Brevets

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Référence : Smart Technologies ULC (Re), 2021 CACB 40

Décision du Commissaire no 1593

Commissioner’s Decision #1593

Date : 2021-09-08

SUJET:

J-00

J-10

Signification de la technique

Programmes d’ordinateur

 

J-50

Simple Plan

 

 

 

TOPIC:

J-00

J-10

Meaning of Art

Computer Programs

 

J-50

Mere Plan

 

 

 

Demande no 2 803 644

Application No.: 2,803,644


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423], dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 803 644 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets [DORS/2019-251]. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

MLT AIKINS LLP

1500 – 1874, RUE SCARTH

Regina (Saskatchewan) S4P 4E9


Introduction

[1] Cette recommandation porte sur la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 803 644 intitulée « Procédé de classement d’évaluations à base d’équations et de système de réponse de participant utilisant ce procédé » et appartenant à Smart Technologies ULC (« le Demandeur »).

[2] La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets [DORS/2019-251]. Conformément aux explications plus détaillées ci-dessous, ma recommandation au commissaire aux brevets est de rejeter la demande.

Contexte

Demande

[3] La demande de brevet canadien no 2 803 644, fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, avec une date de priorité revendiquée du 25 juin 2010, est devenue accessible au public le 29 décembre 2011.

[4] La demande porte sur des méthodes de classement d’évaluations dans les systèmes de réponse de participant. Plus particulièrement, elle concerne une méthode de classement des évaluations fondée sur des équations qui compare des arbres syntaxiques générés à partir de réponses et de solutions.

Historique de la poursuite

[5] Le 15 janvier 2018, une décision finale (« DF ») a été rendue conformément aux dispositions du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets [DORS/96-423] dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, dans laquelle la demande a été rejetée parce qu’elle visait un objet non prévu par la Loi. La DF indiquait que les revendications 1 à 34 au dossier (les « revendications au dossier »), en date du 10 mai 2016, n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[6] Le 12 juillet 2018, une réponse à la DF (« RDF ») a été déposée par le Demandeur. Dans la RDF, le Demandeur a soutenu que l’invention revendiquée visait un objet brevetable et était conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Aucune modification proposée n’a été soumise.

[7] Puisque l’examinateur maintenait la position que la demande n’était pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission le 30 novembre 2018, ainsi qu’un résumé des motifs (« RM ») expliquant pourquoi les revendications au dossier ne définissaient pas un objet brevetable.

[8] La Commission a fait parvenir le RM au Demandeur le 4 décembre 2018.

[9] Le soussigné a été chargé de réviser la demande refusée au nom du commissaire aux brevets en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251).

[10] Dans une lettre de révision préliminaire datée du 23 juin 2021 (la « lettre de RP »), j’ai présenté mon analyse préliminaire et les raisons pour lesquelles je considère que l’objet des revendications au dossier n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. La lettre de RP a aussi donné au Demandeur les possibilités de présenter des observations écrites et d’assister à une audience.

[11] Dans sa réponse à la lettre de RP (« RRP ») en date du 26 juillet 2021, le Demandeur a affirmé que les revendications au dossier visaient un objet brevetable et étaient conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Un ensemble de revendications proposées 1 à 102 (les « revendications proposées ») a également été soumis aux fins de considération.

[12] Une audience a été tenue par téléconférence le 6 août 2021.

Question

[13] Il n’y a qu’une seule question à examiner dans le cadre de cette révision : déterminer si les revendications au dossier définissent un objet brevetable, comme l’exige la Loi sur les brevets. Les revendications proposées ont également fait l’objet de considérations.

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[14] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 et à Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est faite du point de vue d’une personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes, à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend à la fois de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[15] L’avis « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020-04] aborde également de l’application de ces principes, soulignant que tous les éléments énoncés dans une revendication sont présumés essentiels à moins qu’il n’en soit établi autrement ou qu’une telle présomption soit contraire au libellé de la revendication.

Objet brevetable

[16] La définition d’invention est indiquée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[17] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets stipule également que :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[18] L’EP2020-04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une revendication est un objet brevetable :

Afin d’être un objet brevetable et ne pas avoir d’interdiction en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui a une existence ou une manifestation physique d’un effet ou changement discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou de production, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, comme distinction, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[19] L’EP2020-04 décrit de façon plus approfondie l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une invention liée à un ordinateur est un objet brevetable. Par exemple, le simple fait qu’un ordinateur figure parmi les éléments essentiels de l’invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée est un objet brevetable. Un algorithme lui-même est un objet abstrait et non brevetable. Un ordinateur programmé pour traiter simplement l’algorithme d’une manière bien connue sans résoudre aucun problème dans le fonctionnement de l’ordinateur ne le rendra pas un objet brevetable, parce que l’ordinateur et l’algorithme ne font pas partie d’une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou industrielles. D’autre part, si le traitement de l’algorithme sur l’ordinateur améliore la fonctionnalité de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc ensemble une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou industrielles et l’objet défini par la revendication serait un objet brevetable.

[20] Dans Schlumberger Canada Ltd c. Commissioner of Patents, [1982] 1 CF 845 (CA) [Schlumberger], la cour a conclu que, même si des ordinateurs étaient nécessaires pour que l’invention soit mise en pratique, l’ordinateur ne faisait pas partie de [traduction] « ce qui a été découvert » et n’était donc pas pertinent pour déterminer si l’invention revendiquée était un objet brevetable; l’ordinateur n’était qu’utilisé pour faire le type de calculs pour lesquels il avait été inventé.

[21] Dans la RRP (page 2), le Demandeur affirme que le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets ne devrait pas être considéré pour cette révision, puisque la DF n’a soulevé aucune objection en vertu de ce paragraphe.

[22] Cependant, le paragraphe 86(9) des Règles sur les brevets prévoit que de nouvelles irrégularités peuvent être relevées au cours du processus de révision :

Irrégularités additionnelles

(9) Si, lors de la révision d’une demande de brevet refusée, le commissaire a des motifs raisonnables de croire que la demande n’est pas conforme à la Loi ou aux présentes règles en raison d’irrégularités autres que celles indiquées dans l’avis de décision finale, par avis, il informe le demandeur de ces irrégularités et lui demande de lui communiquer, au plus tard un mois suivant la date de l’avis, les motifs pour lesquels il estime sa demande conforme à la Loi et aux présentes règles.

[23] Dans la lettre de RP (page 3), le Demandeur a été informé de l’applicabilité du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets concernant l’évaluation générale de l’objet brevetable, conformément à l’EP2020-04. De plus, aux pages 9 et 10 de la lettre de RP, le Demandeur a été informé de l’applicabilité du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets dans l’analyse de l’objet brevetable et par rapport à l’opinion préliminaire du Comité concernant la brevetabilité des revendications.

[24] À la lumière de ce qui précède, la conformité au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets est considérée comme faisant partie de cette recommandation.

Analyse

Interprétation téléologique

[25] Il y a 34 revendications au dossier, y compris les revendications indépendantes 1, 20, 28, 30 et 34 et les revendications dépendantes 2 à 19, 21 à 27, 29 et 31 à 33. Pour cette analyse, je considère la revendication 1 comme étant représentative des revendications indépendantes et également de la revendication 29 :

[traduction]

1. Une méthode d’évaluation informatisée comportant :

la réception, par un appareil de traitement, une réponse à base d’équations encodée à au moins une question d’évaluation, ladite question d’évaluation, au moins, comportant une équation;

le décodage, par l’appareil de traitement, de ladite réponse à base d’équations encodée pour produire une réponse à base d’équations décodée;

la détermination, par l’appareil de traitement, d’une méthode de classement sélectionnée parmi une pluralité de différentes méthodes de classement;

la création, par l’appareil de traitement, i) d’un arbre syntaxique pour la réponse à base d’équations décodée; et ii) d’un arbre syntaxique pour au moins une seule solution à au moins une question d’évaluation;

la détermination, par l’appareil de traitement, si la réponse à base d’équations décodée correspond à l’équation de ladite question d’évaluation, au moins;

si la réponse à base d’équations décodée ne correspond pas à l’équation de ladite question d’évaluation, au moins, la comparaison, par l’appareil de traitement, des arbres syntaxiques;

le classement, par l’appareil de traitement, de la réponse selon la méthode de classement déterminée à partir des résultats de la comparaison, où ledit classement comporte l’accord d’une note en fonction de la mesure à laquelle les nœuds des arbres syntaxiques correspondent.

[26] Les revendications 2 à 19, 21 à 27 et 31 à 33 établissent les caractéristiques additionnelles suivantes :

  • la méthode de classement est sélectionnée parmi les méthodes de classement de l’équivalence des ordres, de l’équivalence de la forme et de l’équivalence du contenu (revendications 2, 21 et 31);

  • le décodage de la réponse à base d’équations encodée dans un langage de composition, comme LaTeX (revendications 3, 4, 22, 23, 32 et 33);

  • l’analyse de la réponse à base d’équations décodée et d’au moins une solution en des hiérarchies d’opérateurs et d’opérandes en arborescence en vue de former les arbres syntaxiques et les hiérarchies en arborescences d’opérateurs et d’opérantes sont en général fondées sur les ordres d’opérations (revendications 5, 8, 13, 16 et 24);

  • la normalisation des arbres syntaxiques en forme canonique où les opérateurs communs sont simplifiés en un seul opérateur n-aire (revendications 6, 7, 14 et 15);

  • les opérations à exécuter en premier sont placées dans le bas des arbres syntaxiques et les opérations à exécuter en dernier sont placées dans le haut des arbres syntaxiques (revendications 9 et 17);

  • la détermination si les hiérarchies d’opérateurs et d’opérandes correspondent (revendications 10, 11 et 25);

  • lorsque les arbres syntaxiques sont formés de mêmes nœuds, ledit classement comprend le classement de la réponse comme étant exacte (revendication 12);

  • avant ladite comparaison, la détermination si l’arbre syntaxique créé pour la réponse à base d’équations décodée est valide et, lorsque ledit arbre syntaxique est créé pour la réponse à base d’équations décodée n’est pas valide, ignorer ladite comparaison et classer ladite réponse comme étant inexacte (revendications 18 et 26);

  • la réception de la réponse à base d’équations encodée d’un ou plusieurs appareils de réponse (revendications 19 et 27).

La personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC)

[27] La DF (page 2) a caractérisé la personne versée dans l’art et ses CGC comme étant les suivantes :

[traduction]

La ou les personnes versées dans l’art peuvent être formées d’une équipe d’enseignants et d’ingénieurs en technologie de l’information qui connaissent la conception de systèmes de réponse de participants employant des méthodes pour classer les réponses à base d’équations. La personne versée dans l’art connaît également les méthodes connues de classement d’évaluation à base d’équations.

Comme il est décrit dans le contexte de l’invention, il est bien connu dans l’art d’avoir des systèmes de réponse des participants pour permettre aux participants à un événement de saisir les réponses aux questions posées (par. 2 à 8). Les systèmes ActivExpressionMD et CPS PulseMD permettent d’administrer des questions, dont les solutions sont des équations qui sont classées par un moteur qui évalue les solutions à ces questions (par. 9).

De plus, encoder, transmettre, recevoir et décoder l’information sont considérés comme des éléments des connaissances générales courantes dans l’art. Cela est renforcé par le fait que, bien que les revendications décrivent la réception d’une réponse à base d’équations encodée à au moins une question d’évaluation, ladite question d’évaluation, au moins, comportant une équation et le décodage de ladite réponse à base d’équations encodée pour produire une réponse à base d’équations décodée, aucun détail n’est fourni sur l’encodage et le décodage de la réponse à base d’équations. Implicitement il est supposé que ces caractéristiques représentent des connaissances courantes dans l’art et ne sont pas liées au problème auquel fait face l’inventeur. Cela est renforcé par le paragraphe 74 de la description, lequel indique que « différents protocoles de communication et d’encodage pour communiquer les réponses au xThink Engine que ceux décrits ci-dessus peuvent être utilisés à la place ».

[28] Dans la RDF (pages 2 et 3), le Demandeur n’est pas d’accord avec la caractérisation ci‑dessus, mais n’a fourni aucune définition de la personne versée dans l’art.

[29] Selon la section « Contexte de l’invention » dans la présente demande, j’ai préliminairement caractérisé la personne versée dans l’art dans la lettre de RP comme suit :

[traduction]

Une équipe de personnes versées dans l’art dans le domaine des systèmes de réponse de participants utilisés pour évaluer des réponses à base d’équations et des technologues expérimentés avec le développement et l’approvisionnement de logiciels, d’outils et d’infrastructures utilisés conventionnellement pour appuyer les activités et la conception de tels systèmes.

[30] Dans la RRP (pages 2 à 3), le Demandeur n’est pas d’accord avec cette caractérisation et affirme que les [traduction] « réponse à base d’équations » ne devraient pas faire partie des CGC, déclarant que :

Le demandeur observe que la personne versée dans l’art devrait être caractérisée comme suit :

[traduction]

  • Une équipe de personnes versées dans l’art dans le domaine des systèmes de réponse de participants utilisés pour évaluer des réponses et des technologues expérimentés avec le développement et l’approvisionnement de logiciels, d’outils et d’infrastructures utilisés conventionnellement pour appuyer les activités et la conception de tels systèmes.

[31] Aux fins de cette révision, cette caractérisation, qui change [traduction] « réponses à base d’équations » de la caractérisation dans la lettre de RP à [traduction] « réponses », est adoptée.

[32] La lettre de RP a aussi indiqué les CGC de la personne versée dans l’art :

[traduction]

Au cours de la révision préliminaire, je me suis également inspiré des documents suivants pour établir plus clairement les CGC :

D1 : Zanibbi et coll., « Recognizing Mathematical Expressions Using Tree Transformation », IEEE Transactions on Patent Analysis and Machine Intelligence, vol. 24, no 11, novembre 2002.

D2 : Smart Technologies – Products, disponible à : https://web.archive.org/web/20091225211722/http://www2.smarttech.com:80/st/en-us/products, 25 décembre 2009.

D3 : Smart Technologies – Response CE, disponible à :

http://web.archive.org/web/20091118175254/http://www2.smarttech.com/st/en-US/Products/SMART+Response/SMART+Response+CE/ , 18 novembre 2009.

D4 : Mathematical Markup Language (MathML) Version 2.0 (Second Edition), World Wide Web Consortium (W3C), disponible à : https://www.w3.org/TR/MathML2/, 21 octobre 2003.

Dans mon opinion préliminaire, comme le montre le D1, lequel est un document bien cité et bien connu, la personne versée dans l’art connaît les techniques de reconnaissance des notations mathématiques, y compris utiliser les transformations d’arbres syntaxiques pour représenter des expressions mathématiques. Mon opinion préliminaire est également que les langages de composition bien connus comme LaTeX sont souvent utilisés pour représenter l’analyse des expressions mathématiques, comme le montrent le D1 et de nombreux documents du milieu universitaire et de l’industrie.

De plus, avant la date de revendication de la présente demande, les logiciels de classes virtuelles qui pouvaient être utilisés pour effectuer les évaluations des étudiants, comme SMART NotebookMD et SMART ResponseMD, étaient bien connus, comme le montrent les D2 et D3.

En ce qui a trait à l’encodage et au décodage des mathématiques pour le traitement par ordinateur ou la communication électronique, il s’agit d’un problème bien reconnu depuis les années 1980 et il existe de nombreuses techniques et de nombreux protocoles mis en œuvre à cette fin (D4, section 1.2.1). Par exemple, MathML, une norme populaire de l’industrie largement utilisée par les institutions d’enseignement, a été conçue pour [traduction] « encoder le matériel mathématique approprié pour l’enseignement et la communication scientifique à tous les niveaux » et [traduction] « faciliter la conversion entre les formats mathématiques, de présentation et sémantiques […] comme TeX » (D4 : section 1.2.1).

Par conséquent, selon certains points des CGC extraits des D1 à D4 et de la section « Contexte de l’invention » de la présente demande, j’estime préliminairement les connaissances suivantes comme des CGC :

  • la connaissance concernant la conception, la mise en œuvre, le fonctionnement et l’entretien d’un système informatisé de réponse de participants pour évaluer les réponses à base d’équations au moyen de technologies informatiques conventionnelles;

  • la connaissance de techniques bien connues sur la reconnaissance et la représentation de notations mathématiques, y compris l’utilisation de notations LaTeX et de transformations d’arbres syntaxiques pour représenter des expressions mathématiques;

  • la connaissance de protocoles bien connus utilisés pour encoder et décoder les notations mathématiques pour le traitement informatique et la communication.

[33] Dans la RRP (pages 3 et 4), le Demandeur n’est pas d’accord avec cette caractérisation et soumet sa caractérisation des CGC :

[traduction]

Le demandeur observe que les CGC seraient :

  • la connaissance concernant la conception, la mise en œuvre, le fonctionnement et l’entretien d’un système informatisé de réponse de participants pour évaluer les réponses au moyen de technologies informatiques conventionnelles;

  • la connaissance de techniques bien connues sur la reconnaissance et la représentation de notations mathématiques, y compris l’utilisation de notations LaTeX et de transformations d’arbres syntaxiques pour représenter des expressions mathématiques;

  • la connaissance de protocoles bien connus utilisés pour encoder et décoder les notations mathématiques pour le traitement informatique et la communication.

[34] Aux fins de cette révision, cette caractérisation, qui change [traduction] « réponses à base d’équations » de la caractérisation dans la lettre de RP à [traduction] « réponses », est adoptée.

Éléments essentiels

[35] Comme l’indique la lettre de RP, selon l’EP2020-04, une interprétation téléologique est réalisée en cherchant à déterminer où la personne versée dans l’art aurait compris que le Demandeur avait l’intention d’installer des clôtures autour du monopole revendiqué.

[36] Compte tenu de l’ensemble du mémoire descriptif, la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a pas dans les revendications d’utilisation de langage indiquant qu’un des éléments est optionnel, une réalisation préférentielle, l’un d’une liste de variantes, ou encore non essentiel. Par conséquent, tous les éléments énumérés dans chacune des revendications sont présumés être essentiels.

Objet brevetable

[37] Bien que tous les éléments revendiqués, y compris les éléments informatiques, sont présumés être essentiels, comme l’indique l’EP2020-04, le simple fait qu’un ordinateur est identifié comme étant un élément essentiel d’une invention revendiquée aux fins de la détermination des clôtures autour du monopole sous l’interprétation téléologique ne signifie pas nécessairement que l’objet défini par la revendication est un objet brevetable et n’est pas assujetti à l’interdiction en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[38] De plus, comme l’indique l’EP2020-04, « [a]fin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles », renvoyant, en partie, à Canada (Procureur général) c. Amazon.com, Inc, 2011 CAF 328 [Amazon], par. 42 et 66 à 69. Dans Amazon (par. 61 à 63, 66 et 69), la cour a indiqué qu’une idée désincarnée ne peut pas devenir brevetable simplement parce qu’elle a une réalisation pratique ou une application pratique. Amazon souligne également que tel était le cas dans Schlumberger, où l’ordinateur était simplement utilisé pour faire le genre de calculs qu’il avait été inventé pour faire.

[39] Comme l’explique la lettre de RP, pour la présente demande, les éléments informatiques revendiqués comme [traduction] « appareil de traitement », [traduction] « interface d’entrée » et [traduction] « mémoire stockant du code de programme informatique » visent des composants informatiques génériques qui sont utilisés d’une manière bien connue pour saisir et traiter des données. Par conséquent, la simple présence de ces éléments ne rendrait pas un algorithme abstrait brevetable selon l’EP2020-04. La personne versée dans l’art, au moment de lire le mémoire descriptif dans son ensemble, comprendrait comment ces éléments pourraient être mis en œuvre et utilisés de manière conventionnelle par la méthode revendiquée, sans apporter une quelconque amélioration à la fonction d’ordinateur. Par conséquent, les éléments informatiques, tels que revendiqués, sont simplement utilisés pour faire la sorte de calculs génériques et le traitement de données pour lesquels ils sont reconnus (voir Schlumberger) et ne font pas partie de l’invention réelle.

[40] De plus, en ce qui a trait à la caractéristique d’encoder et de décoder des réponses à base d’équations, la présente demande ne divulgue ou ne revendique aucune technique d’encodage ou de décodage nouvelle ou améliorée au-delà des protocoles connus. En effet, au paragraphe [00074], la description indique que [traduction] « différents protocoles de communication et d’encodage pour communiquer les réponses » peuvent [traduction] « être utilisés à la place » sans fournir aucun autre détail. Par conséquent, la personne versée dans l’art, au moment de lire le mémoire descriptif dans son ensemble, comprendrait que l’invention ne vise pas la façon dont les réponses sont encodées, décodées ou transmises, mais l’algorithme de classement abstrait utilisant des comparaisons d’arbres syntaxiques. Puisque la divulgation se concentre sur l’algorithme abstrait et ses avantages, la caractéristique d’encodage et de décodage n’est pas considérée comme faisant partie de l’invention réelle et n’accorde aucune présence physique à la méthode revendiquée.

[41] Dans la RRP (page 5),e et au cours de l’audience, le Demandeur a affirmé que la présente demande règle les problèmes de [traduction] « (1) évaluer avec exactitude des réponses à base d’équations ayant plusieurs bonnes réponses au moyen d’un système de réponse de participants; 2) fournir des notes partielles lors de l’évaluation de réponses à base d’équations au moyen d’un système de réponse de participants; et 3) évaluer avec efficience les réponses à base d’équations au moyen d’un système de réponse de participant ». Le Demandeur affirme également que ces problèmes [traduction] « visent des problèmes associés au fonctionnement de l’ordinateur » et [traduction] « fournir des notes partielles était quelque chose qui était auparavant inconnu dans l’art pour les réponses à base d’équations ».

[42] Pour les deux premiers problèmes, le Demandeur affirme dans la RRP (page 5) : [traduction] « les deux premiers problèmes sont quelque peu associés puisqu’ils abordent l’exactitude d’évaluer des réponses à base d’équations ». J’estime que ces problèmes concernent l’exactitude et la flexibilité de l’algorithme de classement. Le mémoire descriptif ne fournit aucun détail concernant la façon dont ces caractéristiques peuvent être mises en œuvre au moyen des composants informatiques particuliers au-delà des éléments d’ordinateur à usage général. La personne versée dans l’art comprendrait que ceux-ci visent des améliorations pour l’algorithme lui-même, pas les fonctionnalités de l’ordinateur.

[43] Pour le troisième problème, dans la RRP (pages 6 à 8), le Demandeur affirme que :

[traduction]

En particulier, la revendication 1 indique, entre autres,

la détermination, par l’appareil de traitement, si la réponse à base d’équations décodée correspond à l’équation de ladite question d’évaluation, au moins;

si la réponse à base d’équations décodée ne correspond pas à l’équation de ladite question d’évaluation, au moins, la comparaison, par l’appareil de traitement, des arbres syntaxiques;

Pareillement, la revendication 20 indique, entre autres,

la détermination, par l’appareil de traitement, si la réponse comprend une équation qui correspond à l’équation de la question d’évaluation;

si la réponse ne comprend pas une équation qui correspond à l’équation de la question d’évaluation, comparer, au moyen de l’appareil de traitement, i) la hiérarchie des opérateurs et des opérandes de la réponse avec ii) une hiérarchie d’opérateurs et d’opérandes en solution;

L’ordre de ces deux étapes est important pour traiter de manière efficiente les réponses à base d’équations en effectuant d’abord une opération de correspondance de la réponse à base d’équations pour l’équation de la question d’évaluation. Si la réponse à base d’équations ne correspond pas à l’équation de la question d’évaluation, alors des opérations plus exigeantes en calculs informatiques sont exécutées en comparant les arbres syntaxiques (ou les hiérarchies) et fournissant une évaluation en fonction de la comparaison.

[44] Des arguments semblables sont soulevés pour les revendications 18, 26 et 28.

[45] Aucune preuve n’est fournie dans le mémoire descriptif que l’invention revendiquée est plus efficiente sur le plan des calculs informatiques comparativement à l’art antérieur, comme la méthode de [traduction] « comparaison des chaînes de caractères » mentionnée dans la demande. Dans le cas où une réponse comporte une équation qui correspond à une solution prédéterminée, la méthode proposée aura le même rendement que la méthode connue et évaluera la réponse comme étant exacte, ce qui termine l’évaluation sans aucune autre étape de traitement de données. Dans le cas où une réponse ne comporte pas une équation qui correspond à une solution prédéterminée, la méthode connue évaluera la réponse comme étant inexacte sans aucune action, alors que la méthode revendiquée utilisera une comparaison d’arbres syntaxiques exigeante sur le plan des calculs informatiques pour effectuer une analyse approfondie. Par conséquent, bien que la méthode revendiquée puisse fournir des résultats d’évaluation plus flexibles et exacts, elle ne semble pas avoir une meilleure efficience sur le plan des calculs informatiques comparativement aux méthodes connues.

[46] Dans la RRP (page 6), le Demandeur a également affirmé que : [traduction] « [l]es revendications 1 à 20 diffèrent d’une manière très importante. Pour la revendication 1, l’appareil de traitement reçoit les réponses à base d’équations encodées, alors que pour la revendication 20, l’appareil de traitement peut indirectement recevoir les réponses à base d’équations encodée. »

[47] La présente demande ne porte pas sur un nouveau moyen de recevoir les réponses, y compris de nouveaux appareils de réponse. En effet, la divulgation indiquait que les appareils et les logiciels qui étaient bien connus avant la date de revendication, comme un ordinateur hôte exécutant le logiciel de tableau blanc SMART NotebookMD et le logiciel SMART ResponseMD CE Teacher, peuvent être utilisés pour l’algorithme revendiqué. De plus, la revendication 1 indique [traduction] « la réception, par un appareil de traitement, une réponse à base d’équations encodée » et la revendication 20 indique [traduction] « au moment de recevoir une réponse à base d’équations encodée à une question d’évaluation, décoder, au moyen d’un appareil de traitement […] ». Dans ce cas-ci, les revendications 1 et 20 au dossier ne précisent aucun détail concernant la façon dont les réponses sont reçues, directement ou indirectement. Par conséquent, la personne versée dans l’art, au moment de lire le mémoire descriptif dans son ensemble, comprendrait que le moyen d’entrée et l’appareil de réponse ne font pas partie de l’invention réelle et n’accordent aucune présence physique à la méthode revendiquée.

[48] Par conséquent, j’estime que l’invention réelle des revendications 1, 20, 28 à 30 et 34 au dossier porte sur un algorithme abstrait d’évaluation des réponses à base d’équations au moyen de comparaisons d’arbres syntaxiques. Cet objet vise un algorithme abstrait, est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et n’est pas considéré comme un objet brevetable en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[49] Les revendications 2 à 19, 21 à 27 et 31 à 33 présentent d’autres règles de traitement de données concernant la façon dont l’algorithme de classement est exécuté. Ces revendications portent sur des règles abstraites et ne sont pas conformes au paragraphe 27(8) et à l’article 2 de la Loi sur les brevets pour les mêmes raisons qui précèdent.

[50] Par conséquent, les revendications 1 à 34 au dossier ne définissent pas un objet brevetable et ne sont pas conformes au paragraphe 27(8) et à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[51] Dans la RRP (page 7), le Demandeur a expliqué les caractéristiques supplémentaires introduites par les revendications proposées :

[traduction]

En général, les revendications 1 à 34 indiquent des caractéristiques supplémentaires dans les revendications indépendantes pour présenter les questions d’évaluation et saisir une solution dans un appareil de réponse. En général, les revendications 35 à 68 indiquent de manière plus détaillée l’amélioration de l’efficience dans le classement des réponses à base d’équations dans un système de réponse de participants et comprennent les caractéristiques de note partielle dans les revendications indépendantes. En général, les revendications 69 à 102 mettent l’accent dans les revendications indépendantes que les questions d’évaluation sont présentées au cours d’une leçon et que les résultats sont ajoutés à une note associée à un participant au cours de la leçon. Les revendications 69 à 102 comprennent également les caractéristiques de note partielle.

[52] Puisqu’il n’y a aucune formulation indiquant que l’une de ces caractéristiques est optionnelle, une réalisation préférée, un élément d’une liste de variantes ou non essentielle, toutes les caractéristiques présentées dans les revendications proposées sont considérées comme essentielles pour les revendications proposées.

[53] En ce qui a trait aux caractéristiques de présenter les questions d’évaluation et de saisir les solutions dans un appareil de réponse, celles-ci portent sur la façon dont les questions et les solutions sont obtenues, et non pas la façon dont la méthode de classement est exécutée. De plus, la demande n’enseigne pas ou ne divulgue pas un nouvel appareil de saisie pour recevoir les questions et les solutions au-delà de moyens biens connus. Ceux-ci sont considérés comme des éléments informatiques génériques utilisés pour faire le genre de calculs qu’il avait été inventé pour faire (Schlumberger). Par conséquent, ces caractéristiques sont considérées comme ne faisant pas partie de l’invention réelle, laquelle porte sur un algorithme de classement abstrait.

[54] En ce qui a trait aux caractéristiques qui concernent les améliorations à l’efficience des calculs de l’algorithme revendiqué, comme il est expliqué ci-dessus, il n’y a aucune preuve que l’algorithme revendiqué améliore l’efficience comparativement aux méthodes de classement connues.

[55] En ce qui a trait à la caractéristique des « notes partielles », comme il est expliqué ci-dessus, elle vise des améliorations apportées à l’algorithme de classement, pas l’ordinateur. Bien que cette caractéristique pourrait améliorer les résultats du classement en termes d’exactitude et de flexibilité, elle n’améliore pas le fonctionnement de l’ordinateur.

[56] Par conséquent, les revendications proposées ne changeraient pas la détermination de la personne versée dans l’art, des CGC et de l’invention réelle. Ainsi, les revendications proposées ne peuvent pas être considérées comme une modification « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(1) des Règles sur les brevets, puisqu’elles ne sont pas conformes au paragraphe 27(8) et à l’article 2 de la Loi sur les brevets pour les raisons énoncées ci-dessus.

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

[57] Compte tenu de ce qui précède, je recommande que la demande soit rejetée au motif que toutes les revendications au dossier ne visent pas un objet brevetable, ce qui est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne correspond pas à la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[58] De plus, les revendications proposées ne corrigent pas les irrégularités de l’objet non brevetable et, par conséquent, l’introduction de ces revendications ne constitue pas une modification « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

 

 

Liang Ji

Membre

Décision du commissaire

[59] Je suis d’accord avec les conclusions de la Commission et avec la recommandation de celle‑ci de rejeter la demande au motif que les revendications 1 à 34 au dossier ne visent pas un objet brevetable, ce qui est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne correspond pas à la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[60] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets

 

 

Fait à Gatineau (Québec),

ce 8e jour de septembre 2021

 

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