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Référence : Adama Makhteshim Ltd, 2022 CACB 10

Décision du commissaire no 1617

Commissioner’s Decision #1617

Date : 2022-03-29

SUJET :

O00

Évidence

TOPIC:

O00

Obviousness

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 677 058

Application No. : 2,677,058


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96‑423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les « anciennes Règles sur les brevets »), la demande de brevet numéro 2 677 058 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019‑251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur

Ridout & Maybee LLP

250 avenue University, 5e étage

Toronto (Ontario) M5H 3E5


 

INTRODUCTION

[1] Cette recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 677 058, laquelle est intitulée « Polymorphes de 3-(E)-2-{2-[6-(2-cyanophénoxy)pyrimidin-4-yloxy]phényl}-3-méthoxyacrylate ». Adama Makhteshim Ltd est l’unique demandeur. Un Comité de la Commission d’appel des brevets a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets.

[2] Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons au commissaire aux brevets de rejeter la demande.

CONTEXTE

La demande

[3] La demande a été déposée sous le régime du Traité de coopération en matière de brevets et la date de dépôt au Canada est le 16 janvier 2008. Elle est devenue accessible au public le 7 août 2008.

[4] La demande refusée porte sur des formes amorphes et cristallines d’azoxystrobine et des procédés pour les préparer et les utiliser comme fongicide. L’azoxystrobine a été mise en marché pour la première fois en 1998 comme fongicide à large spectre pour l’utilisation dans les cultures agricoles et horticoles.

[5] Les revendications visent une forme polymorphique cristalline d’azoxystrobine nommée forme B, ainsi que des mélanges comprenant la forme A, un polymorphe connu de l’azoxystrobine, et la forme B. Un polymorphe est une forme cristalline particulière d’un composé qui peut se cristalliser en différentes formes. Différentes formes cristallines peuvent avoir différentes propriétés physicochimiques; par exemple, le taux de dissolution, la solubilité, la biodisponibilité et la facilité de fabrication. La description ne divulgue aucune de ces propriétés pour la forme B ou les mélanges composés de la forme A et de la forme B d’azoxystrobine.

[6] La demande comporte 30 revendications au dossier qui ont été reçues au Bureau des brevets le 14 février 2014.

Historique de la poursuite

[7] Le 30 octobre 2018, une décision finale (DF) a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des anciennes Règles sur les brevets. La décision finale indique que la présente demande est irrégulière pour les motifs suivants :

  • les revendications 1 à 30 sont évidentes et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[8] Dans la réponse à la décision finale en date du 29 avril 2019, le demandeur affirme que l’objet des revendications n’aurait pas dû être considéré comme évident.

[9] Le 17 juillet 2019, la demande a été transmise à la Commission d’appel des brevets aux fins de révision en vertu de l’alinéa 30(6)c) des anciennes Règles sur les brevets, accompagnée d’un résumé des motifs (RM) expliquant que les arguments du demandeur présentés dans la réponse à la décision finale ne sont pas convaincants et que le refus est maintenu.

[10] Dans une lettre en date du 19 juillet 2019, la Commission d’appel des brevets a transmis une copie du résumé des motifs au demandeur et a demandé qu’il confirme s’il voulait toujours que la demande soit révisée.

[11] Dans une lettre en date du 17 octobre 2019, le demandeur a confirmé qu’il souhaitait qu’on procède à la révision.

[12] Le présent Comité a été constitué dans le but de procéder à la révision de la demande refusée en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets. Le 13 décembre 2021, le Comité a envoyé une lettre de révision préliminaire expliquant notre analyse préliminaire et notre opinion selon laquelle toutes les revendications au dossier sont évidentes et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. La lettre de révision préliminaire a également donné au demandeur une occasion de présenter des observations orales ou écrites.

[13] Le demandeur a refusé la possibilité d’une audience, mais a soumis une réponse écrite à la lettre de révision préliminaire le 17 février 2022 présentant des arguments en faveur de la brevetabilité des revendications au dossier.

Question

[14] Compte tenu de ce qui précède, la question suivante est examinée dans le cadre de la présente révision :

· Les revendications 1 à 30 au dossier sont-elles évidentes et, par conséquent, non conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets?

 

PRINCIPES JURIDIQUES ET PRATIQUE DU BUREAU DES BREVETS

Interprétation téléologique

[15] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 et à Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, une interprétation téléologique des revendications est faite du point de vue d’une personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (CGC) pertinentes à la lumière du mémoire descriptif et des dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[16] L’énoncé « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020‑04] aborde également l’application de ces principes, soulignant que tous les éléments établis dans une revendication sont présumés être un élément essentiel à moins qu’il n’en soit établi autrement ou qu’une telle présomption soit contraire au libellé employé dans la revendication.

Évidence

[17] L’article 28.3 de Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident pour la personne versée dans l’art :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[18] Dans Apotex Inc c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61, au paragr. 67 [Sanofi], la Cour suprême du Canada indique qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes présentée ci-dessous :

(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »,

b) Déterminer les connaissances générales courantes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui soustend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[19] En ce qui a trait à la deuxième étape de l’analyse de l’évidence, Sanofi reconnaît aux paragr. 76 à 78 que l’idée originale d’une revendication peut différer de son interprétation lorsque l’idée originale d’un brevet n’est pas claire à partir des revendications elles-mêmes, comme, par exemple, cela peut être le cas avec une simple formule chimique. Dans cette situation, il est acceptable de lire le mémoire descriptif pour déterminer l’idée originale des revendications.

[20] Bien que Sanofi concerne un brevet en sélection, les décisions subséquentes des tribunaux inférieurs ont considéré que, à l’extérieur du contexte d’un brevet en sélection, l’idée originale peut tenir compte des propriétés spéciales d’un composé, ainsi que de tout avantage allégué qui est appuyé par la description. Par exemple, dans Apotex c. Shire, 2021 CAF 52, la Cour d’appel fédérale indique ce qui suit au paragr. 84 :

En résumé, le juge n’a commis aucune erreur en tenant compte de ces propriétés et des caractéristiques avantageuses de la LDX pour déterminer l’idée originale des revendications en litige. Je conclus également que le mémoire descriptif était suffisant pour permettre au juge d’interpréter ces propriétés comme étant des caractéristiques du composé visé par les revendications indépendantes, de sorte qu’elles devraient faire partie de l’idée originale. Contrairement à la situation décrite dans l’affaire Bristol-Myers, ces propriétés bénéfiques étaient la « solution enseignée par le brevet ». Elles expliquent la source de la motivation à trouver la solution (Bristol-Myers, par. 75).

[21] Dans le contexte de la quatrième étape, la Cour dans Sanofi déclare qu’il peut être indiqué dans certains cas de faire l’analyse de l’« essai allant de soi ». Pour conclure qu’une invention alléguée résulte d’un essai allant de soi, il doit aller plus ou moins de soi qu’il faut tenter d’arriver à l’invention avant les essais courants. La seule possibilité que quelque chose puisse fonctionner ne suffit pas.

[22] La Cour dans Sanofi relève les facteurs non exhaustifs suivants à évaluer dans une analyse de l’essai allant de soi [les expressions définies sont ajoutées] :

Estil plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existetil un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art? [le facteur de l’évidence]

Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sontils courants ou l’expérimentation estelle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants? [le facteur de l’ampleur et de l’effort]

L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet? [le facteur du motif]

ANALYSE DES REVENDICATIONS AU DOSSIER

Interprétation téléologique

Les revendications au dossier

[23] Il y a 30 revendications au dossier. La lettre de révision préliminaire, aux pages 5 et 6, exprime l’opinion préliminaire que les revendications 1, 10, 16 et 22 sont représentatives des revendications indépendantes aux fins de l’analyse. Les revendications 1, 10, 16 et 22 sont les suivantes :

[traduction]

  1. Polymorphe cristallin de forme B de méthyl (E)-2-{2-[6-(2-cyanophénoxy)pyrimidin-4-yloxy]phényl}-3-méthoxyacrylate, où le polymorphe démontre un motif de diffraction de rayons X sur poudres ayant les sommets caractéristiques exprimés en degrés 2θ (+/-0,2 °θ) à environ 7,5, 11,75, 13,20 et 19,65.

  1. Un procédé pour la préparation d’un polymorphe cristallin de forme B de méthyl (E)-2-{2-[6-(2-cyanophénoxy)pyrimidin-4-yloxy]phényl}-3-méthoxyacrylate, le procédé comportant la cristallisation dudit composé à partir d’un mélange de solvant composé d’eau et d’un solvant organique sélectionné parmi le groupe composé d’un alcool et d’un amide.

  1. Un mélange de polymorphes cristallins de forme A et de forme B de méthyl (E)-2-{2-[6-(2-cyanophénoxy)pyrimidin-4-yloxy]phényl}-3-méthoxyacrylate, où la forme A démontre un motif de diffraction de rayons X sur poudres ayant les sommets caractéristiques exprimés en degrés 2θ (+/-0,2 °θ) à environ 6,25, 13,8, 17,65, 19,05, 26,4 et 28,5 et la forme B est définie conformément à l’une des revendications 1 à 9.

  1. Un procédé pour la préparation d’un mélange de polymorphe cristallin de forme A et de forme B de méthyl (E)-2-{2-[6-(2-cyanophénoxy)pyrimidin-4-yloxy]phényl}-3-méthoxyacrylate, en fonction de l’une des revendications 16 à 21, le procédé comportant :

  • (a) la cristallisation dudit composé à partir d’un mélange de solvant composé d’un alcool et d’un contre-solvant sélectionné parmi les hydrocarbures aliphatiques et aromatiques;

  • (b) l’isolation des cristaux qui en résultent.

le composant est dérivé d’au moins un matériel biologique.

[24] Les revendications indépendantes 13 à 15 concernent un composé formé du polymorphe de la revendication 1 et son utilisation pour lutter contre les champignons dans une plante. Dans le même ordre d’idées, les revendications indépendantes 28 à 30 concernent un composé formé du mélange de polymorphes de la revendication 16 et son utilisation comme fongicide. Les revendications indépendantes 25 et 26 définissent d’autres procédés pour préparer le mélange de polymorphes de la revendication 16.

[25] Les revendications dépendantes 2 à 9, 11, 12, 17 à 21, 23, 24 et 27 définissent d’autres limitations en ce qui concerne la caractérisation spectrale plus avancée de la forme B (revendications 2 à 9), de la forme A (revendications 17 à 20) ou du mélange de polymorphes (revendication 21), le type de solvant (revendication 11), les étapes particulières du procédé (revendication 12), le type d’alcool (revendications 23 et 27) et le type de contre-solvant (revendication 24).

[26] La réponse à la lettre de révision préliminaire n’a pas contesté ou commenté la considération par le Comité des revendications 11, 10, 16 et 22 comme étant représentatives des revendications indépendantes. Dans le même ordre d’idées, la réponse à la lettre de révision préliminaire n’a pas contesté la définition des revendications dépendantes 2 à 9, 11, 12, 17 à 21, 23, 24 et 27 comme indiquant d’autres limitations en ce qui concerne : la caractérisation spectrale plus avancée de la forme B, de la forme A ou du mélange de polymorphes, le type de solvant, les étapes particulières du procédé, le type d’alcool et le type de contre-solvant.

La personne versée dans l’art

[27] La lettre de révision préliminaire, aux pages 6 et 7, adopte la définition suivante de la personne versée dans l’art utilisée dans la décision finale, laquelle n’a pas été contestée dans la réponse à la décision finale :

[traduction]

La personne versée dans l’art (qui peut comprendre une équipe de personnes possédant diverses expertises) est considérée comme comprenant à tout le moins un chimiste organique dans le développement de produits qui possède de l’expérience ou des connaissances concernant les polymorphes et leur influence sur le rendement des produits.

[28] La réponse à la lettre de révision préliminaire n’a pas contesté la définition du Comité de la personne versée dans l’art. Par conséquent, nous adoptons la définition ci-dessus aux fins de cette analyse.

Les connaissances générales courantes pertinentes

[29] La lettre de révision préliminaire, aux pages 7 et 8, adopte la définition des connaissances générales courantes utilisée dans la décision finale. La lettre de révision préliminaire indique que la réponse à la décision finale n’a pas contesté ou commenté cette définition et, après avoir examiné le mémoire descriptif et les documents de référence indiqués dans la décision finale, et elle estime que les connaissances générales courantes indiquées dans la décision finale sont raisonnables :

[traduction]

[accentuation dans l’original] Cette personne versée dans l’art posséderait des connaissances sur les méthodes de criblage pour les polymorphes en préparant de nouvelles formes au moyen de techniques standards de cristallisation (voir, par exemple, D3, D4 et D5). De plus, la personne versée dans l’art s’attendrait à ce que toute forme solide d’une molécule avec une activité fongicide établie, comme l’azoxystrobine, ait également cette même activité à un certain degré, puisque l’activité biologique est un effet de la molécule et les molécules sont identiques sur le plan chimique. Le criblage est en général effectué au moyen de techniques standards de cristallisation pour cristalliser les produits de solution d’un certain nombre de différents solvants de diverses polarités. La cristallisation est habituellement tentée à partir de solvants utilisés dans les dernières étapes de la synthèse, de la formulation et du traitement. Parmi les solvants de recristallisation courants, on note les suivants : eau, méthanol, éthanol, propanol, isopropanol et mélanges de ceux-ci, le cas échéant. Les techniques standards de cristallisation comme l’agitation, le chauffage, le refroidissement, le changement du pH et l’évaporation partielle ou la concentration de solutions saturées claires sont toutes indiquées. De plus, la personne versée dans l’art serait consciente, du document D5 des CGC, qu’un éventail de solvants (p. ex., de 96 à 413 solvants) peut être contrôlé de manière rationnelle en tenant compte des différentes propriétés de solvants. Cet éventail de solvants, ainsi que toute autre condition typique mentionnée ci-dessus (comme la température, l’évaporation, etc.) peut être contrôlé de manière rationnelle en utilisant des techniques de criblage à haut rendement établies.

[…]

En ce qui a trait aux CGC de la personne versée dans l’art, la DF indique que les documents d’antériorité D3, D4 et D5 feraient partie des CGC de la personne versée dans l’art :

D3 : Byrn et coll., « Pharmaceutical Solids: A Strategic Approach to Regulatory Considerations », Pharma. Res., vol. 12, no 7, pages 945 à 954, 1995.

D4 : Caira, « Crystalline Polymorphism of Organic Compounds », Topics in Curr. Chem., vol. 198, pages 163 à 208, janvier 1998.

D5 : Hilfker et coll., « Approaches to Polymorphism Screening », Polymorphism: in the Pharmaceutical Industry, chapitre 11, pages 287 à 308, 2006.

Après avoir examiné le mémoire descriptif en question, ainsi que les D3, D4 et D5, notre opinion préliminaire est que la définition ci-dessus des CGC est raisonnable. Les D3 et D4 sont des articles de révision et D5 est le chapitre d’un livre, tous discutant des méthodes pour préparer et définir les polymorphes qui sont généralement connues et acceptées sans question par la majorité de ceux qui participent aux arts particuliers de la chimie organique et des composés agrochimiques à la date de revendication. Bien que le rôle de la sérendipité dans la découverte des polymorphes est connue, le criblage expérimental de routine pour étudier le polymorphisme à l’état solide est rencontré dans tous les domaines de recherche qui concernent les substances solides dans le but de trouver la forme la plus optimale d’un composé.

[30] La réponse à la lettre de révision préliminaire affirme que la révision préliminaire n’a pas accordé une considération juste des nombreuses références mentionnées dans les observations précédentes et énumère cinq références précédemment mentionnées que l’on dit maintenant contextualiser les connaissances générales courantes d’une manière contraire :

[traduction]

Les observations antérieures du demandeur ont indiqué au moins autant de références qui contextualisent les connaissances générales courantes d’une manière contraire. Pourtant, les références qui font partie de l’historique de la poursuite n’ont pas fait l’objet de discussions ou de considérations dans la révision préliminaire. De nombreuses références mentionnées par le demandeur sont beaucoup plus récentes que les références D3 à D5 et, à tout le moins, on devrait leur accorder plus de poids puisqu’elles représentent de manière plus exacte les connaissances générales courantes au moment de l’invention. Bien que les documents D3 à D5 pourraient présumément sous-entendre que l’identification des polymorphes est une tâche simple, plus d’une décennie plus tard, les références abordées ci-dessous clarifient que le processus lui-même est beaucoup plus difficile et hautement imprévisible. Les documents D3 à D5 simplifient excessivement l’aspect pratique de ce qui est nécessaire pour identifier un nouveau polymorphe.

[31] Respectueusement, nous ne sommes pas d’accord avec l’observation que les références qui font partie de l’historique de la poursuite n’ont pas fait l’objet de discussions ou de considérations dans la révision préliminaire. La lettre de révision préliminaire, aux pages 12 et 13, reconnaît expressément ces références dans le contexte de l’analyse de l’essai allant de soi. La considération à la quatrième étape de l’analyse de l’évidence correspond aux observations précédentes du demandeur. Par exemple, la réponse à la décision finale cite ces références dans l’évaluation de l’essai allant de soi pour souligner la nature imprévisible de la cristallisation.

[32] De plus, bien que quatre des cinq références avaient été publiées après la date de dépôt de la présente demande, elles confirment que l’imprévisibilité associée à la cristallisation et au criblage des polymorphes à l’aide d’une méthode standard était bien connue à la date pertinente. En fait, l’imprévisibilité du polymorphisme est l’une des raisons pour lesquelles le criblage des polymorphes est nécessaire. Par conséquent, nous ne sommes pas d’accord que les références contextualisent les connaissances générales courantes d’une manière contraire à ce qui a été cerné dans la lettre de révision préliminaire. Par exemple, Lee et coll., « Crystal Polymorphism in Chemical Process Development », Annual Review of Chemical and Biomolecular Engineering, volume 2, pages 259 à 280, 2011 [Lee et coll.] décrit le criblage comme une activité essentielle et discute du large éventail d’approches qui s’appliquent à un criblage de polymorphes aux pages 268 et 269 :

[traduction]

Compte tenu de l’importance du polymorphisme, le criblage d’une forme solide est une activité essentielle et est habituellement mené à l’interface de découverte et de développement de médicaments. L’intention du criblage est de découvrir toutes les phases cristallines possibles et de cerner une forme solide optimale appropriée pour le développement.

[…]

En général, le criblage de polymorphes comporte un large éventail d’approches, y compris la recristallisation des substances médicales d’une solution par l’ajout d’un contre-solvant, le refroidissement et l’évaporation; la cristallisation à partir de la phase de fusion ou amorphe; la formation de boue (et la transition des boues); le broyage (tel quel et aidé d’un liquide); le séchage par atomisation; la sublimation; la diffusion de vapeur; la désolvatation thermique des solvatés; et l’application, au médicament, de divers stress induits par procédés (chaleur, pression et cisaillement). La figure 4 illustre les méthodes classiques; les procédés de cristallisation lents favorisent les phases stables sur le plan thermodynamique et les formes cinétiques ont une plus grande probabilité de nucléer dans les procédés où la cristallisation se produit immédiatement. La plupart des méthodes traditionnelles conviennent à la technologie automatisée à haut rendement. Par conséquent, de larges ensembles d’expériences de cristallisation peuvent être effectués au moyen de petites quantités de substances actives sur une courte période à l’aide de plateformes robotiques pour la production et l’analyse d’échantillons. Les différentes méthodes pour dériver plusieurs formes solides ont fait l’objet de vastes révisions. Il est nécessaire d’exploiter différentes approches, puisqu’une seule méthode peut produire un polymorphe particulier exclusivement.

Les approches fondées sur les solvants, en particulier les méthodes de cristallisation de solutions et les expériences avec boues, devraient intégrer un ensemble divers de solvants et de mélanges de solvants couvrant un large éventail de propriétés (p. ex., les accepteurs et donneurs de liens d’hydrogène, la polarité, le moment dipolaire, la constante diélectrique, la viscosité). […] Les solvants communément utilisés pour le développement d’un procédé de cristallisation ou dans le traitement devraient être inclus dans le criblage.

[33] La réponse à la lettre de révision préliminaire affirme également que l’une des références citées réfute les documents D3 à D5 :

[traduction]

Laird indique :

[accentuation dans l’original] « Une déclaration dans un récent rapport “La sérendipité joue souvent un rôle clé dans la découverte de nouvelles formes, puisqu’aucune méthode générale n’existe pour produire de nouvelles formes d’un composé donné” fera hocher de la tête de nombreux chimistes de procédés, lesquels ont peut-être vu une nouvelle forme cristalline apparaître tard dans le développement d’une nouvelle substance médicamenteuse. […] La prédiction de la structure de cristal d’une substance chimique donnée, et donc de son polymorphisme, est un objectif recherché qui n’est pas obtenu régulièrement, malgré une ou deux réussites avec des molécules particulières. »

Cette référence réfute les documents D3 à D5, puisqu’elle affirme essentiellement que, bien qu’il soit désirable d’obtenir des polymorphes, une telle tâche n’a pas été réalisée de manière régulière. Le manque de réalisation régulière d’une structure de cristal de substances chimiques souligne le fait que bien que l’art fournisse quelques directives générales, l’acte d’identifier réellement un polymorphe demeure élusif.

[34] Nous ne sommes pas d’accord avec l’interprétation en réponse à la lettre de révision préliminaire que Laird indique essentiellement que la tâche d’obtenir des polymorphes était quelque chose qui n’était pas régulièrement réalisé à la date pertinente. Nous estimons que l’extrait cité renvoie à la prévision de structures de cristal particulière comme étant quelque chose qui n’a pas été régulièrement réalisé, comme le démontre la phrase subséquente dans Laird :

[traduction]

Périodiquement, des essais à l’aveugle sont organisés où des chercheurs sont mis au défi de prévoir les structures de cristal de molécules particulières et les résultats sont comparés aux résultats expérimentaux réels.

[35] Nous remarquons également que les extraits cités dans la réponse à la lettre de révision préliminaire confirment à quel point le polymorphisme est répandu et que leur découverte par sérendipité était bien connue à la date pertinente. De plus, Lee et coll. explique à la page 262 que l’intérêt marqué dans le polymorphisme de cristaux peut être attribué à son occurrence fréquente et au fait que d’importantes différences dans les caractéristiques chimiques et physiques peuvent survenir avec des changements dans la forme à l’état solide qui peuvent influencer la facilité de fabrication, le rendement ou la qualité d’une molécule. En d’autres termes, à la date pertinente, le fait que le criblage standard des polymorphes était régulièrement utilisé pour obtenir des polymorphes produits par sérendipité était une connaissance générale courante.

[36] Enfin, la réponse à la lettre de révision préliminaire note qu’un certain nombre de récentes décisions des tribunaux canadiens qui portent sur la compréhension générale de l’art concernant les polymorphes sont également pertinentes puisqu’elles contredisent les affirmations généralisées des documents D3 à D5 :

[accentuation dans l’original] Par exemple, dans Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., 2017 CF 774, au paragraphe [232], le témoignage accepté d’experts dans le domaine a mené le juge à définir les connaissances générales courantes comme suit :

[232] La personne versée dans l’art connaîtrait de façon générale l’existence du criblage de formes cristallines et polymorphes et, comme l’expert d’Apotex l’a dit, que le criblage cristallin et polymorphe était un travail [traduction] « spécialisé » qui devait être réalisé. Comme Mme Park l’a déclaré, le criblage des polymorphes ne constituait pas un travail courant, était difficile et, selon son expérience, exigeait de la compétence et du jugement. On ne pouvait pas prédire au début d’un criblage de formes polymorphes le nombre de formes solides qui seraient détectées, ce qu’elles seraient, ni quelles formes solides résulteraient d’une méthode ou de conditions données. Par conséquent, comme Mme Park l’a déclaré sur la foi de son expérience, et comme M. Myerson l’a déclaré en tant que témoin expert en la matière, ce procédé nécessite souvent la réalisation de nombreuses expériences et analyses, et le recours à la stratégie et au jugement pour prendre des décisions sur la façon de procéder en fonction des résultats obtenus de sorte que le nombre d’expériences qui peuvent être menées est extrêmement élevé.

À l’encontre des affirmations très généralisées des documents D3 à D5, selon le témoigne d’experts, le juge a conclu que peu importe le fait que les méthodes et les techniques générales soient connues, le procédé actuel lui-même n’est pas régulier et il ne serait pas possible de prévoir les formes, le cas échéant, qui seront identifiées. Il est nécessaire de faire preuve de stratégie et de jugement pour prendre des décisions quant à la façon de procéder.

[37] Nous ne sommes pas d’accord que la définition des connaissances générales courantes dans l’art concernant les polymorphes et les conclusions correspondantes comme se retrouvant dans les récentes décisions des tribunaux canadiens soit pertinent dans la présente affaire. Comme il est expliqué dans Apotex Inc c. Pfizer Canada Inc, 2019 CAF 16, au paragr. 41 [ODV CAF], « [a]ussi commune soit-elle, chaque affaire doit être tranchée sur la foi des éléments de preuve dont le juge est saisi dans ce cas précis ». Conformément à cette directive, le juge d’appel, au paragr. 42, confirme également la compréhension de la Cour fédérale que la jurisprudence n’établit pas des « règles rigides » au sujet de l’évidence lorsqu’il est question d’évaluer si un criblage salin ou toute autre forme d’expérimentation est évident ou non.

[38] Nous notons également que la décision citée porte sur une affaire avec une date pertinente pour évaluer l’évidence qui précède la date pertinente de la présente affaire de six ans. À noter, les connaissances générales courantes concernant le criblage des polymorphes ont grandement évolué au cours de cette période pour comprendre l’utilisation de la technologie de criblage à haut rendement automatisée, comme le démontrent le document D5 et Lee et coll.

[39] De plus, en ce qui a trait au témoignage d’experts cité ci-dessus, nous avons déjà reconnu l’imprévisibilité associée à la cristallisation et que le criblage des polymorphes à l’aide de la méthode standard était bien connu à la date pertinente. De plus, le témoignage d’experts ne contredit pas que la personne versée dans l’art connaîtrait en général les méthodes de criblage cristallin et de polymorphes. Plutôt, il reconnaît que parfois il est nécessaire d’aller au-delà des aspects réguliers d’un criblage de polymorphes et de faire preuve de stratégie et de jugement pour prendre des décisions quant à la façon de procéder. Par exemple, le cours de l’expérimentation requis pour identifier un polymorphe en particulier qui peut être entreposé de façon sécuritaire, formulé en un médicament et livré efficacement à des patients peut être dans la nature d’un programme de recherche, comme le démontre la décision citée.

[40] À la lumière de ce qui précède, nous concluons que les connaissances générales communes pertinentes indiquées dans la lettre de révision préliminaire sont appropriées et raisonnables dans le contexte des faits de la présente affaire et nous les adoptons donc pour cette analyse.

Éléments essentiels

[41] La lettre de révision préliminaire, à la page 8, exprime l’opinion préliminaire que la personne versée dans l’art considérerait tous les éléments dans les revendications comme essentiels :

[traduction]

Comme il est énoncé ci-dessus, tous les éléments présentés dans une revendication sont présumés essentiels, à moins que le contraire soit établi ou qu’une telle supposition aille à l’encontre du libellé de la revendication : EP2020-04. De plus, un élément de revendication est essentiel lorsqu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art que son omission ou son remplacement a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention : Free World Trust, au paragr. 55; EP2020-04.

En ce qui a trait au libellé des revendications, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art lisant les revendications 1 à 30 dans le contexte du mémoire descriptif dans son ensemble et des CGC comprendrait qu’il n’y a aucune expression dans les revendications indiquant que l’un des éléments est facultatif ou préférable, ou qu’il était autrement destiné à être non essentiel. Bien que les revendications 10 et 11 énumèrent un groupe de solvants organiques, lorsque l’un d’eux est sélectionné, ces solvants sont considérés comme des éléments essentiels des revendications. Dans le même ordre d’idées, dans la revendication 23 qui énumère un groupe d’alcools comme solutions de rechange, lorsque l’un d’eux est sélectionné, ces alcools sont également considérés comme des éléments essentiels de la revendication. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la personne versée dans l’art considérerait tous les éléments des revendications comme étant essentiels.

[42] La réponse à la lettre de révision préliminaire n’a pas contesté ou commenté cette détermination préliminaire des éléments essentiels. Par conséquent, nous adoptons la détermination ci-dessus des éléments essentiels aux fins de cette analyse.

Évidence

[43] Toutes les 30 revendications au dossier ont été refusées dans la décision finale en raison de l’évidence.

La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes pertinentes

[44] La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes ont été définies dans le cadre de l’interprétation téléologique des revendications. Bien que dans ce contexte les renseignements formant les connaissances générales courantes sont identifiés par la date de publication, ces renseignements sont également considérés comme des connaissances générales courantes à la date de revendication et sont donc pertinents pour évaluer l’évidence.

Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[45] La lettre de révision préliminaire, aux pages 9 et 10, indique que les idées originales indiquées dans la décision finale correspondent en général au libellé des revendications du procédé, de la composition et de la méthode d’utilisation. La lettre de révision préliminaire indique également que la personne versée dans l’art interpréterait les idées originales des revendications 1 et 16 relatives aux composés comme comprenant leur activité fongicide :

[traduction]

[accentuation dans l’original] La DF, à la page 5, définit les idées originales des revendications au dossier comme suit :

Les idées originales des revendications 1 et 16 ne sont pas facilement discernables à partir des revendications elles-mêmes. Un simple nom chimique et des sommets d’un motif de diffraction de rayons X sur poudres, ainsi que les données d’infrarouge, d’analyse calorimétrique différentielle ou de Raman, ne sont pas suffisants pour déterminer l’inventivité. Dans de tels cas, il est acceptable de lire le mémoire descriptif pour déterminer l’idée originale (Sanofi, paragr. 77).

Les idées originales des revendications 1 et 13 à 15 sont le polymorphe cristallin de forme B de l’azoxystrobine, des compositions fongicides le comportant et des méthodes pour son utilisation comme fongicide.

L’idée originale de la revendication indépendante 10 est un procédé pour la préparation du polymorphe cristallin de forme B comportant des mélanges de solvants comportant de l’eau et un solvant organique qui est soit un alcool, soit un amide.

Les idées originales des revendications 16 et 28 à 30 sont un mélange du polymorphe cristallin de forme A avec le polymorphe cristallin de forme B de l’azoxystrobine, des compositions fongicides comportant le mélange et des méthodes pour son utilisation comme fongicide.

L’idée originale des revendications indépendantes 22, 25 et 26 est un procédé pour la préparation de mélanges des polymorphes cristallins de forme A et de forme B comportant la cristallisation dans des mélanges de solvants d’un alcool et d’un contre-solvant ou d’un hydrocarbure aliphatique ou aromatique.

Les idées originales des revendications 2 à 9, 11, 12, 17 à 21, 23, 24 et 27 sont les mêmes que les idées originales des revendications indépendantes correspondantes. Les limitations supplémentaires (p. ex., les sommets de diffraction de rayons X sur poudres, les données d’infrarouge, d’analyse calorimétrique différentielle ou de Raman ou les solvants utilisés) dans ces revendications dépendantes sont considérées à l’étape 4.

La RDF n’a pas contesté ou commenté ces idées originales. Selon notre opinion préliminaire, ces idées originales correspondent en général au libellé des revendications de procédé, de composition et de méthode d’utilisation, mais ne semblent pas tenir compte de toute propriété spéciale qui pourrait faire partie de l’idée originale des revendications de composé. Comme il est noté ci-dessus dans la DF, les idées originales des revendications 1 et 16 ne sont pas facilement discernables des revendications elles-mêmes : la référence au polymorphe de forme B de l’azoxystrobine dans la revendication 1 se limite à une simple formule chimique et à un motif de diffraction de rayons X et dans la revendication 16, la référence au mélange des polymorphes de forme A et de forme B de l’azoxystrobine est pareillement limitée. Par conséquent, nous estimons qu’il est approprié de lire le mémoire descriptif dans son ensemble pour déterminer si des caractéristiques supplémentaires, associées au polymorphe de forme B ou au mélange des polymorphes de forme A et de forme de l’azoxystrobine, peuvent être interprétées comme faisant partie de l’idée originale de ces revendications.

À cet égard, la description divulgue que l’azoxystrobine « est un fongicide systémique à large spectre avec une activité contre les quatre grands groupes de champignons pathogènes aux plantes » (page 1). De plus, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art s’attendrait raisonnablement à ce que le polymorphe de forme B de la revendication 1 et le mélange des polymorphes de forme A et de forme B de la revendication 16 soient également utiles comme fongicide à large spectre. Par conséquent, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art considérerait l’activité fongicide comme faisant partie de l’idée originale des revendications 1 et 16.

En ce qui a trait aux revendications dépendantes 2 à 9, 11, 12, 17 à 21, 23, 24 et 27 qui définissent d’autres limitations en ce qui concerne la caractérisation plus avancée de la forme B (revendications 2 à 9), de la forme A (revendications 17 à 20) ou du mélange de polymorphes (revendication 21), le type de solvant (revendication 11), les étapes particulières du procédé (revendication 12), le type d’alcool (revendications 23 et 27) et le type de contre-solvant (revendication 24), nous estimons que la personne versée dans l’art considérerait ces limitations comme faisant partie des idées originales de ces revendications.

[46] La réponse à la lettre de révision préliminaire n’a pas contesté ou commenté cette définition préliminaire des idées originales. Par conséquent, nous adoptons la définition ci-dessus des idées originales des revendications aux fins de cette analyse.

Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

[47] La lettre de révision préliminaire, aux pages 10 et 11, applique les deux documents suivants aux revendications au dossier :

D1 : WO 98/07707 Berry, I.G., et coll. 26 février 1998 (1998-02-26)

D2 : EP 0 382 375 Clough, J.M., et coll. 16 août 1990 (1990-08-16)

[48] Le document D1 divulgue la préparation de (E) méthyl-2-{2-[6-(2-cyanophénoxy)pyrimidin-4-yloxy]phényl}-3-méthoxypropénoate (azoxystrobine) et la purification subséquente par cristallisation du méthanol (voir les exemples 1 et 2).

[49] Le document D2 divulgue la préparation de divers dérivés d’acide acrylique utiles comme fongicides. L’exemple 3 en particulier divulgue la préparation de (E) méthyl-2-{2-[6-(2-cyanophénoxy)pyrimidin-4-yloxy]phényl}-3-méthoxypropénoate (azoxystrobine). [traduction] « La recristallisation d’éther, de dichlorométhane et de n-hexane a donné [l’azoxystrobine] sous la forme d’une poudre jaune pâle (produit de 1,20 g, 64 %), mp 110 à 111 °C; delta de la résonance magnétique nucléaire 1H : 3,63(3H,s); 3,74(3H,s); 6,42(1H,s); 7,19 à 7,47(6H,m); 7,50(1H,s); 7,62 à 7,75(2H,m); 8,40(1H,s)ppm. Dans une préparation subséquente [d’azoxystrobine], la recristallisation a produit un solide cristallin blanc, mp 118 à 119 °C. »

[50] La lettre de révision préliminaire, à la page 11, indique les différences suivantes entre l’art antérieur cité et les idées originales des revendications :

[traduction]

Notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art considérerait que les principales différences entre les enseignements du document D1 ou du document D2 et l’idée originale des revendications concernant le polymorphe de forme B de l’azoxystrobine sont que « l’état de la technique » ne divulgue pas :

  • la forme B polymorphique de l’azoxystrobine (c.-à-d., les paramètres spectraux et thermiques des revendications 1 à 9).

En ce qui a trait au procédé connexe des revendications 10 à 12, la personne versée dans l’art considérerait qu’une différence supplémentaire est :

  • ni le document D1 ni le document D2 ne divulgue la cristallisation du polymorphe de forme B de l’azoxystrobine à partir d’un mélange de solvant comportant de l’eau et un solvant organique qui est un alcool ou un amide.

Pareillement, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art considérerait que les principales différences entre les enseignements du document D1 ou du document D2 et l’idée originale des revendications concernant un mélange du polymorphe de forme A et de forme B de l’azoxystrobine sont que « l’état de la technique » ne divulgue pas :

  • un mélange composé du polymorphe de forme A (c.-à-d., les paramètres spectraux et thermiques des revendications 16 à 21) et de forme B de l’azoxystrobine (c.-à-d., les paramètres spectraux et thermiques des revendications 1 à 9).

En ce qui a trait au procédé pour préparer le mélange des revendications 22 à 27, la personne versée dans l’art considérerait qu’une différence supplémentaire est :

  • ni le document D1 ni le document D2 ne divulgue la cristallisation d’un mélange du polymorphe de forme A et de forme B de l’azoxystrobine à partir d’un mélange de solvant tel que revendiqué.

[51] La réponse à la lettre de révision préliminaire n’a pas contesté cette détermination des différences. Par conséquent, nous adoptons les différences ci-dessus entre l’art antérieur cité et les revendications au dossier aux fins de cette analyse.

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[52] À cette étape, il faut déterminer si la nature de l’invention est telle qu’elle garantit une analyse de l’essai allant de soi. Au paragr. 68, Sanofi explique qu’une analyse de l’essai allant de soi pourrait être appropriée dans « les domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation » et que « [d]ans ces domaines, de nombreuses variables interdépendantes peuvent se prêter à l’expérimentation ». La lettre de révision préliminaire, à la page 12, reconnaît que les observations faites dans la réponse à la décision finale concernent l’analyse de l’essai allant de soi décrite dans Sanofi et considère qu’une analyse de l’essai allant de soi est justifiée dans la présente affaire. La réponse à la lettre de révision préliminaire n’a pas commenté ou contesté cette approche; par conséquent, nous utiliserons ce cadre aux fins de cette analyse.

Facteur de l’évidence

[53] Ce facteur considère s’il aurait été plus ou moins évident que ce qui est essayé aurait dû fonctionner en prévision des essais réguliers. La lettre de révision préliminaire, aux pages 12 à 14, évalue les observations dans la réponse à la décision finale concernant la nature imprévisible de la cristallisation et pourquoi le criblage pour les polymorphes ne satisfait pas l’analyse mise de l’avant dans Sanofi. Elle note également que la réponse dans la décision finale compare la présente affaire à plusieurs décisions de tribunaux pour expliquer pourquoi le criblage pour les polymorphes peut seulement est considéré comme [traduction] « valant une tentative » avec seulement une simple possibilité que quelque chose puisse en découler.

[54] La lettre de révision préliminaire, aux pages 14 et 15, évalue également l’analyse dans le résumé des motifs qui est en désaccord avec ces conclusions. Le résumé des motifs renvoie aux directives dans ODV CAF pour expliquer que les décisions antérieures ne peuvent pas être utilisées pour forcer une conclusion donnée à l’égard de l’évidence en fonction de similarités factuelles larges au détriment de différences autrement importantes dans une affaire donnée : voir ODV CAF aux paragr. 41 à 44.

[55] À cet égard, la lettre de révision préliminaire est en accord avec l’évaluation dans le résumé des motifs qu’il y a des différences factuelles particulières entre les décisions citées dans la réponse à la décision finale et la présente affaire :

[traduction]

Nous sommes d’accord avec l’évaluation dans le résumé des motifs qu’il y a des différences factuelles particulières entre les décisions citées dans la réponse à la décision finance et la présente affaire. Nous sommes également conscients des directives dans ODV CAF de ne pas forcer une conclusion donnée à l’égard de l’évidence en fonction de similarités factuelles larges au détriment de différences autrement importantes dans une affaire donnée. À cet égard, il est noté que dans les deux affaires citées dans la RDF, il a été démontré que l’invention n’était pas évidente selon l’art antérieur et les connaissances générales courantes fondés sur les faits de ces affaires. Comme il est indiqué dans le résumé des motifs, pour ODV CF, cette preuve comprenait l’enseignement de l’art antérieur que le fumarate ODV, un autre sel de l’ODV, ne fonctionnait pas. Dans Abbott, il y avait la preuve que c’est une procédure standard que de sécher le solvate avant de l’analyser. Selon cette opinion, « la part originale de la découverte d’Abbott était de sceller la clarithromycine humide pour l’empêcher de sécher et l’analyser » (paragr. 76).

[56] La réponse à la lettre de révision préliminaire observe que le résumé des motifs et la lettre de révision préliminaire font une interprétation erronée de la conclusion de non-évidence dans ODV CAF et affirme que dans ODV CAF les conclusions de non-évidence ne dépendaient pas de la preuve qu’il n’y avait aucun motif de croire que le succinate d’ODV fonctionnerait, mais plutôt de l’incapacité de la personne versée dans l’art à prévoir que le succinate d’ODV de forme I pouvait être fabriqué ou existait. La réponse à la lettre de révision préliminaire conclut que les détails de ODV CAF sont grandement semblables à la présente affaire et appuient une conclusion de non-évidence :

[traduction]

[accentuation dans l’original] Dans le résumé des motifs, lequel semble avoir été adopté par la Commission, l’examinateur sous-entend que la seule raison pour laquelle les revendications ont été jugées comme originales dans cette affaire est qu’il n’y avait aucun motif de croire que le succinate d’ODV fonctionnerait, puisque le fumarate d’ODV, un autre sel d’ODV, n’avait pas fonctionné. Autrement dit, il semble que l’implication est que cette décision, en l’absence de la pauvre biodisponibilité de la forme saline du fumarate d’ODV connexe, la forme saline du succinate d’ODV aurait été évidente. La conclusion était que dans la présente demande, il n’y a aucune preuve que la forme B était problématique et il n’y a aucune preuve que la forme B fournit une solution à un problème dans l’art.

Ce n’est pas une bonne compréhension de la conclusion du juge de la cour fédérale ou du juge de la cour d’appel. La Cour d’appel a conclu qu’il était clair selon les raisons que la conclusion de non-évidence avait été fondée sur l’incapacité de la personne versée dans l’art à prévoir que le succinate d’ODV de forme I lui-même pouvait être fabriqué ou même qu’il existait (voir le paragraphe [38]).

[…]

Selon les commentaires du juge du procès, il est clair que la conclusion que les revendications sont originales était fondée sur le simple fait que le travailleur versé dans l’art n’avait aucune connaissance sur les formes qui existaient ou n’était pas en mesure de prévoir comment elles pouvaient être formées. Il est arrivé à cette conclusion même s’il existait des méthodes connues de cristallisation et de criblage de polymorphes et qu’il avait été reconnu qu’il est désirable de rechercher des composés nouveaux et améliorés.

Dans la principale conclusion du juge du procès, on ne retrouve aucune référence au fumarate d’ODV ou aux difficultés qu’il pourrait avoir rencontrées. Bien que la preuve concernant le fumarate pourrait avoir joué un rôle secondaire dans la conclusion du juge, comme il en est question au paragraphe [306], l’affaire ne dépendait pas de cet aspect. Cela pourrait avoir contribué à la conclusion que le juge avait déjà faite, mais il n’y a aucune preuve que cela était directement responsable de la conclusion. Autrement dit, contrairement à l’affirmation de l’examinateur et de la Commission, cette affaire ne concerne pas l’exigence qu’une difficulté doit être surmontée au cours de la découverte de la molécule, que l’art doit mener dans une autre direction que vers la molécule ou que la molécule doit résoudre un problème dans l’art, afin qu’un sel ou un polymorphe soit brevetable.

[57] Nous ne sommes pas d’accord que le résumé des motifs et la lettre de révision préliminaire sous-entendent que la conclusion de non-évidence dans ODV CAF est seulement parce qu’il n’y avait aucun motif de croire que le succinate d’ODV fonctionnerait. Comme le souligne la lettre de révision préliminaire, dans ODV CAF, la preuve que l’invention n’était pas évidente en raison de l’art antérieur et des connaissances générales courantes comprenait l’enseignement de l’art antérieur qu’il avait déjà été démontré que la forme saline du fumarate ne fonctionne pas. La référence à la forme saline du fumarate visait à souligner qu’il y a des différences factuelles particulières entre la décision citée et la présente affaire et pas à suggérer qu’il s’agissait de la seule raison pour la conclusion de non-évidence dans ODV CAF.

[58] Nous ne sommes également pas d’accord que les détails de ODV CAF sont grandement semblables à ceux de la présente affaire. Les connaissances contextuelles qui ont mené à la recherche d’un nouveau médicament d’ODV ainsi que l’expérimentation nécessaire pour découvrir le succinate d’ODB de forme I sont uniques à cette affaire. Par exemple, comme il est expliqué dans Pfizer Canada Inc c. Apotex Inc, 2017 CF 774, aux paragr. 21 à 25 [ODV CF], les connaissances contextuelles qui ont mené à la recherche pour un nouveau médicament d’ODB comprenaient le fait qu’il n’existait aucune forme à l’état solide de l’ODV même qui pouvait être entreposée de manière sécuritaire, formulée en un médicament et livré de manière efficace aux patients. En fait, ODV était seulement connu pour son existence comme métabolite actif du promédicament venlafaxine qui est métabolisé en ODV dans le corps.

[59] De plus, le nouveau médicament ODB recherché nécessitait plusieurs caractéristiques clés : stabilité, solubilité, perméabilité et biodisponibilité. Il devait être stable; c’est-à-dire, un médicament qui peut être entreposé de manière sécuritaire tout au long des procédés de fabrication et de distribution. Il devait également être soluble de manière qu’il soit en mesure de se dissoudre dans le tube digestif. Enfin, le médicament devait être perméable et biodisponible et donc être en mesure d’être transféré du tube digestif à la circulation sanguine où il ferait son travail dans les systèmes du corps. En particulier, le médicament devait être en mesure de pénétrer la barrière hémato-encéphalique afin d’agir sur le cerveau.

[60] En plus d’avoir la stabilité, la solubilité, la perméabilité et la biodisponibilité, le nouveau médicament d’ODB recherché devait posséder ces qualités sans les effets secondaires inacceptables comme la nausée et des vomissements qui étaient des problèmes connus avec l’ODV.

[61] La preuve du récit des inventions derrière le succinate d’ODV de forme I est qu’il avait besoin de plus qu’un criblage polymorphique régulier : ODV CF, paragr. 36 à 41 :

[36] Au départ, Wyeth a utilisé sans succès le fumarate d’ODV, une forme de sel connue de l’ODV,

[37] Wyeth a aussi tenté de créer un promédicament d’ODV, encore une fois sans succès.

[38] De plus, et précédemment, Wyeth avait aussi utilisé un certain nombre de formes salines d’ODV, mais en vain.

[39] Wyeth a ensuite cherché à établir si elle pouvait définir une forme saline mieux indiquée, un parcours qui suscitait un certain scepticisme à l’interne et fondé sur la science, un élément auquel Apotex s’est opposée et dont je traiterai un peu plus loin. Finalement, Wyeth a trouvé la forme saline du succinate d’ODV qu’elle a, après d’autres recherches et expérimentations, transformée en une forme cristalline alors connue comme étant la Forme « A », appelée par la suite le succinate d’ODV de forme I. Ayant déterminé les propriétés positives de cette nouvelle forme cristalline du succinate d’ODV pour ce qui est de la solubilité et de la stabilité, elle a eu recours à SSCI pour mettre à l’essai la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I et définir et mettre à l’essai d’autres formes cristallines; SSCI a fait précisément cela et a trouvé trois autres formes cristallines du succinate d’ODV, plus une forme amorphe du succinate d’ODV.

[40] Wyeth a mené des études in vivo (dans le corps) chez les souris et dans des cellules in vitro (à l’extérieur du corps), ainsi que des essais in vivo chez des rats, des chiens de race beagle et finalement chez des volontaires humains.

[41] Wyeth a conclu que le succinate d’ODV de forme I cristalline possédait la stabilité requise alliée à la solubilité, en plus d’une perméabilité et d’une biodisponibilité qui convenaient. Wyeth a ensuite mené des études complémentaires pour mettre au point des formulations à libération continue du succinate d’ODV de forme I.

[62] Pour paraphraser le juge d’appel au paragr. 41 d’ODV CAF : contrairement à ce que la réponse à l’examen préliminaire semble exiger, ODV CAF ne peut pas être utilisé pour forcer une conclusion donnée à l’égard de l’évidence en fonction de similarités factuelles larges au détriment de différences autrement importantes dans la présente affaire.

[63] Nous notons également que, aux paragr. 50 et 51 d’ODV CAF, le juge d’appel rejette l’affirmation que le juge du procès ne devrait avoir tenu compte que des expériences sur les formes salines et cristallines qui ont directement mené à la préparation initiale du succinate d’ODB de forme I et indique clairement que l’ensemble du récit des inventions derrière le succinate d’ODV de forme I était pertinent :

[50] En réalité, la détection d’une forme cristalline stable n’était pas la fin du procédé de Wyeth. Wyeth souhaitait développer le composé en tant que médicament, mais la nouvelle forme cristalline avait encore besoin d’être caractérisée. De plus, Wyeth ne savait pas si d’autres formes de succinate d’ODV pouvaient être produites et si celles-ci étaient suffisamment stables pour être utilisées comme médicament. Autrement dit, Wyeth ne savait pas [traduction] « ce qu’elle avait entre les mains ». Wyeth a donc jugé nécessaire de procéder au criblage complet des polymorphes du succinate d’ODV et a retenu les services du laboratoire spécialisé SSCI pour réaliser une analyse plus poussée de l’échantillon cristallisé. SSCI a procédé aux essais dans des conditions variées pour tenter de déceler le plus grand nombre possible de formes à l’état solide. Il ressort de l’élément de preuve retenu par le juge de la Cour fédérale à cet égard que la création et l’analyse d’une nouvelle forme à l’état solide sont le fruit d’un travail d’expérimentation détaillé. Le juge de la Cour fédérale a conclu sur la foi de cet élément de preuve qu’il ne s’agissait pas de travaux courants et a retenu le témoignage d’un des experts de Pfizer, la docteure Park, selon qui les « conditions telles que les solvants utilisés, la température, le taux de refroidissement, la durée de l’expérience et la présence de réactifs sont tous des exemples de matières susceptibles d’avoir une incidence sur la forme à l’état solide du composé éventuel qui est produit » (motifs, au paragraphe 125, no 34; voir aussi les motifs, au paragraphe 123). Fait important, le témoignage de la docteure Park atteste ce qui suit (motifs, au paragraphe 125, no 36) :

La création et l’analyse de nouvelles formes à l’état solide n’étaient pas des processus courants. Nous ne pouvions pas prédire au départ le nombre de formes solides que nous pourrions déceler, ni en quoi elles consisteraient, ni les formes solides qui seraient produites par l’usage d’une méthode ou de conditions données. Par conséquent, ce processus nécessite souvent la réalisation de nombreuses analyses et expériences et le recours à la stratégie et au jugement afin de prendre des décisions sur la façon de procéder selon les résultats obtenus.

[Soulignement omis]

[51] Il est intéressant de noter qu’au cours du processus de création et de détection de nouvelles formes à l’état solide, SSCI a découvert une nouvelle forme à l’état solide qui n’était pas cristalline, ainsi que plusieurs autres formes cristallines (motifs, aux paragraphes 132 et 137). Étant donné l’incertitude entourant la découverte de la nouvelle forme cristalline par Wyeth, les vastes travaux de recherche empiriques menés par SSCI constituaient la suite des travaux de Wyeth et étaient nécessaires pour en arriver à la conclusion que le succinate d’ODV de forme I est la forme hydratée la plus stable. Il était donc justifié de la part du juge de la Cour fédérale d’examiner cet aspect.

[64] Avant d’évaluer les faits de la présente affaire, il vaut de souligner d’une conclusion qu’il aurait été plus ou moins évident que l’essai « devrait être fructueux » ne signifie pas qu’une certitude de réussite est requise, autrement il n’y aurait aucune logique à le décrire comme quelque chose « à tenter ». En effet, une analyse de l’« essai allant de soi » est utilisée précisément dans les domaines où les avancées sont réalisées par des expériences, de manière que la réussite ne puisse pas être garantie avant d’essayer (Les Laboratoires Servier c. Apotex Inc, 2019 CF 616, au paragr. 269). Plutôt, ce qui doit être considéré est de savoir s’il est plus ou moins évident que « l’essai » devrait être fructueux à la lumière des connaissances générales courantes et de l’art antérieur; une simple possibilité ne suffira pas, mais un certain niveau d’incertitude est permis dans l’analyse de l’essai allant de soi; voir Janssen Inc c. Apotex Inc, 2021 CF 7, au paragr. 135 :

[135] Pour ce qui est de la question de savoir si « l’essai sera fructueux », il est clair que la certitude du succès n’est pas nécessaire sinon il ne serait pas utile de le décrire comme quelque chose à « tenter ». Le terme « tenter » sous-entend la possibilité d’un échec, mais avec l’attente d’un succès. Il n’est jamais facile de le définir sur un spectre de succès probables, mais il ne s’agit pas d’une passe « Hail Mary » de Doug Flutie de Boston College ni d’un « but dans un filet ouvert » de Wayne Gretsky. Certaines expériences limitées sont autorisées dans le contexte du deuxième facteur. Elles ne doivent pas être ardues, inventives ou inhabituelles.

[65] Dans la présente affaire, l’art antérieur a divulgué l’existence de formes cristallines d’azoxystrobine. De plus, la page 2 de la description fournit les connaissances contextuelles concernant la recherche pour d’autres méthodes de préparation de l’azoxystrobine :

[traduction]

Il y a un besoin urgent non satisfait dans l’art pour des méthodes efficientes pour la préparation et la purification de l’azoxystrobine qui sont simples et peuvent être utilisées à grande échelle pour la fabrication industrielle et qui peuvent produire un produit de grande pureté sécuritaire à l’utilisation.

[66] De plus, comme il est expliqué dans la lettre de révision préliminaire aux pages 16 et 17, les connaissances générales courantes pertinentes établissent qu’il s’agissait d’une pratique courante qu’un chimiste organique dans le développement de produits effectue le criblage expérimental régulier pour la formation polymorphique dans le but de découvrir la forme la plus optimale pour un composé :

[traduction]

À cet égard, le document D3 enseigne que la première étape d’un calibrage de polymorphe est de cristalliser la substance à partir d’un certain nombre de différents solvants (page 946) :

Les solvants doivent inclure ceux utilisés dans les étapes de la cristallisation finale et ceux utilisés au cours de la formulation et du traitement et peuvent inclure l’eau, le méthanol, l’éthanol, le propanol, l’isopropanol, l’acétone, l’acétonitrile, l’acétate d’éthyle, l’hexane et des mélanges de ceux-ci, le cas échéant. De nouvelles formes cristallines peuvent souvent être obtenues en refroidissement des solutions saturées chaudes ou évaporant partiellement les solutions saturées claires.

Le document D4 décrit également l’utilisation de la microscopie à l’étape chaude, ce qui permet l’identification de polymorphes en utilisant seulement de petites quantités de matériel. Cette capacité peut être ajoutée à un criblage afin d’atténuer la probabilité qu’un solvant soit ignoré en raison de l’échec d’une cristallisation initiale. Une fois que l’existence de plusieurs formes est établie, des méthodes pratiques pour la préparation de formes particulières à plus grande échelle peuvent être explorées (page 177) :

Fréquemment, la recristallisation du composé à partir des solvants ou des mélanges de solvants couvrant un large spectre de polarité est efficace pour produire plusieurs des différentes formes en quantité suffisante pour achever la caractérisation au moyen des méthodes analytiques.

Le document D5, lequel a été publié vingt et un ans après le document D3 et dix-huit ans après le document D4, fournit un examen plus contemporain des approches au criblage de polymorphes, y compris la conception de plateformes de cristallisation à haut rendement. Le document D5 reconnaît que « [p]our un criblage polymorphique fiable, les conditions de cristallisation et le type de solvant doivent être variés de la manière la plus large possible » (page 288) et que « [l]e choix de la méthode de cristallisation a une grande influence sur la forme produite et, par conséquent, il est logique d’effectuer les cristallisations au moyen de diverses méthodes lorsque l’on recherche des polymorphes » (page 289). À cet égard, le criblage à haut rendement offre un moyen plus efficient de cribler pour des polymorphes, puisqu’il permet l’essai simultané de plusieurs paramètres qui influencent la cristallisation, y compris la méthode (p. ex., refroidissement, évaporation, précipitation et boue), les conditions (p. ex., le temps, la température, le taux) et le solvant.

[67] La lettre de révision préliminaire note également que dans l’art antérieur, la cristallisation de l’azoxystrobine a été réalisée au moyen de solvants ou de mélanges de solvants utilisés dans la formulation de l’azoxystrobine, comme l’enseignent les connaissances générales courantes :

[traduction]

Puisque le document D1 divulgue, la préparation réussie d’une forme polymorphique de l’azoxystrobine à partir du méthanol, l’un des solvants couramment utilisés indiqués dans le document D3, nous estimons que la personne versée dans l’art considérerait l’essai de solvants courants supplémentaires, par exemple, les autres solvants indiqués dans le document D3, comme un aspect régulier d’un criblage de polymorphes. Pareillement, le document D2 divulgue la recristallisation de l’azoxystrobine, mais à partir d’un mélange, d’éther, de dichlorométhane et de n-hexane. Notamment, ces solvants ont été utilisés dans la formulation et le traitement de l’azoxystrobine qui, comme l’enseigne le document D3, seraient également considérés comme un aspect régulier d’un criblage de polymorphes. Sous cette perspective, la personne versée dans l’art considérerait également l’essai de solvants ou de mélanges de solvants utilisés dans la formulation et le traitement de l’azoxystrobine dans le cadre d’un criblage de polymorphes.

Comme l’indique la description, il existe de nombreuses façons indiquées pour fabriquer de l’azoxystrobine; p. ex., EP-A-0382376, EP-A-0242081 ou U.S. 7,084,272; ainsi que la formulation d’intermédiaires; p. ex., WO 97/30020 et WO 97/01538 (pages 1 et 2). En particulier, ces références divulguent la formulation et le traitement de l’azoxystrobine et de ses intermédiaires à l’aide d’un large éventail de solvants différents, y compris, 1-propanol, N,N-diméthylacétamide, eau, heptane, alcool isopropylique et butanol.

[68] La lettre de révision préliminaire, à la page 17, note également que, selon les connaissances générales courantes des documents D4 et D5, la personne versée dans l’art saurait qu’un criblage de polymorphes comprendrait également la recristallisation du composé à partir de solvants ou de mélanges de solvants couvrant un large spectre de polarités, ainsi que l’essai de paramètres supplémentaires qui influencent la cristallisation, comme la méthode (p. ex., refroidissement, évaporation, précipitation et boue) et les conditions (p. ex., le temps, la température, le taux). Comme l’enseignent le document D5 et Lee et coll., ces méthodes sont adaptées à la technologie automatisée à haut rendement qui permet l’évaluation simultanée de plusieurs paramètres qui influencent la cristallisation tout en atténuant la quantité de matériel qui doit être utilisé et le temps nécessaire pour les essais.

[69] Bien que la réponse à la lettre de révision préliminaire affirme qu’un criblage expérimental « régulier » n’existe pas pour la formation de polymorphes, comme il est indiqué ci-dessus, les connaissances générales courantes appuient qu’un criblage de polymorphes comprendrait l’essai de solvants courants et de solvants ou de mélanges de solvants utilisés dans la formulation et le traitement qui utilisent des méthodes et des conditions de cristallisation standards. De plus, les connaissances générales courantes concernant le criblage de polymorphes sont qu’il est nécessaire d’utiliser un large éventail d’approches qui, lorsqu’elles sont associées à des plateformes robotiques pour la production et l’analyse d’échantillons, permettent d’effectuer de larges ensembles d’expériences de cristallisation au moyen de petites quantités de composés sur une courte période. Nous estimons que ces aspects d’un criblage de polymorphes, lesquels se limitent à la production du plus grand nombre possible de phases cristallines, seraient considérés comme réguliers, contrairement aux approches qui nécessitent de faire preuve de stratégie et de jugement pour prendre des décisions quant à la façon de procéder, par exemple, en fonction de résultats expérimentaux ou de l’analyse comparative des propriétés.

[70] Une autre considération qui a été abordée dans la lettre de révision préliminaire était de savoir si un avantage imprévu constituait un facteur pertinent. La lettre de révision préliminaire, aux pages 18 et 19, explique pourquoi nous sommes d’accord avec l’évaluation dans le résumé des motifs que, dans la présente affaire, un avantage ou un bénéfice imprévu ne peut pas être considéré comme un facteur pertinent. Elle note que des méthodes régulières avaient été utilisées pour préparer les formes revendiquées d’azoxystrobine. De plus, il n’y avait aucun [traduction] « conte moral » de l’art antérieur ou des connaissances générales courantes qui suggérerait que le criblage de polymorphes régulier ne fonctionnerait pas.

[71] De plus, il n’y a aucun enseignement ou suggestion dans la description que la forme B de l’azoxystrobine ou un mélange de la forme A et de la forme B est bénéfique ou avantageux comparativement aux formes polymorphiques connues de l’azoxystrobine divulguées dans les documents D1 et D2. Plus particulièrement, la caractérisation de la forme B et des mélanges de la forme A et de la forme B de l’azoxystrobine se limite aux caractéristiques spectrales. Au-delà de cela, il n’y a aucun essai pour déterminer si des propriétés sont touchées par ces structures cristallines; par exemple, la stabilité et la solubilité. Cela correspond aux idées originales cernées ci-dessus qui se concentrent sur l’activité fongicide escomptée des polymorphes revendiqués.

[72] À la lumière de ce qui précède, nous estimons qu’il aurait été plus ou moins évident pour la personne versée dans l’art, selon la divulgation des documents D1 ou D2 et des connaissances générales courantes, que l’exécution de ces aspects d’un criblage de polymorphes qui sont considérés comme réguliers, par exemple, l’essai de solvants courants et de solvants ou mélanges de solvants utilisés dans la formulation et le traitement de l’azoxystrobine au moyen de méthodes et de conditions de cristallisation standards, aurait dû fonctionner pour générer les formes cristallines de l’azoxystrobine.

[73] Contrairement à l’affirmation dans la réponse à la lettre de révision préliminaire qu’il ne serait même pas clair pour la personne versée dans l’art si l’azoxystrobine se cristallise, la preuve est que l’art antérieur confirme déjà l’existence de l’azoxystrobine cristalline. Le fait que les documents D1 et D2 divulguent tous les deux la purification d’une forme cristalline de l’azoxystrobine appuie notre opinion que la personne versée dans l’art s’attendrait raisonnablement à produire d’autres formes cristallines de l’azoxystrobine en suivant ces aspects d’un criblage de polymorphes qui sont considérées comme réguliers.

[74] Bien que nous considérions que les évaluations ci-dessus sont en grande partie déterminatives de l’analyse de l’essai allant de soi dans cette affaire, nous faisons les observations suivantes à l’égard des autres facteurs non exhaustifs à considérer dans une analyse de l’essai allant de soi.

Facteur de l’ampleur et de l’effort

[75] La lettre de révision préliminaire, à la page 19, considère que l’ampleur, la nature et la quantité d’efforts requis pour effectuer un criblage polymorphique régulier auraient été dans les capacités de la personne versée dans l’art à la date revendiquée. La lettre de révision préliminaire examine la preuve concernant le comportement actuel du demandeur, qui se limite à la part exemplaire de la description, et considère que la personne versée dans l’art agirait d’une manière semblable.

[76] La réponse à la lettre de révision préliminaire affirme que cette conclusion est fondée sur l’analyse après coup et qu’un criblage de polymorphes satisfait aux critères de tâche prolongée et ardue :

[traduction]

La conclusion de la Commission que, puisque les formes de la présente demande ont été préparées à l’aide de techniques communes est clairement une analyse après coup. Simplement parce que la présente demande ne divulgue pas une série d’expériences qui ont échoué qui illustrent le parcours vers l’invention, cela ne signifie pas que le procédé était sans effort. Plutôt, un certain nombre de décisions réfléchies ont été requises en fonction des résultats expérimentaux qui ont été obtenus.

Le demandeur affirme respectueusement que le parcours vers l’invention, telle que définie à la revendication 1, n’était pas simple et de routine et il affirme de nouveau que, compte tenu de la preuve fournie ci-dessus, le criblage de polymorphes n’est, de sa nature, pas une expérience régulière.

En effet, comme le note la propre référence de la Commission au document D5, plus de 400 solvants peuvent être mis à l’essai qui, lorsque combinés à un éventail de températures et de périodes de refroidissement et réchauffement, peuvent générer plus d’un million de conditions expérimentales différentes. Un tel criblage peut prendre des années et nécessiter de vastes quantités de personnel et de ressources. Cela correspond certainement aux critères de tâche prolongée et ardue. Par conséquent, les présentes revendications ne satisfont pas au deuxième critère.

[77] Nous ne sommes pas d’accord que ces aspects d’un criblage de polymorphes, lesquels sont limités aux méthodes de criblage visant à découvrir le plus grand nombre de formes cristallines d’un composé possible, seraient considérés comme prolongés et ardus. Comme il est expliqué ci-dessus, l’expérimentation de cette nature était un aspect régulier du criblage de polymorphes.

[78] La réponse à la lettre de révision préliminaire affirme également que le parcours vers l’invention comportait un certain nombre de décisions réfléchies, en fonction des résultats expérimentaux qui ont été obtenus; toutefois il n’y a aucune preuve qu’une quelconque décision de nature originale était requise. Comme l’a mentionné la lettre de révision préliminaire, la présente demande divulgue que la forme B de l’azoxystrobine et le mélange de la forme A et de la forme B ont été produits à l’aide de techniques de cristallisation courantes, à savoir la précipitation et le refroidissement. De plus, il n’y a aucune preuve qu’il ne s’agissait pas de procédés réguliers. Dans le même ordre d’idées, il n’y a aucune preuve qu’une étude ardue des solvants ou d’autres conditions de formation comme la température ou le taux d’évaporation était requise.

[79] Nous notons également que la caractérisation des polymorphes se limitait à la détermination de leurs différentes caractéristiques spectrales. Particulièrement absente de la description est l’évaluation de toute propriété qui serait pertinente à la fabrication industrielle de l’azoxystrobine; par exemple, des données comparatives démontrant une solubilité améliorée ou une plus grande stabilité par rapport aux formes connues.

[80] Dans l’absence de toute autre caractérisation des polymorphes, nous estimons qu’en exécutant les aspects d’un criblage de polymorphes qui sont régulièrement utilisés lorsque l’on tente de trouver de nouvelles formes cristallines d’un composé, la personne versée dans l’art aurait produit la forme B de l’azoxystrobine ou un mélange de la forme A et de la forme B sans difficulté.

Facteur du motif

[81] En ce qui a trait au facteur du motif, lequel comprend les considérations fournies dans l’art antérieur pour trouver la solution visée par le brevet, la lettre de révision préliminaire évalue les arguments dans la réponse à la décision finale concernant l’écart de vingt ans entre le moment auquel l’azoxystrobine est devenu disponible sur le marché et le dépôt de la présente demande. La lettre de révision préliminaire, à la page 20, explique que simplement parce que l’azoxystrobine a eu une utilisation répandue, cela ne signifie pas que ses différences du type présentement revendiqué ne sont pas évidentes : Apotex Inc c. H Lunbeck A/S, 2013 CF 192, au paragr. 99 :

Un motif est ce qui pousse ou tend à pousser une personne à adopter un plan d’action particulier (Oxford Dictionary). Par ailleurs, il est possible que rien ne justifie une initiative à un moment donné. Par exemple, l’amélioration du rendement énergétique des automobiles n’a pas forcément suscité un grand intérêt dans les années 1950. L’absence d’intérêt ne donnerait pas lieu à un brevet si l’invention finale était évidente.

[82] Dans ce contexte, la lettre de révision préliminaire estime qu’il pourrait simplement avoir eu très peu d’incitatifs à recherche des formes polymorphiques supplémentaires dans les années 1990 :

[traduction]

Pareillement, dans la présente affaire, nous ne sommes pas convaincus que l’âge de l’art antérieur ou le fait que l’azoxystrobine était un fongicide qui a connu du succès sur le plan commercial signifient que la personne versée dans l’art ne serait pas motivée, à un quelconque degré, de rechercher des améliorations. Cela peut simplement signifier qu’il y avait très peu d’incitatifs pour étudier d’autres formes polymorphiques dans les années 1990. Cependant, comme il a été expliqué ci-dessus, les CGC concernant les criblages de polymorphes ont grandement évolué depuis cette époque. À la date de revendication, les CGC pertinentes établissent qu’il s’agissait d’une pratique courante qu’un chimiste organique dans le développement de produits effectue le criblage expérimental régulier pour la formation polymorphique, dans le but de découvrir la forme la plus optimale pour un composé, ce qui constitue un motif dans l’art antérieur pour trouver une solution au moyen d’un criblage de polymorphes régulier.

[83] La réponse à la lettre de révision préliminaire affirme que non seulement cet argument est spéculatif et sans justification, il va également à l’encontre des connaissances générales courantes découlant des documents D3 et D4 qui enseignent que la personne versée dans l’art ferait invariablement le criblage de tout polymorphe.

[84] Nous sommes d’accord que nous ne savons pas pourquoi il y a un écart de vingt ans entre le moment auquel l’azoxystrobine est devenu disponible sur le marché et le dépôt de la présente demande. Cependant, cela ne signifie pas que l’identification de la forme B de l’azoxystrobine était originale. Nous estimons que ce qu’il faut considérer est de savoir si l’art antérieur et les connaissances générales courantes à la date revendiquée fournissent un quelconque motif pour rechercher d’autres formes polymorphiques de l’azoxystrobine. Par conséquent, nous ne sommes pas d’accord avec la position dans la réponse à la lettre de révision préliminaire qui interprète nos évaluations comme des objectifs mutuellement exclusifs en ce qui a trait au motif. La date pertinente pour évaluer le motif est la date revendiquée, pas la date à laquelle l’azoxystrobine est devenue disponible sur le marché.

[85] La lettre de révision préliminaire, à la page 21, explique que le [traduction] « contexte de l’invention » de la présente demande reconnaît particulièrement la recherche en cours dans la synthèse de l’azoxystrobine. Conformément aux enseignements de la description (voir la page 2, lignes 10 à 13), à la date revendiquée, la personne versée dans l’art était consciente qu’il y avait un besoin d’améliorer la préparation et la pureté de l’azoxystrobine. Le motif général d’utiliser les criblages de polymorphe pour répondre à de tels besoins faisait également partie des connaissances générales courantes à la date revendiquée.

[86] À cet égard, la réponse à la lettre de révision préliminaire affirme qu’un motif général pour trouver des polymorphes n’est pas suffisant que, compte tenu d’ODV CF, il doit y avoir la preuve d’un motif particulier pour trouver la forme B de l’azoxystrobine.

[87] Comme il a été expliqué dans AstraZeneca Canada Inc c. Mylan Pharmaceuticals ULC, 2017 CF 142 [AstraZeneca], aux paragr. 148 à 162, un motif particulier n’est pas requis afin de conclure qu’une invention était évidente. Une distinction entre le motif général et particulier ne correspond pas à l’approche contextuelle de Sanofi au motif. Nous n’estimons pas que les motifs généraux et particuliers sont les mêmes. Cependant, nous considérons que l’effet du motif sur l’analyse de l’évidence dépend de la façon dont il interagit avec les autres faits pertinents et pas la catégorie dans lequel il se retrouve. La question de savoir [traduction] « à quel point [le motif] est-il propre » à la revendication est toujours pertinente. Plus il est propre à la revendication, plus le motif peut avoir de poids comme facteur dans la détermination de savoir si la revendication était évidente à tenter (voir AstraZeneca, au paragr. 160).

[88] Bien que nous sommes d’accord qu’il n’y a aucun motif particulier dans l’art antérieur pour trouver la forme B de l’azoxystrobine, il y avait un motif particulier pour rechercher des formes d’azoxystrobine adaptées à la fabrication industrielle. Nous estimons que la personne versée dans l’art aurait commencé avec les aspects d’un criblage de polymorphes qui sont considérés comme réguliers et, en le faisant, elle aurait découvert la forme B de l’azoxystrobine, ainsi que des mélanges de la forme A et de la forme B. Cela correspond à la preuve dans la description concernant les actions qui ont mené à la forme B, ainsi qu’aux mélanges de la forme A et de la forme B de l’azoxystrobine.

Conclusion sur l’essai allant de soi

[89] Compte tenu de ce qui précède, nous estimons que la personne versée dans l’art aurait eu le motif pour produire des formes polymorphiques de l’azoxystrobine et qu’il aurait été plus ou moins évident d’utiliser les aspects d’un criblage de polymorphes qui sont considérés comme réguliers pour tenter de les obtenir. Ce faisant, la personne versée dans l’art aurait produit la forme B de l’azoxystrobine ou un mélange de la forme A et de la forme B sans difficulté et de façon régulière. Par conséquent, nous concluons que les différences entre le document D1 ou le document D2 et les idées originales des revendications indépendantes 1, 10, 13 à 16, 22, 25, 26 et 28 à 30 ne sont pas des étapes qui nécessiteraient un quelconque degré d’invention de la part de la personne versée dans l’art.

[90] En ce qui a trait aux autres revendications dépendantes, la réponse à la lettre de révision préliminaire n’a pas cerné ou associé une quelconque limitation dans ces revendications avec une ingéniosité supplémentaire. Après avoir évalué les revendications dépendantes 2 à 9, 11, 12, 17 à 21, 23, 24 et 27, nous n’estimons pas qu’un quelconque degré d’invention aurait été requis de la part de la personne versée dans l’art à l’égard de la caractérisation spectrale de la forme B, de la forme A ou du mélange de polymorphes ou de la précision du type de solvant, des étapes particulières du procédé, du type d’alcool et du type de contre-solvant.

Conclusion sur l’évidence

[91] Notre conclusion est donc que l’objet des revendications 1 à 30 au dossier aurait été évident pour la personne versée dans l’art à la date pertinente, compte tenu du document D1 ou du document D2 et des connaissances générales courantes, en contravention à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Considération des obligations en vertu de l’Accord sur les ADPIC

[92] La réponse à la lettre de révision préliminaire affirme que le Canada a l’obligation d’accorder un brevet pour une solution technique à un problème technique, découlant de l’article 27.1 de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC), et note également que ses demandes correspondantes et connexes dans plusieurs pays signataires de l’Accord sur les ADPIC ont accordé un brevet.

[93] L’article 27.1 se lit comme suit :

[accentuation ajoutée] Sous réserve des dispositions des paragraphes 2 et 3, un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle.

[94] L’Accord sur les ADPIC est parfois décrit comme un accord sur les « normes minimales » et l’accord donne aux membres la liberté de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les dispositions de l’accord dans leur propre système et leur propre pratique juridiques. De plus, le fait que les demandes étrangères correspondantes ont accordé des brevets, ou le fait que des demandes correspondantes déposées dans d’autres administrations n’ont pas entraîné l’accord de brevet, n’a aucune influence sur la question de l’évidence dans le cadre du droit canadien.

[95] Nous avons évalué la preuve devant nous à la lumière du droit en matière d’évidence établi par les tribunaux canadiens pour arriver à notre conclusion.


 

Recommandation de la Commission

[96] Compte tenu de ce qui précède, le comité recommande que la demande soit rejetée pour les motifs suivants :

les revendications 1 à 30 sont évidentes et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

 

 

 

Christine Teixeira

Marcel Brisebois

Philip Brown

Membre

Membre

Membre


 

Décision du commissaire

[97] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande parce que les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[98] Par conséquent, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec)

ce 29e jour de mars 2022.

 

 

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