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Référence : Moncada Rodriguez, Oscar Edgardo (Re), 2023 CACB 4

Décision du commissaire n1637

Commissioner’s Decision #1637

Date : 2023-01-30

SUJET :

G00

C00

Utilité

Divulgation - caractère adéquat ou inadéquat de la description

 

 

 

TOPIC:

G00

C00

Utility

Disclosure - Adequacy or Deficiency of Description

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 905 263

Application No.: 2,905,263


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96‑423) dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 905 263 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Demandeur :

Oscar Edgardo Moncada Rodriguez

26 Lazy Daisy Drive

Blufton SC 29909

ÉTATS-UNIS


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 905 263 (la « demande en instance »), qui est intitulée « CENTRALE ÉLECTRIQUE FONCTIONNANT EN CIRCUIT FERMÉ SOUS L’EFFET DE LA GRAVITÉ DE L’EAU (WGLPP) » et qui appartient à Oscar Edgardo Moncada Rodriguez (le « Demandeur »). La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251) (les « Règles sur les brevets »). Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, la Commission recommande au commissaire des brevets de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[2] La demande en instance a été déposée sous le régime du Traité de coopération en matière de brevets, et sa date de dépôt au Canada est le 3 mars 2014. Elle est devenue accessible au public le 9 octobre 2014.

[3] La demande en instance concerne un système de centrale électrique qui utilise un réservoir de liquide surélevé et l’énergie potentielle disponible de ce liquide comme source d’alimentation pour une hélice à flux axial raccordée à un générateur qui produit de l’électricité. Selon l’objet revendiqué, le liquide qui s’écoule du réservoir surélevé passe par un tuyau en forme de U, d’abord vers le bas vers l’hélice à flux axial, où l’électricité est extraite, puis vers le haut vers le réservoir surélevé, sans qu’aucune énergie supplémentaire ne soit ajoutée, notamment au moyen d’une pompe. Le système est illustré à la figure 1 de la demande en instance, reproduite ci-dessous.

Figure 1 from the application illustrates the power plant system, including the elevated tank, U-shaped pipe, axial flow propeller and generator.

Historique de la poursuite

[4] Le 30 septembre 2019, une décision finale (« DF ») a été rédigée en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les « anciennes règles »). La DF indiquait que la demande en instance est irrégulière au motif que toutes les revendications 1 à 3 au dossier au moment de la rédaction de la DF (les « revendications au dossier ») manquent d’utilité et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. La DF a également noté une irrégularité mineure dans la numérotation d’une page en vertu du paragraphe 73(1) des anciennes règles (maintenant le paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets).

[5] Dans une réponse à la DF (« RDF ») datée du 14 février 2020, le Demandeur a proposé une modification à la page des revendications pour corriger le problème de la numérotation de la page. Aucune modification n’a été proposée au libellé des revendications elles-mêmes. Des arguments ont été présentés à l’appui de l’utilité des revendications.

[6] L’examinateur ayant jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, au titre du paragraphe 199(3) des Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission aux fins de révision le 4 août 2020, accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs (« RM »). Le RM indiquait que les revendications au dossier demeuraient irrégulières pour manque d’utilité et en raison du problème de la numérotation de la page. Toutefois, le RM indiquait que le problème de la numérotation de la page serait corrigé par la modification proposée à la page des revendications présentée avec la RDF.

[7] Dans une lettre datée du 21 août 2020, la Commission a transmis au Demandeur une copie du RM et lui a demandé de confirmer qu’il souhaitait toujours que la demande soit révisée.

[8] Dans une réponse datée du 10 septembre 2020, le Demandeur a indiqué qu’il voulait que la Commission procède à une révision de la demande. Le Demandeur a également présenté d’autres observations en faveur de la brevetabilité des revendications au dossier.

[9] Le Comité de la Commission (le « Comité ») soussigné a été chargé de la révision de la demande en instance et de la présentation d’une recommandation au commissaire des brevets quant à la décision à rendre.

[10] Dans une lettre de révision préliminaire (la « lettre de RP ») datée du 2 novembre 2022, le Comité a exposé son analyse préliminaire du manque d’utilité et des problèmes de numérotation de la page. L’opinion préliminaire du Comité était que les revendications 1 à 3 au dossier manquaient d’utilité et que le mémoire descriptif était irrégulier en raison du problème de numérotation de la page. Toutefois, le Comité a indiqué que la modification proposée à la page des revendications présentée avec la RDF réglerait le problème de numérotation de la page.

[11] La lettre de RP a donné au Demandeur une occasion de présenter des observations orales ou écrites.

[12] Le 12 décembre 2022, le Demandeur a présenté des observations écrites (la « RRP ») en réponse à l’opinion préliminaire exposée dans la lettre de RP.

[13] Une audience a eu lieu par Microsoft Teams le 14 décembre 2022.

[14] Le Comité a examiné le dossier de la demande en instance, y compris les observations orales et écrites présentées en réponse à la lettre de RP, et nous fournissons notre analyse finale ci-dessous.

Questions

[15] Les questions à trancher dans le cadre de la présente révision sont les suivantes :

  • les revendications au dossier manquent d’utilité;

  • le mémoire descriptif est irrégulier en raison de la numérotation de la page contenant les revendications.

[16] Après avoir examiné les revendications au dossier, nous examinons les modifications proposées présentées dans la RDF afin de déterminer si elles sont considérées comme une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du Bureau

Interprétation téléologique

[17] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, et à Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est faite du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes, en tenant compte de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet appréciable sur le fonctionnement de l’invention.

[18] Tous les éléments présentés dans une revendication sont présumés essentiels, à moins que le contraire soit établi ou qu’une telle présomption aille à l’encontre du libellé de la revendication.

Utilité

[19] L’utilité est exigée par l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[20] Dans AstraZeneca Canada Inc c. Apotex Inc, 2017 CSC 36, au par. 53, la Cour suprême du Canada a indiqué que « [c]e qui constitue une utilité acceptable variera en fonction de l’objet de l’invention cerné à la suite de l’interprétation des revendications » et a présenté l’approche qui devrait être appliquée pour déterminer si un brevet divulgue une invention avec suffisamment d’utilité en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets :

[54] Pour déterminer si un brevet divulgue une invention dont l’utilité est suffisante au sens de l’art. 2, les tribunaux doivent procéder à l’analyse suivante. Ils doivent d’abord cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet. Puis, ils doivent se demander si cet objet est utile – c’estàdire, se demander s’il peut donner un résultat concret.

[55] La Loi ne prescrit pas le degré d’utilité requis. Elle ne prévoit pas non plus que chaque utilisation potentielle doit être réalisée – une parcelle d’utilité suffit. Une seule utilisation liée à la nature de l’objet est suffisante, et l’utilité doit être établie au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable à la date de dépôt : AZT, par. 56.

[21] Par conséquent, l’utilité doit être établie au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable à la date de dépôt de la demande de brevet canadien. L’utilité ne peut pas être étayée par les éléments de preuve et les connaissances qui ne sont devenues disponibles qu’après cette date (voir également Apotex Inc c. Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77, au par. 56 [AZT], cité dans l’extrait cidessus).

[22] Lorsque l’utilité d’une invention doit être établie au moyen d’une démonstration, la démonstration doit avoir eu lieu à la date de dépôt, mais n’a pas à être comprise dans la description (voir Eli Lilly Canada Inc c. Apotex Inc, 2015 CF 1016, aux par. 138 à 142). Les renseignements établissant que l’utilité avait été démontrée à la date de dépôt peuvent être fournis par le Demandeur après la date de dépôt.

[23] La règle de la prédiction valable permet l’établissement d’une utilité affirmée même lorsque cette utilité n’a pas été complètement vérifiée à la date de dépôt. Toutefois, une demande de brevet doit fournir un « solide enseignement » de l’invention revendiquée plutôt que de « simples spéculations » (AZT, au par. 69).

[24] La validité d’une prédiction est une question de fait (AZT, au par. 71). L’analyse de cette validité doit tenir compte de trois éléments (AZT, au par. 70) :

  • la prédiction doit avoir un fondement factuel;

  • à la date de la demande de brevet, l’inventeur doit avoir un raisonnement clair et valable qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité;

  • il doit y avoir divulgation suffisante du fondement factuel et du raisonnement.

[25] Ces éléments sont appréciés du point de vue de la personne versée dans l’art à qui s’adresse le brevet, en tenant compte de ses CGC; à l’exception des CGC, le fondement factuel et le raisonnement doivent être inclus dans la demande de brevet (voir Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219, aux par. 152 et 153).

[26] Bien qu’une prédiction n’ait pas à être une certitude pour être valable, il doit à première vue y avoir une conclusion raisonnable d’utilité (Gilead Sciences, Inc c. Idenix Pharmaceuticals Inc, 2015 CF 1156, au par. 251; Mylan Pharmaceuticals ULC c. Eli Lilly Canada Inc, 2016 CAF 119, au par. 55).

Numérotation des pages du mémoire descriptif

[27] Le paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets prévoit que la numérotation des pages des revendications, qui font partie du mémoire descriptif, doit suivre celle de la description :

Les pages du mémoire descriptif sont numérotées consécutivement.

Analyse

Interprétation téléologique

[28] Comme il est indiqué dans la lettre de RP, à la page 5, avant de procéder à toute évaluation de la brevetabilité des revendications, y compris en ce qui a trait à leur utilité, il est d’abord nécessaire d’effectuer une interprétation des revendications afin de trancher toute question de portée ou de signification des revendications et d’identifier les éléments essentiels. Cette évaluation comprend la définition de la personne versée dans l’art et des CGC pertinentes. Bien qu’aucune question d’interprétation des revendications n’ait été soulevée en l’espèce, par souci d’exhaustivité, nous avons décrit ci-dessous les étapes requises de l’évaluation.

La personne versée dans l’art

[29] Dans la lettre de RP, à la page 5, nous exposons notre opinion préliminaire concernant la définition de la personne versée dans l’art :

[traduction]

La DF n’a fourni aucune définition de la personne versée dans l’art. Notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art est dûment présentée comme une personne ou une équipe spécialisée dans la production d’énergie, particulièrement la production d’énergie hydroélectrique, qui possède une expérience dans la conception et la mise en œuvre de tels systèmes. La personne ou l’équipe posséderait des connaissances en génie électrique et mécanique.

[30] Le Demandeur n’a présenté aucune observation concernant la définition susmentionnée dans la RRP. Nous procédons en présumant que la personne versée dans l’art est celle qui est définie dans la lettre de RP.

Les CGC pertinentes

[31] Dans la lettre de RP, à la page 5, nous exposons également notre opinion préliminaire concernant les CGC pertinentes que posséderait la personne versée dans l’art :


 

[traduction]

La DF n’a pas non plus défini les CGC pertinentes. Notre avis préliminaire est que les points suivants auraient fait partie des CGC pertinentes de la personne versée dans l’art :

• connaissance des systèmes traditionnels de production d’énergie, en particulier ceux liés à la production d’énergie hydroélectrique;

• connaissance des principes de la mécanique des fluides, y compris la première loi de la thermodynamique (conservation de l’énergie);

• connaissance du fait que le rendement de conversion énergétique traditionnellement admis n’est jamais supérieur à l’unité (c.-à-d. qu’il est toujours inférieur à 100 %) et que l’efficacité générale d’un système est le produit des rendements obtenus à chaque étape de conversion de l’énergie, sachant que des pertes dues à la chaleur, la friction, la résistance, etc. surviennent à chacune de ces étapes.

[32] Le Demandeur n’a présenté aucune observation dans la RRP concernant les CGC pertinentes indiquées. Nous procédons donc en nous fondant sur les points exposés dans la lettre de RP.

Les revendications au dossier

[33] La demande en instance contient trois revendications, y compris la revendication indépendante 1. Elles sont reproduites ci-dessous :

[traduction]

1. Une centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau (WGLPP) pour produire de l’électricité propre, continue, résiliente, portable et renouvelable comprenant :

un réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône d’un premier volume configuré pour contenir un liquide, où le réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône comprend une sortie à la base et une entrée latérale, où le réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône est configuré pour fournir une pression de refoulement hydraulique dudit liquide en fonction de la hauteur et de la forme du réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône, et où le réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône est contrôlé par son système de surveillance et de contrôle intégré, et protégé par son isolant;

un tuyau en forme de U comprenant une première extrémité et une deuxième extrémité, la première extrémité étant raccordée à la sortie à la base du réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône et la deuxième extrémité étant raccordée à l’entrée latérale du réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône;

une boucle de circulation de liquide pressurisé reliant la sortie à la base réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône à l’entrée latérale du réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône;

une structure de métal ou une structure équivalente en acier soutenant et intégrant la centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau;

au moins deux ensembles et systèmes de montage de paliers de jambe comprenant des montants et des paliers reliés à des points sur le tuyau en forme de U et raccordés à l’hélice à flux axial de haut rendement;

une hélice à flux axial de haut rendement installée dans le tuyau en forme de U, où l’hélice à débit axial de haut rendement est configurée pour tourner par l’écoulement d’un liquide à partir de la sortie à la base du réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône;

un arbre raccordé à l’hélice à débit axial de haut rendement et également raccordé à un générateur d’électricité, le générateur comprenant une nacelle et son système d’alimentation et d’interface;

un régulateur de tension raccordé au générateur d’électricité;

un robinet de commande unidirectionnelle et un capteur raccordés au tuyau en forme de U, lesquels sont inclus dans son système de surveillance et de commande et configurés pour contrôler l’écoulement du liquide dans le tuyau en forme de U; et isolant protégeant la nacelle et le tuyau en forme de U.

2. La centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau (WGLPP) de la revendication 1, comprenant également :

un système de propulsion d’un véhicule comprenant un moteur électrique, une alimentation électrique raccordée au générateur et également raccordée au régulateur de tension;

une batterie raccordée au générateur, où la batterie est configurée pour être chargée par le générateur et où la batterie est configurée pour fournir de l’énergie au système de propulsion d’un véhicule.

3. La centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau (WGLPP) de la revendication 1, comprenant également :

un moteur électrique configuré pour être alimenté par le générateur, où le moteur électrique est configuré pour alimenter une machine industrielle.

[34] Comme nous l’avons indiqué dans la lettre de RP, à la page 6, la DF n’a soulevé aucune question quant à la clarté ou à la portée de l’une ou l’autre des revendications au dossier, et nous avons procédé en nous fondant sur le fait que la signification et la portée des revendications auraient été claires pour la personne versée dans l’art. Nous faisons la même chose en l’espèce.

Les éléments essentiels

[35] Dans la lettre de RP, à la page 7, nous avons examiné la question de l’inclusion d’une pompe dans les revendications au dossier pour pomper l’eau jusqu’au réservoir surélevé, puisque notre opinion préliminaire est que, contrairement à l’opinion exprimée dans la DF et le RM, les revendications au dossier ne comprennent aucun élément de pompage :

[traduction]

La DF n’a présenté aucune analyse des éléments essentiels des revendications au dossier. Toutefois, la DF, la RDF, le RM et la RRM [réponse au RM] indiquent qu’il y a eu désaccord au sujet de la présence d’une pompe dans l’invention revendiquée.

La DF, à la page 1, a affirmé que l’invention comprenait une pompe pour renvoyer le liquide vers le réservoir surélevé une fois qu’il a traversé l’hélice à flux axial raccordée au générateur. Le RM, aux pages 1 et 2, faisait référence à des extraits de la description qui renvoient à une « section de pompage » et à une hélice à flux axial (13), qui pompe le liquide jusqu’au réservoir surélevé, ladite hélice s’ajoutant à l’hélice à flux axial (8) qui tourne grâce au liquide descendant du réservoir surélevé et qui est raccordée au générateur pour produire de l’électricité.

Dans la RDF, à la page 1, le Demandeur affirme que la description ou les revendications ne comprennent aucune pompe. Dans la RRM, le Demandeur affirme qu’il n’y a aucune pompe dans les revendications et qu’aucune n’est décrite.

Notre opinion préliminaire est que nous sommes d’accord avec le Demandeur que les revendications ne comprennent aucune pompe. Les revendications comprennent une hélice à flux axial (8) installée dans le tuyau en forme de U, laquelle tourne grâce au liquide provenant du réservoir surélevé. Cette hélice à flux axial ne fait pas remonter le liquide jusqu’au réservoir surélevé.

Bien qu’une autre roue à flux axial (13), qui ferait prétendument partie d’une section de pompage servant à faire remonter le liquide vers le réservoir surélevé après avoir passé par l’hélice à flux axial (8), soit divulguée, cet élément n’est pas énoncé dans les revendications au dossier.

À la lumière de ce qui précède, notre opinion préliminaire est que les revendications 1 à 3 au dossier ne précisent pas l’inclusion d’une pompe ou d’un dispositif de pompage pour faire remontrer le liquide vers le réservoir surélevé.

[36] Nous présentons ensuite notre opinion préliminaire selon laquelle tous les éléments énoncés dans les revendications au dossier sont essentiels :

[traduction]

Étant donné que la personne versée dans l’art comprendrait que les revendications n’utilisent aucun libellé indiquant que les éléments de chaque revendication sont facultatifs, une réalisation préférentielle ou une solution de rechange, notre opinion préliminaire est que tous les éléments des revendications au dossier sont considérés comme essentiels et sont pris en compte dans notre analyse de l’utilité ci-dessous.

[37] À l’audience, le Demandeur a suggéré que l’hélice à flux axial avait deux fonctions, y compris une fonction de pompage. Nous examinerons cette question plus loin dans le cadre de notre évaluation de l’utilité. Nous procédons en nous fondant sur le fait que les revendications au dossier ne comprennent aucun élément de pompage et que tous les éléments cités dans les revendications sont essentiels.

Utilité

[38] L’évaluation de l’utilité se déroule en deux étapes générales. Nous devons d’abord cerner l’objet de l’invention telle qu’elle est revendiquée. Puis, nous devons nous demander si cet objet est utile, c’estàdire, se demander s’il peut donner un résultat concret.

Quel est l’objet de l’invention tel qu’elle est revendiquée?

[39] Dans la lettre de RP, à la page 8, nous exposons l’objet de l’invention telle qu’elle est revendiquée :

[traduction]

À la lumière des éléments essentiels définis ci-dessus, qui, en l’espèce, comprennent tous les éléments des revendications, l’objet de la revendication 1 est une centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau qui permet de produire de l’énergie propre, continue, résiliente, portable et renouvelable et qui comprend :

• un réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône d’un premier volume configuré pour contenir un liquide, où le réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône comprend une sortie à la base et une entrée latérale, où le réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône est configuré pour fournir une pression de refoulement hydraulique dudit liquide en fonction de la hauteur et de la forme du réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône, et où le réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône est contrôlé par son système de surveillance et de contrôle intégré, et protégé par son isolant;

• un tuyau en forme de U comprenant une première extrémité et une deuxième extrémité, la première extrémité étant raccordée à la sortie à la base du réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône et la deuxième extrémité étant raccordée à l’entrée latérale du réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône;

• une boucle de circulation de liquide pressurisé reliant la sortie à la base réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône à l’entrée latérale du réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône;

• une structure de métal ou une structure équivalente en acier soutenant et intégrant la centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau;

• au moins deux ensembles et systèmes de montage de paliers de jambe comprenant des montants et des paliers reliés à des points sur le tuyau en forme de U et raccordés à l’hélice à flux axial de haut rendement;

• une hélice à flux axial de haut rendement installée dans le tuyau en forme de U, où l’hélice à débit axial de haut rendement est configurée pour tourner par l’écoulement d’un liquide à partir de la sortie à la base du réservoir inférieur couvert, surélevé et en forme de cône;

• un arbre raccordé à l’hélice à débit axial de haut rendement et également raccordé à un générateur d’électricité, le générateur comprenant une nacelle et son système d’alimentation et d’interface;

• un régulateur de tension raccordé au générateur d’électricité;

• un robinet de commande unidirectionnelle et un capteur raccordés au tuyau en forme de U, lesquels sont inclus dans son système de surveillance et de commande et configurés pour contrôler l’écoulement du liquide dans le tuyau en forme de U; et isolant protégeant la nacelle et le tuyau en forme de U.

L’objet de l’invention de la revendication 2 est la centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau de la revendication 1, qui comprend également :

• un système de propulsion d’un véhicule comprenant un moteur électrique, une alimentation électrique raccordée au générateur et également raccordée au régulateur de tension;

• une batterie raccordée au générateur, où la batterie est configurée pour être chargée par le générateur et où la batterie est configurée pour fournir de l’énergie au système de propulsion d’un véhicule.

L’objet de l’invention de la revendication 3 est la centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau de la revendication 1, qui comprend également :

• un moteur électrique configuré pour être alimenté par le générateur, où le moteur électrique est configuré pour alimenter une machine industrielle.

[40] Le Demandeur n’a présenté aucune observation concernant l’objet des revendications dans la RRP. Nous procédons en nous fondant sur l’objet tel qu’il est exposé dans la lettre de RP.

L’objet est-il utile – permet-il de donner un résultat concret?

[41] Comme nous l’avons indiqué dans la lettre de RP, à la page 9, la réponse à cette question exige que nous déterminions si l’utilité de l’objet revendiqué a été établie au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable à la date de dépôt. Nous exposons notre décision ci-dessous.

L’utilité avait-elle été établie au moyen d’une démonstration à la date de dépôt?

[42] Dans la lettre de RP, à la page 9, nous exposons notre opinion préliminaire selon laquelle l’utilité de l’objet revendiqué n’avait pas été établie au moyen d’une démonstration :

[traduction]

La demande en instance aborde les principes qui sous-tendent la centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau, au regard des figures 1 à 6. À la page 1, certains principes de la mécanique des fluides sont discutés, tandis qu’aux pages 2 et 3, les composantes de base des sections de la centrale électrique sont présentées. Les pages 4 et 5 fournissent plus de détails sur les composantes.

Les pages 5 et 6 présentent des directives sur la façon de concevoir une telle centrale, y compris des directives pour déterminer de façon générale les paramètres et les composantes comme le refoulement hydraulique, le volume du réservoir de liquide, l’hélice appropriée (hélice à débit axial), la taille du tuyau en forme de U, l’emplacement des éléments, etc. La page 7 énonce quelques instructions générales sur le fonctionnement d’une telle centrale.

Rien dans le mémoire descriptif ou les dessins n’indique que le Demandeur a effectivement construit une telle centrale ou même qu’un dessin détaillé a été préparé. Aucune donnée divulguée ne montre les résultats d’un essai effectué ou n’indique que l’un des fondements sous-tendant l’objet revendiqué a été testé de quelque façon que ce soit. L’invention est fondée sur les schémas des figures 1 à 6 et une discussion générale sur les composantes et leurs fonctions, ainsi que sur certaines lignes directrices générales relatives à la conception.

À la lumière de ce qui précède, notre opinion préliminaire est que l’utilité de l’objet des revendications n’avait pas été établie au moyen d’une démonstration à la date de dépôt.

[43] Dans la RRP, le Demandeur n’a ni contesté l’opinion préliminaire susmentionnée ni fourni d’éléments de preuve indiquant que l’utilité de l’objet revendiqué avait été démontrée à la date de dépôt. À l’audience, le Demandeur a allégué qu’une telle centrale électrique avait été construite et fait l’objet d’une démonstration, mais n’en a fourni aucune preuve.

[44] À la lumière de notre analyse dans la lettre de RP et compte tenu des observations présentées par le Demandeur dans la RRP et lors de l’audience, nous concluons que l’utilité de l’objet des revendications n’a pas été établie au moyen d’une démonstration.

L’utilité avait-elle été établie au moyen d’une prédiction valable à la date de dépôt?

[45] Pour évaluer une prédiction valable de l’utilité, il faut évaluer les trois composantes énoncées dans AZT, qui sont évaluées ci-dessous.

Fondement factuel

[46] Aux pages 9 et 10 de la lettre de RP, nous exposons notre opinion préliminaire concernant le fondement factuel présenté dans la demande en instance :

[traduction]

La demande en instance décrit certains principes de base de la mécanique des fluides, la disposition générale de la centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau, y compris les composantes couramment connues comme le réservoir d’eau surélevé, la structure de soutien du réservoir et d’autres composantes, la tuyauterie, les capteurs, les unités de commande, les drains, les valves, les générateurs électriques, les ensembles d’arbres, les hélices à flux axial (y compris une pour faire fonctionner le générateur électrique), ainsi que la batterie et le moteur électrique devant être alimenté par le générateur.

Toutefois, bien que ces composantes conventionnelles aient été établies, comme il a été discuté ci-dessus en ce qui a trait à l’établissement de l’utilité au moyen d’une démonstration, rien dans le mémoire descriptif ou les dessins n’indique pourquoi la centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau serait en mesure de produire de l’énergie continue sans l’ajout d’une certaine quantité d’énergie pour faire remonter l’eau jusqu’au réservoir surélevé après que l’électricité ait été extraite par la section de l’hélice à flux axial et du générateur.

[47] Dans la RRP, aux pages 1 et 2, et à l’audience, le Demandeur a soutenu que le Comité a fait valoir que l’invention revendiquée ne disposait d’aucune source d’énergie pour alimenter l’électricité nette qui serait produite par la centrale électrique revendiquée.

[48] Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, notre opinion préliminaire n’était pas que le système ne disposait d’aucune source d’énergie, mais que, comme il est allégué, il produit de l’énergie en continu grâce au refoulement hydraulique, une énergie disponible dans le réservoir d’eau surélevé, tout en faisant remonter l’eau dans le réservoir d’eau surélevé.

[49] La plupart des observations présentées par le Demandeur dans la RRP semblent s’appuyer sur un raisonnement clair et valable selon lequel la centrale électrique revendiquée sera en mesure de produire de l’électricité nette, tout en extrayant de l’énergie au moyen de l’hélice à flux axial et en faisant remonter l’eau jusqu’au réservoir surélevé, en utilisant seulement l’énergie disponible par le refoulement hydraulique de l’eau dans le réservoir surélevé. Par conséquent, nous examinerons la plupart des observations du Demandeur dans la prochaine section.

Y a-t-il un raisonnement clair et valable qui permet d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité?

[50] Dans la lettre de RP, aux pages 10 à 12, nous exposons notre opinion préliminaire selon laquelle nous n’avons pu trouver de raisonnement clair et valable qui amènerait la personne versée dans l’art à croire que l’invention revendiquée fonctionnerait :

[traduction]

Outre une discussion sur la disposition générale de la centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau et de ses composantes, la demande en instance n’indique pas comment cet appareil produira, en quelque sorte, un excès d’énergie après extraction d’énergie de l’eau à partir de l’hélice de flux axial qui alimente le générateur électrique.

Aux pages 5 et 6 de la demande en instance, certaines directives générales sont énoncées pour concevoir et construire l’appareil, mais les directives se limitent généralement à l’identification des composantes et de leurs tailles appropriées pour atteindre les paramètres de rendement souhaités. Aucun détail ou principe qui amènerait une personne versée dans l’art à croire que l’excès d’énergie est en quelque sorte généré par cette disposition n’est énoncé.

La question de l’énergie excédentaire était le principal point en litige entre l’examinateur et le Demandeur dans la DF et la RDF. La DF, à la page 2, expose le principal problème de l’invention revendiquée :


 

Une telle machine serait contraire à la première loi de la thermodynamique (la loi de la conservation de l’énergie) et ne peut donc pas fonctionner tel qu’elle est revendiquée. Cette déclaration suffit à démontrer que la machine ne peut pas fonctionner. Toutefois, à l’intention du Demandeur, une analyse plus détaillée est fournie.

La quantité d’énergie que peut extraire une turbine (Pturb) d’une colonne d’eau d’une hauteur h est :

Pturb = npQgh

Où :

P est la puissance en watts;

n est l’efficacité de la turbine;

p est la densité de l’eau en kilogrammes par mètre cube;

Q est le débit en mètres cubes par seconde;

g est l’accélération attribuable à la gravité;

h est la différence de hauteur entre l’entrée et la sortie en mètres.

La quantité d’énergie que doit utiliser la pompe (Ppump) pour pomper l’eau à une hauteur h est :

Pturb = npQgh

Où :

P est la puissance en watts;

n est l’efficacité de la turbine;

p est la densité de l’eau en kilogrammes par mètre cube;

Q est le débit en mètres cubes par seconde;

g est l’accélération attribuable à la gravité.

Par conséquent, étant donné que, à première vue, la pompe et la turbine ont un rendement de 100 % (n = 1), on peut voir que la pompe a besoin de toute l’électricité extraite par la turbine pour faire remonter l’eau. Cependant, étant donné que la turbine et la pompe ont un rendement inférieur à 100 % et que les autres pertes (turbulence, frottement, efficacité du générateur électrique) dans la machine, la recirculation constante de l’eau dans l’appareil qui est décrite dans les revendications nécessite une entrée nette d’énergie. Par conséquent, l’appareil revendiqué n’est pas capable de produire une énergie nette et a en fait besoin d’une entrée de puissance pour fonctionner.

À la page 4, la DF aborde également le fondement de la question de l’utilité :

C’est un fait non contesté et scientifiquement prouvé que le renvoi de l’eau (ou de toute autre masse) à sa position verticale initiale dans un champ gravitationnel prendra au moins autant d’énergie que la quantité d’électricité qui peut être extraite de la chute de cette eau (ou de toute autre masse), quel que soit le moyen utilisé pour extraire ou soulever l’eau (ou une autre masse). Autrement dit, si une masse perd une quantité d’énergie potentielle X en tombant du point A au point B, elle devra donner à la masse au moins autant d’énergie pour la ramener du point B au point A.

Ce qui précède résume le principe de base selon lequel toute énergie perdue dans l’eau stockée dans une position surélevée qui est déposée sur une distance verticale doit être renvoyée à celle-ci afin de rapporter cette eau à sa hauteur initiale. Cette énergie serait normalement ajoutée au moyen d’une pompe qui rapporterait l’eau à sa hauteur initiale. Étant donné que l’énergie est absorbée au moyen de l’hélice à flux axial qui est raccordée au générateur électrique, même en supposant qu’il n’y a aucune perte d’énergie dans le reste du système, il faut ajouter davantage d’énergie au moyen d’un type quelconque de pompage pour faire remonter l’eau.

Comme il en a été discuté ci-dessus dans la section relative à l’interprétation téléologique, contrairement à l’opinion exprimée dans la DF, notre opinion préliminaire est que les revendications au dossier ne se limitent pas aux réalisations où une pompe ou un dispositif de pompage est inclus.

Toutefois, cette opinion préliminaire n’aide pas le Demandeur à trancher la question de l’utilité. Sans pompe, il n’y a rien dans le système de la centrale électrique fonctionnant en circuit fermé sous l’effet de la gravité de l’eau du Demandeur pour compenser l’énergie absorbée par l’hélice à flux axial et perdue lorsque l’eau descend du réservoir surélevé.

Dans la RDF, à la page 2, et dans la demande en instance, à la page 1, le Demandeur soutient qu’il y a trois sources d’énergie dans le système, soit le refoulement hydraulique du réservoir en raison de l’élévation du réservoir, le refoulement hydraulique du cône en raison de la forme en cône du fond du réservoir et le siphon inversé ou le tuyau en forme de U qui relie la sortie du réservoir surélevé à son entrée.

Bien que nous soyons d’accord, à titre préliminaire, que l’élévation du refoulement hydraulique ou du réservoir représente une source d’énergie, nous ne voyons aucun fondement permettant d’affirmer que la forme du fond du réservoir est une autre source. L’énergie disponible dépend du refoulement hydraulique, qui dépend lui-même de l’élévation du liquide stocké. La forme du contenant peut avoir une incidence sur les pertes qui se produisent lorsque le liquide descend, mais elle n’aurait aucune incidence sur l’énergie disponible.

Enfin, notre opinion préliminaire est que le siphon inversé ou le tuyau en forme de U ne représente pas une source d’énergie. Dans la RDF, aux pages 3 et 4, le Demandeur a cherché à étayer son argument en renvoyant à la « Loi de Stevin », en vertu de laquelle le niveau de liquide dans les véhicules interconnectés exposés à la même pression atmosphérique sera égalisé au même niveau. Toutefois, ce principe s’applique aux systèmes statiques, ce qui n’est pas le cas du système visé par la demande en instance, qui, selon la revendication, est destiné à produire de l’électricité « continue ».

À la page 5 de la RDF, le Demandeur a fourni quelques exemples de calculs qui seraient utilisés pour déterminer les spécifications de certaines composantes de la centrale électrique. Cependant, ces calculs de base n’expliquent toujours pas comment la centrale électrique peut produire une quantité nette d’énergie sans l’ajout d’énergie externe et extraire continuellement de l’énergie par la combinaison de l’hélice à flux axial et du générateur électrique.

Nous notons également l’affirmation du Demandeur, à la page 3 de la RDF, selon laquelle l’hélice de flux axial peut absorber l’énergie de l’eau qui coule du réservoir pour alimenter le générateur électrique et, en même temps, pomper l’eau jusqu’au réservoir surélevé. Notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art ne considérerait pas qu’il soit possible que la même hélice à flux axial soit alimentée par l’eau qui s’écoule et qu’elle pompe la même eau en même temps.

À la page 4 de la RDF, le Demandeur a mentionné que l’entrée d’eau externe dans le réservoir surélevé n’était pas un approvisionnement continu en eau, mais plutôt de petites quantités pour compenser les pertes qui pourraient survenir pendant l’exploitation de la centrale électrique. Nous acceptons, à titre préliminaire, qu’il s’agisse de la fonction de cette entrée d’eau, conformément à l’énoncé au haut de la page 2 de la demande en instance. Toutefois, cette caractéristique permet de maintenir le niveau d’eau dans le réservoir surélevé et n’explique pas la production nette d’énergie.

Les observations du Demandeur dans la RRM portaient principalement sur le débat entourant l’inclusion d’une pompe dans les revendications au dossier, qui a été abordée ci-dessus dans la section relative à l’interprétation téléologique.

[51] En ce qui concerne les allégations contenues dans la RRP et présentées à l’audience, où le Comité a soutenu que l’invention revendiquée n’avait aucune [traduction] « source d’énergie nette » ou [traduction] « source d’énergie » (dont certaines ont été abordées ci-dessus dans la discussion sur le fondement factuel), comme il est indiqué ci-dessus dans l’extrait de la lettre de RP, le Comité a accepté que le réservoir surélevé et le refoulement hydraulique qui en résulte représentent une source d’énergie. Cependant, nous n’avons pas accepté que la forme en cône du fond du réservoir surélevé représente une source d’énergie supplémentaire, puisque le refoulement hydraulique dépend de la hauteur du volume d’eau stocké, et non de la forme du réservoir.

[52] Dans la RRP, à la page 2, le Demandeur s’est interrogé sur l’utilisation de la formule Pturb mentionnée dans la DF, telle que reproduite ci-dessus, au motif qu’elle ne s’appliquerait pas au système de centrale électrique revendiqué. Nous notons que même si la formule susmentionnée renvoie à une turbine comme dispositif d’extraction d’énergie, l’électricité potentielle théorique qui peut être extraite d’une colonne d’eau est indépendante du dispositif d’extraction, et la quantité réelle d’électricité qui peut concrètement être extraite dépend de l’efficacité de conversion d’énergie du dispositif d’extraction, qu’il s’agisse d’une turbine ou d’une hélice à flux axial. Par conséquent, la relation serait applicable de façon plus générale que ne le prétend le Demandeur.

[53] Dans la RRP, aux pages 2 et 3, le Demandeur a reproduit les calculs qui ont été inclus dans la RDF et qui sont mentionnés ci-dessus. Ces calculs utilisent 7877,4 gallons par minute comme débit volumétrique d’eau dans la centrale électrique. Toutefois, il est précisé que la source de ce débit d’eau, à savoir le réservoir surélevé, a une capacité de 300 gallons, soit 3,8 % du débit par minute. Comme le Demandeur l’a déclaré à l’audience, le volume total d’eau stocké dans le réservoir surélevé doit circuler dans l’ensemble de la centrale environ toutes les deux secondes. Le Demandeur n’a pas été en mesure d’expliquer à l’audience comment l’eau a pu circuler de façon aussi rapide et aussi continuelle pendant que l’électricité est extraite de celle-ci au moyen de la combinaison de l’hélice à flux axial et du générateur.

[54] À la suite des calculs susmentionnés, dans la RRP, à la page 3, le Demandeur a affirmé qu’une centrale électrique ayant ces spécifications aurait un rendement de 135 %, ce qui signifie qu’il y a plus d’énergie produite qu’il n’y a d’entrée d’énergie dans le système. Cela irait à l’encontre du principe couramment admis qu’un système de conversion de l’énergie ne peut jamais atteindre un rendement supérieur à 100 % et, en termes pratiques, ne peut pas atteindre 100 % en raison des pertes inévitables dans un processus de conversion d’énergie donné.

[55] Dans la RRP, à la page 3, et à l’audience, le Demandeur a mentionné l’utilisation du siphon inversé ou du tuyau en forme de U dans la centrale électrique comme moyen de faire remonter l’eau qui descend du réservoir surélevé et passe par l’hélice à flux axial, jusqu’au niveau du réservoir surélevé. Dans la RRP, le Demandeur a fait état de l’utilisation d’une telle configuration dans les aqueducs romains et qu’un siphon inversé est utilisé au River Walk dans la ville de San Antonio, au Texas, mentionnant des sites Web illustrant ces deux applications. Le Comité a examiné ces sites Web et a indiqué au Demandeur, à l’audience, que, dans aucune de ces applications, l’eau ne peut remonter au niveau initial où elle est entrée dans le siphon inversé. C’est normal, puisque les pertes d’énergie dues à la friction accumulée pendant le déplacement de l’eau à travers ces systèmes ont pour effet que l’eau n’a pas assez d’énergie pour remonter à sa hauteur initiale. Cela est d’autant plus vrai dans la centrale électrique du Demandeur, où l’énergie supplémentaire est absorbée par la combinaison de l’hélice à flux axial et du générateur. À l’audience, le Demandeur a fait allusion à d’autres applications où le fluide passe à travers un siphon inversé et remonte jusqu’à la hauteur initiale, mais il n’a fourni aucun renvoi particulier.

[56] À l’audience, le Demandeur a également confirmé que l’hélice à flux axial alimentée par l’écoulement de l’eau et raccordée au générateur de façon à produire de l’électricité, absorbe l’énergie pour alimenter le générateur et transmet l’énergie à l’eau qui s’écoule pour la faire remonter au réservoir surélevé.

[57] Comme nous l’avons indiqué dans la lettre de RP, la personne versée dans l’art ne considérerait pas qu’un tel dispositif puisse fonctionner par l’écoulement de l’eau et réaliser une action de pompage en même temps. L’eau doit exercer une force sur l’hélice de flux axial pour la faire tourner, ce qui entraîne une perte d’énergie cinétique de l’eau qui s’écoule. Pour réaliser une action de pompage, il faudrait une source d’énergie externe sous la forme d’un système d’alimentation.

Divulgation suffisante du fondement factuel et du raisonnement

[58] Aux pages 12 et 13 de la lettre de RP, nous exposons le fondement de la divulgation de l’évaluation d’une prédiction valable d’utilité :

[traduction]

Comme il en a été discuté ci-dessus relativement au fondement factuel, la demande en instance divulgue certains principes de base de la mécanique des fluides, les composantes de base, leur fonction et leur disposition, ainsi que certaines directives de base quant à la sélection des composantes appropriées et à leur fonctionnement prévu.

En ce qui concerne tout raisonnement, nous notons qu’aucune des explications proposées dans la RDF ne fait partie du mémoire descriptif ou des dessins, bien que certains des principes de base appliqués, comme le refoulement hydraulique, auraient fait partie des CGC pertinentes. Les trois sources d’énergie, discutées ci-dessus, sont indiquées dans le mémoire descriptif, à la page 1.

[59] Dans la RRP, à la page 1, le Demandeur a mentionné un extrait de son [traduction] « dépôt initial à l’OPIC » en ce qui a trait à trois éléments qui faisaient partie de son invention alléguée et qui ont été établis par cet extrait, à savoir le refoulement hydraulique, le tuyau en forme de U (siphon inversé) et l’hélice à flux axial :

[traduction]

La WGLPP porte sur l’alimentation d’un générateur d’électricité à l’aide d’hélices à flux axial pour convertir la pression du refoulement hydraulique du liquide en énergie mécanique (couple) afin de produire de l’électricité et de pomper le liquide vers un réservoir de liquide surélevé avec un fond en cône en utilisant un tuyau de métal en forme de U, qui fonctionne selon les mêmes principes de la mécanique des fluides utilisés par le siphon inversé des aqueducs romains et la ville de San Antonio dans sa conception du River Walk. [Caractères gras et soulignement dans l’original.]

[60] Nous notons que ce texte ne fait pas partie de la version actuelle de la divulgation du Demandeur datée du 3 décembre 2018, mais faisait partie d’une version antérieure datée du 11 septembre 2015.

[61] Néanmoins, nous reconnaissons que les éléments inclus dans cet extrait sont décrits dans la demande en instance. Toutefois, nous ne sommes pas d’accord que la personne versée dans l’art considérerait le tuyau en forme de U (siphon inversé) comme un moyen de pomper le liquide vers le réservoir surélevé, et ce, pour les raisons énoncées ci-dessus. De même, à notre avis, la personne versée dans l’art ne verrait rien pour étayer l’affirmation antérieure selon laquelle l’hélice à flux axial peut à la fois absorber l’énergie du liquide qui s’écoule pour alimenter le générateur et, en même temps, exercer une action de pompage sur ce liquide.

Conclusion concernant l’utilité prédite

[62] Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis que le fondement factuel et le raisonnement ne sont pas suffisants pour permettre à la personne versée dans l’art de conclure qu’il existe, à première vue, une conclusion raisonnable d’utilité. À notre avis, l’objet de l’invention tel qu’elle est revendiquée ne peut pas fonctionner de façon à générer un approvisionnement continu en électricité, tel qu’énoncé dans la revendication 1, pour les raisons énoncées ci-dessus.

[63] L’objet supplémentaire des revendications 2 et 3, qui précisent qu’une batterie est chargée par le générateur et qu’un moteur est alimenté par le générateur, respectivement, ne modifie pas notre conclusion, puisque ces éléments représentent simplement des utilisations de l’électricité produite, dont la production alléguée est la source de l’irrégularité liée au manque d’utilité.

Numérotation des pages du mémoire descriptif

[64] Dans la lettre de RP, à la page 13, nous exposons l’irrégularité liée à la numérotation des pages et nous convenons que cette irrégularité est présente :

[traduction]

La DF, à la [page] 5, indiquait que, parce que les revendications commençaient à la page 5 et que le reste du mémoire descriptif finissait à la page 7, la demande en instance n’était pas conforme à ce qui est maintenant le paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets.

Après avoir examiné les pages du mémoire descriptif, nous convenons avec la DF que les pages ne sont pas numérotées consécutivement.

[65] Le Demandeur n’a pas contesté ce qui précède et a proposé une modification dans la RDF afin de corriger l’irrégularité, que nous examinons ci-dessous.

Modifications proposées

[66] Comme il est indiqué dans la lettre de RP, à la page 13 :

[traduction]

Avec la RDF, le Demandeur a proposé une modification à la page contenant les revendications afin de la renuméroter pour qu’elle soit consécutive au reste du mémoire descriptif. Aucune autre modification n’a été proposée.

Nous sommes d’accord avec la déclaration contenue dans le RM selon laquelle cette modification proposée corrigerait l’irrégularité en vertu du paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets. Toutefois, compte tenu de notre opinion préliminaire concernant la question de l’utilité, qui s’appliquerait également aux revendications proposées, l’irrégularité liée à l’utilité ne serait pas corrigée.

Par conséquent, les modifications proposées ne sont pas considérées comme « nécessaires » aux fins de conformité avec la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

[67] Nous concluons que la modification proposée dans la RDF corrigerait l’irrégularité liée à la numérotation des pages. Toutefois, étant donné que les revendications figurant sur la page renumérotée proposée seraient toujours irrégulières pour manque d’utilité et ne seraient pas acceptables, nous ne pouvons recommander au commissaire d’aviser le Demandeur, en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, que la modification proposée doit être apportée.

Conclusions

[68] Nous concluons que les revendications au dossier manquent d’utilité et qu’elles ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. De plus, nous concluons que le mémoire descriptif au dossier n’est pas conforme au paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets.

 

 



 

 

 

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

[69] Compte tenu de ce qui précède, nous, soussignés, recommandons que la demande soit rejetée pour les motifs suivants :

· les revendications 1 à 3 au dossier manquent d’utilité et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

  • · le mémoire descriptif au dossier n’est pas conforme au paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets.

 

 

 

 

 

 

Stephen MacNeil

Membre

Lewis Robart

Membre

Timothy Scheuermann

Membre


 

DÉCISION DU COMMISSAIRE

[70] Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission de rejeter la demande pour les motifs suivants :

· les revendications 1 à 3 au dossier manquent d’utilité et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

· le mémoire descriptif au dossier n’est pas conforme au paragraphe 50(1) des Règles sur les brevets.

[71] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Konstantinos Georgaras

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec)

Ce 30e jour de janvier 2023

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