la jurisprudence énoncés ci-dessus concernent principalement le concept de caractère suffisant (ou de caractère insuffisant).

[52] Un autre concept connexe est la portée excessive (ou la revendication excessive). Le concept de portée excessive découle des paragraphes 27(3) et 27(4) de la Loi sur les brevets et est une conséquence de la théorie d’un marché (voir Western Oilfield Equipment Rentals Ltd c. M-I LLC, 2021 CAF 24, aux par. 129 et 130). La portée excessive peut chevaucher d’autres motifs d’invalidité, mais elle est un motif d’invalidité distinct. Par exemple, on a souvent affirmé que la portée excessive et le caractère insuffisant sont les deux faces d’une même médaille. Si une revendication a une portée plus étendue que celle de la description, elle pourrait être non valide pour cause de portée excessive, mais elle pourrait aussi être non valide parce que la description quant à sa mise en pratique n’est pas adéquate.

[53] On pourrait conclure à une portée excessive parce qu’une revendication a une portée plus large que l’invention divulguée dans le mémoire descriptif ou qu’elle a une portée plus large que l’invention créée. Pour déterminer si une revendication a une portée excessive, il faut déterminer si la revendication est interprétée équitablement en ce qui a trait à ce que la demande de brevet divulgue dans la description et les dessins, ou si la revendication a une portée trop large et revendique plus que ce qui a été inventé. À cet égard, cette détermination n’exige pas que la demande de brevet décrive toutes les réalisations possibles des revendications, puisque les revendications peuvent avoir une portée plus large que les réalisations divulguées dans la description, qui sont considérées comme des exemples de ce qui est protégé par le monopole du brevet (voir Angelcare Canada Inc c. Munchkin Inc, 2022 CF 507, au par. 452). Toutefois, la différence de portée des revendications par rapport aux réalisations décrites est limitée (voir Les Laboratoires Servier c. Apotex Inc, 2019 CF 616, au par. 209).

[54] Comme il a été mentionné ci-dessus, la portée excessive et le caractère insuffisant sont souvent comparés aux deux faces de la même médaille, et, par conséquent, des considérations quant à ce que vise exactement la portée des revendications et à ce que divulgue la description sont pertinentes aux deux questions. Si les revendications ne sont pas interprétées équitablement en ce qui a trait à ce que la demande de brevet divulgue dans la description et les dessins, alors les revendications peuvent comporter un objet qui dépasse ce qui a été inventé ou divulgué adéquatement.

[55] D’ailleurs, le fait que la divulgation enseigne comment fabriquer la réalisation préférentielle ne suffit pas. La divulgation doit enseigner à la personne versée dans l’art comment mettre en pratique toutes les réalisations de l’invention, et ce, sans devoir faire preuve d’ingéniosité inventive ou avoir à entreprendre des expériences indues (voir Seedlings Life Science Ventures, LLC c. Pfizer Canada ULC, 2021 CAF 154, au par. 68).

Analyse des revendications

[56] La Lettre de révision préliminaire, aux pages 19 à 21, explique comment, à notre avis préliminaire, les revendications 28 à 41 ont une portée excessive et comment le mémoire descriptif n’est pas conforme aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui concerne l’objet de ces revendications :

[traduction]

Comme il est indiqué à la page 5 de la DF, le mémoire descriptif, dans la mesure où il porte sur les revendications 28 à 42 et sur la chaîne légère d’anticorps de fusion définie par une seule séquence de CDR, ne se conforme pas au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets parce qu’il ne décrit pas correctement et complètement l’utilisation d’anticorps de fusion qui imitent le ligand endogène pour accéder au SNC par le transport par récepteur autre moyen un anticorps à fusion ayant les trois CDR à chaîne légère spécifiques divulgués dans la description [accent dans l’original] :

La description ne fournit pas de fondement pour tous les anticorps de fusion visés par la revendication 28. D’ailleurs, en ce qui concerne la revendication 34, l’anticorps de fusion est défini comme comprenant toute protéine de fusion contenant la séquence d’acides aminés d’une chaîne légère d’immunoglobuline comprenant la séquence d’acides aminés de CDR1, CDR2 ou CDR3. Par conséquent, la revendication 34 semble englober les protéines de fusion qui ne comprennent pas nécessairement le SEQ ID NO : 10 ainsi que des protéines de fusion dans lesquelles seulement un seul CDR d’une chaîne légère d’immunoglobuline est défini. Par conséquent, ces revendications englobent toujours les anticorps de fusion qui ne sont pas étayés par la description. Comme indiqué dans les décisions du bureau du 13 mars 2015, 7 avril 2016, 11 avril 2017 et 2 mars 2018, la description révèle que seuls « certains anticorps spécifiques au DEC peuvent imiter le ligand endogène et traverse ainsi une barrière de membrane plasmique… » (page 10, lignes 1 à 2). Par conséquent, la description enseigne que tous les anticorps RIH qui se lient au DEC des RIH ne ressemblent pas au ligand endogène et traversent une barrière de membrane plasmique. Tel qu’actuellement formulé, ces revendications englobent l’utilisation d’anticorps de fusion qui ne ressemblent pas à du ligand endogène et traversent une barrière de membrane plasmique, ce qui n’a pas de fondement dans la description. Pour que l’objet de ces revendications soit dans les limites d’un fondement adéquat, les chaînes lourdes et légères d’immunoglobuline qui confèrent à l’anticorps la capacité de se lier à un domaine extracellulaire d’un récepteur d’insuline humaine exprimé sur la barrière hématoencéphalique ET à traverser une barrière de membrane plasmique doivent être définies dans les revendications.

Dans la Réponse à la DF, le Demandeur ne conteste ni ne commente d’aucune autre façon les opinions susmentionnées, mais propose néanmoins des modifications visant à supprimer les revendications 28 à 42 au dossier. Nous examinerons les revendications proposées dans une section distincte ci-dessous.

Après avoir examiné la description et les dessins, nous comprenons que la demande révèle dans les exemples des réalisations pertinentes dans lesquelles un anticorps de fusion de RIH Ab-IDUA comprenant des séquences spécifiques de CDR (voir fig. 3) est construit, produit et testé ex vivo avec des fibroblastes Hurler, ainsi que testé in vivo avec des expériences de transmission au cerveau. Comme dans la DF, nous notons également que la description enseigne aux pages 9 à 10 que seuls certains anticorps spécifiques pour le domaine extracellulaire (DEC) de liaison à l’insuline du récepteur d’insuline peuvent imiter le ligand endogène et traverser ainsi une barrière de membrane plasmique par le transport par le récepteur d’insuline humaine de la BHE.

Bien que la description à la page 14 indique qu’il existe des méthodes de production de variants de l’anticorps de fusion RIH Ab-IDUA divulgué, elle ne révèle pas d’autres ensembles de CDR qui imiteraient efficacement l’insuline de ligand. D’après le compte rendu dont nous sommes saisis, nous estimons à titre préliminaire que : i) les CGC concernant les anticorps spécifiques au RIH n’incluent pas les alternatives communément connues à l’anticorps humanisé du RIH et les séquences d’encodage de ces anticorps divulguées dans la présente description; et ii) la PVA ne serait pas au courant d’un autre ensemble de CDR capable de reproduire la liaison de l’insuline ligand endogène.

À la lumière de ce qui précède, notre opinion préliminaire est que les revendications 28 à 41 au dossier ne sont pas interprétées équitablement en ce qui a trait à ce que la demande de brevet divulgue dans la description et les dessins concernant un anticorps de fusion RIH Ab-IDUA comprenant des séquences de CDR qui diffèrent des séquences spécifiques de CDR citées dans la figure 3.

De plus, et compte tenu des mêmes considérations, notre opinion préliminaire est que le mémoire descriptif n’enseigne pas à la personne versée dans l’art comment mettre en pratique toutes les réalisations revendiquées de l’invention sans avoir à entreprendre des expériences indues pour identifier d’autres séquences de CDR capables d’imiter la liaison de l’insuline ligand endogène. Ces écarts ne sont pas comblés par les CGC.

Conclusions sur le caractère insuffisant en vertu du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets et la portée excessive

Nos conclusions préliminaires sont i) que les revendications 28 à 41 au dossier ont une portée excessive et ii) le mémoire descriptif n’est pas conforme aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui concerne l’objet des revendications 28 à 41.

[57] Bien que la Lettre de révision préliminaire ne l’indique pas explicitement, nous sommes d’avis que la portée de la revendication 42 n’inclut pas les séquences de CDR à chaîne lourde ou légère qui diffèrent des séquences de CDR spécifiques citées à la figure 3.

[58] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons le raisonnement précédent et concluons i) que les revendications 28 à 41 au dossier ont une portée excessive et ii) le mémoire descriptif n’est pas conforme aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui concerne l’objet des revendications 28 à 41.

Les revendications 12, 13, 24 et 25 manquent-elles de clarté puisqu’elles comportent des caractéristiques redondantes au regard de la portée des revendications 10, 11, 22 et 23 et, par conséquent, ne définissent pas clairement une différence de portée par rapport auxdites revendications?

[59] À notre avis, les revendications 12, 13, 24 et 25 ne définissent pas distinctement l’objet de l’invention, en contravention au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Contexte juridique

[60] Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets prévoit que « [l]e mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif ».

[61] Dans Minerals Separation North American Corp c. Noranda Mines Ltd, [1947] Ex CR 306, à la p. 352, 12 CPR 99, la Cour a souligné l’obligation d’un demandeur de préciser dans les revendications la portée du monopole demandé et l’exigence selon laquelle les termes utilisés dans les revendications sont clairs et précis :

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Analyse des revendications

[62] La Lettre de révision préliminaire, à la page 22, explique comment, à notre avis préliminaire, les revendications 12, 13, 24 et 25 ne définissent pas distinctement l’objet de l’invention, en contravention au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets :

[traduction]

Selon la DF, à la page 5, les revendications 12, 13, 24 et 25 sont indéfinies parce qu’elles portent sur le même objet que celui revendiqué dans les revendications 10, 11, 22 et 23 respectivement :

La revendication 12 semble viser le même sujet que la revendication 10 lorsque la revendication 10 dépend de la revendication 7. De même, la revendication 13 semble viser le même objet que la revendication 11 lorsque la revendication 11 dépend de la revendication 8, la revendication 24 semble viser le même objet que la revendication 22 lorsque la revendication 22 dépend de la revendication 19, et la revendication 25 semble viser le même objet que la revendication 23 lorsque la revendication 23 dépend de la revendication 20.

Dans la Réponse à la DF, le Demandeur ne conteste ni ne commente d’aucune autre façon les opinions susmentionnées, mais propose néanmoins des modifications visant à supprimer les revendications 12, 13, 24 et 25 au dossier. Nous examinerons les revendications proposées dans une section distincte ci-dessous.

Après avoir examiné les revendications 12, 13, 24 et 25 ainsi que les revendications 10, 11, 22 et 23, nous sommes d’accord avec la DF. Nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que l’absence de différenciation entre la revendication 12 et la revendication 10, entre la revendication 13 et la revendication 11, entre la revendication 24 et la revendication 22 et entre la revendication 25 et la revendication 23 rend l’objet de ces revendications redondant et ne définit pas clairement une différence de portée.

Conclusion sur le caractère indéfini

Étant donné l’absence de différenciation claire de la portée, nous estimons à titre préliminaire que les revendications 12, 13, 24 et 25 ne définissent pas distinctement l’objet de l’invention, en contravention au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[63] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons le raisonnement précédent et concluons que les revendications 12, 13, 24 et 25 ne définissent pas distinctement l’objet de l’invention, en contravention au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Les revendications proposées ne corrigent pas les irrégularités

[64] Comme il est indiqué ci-dessus, dans la Réponse à la DF, le Demandeur a présenté les revendications proposées 1 à 86.

[65] Les nouvelles revendications indépendantes proposées 1 à 21 et 35 à 54 récitent une quantité fixe d’activité de α-L-iduronidase. Les nouvelles revendications dépendantes proposées 22 à 34 et 55 à 65 définissent d’autres limitations en ce qui concerne la dose de l’activité de α-L-iduronidase, la voie d’administration, le moment du transport au SNC, le type chimérique de l’anticorps et/ou les séquences d’acides aminés des chaînes lourdes et légères.

[66] Les nouvelles revendications indépendantes 66, 74 et 78 proposées portent sur un anticorps de fusion qui se lie à un domaine extracellulaire de tout récepteur exprimé sur la BHE, dans lequel ledit récepteur n’est pas le récepteur de l’insuline. Les nouvelles revendications dépendantes proposées 67 à 73, 75 à 77 et 79 à 86 définissent d’autres limitations en ce qui concerne la dose de l’activité de α-L-iduronidase, la voie d’administration, le moment du transport au SNC ou le type chimérique de l’anticorps.

[67] Selon le Résumé des motifs à la page 2, les revendications proposées 31, 32, 62 et 63 sont indéfinies et l’objet des revendications proposées 66 à 86 n’est pas étayé par la description.

[68] Dans la Lettre de révision préliminaire, nous avons examiné ces irrégularités alléguées ainsi que la question de savoir si les revendications proposées portent sur l’irrégularité d’évidence que nous avions identifiée dans les revendications au dossier. Dans les pages 22 à 26 de cette lettre, nous expliquons notre point de vue préliminaire selon lequel les revendications proposées 31, 32, 62 et 63 ne définissent pas distinctement l’objet de l’invention, en contravention au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, selon lequel les revendications proposées 66 à 86 ont une portée excessive, selon lequel le mémoire descriptif ne serait pas conforme aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets à l’objet des revendications proposées 66 à 86 et que l’objet des revendications proposées 1 à 65 aurait été évident pour la PVA à la date pertinente :

[traduction]

ANALYSE DES MODIFICATIONS PROPOSÉES

Au cours de la révision, le Comité peut examiner les modifications proposées et déterminer si ces modifications constitueraient des modifications nécessaires en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Dans la Réponse à la DF, le Demandeur a soumis un ensemble de revendications proposées comprenant les revendications 1 à 86, dans lequel les nouvelles revendications indépendantes 1 à 21 et 35 à 54 récitent maintenant une quantité fixe d’activité de α-L-iduronidase. Les nouvelles revendications dépendantes 22 à 34 et 55 à 65 définissent d’autres limitations en ce qui concerne la dose de l’activité de α-L-iduronidase, la voie d’administration, le moment du transport au SNC, le type chimérique de l’anticorps et/ou les séquences d’acides aminés des chaînes lourdes et légères.

Les nouvelles revendications indépendantes 66, 74 et 78 portent sur un anticorps de fusion qui se lie à un domaine extracellulaire de tout récepteur exprimé sur la BHE, dans lequel ledit récepteur n’est pas le récepteur de l’insuline. Les nouvelles revendications dépendantes 67 à 73, 75 à 77 et 79 à 86 définissent d’autres limitations en ce qui concerne la dose de l’activité de α-L-iduronidase, la voie d’administration, le moment du transport au SNC ou le type chimérique de l’anticorps.

Selon le Résumé des motifs à la page 2, les revendications proposées 31, 32, 62 et 63 sont indéfinies et l’objet des revendications proposées 66 à 86 n’est pas étayé par la description.

Dans la Lettre de révision préliminaire, nous avons examiné ces irrégularités alléguées ainsi que la question de savoir si les revendications proposées comportent l’irrégularité d’évidence que nous avons identifiée ci-dessus dans les revendications au dossier.

Les revendications 31, 32, 62 et 63 proposées manquent-elles de clarté étant donné qu’elles comportent des caractéristiques redondantes au regard de la portée des revendications 29, 30, 60 et 61 proposées et, par conséquent, ne définissent-elles pas clairement une différence de portée par rapport auxdites revendications?

Après avoir examiné les revendications 31, 32, 62 et 63 proposées ainsi que les revendications 29, 30, 60 et 61 proposées, nous sommes d’accord avec le Résumé des motifs. Nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que l’absence de différenciation entre la revendication 31 et la revendication 29, entre la revendication 32 et la revendication 30, entre la revendication 62 et la revendication 60 et entre la revendication 63 et la revendication 61 rend l’objet de ces revendications redondant et ne définit pas clairement une différence de portée.

Conclusion sur le caractère indéfini

Étant donné l’absence de différenciation claire de la portée, nous estimons à titre préliminaire que les revendications 31, 32, 62 et 63 proposées ne définissent pas distinctement l’objet de l’invention, en contravention au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Les revendications 66 à 86 proposées ne sont-elles pas étayées, la description est-elle insuffisante en vertu du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets et la doctrine de la portée excessive créée par les tribunaux s’applique-t-elle aux revendications 66 à 86?

Comme il est indiqué à la page 2 du Résumé des motifs, le mémoire descriptif, dans la mesure où il fournit un fondement aux revendications 66 à 86 proposées et à l’anticorps de fusion englobé qui se lie à un domaine extracellulaire de tout récepteur exprimé sur la BHE autre que le récepteur d’insuline, ne se conforme pas au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets :

La description divulgue un anticorps de fusion qui se lie à un domaine extracellulaire du récepteur de l’insuline humaine exprimé sur la barrière hématoencéphalique (BHE) (voir figures et exemples). Cependant, un anticorps de fusion qui se lie à un domaine extracellulaire de tout récepteur exprimé sur la BHE, dans lequel ledit récepteur n’est pas le récepteur de l’insuline n’est pas divulgué dans la description.

Il s’ensuit que le mémoire descriptif relatif aux revendications 66 à 86 proposées ne se conforme pas au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. La description ne décrit pas un anticorps de fusion qui se lie à un domaine extracellulaire de tout récepteur exprimé sur la BHE, dans lequel ledit récepteur n’est pas le récepteur de l’insuline.

Dans la Réponse à la DF, aux pages 1 à 2, il est stipulé que le fondement de l’objet des revendications 66 à 86 proposées se trouve dans la demande telle qu’elle a été déposée, par exemple aux paragraphes [0060] et [0061]. Les paragraphes [0060] et [0061] se lisent comme suit :

Il a été démontré que la BHE possède des récepteurs spécifiques, y compris des récepteurs d’insuline, qui permettent le transport de plusieurs macromolécules du sang au cerveau. En particulier, les récepteurs d’insuline peuvent être utilisés comme transporteurs pour les anticorps de fusion RIH Ab-IDUA décrits ici. Les anticorps de fusion RIH IDUA décrits ici se lient au domaine extracellulaire (DEC) du récepteur de l’insuline humaine.

Les récepteurs de l’insuline et leur domaine extracellulaire (DEC) de liaison à l’insuline ont été caractérisés de manière extensive dans l’art tant structurellement que fonctionnellement. Voir, p. ex., Yip et coll. (2003), J Biol Chem, 278(30) : 27329-27332; et Whittaker et coll. (2005), « J Biol Chem, 280(22):20932-20936. The amino acid and nucleotide sequences of the human insulin receptor can be found under GenBank accession No. NM_000208.

Nous comprenons, d’après le passage cité ci-dessus et l’application dans son ensemble, que la divulgation de la demande concernant les anticorps de fusion liés de façon covalente à IDUA se limite aux anticorps de fusion qui se lient au domaine extracellulaire du récepteur de l’insuline humaine. Le fait que la description divulgue que seuls certains anticorps spécifiques pour le récepteur d’insuline peuvent imiter le ligand endogène et traverser ainsi une barrière de membrane plasmique par le transport par le récepteur d’insuline humaine de la BHE est également pertinent.

Bien que le passage cité ci-dessus soutienne le fait que la BHE a des récepteurs spécifiques autres que les récepteurs d’insuline qui permettent le transport de plusieurs macromolécules du sang vers le cerveau, il n’enseigne ni ne divulgue d’anticorps de fusion capables de cibler de tels autres récepteurs spécifiques et qui autrement imitent le ligand endogène afin d’accéder au CNS par le transport médié des récepteurs.

L’article de révision Jones and Shusta présenté ci-dessus soutient que l’utilisation d’un anticorps anti-transferrine pour le transport de produits thérapeutiques par récepteur vers le SNC était communément connue et, à notre avis préliminaire, fait partie des CGC. Cependant, toutes les études rapportées concernaient l’utilisation d’un anticorps monoclonal conjugué à une cargaison thérapeutique qui n’est pas un anticorps de fusion et qui n’est pas lié de manière covalente à la cargaison thérapeutique, contrairement aux modes de réalisation revendiqués.

À la lumière de ce qui précède, notre opinion préliminaire est que les revendications 66 à 86 proposées ne sont pas interprétées équitablement en ce qui a trait à ce que la demande de brevet divulgue dans la description et les dessins au sujet d’un anticorps de fusion qui se lie à un domaine extracellulaire de tout récepteur exprimé sur la BHE. L’anticorps humain du récepteur d’insuline lié de façon covalente à α-L-iduronidase est le seul anticorps de fusion révélé dans le mémoire descriptif qui imite le ligand endogène et traverse ainsi la barrière de la membrane plasmique par le transport afin d’être utilisé dans le traitement d’une déficience de α-L-iduronidase dans le système nerveux central.

De plus, selon les mêmes considérations, nous sommes d’avis, de façon préliminaire, que le mémoire descriptif n’apprend pas à la PVA comment mettre en pratique tous les modes de réalisation revendiqués compris dans les revendications 66 à 86 proposées sans faire d’expérimentation indue pour produire tous les anticorps de fusion qui se lient à un domaine extracellulaire de tout récepteur exprimé sur la BHE autre que le récepteur d’insuline et qui imitent le ligand endogène dans l’accès SNC par transport par récepteur. Ces lacunes quant à l’identification des anticorps de fusion pouvant être des modes de réalisation de l’invention ne sont pas comblées par les CGC.

Conclusions sur le caractère insuffisant en vertu du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets et la portée excessive

Nos conclusions préliminaires sont i) que les revendications 66 à 86 proposées ont une portée excessive et, indépendamment de ce point de vue; ii) le mémoire descriptif n’est pas conforme aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui concerne l’objet des revendications 66 à 86 proposées.

L’objet des revendications 1 à 65 proposées est-il évident?

Nous avons déjà exprimé ci-dessus notre avis préliminaire que l’objet des revendications au dossier est évident et ne se conforme pas à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Nous considérons que l’analyse de l’évidence des revendications au dossier s’applique également aux revendications 1 à 65 proposées comme l’objet des revendications 1 à 65 est englobée dans une ou plusieurs des revendications 1 à 42 au dossier et nous avons déjà exprimé l’opinion préliminaire qu’aucune ingéniosité n’aurait été requise de la PVA pour identifier une dose efficace de remplacement de l’activité de α-L-iduronidase ou concernant toute fonction supplémentaire citée.

Conclusion sur l’évidence

Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que l’objet des revendications 1 à 65 proposées aurait été évident pour la PVA à la date pertinente, compte tenu de D1 et des CGC ou de D1, de D2 et des CGC, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[69] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons le raisonnement précédent et concluons que les modifications proposées ne satisfont pas aux exigences d’une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Conclusions

[70] Nous avons déterminé que :

  • Les revendications 1 à 27, 29 à 33 et 36 à 42 visent un objet brevetable qui correspond à la définition « d’invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

  • L’objet des revendications 28, 30 à 33, 35, 37, 41 et 42 présente le caractère de la nouveauté au regard de D1 et est conforme à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets;

  • ·L’objet des revendications 34 et 38 à 40 est antériorisé par D1, en contravention à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets;

  • ·L’objet des revendications 1 à 42 aurait été évident pour la PVA à la date pertinente, compte tenu de D1 et des CGC ou de D1, de D2 et des CGC, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

  • ·Les revendications 28 à 41 ont une portée excessive et le mémoire descriptif n’est pas conforme aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui concerne l’objet de ces revendications;

  • Les revendications 12, 13, 24 et 25 ne définissent pas distinctement l’objet de l’invention, en contravention au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[71] D’ailleurs, nous sommes d’avis que les revendications proposées présentées avec la Réponse à la DF ne corrigent pas l’irrégularité de l’évidence ou l’introduction quelconque de nouvelles irrégularités. Par conséquent, les revendications proposées ne sont pas considérées comme une modification nécessaire pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.


 

Recommandation de la Commission

[72] Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande que la demande soit rejetée pour les motifs suivants :

  • L’objet des revendications 34 et 38 à 40 est antériorisé, en contravention à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets;

  • L’objet des revendications 1 à 42 est évident, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

  • Les revendications 28 à 41 ont une portée excessive et le mémoire descriptif n’est pas conforme aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui concerne l’objet de ces revendications;

  • Les revendications 12, 13, 24 et 25 ne définissent pas distinctement l’objet de l’invention, en contravention au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

 

 

 

Marcel Brisebois

Mary Murphy

Christine Teixeira

Membre

Membre

Membre


 

Décision du commissaire

[73] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande pour les motifs suivants :

· L’objet des revendications 34 et 38 à 40 est antériorisé, en contravention à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets;

· L’objet des revendications 1 à 42 est évident, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

· Les revendications 28 à 41 ont une portée excessive et le mémoire descriptif n’est pas conforme aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets en ce qui concerne l’objet de ces revendications;

· Les revendications 12, 13, 24 et 25 ne définissent pas distinctement l’objet de l’invention, en contravention au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[74] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Konstantinos Georgaras

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec)

En ce 2e jour de mars 2023.

 



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