Brevets

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Référence : BGC Partners, LP (Re), 2022 CACB 17

Décision du commissaire n1624

Commissioner’s Decision #1624

Date : 2022-06-03

SUJET :

B00

Caractère indéfini

 

J00

Signification de la technique

 

J50

Simple plan

 

 

 

TOPIC:

B–00

Indefiniteness

 

J–00

Meaning of Art

 

J–50

Mere Plan


Demande no 2 618 347
Application No. 2,618,347


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96‑423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 618 347 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément aux dispositions de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

KIRBY EADES GALE BAKER

100, rue Murray, bureau 500

Ottawa (Ontario) K1N 0A1

 


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 618 347, qui est intitulée « Système et méthode permettant de gérer des ordres commerciaux discrétionnaires » (le Demandeur) et qui appartient à BGC Partners, LP. Les irrégularités qui subsistent et qui sont indiquées dans la décision finale (DF) sont que les revendications sont indéfinies et visent un objet non brevetable. La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, je recommande que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2] La demande de brevet canadien no 2 618 347 a été déposée le 4 janvier 2008 et est devenue accessible au public le 16 juillet 2008.

[3] L’invention concerne la gestion d’ordres commerciaux discrétionnaires dans un système de commerce électronique.

Historique de la poursuite

[4] Le 27 mars 2018, une DF a été publiée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les anciennes règles). La DF indiquait que la demande est irrégulière au motif que les revendications 1 à 96 (c’est-à-dire l’ensemble des revendications au dossier) ne visent pas une catégorie d’invention brevetable en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets. La DF indiquait également que les revendications 49, 63 et 80 au dossier sont indéfinies, contrairement au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[5] Dans sa réponse du 25 septembre 2019 à la DF (RDF), le Demandeur a proposé un ensemble modifié de 96 revendications (les revendications proposées) et présenté des arguments en faveur de leur acceptation. L’examinateur n’a pas été convaincu par les arguments selon lesquels les revendications au dossier ou les revendications proposées étaient admissibles (bien que les revendications proposées aient corrigé les irrégularités liées au caractère indéfini).

[6] Par conséquent, conformément au paragraphe 30(6) des anciennes règles, la demande a été transmise à la Commission aux fins de révision au nom du commissaire aux brevets. Le 9 avril 2020, la Commission a transmis au Demandeur une copie du résumé des motifs de l’examinateur auquel était jointe une lettre confirmant le refus.

[7] La soussignée a été chargée de réviser la demande refusée et de présenter une recommandation au commissaire quant à la décision à rendre. À la suite d’une révision préliminaire, une lettre a été envoyée le 6 avril 2022 (la lettre de RP) expliquant pourquoi, au regard du dossier dont je suis saisie, j’ai considéré que les revendications au dossier définissaient un objet non brevetable, qui ne relevait pas de l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui était interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. Elle explique également pourquoi j’ai considéré que plusieurs revendications sont indéfinies et qu’elles contreviennent au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. De plus, la lettre de RP a expliqué pourquoi j’ai considéré que les revendications proposées définissent également un objet non brevetable. La lettre de RP invitait également le Demandeur à présenter des observations en réponse à la lettre et à participer à une audience.

[8] Le 5 mai 2022, le Demandeur a indiqué qu’il ne souhaitait pas qu’une audience soit tenue et qu’il n’avait pas l’intention de présenter des observations écrites. Par conséquent, j’ai entrepris la révision finale en fonction du dossier écrit. Étant donné que rien n’a changé dans le dossier écrit depuis l’envoi de la lettre de RP, j’ai maintenu ses motifs et ses conclusions.

Les questions concernent l’objet brevetable et le caractère indéfini

[9] Premièrement, l’examen aborde la question de savoir si les revendications au dossier définissent un objet qui ne relève pas de la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. Pour ce faire, les revendications au dossier font l’objet d’une interprétation téléologique pour déterminer leurs éléments essentiels.

[10] Deuxièmement, le présent examen aborde la question de savoir si les revendications 49, 63 et 80 au dossier sont indéfinies, contrevenant ainsi au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[11] Enfin, l’examen aborde la question de savoir si les revendications proposées constituent des modifications nécessaires en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Les éléments revendiqués sont présumés être essentiels

[12] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, et à Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est faite du point de vue d’une personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (CGC) pertinentes, en tenant compte de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[13] L’avis « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020-04] aborde également de l’application de ces principes, soulignant que tous les éléments revendiqués sont présumés essentiels à moins qu’il n’en soit établi autrement ou qu’une telle présomption soit contraire au libellé de la revendication.

La personne versée dans l’art et les CGC pertinentes

[14] La lettre de RP définissait la personne versée dans l’art comme une équipe composée d’un ou plusieurs professionnels du commerce. L’équipe comprend également des programmeurs et d’autres technologues expérimentés dans le développement et la fourniture du logiciel, des outils et de l’infrastructure habituellement utilisés pour appuyer les activités et les conceptions de ces professionnels.

[15] La lettre de RP indiquait que les CGC pertinentes comprenaient :

· l’arbitrage, les systèmes et stratégies de commerce, y compris ceux qui impliquent des ordres commerciaux discrétionnaires;

· les opérations conventionnelles intervenant dans l’émission d’ordres commerciaux discrétionnaires;

· la désirabilité de la liquidité du marché;

· l’utilisation de [traduction] « pourcentage en points » ou de [traduction] « points d’intérêt en matière de prix » dans les marchés des changes;

· la conception, la mise en œuvre, l’exploitation et la maintenance de systèmes informatiques, de réseaux et de logiciels, y compris :

o des échanges boursiers et des systèmes de commerce électroniques, y compris ceux qui sont capables de fournir une capacité transactionnelle informatisée bidirectionnelle anonyme et des renseignements constamment mis à jour sur les marchés à des terminaux de commerce,

o des ordinateurs à usage général et des ordinateurs spécialisés, des dispositifs informatiques, des processeurs et des interfaces utilisateur,

o des technologies et protocoles de réseaux informatiques et Internet.

[16] Cette définition est fondée sur la définition ci-dessus de la personne versée dans l’art. Elle est également étayée par ce que la demande en instance (à la p. 2) décrit comme étant généralement connu ou traditionnellement accompli sur le terrain. Comme il est indiqué dans la lettre de RP, les quatre derniers points relatifs aux technologies informatiques sont également étayés par la faible quantité de détails dans la demande (par exemple, les pages 6, 7, 9, 12, 13, 15, 19 et 20, et la figure 1) au sujet de la mise en œuvre du système de commerce, de son matériel, de ses logiciels et de ses réseaux. Le nombre limité des détails suggère que cette mise en œuvre doit pouvoir être saisie par la personne versée dans l’art et qu’elle n’exige donc pas d’autres explications.

[17] Le Demandeur n’a pas contesté la définition de la personne versée dans l’art ni la définition subséquente de ses CGC. Par conséquent, j’adopte les définitions ci-dessus de ces concepts en l’espèce.

Éléments essentiels

[18] Les revendications indépendantes au dossier concernent la gestion des ordres commerciaux. Les revendications 1 et 49 concernent des appareils, les revendications 15 et 63 concernent des méthodes et les revendications 32 et 80 concernent des logiciels. La revendication 15 au dossier est représentative de l’invention :

[traduction]

Revendication 15. Une méthode de gestion des ordres commerciaux comprenant :

recevoir un premier ordre associé à un premier intervalle discret au moyen d’une première interface de serveur d’une plateforme de commerce électronique dans un système informatique;

stocker le premier ordre dans un carnet d’ordres dans au moins un dispositif de mémoire du système informatique;

transmettre des renseignements sur le carnet d’ordres à un serveur de données sur les marchés en temps sensiblement réel au moyen d’une interface de communication du système informatique qui est en communication avec le serveur de données sur les marchés afin de produire des données sur les marchés à partir d’une analyse du carnet d’ordres;

recevoir, par le premier serveur, un contre-ordre associé à un deuxième intervalle discret, où le premier intervalle discret croise le deuxième intervalle discret;

examiner le carnet d’ordres pour déterminer si le premier ordre correspond au contre-ordre dans le processeur du système informatique;

déterminer, par le serveur, un prix médian fondé au moins en partie sur l’intersection des premier et deuxième intervalles discrets si le premier ordre correspond au deuxième ordre;

exécuter, par le serveur, un ordre au prix médian déterminé.

[19] Les revendications indépendantes 1 et 32 visent le même objet que la revendication 15, mais sous une forme différente. Les revendications indépendantes 49, 63 et 80 visent un objet très similaire à celui des revendications 1, 15 et 32. Toutefois, elles renvoient également au stockage du contre-ordre dans un carnet de contre-ordres, à la production et à la fourniture de données sur les marchés à partir d’une analyse des carnets d’ordres et de contre-ordres, ainsi qu’à l’examen des deux carnets pour déterminer les ordres et contre-ordres correspondants.

[20] Les revendications dépendantes 2 à 5, 16 à 21, 33 à 39, 50 à 53, 64 à 70, et 81 à 87 fournissent plus de détails sur les intervalles discrets, la détermination du prix médian et les données qui sont divulguées. Les revendications dépendantes 6 à 14, 22 à 31, 40 à 48, 54 à 62, 71 à 79, et 88 à 96 citent des règles concernant le traitement d’ordres supplémentaires.

[21] L’EP2020-04 indique que les éléments revendiqués sont présumés être essentiels. Comme il a été noté dans la lettre de RP, je ne vois rien dans le libellé de la revendication ou dans le dossier en l’espèce qui montre clairement que les éléments revendiqués ne sont pas essentiels.

L’invention revendiquée vise-t-elle un objet brevetable?

[22] Le terme « invention » est défini à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[23] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets prévoit également ce qui suit :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[24] Dans Canada (Procureur général) c. Amazon.com, inc, 2011 CAF 328, aux par. 61, 62, 63 et 69 [Amazon.com], la Cour d’appel fédérale a expliqué que la simple réalisation d’une méthode commerciale abstraite en la programmant dans un ordinateur au moyen d’une formule ou d’un algorithme ne la rend pas nécessairement conforme à l’exigence d’existence physique de l’objet brevetable. À titre d’exemple, Amazon.com renvoyait à Schlumberger Canada Ltd c. Le commissaire des brevets (1981), [1982] 1 CF 845 (CA) [Schlumberger] :

Dans Schlumberger, les revendications n’ont pas été déclarées valides en raison du fait qu’elles avaient trait à l’utilisation d’un outil matériel, un ordinateur, pour donner une application pratique à la nouvelle formule mathématique. […]

[25] L’EP2020-04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une revendication définit un objet brevetable :

Afin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[26] Il décrit également de façon plus approfondie l’approche pour décider si une invention liée à un ordinateur vise un objet brevetable. Par exemple, le simple fait qu’un ordinateur figure parmi les éléments essentiels de l’invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée vise un objet brevetable. Un algorithme lui-même constitue un objet abstrait et non brevetable. Un ordinateur programmé pour traiter simplement l’algorithme d’une manière bien connue sans résoudre de problème dans le fonctionnement de l’ordinateur ne fera pas de l’algorithme un objet brevetable. D’autre part, si le traitement de l’algorithme améliore le fonctionnement de l’ordinateur, l’objet revendiqué serait un objet brevetable.

[27] La DF soutenait que les éléments essentiels des revendications au dossier visent un système de gestion des ordres commerciaux, et non une catégorie d’invention brevetable en vertu de l’article 2. Dans la RDF, le Demandeur n’était pas d’accord et soutenait que, puisque le système informatique est essentiel, les revendications sont conformes à l’article 2.

[28] Comme je l’ai expliqué ci-dessus, tous les éléments de la revendication 15 sont, à titre préliminaire, considérés comme essentiels. Toutefois, l’inclusion d’éléments informatiques dans un ensemble d’éléments essentiels ne rend pas automatiquement l’objet brevetable.

[29] Comme l’indique la lettre de RP, la demande (aux p. 2, 3, 4, 22 et 23) explique que les systèmes de commerce électroniques traditionnels peuvent permettre aux parties d’émettre des ordres discrétionnaires. Un ordre discrétionnaire comprend à la fois le prix de base souhaité et une valeur discrétionnaire (ou la valeur du prix excédentaire accepté). Le prix de base souhaité et la valeur discrétionnaire constituent les extrémités d’un éventail de prix acceptables pour le commerçant. Selon la demande, un problème peut survenir lorsque le système de commerce établit une correspondance entre cet ordre discrétionnaire à un autre ordre discrétionnaire. Le système peut exécuter la transaction à un prix qui désavantage injustement l’une des parties, de sorte à décourager les parties d’émettre des ordres discrétionnaires et à réduire la liquidité. Par conséquent, la demande propose d’exécuter ces transactions au milieu de l’intersection des deux intervalles discrets.

[30] La RDF soutenait que cette amélioration des règles commerciales n’est pas le seul problème résolu par l’invention.

[31] Selon la RDF, au moins un des problèmes résolus par les revendications en instance est la nécessité d’améliorer le rendement de l’ordinateur en gérant les ordres commerciaux dans un système de commerce électronique sur un réseau. Les revendications en instance visent des techniques qui peuvent aider à contrôler l’activité sur le réseau et à contrôler la charge de travail de l’ordinateur, y compris des ressources informatiques comme des capacités de mémoire, de processeur et de réseau tel de la bande passante du réseau.

[32] Toutefois, comme l’a indiqué la lettre de RP, la demande n’aborde pas l’amélioration du rendement de l’ordinateur ou de la gestion de la charge de travail de l’ordinateur, des ressources informatiques, des capacités de mémoire ou de la bande passante du réseau. Ce n’est pas ce qui est visé par le mémoire descriptif ou les dessins. La demande (aux p. 6, 7, 9, 12, 13, 15, 19 et 20, et à la figure 1) suggère l’utilisation de toute combinaison appropriée de technologies et de personnel informatique et de réseau. Elle ne suggère pas qu’une configuration particulière du matériel et des logiciels est importante. De plus, elle ne laisse entendre aucune difficulté quant à l’utilisation de ces technologies pour mettre en œuvre les règles commerciales proposées. Comme je l’ai noté ci-dessus, les CGC comprennent des systèmes de commerce électronique et leur infrastructure à l’appui (par exemple, des moyens d’exécuter des transactions et de communiquer des données à des serveurs externes en temps réel).

[33] La RDF soutenait que la demande de brevet n’a pas besoin de divulguer des problèmes techniques difficiles ou évidents dans la mise en œuvre informatique des règles commerciales. Elle n’a pas non plus à divulguer ou à revendiquer les avantages ou les effets de l’invention.

[34] Néanmoins, comme il est expliqué dans la lettre de RP, ce qu’une demande divulgue – et ce qu’elle ne divulgue pas – détermine la façon dont une invention sera comprise et évaluée. La demande en instance ne semble pas aborder l’amélioration du fonctionnement de l’ordinateur. Elle porte sur l’amélioration de la procédure ou des règles de fixation d’un prix commercial lors de la mise en correspondance d’ordres discrétionnaires.

[35] L’invention revendiquée comprend donc un système informatique qui traite ces règles commerciales abstraites ou cet algorithme d’une manière bien établie, sans résoudre aucun problème dans le fonctionnement du système informatique. L’invention réelle est l’ensemble de règles ou l’algorithme. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, dans la discussion sur Amazon.com et l’EP2020-04, le traitement de cet algorithme au moyen d’un système informatique de la manière revendiquée ne fournit pas « une application pratique » satisfaisant à l’exigence de l’existence physique. Il s’agit d’une situation analogue à celle dans Schlumberger.

[36] Par conséquent, la revendication représentative 15 vise un objet non brevetable. Les revendications indépendantes 1 et 32 définissent le même objet, mais sous une forme différente, et cet objet n’est pas non plus brevetable. De plus, je ne vois aucune différence dans les éléments essentiels des revendications 2 à 14, 16 à 31 ou 33 à 96 qui influencerait le raisonnement ci-dessus. Par exemple, ces revendications citent d’autres détails, mais ceux-ci concernent les règles et les calculs nécessaires à la mise en correspondance des ordres discrétionnaires, à la détermination d’un prix médian et à la détermination des renseignements à divulguer.

[37] Par conséquent, à mon avis, les revendications 1 à 96 au dossier définissent un objet non brevetable, qui ne relève pas de l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Les revendications sont indéfinies

[38] Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent en termes précis et explicites l’objet :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[39] La DF soutenait que l’expression [traduction] « le carnet de contre-ordres » n’avait pas d’antécédent dans les revendications 49, 63 et 80.

[40] Le Demandeur n’a pas présenté d’arguments dans la RDF, mais a proposé des modifications à ces revendications.

[41] Comme l’explique la lettre de RP, j’estime que l’absence d’antécédent de ces expressions dans les revendications 49, 63 et 80 cause un manque de clarté dans ces revendications. Les revendications qui dépendent de ces revendications héritent de leur manque de clarté.

[42] Par conséquent, les revendications 49 à 96 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Les revendications proposées ne corrigent pas toutes les irrégularités

[43] Comme il a été indiqué ci-dessus, le Demandeur a proposé un ensemble modifié de 96 revendications avec la RDF. Les revendications 49, 63 et 80 ont été modifiées pour corriger les irrégularités liées à la clarté relevées dans la DF. Toutes les revendications indépendantes ont été modifiées pour mettre l’accent sur l’utilisation de données communiquées, d’appareils informatiques et d’un réseau.

[44] Comme l’a indiqué la lettre de RP, j’estime que les modifications proposées aux revendications corrigeraient leurs irrégularités liées à la clarté. Toutefois, les modifications proposées ne rendraient pas l’objet revendiqué brevetable. Comme je l’ai expliqué ci-dessus, l’objet des revendications au dossier était déjà considéré comme visant des ordinateurs.

[45] Il s’ensuit que les revendications proposées 1 à 96 ne sont pas considérées comme une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.


 

Recommandation de la Commission

[46] Compte tenu de ce qui précède, je recommande que la demande soit rejetée pour les motifs suivants :

· les revendications 1 à 96 au dossier définissent un objet non brevetable qui ne relève pas de l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;

· les revendications 49 à 96 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Membre

 


 

Décision du commissaire

[47] Je suis d’accord avec les conclusions de la Commission et sa recommandation de rejeter la demande pour les motifs suivants :

· les revendications au dossier définissent un objet non brevetable qui ne relève pas de l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets;

· les revendications 49 à 96 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
ce 3e jour de juin 2022

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