Brevets

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Référence: Ipsen Pharma S.A.S. (Re), 2022 CACB 11

Décision du commissaire no 1618

Commissioner’s Decision #1618

SUJET :

 

F00

O00

J80

K11

D00

 

Nouveauté

Évidence

Aptitudes professionnelles (artistiques)

Traitement

Division

 

TOPIC:

 

F00

O00

J80

K11

D00

 

Novelty

Obviousness

Professional or Artistic Skill

Treatment

Division

 

Date : 2022-04-01


Demande no 2 664 734

Application No. : 2,664,734


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96‑423] dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 664 734 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019‑251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande si les modifications nécessaires ne sont pas apportées.

Agent du demandeur :

GOWLINGS WLG (CANADA) LLP

160, rue Elgin, Bureau 2600

Ottawa (Ontario) K1P 1C3


Introduction

[1] Cette recommandation porte sur la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 664 734, laquelle est intitulée « Procédé d’administration pharmacologique d’une protéine anabolique osseuse » et appartient à Ipsen Pharma S.A.S. (le demandeur).

[2] La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019‑251) (les Règles sur les brevets). Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons au commissaire aux brevets de rejeter la demande si les modifications nécessaires ne sont pas apportées.

Contexte

La demande

[3] La demande a une date de dépôt du 3 octobre 2007 et est devenue accessible au public le 29 mai 2008.

[4] La demande porte généralement sur des compositions stables en stockage comportant l’analogue PTHrp [Glu22,25, Leu23,28,31, Aib29,Lys26,30]hPTHrP(1-34)NH2 (ci-après « SEQ 2 ») et l’utilisation de SEQ 2 à un dosage particulier pour le traitement de l’ostéoporose ou la stimulation de la croissance des os.

[5] Les revendications à l’étude sont les revendications 1 à 52, datées du 18 octobre 2017 (revendications au dossier).

Historique de la poursuite de la demande

[6] Le 17 juin 2019, une décision finale (DF) rejetant les revendications au dossier a été rendue en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets (DORS/96‑423) (les anciennes règles) dans leur version immédiatement antérieure au 30 octobre 2019. La DF indique que l’objet des revendications 45 à 50 au dossier est antériorisé, en contravention à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets et est également évident, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. La DF indique également que les revendications 45 à 52 englobent la compétence et le jugement d’un professionnel de la santé, ce qui constitue un objet qui ne relève pas de la définition « d’invention » et n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Enfin, les revendications 1 à 44 ont été considérées comme conformes à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets dans la DF.

[7] Le 17 décembre 2019, le demandeur a déposé une réponse à la DF (RDF) ainsi qu’un ensemble proposé de revendications modifiées 1 à 51. La RDF conteste que l’objet des revendications 45 à 50 au dossier ou des revendications proposées est antériorisé ou évident. La RDF présente également des arguments selon lesquels les modifications proposées aux revendications 45 à 51 répondraient aux préoccupations soulevées dans la DF concernant l’objet brevetable.

[8] L’examinateur était d’accord que les modifications proposées corrigeraient l’irrégularité de l’objet brevetable, mais n’a pas été convaincu que l’objet des revendications au dossier ou des revendications modifiées proposées était nouveau et non évident, donc la demande a été acheminée à la Commission accompagnée d’un résumé des motifs (RM) le 26 février 2020. Le RM réitère que les revendications 1 à 44 au dossier sont conformes à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

[9] Le RM a été transmis au demandeur le 2 mars 2020. Dans une lettre en date du 19 juin 2020, le demandeur a exprimé qu’il souhaitait toujours que la Commission procède à la révision de la demande.

[10] Le présent Comité a été constitué dans le but de réviser la demande refusée et de présenter une recommandation au commissaire quant à la décision à rendre.

[11] Au cours de la révision, une autre question est survenue quant à savoir si l’ensemble de revendications au dossier contient des revendications pour des inventions distinctes qui ne sont pas unies par un seul concept inventif général, en contravention au paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets, et donc le demandeur a été avisé de cette question conformément au paragraphe 86(9) des Règles sur les brevets.

[12] Dans une lettre de révision préliminaire (lettre de RP) en date du 18 mars 2022, nous présentons nos opinions préliminaires que les revendications 45 à 50 au dossier sont nouvelles et que les revendications 45 à 52 au dossier visent un objet brevetable. La lettre de RP établit également nos opinions préliminaires que l’objet des revendications 45 à 50 est évident en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets et que les revendications 1 à 44 et 45 à 52 ne sont pas liées par un seul concept inventif général; elles ne sont donc pas conformes au paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets. Puisqu’il n’y a aucune différence significative entre les revendications proposées dans la réponse à la DF et les revendications au dossier à l’égard de ces deux questions, nous avons également exprimé l’opinion préliminaire que les modifications proposées aux revendications ne corrigeaient pas ces irrégularités. Selon ces conclusions préliminaires, et puisque les revendications 1 à 44 au dossier étaient considérées dans la DF et le RM comme conformes en vertu de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets, nous avons expliqué que notre tendance préliminaire était de recommander que la demande soit rejetée, à moins que les revendications ne se limitent aux revendications 1 à 44, puisqu’elles visent une seule invention. Enfin, nous avons offert au demandeur la possibilité de produire des observations orales ou écrites en réponse à la lettre de RP.

[13] Dans une réponse à la lettre de RP en date du 23 mars 2022 (RRP), le demandeur n’a fourni aucun argument, choisissant plutôt de soumettre un nouvel ensemble de revendications proposées 1 à 44 (les revendications proposées) qui correspondent aux revendications qui étaient considérées comme admissibles dans la lettre de RP et d’annuler les revendications 45 à 52 présentement au dossier. De plus, le demandeur a indiqué qu’aucune audience orale n’était nécessaire.

[14] Le Comité a achevé sa révision et nos conclusions sont énoncées ci-dessous.

Questions

[15] Les questions abordées dans le cadre de la révision sont les suivantes :

  • si l’objet des revendications 45 à 50 au dossier est antériorisé, en contravention à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets;
  • si l’objet des revendications 45 à 50 au dossier est évident, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;
  • si les revendications 45 à 52 au dossier englobent la compétence et le jugement d’un professionnel de la santé, ce qui constitue un objet qui se trouve à l’extérieur de la définition « d’invention » et n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets;
  • si l’ensemble de revendications au dossier contient des revendications pour des inventions distinctes qui ne sont pas unies par un seul concept inventif général, en contravention au paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du bureau

Interprétation téléologique

[16] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust] et Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est menée à partir du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (CGC) pertinentes, tenant compte de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[17] L’énoncé « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020‑04] aborde également l’application de ces principes, soulignant que tous les éléments énoncés dans une revendication sont présumés essentiels à moins qu’il n’en soit établi autrement ou qu’une telle présomption soit contraire au libellé de la revendication.

Antériorité

[18] Le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué soit nouveau :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

 

a) soit plus d’un an avant la date de dépôt de celle-ci, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d’une autre personne, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

[…]

[19] Il y a deux exigences distinctes pour démontrer que l’art antérieur antériorise une invention revendiquée : il doit y avoir une divulgation antérieure de l’objet revendiqué et la divulgation antérieure doit permettre à une personne versée dans l’art de pratiquer l’objet revendiqué (Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi] aux par. 24 à 29, 49).

[20] « Divulgation antérieure » signifie que l’art antérieur doit divulguer l’objet qui, s’il est exécuté, entraînerait nécessairement une contrefaçon du brevet. La personne versée dans l’art qui se penche sur la divulgation « est censée tenter de comprendre ce que l’auteur de la description [dans le brevet antérieur] a voulu dire » (Sanofi au par. 32). À cette étape, les essais successifs sont exclus. L’art antérieur se lit simplement « pour en comprendre la teneur » (Sanofi, au par. 25, citant Synthon BV c. SmithKline Beecham plc, [2006] 1 All ER 685, [2005] UKHL 59).

[21] « Caractère réalisable » signifie que la personne versée dans l’art aurait été en mesure de réaliser l’invention sans trop de difficultés. La personne versée dans l’art est disposée à procéder par essais successifs pour arriver à l’invention (Sanofi, aux par. 26 et 27).

Évidence

[22] L’article 28.3 de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué ne soit pas évident :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

 

  • a)qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

  • b)qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle soit devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[23] Dans Sanofi, au par. 67, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes présentée ci-dessous :

(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »,

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituentelles des étapes évidentes pour la personne versée dans lart ou dénotentelles quelque inventivité?

Objet brevetable : compétence et jugement

[24] La définition d’invention est établie à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[25] L’EP2020‑04 a précisé l’approche du Bureau des brevets concernant l’évaluation de l’objet brevetable en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets. En général :

Afin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beauxarts ou des œuvres dart qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[26] Il est bien établi que les méthodes de traitement médical et de chirurgie ne sont pas brevetables parce qu’elles ne relèvent pas des réalisations manuelles ou industrielles, et sont exclues de la définition d’invention au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets (voir Tennessee Eastman Co. c. Commissaire des Brevets (1970), 62 CPR 117 (C de l’É), conf. par [1974] RCS 111; EP2020‑04). Toutefois, les revendications d’« utilisation » médicale ont été considérées comme visant un objet brevetable (voir Apotex Inc c. Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77).

[27] Un certain nombre de décisions de tribunaux inférieurs ont examiné la question de la validité des revendications d’utilisation médicale (Axcan Pharma Inc c. Pharmascience Inc, 2006 CF 527; Merck & Co, Inc c. Pharmascience Inc, 2010 CF 510; Janssen Inc c. Mylan Pharmaceuticals ULC, 2010 CF 1123; AbbVie Biotechnology Ltd c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1251 [AbbVie]). Après avoir examiné les décisions antérieures, la Cour fédérale, dans AbbVie, a conclu que la jurisprudence est cohérente; la jurisprudence de la Cour fédérale a énoncé le principe suivant :

[U]ne revendication visant l’exercice de la compétence ou du jugement professionnel n’est pas brevetable. Toutefois, une revendication qui ne limite pas l’exercice de la compétence ou du jugement professionnel, n’empiète pas sur eux, ni ne les fait par ailleurs intervenir – notamment une revendication portant sur une dose fixe ou une fréquence d’administration ou un intervalle posologique précis – n’est pas un objet interdit lorsqu’il n’y a aucun élément de preuve contredisant la posologie revendiquée (par. 114).

[28] En renvoyant particulièrement à l’évaluation de l’objet brevetable de revendications d’utilisation médicale contenant une définition des doses ou une posologie, l’EP2020‑04 indique ce qui suit :

[D]ans les cas où au moins un des éléments essentiels de l’invention limite l’utilisation revendiquée à une dose […] et/ou à une posologie, qu’il s’agisse de doses fixes et/ou couvrant une gamme, ce fait en soi n’est pas déterminant quant à savoir si la revendication vise un objet brevetable. Il est également nécessaire de considérer si l’exercice des compétences professionnelles et du jugement d’un professionnel de la santé fait partie d’une invention réelle. Par exemple, une compétence et un jugement professionnels peuvent être en cause si un professionnel de la santé doit surveiller le traitement ou y apporter des ajustements, ou choisir une dose d’une gamme revendiquée (c.-à-d., dans les cas où toutes les doses de la gamme ne fonctionneront pas pour tous les sujets du groupe traité).

Unité de l’invention : brevet pour une seule invention

[29] Le paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets prévoit ce qui suit :

Un brevet ne peut être accordé que pour une seule invention, mais dans une instance ou autre procédure, un brevet ne peut être tenu pour invalide du seul fait qu’il a été accordé pour plus d’une invention.

[30] Cette disposition indique clairement qu’un brevet sera accordé pour une seule invention : Teva Canada Ltd. c. Pfizer Canada Inc, 2012 CSC 60, au par. 58 [Teva].

[31] La définition de l’expression « une seule invention » est fournie à l’article 88 des Règles sur les brevets :

Pour l’application de l’article 36 de la Loi, une seule invention vise notamment une pluralité d’inventions liées entre elles de telle sorte qu’elles ne forment qu’un seul concept inventif général.

[32] Il est important de se souvenir qu’un seul concept inventif général parcoure un brevet et doit essentiellement unifier ou relier chaque revendication : Apotex Inc. c. Shire LLC, 2021 CAF 52, aux par. 77, 86 à 88 [Shire]; AstraZeneca Canada Inc c. Apotex Inc, 2017 CSC 36, au par. 49 (citant ce qui suit de David Vaver, Intellectual Property Law, 2e éd. (Toronto : Irwin Law, 2011), à la p. 275) :

[traduction]
Par souci de simplicité, la règle est la suivante : « une invention, une demande, un brevet ». Mais les inventions sont comme des prismes à multiples facettes : de multiples revendications (parfois même des centaines) portant sur toutes les facettes sont permises pour un même brevet si un « seul concept inventif général » les relie.

[33] Lorsqu’il est question de déterminer si un ensemble de revendications contient des revendications pour des inventions distinctes qui ne sont pas toutes liées par un seul concept inventif général, la Cour doit évaluer l’ensemble de la divulgation et des revendications pour confirmer la nature de l’invention et les méthodes pour son exécution : Teva, au par. 64. L’invention revendiquée devrait fournir une solution à un problème pratique et les revendications qui définissent cette solution ou les améliorations apportées à cette solution devraient pouvoir être liées à un seul concept inventif : la section 21.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB] (révisée en novembre 2013); voir également Shire, par. 60, 76, 77 et 110.

[34] Comme le précise la section 21.06 du RPBB (révisée en novembre 2013), une irrégularité du manque d’unité devient évidente soit par une évaluation a priori, soit par une évaluation a posteriori des revendications :

L’exigence d’unité de l’invention comporte donc deux aspects distincts qu’il convient d’examiner séparément : 1) la présence nécessaire d’un ensemble commun d’éléments à toutes les revendications, et 2) l’exigence que l’ensemble commun d’éléments soit nouveau et non évident (c’est-à-dire inventif) par rapport à l’art antérieur.

 

Le premier aspect peut être évalué sans égard à l’état de la technique (évaluation a priori de l’unité de l’invention), alors que le deuxième exige la prise en compte de l’état de la technique (évaluation a posteriori). L’absence d’unité de l’invention est toujours une irrégularité, qu’elle soit décelée a priori ou a posteriori.

[35] Le fait de tenir compte de l’état de la technique dans le cadre de l’évaluation est conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, ce qui exige qu’une invention soit nouvelle : Teva, par. 65.


 

Analyse

Interprétation téléologique

[36] Les revendications 1 à 52 sont contenues dans l’ensemble de revendications au dossier. Les revendications 1 à 13 visent les compositions stables en stockage comportant le SEQ 2; les revendications 14 à 44 définissent l’utilisation de compositions stables en stockage pour traiter ou préparer un médicament pour traiter l’ostéoporose ou stimuler la croissance des os; et les revendications 45 à 52 visent l’utilisation d’un dosage particulier de 75 µg à 80 µg de SEQ 2 pour traiter ou préparer un médicament pour traiter l’ostéoporose ou stimuler la croissance des os. Il y a neuf revendications indépendantes : les revendications 1, 14 à 17 et 45 à 48. Les revendications indépendantes 1, 14, 45 et 48 sont illustratives :

Revendication 1. Une composition stable en stockage appropriée pour l’administration à un sujet comportant :

a) un analogue PTHrP ayant la séquence… (SEQ ID No 2);

b) une quantité efficace d’une solution tampon pour pH pour maintenir le pH à l’intérieur d’un intervalle de 4,5 à 5,6.

 

Revendication 14. L’utilisation d’une composition stable en stockage comportant :

a) un analogue PTHrP ayant la séquence… (SEQ ID No 2);

b) une quantité suffisante d’une solution tampon de pH pour maintenir le pH à l’intérieur d’un intervalle de 4,5 à 5,6,

pour traiter l’ostéoporose chez un sujet qui en a besoin.

 

Revendication 45. L’utilisation d’un dosage de 75 µg à 80 µg d’un analogue PTHrP ayant la séquence… (SEQ ID No 2) pour la préparation d’un médicament pour le traitement de l’ostéoporose chez un sujet qui en a besoin.

 

Revendication 48. L’utilisation d’un dosage de 75 µg à 80 µg d’un analogue PTHrP ayant la séquence… (SEQ ID No 2) pour la stimulation de la croissance des os chez un sujet qui en a besoin.

[37] Les revendications dépendantes 2 à 13, 18 à 44 et 49 à 52 définissent également : le pH (revendications 2 à 4, 51 et 52); la solution tampon (revendication 5 à 7, 20 et 23); d’autres additifs (revendications 8 à 13, 19 et 22); la condition (revendications 24 et 50) et la quantité de SEQ 2 pour une seule injection sous-cutanée (sc) quotidienne (revendications 18, 21, 25 à 44 et 49).

Personne versée dans l’art et connaissances générales courantes de cette personne

[38] Aux pages 8 et 9 de la RP, nous avons exprimé l’opinion préliminaire suivante :

[traduction]

À la page 3, la DF a défini la personne versée dans l’art comme un chercheur dans les domaines de l’ostéoporose et de la croissance des os. Les CGC de cette personne ont été définies comme comprenant les connaissances selon lesquelles :

 

les quantités de dosage thérapeutique des agents thérapeutiques peuvent avoir un large éventail de valeurs et le processus pour trouver le dosage optimal comporte l’essai de dosages à l’intérieur d’un intervalle et l’évaluation pour déterminer celui qui est le plus efficace.

 

La RDF n’a pas contesté ces définitions, et n’a pas fait de commentaires à leur sujet. Nous sommes d’accord que ces définitions sont raisonnables et ajoutons les connaissances suivantes :

 

• l’hormone parathyroïde (PTH) et un fragment peptidique de son extrémité N-terminal hPTH(1-34), lequel reproduit son action biologique, ont une activité double dans l’os en agissant comme agent catabolique (c.-à-d., favorisant la fragmentation des os et la résorption) et comme agent anabolique (c.-à-d., favorisant la formation des os) (comme le démontrent Dempster, page 690; Fox, page 338; le document D3, section « Background», page 1);

 

• la résorption des os est favorisée par rapport à la croissance lorsque la PTH ou hPTH(1-34) est administrée en continu, alors que la croissance est favorisée à un dosage quotidien unique intermittent : les deux modes d’administration stimulent la formation d’os de manière semblable, mais ont des effets différents sur la résorption des os et la masse osseuse (comme le démontrent Dempster, pages 696 et 697; Neer, page 1434);

 

• la résorption des os est également favorisée par rapport à la croissance à des doses très élevées de hPTH(1-34) (750 µg sc quotidiennement), alors qu’une dose de 450 µg par jour améliore l’équilibre en calcium et entraîne une croissance nette des os (Dempster, page 700) et qu’une dose de 20 µg par jour produit moins d’épisodes d’hypercalcémie (c.‑à‑d., une maladie où le calcium dans le sang est anormalement élevé et peut affaiblir les os) comparativement à 40 µg par jour (comme le démontrent Fox, page 339; Neer, pages 1434 et 1439);

 

• les fragments de PTH et de N-terminal comme hPTH(1-34) sont équipotents au PTH au récepteur PTH-1, sont hautement efficaces pour accroître la densité minérale osseuse lorsqu’ils sont administrés quotidiennement et sont en général bien tolérés (comme le démontre Fox, page 342);

 

• les traitements conventionnels pour l’ostéoporose visaient à atténuer la résorption des os jusqu’en novembre 2002, lorsque le recombinant hPTH(1-34) (ForteoMD, 20 µg sc quotidiennement) est devenu le premier agent approuvé aux États-Unis pour stimuler la nouvelle formation d’os (comme le démontre Fox, page 338[1]).

 

Les références Dempster, Fox et Neer ci-dessus ont été ajoutées au dossier de poursuite par le demandeur avec la lettre du 10 août 2010 et le document D3 est cité dans la DF comme art antérieur :

 

Dempster, D. W. et coll., « Anabolic actions of parathyroid hormone on bone » (décembre 1993) 14:6 Endocr Rev pages 690 à 709.

 

Fox, J., « Developments in parathyroid hormone and related peptides as bone-formation agents » (1er juin 2002) 2:3 Curr Opin Pharmacol pages 338 à 344.

 

Neer, R. et coll., « Effect of parathyroid hormone (1-34) on fractures and bone mineral density in postmenopausal women with osteoporosis » (10 mai 2001) 344:19 N Engl J Med pages 1434 à 1441.

 

D3 : WO 97/02834 Dong, Z. X. 30 janvier 1997 (1997-01-30)

 

Sous réserve de tout commentaire ou de toute précision que le demandeur souhaite faire, le Comité a l’intention d’adopter les définitions ci-dessus aux fins de notre analyse.

[39] La RRP n’a pas contesté ces définitions de la personne versée dans l’art et des CGC pertinentes et n’a fait aucun commentaire à leur sujet, donc nous les adoptons aux fins de notre révision.

Éléments essentiels

[40] À la page 10, nous avons exprimé l’opinion préliminaire suivante dans la lettre de RP :

[traduction]

L’évaluation des éléments essentiels énoncée dans la DF a été effectuée conformément aux directives qui ont été remplacées par l’EP2020‑04. Nous avons donc entrepris une nouvelle évaluation des éléments essentiels.

 

Comme il est énoncé ci-dessus, tous les éléments présentés dans une revendication sont présumés essentiels, à moins que le contraire soit établi ou qu’une telle présomption aille à l’encontre du libellé de la revendication : EP2020‑04. De plus, l’élément d’une revendication est essentiel lorsqu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art que son omission ou son remplacement aurait un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention : Free World Trust, au par. 55; EP2020‑04.

 

En ce qui a trait au libellé des revendications, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art qui lit les revendications 1 à 52 dans le contexte du mémoire descriptif dans son ensemble et des CGC comprendrait que les revendications n’incluent aucun libellé indiquant que l’un ou l’autre des éléments est facultatif ou préférable, ou qu’il était autrement destiné à être non essentiel. Notre opinion préliminaire est donc que tous les éléments des revendications 1 à 52 sont essentiels.

[41] La RRP n’a pas contesté notre évaluation des éléments essentiels, donc nous considérerons tous les éléments des revendications 1 à 52 comme essentiels aux fins de notre révision.

Antériorité

[42] À la page 2, la DF affirme que les revendications 45 à 50 englobent un objet qui a été divulgué dans le document D3 avant la date de revendication.

[43] Le document D3 (citation ci-dessus) divulgue un certain nombre d’analogues PTHrP, y compris le SEQ 2, qui sont en mesure de stimuler la croissance des os et qui sont utiles dans le traitement de l’ostéoporose et des fractures des os (pages 1, 7, 11). Les dosages de 75 à 80 µg ne sont pas divulgués; plutôt, le document divulgue l’utilisation d’une [traduction] « quantité suffisante sur le plan thérapeutique ».

[44] Aux pages 10 et 11 de la lettre de RP, nous avons exprimé notre opinion que les revendications 45 à 50 ne sont pas antériorisées par le document D3 :

[traduction]

Le demandeur conteste que les revendications 45 à 50 sont antériorisées par le document D3. Les arguments dans la RDF se concentrent principalement sur les revendications proposées. Les déclarations suivantes faites par le demandeur dans la lettre du 5 avril 2016 ont été faites à l’égard des revendications plus générales que celles qui font présentement l’objet de la révision, mais on considère qu’elles sont tout autant applicables (page 1) :

 

Le demandeur affirme que le document D3 est complètement muet au sujet du dosage revendiqué et, par conséquent, en l’absence de la divulgation d’un dosage de 75 µg à 160 µg de l’analogue PTHrP, le document D3 ne peut pas possiblement antérioriser les revendications refusées puisque cet objet n’est pas compris. Compte tenu de cette absence d’une divulgation complète, le demandeur affirme que le document D3 ne satisfait pas à l’analyse en deux parties établie par la Cour suprême du Canada dans Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada pour rendre une revendication antériorisée.

 

Le dosage particulier de 75 à 80 µg est un élément essentiel qui n’est pas divulgué de façon expresse, implicite ou inhérente dans le document D3. Nous sommes d’accord avec le demandeur que l’exigence de divulgation dans l’analyse Sanofi n’est pas respectée : l’exécution de l’objet du document D3 n’entraînerait pas nécessairement la violation d’un brevet revendiquant expressément l’utilisation de 75 à 80 µg de SEQ 2. À l’étape de la divulgation, les essais successifs sont exclus : Sanofi, au par. 25.

 

Puisque l’exigence de la divulgation n’est pas respectée, il n’est pas nécessaire d’évaluer le caractère réalisable.

 

Notre opinion préliminaire est donc que l’objet des revendications 45 à 50 est conforme au paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets.

[45] La RRP n’a pas contesté l’analyse ci-dessus établie dans la lettre de RP. Pour les raisons établies ci-dessus, notre conclusion est que les revendications 45 à 50 sont conformes au paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets.

Évidence

[46] Aux pages 2 à 4, la DF affirme que les revendications 45 à 50 au dossier visent un objet qui aurait été évident à la date revendiquée pour la personne versée dans l’art. L’analyse et les arguments du demandeur ont été abordés aux pages 11 à 15 de notre lettre de RP au moyen de la démarche en quatre étapes Sanofi, comme il est établi ci-dessous :

[traduction]

(1) Identifier la personne versée dans l’art et ses CGC pertinentes

 

Celles-ci ont déjà été cernées ci-dessus.

 

(2) Définir l’idée originale des revendications en cause, au besoin par voie d’interprétation

 

La DF se concentre sur les éléments essentiels des revendications 45 à 50 sans formellement définir leurs concepts inventifs. La RDF n’a pas directement contesté cette approche. Cependant, à la page 2, le demandeur a affirmé que certains avantages qui ont été divulgués dans la description, mais qui n’ont pas été revendiqués, doivent être considérés :

 

Le demandeur n’est pas d’accord avec l’examinateur compte tenu de l’exemple 6 dans le mémoire descriptif original. L’exemple 6 fournit les données pharmacocinétiques et pharmacodynamiques qui démontrent les « avantages surprenants ou inattendus » de l’utilisation de la dose de 80 µg. Par exemple, les lignes 23 à 26 de la page 45 démontrent que les concentrations P1NP sont demeurées étonnamment au-dessus du niveau de référence avec la dose de 80 µg, alors que les taux sériques correspondants de P1NP suivant les doses de placébo sont en général demeurés près des niveaux avant la dose. Il faut noter que les taux sériques de P1NP plus faibles sont un indicateur prédicteur de la perte de masse osseuse.

 

Dans la mesure que cela indique qu’il est approprié dans certains de cas d’interpréter les propriétés bénéfiques ou les avantages qui sont inhérents aux éléments essentiels comme faisant partie du concept inventif d’une recommandation, nous sommes d’accord. L’objet de la revendication décrit sa portée de protection, pas pourquoi l’objet est brevetable : Shire, au par. 23, citant Free World Trust, au par. 14. Lorsque « l’inventivité » des éléments essentiels « n’est pas facilement discernable des revendications elles-mêmes », il est nécessaire de se tourner vers le mémoire descriptif pour amplifier le concept inventif de la revendication, en gardant à l’esprit qu’il n’est pas permis d’interpréter les revendications de manière plus étroite ou plus large que ce qui est permis par le texte : Shire, aux par. 72 et 73, citant Sanofi, au par. 77.

 

Cependant, cela ne signifie pas que toute propriété divulguée dans le mémoire descriptif est interprétée de manière appropriée comme faisant partie du concept inventif. La demande doit suffisamment décrire la propriété comme « la solution enseignée par le brevet » afin d’être interprétée comme faisant partie du concept inventif de la revendication : Shire, au par. 84, citant Bristol‑Myers Squibb Canada Co c. Teva Canada Limited, 2017 CAF 76, au par. 75.

 

Comme le RM l’explique, l’exemple 6 et la divulgation connexe de la page 45 ne se retrouvent pas dans la description et ne font pas partie de la demande déposée à l’origine. La description est composée de 18 pages avec seulement 5 exemples, et aucun de ces exemples ne comporte l’utilisation d’une dose de 80 µg. Au cours de notre révision, nous avons déterminé que ces renseignements proviennent d’une demande connexe WO2009/137093 A1 qui a été déposée par le demandeur à l’extérieur du Canada plus de deux ans après la date revendiquée de la présente demande.

 

Puisque les taux sériques de P1NP plus élevés associés avec la dose de 80 µg n’ont pas été divulgués dans la description, ces données n’auraient pas été considérées par la personne versée dans l’art lisant le mémoire descriptif dans son ensemble ou interprétées comme faisant partie des concepts inventifs des revendications 45 à 50.

 

En revanche, la description enseigne que le SEQ 2 peut être utilisé sans accroître l’hypercalcémie ou stimuler la résorption de la masse osseuse, ce qui permet des doses plus élevées et, comme il est en question en plus de détails ci-dessous dans la section sur l’unité de l’invention, nous estimons cela comme l’une de deux solutions décrites dans la demande. Comme l’indique Shire, la solution enseignée par le brevet est la perspective qui doit être gardée à l’esprit lorsque l’on détermine, ce qui fait, le cas échéant, que la revendication, telle qu’interprétée, est inventive : Shire, au par. 76.

 

Notre opinion préliminaire est donc que la personne versée dans l’art interpréterait les concepts inventifs des revendications 45 à 50 comme comprenant les éléments essentiels de chaque revendication et que l’utilisation de SEQ 2 traite l’ostéoporose ou stimule la croissance des os sans accroître l’hypercalcémie ou stimuler la résorption de la masse osseuse aux dosages revendiqués.

 

Sous réserve de tout commentaire ou de toute clarification que le demandeur souhaite faire, notre analyse utilisera les concepts inventifs ci-dessus.

 

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation

 

La DF cite le même document D3, cité ci-dessus pour l’antériorité, pour l’évidence. Cependant, au cours de notre révision du dossier de la poursuite, lequel, comme il a été mentionné, comprend un certain nombre de documents d’art antérieur soumis par le demandeur avec la lettre du 10 août 2010, le Comité a considéré Fox (cité ci-dessus pour appuyer certains points des CGC) et l’article suivant par Dong et coll. comme de l’art antérieur :

 

Dong et coll.,« Highly potent analogs of human parathyroid hormone and human parathyroid hormone-related protein » (2001) dans : Lebl M., Houghten, R.A. (eds) Peptides: The Wave of the Future. American Peptide Symposia, vol. 7, pages 668 et 669.

 

Fox est une revue des développements relatifs au PTH et des fragments et analogues connexes comme agents de formation des os en date de 2002. Le SEQ 2 est identifié comme un candidat précoce d’intérêt, mais aucune donnée particulière concernant le SEQ 2 n’est divulguée (pages 339 et 340, sous BIM‑44058). Fox discute également des essais chez des humains qui ont étudié la PTH naturelle, ForteoMD et un autre analogue du hPTHrP(1-34), le semparatide, à des doses quotidiennes variant de 20 à 100 µg (pages 338 à 340). Le traitement des sujets ayant des os fracturés est également divulgué (page 339).

 

Dong et coll. est une autre publication du même groupe que le document D3, qui a été publiée environ quatre ans après, qui divulgue huit analogues particuliers des PTH/PTHrP(1-34), y compris le SEQ 2, qui se démarque des autres comme étant un agent anabolique osseux qui possède une plus large marge de sécurité que la hPTH(1-34) naturelle (c.-à-d., l’équivalent naturel du recombinant ForteoMD). L’introduction explique que les PTH(1-84) et hPTH(1-34) naturelles ont un indice thérapeutique relativement étroit, au-delà duquel elles peuvent entraîner la résorption de la masse osseuse et l’hypercalcémie. Dong et coll. explique que le SEQ 2 a été cerné comme ayant une tendance beaucoup plus faible de mobiliser le calcium dans le sang que la hPTH(1-34) et donc d’autres tests ont été menés chez des rats et des singes ovariectomisés atteints d’ostéopénie. Il a été démontré que le SEQ 2 était environ deux fois plus efficace que la hPTH(1-34) pour rétablir la densité minérale du fémur chez les rats, alors qu’à des doses de 1 et 10 µg par kg par jour chez les singes, il y a eu une importante amélioration de la formation des os sans avoir d’incidences sur la porosité corticale.

 

Puisque le SEQ 2 occupe une plus grande importance dans Dong et coll. que dans le document D3 et aborde directement un composé ayant une marge de sécurité plus large en ce qui a trait à la résorption de la masse osseuse et à l’hypercalcémie, nous estimons que Dong et coll. est l’art antérieur le plus proche. Le dosage de 75 à 80 µg, ou de 80 µg particulièrement dans la revendication 49, est la principale différence des concepts inventifs des revendications 45 à 50.

 

(4) Ces différences constituentelles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotentelles un certain degré dinventivité?

 

À la page 3, la DF explique que même si l’intervalle de dosage particulier de 75 à 80 µg n’était pas connu pas dans l’art antérieur, la personne versée dans l’art aurait été guidée directement et sans difficulté vers cet intervalle puisque le SEQ 2 était déjà connu comme agent thérapeutique et que trouver le dosage optimal d’un agent thérapeutique est une question qui relève des CGC. Même si ce qui suit a été dit en référence au document D3, nous estimons que cette déclaration de la DF s’applique également à Dong et coll. :

 

[…] une fois qu’un composé connu est reconnu comme étant utile pour traiter une maladie, il s’agit d’une CGC pour la personne versée dans l’art que d’optimiser le dosage de ce composé afin d’obtenir les meilleurs résultats cliniques. De plus, la présente demande ne fournit aucune preuve d’un quelconque effet surprenant ou inattendu du dosage revendiqué aux revendications 45 à 50. Autrement dit, il n’y a aucune preuve dans la demande que le demandeur a fait preuve de quelconque esprit inventif pour arriver à l’intervalle de dosage des revendications 45 à 50.

 

La RDF a contesté que les revendications étaient évidentes, mais les arguments présentés se concentrent sur les données après le dépôt ci-dessus et qui ont été considérées par erreur comme faisant partie de la description originale. Selon les renseignements dont nous disposons, ces données après dépôt constituent la preuve d’un bénéfice subséquemment reconnu, ce que les tribunaux considèrent comme un facteur secondaire d’utilité limitée pour évaluer l’esprit inventif à la date de l’invention auquel on devrait accorder peu de poids : Novopharm Ltd c. Janssen‑Ortho Inc, 2007 CAF 217 au par. 26, conf. par 2006 CF 1234.

 

Autre que ces données, la RDF affirme que la personne versée dans l’art « n’aurait pas pu prédire l’utilisation d’une dose de 80 µg pour traiter l’ostéoporose, ou préparer un médicament pour son traitement, ou stimuler la croissance des os sans expérimentation indue » (page 2).

 

Nous ne sommes pas en mesure d’ être d’accord. Dong et coll. divulgue le SEQ 2 comme un analogue PTH(1-34) prometteur qui est environ deux fois plus efficace que la hPTH(1-34) pour rétablir la densité minérale du fémur chez les rats ovariectomisés atteints d’ostéopénie; donc l’activité dans la stimulation de la croissance des os aurait été prévisible.

 

De plus, puisqu’il est également divulgué que le SEQ 2 possède une plus grande marge de sécurité que la hPTH(1-34), la personne versée dans l’art lisant Dong et coll. aurait été motivée à cerner les limites de la marge et les dosages qui permettent d’optimiser l’efficacité et de minimiser l’hypercalcémie et la résorption de la masse osseuse. Les connaissances nécessaires pour faire cela font partie des CGC et auraient découlé des études pilotes et des protocoles cliniques de ForteoMD. En tant que premier fragment de PTH(1-34) ayant reçu l’approbation d’être mis en marché, il est raisonnable d’établir que ces études (divulguées dans Neer et dans Fox aux pages 338 et 339) auraient fait partie des CGC.

 

De plus, la personne versée dans l’art aurait été guidée par les études sur les primates de SEQ 2 divulguées dans Dong et coll. qui ont mis à l’essai les doses 1 µg par kg et 10 µg par kg pour sélectionner les doses à mettre à l’essai. Nous estimons que puisqu’aucune donnée sur des essais humains utilisant le SEQ 2 n’était disponible, la personne versée dans l’art aurait été guidée par les dosages actuels utilisés dans les essais humains utilisant la PTH et les autres analogues de la PTH(1-34) du même domaine. Trois de ces essais sont abordés dans Fox, ce qui comprend les dosages sc quotidiens de la PTH, de ForteoMD et de semparatide, lesquels variaient d’environ 20 à 100 µg. Notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art aurait été motivée à combiner les enseignements de Fox et de Dong et coll. puisqu’ils sont dans le même domaine et que chacun considère la hPTH(1-34) et les analogues comme étant d’intérêt (y compris le SEQ 2) pour stimuler la croissance des os.

 

Pour ces raisons, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art aurait été guidée directement et sans difficulté vers l’intervalle de dosage en particulier des revendications 45 à 50. Notre opinion préliminaire est donc que l’objet des revendications 45 à 50 aurait été évident pour la personne versée dans l’art compte tenu de Dong et coll. et de Fox et à la lumière des CGC, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[47] La RRP n’a contesté aucune partie de l’analyse établie dans la lettre de RP. Pour les mêmes raisons établies ci-dessus, notre conclusion est que les revendications 45 à 50 ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Objet brevetable : compétence et jugement

[48] À la page 4, la DF affirme que les revendications 45 à 52 englobent un objet qui ne correspond pas à la définition d’« invention » et qui n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[49] À la page 15 de notre lettre de RP, nous avons expliqué que la DF a effectué son analyse de l’objet brevetable en fonction de lignes directrices en matière de pratique qui sont devenues désuètes en raison de l’EP2020‑04 et nous avons donc entrepris une nouvelle évaluation à la lumière des lignes directrices révisées.

[50] Aux pages 15 et 16, nous avons exprimé l’opinion préliminaire que les revendications 45 à 52 visent un objet brevetable qui correspond à la définition « d’invention » établie à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

[traduction]

Selon l’EP2020‑04, lorsqu’au moins un des éléments essentiels de l’invention revendiquée limite une revendication d’utilisation médicale à un dosage particulier, peu importe si le dosage est fixe ou couvre un intervalle, ce fait en soi n’est pas déterminant. Il est nécessaire de considérer si l’exercice des compétences professionnelles et du jugement d’un praticien fait partie de la revendication. Comme il est mentionné ci-dessus, l’EP2020‑04 indique également que la compétence et le jugement peuvent être en cause si un professionnel de la santé doit choisir une dose d’un intervalle revendiqué et que toutes les doses de l’intervalle ne fonctionneront pas pour tous les sujets du groupe traité.

 

Les éléments essentiels communs aux revendications 45 à 52 sont l’utilisation d’un dosage de SEQ 2 qui est exprimé sous la forme d’un intervalle de 75 à 80 µg, ou de 80 µg en particulier, pour traiter l’ostéoporose ou stimuler la croissance des os.

 

Il n’y a rien dans la description qui indique que les doses revendiquées ne fonctionneraient pas toutes pour le traitement de l’ostéoporose ou la stimulation de la croissance des os pour tous les sujets qui font partie du groupe de patients ou que le dosage est sélectionné en fonction de caractéristiques propres à un quelconque patient. De plus, même si l’on tient compte de l’hypercalcémie et de la stimulation de la résorption de la masse osseuse, notre opinion est que la personne versée dans l’art lisant le mémoire descriptif sous la perspective des CGC comprendrait que toute différence parmi l’intervalle étroit de 75 à 80 µg serait négligeable. Par conséquent, il n’y a aucune indication que sélectionner une dose parmi l’intervalle revendiqué nécessiterait la compétence et le jugement d’un professionnel de la santé.

 

Notre opinion préliminaire est donc que les revendications 45 à 52 visent un objet brevetable qui correspond à la définition « d’invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[51] La RRP n’a pas contesté l’analyse ci-dessus établie dans la lettre de RP. Pour les raisons établies ci-dessus, notre conclusion est que les revendications 45 à 52 visent un objet brevetable qui correspond à la définition « d’invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Unité de l’invention : brevet pour une seule invention

[52] Aux pages 16 à 18 de la lettre de RP, nous avons exprimé notre opinion que les revendications au dossier ne sont pas toutes liées par un seul concept inventif général comme l’exige le paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets :

[traduction]

À titre de question préliminaire, nous notons que cette question a été soulevée à l’origine dans le premier rapport d’examen en date du 30 décembre 2013 en référence au document D1[2] qui divulgue le SEQ 2. En réponse, les revendications ont été modifiées à un ensemble qui correspond aux revendications 1 à 44 au dossier. Cependant, des revendications semblables à celles qui ont été retirées et qui correspondent aux revendications 45 à 52 au dossier ont été réintroduites dans une modification en date du 18 décembre 2015.

 

Comme il a été susmentionné, la détermination de savoir si un ensemble de revendications contient des revendications pour des inventions distinctes nécessite l’évaluation de l’ensemble de la description des revendications pour confirmer la nature de l’invention : Teva, au par. 64.

 

Les revendications interprétées ci-dessus visent trois catégories générales : les compositions stables en stockage comportant le SEQ 2 et une solution tampon et ayant un pH spécifique (revendications 1 à 13); l’utilisation de ces compositions stables en stockage pour stimuler la croissance des os ou traiter l’ostéoporose (revendications 14 à 44); et l’utilisation de SEQ 2 à un dosage particulier pour stimuler la croissance des os ou traiter l’ostéoporose (revendications 45 à 52).

 

La description explique dans la section du contexte que la PTHrP et certains analogues étaient connus comme étant utiles pour améliorer la masse et la qualité osseuses dans le traitement de l’ostéoporose et de maladies connexes, mais que leur utilisation était associée à deux problèmes. D’abord, il était nécessaire de développer des compositions stables en stockage pour l’utilisation commerciale. Deuxièmement, les effets secondaires comme l’hypercalcémie et la stimulation accrue de la résorption de la masse osseuse limitent les intervalles de dosage appropriés et donc il y avait un besoin de composés avec un potentiel réduit d’avoir ces effets secondaires qui peuvent être administrés à des doses plus élevées (page 1).

 

La section du résumé de l’invention divulgue que l’invention fournit un certain nombre de réalisations qui comprennent des compositions stables en stockage incluant le SEQ 2 et une solution tampon utilisée pour maintenir le pH à une valeur spécifique et des procédés dans lesquels un dosage spécifique de SEQ 2 est utilisé (pages 1 à 3). La page 3 indique également que les compositions peuvent être administrées à des doses plus élevées que les « médicaments pour l’ostéoporose présentement disponibles » et produisent la réduction ou l’élimination escomptée des effets secondaires indésirables comme l’hypercalcémie ou la stimulation de la résorption de la masse osseuse.

 

La page 8 indique que les doses appropriées varient de 40 à 160 µg. Toutes les doses dans l’intervalle sont énumérées avec des incréments de 5 µg (c.‑à‑d., par 40-45, 45-50, 50-55, etc., jusqu’à 155-160 µg). Il n’y a rien dans la description qui indique que 75 à 80 µg, ou 80 µg particulièrement, se démarque d’une quelconque façon ou est préférable à l’un des autres dosages qui correspondent à l’intervalle. Plutôt, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art lisant le mémoire descriptif estimerait 75-80 µg et 80 µg comme illustratifs de l’intervalle plus général.

 

Autre que les mentions ci-dessus au dosage, et la déclaration suivante de la page 9, le reste de la description aborde la stabilité en stockage :

 

Les compositions de la présente invention ne démontrent typiquement aucun effet secondaire, ou des effets secondaires réduits, comme l’hypercalcémie et n’augmentent typiquement pas la stimulation de la résorption de la masse osseuse au dosage indiqué ci-dessus. Cette réduction des effets secondaires permet l’administration de doses plus élevées que les médicaments pour l’ostéoporose disponibles sur le marché.

 

Le SEQ 2 est le seul analogue de la PTHrP divulgué dans le mémoire descriptif, bien que la description à la page 3 mentionne également cinq documents de l’art antérieur que l’on dit divulguer des analogues PTHrP autres que le SEQ 2. Notamment, le SEQ 2 est également divulgué dans deux de ces documents : US 5,723,577 et US 6,544,949. Ce dernier divulgue et revendique le SEQ 2 pour le traitement de l’ostéoporose et la stimulation de la croissance des os.

 

Comme il est indiqué ci-dessus, l’unité de l’invention exige que le ou les éléments communs soient nouveaux et non évidents (c.-à-d. inventif)) par rapport à l’art antérieur. Cependant, le seul élément qui est commun à l’ensemble des revendications au dossier est le SEQ 2 et il était déjà connu dans les deux documents cités dans la description, dans le document D1 et dans l’art antérieur abordé dans les sections de l’antériorité et de l’évidence ci-dessus.

 

Notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art lisant les revendications et la description pour confirmer la nature de l’invention comprendrait que l’utilisation d’une solution tampon pour maintenir un pH à une valeur particulière règle le problème de stabilité. Elle comprendrait également que les limitations de dosage associées aux analogues de la PTH(1-34) sont un problème distinct de la stabilité en stockage qui nécessite une solution différente.

 

Les revendications 1 à 44 contiennent un ensemble commun d’éléments qui sont liés par un seul concept inventif général. Nommément, l’utilisation d’une solution tampon dans une composition comprenant le SEQ 2 pour maintenir un pH qui correspond à l’intervalle spécifique revendiqué et qui produit la stabilité en stockage désirée.

 

Les revendications 45 à 52 contiennent un ensemble différent d’éléments communs : l’utilisation de 75 µg à 80 µg de SEQ 2 pour stimuler la croissance des os ou traiter l’ostéoporose. Aucune de ces revendications ne mentionne expressément une composition, la stabilité en stockage ou une solution tampon. Ces revendications visent une deuxième invention et sont liées à un concept inventif général distinct : utiliser le SEQ 2 à ces doses traite l’ostéoporose ou stimule la croissance des os sans accroître l’hypercalcémie ou stimuler la résorption de la masse osseuse.

 

Sous cette perspective, les revendications au dossier ne sont pas limitées à une seule invention, puisque les revendications 1 à 44 et 45 à 52 ne sont pas liées par un seul concept inventif général. Par conséquent, notre opinion préliminaire est que la demande n’est pas conforme au paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets.

[53] La RRP n’a pas contesté ces opinions, et n’a pas fait de commentaires à leur sujet. Plutôt, la RRP a proposé des modifications aux revendications, avec lesquelles nous sommes d’accord, qui répondraient à toutes les préoccupations en suspens soulevées dans la lettre de RP, comme nous l’expliquons dans la section suivante.

[54] Pour les raisons expliquées ci-dessus, notre conclusion est que les revendications au dossier ne sont pas conformes au paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets, puisqu’elles ne se limitent pas à une seule invention en raison du fait que les revendications 1 à 44 et 45 à 52 ne sont pas liées par un seul concept inventif général.

Revendications proposées 1 à 44

[55] Comme nous l’avons déjà mentionné, la RRP a soumis un ensemble de revendications proposées 1 à 44 qui correspond aux revendications 1 à 44 au dossier, lesquelles étaient considérées comme admissibles dans la lettre de RP. Nous sommes d’accord que cette modification, laquelle annulerait les revendications 45 à 52 au dossier, corrigerait l’irrégularité de l’évidence en suspens et limiterait les revendications à une seule invention.

[56] Par conséquent, notre conclusion est que les revendications proposées 1 à 44 seraient conformes au paragraphe 36(1) et à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets et que la modification proposée est « nécessaire » aux fins de conformité avec la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.


 

Recommandation de la Commission

[57] Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande que le demandeur soit avisé, conformément au paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, que la modification particulière suivante est « nécessaire » aux fins de conformité avec la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets et que vous avez l’intention de rejeter la demande à moins que cette modification, et seulement cette modification, soit apportée :

• la suppression des revendications 45 à 52 au dossier qui a été proposée avec la lettre du demandeur en date du 23 mars 2022.

Cara Weir

Marcel Brisebois

Ryan Jaecques

Membre

Membre

Membre

 

 

 


 

Décision du commissaire

[58] Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission. Conformément au paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le demandeur que la modification suivante, et uniquement cette modification, doit être apportée conformément à l’alinéa 200b) des Règles sur les brevets dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi j’entends rejeter la demande :

• la suppression des revendications 45 à 52 au dossier qui ont été proposées avec la lettre du demandeur en date du 23 mars 2022.

 

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

Ce 1er jour d’avril 2022



[1] Fox indique que l’approbation est en suspens; la date d’approbation a été confirmée sur le site Web de la FDA.

[2] D1 : US 2005/0282749 A1, Henriksen et coll., 22 décembre 2005

 

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