Référence : Acoustic L.P. (Re), 2021 CACB 39
Décision du commissaire no1592
Commissioner’s Decision #1592
Signification de la technique
Programmes d’ordinateur
Opération purement mentale
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Computer Programs
Mental Steps
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DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 742 315 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019‑251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.
Introduction
[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 742 315 (la demande en instance), intitulée « PROCÉDÉ ET APPAREIL DESTINÉS À UNE DÉCOMPOSITION CONFIGURABLE INDÉPENDANTE D’UN MODÈLE D’UNE MÉTRIQUE COMMERCIALE » et qui appartient à Acoustic L.P. (le demandeur). La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, la Commission recommande que le commissaire aux brevets rejette la demande.
CONTEXTE
La demande
[2] La demande, fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, est réputée avoir été déposée au Canada le 30 octobre 2009. Elle est devenue accessible au public le 6 mai 2010.
[3] L’application concerne généralement l’analyse de données multidimensionnelles et plus particulièrement la détermination de l’effet des activités de commercialisation sur une métrique commerciale. La demande comporte 20 revendications au dossier, qui ont été reçues au Bureau des brevets le 8 juin 2017.
Historique de la poursuite de la demande
[4] Le 19 mars 2018, une décision finale (DF) a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, dans leur version antérieure au 30 octobre 2019. La DF a indiqué que la présente demande est irrégulière, car toutes les revendications au dossier visent un objet qui ne correspond pas à la définition d’invention et que, par conséquent, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.
[6] L’examinateur ayant jugé que la demande n’était toujours pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets, dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande a été transmise à la Commission pour révision le 20 février 2019, accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs. Le résumé des motifs expose la position selon laquelle les revendications au dossier étaient toujours considérées comme irrégulières, et les revendications proposées ne remédieraient tout de même pas à l’irrégularité de l’objet principal.
[8] Dans une lettre en date du 7 mars 2019, le demandeur a confirmé qu’il souhaitait qu’on procède à la révision.
[9] J’ai révisé la demande au nom de la Commission en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets. Dans une lettre de révision préliminaire (lettre de RP) en date du 15 juin 2021, j’ai exposé mon analyse préliminaire des questions au regard des revendications au dossier et des revendications proposées. J’ai également donné au demandeur une occasion de présenter d’autres observations orales ou écrites.
QUESTIONS
[12] J’examine également les revendications proposées.
PRINCIPES JURIDIQUES ET PRATIQUE DU BUREAU
Interprétation téléologique
[13] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 et à Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est faite du point de vue d’une personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (CGC) pertinentes, à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend à la fois de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante ait un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.
Objet brevetable
[15] La définition d’invention est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :
invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.
[16] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets prévoit également que :
Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.
Cela fait référence, en partie, à l’arrêt Canada (Procureur général) c. Amazon.com, Inc., 2011 CAF 328, aux paragraphes 42 et 66 à 69.
[18] L’EP2020-04 décrit de façon plus approfondie l’approche du Bureau des brevets pour décider si une invention liée à un ordinateur est un objet brevetable. Par exemple, le simple fait qu’un ordinateur figure parmi les éléments essentiels de l’invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée est un objet brevetable. Un algorithme lui-même est un objet abstrait et non brevetable. Un ordinateur programmé pour traiter simplement l’algorithme d’une manière bien connue sans résoudre aucun problème dans le fonctionnement de l’ordinateur ne le rendra pas brevetable pour l’objet, parce que l’ordinateur et l’algorithme ne font pas partie d’une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou de production. D’autre part, si le traitement de l’algorithme sur l’ordinateur améliore la fonctionnalité de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc ensemble une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou de production et l’objet défini par la revendication serait un objet brevetable.
ANALYSE
Interprétation téléologique
Compte tenu des déclarations dans la description, la personne versée dans l’art à qui s’adresse la demande peut être définie comme groupe composé de personnes ayant une expérience dans le domaine des affaires, de l’économie et de l’analyse de marché.
[21] Dans la RDF, le demandeur n’a pas contesté ces définitions. Comme je l’ai écrit dans la lettre de RP, je les adopte, mais j’ajoute que la personne ou l’équipe compétente comprendrait un programmeur informatique et que leurs connaissances générales courantes comprendraient la manière de programmer des algorithmes mathématiques de traitement des données sur un ordinateur à usage général.
[22] Dans la DF aux pages 2 et 3, l’interprétation téléologique réalisée a donné lieu à un ensemble d’éléments essentiels pour certaines revendications selon une pratique antérieure du Bureau des brevets, maintenant remplacée par l’EP2020-04. J’entreprends à nouveau l’identification des éléments essentiels.
[23] La revendication indépendante 1 est représentative et se lit comme suit :
Une méthode mise en œuvre par ordinateur comprenant :
commander au processeur d’accéder à un modèle de réponse et à une pluralité d’activités, le modèle de réponse et la pluralité d’activités étant utilisés pour calculer une métrique commerciale attendue, dans laquelle chacune de la pluralité d’activités a une valeur de référence et une valeur exécutée;
[25] Compte tenu de l’ensemble du mémoire descriptif, la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a aucun langage indiquant que l’un des éléments de la revendication est facultatif ou fait partie d’une liste d’alternatives. Par conséquent, à mon avis, comme il est exprimé dans la lettre de RP, tous les éléments indiqués dans la revendication 1 sont considérés comme essentiels, y compris le processeur de l’ordinateur.
Objet brevetable
[30] Comme je l’ai écrit dans la lettre de RP :
L’ordinateur ou le processeur est le seul élément essentiel ayant une existence physique. Cependant, la situation en l’espèce est similaire à celle de l’affaire Schlumberger, où la présence d’un ordinateur programmé à usage général n’a pas empêché que l’invention revendiquée soit considérée comme non brevetable. Un ordinateur qui effectue simplement des calculs comme il a été conçu pour le faire n’est pas considéré comme faisant partie d’une seule invention réelle.
Dans toutes les revendications, l’invention réelle semble consister à accéder à un modèle de réponse et à certaines activités (réception de données d’entrée), et à calculer les contributions à une métrique commerciale, à calculer une réponse différentielle et à calculer une synergie. Cela constitue un algorithme abstrait et est un objet interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.
[31] À mon avis, toutes les revendications au dossier ne satisfont pas à l’exigence du caractère matériel pour l’objet brevetable conformément à la décision Amazon.com, comme il est mentionné dans l’EP2020-04, et ne sont pas conformes à la définition de l’« invention » qui figure l’article 2 de la Loi sur les brevets. De plus, toutes les revendications visent un objet abstrait interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.
REVENDICATIONS PROPOSÉES
Objet brevetable
[32] La revendication proposée 1 est représentative et se lit comme suit :
[traduction]
Une méthode mise en œuvre par ordinateur comprenant : commander au processeur d’accéder à un modèle de réponse et à une pluralité d’activités, le modèle de réponse et la pluralité d’activités étant utilisés pour calculer une métrique commerciale attendue, dans laquelle chacune de la pluralité d’activités a une valeur de référence et une valeur exécutée; calculer, à l’aide d’un processeur, une contribution à la métrique commerciale attendue pour chacune de la pluralité d’activités à l’aide du modèle de réponse sur la base de la définition d’une première activité sur une valeur correspondante parmi la valeur de référence et la valeur exécutée et la définition d’autres activités parmi la pluralité d’activités sur un état de valeur opposé à la première activité, dans lequel le calcul de chaque contribution est indépendant d’un type de modèle de réponse; calculer, à l’aide d’un processeur, une réponse différentielle en soustrayant le modèle de réponse avec la pluralité d’activités dans la valeur de référence du modèle de réponse avec la pluralité d’activités dans la valeur exécutée; et calculer, à l’aide du processeur, une synergie en soustrayant une somme de chaque contribution à la métrique commerciale attendue de la réponse différentielle.
[33] Les revendications proposées indiquent plus clairement qu’il existe un processeur informatique exécutant l’algorithme, mais n’ajoutent aucun élément essentiel. Le fait qu’un ordinateur physique soit positivement décrit dans les revendications n’est pas contesté. Comme je l’ai écrit à propos des revendications au dossier, l’ordinateur mentionné dans les revendications proposées est un élément essentiel, mais n’est pas considéré comme faisant partie de l’invention réelle. L’ordinateur effectue simplement des calculs comme il a été conçu pour le faire, comme dans l’affaire Schlumberger.
[34] À mon avis, les revendications au dossier ne satisfont pas à l’exigence du caractère matériel pour l’objet brevetable conformément à Amazon.com, comme il est mentionné dans l’EP2020-04, et ne sont pas conformes à la définition de l’« invention » qui figure l’article 2 de la Loi sur les brevets. De plus, les revendications visent un objet abstrait interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. Par conséquent, les revendications proposées ne constituent pas des « modifications nécessaires » au sens du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.
CONCLUSION ET RECOMMANDATION DE LA COMMISSION
[35] Pour les raisons indiquées ci-dessus, je recommande au commissaire aux brevets de rejeter la présente demande aux motifs que les revendications au dossier visent un objet non brevetable et qu’elles sont, par conséquent, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Les revendications sont également interdites en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. Les revendications proposées ne remédient pas à l’irrégularité liée à l’objet principal et ne constituent donc pas des « modifications nécessaires » au sens du paragraphe 86(11) de la Loi sur les brevets.
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Membre
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DÉCISION DU COMMISSAIRE
[37] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. En vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.