Brevets

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Référence: BROLLEY, KATHERINE J. (Re), 2022 CACB 8

Décision du Commissaire no 1615

Commissioner’s Decision #1615

Date : 2022-03-14

SUJET :

J00

O00

 

Signification de la technique

Évidence

 

TOPIC:

J00

O00

 

Meaning of Art

Obviousness

 


Demande no 2 453 715

Application No. : 2,453,715


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96‑423) dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 453 715 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019‑251). La recommandation de la Commission et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent de la demanderesse :

SISKINDS LLP

275, rue Dundas, bureau 1

London (Ontario) N6B 3L1


INTRODUCTION

[1] Cette recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 453 715, laquelle est intitulée « MÉTHODE DE COMMERCIALISATION POUR PRODUIRE DES REVENUS » et appartient à BROLLEY, KATHERINE J. (la « demanderesse »).

[2] La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019‑251) (« les Règles sur les brevets »). Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons au commissaire aux brevets de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[3] La demande de brevet canadien 2 453 715 a une date de dépôt du 19 décembre 2003 et est devenue accessible au public le 19 juin 2004.

[4] La demande porte sur la commercialisation. Plus précisément, il s’agit de méthodes de commercialisation pour produire des revenus dans des industries où la loi leur interdit de faire de la sollicitation directe.

[5] La demande comporte 29 revendications au dossier qui ont été reçues au Bureau des brevets le 23 juin 2017 (« revendications au dossier »).

Historique de la poursuite de la demande

[6] Le 3 novembre 2017, une décision finale (« DF ») rejetant les revendications au dossier a été rendue en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets (DORS/96‑423) dans leur version antérieure au 30 octobre 2019. La DF indiquait que la présente demande comportait les irrégularités suivantes :

  • les revendications 1 à 29 au dossier visent un objet non prévu par la Loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

· les revendications 1 à 29 au dossier auraient été évidentes et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[7] Le 3 mai 2019, la demanderesse a déposé une réponse à la DF (« RDF »). Dans la RDF, la demanderesse a présenté un ensemble de revendications 1 à 29 (« revendications proposées ») et a soutenu que les revendications visent un objet prévu par la Loi et qu’elles sont conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets, et que les revendications n’auraient pas été évidentes et qu’elles sont conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[8] Puisque l’examinateur a maintenu la position selon laquelle la demande n’était pas conforme aux articles 2 et 28.3 de la Loi sur les brevets après avoir étudié la RDF, la demande a été transférée à la Commission, accompagnée d’un résumé des motifs (« RM »).

[9] Le RM a été transmis à la demanderesse le 19 juillet 2019.

[10] Le présent comité (le « Comité ») a été constitué dans le but de procéder à la révision de la demande en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets.

[11] Dans une lettre de révision préliminaire en date du 5 novembre 2021 (« lettre de RP »), le Comité a présenté son analyse préliminaire et sa justification et avait l’opinion préliminaire suivante :

  • les revendications 1 à 29 au dossier visent un objet non brevetable et ne sont pas conformes à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;

  • les revendications 1 à 29 au dossier auraient été évidentes et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) la Loi sur les brevets;

· les revendications proposées visent un objet non brevetable et auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art, et ne peuvent être considérées comme des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

[12] La lettre de RP a aussi donné à la demanderesse des possibilités de présenter des observations écrites et de participer à une audience.

[13] Le 1er février 2022, la demanderesse a déposé des observations écrites supplémentaires en réponse à la lettre de RP (« R-RP »), soutenant la brevetabilité de la présente demande. Aucune autre modification n’a été présentée dans la R-RP.

[14] Le 17 février 2022, une audience virtuelle a eu lieu.

QUESTIONS

[15] La présente révision porte sur les questions suivantes :

  • si les revendications 1 à 29 au dossier définissent un objet brevetable, comme l’exigent l’article 2 et le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;

· si les revendications 1 à 29 au dossier n’avaient pas été évidentes pour la personne versée dans l’art, comme l’exige l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[16] Nous évaluerons d’abord les questions ci-dessus. Nous examinerons ensuite la question de savoir si les revendications proposées constituent des modifications nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

PRINCIPES JURIDIQUES ET PRATIQUE DU BUREAU

Interprétation téléologique

[17] Conformément à Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, et à Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est faite du point de vue d’une personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes, tenant compte de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus de porter sur le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante influence de façon appréciable le fonctionnement de l’invention.

[18] L’avis « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020‑04] aborde également de l’application de ces principes, soulignant que tous les éléments établis dans une revendication sont présumés être un élément essentiel à moins qu’il n’en soit établi autrement ou qu’une telle présomption soit contraire au libellé employé dans la revendication.

Objet brevetable

[19] La définition d’invention est indiquée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[20] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets stipule également que :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[21] L’EP2020‑04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une revendication est un objet brevetable :

Afin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

Évidence

[22] La Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident. L’article 28.3 de la Loi sur les brevets énonce :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

  • a)qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

  • b)qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[23] Dans Apotex Inc c Sanofi‑Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61, au para 67, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes présentée ci-dessous :

(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

(1)b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituentelles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotentelles quelque inventivité?

Analyse

Date de la revendication

[24] La lettre de PR a établi à titre préliminaire que la date de la revendication de la présente demande était le 19 décembre 2003.

[traduction]

La DF indiquait que la date de revendication pour l’objet des revendications au dossier est le 19 décembre 2003, soit la date de dépôt de la présente demande, étant donné les deux documents sur lesquels se fonde la demande de priorité (demande provisoire 60/434 400 des États‑Unis déposée le 19 décembre 2002 et demande canadienne 2 417 557, déposée le 5 février 2003) n’a pas divulgué l’objet revendiqué de la revendication 1. La demanderesse n’a pas contesté cette détermination.

Après avoir révisé les deux documents sur lesquels se fonde la demande de priorité, nous considérons également le 19 décembre 2003 comme la date de la demande aux fins de la présente révision puisque les deux documents sur lesquels se fonde la demande de priorité concernent la distribution des « cartes d’identité informatisées », et aucun de ces documents ne divulgue tous les éléments de la revendication 1 au dossier.

[25] La demanderesse n’a pas contesté cette analyse et n’a fait aucun commentaire sur cette détermination, et nous l’adoptons dans cette révision.

Documents cités

[26] Dans la DF, les documents suivants sont cités :

  • D2 : US 2002/0147625A110 octobre 2002Kolke, JR.

  • D4 : US 2003/0014266A116 janvier 2003Brown et al.

  • D5 : US 2002/0123957A15 septembre 2002Notarius et al.

[27] Le document D2 révèle un système et une méthode de commercialisation pour établir une infrastructure de soutien aux professionnels de la vente. Le document D4 révèle des méthodes et des appareils permettant d’automatiser le processus de planification des funérailles, ce qui permet aux consommateurs de faire des sélections par voie électronique pour planifier les funérailles. Le document D5 révèle une méthode et un appareil de commercialisation et de communication.

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC)

[28] La lettre de RP fournissait nos déterminations préliminaires de la personne versée dans l’art et de ses CGC.

[traduction]

La DF a qualifié la personne versée dans l’art et ses CGC ainsi :

La personne versée dans l’art est un vendeur et un directeur des opérations qui connaît la stratégie de commercialisation.

[…]

Les connaissances générales courantes sont décrites par les documents D4 et D5. Le document D4 présente divers aspects de l’activité funéraire, et les documents D4 et D5 démontrent des techniques liées à la sollicitation de clients potentiels.

Le document D4 enseigne un système de présentation des services funéraires aux clients potentiels. L’attention du demandeur est orientée vers les paragraphes suivants.

[D4, voir paragraphe 0004]

Les directeurs de maisons funéraires et de services funéraires se font concurrence pour trouver des consommateurs, mais en raison de la nature délicate de leur activité, ils doivent éviter l’agressivité en tentant de les persuader. Les fournisseurs de services et de produits funéraires, tels que les fabricants de cercueils, doivent cibler les maisons funéraires et les directeurs funéraires pour les persuader d’offrir les produits du fournisseur aux consommateurs pendant le processus de planification des funérailles.

De même, les fournisseurs de produits peuvent devoir recourir aux consommateurs pour qu’ils demandent et/ou choisissent leurs produits, mais en raison de la nature des produits, les fournisseurs doivent également éviter la publicité agressive.

[D4, voir paragraphe 0136]

Un article de recherche de cimetières et de maisons funéraires (1912) permet au fournisseur de déterminer les membres qui peuvent être ciblés à des fins de publicité ou de commercialisation.

Le document D5 montre un système pour établir des contacts et des renvois. L’attention du demandeur est orientée vers les paragraphes suivants.

[D5, voir paragraphe 0006]

Dans les deux industries, en raison de la réglementation gouvernementale, les fournisseurs et les grossistes ne sont pas autorisés à communiquer directement au moment de l’achat avec les consommateurs. Les détaillants sont la seule partie du canal de distribution qui est autorisée à communiquer directement avec les consommateurs au moment de l’achat. Toutefois, les détaillants ont généralement peu, voire pas du tout, de contacts directs avec les fournisseurs.

[D5, voir paragraphe 0015]

L’invention actuelle comprend une méthode et un appareil de commercialisation et de communication dans l’industrie du vin et des spiritueux. La méthode de l’invention comprend les étapes de la réception d’une offre d’au moins un fournisseur de vins et de spiritueux pour payer une sollicitation à au moins un consommateur identifié d’un établissement vinicole ou de spiritueux de détail participant pour un ensemble sélectionné de produits; de la communication d’un ensemble d’offres de produits possibles d’au moins un fournisseur de vins et de spiritueux à au moins un des détaillants participants de vins et de spiritueux, lorsque chacun de ces ensembles comprend un certain nombre de produits; de la réception d’une communication d’au moins un de ces détaillants participants acceptant d’offrir un sous‑ensemble de ces offres de produits à un prix de vente; […]

En ce qui concerne la personne versée dans l’art, la demanderesse n’a pas contesté la détermination ci-dessus. Toutefois, étant donné que la présente demande vise principalement les services de cimetière et les services funéraires, nous décrivons de façon préliminaire la personne versée dans l’art ainsi :

  • Une équipe de personnes versées dans l’art dans le domaine de la commercialisation d’entreprise, qui ont l’expérience des stratégies de commercialisation traditionnelle et de leurs mises en œuvre, et qui connaissent l’entreprise des services de cimetière et des services funéraires.

En ce qui concerne les CGC de la personne versée dans l’art, la demanderesse n’a pas contesté la détermination ci-dessus. Selon certains points des CGC extraits des documents D1 et D5 et de la section « Contexte de l’invention » de la présente demande, nous estimons de façon préliminaire les connaissances suivantes comme des CGC :

  • connaissance des moyens traditionnels de solliciter des produits et des services auprès de clients potentiels dans certaines industries, comme les cimetières et les services funéraires;

  • connaissance des stratégies courantes de commercialisation et de promotion des entreprises, y compris l’établissement d’une liste de clients à des fins de commercialisation, l’utilisation de renvois comme moyens de commercialisation pour rejoindre les clients potentiels, et l’utilisation de rabais et de points de fidélité;

  • connaissance des lois et règlements en vigueur qui interdisent à certaines entreprises, comme les services funéraires, de communiquer directement avec des clients potentiels sans autorisation;

  • connaissance des moyens traditionnels de communiquer avec des clients établis ou potentiels, notamment le téléphone, le courriel, la réunion en personne;

  • connaissance des moyens traditionnels pour obtenir des autorisations d’un client ou d’un client potentiel, notamment la signature d’un formulaire d’autorisation.

[29] Dans la R-RP, la demanderesse n’a pas contesté ou commenté ces déterminations, sauf la dernière caractéristique des CGC indiquées, faisant valoir que la section [traduction] « Contexte de l’invention », documents D4 et D5, ne divulguait pas la signature de formulaires d’autorisation dans le cadre des CGC. Nous maintenons que l’obtention des autorisations d’un client ou d’un client potentiel par la signature d’un formulaire d’autorisation est un moyen traditionnel bien connu. En outre, la divulgation ne fournit aucun détail sur le format ou le processus de signature d’un formulaire d’autorisation, ce qui signifie que la connaissance de la signature de formulaires d’autorisation est connue dans l’art. En outre, la R-RP semble reconnaître qu’un formulaire d’autorisation papier ou un formulaire d’autorisation électronique fait partie des connaissances courantes (page 4) : « “formulaire d’autorisation”, qu’il s’agisse d’un document papier ou d’un document électronique […] ». Il convient de noter qu’aucun de ces formulaires n’est mentionné dans le mémoire descriptif. De plus, à titre d’exemple, le document D4 divulgue également un dossier [traduction] « d’autorisation de l’utilisateur » dans le cadre des données d’administration des comptes d’utilisateurs pour les services funéraires (pages 30 et 32). Par conséquent, nous maintenons notre détermination des CGC.

Éléments essentiels

[30] Il y a 29 revendications au dossier, y compris la revendication indépendante 1 et les revendications dépendantes 2 à 29.

[31] La revendication indépendante 1 est rédigée comme suit :

[traduction]

1. Une méthode de sollicitation de clientèle par un agent d’une entreprise où l’on interdit de faire de la sollicitation directe, la méthode comprenant :

l’agent demande à un client établi de l’entreprise de lui recommander un client potentiel;

l’entreprise reçoit un contact du client potentiel en réponse au fait que le client établi a recommandé le client potentiel à l’entreprise;

un représentant de l’entreprise a obtenu l’autorisation du client potentiel de fournir des renseignements sur les produits et services de l’entreprise;

dans laquelle le client potentiel fournit l’autorisation à l’entreprise en signant un formulaire d’autorisation.

[32] Les revendications dépendantes 2 à 29 définissent d’autres limites relatives aux détails de l’entreprise et du client potentiel (revendications 2, 6, 8, 9 et 25), et à la façon dont la sollicitation est faite (revendications 3 à 5, 7, 10 à 24 et 26 à 29).

[33] Selon l’EP2020‑04, une interprétation téléologique est réalisée en cherchant à déterminer où la personne versée dans l’art aurait compris que le demandeur avait l’intention d’ériger des clôtures autour du monopole revendiqué.

[34] Compte tenu de l’ensemble du mémoire descriptif, la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a pas dans les revendications d’utilisation un libellé indiquant qu’un des éléments est facultatif, qu’il est un mode de réalisation préférentiel ou qu’il fait partie d’une liste solutions de rechange, ou qu’il n’est pas essentiel. Par conséquent, tous les éléments énumérés dans chacune des revendications sont présumés être essentiels.

Objet brevetable

[35] La lettre de RP explique pourquoi le Comité a déterminé de façon préliminaire que les revendications au dossier visent un objet non brevetable.

[traduction]

De plus, comme l’indique l’EP2020‑04, « [a]fin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles », renvoyant, en partie, à Canada (Procureur général) c Amazon.com, Inc, 2011 CAF 328 [Amazon], par. 42 et 66 à 69. Dans Amazon (par. 61 à 63, 66 et 69), la cour a indiqué qu’une idée désincarnée ne peut pas devenir brevetable simplement parce qu’elle est une concrétisation pratique ou qu’elle présente une application pratique. Amazon a aussi souligné que c’était le cas dans Schlumberger Canada Ltd c Commissaire des brevets, [1982] 1 CF 845 (CAF), pages 205 à 206 [Schlumberger], où l’ordinateur était simplement utilisé pour faire le genre de calculs qu’il avait été inventé pour faire.

Dans la RDF (page 67), la demanderesse a soutenu que l’objet revendiqué visait un objet brevetable :

L’article 2 de la Loi sur les brevets définit « invention » comme toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité. Comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c Amazon.com, Inc. (2011 CAF 328, au par. 63), une nouvelle pratique commerciale constitue un élément essentiel d’une revendication de brevet valide. Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada dans Shell Oil c Commissaire des brevets (1982) [Shell Oil], 67 C.P.R. (2nd), 1 (C.S.C.), l’objet prévu par la Loi englobe non seulement les méthodes de fabrication de produits vendables, mais aussi les méthodes nouvelles et innovatrices qui servent à appliquer des connaissances ou des compétences pourvu qu’elles produisent des effets ou des résultats utiles pour le public de façon commerciale.

Les présentes revendications constituent une méthode d’utilisation ou d’exploitation d’un objet physique (p. ex., un formulaire d’autorisation, selon la définition prévue à la revendication 1, un document patrimonial, etc.) d’une manière nouvelle et inventive. Par conséquent, la demanderesse fait valoir que ces éléments essentiels des revendications relèvent de la catégorie prévue par la Loi d’un « procédé » [souligné dans l’original].

De façon préliminaire, nous ne sommes pas d’accord pour dire que l’objet revendiqué visait un objet brevetable.

Premièrement, en ce qui a trait à l’argument selon lequel les « méthodes nouvelles et innovatrices […] servent à appliquer des connaissances ou des compétences pourvu qu’elles produisent des effets ou des résultats utiles pour le public de façon commerciale », comme l’a fait observer la Cour d’appel fédérale dans Amazon au par. 51, ces exigences énumérées dans Progressive Games Inc c Canada (Commissioner of Patents), 1999, 3 C.P.R. (4th) 517, d’après son interprétation de Shell Oil, pourraient être considérées comme tenant compte de façon générale des exigences législatives. Toutefois, elles ne peuvent pas servir de critère pour déterminer si l’objet appartient à une catégorie d’invention visée à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Par exemple, la nouveauté et l’inventivité (ou leur absence) d’un objet n’indiqueraient pas s’il s’agit d’un objet prévu par la Loi en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Deuxièmement, comme le souligne Amazon au par. 66 :

[66] Le juge Phelan a commencé son analyse sur ce point au paragraphe 53 de ses motifs, où il dit que la condition « d’application pratique » dans Shell Oil « fait en sorte qu’une chose n’étant qu’une simple idée ou découverte ne soit pas brevetée – il faut qu’elle soit concrète et tangible. Il s’ensuit qu’il doit y avoir une manifestation, un effet ou un changement de nature quelconque ». Le juge Phelan reconnaît en l’occurrence que, puisqu’un brevet ne peut être accordé pour une idée abstraite, il est implicite dans la définition d’« invention » qu’un objet brevetable doit être une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable. Je suis d’accord.

Pour la présente demande, l’étape de signature du formulaire d’autorisation n’a qu’une signification intellectuelle. La façon dont le formulaire d’autorisation est signé ou traité n’est pas divulguée dans le mémoire descriptif et n’est pas pertinente pour l’objet revendiqué. Des arguments semblables sont appliqués en ce qui concerne le « document patrimonial ». Les étapes de la méthode revendiquée visent uniquement les communications relatives à la pratique de commercialisation abstraite, et le résultat de la méthode revendiquée est une entente abstraite entre un client potentiel et une entreprise concernant les services. Par conséquent, à notre avis préliminaire, l’objet revendiqué n’est pas considéré comme « une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable ».

De plus, comme il est énoncé dans Amazon, une idée désincarnée ne peut pas devenir brevetable simplement parce qu’elle est une concrétisation pratique ou qu’elle présente une application pratique. « [I]l ne s’ensuit pas nécessairement […] qu’une pratique commerciale qui ne constitue pas elle-même un objet brevetable parce qu’elle est une idée abstraite devienne un objet brevetable du simple fait qu’elle est une concrétisation pratique ou qu’elle présente une application pratique […], cela ne peut pas constituer un critère de distinction parce qu’il est évident qu’une pratique commerciale présente toujours une application pratique ou vise à en présenter une » (Amazon, au par. 61). Dans Schlumberger, les revendications n’ont pas été déclarées valides en raison du fait qu’elles avaient trait à l’utilisation d’un outil matériel, un ordinateur, pour donner une application pratique à la nouvelle formule mathématique (Amazon, au par. 69). De même, bien qu’une étape de signature d’un formulaire puisse permettre à l’objet revendiqué de devenir une concrétisation pratique, elle ne peut rendre l’objet revendiqué brevetable.

Par conséquent, selon notre avis préliminaire, les revendications 1 à 29 au dossier visent un objet non brevetable et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Compte tenu de la nature abstraite de ces revendications, elles sont également interdites en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[36] Dans la R-RP et à l’audience, la demanderesse a fait valoir que bien que [traduction] « l’“autorisation” n’ait pas elle-même d’existence physique » [traduction] « un “formulaire d’autorisation”, qu’il s’agisse d’un document papier ou d’un document électronique, est “une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable” », et qu’elle [traduction] « fournit la preuve du respect des exigences réglementaires de l’entreprise, au-delà de la simple obtention de l’“autorisation” ».

[37] Nous ne considérons pas cet argument comme convaincant, bien que nous soyons d’accord pour dire que le concept d’autorisation en soi n’a pas d’existence physique. Le mémoire descriptif ne mentionne que brièvement la signature d’un formulaire d’autorisation comme un exemple d’obtention d’une autorisation d’un client potentiel, sans divulguer quoi que ce soit d’autre que les connaissances traditionnelles sur le processus de signature du formulaire d’autorisation. Par conséquent, comme il est expliqué dans la lettre de RP, nous considérons que l’étape de signature d’un formulaire d’autorisation n’a qu’une signification intellectuelle qui indique la volonté du client potentiel de recevoir des renseignements sur les produits et services d’une entreprise. La façon dont le formulaire d’autorisation est signé ou traité n’est pas divulguée et n’est pas pertinente pour l’objet revendiqué. Par conséquent, nous maintenons que l’objet revendiqué vise une pratique de commercialisation abstraite, qui n’est pas considérée comme « une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable ».

[38] Nous concluons donc que les revendications 1 à 29 au dossier définissent un objet non brevetable, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets et sont interdites en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Évidence

(1) Identifier la « personne versée dans l’art » et ses CGC pertinentes

[39] La personne versée dans l’art et ses CGC pertinentes ont été définies ci-dessus sous l’interprétation téléologique.

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[40] Dans la lettre de RP, les idées originales des revendications ont été définies comme les revendications interprétées et tous les éléments revendiqués ont été considérés dans l’analyse. La demanderesse n’a pas contesté cette détermination et n’a fait aucun commentaire à cet égard et nous l’adoptons dans cette révision.

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation

[41] La lettre de RP établit les différences entre l’état de la technique et l’idée originale de la revendication indépendante 1.

[traduction]

Dans la RDF, le document D2 a été cité pour l’opposition à l’évidence. Le document D2 divulgue les éléments suivants de la revendication 1 au dossier :

  • Une méthode de sollicitation de clientèle par un agent d’une entreprise à qui l’on interdit de faire de la sollicitation directe (paragraphe [003]);

  • l’agent qui demande à un client établi de l’entreprise une recommandation pour un client potentiel (paragraphes [0008], [0060], [0061]; un client existant est invité à fournir des renseignements sur les clients potentiels);

  • l’obtention par un représentant de l’entreprise de l’autorisation du client potentiel de fournir des renseignements sur les produits et services (paragraphes [0049] à [0051]; la permission du client potentiel est demandée avant d’être présentée à l’entreprise).

Il existe deux différences entre le document D2 et l’idée originale de la revendication 1 :

(1) l’entreprise attend les coordonnées du client potentiel et demande ensuite l’autorisation de ce client, au lieu de communiquer avec lui après que l’autorisation a été accordée indirectement par l’intermédiaire d’une partie qui fait le renvoi;

(2) le client potentiel fournit l’autorisation à l’entreprise en signant un formulaire d’autorisation.

[42] Les revendications dépendantes seront abordées à l’étape (4).

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituentelles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotentelles quelque inventivité?

Revendication indépendante 1

[43] La lettre de RP explique pourquoi le Comité a considéré, de façon préliminaire, que la revendication 1 au dossier aurait été évidente pour la personne versée dans l’art après avoir déterminé les différences susmentionnées.

[traduction]

Dans la RDF (pages 3 et 4), la demanderesse a soutenu que « les méthodes revendiquées permettent à une entreprise de communiquer avec de nouveaux clients potentiels sans exiger la coopération d’entreprises différentes et potentiellement concurrentes » en attendant que les clients potentiels communiquent avec l’entreprise, et que le document D2 n’a pas divulgué l’étape de la signature d’un formulaire d’autorisation.

En ce qui concerne la différence (1), avant la demande de l’autorisation requise, le document D2 divulgue la communication avec un client potentiel par l’intermédiaire d’une partie qui fait le renvoi, laquelle est un partenaire de renvoi ou un client existant (paragraphes [0049] à [0051] et paragraphes [0060] et [0061]). De même, la présente demande indique la communication avec un client potentiel par l’intermédiaire d’un client existant en tant que partie qui fait le renvoi. La différence est que la méthode du document D2 utilise un partenaire de renvoi pour demander activement et indirectement l’autorisation du client potentiel, par opposition à la méthode revendiquée selon laquelle l’entreprise attend passivement que le client potentiel communique directement avec elle et lui fournisse l’autorisation une fois qu’elle est demandée. Selon notre avis préliminaire, la personne versée dans l’art, ayant connaissance des CGC et de l’enseignement du document D2, devant l’exigence d’obtenir la permission du client avant de solliciter des services, comprendrait que l’entreprise peut soit utiliser une demande active et indirecte d’autorisation, telle qu’elle est enseignée par le document D2, soit simplement attendre que le client potentiel communique directement avec elle, après qu’une [partie qui fait le renvoi] communique avec le client potentiel. Dans ce cas, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que l’attente du contact du client ne concerne pas une activité inventive et aurait été une option évidente pour la personne versée dans l’art.

En ce qui concerne la différence (2), comme il est expliqué dans la section sur les CGC, la signature d’un formulaire d’autorisation est une pratique bien connue dans le domaine pour obtenir l’autorisation des clients ou des clients potentiels. En effet, le mémoire descriptif ne divulgue aucun détail sur la façon dont le formulaire est signé ou traité. Par conséquent, nous sommes d’avis que la différence (2) fait partie des CGC et ne concerne pas une activité inventive.

Par conséquent, selon notre avis préliminaire, compte tenu des différences (1) et (2), individuellement ou en combinaison avec d’autres éléments revendiqués, la personne versée dans l’art arriverait à l’objet revendiqué de la revendication 1 au dossier sans aucun degré d’ingéniosité. Par conséquent, la revendication 1 au dossier aurait été évidente pour la personne versée dans l’art et n’est pas conforme à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[44] Pour ce qui est des caractéristiques des revendications au dossier, dans la R-RP et à l’audience, la demanderesse a soutenu que l’art antérieur ne divulguait pas 1) [traduction] « la réception par l’entreprise du contact du client potentiel en réponse au client établi qui lui renvoie le client potentiel » et 2) [traduction] « à la suite de quoi le client potentiel fournit l’autorisation à l’entreprise en signant un formulaire d’autorisation ».

[45] En ce qui a trait à la caractéristique (1), la demanderesse a soutenu que la divulgation du document D2 [traduction] « ne satisferait pas aux exigences réglementaires de l’industrie des services funéraires, lesquelles exigent le consentement du client potentiel » et [traduction] « la communication avec une personne après un renvoi par un tiers, comme le suggère le document D2, ne serait pas visée par l’exception et serait donc interdite par le paragraphe 29(1) de la LSFSEC [de l’Ontario] ».

[46] Cet argument n’est pas convaincant. Ni les revendications ni le mémoire descriptif ne limitent la portée de la présente demande à l’industrie des services funéraires. De plus, le mémoire descriptif ne mentionne pas que la pratique commerciale revendiquée devrait être conforme à une certaine loi ontarienne. Il précise de façon générale que [traduction] « l’invention se rapporte aux […] méthodes de commercialisation pour générer des revenus dans des industries auxquelles la loi interdit de faire de la sollicitation directe » (page 1 ou description) et les revendications mentionnent une [traduction] « méthode de sollicitation de la clientèle par un agent d’une entreprise à qui il est interdit de faire de la sollicitation directe ». Le document D2 divulgue clairement une méthode qui se rapporte à ce domaine : […] « la réglementation en matière de protection de la vie privée et l’aversion croissante à l’égard des techniques de vente intrusives ont également limité la capacité des fournisseurs de produits et de services à recourir à la commercialisation directe » [paragraphe 0003]. Étant donné que la caractéristique (1) indique la même caractéristique que la différence (1) à l’étape (3), nous maintenons notre analyse de cette différence, comme l’explique la lettre de RP.

[47] En ce qui concerne la caractéristique (2), comme il est expliqué à la section sur les CGC, la signature d’un formulaire d’autorisation est considérée comme l’un des moyens traditionnels d’obtenir l’autorisation de l’utilisateur et fait partie des CGC. Par conséquent, nous considérons que les caractéristiques (1) et (2) auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art.

[48] Dans la R-RP et à l’audience, la demanderesse a en outre soutenu qu’une [traduction] « personne versée dans l’art n’aurait pas combiné les enseignements du document D2 avec les connaissances générales courantes divulguées dans les documents D4 et D5, sans l’avantage de la vision en rétrospective compte tenu de la divulgation de la Demande » et que [traduction] « la modification de la méthode du document D2 pour résoudre ce problème exige nécessairement l’utilisation d’une vision en rétrospective interdite ». La demanderesse n’a pas fourni d’autres précisions.

[49] Nous ne sommes pas d’accord sur le fait que la combinaison du document D2 et des CGC nécessitent une vision en rétrospective. À notre avis, lorsqu’elle est confrontée au problème des restrictions à communiquer directement avec des clients potentiels, imposées par la loi, sachant que le recours à des renvois pour communiquer avec des clients potentiels est une pratique d’affaires bien connue, la personne versée dans l’art serait motivée à utiliser des renvois comme moyen de surmonter les restrictions juridiques, comme l’a enseigné le document D2. En gardant à l’esprit l’enseignement du document D2, il est possible de constater que la modification de la méthode de communication permettant au client potentiel de transmettre son autorisation par l’intermédiaire de la partie qui fait le renvoi pour que le client potentiel soumette un formulaire d’autorisation directement à l’entreprise aurait été une solution de rechange évidente à la mise en œuvre du processus de renvoi, ce qui n’exige pas de vision en rétrospective.

[50] Dans la R-RP et au cours de l’audience, la demanderesse a ajouté que [traduction] « l’invention a été adoptée avec succès et à grande échelle par les fournisseurs de services de cimetière et de services funéraires » et que [traduction] « le succès commercial de l’invention en question est un facteur secondaire qui devrait être considéré en faveur de la détermination de l’absence d’évidence de l’invention revendiquée ».

[51] Le succès commercial en soi n’est pas concluant de l’inventivité et peut être dû à d’autres facteurs. De plus, bien que la demanderesse ait fourni plusieurs courriels dans la R-RP comme preuve du succès commercial, ces courriels, écrits en septembre 2014, indiquent seulement qu’un formulaire nommé [traduction] « Formulaire de déclaration de divulgation des conseillers en planification » devrait être utilisé pour [traduction] « tous les préarrangements funéraires potentiels ». Nous notons que le mémoire descriptif de la présente demande, déposé en 2003, ne mentionne pas un tel formulaire et qu’il n’est pas clair si le formulaire mentionné dans les courriels de 2014 fait renvoi au même formulaire d’autorisation que celui mentionné dans le mémoire descriptif. En effet, le mémoire descriptif ne fournit aucun détail sur le formulaire d’autorisation. En outre, les courriels ne fournissent aucune preuve indiquant un degré de [traduction] « succès commercial » résultant de l’utilisation d’un tel formulaire de la manière indiquée dans les revendications au dossier. Par conséquent, nous ne considérons pas qu’il existe suffisamment d’éléments de preuve à l’appui d’un certain degré de succès commercial en raison de la pratique commerciale revendiquée.

Revendications dépendantes 2 à 29

[52] La lettre de RP explique pourquoi le Comité a considéré, de façon préliminaire, que les revendications 2 à 29 au dossier auraient été évidentes.

[traduction]

La revendication 2 mentionne que l’entreprise est à tout le moins une entreprise de cimetière ou une entreprise funéraire. Selon notre avis préliminaire, cette caractéristique fait partie des CGC et ne nécessite pas d’ingéniosité.

Les revendications 3, 4 et 7 donnent de plus amples détails sur les rencontres avec les clients établis et potentiels. Ces caractéristiques concernent la rencontre en personne avec des clients ou des clients potentiels. Elles sont considérées, de façon préliminaire, i comme une pratique de communication bien connue dans le domaine et qui ne nécessitent pas d’activité inventive.

La revendication 5 précise que l’agent et le représentant sont la même personne. Selon notre avis préliminaire, la personne versée dans l’art comprendrait qu’une entreprise emploie souvent la même personne pour agir à titre d’agent ou de représentant afin de communiquer avec des clients existants et potentiels dans des scénarios d’affaires différents. Cette caractéristique est considérée de façon préliminaire comme une pratique d’entreprise bien connue et ne nécessite pas d’activité inventive.

Les revendications 6, 8, 9 et 25 indiquent que le client potentiel est un parent ou une connaissance du client établi. La personne versée dans l’art comprendrait que les parents, les amis, les collègues et ainsi de suite sont des candidats cibles bien connus lors d’un processus de recommandation. Par conséquent, selon notre opinion préliminaire, cette caractéristique aurait été évidente pour la personne versée dans l’art.

Les revendications 10 et 23 à 29 mentionnent l’utilisation de la possibilité de fournir un document patrimonial à un client établi pour obtenir l’autorisation du client de promouvoir des produits et des services à une personne désignée. Selon notre avis préliminaire, pour la personne versée dans l’art qui comprend l’activité des services funéraires, cette caractéristique aurait été une option de commercialisation évidente lorsque le document patrimonial est fourni à un client établi. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que l’objet revendiqué de ces revendications ne nécessite pas d’ingéniosité.

Les revendications 11 et 12 font état d’une entreprise centrale qui contrôle le respect des lois en vigueur par les entreprises, où l’entreprise ou l’agent rémunère l’entreprise centrale en contrepartie de l’étape du contrôle. Étant donné que les lois et règlements en vigueur font partie des CGC, la personne versée dans l’art comprendrait qu’une entité de contrôle ou d’exécution est naturellement nécessaire pour assurer la conformité des entreprises aux lois et aux règlements. En outre, la réception des paiements d’une entreprise pour des services rendus est également pratique courante. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que ces caractéristiques auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art.

La revendication 13 indique que, avant l’étape d’obtention, le client établi fournit le formulaire d’autorisation au client potentiel. Cette caractéristique concerne la fourniture indirecte du formulaire d’autorisation d’une entité de recommandation au client potentiel. De même, le document D2 divulgue une demande d’autorisation faite indirectement d’un partenaire de recommandation au client potentiel (paragraphes [0049] à [0051]). En outre, l’utilisation d’un formulaire d’autorisation pour l’octroi de l’autorisation est considérée comme faisant partie des CGC. Par conséquent, selon notre avis préliminaire, cette caractéristique ne nécessite pas d’activité inventive.

Les revendications 14 et 15 mentionnent la formation d’une clientèle de l’entreprise et la communication avec chaque membre de la clientèle pour obtenir de l’information afin de créer un dossier de membres. Ces pratiques commerciales sont considérées comme courantes et auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art.

Les revendications 16 et 17 font état de la commercialisation de l’entreprise à un sous-groupe de la clientèle, le sous-groupe partageant une caractéristique commune. Selon notre avis préliminaire, la personne versée dans l’art comprendrait que cibler un sous-groupe particulier de clients est une pratique de commercialisation bien connue et ne nécessite pas d’activité inventive.

Les revendications 18 à 22 mentionnent la distribution d’une carte de promotion à des clients potentiels, la carte étant assortie d’avantages tels que des rabais, des points de fidélité ou une contribution à un organisme de bienfaisance sélectionné. Ces caractéristiques concernent des moyens courants de promotion des entreprises, qui sont considérés comme faisant partie des CGC, et ne comportent pas d’activité inventive.

[53] La demanderesse n’a pas contesté directement l’analyse préliminaire ci-dessus concernant les revendications dépendantes et n’a fait aucun commentaire à cet égard. Étant donné que les revendications 2 à 29 dépendent de la revendication 1, directement ou indirectement, les caractéristiques de ces revendications sont prises en compte en combinaison avec les caractéristiques de la revendication 1. Selon notre avis préliminaire, la personne versée dans l’art considérerait qu’aucune activité inventive n’est nécessaire dans l’une quelconque des caractéristiques supplémentaires mentionnées dans les revendications 2 à 29, considérées individuellement ou en combinaison avec d’autres caractéristiques revendiquées.

[54] Nous concluons que toutes les revendications au dossier auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[55] Pour les revendications proposées, la lettre de RP a considéré à titre préliminaire qu’elles ne corrigeraient pas les irrégularités relatives à l’objet non brevetable et à l’évidence et ne peuvent pas être considérées comme des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

[traduction]

Dans les revendications proposées, la revendication 1 au dossier a été modifiée avec la caractéristique additionnelle suivante :

  • (la méthode) comprenant en outre une entreprise centrale qui contrôle au moins l’une des étapes précédentes pour le respect des lois en vigueur à l’aide du formulaire d’autorisation.

Objet brevetable

La nouvelle caractéristique porte sur la façon dont les lois en vigueur concernant l’utilisation d’un formulaire d’autorisation sont contrôlées et appliquées. Puisqu’il n’y a aucune formulation indiquant que cette caractéristique est facultative, un mode de réalisation préférentiel, qu’elle fasse partie d’une liste solutions de rechange ou qu’elle ne soit pas essentielle, ces caractéristiques sont considérées, de façon préliminaire, comme essentielles pour les revendications proposées.

Toutefois, la présente demande porte sur les étapes abstraites de commercialisation des entreprises concernant la sollicitation de clientèle. Étant donné que la nouvelle caractéristique constitue une étape abstraite supplémentaire quant à la façon dont la sollicitation est faite, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que cette étape abstraite supplémentaire ne soit pas « une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable » et ne peut rendre les revendications proposées brevetables.

De plus, selon notre opinion préliminaire, les revendications proposées ne changeraient pas la détermination de la personne versée dans l’art et des CGC. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que les revendications proposées ne sont pas conformes au paragraphe 27(8) et à l’article 2 de la Loi sur les brevets pour les raisons susmentionnées.

Évidence

À notre avis préliminaire, étant donné que les lois en vigueur énoncent des exigences quant à la façon dont le formulaire d’autorisation est utilisé, il s’ensuit naturellement qu’une entité est chargée de contrôler la conformité d’une entreprise. Nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que cette caractéristique relève des CGC de la personne versée dans l’art et ne nécessite aucune ingéniosité. Par conséquent, selon notre opinion préliminaire, la personne versée dans l’art estimerait qu’il n’y a aucune ingéniosité nécessaire dans les caractéristiques supplémentaires introduites dans les revendications proposées compte tenu du document D2 et des CGC, lorsqu’on les considère individuellement ou en combinaison avec les autres caractéristiques revendiquées. Nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que les revendications proposées ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que les revendications proposées ne peuvent pas être considérées comme des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, puisqu’elles ne sont pas conformes à l’article 2, au paragraphe 27(8) et à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[56] En ce qui a trait à l’objet brevetable, dans la R-RP et à l’audience, la demanderesse a soutenu que [traduction] « l’acte de contrôle exige l’observation. En retour, seuls les objets dotés d’une existence physique ou qui manifestent un effet ou changement discernable peuvent être observés ». Nous ne sommes pas de cet avis. Bien que l’utilisation de certains appareils physiques, tels que des capteurs, pour effectuer des tâches de contrôle ou de mesure puisse fournir l’existence physique nécessaire à certaines méthodes, les revendications proposées ne font que mentionner [traduction] « le contrôle […] des étapes de la conformité aux lois en vigueur ». Cette étape de contrôle est suffisamment vaste pour englober les modes de réalisation dans lesquelles elle est exécutée par des personnes qui examinent les actions d’autrui (ou les leurs) et qui prennent des décisions, lesquelles ne peuvent fournir l’existence physique nécessaire à l’objet revendiqué.

[57] En ce qui concerne l’évidence, dans la R-RP et à l’audience, la demanderesse a soutenu qu’aucune [traduction] « des antériorités ne révèle ou ne suggère l’étape d’“une entreprise centrale qui contrôle au moins l’une des étapes précédentes pour la conformité aux lois en vigueur en utilisant le formulaire d’autorisation” ». Comme il est expliqué dans la lettre de RP, étant donné que les lois en vigueur énoncent des exigences concernant la façon dont le formulaire d’autorisation est utilisé, il s’ensuit naturellement qu’une entité est chargée de contrôler la conformité d’une entreprise. Cette caractéristique est considérée comme faisant partie des connaissances courantes de la personne versée dans l’art et ne nécessite pas d’activité inventive lorsqu’on la considère individuellement ou en combinaison avec les autres caractéristiques revendiquées.

[58] Compte tenu de ce qui précède, nous concluons que les revendications proposées ne corrigent pas les irrégularités relatives à l’objet non brevetable et à l’évidence et qu’elles ne peuvent donc pas être considérées comme des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

CONCLUSIONS

[59] Nous sommes d’avis que :

  • les revendications 1 à 29 au dossier visent un objet non brevetable, qui est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, lequel ne correspond pas à la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets;
  • les revendications 1 à 29 au dossier auraient été évidentes et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) la Loi sur les brevets;

  • les revendications proposées ne peuvent être considérées comme des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

 

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

[60] Compte tenu de ce qui précède, nous recommandons que la demande soit rejetée au motif que les revendications 1 à 29 au dossier visent un objet non brevetable et ne sont pas conformes à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et que les revendications 1 à 29 au dossier auraient été évidentes et qu’elles ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[61] De plus, les revendications proposées ne corrigent pas les irrégularités relatives à l’objet non brevetable et à l’évidence et, par conséquent, ces revendications ne constituent pas des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

 

Liang Ji

Leigh Matheson

Helena Forbes

Membre

Membre

Membre

 

 

 


 

DÉCISION DU COMMISSAIRE

[62] Je souscris aux conclusions de la Commission et à sa recommandation selon laquelle la demande doit être rejetée parce que les revendications 1 à 29 au dossier visent un objet non brevetable et ne sont pas conformes à l’article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et que les revendications 1 à 29 au dossier auraient été évidentes et qu’elles ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[63] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, la demanderesse dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec)

Ce 14e jour de mars 2022

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