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Référence : The Proctor & Gamble Company (Re), 2022 CACB 23

Décision du commissaire n1630

Commissioner’s Decision # 1630

Date : 2022-11-23

SUJET :

O00

 

Évidence

 

 

 

 

TOPIC:

O00

 

Obviousness

 

 

 

 

 

 


Demande no 2 953 250

Application No.: 2,953,250


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 86(3) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251) (les « Règles sur les brevets »), la demande de brevet numéro 2 953 250 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont d’annuler le refus de la demande et d’accepter cette dernière.

Agent du Demandeur :

TORYS LLP

79, RUE WELLINGTON OUEST

30E ÉTAGE

CASE POSTALE 270, TD SOUTH TOWER

TORONTO (Ontario) M5K 1N2


 


Introduction

[1] Cette recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 953 250 (la « demande en instance »), qui est intitulée « INSTRUMENT DE SOINS BUCCO-DENTAIRES AYANT UN ÉLÉMENT DE COMMUNICATION DE COULEUR » et appartient à THE PROCTOR & GAMBLE COMPANY (le « Demandeur »). La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 86(7)c) des Règles sur les brevets. Comme il est indiqué plus en détail ci-dessous, la Commission recommande que la commissaire aux brevets annule le refus et accepte la demande.

Contexte

La demande

[2] La présente demande a été déposée en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, et la date de dépôt au Canada est le 14 juillet 2015. Elle est devenue accessible au public le 21 janvier 2016.

[3] La présente demande porte sur un instrument de soins bucco-dentaire, comme une brosse à dents, où les poils de l’instrument ont des caractéristiques fonctionnelles variables comme la structure, la composition ou la forme. La surface de travail de l’instrument a plus d’une couleur de sorte que la différence de couleur entre les poils produit une image à grande échelle qui reproduit graphiquement la caractéristique fonctionnelle. Par exemple, si les poils individuels ont une configuration en forme de X, les couleurs produiraient l’image d’une forme X sur la surface de travail. Un tel exemple est illustré à la figure 1 de la présente demande, reproduite ci-dessous.

Historique de la poursuite

[4] Le 20 avril 2021, une décision finale (« DF ») a été rédigée conformément au paragraphe 86(5) des Règles sur les brevets. La DF indiquait que la présente demande est irrégulière aux motifs que toutes les revendications 1 à 14 au dossier au moment de la rédaction de la DF (les « revendications au dossier ») auraient été évidentes pour une personne versée dans l’art et sont, par conséquent, non conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[5] Dans une réponse à la DF (« RDF ») du 16 août 2021, le Demandeur a soumis un ensemble de revendications proposées 1 à 32 (les « revendications proposées ») et a soumis des arguments en faveur de la brevetabilité des revendications au dossier et des revendications proposées.

[6] L’examinateur ayant jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets conformément au paragraphe 86(7) des Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission pour révision le 4 novembre 2021, accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs (« RM »). Le RM indiquait que les revendications au dossier demeuraient irrégulières pour évidence tel qu’établi dans la DF. En ce qui a trait aux revendications proposées, le RM indiquait que les revendications proposées ne corrigeaient pas l’irrégularité pour évidence.

[7] Dans une lettre en date du 8 novembre 2021, la Commission a transmis au Demandeur une copie du RM et lui a demandé de confirmer qu’il souhaitait toujours la révision de la demande.

[8] Dans une réponse en date du 31 janvier 2022, le Demandeur a indiqué qu’il voulait que la Commission procède avec une révision de la demande.

[9] Le Comité de la Commission (le « Comité ») soussigné a été affecté à la révision de la demande en instance et à la présentation d’une recommandation au commissaire des brevets quant à la décision à rendre.

[10] Le Comité a révisé la demande en instance et fournit son analyse ci-dessous.

QUESTION

[11] La question à trancher dans le cadre de la présente révision consiste à déterminer si les revendications au dossier auraient été évidentes pour une personne versée dans l’art.

[12] Dans la présente révision, compte tenu de notre recommandation à l’égard des revendications au dossier, il n’est pas nécessaire d’examiner les revendications proposées pour déterminer si elles sont considérées comme une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

PRINCIPES JURIDIQUES ET PRATIQUE DU BUREAU

Interprétation téléologique

[13] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, et à Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est faite du point de vue d’une personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes, en tenant compte de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[14] Tous les éléments présentés dans une revendication sont présumés essentiels, à moins que le contraire soit établi ou qu’une telle présomption aille à l’encontre du libellé de la revendication.

Évidence

[15] L’article 28.3 de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué ne soit pas évident :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[16] Dans Apotex Inc c. Sanofi–Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 [Sanofi], la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, lorsqu’il s’agit d’évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes reproduite ci-dessous :

(1) a) Identifier la « personne versée dans l’art ».

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituentelles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotentelles quelque inventivité?

Analyse

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[17] Dans la DF, à la page 2, la personne versée dans l’art a été qualifiée en ces termes :

[Traduction]
une équipe composée de spécialistes ou ingénieurs en instrument de soins bucco-dentaires, de spécialistes ou ingénieurs en fabrication et de spécialistes en marketing et en ventes.

[18] Dans la RDF, à la page 3, le Demandeur a déclaré qu’il ne reconnaissait pas ou n’était autrement pas d’accord avec une quelconque des analyses de la DF, y compris la détermination de la personne versée dans l’art. Toutefois, le Demandeur n’a pas proposé sa propre définition.

[19] À notre avis, la définition de la personne versée dans l’art est appropriée compte tenu de l’objet de la demande et des revendications. Nous poursuivons en conséquence.

Les connaissances générales courantes pertinentes

[20] Dans la DF à la page 3, les CGC pertinentes ont été définies comme comprenant ce qui suit :

  • connaissance des instruments de soins bucco-dentaires comme les brosses à dents (c.-à-d. manuelles et électriques);
  • connaissance des différentes configurations de poils et de filaments et de leurs caractéristiques fonctionnelles (p. ex. protrusions ou dépressions de poils, composition de filament en couches, poils qui changent de couleur, etc.);
  • connaissance de la production d’images à l’aide de poils de différentes couleurs;

· connaissance des tactiques de marketing visuel et de publicité.

[21] Comme c’était le cas pour la personne versée dans l’art, le Demandeur n’a pas reconnu les CGC pertinentes énoncées dans la DF, ni n’était d’accord avec celle-ci, mais n’a pas présenté ses propres points.

[22] Bien que la plupart des points des CGC énoncés dans la DF trouvent une base dans la présente demande en soi dans la section CONTEXTE DE L’INVENTION, nous ne pouvons trouver aucune base dans la discussion de fond ou dans les documents d’art antérieur cités dans le mémoire descriptif pour le point des CGC liées à la production d’images à l’aide de poils de différentes couleurs. D’après notre examen de la DF, ce point ne semble pas s’appliquer à l’étape 4 de Sanofi et aucun fondement n’a été établi dans la DF. À notre avis, étant donné l’absence de fondement apparent pour ce point et la non-concession de sa validité par le Demandeur, nous ne considérons pas qu’un tel point ait fait partie des CGC pertinentes.

Les revendications au dossier

[23] La présente demande contient 14 revendications, dont une revendication indépendante 1, reproduite ci-dessous :

[Traduction]
1. Un instrument de soins bucco-dentaires comprenant :

une surface de montage ayant un axe longitudinal et un axe transversal perpendiculaire à l’axe longitudinal;

une pluralité de filaments s’étendant vers l’extérieur à partir de la surface de montage dans au moins une direction non parallèle à l’un des axes longitudinaux et transversaux, chaque filament ayant une extrémité libre se terminant par une pointe de filament, une pluralité des extrémités de filament formant une surface de travail globale;

dans lequel au moins certains des filaments possèdent au moins une caractéristique fonctionnelle sélectionnée dans le groupe comprenant la structure, la composition, la forme en coupe transversale, la géométrie de pointe et toute combinaison de ces caractéristiques;

où la surface de travail globale comprend au moins une première couleur et une deuxième couleur différente de la première couleur;

où les deux premières couleurs au moins forment, en combinaison, au moins une image mise à l’échelle disposée sur la surface de travail globale et reproduisant graphiquement au moins une caractéristique fonctionnelle, communiquant ainsi visuellement à un consommateur que la mise en œuvre des soins oraux comprend des filaments ayant dit au moins une caractéristique fonctionnelle,

où au moins une caractéristique fonctionnelle comprend la surface de pointe du filament, y compris au moins un îlot comprenant une dépression, et où au moins une image à l’échelle disposée sur la surface de travail globale comprend au moins une zone ayant la première couleur.

[24] Nous remarquons qu’aucune question n’a été soulevée au cours de la poursuite de la demande en instance concernant la signification ou la portée des termes utilisés dans les revendications au dossier. Nous poursuivons ci-dessous en supposant que la signification et la portée des revendications auraient été claires à la personne versée dans l’art.

Les éléments essentiels

[25] La DF n’a pas présenté les éléments essentiels des revendications au dossier.

[26] Étant donné que la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a aucune utilisation du langage dans les revendications indiquant que les éléments de chaque revendication sont une variante facultative, alternative ou privilégiée, à notre avis, tous les éléments des revendications au dossier sont considérés comme essentiels et sont pris en compte dans notre analyse ci-dessous.

Évidence

[27] Ci-dessous nous évaluons l’évidence au moyen de l’approche à quatre étapes de Sanofi, laquelle avait déjà été utilisée dans la DF aux pages 2 à 4.

(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »

[28] La personne versée dans l’art a été définie ci-dessus sous la section Interprétation téléologique. Nous appliquons la même définition ici.

(1)b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

[29] Les CGC pertinentes ont également été définies sous la section Interprétation téléologique et nous appliquons les mêmes CGC ici.

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[30] Dans cette évaluation, nous tenons compte de tous les éléments essentiels des revendications au dossier. Nous estimons que la combinaison des éléments essentiels de chaque revendication représente leurs concepts inventifs également.

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

[31] Dans la DF, à la page 3, l’état de la technique a été considéré comme étant représenté par le document d’art antérieur suivant :

D3 : US5770307 Rackley et coll. Publié : Le 23 juin 1998

[32] À la page 3, la DF allègue, relativement à la revendication 1 au dossier, que D3 a divulgué un instrument de soins bucco-dentaires comportant les caractéristiques suivantes :

[traduction]
une surface de montage ayant un axe longitudinal et un axe transversal perpendiculaire à l’axe longitudinal (fonction implicite d’une brosse à dents);

une pluralité de filaments s’étendant vers l’extérieur à partir de la surface de montage dans au moins une direction non parallèle à l’un des axes longitudinaux et transversaux, chaque filament ayant une extrémité libre se terminant par une pointe de filament, une pluralité des extrémités de filament formant une surface de travail globale (fig. 6);

dans lequel au moins certains des filaments possèdent au moins une caractéristique fonctionnelle sélectionnée dans le groupe comprenant la structure, la composition, la forme en coupe transversale, la géométrie de pointe et toute combinaison de ces caractéristiques (fig. 1 et 6);

où au moins une caractéristique fonctionnelle comprend la surface de pointe du filament, y compris au moins un îlot comprenant une dépression (fig. 1 et 6).

[33] Le document d’art antérieur D3 divulgue un monofilament coextrudé ayant une âme faite d’une première résine et une gaine faite d’une deuxième résine, avec une poche ou une dépression formée dans l’extrémité du filament. Bien que le document mentionne à plusieurs endroits, par exemple à la col. 1, lignes 9 et 10, que les monofilaments peuvent être utilisés comme poils pour les brosses à dents, aucune structure de base d’une telle brosse à dents n’est divulguée. Il semble que la DF s’appuyait sur les connaissances générales courantes pertinentes de la personne versée dans l’art pour la divulgation de la structure de base d’une brosse à dents. Les figures 1 et 6 de D3 ne montrent aucune structure de la brosse à dents sur laquelle les monofilaments sont montés.

[34] À la lumière de ce qui précède, nous sommes d’avis qu’à l’exception des filaments ayant une caractéristique fonctionnelle comme leur forme (circulaire en D3) et une dépression à leur extrémité, aucun des autres éléments de la revendication 1 au dossier n’est divulgué par D3.

[35] Toutefois, nous sommes également d’avis que les autres caractéristiques qui auraient été divulguées par D3 faisaient partie des CGC pertinentes, étant donné qu’elles auraient été communément connues des caractéristiques des brosses à dents à la date pertinente, y compris la variation de la forme, de la composition et de la couleur des poils. Cela peut être pris en compte à l’étape 4 ci-dessous.

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituentelles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotentelles quelque inventivité?

[36] Aux pages 3 à 4 de la DF, il est allégué que le document d’art antérieur suivant, en combinaison avec les CGC pertinentes et le document D3, divulgue suffisamment de renseignements pour rendre évident l’objet des revendications au dossier :

D2 : WO01/64072 Mijatovic Publié : Le 7 septembre 2001

[37] D2 est un document d’origine suisse qui a été publié en français. La DF allègue que D2 divulgue des brosses à dents où une image ou une marque d’identification colorée est créée en arrangeant des poils colorés selon un motif prédéfini, en se référant aux figures 2A-5.

[38] La DF a fourni une traduction Google en anglais du deuxième paragraphe de la page 1 de la description du document D2. L’extrait suivant est dans la langue originale :

Cette technique de production de brosses à poils colorés permet d’apposer une image ou une identification de marque de façon durable sur la brosse. Le bénéfice inhérent à cette possibilité est de produire des brosses qui ciblent davantage leur clientèle, par exemple en leur apposant des images tels [sic] que les caractères de bandes dessinées sur des brosses à dents destinées aux enfants. De la même manière, les sociétés de chaussures ou d’habits pourront identifier leurs brosses sur la face comprenant les poils et les sociétés de toutes sortes pourront faire produire des brosses qui communiqueront à leurs utilisateurs, dans un but publicitaire, soit un message, soit le logotype de la société.

[39] La RDF, à la page 4, faisait référence à la traduction et ne s’opposait pas à son exactitude. Nous considérons qu’elle est exacte aux fins de notre examen.

[40] À notre avis, D2 divulgue un procédé de formation d’image sur la surface de travail des brosses, y compris les brosses à dents. L’image est produite par l’utilisation de différentes couleurs de poils. Les images sont destinées à transmettre un message publicitaire ou un logo d’entreprise.

[41] Dans la DF, à la page 4, il est soutenu qu’à la lumière de la divulgation de D2 et des CGC à l’effet que l’industrie des soins bucco-dentaires annonce généralement les avantages de leurs produits de diverses façons, il aurait été évident pour une personne versée dans l’art d’incorporer la technique de publicité enseignée par D2 dans la brosse à dents de D3 afin d’annoncer les avantages des poils de D3.

[42] Comme nous l’avons mentionné précédemment, même si nous ne considérons pas que D3 divulgue la structure de base d’une brosse à dents, cela faisait partie, à notre avis, des CGC pertinentes et, par conséquent, cette structure ne prêterait pas elle-même une ingéniosité inventive aux revendications.

[43] Cependant, comme le fait remarquer le Demandeur à la page 5 de la RDF, nous ne voyons rien dans D2 qui suggère un lien quelconque entre l’image formée sur la surface de travail d’une brosse à dents (ou d’un autre type de brosse) et toute caractéristique fonctionnelle des poils. Les figures 2A à 5 de D2 illustrent divers types d’images qui peuvent être produites, y compris des noms d’entreprise, des mots, des types de drapeaux et des images comme un sourire. Un exemple, la figure 2A, forme le mot « Backscratch » (gratte-dos) sur la surface de travail de ce qui semble être un gratte-dos. Toutefois, dans un tel cas, l’image décrirait la fonction globale de la brosse plutôt qu’une caractéristique fonctionnelle des poils.

[44] Nous convenons avec le Demandeur que D2 ne divulgue, n’enseigne, ni ne suggère la communication d’une caractéristique fonctionnelle des poils de brosse au moyen d’une image à grande échelle de la caractéristique fonctionnelle (comme la forme de poils) sur la surface de travail de la brosse, comme le précise la revendication 1 au dossier.

[45] Bien que D2 suggère la création de toute image désirée sur la surface de travail de la brosse, les images décrites n’ont aucun lien avec les caractéristiques fonctionnelles des poils. D2 ne s’intéresse pas du tout aux propriétés spécifiques des poils, les illustrant seulement comme des poils circulaires communément connus et ne discutant pas d’autres propriétés.

[46] De plus, nous ne voyons rien dans D3, D2 ou les CGC pertinentes, seuls ou en combinaison, qui aurait mené la personne versée dans l’art à l’objet de la revendication 1 au dossier. D3 porte sur un type de poils spécifique, tandis que D2 porte sur la reproduction d’un logo ou d’un message sur la surface de travail de la brosse, quel que soit le type de poil. Les CGC pertinentes comprennent la connaissance des différentes configurations de poils et de filaments et de leurs caractéristiques fonctionnelles, mais il n’y a aucune raison évidente pour laquelle la personne versée dans l’art aurait été amenée à utiliser la méthode de formation d’images de D2 pour former une image à grande échelle qui représente ces caractéristiques fonctionnelles, y compris celle spécifique de D3. Il n’y a aucune indication ou suggestion d’une telle étape. Comme l’indique le Demandeur à la page 3 de la RDF, la sagesse rétrospective n’est pas permise dans l’évaluation de l’évidence d’une revendication.

[47] À la page 2 du RM, il est indiqué que la motivation à combiner les documents d’art antérieur ne doit pas nécessairement provenir des documents eux-mêmes. Bien que cela soit vrai, si la motivation ne provient pas de l’art antérieur, elle devrait alors provenir des CGC pertinentes de la personne versée dans l’art. En l’espèce, les CGC pertinentes fournissent des renseignements généraux sur les configurations variées de poils et les caractéristiques fonctionnelles, ainsi que des connaissances sur les tactiques de base de commercialisation et de publicité. Il n’y a pas de lien entre les deux qui ferait en sorte qu’une personne versée dans l’art pourrait être amenée à représenter la configuration ou la fonction des poils en image sur la surface de travail de la brosse.

[48] À notre avis, eu égard aux documents D2, D3 et aux CGC pertinentes, la personne versée dans l’art n’en serait pas arrivée directement et sans difficulté à l’objet de la revendication 1 au dossier (le critère classique de l’évidence de Beloit Canada Ltée c. Valmet Oy, 8 CPR (3d) 289 à la page 294, récemment cité avec approbation dans Janssen Inc c. Sandoz Canada Inc., 2022 CF 715 au paragraphe 95).

[49] Étant donné que nous sommes d’avis que la revendication 1 au dossier n’aurait pas été évidente pour la personne versée dans l’art, il en aurait été de même pour les revendications dépendantes 2 à 14, qui dépendent directement ou indirectement de la revendication 1.

Revendications proposées

[50] Le Demandeur a présenté un ensemble de revendications proposées avec la RDF. Cependant, puisque nous ne sommes pas d’accord avec le fondement pour le refus de la demande et que nous n’avons relevé aucune autre irrégularité, il n’y a aucune raison d’examiner les revendications proposées.

Conclusion

[51] Nous avons conclu que les revendications au dossier n’auraient pas été évidentes et qu’elles sont donc conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.


 

Recommandation de la Commission

[52] À la lumière de ce qui précède, nous sommes d’avis que le refus n’est pas justifié pour le motif de l’irrégularité indiquée dans l’avis de décision finale et nous avons des motifs raisonnables de croire que la demande en instance est conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Nous recommandons que le Demandeur soit avisé conformément au paragraphe 86(10) des Règles sur les brevets que le refus de la présente demande est annulé et que la présente demande a été jugée acceptable.

 

 

 

 

 

 

Stephen MacNeil

Membre

Helena Forbes

Membre

Liang Ji

Membre

 


 

 

Décision de la sous-commissaire

[53] Je souscris à la conclusion ainsi qu’à la recommandation de la Commission. Conformément au paragraphe 86(10) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le Demandeur que le refus de la demande en instance est annulé, que la demande en instance est jugée acceptable et que j’ordonnerai qu’un avis d’acceptation soit envoyé en temps opportun.

 

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec)

ce 23e jour de novembre 2022

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