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Référence : Currax Pharmaceuticals LLC, 2022 CACB 25

Décision du commissaire no 1632

Commissioner’s Decision #1632

Date : 2022-12-30

SUJET :

F00

O00

C00

 

Nouveauté

Évidence

Caractère ambigu ou indéfini

TOPIC:

F00

O00

C00

Novelty

Obviousness

Ambiguity or indefiniteness

Demande no 2 687 118

Application No.: 2,687,118


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 199(1) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 687 118 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur

ROBIC, L.L.P.

 

630, boulevard René-Lévesque-Ouest, 20étage

Montréal (Québec) H3B 1S6



 

Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 687 118, intitulée « Procédés d’utilisation de doxépine faiblement dosée pour améliorer le sommeil ». Currax Pharmaceuticals LLC est l’unique demandeur (le Demandeur). Un comité de la Commission d’appel des brevets (le Comité) a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets.

[2] Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons au commissaire aux brevets de rejeter la demande.

Contexte

La Demande

[3] La demande a été déposée en vertu du Traité de coopération en matière de brevets et la date de dépôt au Canada est le 18 mai 2007. Elle est devenue accessible au public le 13 décembre 2007.

[4] La demande refusée concerne des procédés pour améliorer le sommeil chez des patients atteints d’insomnie primaire par l’administration de faibles doses de doxépine. Plus particulièrement, l’administration de 3 mg et de 6 mg de doxépine a démontré une amélioration statistiquement significative dans l’endormissement, le maintien du sommeil et le retardement du réveil matinal précoce.

[5] La demande comporte 29 revendications au dossier qui ont été reçues au Bureau des brevets le 27 avril 2018.

Historique de la poursuite

[6] Le 16 novembre 2019, une décision finale (DF) a été rédigée conformément au paragraphe 86(5) des Règles sur les brevets. La décision finale indique que l’objet des revendications 1 à 29 au dossier, au moment de la décision finale, est antériorisé et n’est pas conforme aux alinéas 28.2(1)a) et 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets et est également évident et n’est pas conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. La décision finale indique également que les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 sont indéfinies et ne sont donc pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[7] Dans la réponse à la décision finale en date du 25 mars 2020, le Demandeur affirme que les revendications dans la demande en instance sont nouvelles et inventives par rapport à l’art antérieur cité. De plus, la réponse à la décision finale comprend un ensemble de revendications modifiées contenant les revendications proposées 1 à 29 afin de corriger l’irrégularité liée au caractère indéfini dans les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22.

[8] Le 21 juillet 2020, la demande a été acheminée à la Commission d’appel des brevets aux fins de révision en vertu du paragraphe 86(7) des Règles sur les brevets, ainsi qu’un résumé des motifs expliquant que le refus est maintenu puisque les arguments du Demandeur présentés en réponse à la décision finale ne sont pas convaincants et que les modifications proposées présentées en réponse à la décision finale ne corrigent pas l’ensemble des irrégularités indiquées dans la décision finale.

[9] Dans une lettre en date du 24 juillet 2020, la Commission d’appel des brevets a transmis une copie du résumé des motifs au Demandeur et a demandé qu’il confirme s’il voulait toujours que la demande soit révisée.

[10] Dans une lettre en date du 22 octobre 2020, le Demandeur a confirmé qu’il souhaitait qu’on procède à la révision.

[11] Le présent Comité a été constitué dans le but de procéder à la révision de la demande refusée en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets. Le 3 novembre 2022, le Comité a envoyé une lettre de révision préliminaire expliquant notre analyse préliminaire et notre opinion que les revendications 1 à 7, 9, 11, 13, 14, 16 à 24, 26, 28 et 29 au dossier, ainsi que les revendications proposées 1 à 7, 9, 11, 13, 14, 16 à 24, 26, 28 et 29, sont antériorisées et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets et que l’ensemble des revendications au dossier, ainsi que l’ensemble des revendications proposées, sont évidentes et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Dans cette lettre, le Comité a en outre exprimé l’opinion préliminaire selon laquelle l’objet des revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 au dossier est indéfini et n’est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et que les revendications proposées 1, 5, 9, 11, 18 et 22 corrigent cette irrégularité. La lettre de révision préliminaire a également donné au Demandeur une occasion de présenter des observations orales ou écrites.

[12] Le 14 novembre 2022, le Demandeur a refusé la possibilité de participer à une audience et le 29 novembre 2022, le Demandeur a indiqué qu’il n’y aurait aucune observation écrite.

Questions

[13] Compte tenu de ce qui précède, les questions suivantes sont examinées dans le cadre de la présente révision :

  • si les revendications au dossier sont antériorisées et ne sont pas conformes au paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets;

  • si les revendications au dossier sont évidentes et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

  • si les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[14] En plus des revendications au dossier, les revendications proposées ont également été étudiées.

Subséquemment à l’interprétation téléologique, quels sont les éléments essentiels parmi les éléments revendiqués?

[15] Nous estimons que l’ensemble des éléments des revendications au dossier sont essentiels.

Contexte juridique

[16] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 et à Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, une interprétation téléologique des revendications est faite du point de vue d’une personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (CGC) pertinentes à la lumière du mémoire descriptif et des dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a une incidence matérielle sur le fonctionnement de l’invention.

[17] Dans l’exécution de la détermination des éléments essentiels et non essentiels, tous les éléments établis dans une revendication sont présumés être essentiels, à moins qu’il n’en soit établi autrement ou lorsqu’une telle présomption est contraire au libellé des revendications.

Analyse des revendications au dossier

La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes pertinentes

[18] La lettre de révision préliminaire, aux pages 3 à 5, indique ce qui suit à l’égard de l’identité de la personne versée dans l’art et de ses connaissances générales courantes escomptées :

[traduction]

À la page 4, la décision finale identifie la personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes pertinentes :

La personne versée dans l’art est considérée être un chimiste médical ou un médecin qui connaît le traitement de l’insomnie. Elle serait consciente des critères diagnostiques pour l’insomnie de divers types, des mesures cliniques courantes de la gravité de l’insomnie et de l’utilisation d’approches pharmacologiques pour traiter l’insomnie. En particulier, elle reconnaîtrait que les symptômes qui comprennent le réveil précoce d’une période de sommeil sont courants pour un large éventail de formes d’insomnie (voir D4, D5 et les par. 2 et 3 de la demande en instance).

La réponse à la décision finale ne conteste pas et ne commente pas ces caractérisations. Après avoir examiné le mémoire descriptif et les références qui y sont citées, nous considérons que la caractérisation de la personne versée dans l’art présentée dans la décision finale est raisonnable, et nous l’adoptons donc dans la présente révision.

En ce qui a trait aux connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, la décision finale fait référence aux critères diagnostiques pour diverses formes d’insomnie mentionnées aux par.2 et 3 de la description, ainsi qu’enseignées dans les documents de l’art antérieur D4 et D5 :

D4 : Edinger et coll., « Derivation of Research Diagnostic Criteria for Insomnia: Report of an American Academy of Sleep Medicine Work Group », Sleep, vol. 27, no 8, pages 1567 à 1596, 2004.

D5 : International Statistical Classification of Diseases and Related Health Problems, 10e Révision, version pour 2007, Organisation mondiale de la Santé, chapitres V et VI, récupéré à partir de : https://web.archive.org/web/20070607010958/http://www.who.int/classifications/apps/icd/icd10online/

Après avoir examiné le mémoire descriptif en question, ainsi que les documents D4 et D5, notre opinion préliminaire est que la caractérisation ci-dessus des connaissances générales courantes est raisonnable. Conformément aux enseignements de la description aux par. 2 et 3, D4 et D5 décrivent l’insomnie comme une maladie de quantité ou qualité insatisfaisante de sommeil chez les patients qui signalent de la difficulté à s’endormir, de la difficulté à maintenir leur sommeil et qui se réveillent trop tôt. Ces symptômes sont en général connus et acceptés sans question par la grande majorité de ceux qui participent aux arts particuliers de la chimie médicinale, de la médecine et du traitement de l’insomnie à la date de revendication : Eli Lilly & Co c. Apotex Inc, 2009 CF 991, au par. 97, conf. par 2010 CAF 240.

Bien que la détermination des connaissances générales courantes ait été fournie dans le contexte de l’analyse de l’évidence, notre opinion préliminaire est que les éléments indiqués ci-dessus étaient également des connaissances générales courantes pertinentes à la date de publication de la demande en instance.

De plus, selon certains points dans la description, notre opinion préliminaire est que les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art comprendraient également ce qui suit :

·la polysomnographie est un test diagnostique au cours duquel un certain nombre de variables physiologiques sont mesurées et enregistrées au cours du sommeil (par. 0028);

·les mesures courantes du sommeil, y compris l’heure de réveil pendant le sommeil, l’heure de réveil après le sommeil, le réveil après l’endormissement, la latence avant le sommeil persistant, le temps de sommeil total et l’efficience du sommeil, sont fondées sur les conclusions polysomnographiques (par. 0028 à 0034);

·le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, quatrième édition (DSM-IV) est un système de classification international avec des critères diagnostiques déterminés pour l’insomnie (par. 0122);

·les formulations pharmaceutiques et le traitement pharmacologique de l’insomnie (par. 0005 et 0077 à 0093).

[19] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons la caractérisation ci-dessus de la personne versée dans l’art et des connaissances générales courantes pertinentes aux fins de notre analyse finale.

Les revendications au dossier

[20] Il y a 29 revendications au dossier. Les revendications 1, 5, 9, 11, 14, 16, 18, 22, 26 et 28 sont des revendications indépendantes. La lettre de révision préliminaire, aux pages 5 et 6, exprime l’opinion préliminaire que les revendications 1 et 18 sont représentatives des revendications indépendantes. Les revendications indépendantes 1 et 18 sont les suivantes :

[traduction]

  1. Utilisation de doxépine ou d’un sel acceptable sur le plan pharmaceutique de celle-ci dans une dose de 6 mg pour le traitement de l’insomnie de maintien du sommeil caractérisée par des réveils précoces au cours de la huitième heure de sommeil chez un patient que l’on détermine comme ayant un trouble du sommeil où, pour une période de huit heures donnée de sommeil voulu, le patient fait l’expérience d’une période de sommeil qui prend fin au cours des 60 dernières minutes de ladite période.

  1. Utilisation de doxépine ou d’un sel acceptable sur le plan pharmaceutique de celle-ci dans une dose de 6 mg dans la préparation d’un médicament pour l’utilisation dans le traitement de l’insomnie de maintien du sommeil caractérisée par des réveils précoces au cours de la huitième heure de sommeil chez un patient ayant un trouble du sommeil où, pour une période de huit heures donnée de sommeil voulu, le patient fait l’expérience d’une période de sommeil qui prend fin au cours des 60 dernières minutes de ladite période.

[21] Les revendications indépendantes 5 et 22 visent la même utilisation que les revendications 1 et 18, respectivement, mais avec une dose de 3 mg et le patient étant caractérisé également comme âgé. Dans le même ordre d’idées, les revendications indépendantes 9, 11, 14, 16, 26 et 28 visent l’utilisation de doxépine à une dose de 6 mg ou 3 mg pour un patient âgé afin de traitement l’insomnie caractérisée par un symptôme différent.

[22] Les revendications dépendantes 2 à 4, 6 à 8, 10, 12, 13, 15, 17, 19 à 21, 23 à 25, 27 et 29 définissent d’autres limitations pour le moment de la fin de la période de sommeil (revendications 2, 3, 6, 7, 19, 20, 23 et 24), la forme de doxépine (revendications 4, 8, 10, 13, 15, 17, 21, 25, 27 et 29) et la durée de l’insomnie (revendication 12).

[23] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons la caractérisation précédente des revendications 1 et 18 comme étant représentative des revendications indépendantes. Dans le même ordre d’idées, nous adoptons la caractérisation ci-dessus des revendications dépendantes 2 à 4, 6 à 8, 10, 12, 13, 15, 17, 19 à 21, 23 à 25, 27 et 29 comme fournissant d’autres limitations à l’égard du moment de la fin de la période de sommeil, de la forme de doxépine et de la durée de l’insomnie.

Éléments essentiels

[24] La lettre de révision préliminaire, à la page 6, indique ce qui suit à l’égard des éléments dans les revendications que la personne versée dans l’art considérerait comme essentiels :

[traduction]

En ce qui a trait au libellé des revendications, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art lisant les revendications 1 à 29 dans le contexte du mémoire descriptif dans son ensemble, et tenant compte de ses connaissances générales courantes, comprendrait qu’il n’y a rien dans le libellé des revendications qui indique que l’un des éléments est optionnel, préféré ou autrement destiné à être non essentiel. De plus, rien dans le dossier dont nous sommes saisis n’indique que l’un des éléments des revendications est non essentiel. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la personne versée dans l’art considérerait tous les éléments des revendications comme étant essentiels.

[25] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons la détermination précédente des éléments des revendications qui sont essentiels pour cette recommandation.

Les revendications sont-elles antériorisées?

[26] Nous estimons que les revendications 1 à 7, 9, 11, 13, 14, 16 à 24, 26, 28 et 29 au dossier définissent un objet qui était disponible au public avant la date revendiquée.

Contexte juridique

[27] Le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué soit nouveau :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

a) soit plus d’un an avant la date de dépôt de celle-ci, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d’une autre personne, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

[…]

[28] Dans Apotex Inc c. Sanofi–Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61, aux par. 24 à 29 [Sanofi], la Cour suprême du Canada clarifie qu’il y a deux exigences distinctes qui doivent être satisfaites afin de démontrer qu’un document de l’art antérieur anticipe une invention revendiquée : la divulgation antérieure et le caractère réalisable.

[29] L’exigence de la divulgation antérieure signifie que l’art antérieur doit divulguer l’objet qui, s’il est réalisé, entraînerait nécessairement une contrefaçon de l’invention telle que revendiquée. Il n’est pas nécessaire que la personne qui réalise l’objet sache qu’elle fait une contrefaçon : Sanofi, au par. 25, citant une référence de Synthon B.V. c. SmithKline Beecham plc, [2006] 1 All E.R. 685 [2005] UKHL 59 [Synthon], au par. 22 :

[…] peu importe que cela aurait sauté ou non aux yeux de quiconque au moment considéré, lorsque ce qui est décrit dans la divulgation antérieure est réalisable et une fois réalisé, contreferait nécessairement le brevet, la condition de la divulgation antérieure est remplie.

[30] De plus, à cette étape, les essais successifs de la part de la personne versée dans l’art sont exclus. L’art antérieur se lit simplement « pour en comprendre la teneur » : voir Sanofi, au par. 25, citant Synthon.

[31] L’exigence liée au caractère réalisable signifie que la personne versée dans l’art aurait été en mesure de réaliser l’invention telle que revendiquée sans trop de difficultés. Contrairement à l’étape de la divulgation antérieure, à cette étape on suppose que la personne versée dans l’art est prête à faire une expérimentation par essais successifs pour y parvenir : voir Sanofi, aux par. 26 et 27.

Analyse des revendications

[32] La lettre de révision préliminaire, aux pages 7 et 8, identifie les documents de l’art antérieur qui ont été cités dans la décision finale, ainsi que trois documents de l’art antérieur supplémentaires considérés comme pertinents pour l’évaluation de l’antériorité :

[traduction]

À la page 3, la décision finale cite les documents suivants comme art pertinent :

D1 : Hsu, T. et coll., Sleep, 28, Abstract Supplement A50, 2005

D2 : Kavey, N.B. US 6 211 229 3 avril 2001 (2001-04-03)

D3 : Kavey, N.B. US 5 643 897 1er juillet 1997 (1997-07-01)

Bien que nous soyons d’accord que les documents D1 à D3 constituent un art applicable, nous avons récupéré trois documents de l’art antérieur supplémentaires que nous considérons comme pertinents à l’évaluation de l’antériorité des revendications au dossier et, conformément au paragraphe 86(9) des Règles sur les brevets, nous avisons maintenant le Demandeur de ces documents :

D6 : Communiqué de presse de Somaxon Pharmaceuticals, « Somaxon Pharmaceuticals Announces Positive Results in a Phase II Dose-Finding Study of Low-Dose Doxepin in Elderly Patients with Primary Sleep Maintenance Insomnia », 21 avril 2005, récupéré de : https://web.archive.org/web/20061117003844/http://www.somaxon.com/media/pdf/press2005/DoxelderlyP2_PR_4-21-05.pdf.

D7 : Communiqué de presse de Somaxon Pharmaceuticals, « Somaxon Pharmaceuticals, Inc. Initiates Phase III Clinical Trials of SILENORTM in Patients with Insomnia », 9 juin 2005, récupéré à partir de : https://web.archive.org/web/20061117003848/http://www.somaxon.com/media/pdf/press2005/PhaseIII_Adult_Study_PR.pdf.

D8 : Communiqué de presse de Somaxon Pharmaceuticals, « Somaxon Pharmaceuticals Announces Positive Phase 3 Results with SILENORTM for the Treatment of Adults with Chronic Insomnia », 10 avril 2006, récupéré à partir de : https://web.archive.org/web/20060624181504/http://somaxon.com/media/pdf/press2006/SOMX_Silenor_Adult_P3_News_Release_4-10-06.pdf

D6, divulgation et caractère réalisable

[33] La lettre de révision préliminaire, aux pages 8 à 10, explique que, selon notre opinion préliminaire, les revendications 1 à 3, 5 à 7, 9, 11, 14, 16, 18 à 20, 22 à 24, 26 et 28 sont divulguées et leur caractère réalisable est établi par D6 :

[traduction]

D6, exigence de la divulgation

D6 divulgue les résultats d’une étude de phase II pour déterminer la posologie de la doxépine à faible dose chez les patients âgés atteints d’insomnie de maintien du sommeil primaire. Comparativement au placebo, la doxépine à 1 mg, 3 mg et 6 mg a démontré des améliorations statistiquement significatives dans divers paramètres, y compris la polysomnographie, le temps de réveil pendant le sommeil, le réveil après l’endormissement, l’efficacité du sommeil et le temps total de sommeil.

Comme il est indiqué ci-dessus, l’insomnie est une maladie caractérisée par une quantité ou qualité insatisfaisante de sommeil chez les patients qui signalent de la difficulté à s’endormir, de la difficulté à maintenir leur sommeil et qui se réveillent trop tôt. Tenant compte de cela, la décision finale affirme aux pages 3 et 4 que le traitement de l’insomnie de maintien du sommeil comporterait de façon inhérente le traitement des symptômes de l’insomnie, y compris ceux englobés par les revendications :

Dans le même ordre d’idées, le traitement de l’insomnie de maintien du sommeil serait compris comme comportant, de façon inhérente, le traitement des réveils précoces ou du sommeil fragmenté au cours de la huitième heure de sommeil puisque de tels symptômes sont communément associés à l’insomnie de maintien du sommeil.

La réponse à la décision finale, aux pages 2 et 3, n’est pas d’accord avec cette évaluation et affirme que les revendications visent le traitement de l’insomnie de maintien du sommeil associée à des troubles du sommeil particuliers qui sont distincts de patients souffrants du maintien du sommeil en général :

L’insomnie de maintien du sommeil à traiter est associée aux troubles du sommeil particuliers suivants chez les patients :

le trouble du sommeil chez un patient qui subit une période de sommeil prenant fin au cours des 60 dernières minutes d’une période de huit heures donnée de sommeil voulu (revendications 1, 5, 18 et 22);

le trouble du sommeil chez un patient qui indique souffrir d’un sommeil fragmenté au cours de la huitième heure d’une période de sommeil (revendications 9, 11, 26 et 28);

le trouble du sommeil chez un patient qui indique souffrir d’une déficience de sommeil associée à un ou plusieurs des paramètres suivants : latence au sommeil persistent, réveil après l’endormissement, temps de sommeil total, temps de réveil total, efficience du sommeil, latence au sommeil de deuxième stade, heure de réveil au cours du sommeil ou heure de réveil après le sommeil au cours des 60 dernières minutes d’une période de sommeil de huit heures voulue (revendications 14 et 16).

[…]

Dans son rapport, l’examinateur affirme que la réduction de l’efficience moyenne du sommeil à la huitième heure pour les patients qui ont reçu un placebo indique en fait que les réveils précoces et le sommeil fragmenté sont un symptôme inhérent de l’insomnie de maintien du sommeil. Cependant, le Demandeur n’est pas d’accord, en tout respect. Le tableau 8 de la présente demande indique que les patients qui reçoivent un placebo avant un large éventail d’efficiences du sommeil au cours de la huitième heure, d’une efficience aussi faible que 0 % à une efficience de 100 %. De plus, l’efficience du sommeil médiane pour les patients recevant un placebo dans cet essai était de 94,2 % au cours de la huitième heure. Ainsi, ces données démontrent clairement qu’il ne s’agit pas d’une caractéristique inhérente que tous les patients atteints d’insomnie ont une faible efficience du sommeil au cours de la huitième heure de sommeil. Plutôt, la moitié des patients traités par placebo dans l’essai avait une efficience du sommeil d’au moins 94,2 % au cours de la huitième heure.

Par conséquent, le groupe de patients atteints des troubles du sommeil particulièrement revendiqués i), ii) et iii) mentionnés ci-dessus est distinct des patients atteints du maintien du sommeil en général. [soulignement dans l’original]

Le résumé des motifs, à la page 2, conteste l’interprétation que le groupe de patients souffrant des troubles du sommeil revendiqués est distinct de ceux souffrant de l’insomnie de maintien du sommeil, affirmant que la définition des symptômes qui sont inhérents à un trouble donné n’entraîne pas le traitement d’une population distincte de patients.

Nous sommes d’accord avec l’évaluation dans la décision finale et le résumé des motifs que les symptômes de réveil précoce et de sommeil fragmenté au cours de la huitième heure de sommeil sont associés à l’insomnie de maintien du sommeil. Ces symptômes sont englobés par les critères diagnostiques de l’insomnie primaire du DSM-IV qui comprennent la difficulté à s’endormir et à maintenir le sommeil, le réveil trop tôt ou un sommeil non réparateur. Il s’en suit que le traitement de l’insomnie de maintien du sommeil tel que divulgué dans D6 englobe le traitement des patients avec ces symptômes.

De plus, il n’importe pas de savoir si ces symptômes sont particulièrement divulgués ou non comme étant traités dans D6. Pour satisfaire à l’exigence de divulgation, D6 n’a pas à être une « description exacte » de l’invention revendiquée, mais doit divulguer l’objet qui, si réalisé, entraînerait nécessairement une contrefaçon des revendications si la demande en instance se voyait subséquemment accorder un brevet.

En suivant la divulgation de D6, la personne versée dans l’art serait menée à utiliser 3 mg de doxépine pour traiter des patients âgés atteints d’insomnie de maintien du sommeil primaire, une population qui comprend nécessairement, sans toutefois s’y limiter, les patients atteints d’insomnie de maintien du sommeil caractérisée par des réveils précoces et un sommeil fragmenté à la huitième heure de sommeil. Par conséquent, bien que cela n’ait pas été reconnu dans D6, le traitement des patients âgés atteints d’insomnie de maintien du sommeil primaire entraînerait nécessairement le traitement des réveils précoce et du sommeil fragmenté à la huitième heure de sommeil chez les patients qui subissent ces symptômes. Cela correspond aux enseignements de D7 qui confirment que les données supplémentaires de l’essai de phase II de D6 démontrent que la doxépine à faible dose produisait des améliorations statistiquement significatives dans l’efficience du sommeil aux septième et huitième heures.

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que D6 divulgue un objet qui, s’il est réalisé par la personne versée dans l’art, entraînerait nécessairement la contrefaçon des revendications 1 à 3, 5 à 7, 9, 11, 14, 16, 18 à 20, 22 à 24, 26 et 28 si un brevet devait être accordé pour l’objet revendiqué.

Cependant, D6 ne divulgue pas l’utilisation de la doxépine pour traiter l’insomnie transitoire chez un quelconque patient ou que la forme posologique de doxépine est une formulation de comprimé oral. Par conséquent, notre opinion préliminaire est que D6 ne divulgue pas l’objet des revendications 4, 8, 10, 12, 13, 15, 17, 21, 25, 27 et 29.

D6, exigence de la divulgation

D6 divulgue l’utilisation de la doxépine dans une dose de 3 mg pour traiter les patients âgés atteints d’insomnie de maintien du sommeil primaire, ce qui comprend les patients ayant des symptômes de réveils précoces et d’un sommeil fragmenté à la huitième heure de sommeil. Notre opinion préliminaire est que ces enseignements permettraient à la personne versée dans l’art de mettre en pratique l’objet des revendications 1 à 3, 5 à 7, 9, 11, 14, 16, 18 à 20, 22 à 24, 26 et 28 sans difficulté ou nécessitant une expérimentation indue.

À la lumière de ce qui précède, notre opinion préliminaire est que les revendications 1 à 3, 5 à 7, 9, 11, 14, 16, 18 à 20, 22 à 24, 26 et 28 sont antériorisées par D6 et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets.

Puisque l’exigence de divulgation n’est pas satisfaite à l’égard de l’objet des revendications 4, 8, 10, 12, 13, 15, 17, 21, 25, 27 et 29, il n’est pas nécessaire d’évaluer le caractère réalisable de ces revendications.

D8, divulgation et caractère réalisable

[34] La lettre de révision préliminaire, aux pages 11 et 12, explique que, selon notre opinion préliminaire, les revendications 1 à 4, 13, 16 à 21, 28 et 29 sont divulguées et ont leur caractère réalisable établi par D8 :

[traduction]

D8, exigence de la divulgation

D8 divulgue les résultats d’une étude de phase 3 pour la sécurité et l’efficacité d’une formulation de comprimé oral de 3 mg et de 6 mg de doxépine chez les adultes atteints d’insomnie primaire chronique conformément à la définition du DSM-IV. Des résultats statistiquement significatifs à l’extrémité primaire, au réveil après l’endormissement défini par polysomnographie, ont été observés aux deux doses pour tous les points dans le temps. Des améliorations statistiquement significatives dans le temps de sommeil total et l’efficience du sommeil ont également été observées. De plus, dans une analyse au tiers de la nuit, la doxépine à ces doses a démontré, en général, une amélioration statistiquement significative dans l’efficience du sommeil dans le tiers final de la nuit.

Comme il est indiqué ci-dessus, l’insomnie est une maladie caractérisée par une quantité ou qualité insatisfaisante de sommeil chez les patients qui signalent de la difficulté à s’endormir, de la difficulté à maintenir leur sommeil et qui se réveillent trop tôt. Les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art comprendraient les symptômes de réveil précoce et de sommeil fragmenté au cours de la huitième heure de sommeil comme étant associés à l’insomnie de maintien du sommeil. Il s’en suit que le traitement de l’insomnie de maintien du sommeil tel que divulgué dans D8 englobe le traitement des patients avec ces symptômes.

De plus, il n’importe pas de savoir si ces symptômes sont particulièrement divulgués ou non comme étant traités dans D8. Pour satisfaire à l’exigence de divulgation, D8 n’a pas à être une « description exacte » de l’invention revendiquée, mais doit divulguer l’objet qui, si réalisé, entraînerait nécessairement une contrefaçon des revendications si la demande en instance se voyait subséquemment accorder un brevet.

En suivant la divulgation de D8, la personne versée dans l’art serait menée à utiliser une formulation de comprimé oral de 6 mg de doxépine pour traiter des patients adultes atteints d’insomnie primaire chronique, une population qui comprend nécessairement, sans toutefois s’y limiter, les patients atteints d’insomnie de maintien du sommeil caractérisée par des réveils précoces et un sommeil fragmenté à la huitième heure de sommeil. Par conséquent, bien que cela n’ait pas été reconnu dans D8, le traitement des patients adultes atteints d’insomnie primaire chronique entraînerait nécessairement le traitement des réveils précoce et du sommeil fragmenté à la huitième heure de sommeil chez les patients qui subissent ces symptômes. Cela correspond à l’observation que la doxépine à faible dose produisait des améliorations statistiquement significatives dans le réveil après l’endormissement à tout point dans le temps.

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que D8 divulgue un objet qui, s’il est réalisé par la personne versée dans l’art, entraînerait nécessairement la contrefaçon des revendications 1 à 4, 11, 13, 16 à 21, 28 et 29 si un brevet devait être accordé pour l’objet revendiqué.

Cependant, D8 ne divulgue pas l’utilisation de la doxépine pour traiter l’insomnie chronique chez les patients âgés ou son utilisation pour traiter l’insomnie transitoire chez tout patient. Par conséquent, notre opinion préliminaire est que D8 ne divulgue pas l’objet des revendications 5 à 10, 12, 14, 15 et 22 à 27.

D8, exigence de la divulgation

D8 divulgue l’utilisation d’une formulation de comprimé oral de doxépine à une dose de 6 mg pour traiter les patients adultes atteints d’insomnie primaire conformément au DSM-IV. Comme il est indiqué ci-dessus, cette population comprend nécessairement les patients ayant des symptômes de réveils précoces et d’un sommeil fragmenté à la huitième heure de sommeil. Notre opinion préliminaire est que ces enseignements permettraient à la personne versée dans l’art de mettre en pratique l’objet des revendications 1 à 4, 11, 13, 16 à 21, 28 et 29 sans difficulté ou nécessitant une expérimentation indue.

À la lumière de ce qui précède, notre opinion préliminaire est que les revendications 1 à 4, 11, 13, 16 à 21, 28 et 29 sont antériorisées par D8 et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets.

Puisque l’exigence de divulgation n’est pas satisfaite à l’égard de l’objet des revendications 5 à 10, 12, 14, 15 et 22 à 27, il n’est pas nécessaire d’évaluer le caractère réalisable de ces revendications.

[35] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons le raisonnement précédent et concluons que les revendications 1 à 3, 5 à 7, 9, 11, 14, 16, 18 à 20, 22 à 24, 26 et 28 sont antériorisées par D6 et que les revendications 1 à 4, 11, 13, 16 à 21, 28 et 29 sont antériorisées par D8 et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets.

Les revendications sont-elles évidentes?

[36] Nous estimons que les revendications au dossier définissent un objet qui aurait été évident à la personne versée dans l’art compte tenu des renseignements qui étaient publiquement disponibles avant la date de revendication.

Contexte juridique

[37] L’article 28.3 de Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident pour la personne versée dans l’art :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

  • a) qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

  • b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[38] Dans Sanofi, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, lorsqu’il s’agit d’évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes reproduite ci-dessous :

(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituentelles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotentelles quelque inventivité?

Analyse des revendications

[39] La lettre de révision préliminaire, aux pages 13 à 16, explique que, selon notre opinion préliminaire, les revendications au dossier définissent un objet qui aurait été évident pour la personne versée dans l’art compte tenu de l’art antérieur cité et des connaissances générales courantes pertinentes :

[traduction]

La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes pertinentes

La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes ont été définies dans le cadre de l’interprétation téléologique des revendications. Bien que dans ce contexte les renseignements formant les connaissances générales courantes sont identifiés par la date de publication, ces renseignements sont également considérés comme des connaissances générales courantes à la date de revendication et sont donc pertinents pour évaluer l’évidence.

Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

À la page 5, la décision finale identifie un concept inventif commun qui lie les revendications : « le concept inventif des revendications est l’utilisation de 3 ou 6 mg de doxépine pour traiter l’insomnie de maintien du sommeil entraînant des perturbations dans l’efficience du sommeil à la huitième heure d’une période de sommeil ».

La réponse à la décision finale ne conteste pas et ne commente pas cette caractérisation. Cependant, en réfutant l’évidence des revendications, la réponse à la décision finale aux pages 2 et 3 affirme qu’aucun art antérieur cité ne divulgue l’utilisation de doxépine d’une dose de 3 mg ou 6 mg pour traiter l’insomnie de maintien du sommeil qui est associée aux troubles du sommeil particuliers tels que revendiqués.

Comme il en a été question ci-dessus, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la personne versée dans l’art considérerait tous les éléments des revendications comme étant essentiels et ils devraient donc être représentés dans les concepts inventifs des revendications. Par conséquent, aux fins de cette évaluation, nous tenons compte de l’ensemble des éléments essentiels des revendications. Notre opinion préliminaire est que la combinaison des éléments essentiels des revendications représente également les concepts inventifs.

Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

Aux fins de l’antériorité, nous avons déjà déterminé ce qui a été divulgué et enseigné par D6 et D8.

En ce qui a trait à D7, nous avons déjà déterminé que D7 divulgue que la doxépine à faible dose produisait des améliorations statistiquement significatives dans l’efficience du sommeil aux septième et huitième heures chez les patients âgés. Nous notons également que D7 divulgue que cette amélioration, laquelle a été réalisée sans démontrer de dégradation dans les mesures de la sédation résiduelle du jour suivant par rapport au placebo, a été également observée chez les patients adultes.

Notre opinion préliminaire est que la principale différence entre le concept inventif des revendications et l’un des documents D6 et D8 repose dans les troubles du sommeil particuliers tels que revendiqués. Bien que D7 divulgue qu’une faible dose de doxépine produit une augmentation de l’efficience du sommeil au cours de l’heure finale d’une période de sommeil de huit heures, il n’est pas connu si cette amélioration est en raison de la prévention du réveil précoce, de la prévention du sommeil fragmenté ou des deux.

D’autres différences par rapport à l’art antérieur cité comprennent l’utilisation d’une faible dose de doxépine pour traiter l’insomnie transitoire chez les adultes et l’utilisation d’une formulation de comprimé oral de doxépine pour traiter l’insomnie chez les patients âgés.

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituentelles des étapes évidentes pour la personne versée dans lart ou dénotentelles quelque inventivité?

Bien que la Cour, dans Sanofi, prévoit une approche à quatre étapes pour aborder la question de l’évidence, il est important de se souvenir que l’analyse de l’évidence se préoccupe de savoir si rapprocher la différence entre l’art antérieur et un second point constitue des étapes qui nécessitent un degré quelconque d’inventivité : Société BristolMyers Squibb Canada c. Teva Canada Limitée, 2017 CAF 76, au par. 65 :

Il pourrait être utile de garder à l’esprit que l’analyse de l’évidence vise à vérifier si la personne versée dans l’art peut rapprocher deux points dans le perfectionnement de la technique en se fondant uniquement sur ses connaissances générales courantes. Si tel est le cas, il y a évidence. Le premier de ces points concerne l’état de la technique à la date pertinente. Dans la jurisprudence, les mentions de l’« idée originale », du « concept inventif », de la « solution enseignée par le brevet », de « ce qui est revendiqué » ou simplement de « l’invention » tentent de définir le second point.

Compte tenu de ce qui précède, et dans le contexte de ce cas-ci, ce qui doit être considéré à cette étape est de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art, selon les divulgations de D6 à D8 et ses connaissances générales courantes, que l’utilisation de faibles doses de doxépine pour traiter l’insomnie de maintien du sommeil à la huitième heure de sommeil divulguée par ces documents suggère que la doxépine améliorerait les symptômes du réveil précoce et du sommeil fragmenté au cours de la huitième heure de sommeil. Notre opinion préliminaire est que cette différence aurait été évidente compte tenu de D6 ou D8, au vu de D7 et des connaissances générales courantes pertinentes.

Comme il est expliqué ci-dessus, l’insomnie est une maladie caractérisée par une quantité ou qualité insatisfaisante de sommeil chez les patients qui signalent de la difficulté à s’endormir, de la difficulté à maintenir leur sommeil et qui se réveillent trop tôt. Les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art comprendraient les symptômes de réveil précoce et de sommeil fragmenté au cours de la huitième heure de sommeil comme étant associés à l’insomnie de maintien du sommeil. À cet égard, il a déjà été remarqué que D7 divulgue que la doxépine à faible dose produisait des améliorations statistiquement significatives dans l’efficience du sommeil aux septième et huitième heures chez les patients adultes et agés. Cela signifie qu’une amélioration du temps de sommeil total a été observée à la huitième heure de sommeil. Notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art estimerait qu’une amélioration dans le temps de sommeil total au cours de l’heure finale de sommeil pourrait seulement être réalisée en prévenant les réveils précoces ou le sommeil fragmenté. Par conséquent, notre opinion préliminaire est qu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art de traiter les patients atteints d’insomnie de maintien du sommeil caractérisée par l’un de ces symptômes compte tenu de D7 et des connaissances générales courantes pertinentes.

De plus, notre opinion préliminaire est qu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art d’utiliser une formulation de comprimé oral de 3 mg de doxépine pour traiter l’insomnie chez les patients âgés puisque D8 divulgue que cette formulation particulière de doxépine a été utilisée pour traiter l’insomnie de maintien du sommeil chez des patients adultes.

Enfin, notre opinion préliminaire est qu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art d’utiliser de la doxépine dans une dose de 6 mg pour traiter les patients atteints d’insomnie de maintien du sommeil transitoire caractérisée par un sommeil fragmenté au cours de la huitième heure de sommeil compte tenu des enseignements de D8. En particulier, D8 divulgue que cette dose de doxépine a démontré d’importantes améliorations à l’extrémité primaire, le réveil après l’endormissement, pour tous les points dans le temps, ainsi que des améliorations statistiquement significatives dans l’efficience du sommeil au tiers final de la nuit chez les patients atteints d’insomnie primaire chronique. De plus, D8 divulgue que cette dose de doxépine était bien tolérée, que les effets secondaires étaient comparables à ceux du placebo, qu’il n’y avait aucune différence statistiquement significative comparativement au placebo dans les mesures résiduelles le jour suivant et qu’aucun effet de dégradation de la mémoire et aucun effet anticholinergique n’ont été observés. Par conséquent, notre opinion préliminaire est que, compte tenu des résultats positifs et de l’absence d’effets d’amnésie, anticholinergiques et résiduels le jour suivant, aucun degré d’inventivité n’aurait été requis de la part de la personne versée dans l’art pour utiliser de la doxépine tel que divulgué dans D8 pour traiter les patients atteints d’insomnie transitoire.

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que les différences entre les concepts inventifs des revendications au dossier et de D6 ou D8, compte tenu de D7, ne sont pas des étapes qui nécessiteraient un quelconque degré d’inventivité de la part de la personne versée dans l’art compte tenu de ses connaissances générales courantes.

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que les revendications au dossier définissent un objet qui aurait été évident pour la personne versée dans l’art, à la date pertinente, compte tenu de D6 ou D8, au vu de D7 et de ses connaissances générales courantes, et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[40] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons le raisonnement précédent et concluons que les revendications au dossier définissent un objet qui aurait été évident pour la personne versée dans l’art, à la date pertinente, compte tenu de D6 ou D8, au vu de D7 et de ses connaissances générales courantes, et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 sont-elles indéfinies?

[41] Nous sommes d’avis que les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 au dossier sont indéfinies.

Contexte juridique

[42] Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[43] Dans Minerals Separation North American Corp v. Noranda Mines Ltd, [1947] RC de l’É 306, à la page 352, 12 CPR 99, la Cour a souligné l’obligation d’un demandeur de préciser dans les revendications la portée du monopole recherché, ainsi que l’exigence selon laquelle les termes utilisés dans les revendications sont clairs et précis :

[traduction]

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Analyse des revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22

[44] La lettre de révision préliminaire, aux pages 17 et 18, explique notre opinion préliminaire que les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 au dossier sont indéfinies :

[traduction]

La décision finale, à la page 6, indique également que les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 sont indéfinies en raison d’une irrégularité liée à la clarté :

Les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 sont indéfinies, de manière qu’elles ne soient pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. Dans chacune des revendications ci-dessus, le trouble à traiter est identifié à la fois sur le plan d’une pathologie qui est « caractérisée » par certains symptômes et sur le plan des patients qui ont « déterminé » avoir des troubles avec certains symptômes. Cela entraîne un filet complexe de dispositions restrictives qui obscurcissent le trouble actuel à traiter et les éléments dudit trouble sont importants.

La réponse à la décision finale ne conteste pas et ne commente pas ces irrégularités. Plutôt, la réponse à la décision finale propose des modifications aux revendications pour supprimer les expressions qui sont considérées comme caractérisant le trouble à traitersur le plan de pathologie. Le résumé des motifs est d’accord que ces modifications proposées corrigeraient les préoccupations soulevées dans la décision finale et rendraient la revendication claire.

Après avoir examiné les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22, nous sommes d’accord que les irrégularités liées à la clarté cernées dans la décision finale sont présentes. Par conséquent notre opinion préliminaire est que les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[45] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons le raisonnement précédent et concluons que les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Les revendications proposées ne corrigent pas les irrégularités

[46] Comme il est indiqué ci-dessus, avec la réponse à la décision finale, le Demandeur a présenté les revendications proposées 1 à 29. Selon la page 2 de la réponse à la décision finale, les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 ont été modifiées pour corriger l’irrégularité liée à la clarté.

[47] La lettre de révision préliminaire, à la page 18, explique notre opinion préliminaire que les revendications proposées 1, 5, 9, 11, 18 et 22 sont conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, mais que les revendications proposées ne corrigent pas les irrégularités liées à l’antériorité ou à l’évidence :

[traduction]

Nous convenons que l’objet des revendications proposées 1, 5, 9, 11, 18 et 22 serait conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Cependant, puisque les revendications proposées 1 à 29 sont identiques aux revendications 1 à 29 au dossier à l’exception des modifications pour corriger les irrégularités liées à la clarté aux revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22, notre opinion préliminaire est qu’elles partagent les mêmes éléments essentiels et concepts inventifs qui ont déjà été cernés à l’égard des revendications 1 à 29 au dossier.

Par conséquent, en ce qui a trait à l’irrégularité liée à l’antériorité cernée ci-dessus pour les revendications 1 à 7, 9, 11, 13, 14, 16 à 24, 26, 28 et 29 au dossier, puisqu’il n’y a aucune différence significative entre les revendications, notre opinion préliminaire est que les revendications proposées 1 à 7, 9, 11, 13, 14, 16 à 24, 26, 28 et 29 ne seraient pas conformes à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets pour les mêmes raisons fournies pour les revendications 1 à 7, 9, 11, 13, 14, 16 à 24, 26, 28 et 29 au dossier.

Dans le même ordre d’idées, en ce qui a trait à l’irrégularité liée à l’évidence cernée ci-dessus pour les revendications 1 à 29 au dossier, puisqu’il n’y a aucune différence significative entre les revendications, notre opinion préliminaire est que les revendications proposées 1 à 29 ne seraient pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets pour les mêmes raisons fournies pour les revendications 1 à 29 au dossier.

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que les modifications proposées ne satisfont pas aux exigences d’une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

[48] En l’absence d’observations de la part du Demandeur, nous adoptons le raisonnement précédent et concluons que les modifications proposées ne satisfont pas aux exigences d’une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Conclusions

[49] Nous avons déterminé que les revendications 1 à 7, 9, 11, 13, 14, 16 à 24, 26, 28 et 29 sont antériorisées et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets et que les revendications 1 à 29 sont évidentes et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[50] Nous avons également déterminé que les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[51] Nous estimons que les revendications proposées présentées avec la réponse à la décision finale ne corrigent pas les irrégularités liées à l’antériorité ou à l’évidence et ne sont donc pas considérées comme une modification nécessaire aux fins de conformité avec la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.


Recommandation de la Commission

[52] Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande que la demande soit rejetée pour les motifs suivants :

  • les revendications 1 à 7, 9, 11, 13, 14, 16 à 24, 26, 28 et 29 sont antériorisées et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets;

  • les revendications 1 à 29 sont évidentes et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

  • les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

 

 

 

 

 

Christine Teixeira

Marcel Brisebois

Owen Terreau

Membre

Membre

Membre


 


Décision du commissaire

[53] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande pour les motifs suivants :

· les revendications 1 à 7, 9, 11, 13, 14, 16 à 24, 26, 28 et 29 sont antériorisées et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.2(1)a) de la Loi sur les brevets;

· les revendications 1 à 29 sont évidentes et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

· les revendications 1, 5, 9, 11, 18 et 22 sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[54] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

 

 

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec)

en ce 30e jour de décembre 2022

 

 

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