Brevets

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Référence : TILTON (Re), 2021 CACB 34

Décision du commissaire no 1587

Commissioner’s Decision #1587

Date : 2021-06-30

SUJET :

J-00

Signification de la technique

 

J-50

Simple plan

 

B-00

Caractère indéfini

TOPIC:

J-00

Meaning of Art

 

J-50

Mere Plan

 

B-00

Indefiniteness

Demande no 2 468 872

Application No. : 2,468,872


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

La demande de brevet 2 468 872, ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96-423) dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (« les anciennes règles »), rejetée en vertu de l’article 40 de la Loi sur les brevets et ce rejet ayant été annulé après appel devant la Cour fédérale en vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, a par la suite été examinée conformément aux instructions de la Cour. La recommandation de la Commission et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent de la Demanderesse :

GOWLING WLG LLP

Bureau 1600, 1 First Canadian Place

100, rue King Ouest

Toronto (Ontario) M5X 1G5


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadienne refusée no 2 468 872, intitulée « PROCÉDÉ PERMETTANT DE TITRISER UN PORTEFEUILLE COMPORTANT AU MOINS 30 % DE PRÊTS COMMERCIAUX EN DIFFICULTÉ » et inscrite au nom de Lynn Tilton (« la Demanderesse »).

[2] Conformément au jugement de la Cour fédérale du Canada en date du 19 janvier 2021, la demande a été renvoyée au commissaire aux brevets pour qu’il reconsidère la demande à la lumière du jugement et des motifs dans l’affaire Choueifaty c. Canada (Procureur général), 2020 CF 837 [Choueifaty]. La Cour a ordonné au commissaire de réexaminer les revendications au dossier et l’ensemble de revendications proposées devant la Cour.

[3] Un comité de la Commission d’appel des brevets (« la Commission ») a été mis sur pied pour entreprendre une révision de la demande au nom du commissaire, conformément aux directives de la Cour. Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, la Commission recommande au commissaire des brevets de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[4] La demande, fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevet, est réputée avoir été déposée au Canada le 22 novembre 2002 et est devenue accessible au public le 12 juin 2003.

[5] La demande concerne la titrisation des actifs financiers. Plus particulièrement, elle vise un procédé permettant de créer et de titriser un portefeuille de prêts comportant au moins 30 % de prêts commerciaux en difficulté.

Historique de la poursuite de la demande

[6] Le 27 avril 2017, la demande a été rejetée dans une décision finale (« DF ») rendue conformément aux dispositions du paragraphe 30(4) des anciennes règles. La DF indiquait que les revendications 1 à 24, datant du 27 août 2015 (les « revendications au dossier ») n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[7] Le 26 octobre 2017, dans une réponse à la DF (« RDF »), la Demanderesse a fourni des arguments en faveur de la brevetabilité des revendications au dossier aux fins d’examen par l’Examinateur.

[8] Puisque l’Examinateur a maintenu la position que la demande n’était pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, la demande a été transférée à la Commission le 15 décembre 2017, accompagnée d’un résumé des motifs (RM). Dans le RM, l’Examinateur a déclaré que les revendications au dossier étaient toujours considérées comme visant un objet non prévu par la Loi et qu’elles n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[9] La Commission a fait parvenir le RM à la Demanderesse le 19 décembre 2017.

[10] Dans une communication verbale reçue le 2 août 2019, la Demanderesse a indiqué qu’elle souhaitait toujours que la Commission révise la demande.

[11] Dans une lettre de révision préliminaire datée du 21 octobre 2019 (« RP »), un comité précédent de la Commission a présenté son analyse préliminaire et sa justification quant aux raisons pour lesquelles les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets, et pourquoi les revendications 1 et 10 sont indéfinies, contrairement au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. La lettre de RP a aussi donné à la Demanderesse des possibilités de présenter des observations écrites et d’assister à une audience.

[12] Dans une lettre en date du 8 novembre 2019, la Demanderesse a confirmé l’heure et la date de l’audience.

[13] Dans une réponse à la lettre de RP datée du 21 novembre 2019 (« RRP), la Demanderesse a soutenu que la demande visait un objet brevetable et elle a présenté un nouvel ensemble de revendications (le « premier ensemble de revendications proposées ») dans le but de remédier à l’irrégularité liée au caractère indéfini signalée dans la lettre de RP au sujet des revendications 1 et 10 au dossier.

[14] Une audience a été tenue le 6 décembre 2019.

[15] La décision du commissaire no 1522 (Lynn Tilton (Re), 2020 CACB 2) [CD1522], datée du 7 avril 2020 et envoyée à la Demanderesse par courrier recommandé le 24 avril 2020, a refusé la demande au motif d’absence d’objet prévu par la Loi et de caractère indéfini.

[16] La Demanderesse a déposé, le 28 septembre 2020, un avis d’appel en vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets auprès de la Cour fédérale, concernant la décision contenue dans la CD1522 (numéro dossier de la cour T-1149-20).

[17] Parallèlement, à la suite de la décision dans Choueifaty, le Bureau des brevets a publié « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [PN2020‑04]. Cet avis traitait de l’approche actuelle du Bureau à la fois pour l’interprétation des revendications et pour la détermination de l’objet brevetable, en réponse au raisonnement dans Choueifaty.

[18] Le 19 janvier 2021, un jugement sur consentement a été rendu par la Cour fédérale en réponse à l’appel de la Demanderesse, annulant entièrement CD1522 et enjoignant au commissaire de réexaminer la demande rejetée à la lumière du jugement et des motifs dans Choueifaty.

[19] Un nouveau Comité de la Commission (le « Comité ») a été formé pour réaliser la révision de la demande au nom du commissaire. Dans une lettre de révision préliminaire supplémentaire (« RPS ») datée du 10 juillet 2021, le Comité a fourni son analyse préliminaire des raisons pour lesquelles, suivant l’orientation dans l’énoncé PN2020-04, les revendications 1 à 24 au dossier et le premier ensemble de revendications proposées sont interdits en vertu de l’article 27(8) de la Loi sur les brevets et définissent un objet brevetable qui n’entre pas dans la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Nous avons également fourni notre analyse préliminaire expliquant pourquoi les revendications 1 et 10 au dossier sont indéfinies. Nous avons offert à la Demanderesse la possibilité de se faire entendre et de présenter d’autres observations écrites.

[20] Dans une réponse datée du 25 mars 2021, la Demanderesse a refusé l’offre d’assister à une audience.

[21] Dans une lettre reçue le 13 avril 2021 (« RRPS »), la Demanderesse a fourni sa réponse à la révision supplémentaire de la demande par le Comité, fournissant des arguments révisés quant à la raison pour laquelle la demande est acceptable, à la lumière de Choueifaty et de la jurisprudence pertinente. La Demanderesse a également inclus un nouvel ensemble de revendications proposées 1 à 48 (le « deuxième ensemble de revendications proposées »), comprenant les revendications de méthode 1 à 24 (identiques au premier ensemble de revendications proposé) et les nouvelles revendications d’appareil 25 à 48.

QUESTIONS

[22] Il y a deux questions à trancher dans le cadre de la présente révision :

· si les revendications au dossier définissent un objet brevetable;

· si les revendications 1 et 10 manquent de clarté et sont indéfinies.

[23] Comme il a été mentionné précédemment, la Cour a ordonné au commissaire de réexaminer les revendications au dossier et les revendications proposées devant la Cour, en date du 21 novembre 2019 (c.-à-d. le premier ensemble de revendications proposées). Cependant, comme il a été mentionné ci-dessus, le deuxième ensemble de revendications proposées englobe les mêmes revendications 1 à 24 proposées que celles devant la Cour, ainsi que les revendications proposées 25 à 48. Par conséquent, nous examinerons d’abord les revendications au dossier et nous examinerons ensuite le deuxième ensemble de revendications proposées, conformément aux directives de la Cour.

Principes juridiques et pratique du Bureau

Interprétation téléologique

[24] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [FreeWorldTrust] et Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est menée à partir du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (CGC) pertinentes, tenant compte de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[25] L’énoncé PN2020-04 discute également de l’application de ces principes, soulignant que tous les éléments présentés dans une revendication sont présumés essentiels, à moins que le contraire soit établi ou qu’une telle supposition aille à l’encontre du libellé de la revendication.

Objet brevetable

[26] La définition d’invention est indiquée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[27] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets prévoit que :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[28] L’énoncé PN2020-04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une revendication est un objet brevetable :

Afin d’être un objet brevetable et ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui est dotée d’une existence ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[29] L’énoncé PN2020-04 décrit de façon plus approfondie l’approche du Bureau pour décider si une invention liée à un ordinateur est un objet brevetable. Par exemple, le simple fait qu’un ordinateur figure parmi les éléments essentiels de l’invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée est un objet brevetable. Un algorithme lui-même est un objet abstrait et non brevetable. Un ordinateur programmé pour traiter simplement l’algorithme d’une manière bien connue sans résoudre aucun problème dans le fonctionnement de l’ordinateur ne le rendra pas brevetable pour l’objet, parce que l’ordinateur et l’algorithme ne font pas partie d’une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou industrielles. D’autre part, si le traitement de l’algorithme sur l’ordinateur améliore le fonctionnement de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc ensemble une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou industrielles et l’objet défini par la revendication serait un objet brevetable.

Caractère indéfini

[30] Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent en termes précis et explicites l’objet :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[31] Dans Minerals Separation North American Corp v. Noranda Mines Ltd, [1947] RC de l’É 306, 12 CPR 99, à la p. 146, la Cour a insisté sur l’obligation faite à un inventeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis :

[traduction]

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Analyse

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[32] En fonction de la demande et des déclarations dans la DF, la lettre de RPS a fourni la définition suivante de la personne versée dans l’art :

[traduction]

La personne ou l’équipe versée dans l’art est versée dans le domaine des stratégies d’investissement et des cotes d’évaluation ayant des connaissances particulières dans la création de portefeuilles de prêts, l’analyse des risques du portefeuille et les stratégies 7 d’établissement des prix pour le portefeuille. De plus, une personne versée dans l’art connaîtrait le but général des programmes informatiques précisément liés aux bases de données financières et aux applications de feuilles de calcul (paragraphes 0001 à 0010).

[33] Dans la lettre de RRPS, la Demanderesse n’a pas contesté la définition ci-dessus, mais a soutenu qu’elle était incomplète, soulignant que la personne versée dans l’art saurait aussi [traduction] « … la façon de programmer ou configurer un ordinateur de quelque façon que ce soit pour exécuter une série d’étapes ». Compte tenu du domaine de l’invention et de la connaissance qu’a la personne versée dans l’art du but général des programmes informatiques, nous sommes d’accord avec cette précision et l’incluons dans la définition de la personne versée dans l’art ci-dessus.

Les connaissances générales courantes pertinentes

[34] Dans notre lettre de RPS, les CGC pertinentes de la personne versée dans l’art (ou « PVA ») ont été établies, en fonction de la section de contexte de la demande et de la définition dans la DF :

[traduction]

La DF (page 2) a identifié les CGC de la PVA comme suit :

· connaissance des plateformes informatiques générales, des bases de données financières connexes et des tableurs;

· connaissance des facilités de crédit et des prêts commerciaux (page 2 de la présente demande);

· connaissance de la classification des prêts, y compris les prêts en difficulté lorsqu’il y a eu défaut d’un emprunteur de faire un ou des paiements à un prêteur ou qu’une probabilité de défaut a été déterminée par un prêteur en ce qui concerne l’obligation de l’emprunteur de faire un paiement au prêteur (page, paragraphes 0002 et 0003);

  • les prêts en difficulté sont assujettis à une surveillance accrue et peuvent faire l’objet d’un traitement comptable spécial, y compris des besoins accrus en capitaux et un examen réglementaire (paragraphes 0003 à 0011).

[35] De façon semblable à sa présentation concernant la personne versée dans l’art, dans sa lettre de RRPS, la Demanderesse a fait valoir que les CGC de la personne versée dans l’art incluraient également [traduction] « … les connaissances de base sur la façon de programmer ou configurer un ordinateur de quelque façon que ce soit pour exécuter une série d’étapes ». Nous convenons que c’est raisonnable, puisqu’il serait implicite que la personne versée dans l’art définie ci-dessus ait également des connaissances en programmation informatique générale. Par conséquent, nous incluons la définition supplémentaire de la Demanderesse dans les CGC pertinentes de la personne versée dans l’art.

Les revendications au dossier

[36] Il y a 24 revendications au dossier, y compris les méthodes de revendications indépendantes 1 et 10. Nous considérons que la revendication 1 est représentative de l’invention revendiquée :

[traduction]

1. Un procédé informatique pour constituer un portefeuille de prêts commerciaux, composé des étapes suivantes :

utiliser au moins un ordinateur pour sélectionner plusieurs prêts commerciaux à partir d’un groupe de prêts commerciaux afin de créer un portefeuille de prêts dans lequel les prêts représentant au moins trente pour cent (30 %) de (i) la valeur marchande du portefeuille, (ii) du solde impayé du capital du portefeuille ou (iii) du montant engagé du portefeuille, sont en difficulté et : (i) sont en défaut de paiement ou (ii) le défaut de paiement est considéré comme étant probable;

créer une base de données dans un ou plusieurs ordinateurs pour chaque prêt commercial dans le groupe sélectionné de prêts, ladite base de données étant composée des renseignements compilés stockés dans des zones de la base de données, y compris : (i) les renseignements sur le taux de recouvrement composant l’encaisse de l’emprunteur, les paiements nets prévus et les garanties connexes; et au moins l’un des éléments suivants : (ii) les renseignements sur l’encaisse de l’emprunteur, (iii) les renseignements sur le prêt, y compris le montant du capital, le taux d’intérêt, les montants engagés non financés, les renseignements sur le crédit et les renseignements sur l’amortissement, (iv) les paramètres d’établissement du prix du prêt, (v) les renseignements sur le taux d’encaisse du prêt, (vi) la valeur de la garantie du prêt, (vii) les paramètres de l’arrangement, y compris la capacité d’endettement de l’emprunteur et les renseignements sur la liquidation et (viii) l’évaluation de la valeur actualisée de l’encaisse du prêt, ladite base de données informatique étant stockée dans une mémoire lisible par ordinateur;

déterminer les encaisses prévues de chaque prêt commercial dans l’ensemble sélectionné de prêts commerciaux;

établir un prix d’achat pour chaque prêt commercial dans l’ensemble sélectionné de prêts commerciaux comme valeur affichée pour l’affichage à l’écran ou à l’impression.

[37] La revendication indépendante 10 est semblable à la revendication 1, comportant de légères différences dans le type de renseignements financiers qui sont compilés dans la base de données, et les deux dernières étapes de la revendication 1 sont remplacées par ce qui suit :

[traduction]

10. Un procédé informatique pour créer une structure de capital afin d’examiner un portefeuille de prêts commerciaux, composé des étapes suivantes :

[…]

ajouter des prêts et/ou retirer des prêts du portefeuille de prêts pour reproduire l’encaisse et les caractéristiques de recouvrement d’un portefeuille de prêts productifs;

constituer le portefeuille de prêts comme valeur affichée pour l’affichage à l’écran ou à l’impression.

[38] Les revendications dépendantes 2 à 9 et 11 à 24 dépendent directement ou indirectement des revendications 1 et 10, respectivement, et présentent les caractéristiques supplémentaires suivantes :

[traduction]

  • les étapes liées à l’exploitation d’un instrument d’investissement d’entité ad hoc pour l’achat, le transfert et l’administration du portefeuille de prêts créé dans les revendications 1 et 10 (revendications 2, 3 et 15 à 18);

  • les règles et les calculs afin de déterminer la méthode relative à la façon dont les prêts sont sélectionnés (revendication 4 à 9 et 19 à 24);

  • la définition de divers renseignements financiers pour les paramètres de recouvrement, de l’arrangement et de liquidation utilisés dans la méthode de la revendication 10 (revendications 11 à 14).

[39] Comme nous l’avons présenté dans la lettre de RPS, le Comité remarque qu’aucune question n’a été soulevée au cours de la poursuite de la demande concernant la signification ou la portée des termes utilisés dans les revendications, et nous considérons que tous les termes seraient facilement compris par la personne versée dans l’art. De plus, nous notons que la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a aucun libellé dans les revendications qui indique que l’un des éléments dans chaque revendication est facultatif, est un mode de réalisation préférentiel ou fait partie d’une liste de variantes. Comme nous l’avons indiqué dans notre lettre de RPS, conformément aux directives de l’énoncé PN2020-04, à notre avis, la personne versée dans l’art saurait que tous les éléments des revendications au dossier sont censés être essentiels, y compris les composantes liées à l’ordinateur.

[40] Dans sa lettre RRPS, la Demanderesse n’était pas en désaccord avec l’interprétation de la revendication ci-dessus, déclarant (à la page 4) : [traduction] « … il n’y a pas de différend dans le présent appel au sujet de l’interprétation des revendications ». Toutefois, la Demanderesse a suggéré que notre conclusion selon laquelle le sens et la portée des termes de la revendication étaient bien compris par la personne versée dans l’art [traduction] « … contrevient à la conclusion ultérieure dans la RPS selon laquelle les revendications contestées sont indéfinies ». Sur ce dernier point, nous sommes respectivement en désaccord. Comme nous l’avons indiqué dans la lettre de RPS, la personne versée dans l’art considère que le sens et la portée de tous les termes définis dans les revendications au dossier sont compris par la personne versée dans l’art. Toutefois, la clarté des termes individuels utilisés dans une revendication n’est pas déterminante pour la clarté de la revendication dans son ensemble. Nous abordons un tel manque de clarté concernant les revendications 1 et 10 au dossier plus tard dans le cadre de cette révision.

Objet brevetable

[41] Dans la lettre de RPS (aux pages 8 et 9), nous expliquons pourquoi la personne versée dans l’art comprendrait que l’objet de la revendication 1 se rapporte aux paramètres financiers et liés aux prêts ainsi qu’aux règles de sélection d’un portefeuille de prêts, à l’aide d’un ordinateur fonctionnant avec un logiciel couramment disponible :

[traduction]

La revendication 1 vise une méthode de constitution d’un portefeuille de prêts commerciaux comportant au moins 30 % de prêts commerciaux en difficulté et l’établissement d’un prix d’achat pour prêt commercial dans le portefeuille de prêt. La revendication 1 définit l’utilisation d’au moins un ordinateur pour effectuer les étapes de sélection des prêts, la compilation de divers renseignements financiers dans une base de données, le calcul des encaisses et des prix des prêts, et l’affichage des données sur les prix à l’écran ou sur papier. Ces étapes concernent les étapes de saisie de données informatisées, de traitement de données et de sortie de données. La PVA comprendrait, d’après le mémoire descriptif, que ces fonctions utilisent un ordinateur générique et sont exécutées de façon conventionnelle. Comme le divulgue le paragraphe [0044], les modèles de bases de données peuvent être mis en œuvre avec « diverses plateformes logicielles couramment disponibles ». Au par. [0058], la mise en œuvre de la méthode informatisée est laissée à la personne versée dans l’art :

Bien entendu, tout tableur ou logiciel de comptabilité, de finances ou de base de données appropriées (p. ex. Microsoft Excel, Microsoft Access, etc.) peut être utilisé pour faciliter l’entrée des données et pour effectuer ces calculs plus simplement ou même automatiquement, comme le comprendront facilement ceux qui possèdent une compétence ordinaire dans l’art.

Le reste de la divulgation décrit de nombreux critères financiers à stocker dans divers champs de la base de données en utilisant, par exemple, des modèles ou des feuilles de calcul. Aucun autre détail lié à l’informatique n’est divulgué; la PVA, après avoir lu le mémoire descriptif complet, ne conclurait pas à une divulgation explicite ou raisonnablement inférée de toute amélioration du fonctionnement de l’ordinateur générique dans la revendication 1, ni à aucune directive ou directive pour la mise en œuvre de la méthode sur ledit ordinateur. La demande porte plutôt sur les paramètres et les règles financiers et liés aux prêts utilisés dans la méthode de la revendication 1.

[42] À partir de cela, à la suite des directives de l’énoncé PN2020-04, nous avons déterminé que l’ordinateur fonctionne de façon bien connue pour calculer ou traiter les règles et les renseignements financiers nécessaires pour sélectionner les prêts et qu’il n’y a aucune amélioration dans le fonctionnement de l’ordinateur. Nous avons également exprimé notre point de vue à titre préliminaire selon lequel la personne versée dans l’art considérerait l’invention réelle dans la revendication comme étant les règles abstraites et les données financières (RPS, à la page 9, faisant référence, en partie, à Canada (Procureur général) c. Amazon.com, inc, 2011 CAF 328 [Amazon])) :

[traduction]

Selon l’énoncé PN2020-04, « [s]i un ordinateur est simplement utilisé d’une façon bien connue, l’emploi de l’ordinateur ne sera pas suffisant pour rendre l’idée désincarnée, le principe scientifique ou les conceptions théoriques en un objet brevetable et en dehors de l’interdiction prévue au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. » Comme il est indiqué dans Amazon, l’utilisation d’un ordinateur pour mettre en œuvre une méthode abstraite ne fournira pas nécessairement le caractère physique qui est implicitement requis dans la définition de l’invention à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

À notre avis, à titre préliminaire, il s’agit de la situation définie dans la revendication indépendante 1. L’invention réelle est constituée des critères de sélection des prêts et des données financières compilées utilisées pour établir le prix des prêts commerciaux et créer le portefeuille. Bien qu’il soit mis en œuvre sur un ordinateur, l’ordinateur est simplement utilisé d’une manière bien connue pour effectuer le type de calculs et d’opérations génériques de traitement de données que l’ordinateur a été inventé pour faire et ne fait donc pas partie d’une seule invention réelle avec le reste de la revendication.

Par conséquent, la méthode pour créer un portefeuille de prêts au moyen de certains renseignements financiers comme le définit le résumé de la revendication 1 et pas quelque chose dotée d’une existence physique elle-même ou quelque chose qui manifeste un effet ou un changement discernable. Ainsi, à notre avis, à titre préliminaire, l’invention réelle de la revendication 1 est interdite en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et l’objet de la revendication n’est pas un objet brevetable qui correspond à la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[43] Dans la RRPS (pages 5 à 11), la Demanderesse n’était pas d’accord avec l’approche de l’invention réelle du Bureau et a présenté des arguments contre la décision préliminaire du Comité d’étude sur l’objet non brevetable dans la revendication 1. La Demanderesse a présenté ses objections sous trois rubriques principales, que nous examinerons séparément :

[traduction]

  1. Les fonctions revendiquées ne sont pas exécutées de façon conventionnelle.

  2. L’exécution des méthodes revendiquées sur un ordinateur générique n’est pas pertinente à l’article 2;

  3. La méthode revendiquée n’utilise pas d’ordinateur pour mettre en œuvre une méthode abstraite.

1. Les fonctions revendiquées ne sont pas exécutées de façon conventionnelle

[44] Dans la RRPS à la page 5, la Demanderesse s’oppose à notre déclaration à la page 8 de la RPS (voir ci-dessus) selon laquelle [traduction] « … ces fonctions utilisent un ordinateur générique et sont exécutées de façon conventionnelle ». La Demanderesse soutient que « conventionnel » laisse entendre que la combinaison d’étapes de la méthode a été évaluée comme étant connue ou évidente, même si aucune objection d’antériorité n’a été soulevée par le Comité.

[45] Nous convenons qu’il n’y a pas de question devant nous concernant l’objet prévu ou évident, et la RPS n’a pas non plus été écrite pour laisser entendre qu’une nouvelle objection concernant l’art antérieur était maintenant applicable. Nous concédons que le mot « conventionnel » pourrait être mal compris comme une allégation d’étapes de méthodes connues ou évidentes; ce n’était pas notre intention.

[46] Le mot « conventionnel » a plutôt été utilisé pour indiquer que l’ordinateur fonctionne de façon bien connue en ce qui concerne l’acceptation des fonctions d’intrants, de traitement et de production. Il n’a pas été utilisé en référence aux étapes de sélection, de nouvelle détermination du solde ou de titrisation des prêts des méthodes revendiquées qui sont effectuées par l’ordinateur ni aux critères financiers (données) qui sont compilés par l’ordinateur, qui, ensemble, sont au centre de la description. La description (par. 58, cité ci‑dessus) ne mentionne que brièvement l’utilisation de logiciels communs de chiffriers fonctionnant sur ce qu’une personne versée dans l’art considérerait comme un ordinateur à usage général. Au par. 54, la description indique que [soulignement ajouté] : « Il est préférable de traiter les données financières en utilisant un programme informatique à cause des nombreuses variables concernées. » Pour la personne versée dans l’art, la brève mention de tout composant informatique et de l’utilisation de logiciels de tableur commerciaux renforce la nature générique des éléments informatiques et le rôle secondaire qu’ils jouent dans l’invention. La méthode mise en œuvre par ordinateur n’est pas associée, par exemple, à un changement ou à une amélioration correspondante dans le fonctionnement de l’ordinateur, ou à tout matériel externe ou à toute étape qui suggérerait à la personne versée dans l’art qu’il y a autre chose qu’utiliser un ordinateur générique pour traiter les données d’une manière bien connue.

[47] Par conséquent, le Comité considère que l’ordinateur divulgué fonctionne de façon bien connue pour réaliser les fonctions conventionnelles de saisie des intrants, de traitement et de production. Aucune autre fonctionnalité informatique améliorée n’est divulguée. Selon l’énoncé PN2020-04, il s’agit d’un facteur important dans la détermination de l’objet brevetable, comme nous le verrons plus loin.

2. L’exécution des méthodes revendiquées sur un ordinateur générique n’est pas pertinente à l’article 2

[48] Aux pages 6 à 9 de la RRPS, la Demanderesse soutient que la présence d’un ordinateur « générique » n’est pas pertinente pour la détermination de l’objet brevetable et déclare que [traduction] « … le fait que les méthodes revendiquées puissent être exécutées sur un ordinateur générique ne rend pas les méthodes revendiquées non prévues par la Loi ».

[49] Nous convenons que la simple présence d’un ordinateur générique ne rend pas nécessairement l’objet revendiqué non brevetable en vertu de l’article 2, tout comme la simple présence d’un ordinateur ne détermine pas nécessairement qu’une revendication est brevetable. Conformément à l’énoncé PN2020-04, il importe de déterminer si a) l’utilisation de l’algorithme sur cet ordinateur générique améliore le fonctionnement de l’ordinateur, de sorte que les deux entités forment une seule invention réelle dotée d’une existence physique ou manifestant un effet ou un changement physique discernable, ou plutôt, b) l’ordinateur fonctionne simplement d’une manière bien connue pour traiter l’algorithme ou les règles (c.-à-d. le calcul ou le traitement des données et la fourniture de données de sortie).

[50] Par conséquent, le Comité estime que la présence dans une revendication d’un ordinateur générique est une considération pertinente. Cela est appuyé par la jurisprudence dans les domaines de l’informatique. Dans Schlumberger c. Canada (Commissaire aux brevets), [1982] 1 CF 845 (CAF) [Schlumberger], la présence d’un ordinateur n’était pas déterminante pour la question de l’objet brevetable. La Cour dans Amazon, au par. 69 a noté que « les revendications n’ont pas été déclarées valides en raison du fait qu’elles avaient trait à l’utilisation d’un outil matériel, un ordinateur, pour donner une application pratique à la nouvelle formule mathématique ».

[51] À la suite de l’énoncé PN2020-04, après une interprétation téléologique des revendications selon laquelle l’ordinateur générique est essentiel dans la revendication 1, il est nécessaire que le Comité examine ensuite le rôle de l’ordinateur et l’invention réelle dans sa détermination de l’objet brevetable.

[52] À l’appui de son affirmation qu’un ordinateur générique n’est pas pertinent, la Demanderesse fait référence à la demande originale dans Amazon, « Méthode et système de commande d’articles sur un réseau de télécommunication », maintenant le brevet canadien 2 246 933 (le brevet 933). La Demanderesse soutient que, puisque les revendications admises dans le brevet 933 utilisent des ordinateurs génériques programmés pour réaliser leurs objectifs, le Bureau ne devrait pas refuser une demande de brevet pour absence d’objet brevetable simplement parce que les revendications concernent l’utilisation d’un ordinateur générique.

[53] Nous notons que chaque demande présentée à la Commission est examinée selon ses propres mérites, compte tenu des faits de l’affaire en question, de la jurisprudence pertinente et des observations d’un demandeur devant le tribunal assigné à ce moment-là. Les révisions ou les allocations antérieures ne sont pas déterminantes de la demande à l’étude. Le présent Comité ne se prononce pas sur la similitude des revendications acceptées dans le brevet 933 avec celles de la demande en instance ni sur la conformité des revendications acceptées dans le brevet 933 avec l’énoncé PN2020-04.

[54] Pour les raisons ci-dessus, le Comité n’est pas d’accord pour dire que l’évaluation de la question de savoir si l’ordinateur revendiqué est « générique », comme dans l’énoncé PN2020-04, n’est pas pertinente. Dans Schlumberger et Amazon, la simple présence d’un ordinateur dans une revendication n’est pas considérée comme déterminante de la question de l’objet brevetable. Selon l’énoncé PN2020-04, il faut déterminer si l’ordinateur et l’algorithme de la revendication 1 forment ou non une seule invention réelle. À notre avis, l’ordinateur de la revendication 1 fonctionne simplement de façon bien connue (p. ex. effectue des calculs, affiche et stocke des données, etc.), et l’algorithme n’améliore pas le fonctionnement de l’ordinateur.

3. La méthode revendiquée n’utilise pas d’ordinateur pour mettre en œuvre une méthode abstraite

[55] Aux pages 9 à 11 de la RRPS, la Demanderesse soutient que la référence par le Comité à l’invention réelle illustre une [traduction] « approche mal orientée » pour évaluer [traduction] « ce que l’OPIC croit avoir été inventé » plutôt que d’évaluer l’objet des revendications interprétées théologiquement, affirmant en outre que l’approche a été rejetée par la Cour dans Choueifaty. La Demanderesse fait ensuite valoir que puisque la revendication vise un « procédé informatique » et qu’elle indique « au moins un ordinateur » et « la valeur affichée », la revendication 1 est clairement un objet brevetable, et non pas seulement l’informatisation d’une méthode abstraite.

[56] Nous notons que la Cour a commenté dans Choueifaty (au par. 37) que l’utilisation par le Bureau d’une approche problème-solution pour l’interprétation des revendications ressemblait à l’utilisation de « l’essentiel de l’invention », discréditée par la Cour suprême dans FreeWorldTrust. À l’époque, l’énoncé PN2020-04 n’existait pas et, par conséquent, la Cour n’a pas exprimé d’avis à ce sujet. Le Comité note également que sa détermination de l’objet n’est pas fondée sur ce qui, selon nous, a été inventé, mais découle plutôt d’une interprétation téléologique des revendications, conformément aux indications de l’énoncé PN2020‑04, selon lequel « [p]our chaque revendication, l’identification de l’invention réelle doit être fondée sur une interprétation téléologique de la revendication… » (citant Amazon, par. 43).

[57] En ce qui a trait à l’argument de fond, à savoir qu’en définissant divers éléments informatiques, la revendication 1 vise donc l’objet brevetable, nous avons déjà abordé la question de savoir pourquoi la simple présence de composants informatiques ou d’étapes mises en œuvre par ordinateur dans une revendication n’est pas déterminante, au sous-titre 1 ci-dessus, en ce qui concerne l’énoncé PN2020-04, Amazon et Schlumberger. L’approche proposée par la Demandresse, selon laquelle l’aspect physique de l’ordinateur revendiqué conférerait automatiquement la brevetabilité à l’objet de la revendication, serait incompatible avec au moins Amazon, par exemple, au par. 61.

[58] Enfin, l’argument selon lequel la revendication 1 définit plus qu’une informatisation d’une méthode abstraite, l’atteinte d’un résultat qui n’était pas possible auparavant au moyen d’une série d’étapes mentales (RRPS, bas de la page 10) n’est pas, de l’avis du Comité, étayée par la demande telle que lue par la personne versée dans l’art.

[59] Nous notons que la personne versée dans l’art ne considérerait pas que la demande vise l’informatisation ou l’automatisation d’une méthode manuelle autrement connue. La demande divulgue plutôt de nouvelles méthodes de sélection et de titrisation des prêts et les divers critères financiers associés à ces méthodes. L’étendue de l’« informatisation » dont il est question dans la description est une brève mention que la méthode peut être exécutée sur une feuille de calcul disponible sur le marché, et nous sommes d’accord avec la Demanderesse qu’elle appartiendrait entièrement aux CGC de la personne versée dans l’art. À notre avis, la personne versée dans l’art comprendrait que l’ordinateur est utilisé au lieu d’effectuer les étapes de sélection des prêts sur papier ou mentalement.

[60] De plus, la personne versée dans l’art reconnaîtrait que le seul avantage ou la seule différence qui pourrait découler de l’utilisation de l’ordinateur dans la revendication 1 serait les avantages bien connus de tout ordinateur effectuant des calculs; notamment, la capacité de gérer de nombreuses variables, le stockage et la récupération facile, la manipulation répétitive et des sorties plus rapides et plus précises. Ce sont les avantages de tout ordinateur générique fonctionnant de manière bien connue, et sont précisément les raisons pour lesquelles les ordinateurs sont utilisés. Comme dans le cas de l’ordinateur dans Schlumberger, l’ordinateur pourrait être exclu et les règles et les critères financiers pourraient encore être appliqués pour extraire le portefeuille de prêts désiré.

Conclusions concernant l’objet

[61] Après avoir pris en compte toutes les observations de la Demanderesse dans sa RRPS, et conformément à l’énoncé PN2020-04, nous sommes d’avis que la revendication 1 concerne un ordinateur générique fonctionnant d’une manière bien connue et utilisant une méthode de sélection des prêts pour un portefeuille. L’ordinateur et les étapes de sélection des prêts ne constituent pas une seule invention réelle; plutôt, l’invention réelle est l’algorithme de calcul d’un portefeuille de prêts selon certaines règles et données. Un algorithme en soi est un objet abstrait et interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. De plus, un algorithme pour calculer un portefeuille de prêt conformément à certaines règles n’est pas une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable et la revendication 1 définit donc un objet non brevetable et n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[62] La revendication 10 définit une méthode pour créer une structure de capital permettant de titriser un portefeuille de prêts en sélectionnant au moins 30 % des prêts en difficulté, en compilant certains paramètres financiers, en émulant les flux de trésorerie et les caractéristiques de recouvrement des prêts et en affichant le portefeuille qui en résulte. Étant donné les éléments essentiels semblables définis dans la revendication indépendante 10 comme dans la revendication 1, y compris le même ordinateur générique utilisé d’une manière bien connue pour traiter un algorithme, nous considérons que le même raisonnement s’applique. De la même façon que la revendication 1, l’algorithme de calcul d’une structure de capital et d’un portefeuille de prêts titrisés de la revendication 10 est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, et l’objet de la revendication n’est pas un objet brevetable qui correspond à la définition d’« invention » de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[63] Les revendications dépendantes 2, 3 et 15 à 18 ont trait à une entité ad hoc et son administration du portefeuille de prêts crée dans les revendications 1 et 10, respectivement. L’émission de titres, la collecte et le paiement, la détermination des prix et l’envoi de renseignements aux agences de crédit sont toutes des étapes qui définissent des renseignements financiers abstraits qui ne sont pas dotés d’existence physique ou qui manifestent un effet ou un changement physique discernable. À notre avis, les inventions réelles de ces revendications sont les algorithmes et calculs abstraits, qui sont interdits par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne sont pas des objets brevetables qui entrent dans la définition de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[64] Les réclamations 4 à 9, 11 à 14 et 19 à 24 définissent d’autres critères financiers pour le traitement des portefeuilles de prêts des revendications 1 et 10. Les renseignements financiers abstraits ne définissent rien doté d’une existence physique ou qui manifeste un effet ou un changement physique discernable. À notre avis, les inventions réelles de ces revendications sont des algorithmes, calculs et données abstraits, qui sont interdits par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne sont pas des objets brevetables qui entrent dans la définition de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[65] Par conséquent, nous sommes d’avis que les revendications 1 à 24 sont interdites en vertu de l’article 27(8) de la Loi sur les brevets et définissent un objet qui n’entre pas dans la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Caractère indéfini

[66] Comme nous en avons discuté dans l’Historique de la poursuite de la demande, plus haut, la lettre de RP signalait un problème de caractère indéfini aux revendications 1 et 10, concernant l’incertitude dans la façon dont la base de données définie interagit avec les étapes de l’établissement des encaisses prévues et établit un prix d’achat pour chaque prêt commercial. Dans le document RRPS, la Demanderesse n’était pas en désaccord et a présenté des revendications proposées pour corriger l’irrégularité.

[67] Notre point de vue préliminaire exprimé dans la lettre de RPS était en accord avec l’évaluation faite dans la lettre de RP selon laquelle il y a incertitude quant à la portée de l’objet dans les revendications 1 et 10. Les revendications 1 et 10 indiquent chacune une étape de création d’une base de données composée des renseignements financiers compilés pour chaque prêt commercial sélectionné. Toutefois, rien n’indique que ces renseignements compilés sont utilisés dans les étapes de détermination des encaisses prévues et l’établissement d’un prix d’achat pour chaque prêt commercial et, à notre avis, cela ne serait pas implicite de la personne versée dans l’art. L’absence d’interaction entre les méthodes revendiquées crée de l’incertitude quant à la portée de l’objet revendiqué.

[68] La Demanderesse n’a pas contesté ni fait de commentaires quant à notre opinion préliminaire sur l’absence de caractère défini, sauf pour son affirmation selon laquelle nous avons miné cette position en reconnaissant que la signification des termes utilisés dans les revendications serait claire pour la personne versée dans l’art. Comme nous l’avons déjà énoncé plus haut, nous sommes d’avis que la clarté des termes individuels utilisés dans une revendication n’est pas déterminante pour la clarté de la revendication dans son ensemble. Outre cette affirmation, la Demanderesse a proposé des modifications qui, comme nous l’avons déjà reconnu, répondraient à nos préoccupations.

[69] Par conséquent, nous sommes d’avis que les revendications 1 et 10 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[70] Tel qu’il est indiqué dans l’Historique de la poursuite de la demande, ci-dessus, nous examinerons le deuxième ensemble de revendications proposées, tel qu’il a été soumis avec la lettre de RRPS de la Demanderesse. Le deuxième ensemble de revendications proposé comprend les revendications 1 à 24 qui correspondent directement par leur numéro aux revendications au dossier (et qui correspondent aux revendications proposées devant la Cour), et les revendications nouvellement proposées 25 à 48, qui définissent respectivement les modes de réalisation des appareils pour chacune des revendications proposées 1 à 24.

[71] Nous considérons la revendication indépendante 1 comme étant représentative des revendications proposées. Les différences par rapport à la revendication indépendante 1 au dossier sont soulignées, et comme nous l’avons expliqué plus tôt, elles ont été ajoutées par la Demanderesse pour corriger l’irrégularité de clarté signalée dans la lettre de RP :

[traduction]

Un procédé informatique pour constituer un portefeuille de prêts commerciaux, composé des étapes suivantes :

[…]

déterminer, à partir des renseignements compilés stockés dans les zones de la base de données, les encaisses prévues de chaque prêt commercial dans l’ensemble sélectionné de prêts commerciaux;

établir, à partir des renseignements compilés stockés dans les zones de la base de données, un prix d’achat pour chaque prêt commercial dans l’ensemble sélectionné de prêts commerciaux comme valeur affichée pour l’affichage à l’écran ou à l’impression. [soulignement ajouté]

[72] La revendication indépendante proposée 10 comprend le même libellé supplémentaire que la revendication 1 ci-dessus, pour un procédé pour créer une structure de capital afin de titriser un prêt. Les revendications 25 et 34 correspondent directement aux revendications 1 et 10, mais définissent un appareil pour réaliser les étapes de la méthode. Les revendications dépendantes proposées 2 à 9 et 26 à 33 correspondent aux revendications 2 à 9 au dossier, tandis que les revendications dépendantes proposées 11 à 24 et 35 à 48 correspondent aux revendications 11 à 24 au dossier.

[73] Étant donné que les revendications proposées 1 à 48 portent sur le même domaine et le même objet que les revendications au dossier, nous considérons que les caractéristiques de la personne versée dans l’art et des CGC demeurent les mêmes que notre analyse ci-dessus. De plus, nous considérons que la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a aucun libellé qui indique que l’une des étapes dans chacune des revendications proposées est facultative, est un mode de réalisation préférentiel ou fait partie d’une liste de variantes. Par conséquent, à notre avis, tous les éléments des revendications proposées sont considérés comme essentiels.

[74] En ce qui a trait à la question de l’objet brevetable, le libellé supplémentaire des revendications indépendantes proposées 1, 10, 25 et 34 ne modifie pas la nature abstraite des calculs et des renseignements financiers utilisés pour assembler un portefeuille de prêts ou pour sélectionner et titriser un portefeuille de prêts, fonctionnant sur un ordinateur générique d’une manière bien connue. L’ordinateur défini dans les revendications proposées, comme dans les revendications au dossier, est simplement utilisé d’une manière bien connue, employant des étapes génériques d’entrée, de traitement et de sortie, sans aucune amélioration apparente au fonctionnement de l’ordinateur. L’ordinateur ne constitue pas donc pas une seule invention réelle avec les algorithmes abstraits pour sélectionner ou titriser un portefeuille de prêts.

[75] Nous sommes d’avis que les algorithmes abstraits, les calculs et les données des revendications proposées sont également interdits en vertu de l’article 27(8) de la Loi sur les brevets et que les revendications définissent un objet non brevetable qui n’entre pas dans la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[76] En ce qui a trait à la question du caractère indéfini, étant donné que les revendications proposées 1, 10, 25 et 34 définissent explicitement le lien entre les renseignements compilés dans la base de données et les étapes utilisées pour établir le portefeuille de prêts, nous sommes d’avis que le deuxième ensemble de revendications proposé corrige le caractère indéfini des revendications au dossier et est donc conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[77] Pour résumer notre analyse des revendications proposées 1 à 48, bien que les revendications soient considérées comme corrigeant l’irrégularité liée au caractère indéfini, elles ne corrigent néanmoins pas l’irrégularité relative à l’objet non brevetable et ne corrigeraient donc pas les irrégularités dans les revendications au dossier dans son ensemble.

Conclusion

[78] À la lumière de ce qui précède, nous concluons que les revendications au dossier définissent un objet qui est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et qui ne correspond pas à la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Les revendications 1 et 10 au dossier sont également indéfinies et ne sont donc pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[79] De plus, les revendications proposées 1 à 48 ne visent pas un objet brevetable et, par conséquent, ces modifications ne sont pas considérées comme « nécessaires » pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[80] Pour les raisons ci-dessus, nous recommandons que la demande soit rejetée au motif que :

· l’objet des revendications au dossier est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et n’est pas un objet brevetable puisqu’il ne correspond pas à la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

· les revendications 1 et 10 au dossier sont indéfinies et ne sont donc pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

 

 

Andrew Strong

Stephen MacNeil

Cara Weir

Membre

Membre

Membre

Décision du commissaire

[81] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande sur le fondement que :

· l’objet des revendications au dossier est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et n’est pas un objet brevetable puisqu’il ne correspond pas à la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

· les revendications 1 et 10 au dossier sont indéfinies et ne sont donc pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[82] Par conséquent, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, la Demanderesse dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

ce 30e jour de juin 2021

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