Brevets

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Référence : Ontario Lottery and Gaming Corporation (Re), 2021 CACB 32

Décision du commissaire no 1585

Commissioner’s Decision #1585

Date : 2021-06-09

SUJET :

J-00

Signification de la technique

 

J-50

Simple Plan

 

 

 

TOPIC:

J-00

Meaning of Art

 

J-50

Mere Plan

 

 

 

Demande no 2 811 733

Application No. : 2,811,733


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423], dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les « anciennes Règles sur les brevets »), la demande de brevet numéro 2 811 733 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets [DORS/2019-251]. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur

GOWLING WLG (CANADA) LLP

160, rue Elgin, bureau 2600

Ottawa (Ontario) K1P 1C3


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 811 733, intitulée « SYSTÈME ET MÉTHODE DE PROFILAGE DU RISQUE DES DÉTAILLANTS » et inscrite au nom d’ONTARIO LOTTERY AND GAMING CORPORATION (« le Demandeur »).

[2] La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets [DORS/2019-251]. Conformément aux explications détaillées ci-dessous, ma recommandation au commissaire aux brevets est de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[3] La demande de brevet canadien no 2 811 733 a été déposée le 2 avril 2013 et est devenue accessible au public pour consultation le 2 octobre 2014.

[4] La demande porte sur la gestion et l’utilisation de renseignements dans un système de loterie. Plus particulièrement, elle concerne une méthode pour signaler les transactions risquées et déterminer les profils de risque des détaillants de loterie au moyen des transactions identifiées.

Historique de la poursuite de la demande

[5] Le 11 mai 2018, une décision finale (« DF ») a été rendue conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets [DORS/96-423] dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, dans laquelle la demande a été rejetée parce qu’elle visait un objet non prévu par la Loi. La DF expliquait que les revendications 1 à 5 au dossier, en date du 17 juillet 2017 (les « revendications au dossier »), n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[6] Le 23 août 2018, une réponse à la DF (« RDF ») a été déposée par le Demandeur. Dans la RDF, le Demandeur a proposé un ensemble comprenant 5 revendications (les « revendications proposées ») aux fins de considération et affirmait que l’invention revendiquée portait sur un objet brevetable et était conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[7] Puisque l’examinateur a maintenu la position selon laquelle la demande n’était pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission le 23 octobre 2018 pour révision, accompagnée d’un résumé des motifs (« RM ») expliquant pourquoi les revendications au dossier et les revendications proposées ne définissaient pas un objet brevetable.

[8] La Commission a fait parvenir le RM au Demandeur le 30 octobre 2018.

[9] Le soussigné a été chargé de réviser la demande rejetée au nom du commissaire aux brevets en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251).

[10] Dans une lettre de révision préliminaire en date du 9 juillet 2020 (la « lettre de RP »), j’ai présenté mon analyse et ma justification préliminaires selon lesquelles les revendications au dossier n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets et pourquoi les revendications proposées ne peuvent pas être considérées comme une modification « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251)), selon la jurisprudence et la pratique du Bureau à l’époque. La lettre de RP offrait également au Demandeur la possibilité de présenter des observations écrites et de participer à une audience.

[11] Dans un courriel en date du 31 août 2020, le Demandeur a indiqué qu’il ne participerait pas à une audience et ne fournirait aucune autre observation écrite.

[12] À la suite de la décision de la Cour fédérale du Canada dans l’affaire Choueifaty c. Canada (Procureur général), 2020 CF 837 [Choueifaty], le Bureau des brevets a publié l’avis « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [PN2020‐04]. Compte tenu des plus récentes directives de Choueifaty et de l’énoncé PN2020-04, la question de l’objet de la demande en cause a fait l’objet d’une nouvelle considération.

[13] Dans une lettre de révision préliminaire supplémentaire (la « lettre de RP supplémentaire») en date du 3 mars 2021, j’ai présenté mon analyse et ma justification, selon la jurisprudence et la pratique du Bureau les plus récentes, quant aux raisons pour lesquelles l’objet des revendications au dossier et des revendications proposées n’était pas admissible en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et n’était pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Le Demandeur a également eu la possibilité de présenter d’autres observations et de participer à une autre audience (« la deuxième audience ») fixée au 16 avril 2021.

[14] Dans une lettre en date du 19 mars 2021, le Demandeur a indiqué qu’il participerait à la deuxième audience et présenterait d’autres observations écrites d’ici le 5 avril 2021.

[15] J’ai tenté de joindre le Demandeur au sujet de la deuxième audience par messagerie vocale et courriel les 6 avril 2021, 14 avril 2021 et 15 avril 2021. Aucune réponse n’a été reçue.

[16] Le 16 avril, l’audience a eu lieu par téléconférence. Le Demandeur n’a pas participé à l’audience.

[17] Aucune autre observation écrite n’a été reçue.

Questions

[18] Il n’y a qu’une seule question à examiner dans le cadre de cette révision : si les revendications au dossier définissent un objet brevetable, comme l’exige la Loi sur les brevets. Les revendications proposées font également l’objet de considérations.

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[19] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, et à Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est faite du point de vue d’une personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes et à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique permet de déterminer si les éléments d’une revendication sont des éléments essentiels ou non essentiels. Déterminer si un élément est essentiel ou non dépend à la fois de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de s’il aurait été évident ou non pour la personne versée dans l’art qu’une variante d’un élément aurait un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention.

[20] L’énoncé PN2020-04 discute également de l’application de ces principes, soulignant que tous les éléments présentés dans une revendication sont présumés essentiels, à moins que le contraire soit établi ou qu’une telle supposition aille à l’encontre du libellé de la revendication.

Objet brevetable

[21] La définition d’invention est indiquée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[22] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets stipule également que :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[23] L’énoncé PN2020-04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour décider si une revendication est un objet brevetable :

Afin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[24] L’énoncé PN2020-04 décrit de façon plus approfondie l’approche du Bureau des brevets pour décider si une invention liée à un ordinateur est un objet brevetable. Par exemple, le simple fait qu’un ordinateur soit identifié comme un élément essentiel de l’invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée est un objet brevetable. Un algorithme lui-même est une idée désincarnée et non brevetable. Un ordinateur programmé pour exécuter simplement l’algorithme d’une manière bien connue sans résoudre aucun problème dans le fonctionnement de l’ordinateur ne le rendra pas un objet brevetable, parce que l’ordinateur et l’algorithme ne font pas partie d’une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou industrielles. D’autre part, si l’exécution de l’algorithme sur l’ordinateur améliore le fonctionnement de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc ensemble une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou industrielles et l’objet défini par la revendication serait un objet brevetable.

Analyse

[25] Puisque le Demandeur n’a fourni aucune autre observation écrite après la lettre de RP supplémentaire et n’a pas participé à la deuxième audience, ma révision est fondée sur le dossier écrit, comme il est expliqué dans la lettre de RP supplémentaire (page 2). Par conséquent, les opinions préliminaires présentées dans la lettre de RP sont réputées incontestées et ma recommandation ci-dessous offre un aperçu de mon analyse et de ma justification présentées dans la lettre de RP supplémentaire.

Interprétation téléologique

[26] Il y a cinq revendications au dossier, y compris la revendication indépendante 1 et les revendications dépendantes 2 à 5. Pour les fins de cette analyse, la revendication 1 est considérée comme représentative :

[traduction]

1. Un système de loterie formé de :

une pluralité de terminaux de point de vente, chaque terminal de point de vente connecté à un réseau de communication et configuré pour acheter et valider les billets;

au moins un appareil d’accès administratif;

un système de gestion de l’information connecté au réseau et à chacun de la pluralité de terminaux de point de vente, et à chacun d’au moins un appareil d’accès administratif, le système de gestion de l’information comportant :

au moins un processeur pour exécuter les instructions;

au moins une unité de mémoire pour stocker les instructions, les instructions ensuite exécutées par au moins un processeur configurant le système pour fournir :

une base de données de transactions stockant des renseignements concernant les interactions avec le système de loterie reçus de la pluralité de terminaux de point de vente, chacune de la pluralité d’interactions stockées comme transaction respective associée à un ID de transaction unique et à un type de transaction;

une base de données des transactions signalées stockant les transactions signalées;

une fonctionnalité de signalement des transactions pour :

consulter les renseignements de transactions d’au moins une transaction stockée dans la base de données de transactions;

récupérer un ou plusieurs critères de signalement, chacun précisant un type d’évaluation, type de transaction et des critères de transactions, dont un ou plusieurs des critères de signalement récupérés lorsque le type de transaction des critères de signalement respectifs correspond au type de transaction d’au moins une transaction des renseignements de transaction;

déterminer que les critères de transaction d’au moins l’un des critères de signalement récupérés correspondent aux caractéristiques d’au moins une transaction des renseignements de transactions;

générer une évaluation des transactions signalées avec un type de transaction des critères de signalement associés avec les critères de transaction correspondant aux caractéristiques d’au moins une transaction, un ID de transaction signalée et un ID de détaillant d’un détaillant associé aux renseignements de transactions;

stocker l’évaluation des transactions signalées générée dans la base de données des transactions signalées.

une fonctionnalité de profil de risque pour :

consulter les renseignements d’évaluation du risque associés à un identificateur (ID) de détaillant d’un détaillant de loterie, les renseignements de l’évaluation du risque fournissant une indication d’une ou plusieurs infractions de risque évaluées contre le détaillant de loterie, chacune de la ou des infractions de risque évaluées formée d’une évaluation de transactions signalées stockée dans la base de données transactions signalées et associée à un identificateur (ID) de type d’évaluation unique respectif d’une pluralité d’ID de type d’évaluation prédéterminés;

consulter un modèle de risque de détaillant définissant une valeur de pondération respective à appliquer à chacun de la pluralité d’ID de type d’évaluation prédéterminés;

déterminer un profil de risque pour le détaillant de loterie à partir d’une ou plusieurs infractions de risque évaluées et des pondérations déterminées à partir du modèle de risque de détaillant consulté;

recevoir une sélection de l’un des ID de type d’évaluation;

afficher sur au moins un des appareils d’accès administratif les détails des infractions de risque évaluées associées à l’ID de détaillant de la requête reçue ayant l’ID de type d’évaluation sélectionné.

[27] Les revendications dépendantes 2 à 5 établissent les caractéristiques supplémentaires suivantes :

  • déterminer un certain nombre d’occurrences de chaque type d’infraction de risque dans les renseignements d’évaluation du risque; déterminer les valeurs pour chaque type d’infraction de risque dans les renseignements d’évaluation du risque, chaque valeur respective déterminée en fonction du nombre d’occurrences du type respectif d’infraction de risque et de la pondération du type d’infraction de risque dans le profil de risque; et déterminer un nombre général de risques comme somme des valeurs individuelles pour chaque type d’infraction de risque dans les renseignements d’évaluation du risque (revendication 2);

  • le profil de risque définit une première valeur de pondération respective, une deuxième valeur de pondération et une valeur de seuil pour chacun de la pluralité d’ID de type de risque prédéterminés, où déterminer les valeurs respectives pour chaque type d’infraction de risque dans les renseignements d’évaluation de risque comporte :

  • o déterminer la valeur comme produit de la première valeur de pondération et du nombre d’occurrences du type respectif d’infraction de risque lorsque le nombre d’occurrences est inférieur ou égal au seuil associé au type respectif d’infraction de risque dans le profil de risque du détaillant,

  • o déterminer la valeur comme somme d’un premier produit de la première valeur de pondération et du seuil associé au type respectif d’infraction de risque dans le profil de risque du détaillant et un deuxième produit de la deuxième valeur de pondération et une différence entre le nombre d’occurrences dans le seuil lorsque le nombre d’occurrences du type d’infraction de risque est supérieur au seuil associé au type respectif d’infraction de risque dans le profil de risque du détaillant (revendication 3);

  • déterminer un nombre de risques global pour chacun de la pluralité de détaillants, chacun des nombres de risques globaux respectifs déterminés comme somme des valeurs individuelles du profil de détaillants respectif; et déterminer un classement de chacun des détaillants en fonction du nombre de risques global déterminé de chacun des détaillants (revendication 4);

  • recevoir des renseignements d’évaluation du risque mis à jour; et mettre à jour le profil de risque en fonction des renseignements d’évaluation du risque mis à jour (revendication 5).

La personne versée dans l’art

[28] Comme il est indiqué dans la lettre de RP supplémentaire, pour cette révision la personne versée dans l’art est définie comme l’indique la DF (page 2) :

[traduction]

La personne versée dans l’art est un groupe de personnes compétentes dans le domaine du développement de logiciels, avec un accent sur la gestion et l’utilisation d’information dans les systèmes de loterie.

[29] Je conserve cette définition pour cette révision.

Connaissances générales courantes

[30] La lettre de RP supplémentaire fournit la définition suivante des CGC de la personne versée dans l’art :

[traduction]

La DF (page 2) a défini les CGC de la personne versée dans l’art comme étant les suivantes :

Les connaissances générales courantes de cette personne à la date de publication de la demande de brevet auraient inclus la programmation d’ordinateurs généraux, ainsi que les concepts et l’état de la technologie générale concernant la détermination des profils de risque des détaillants de loterie en auditant périodiquement les détaillants de loterie afin de déterminer leur conformité aux règles et aux règlements (voir la description, section « Contexte »).

Le Demandeur n’a pas contesté cette définition et elle est adoptée préliminairement dans la présente révision.

Approfondissant la déclaration dans la DF, selon les renseignements de la section « Contexte » de la demande, j’estime que les connaissances suivantes sont les CGC pertinentes de la personne versée dans l’art :

  • la connaissance des règles et des règlements visant les organismes de loterie;

  • la connaissance des différents types de jeux de loterie, y compris les règles de jeu et la façon dont elles sont mises en œuvre dans un système de loterie;

  • la connaissance concernant la conception, la mise en œuvre, le fonctionnement et l’entretien d’un système de loterie informatisé au moyen de technologies d’ordinateur conventionnelles et de réseaux de communication conventionnels, le système de loterie comportant un appareil d’entité administrative de loterie et une pluralité d’appareils informatiques à différents lieux de détaillant;

  • la connaissance de comportements frauduleux potentiellement connus des détaillants de loterie;

  • la connaissance du déroulement des enquêtes sur les détaillants de loterie.

[31] Je conserve cette définition pour cette révision.

Éléments essentiels

[32] Comme il est indiqué dans la lettre de RP supplémentaire, selon l’énoncé PN2020-04, une interprétation téléologique est réalisée en cherchant à déterminer où la personne versée dans l’art aurait compris que le Demandeur avait l’intention d’installer des clôtures autour du monopole revendiqué.

[33] Compte tenu de l’ensemble du mémoire descriptif, la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a pas dans les revendications d’utilisation de langage indiquant qu’un des éléments est optionnel, non essentiel, une réalisation préférentielle ou encore qu’il fait partie d’une liste d’éléments de remplacement. Par conséquent, tous les éléments énumérés dans chacune des revendications sont présumés être essentiels.

Objet brevetable

[34] Bien que les éléments informatiques revendiqués soient présumés essentiels, comme l’indique l’énoncé PN2020-04, le simple fait qu’un ordinateur soit identifié comme un élément essentiel d’une invention revendiquée aux fins de déterminer les clôtures du monopole dans l’interprétation téléologique ne signifie pas nécessairement que l’objet défini par la revendication est un objet brevetable et qu’il n’est pas visé par l’interdiction en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[35] Comme il a été expliqué dans la lettre de RP supplémentaire, j’estime que les revendications au dossier portent sur un objet non brevetable :

[traduction]

[C]omme l’indique l’énoncé PN2020-04« [a]fin d’être un objet brevetable et de ne pas être interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui est dotée d’une existence physique ou est une manifestation d’un effet ou changement physique discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles », faisant référence, en partie, à Canada (Procureur général) c. Amazon.com, Inc, 2011 CAF 328 [Amazon], aux paragraphes 42 et 66 à 69. Dans Amazon (paragraphes 61 à 63, 66 et 69), la cour a indiqué qu’une idée désincarnée ne peut pas devenir brevetable simplement parce qu’elle a une réalisation pratique ou une application pratique. Amazon souligne également que tel était le cas dans Schlumberger Canada Ltd c. Commissaire aux brevets, [1982] 1 CF 845 (CAF), aux pages 205 et 206 [Schlumberger], où l’ordinateur était simplement utilisé pour faire le genre de calculs qu’il avait été inventé pour faire.

Pour la présente demande, les éléments d’ordinateur génériques revendiqués, comme « processeur », « unité de mémoire », « base de données » et éléments d’affichage sont simplement utilisés d’une manière bien connue pour saisir, traiter et présenter les données. Par conséquent, la simple présence de ces éléments ne rendrait pas un algorithme abstrait brevetable, selon l’énoncé PN2020-04. La personne versée dans l’art, à la lecture du mémoire descriptif dans son ensemble et tenant compte du manque de détails liés à la mise en œuvre du mémoire descriptif, comprendrait comment ces éléments pourraient être mis en œuvre et utilisés de manière conventionnelle par la méthode revendiquée, sans aucune amélioration de l’ordinateur lui-même. Par conséquent, selon mon opinion préliminaire, les éléments informatiques tels que revendiqués ne font pas partie de l’invention réelle. Plutôt, les éléments informatiques fonctionnent d’une manière bien connue pour traiter l’algorithme et les calculs afin de déterminer les profils de risque des détaillants de loterie. Par conséquent, mon opinion préliminaire est que les éléments informatiques, tels que revendiqués, sont simplement utilisés pour faire le genre de calculs génériques pour lesquels ils sont connus (voir Schlumberger).

De plus, les revendications au dossier mentionnent des « terminaux de point de vente» et « un réseau de communication ». Selon mon opinion préliminaire, il s’agit d’appareils conventionnels et biens connus utilisés pour obtenir les données d’entrée de l’algorithme abstrait revendiqué. La présente demande ne porte pas sur la façon dont les données de détaillants de loterie sont obtenues ou des façons nouvelles ou améliorées pour la récupération des données des détaillants de loterie. La personne versée dans l’art, à la lecture du mémoire descriptif dans son ensemble, comprendrait que l’invention réelle de la demande en cause vise l’algorithme abstrait pour déterminer les profils de risque des détaillants de loterie. Que les données d’entrée de l’algorithme proviennent d’un terminal de point de vente générique par réseau ou sont saisies manuellement dans l’algorithme n’a aucun effet important sur le fonctionnement de l’invention. De plus, il n’y a aucune preuve que les étapes de récupération de données génériques améliorent le fonctionnement des systèmes de loterie informatisés. Puisque la divulgation se concentre sur l’algorithme et ses avantages, mon opinion préliminaire est que les terminaux de point de vente et le réseau de communication n’accordent aucune présence physique à la méthode revendiquée et ne font pas partie de l’invention réelle.

Par conséquent, mon opinion préliminaire est que l’invention réelle porte sur un algorithme abstrait pour identifier les transactions risquées et déterminer les profils de risque des détaillants de loterie en fonction des identifications. Cet objet porte sur un algorithme abstrait, est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et n’est pas considéré comme un objet brevetable en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Les revendications dépendantes 2 à 5 présentent d’autres de traitement de données concernant la façon dont les profils de risque sont générés. Mon opinion préliminaire est que ces revendications visent également des règles abstraites et ne sont pas conformes au paragraphe 27(8) et à l’article 2 de la Loi sur les brevets pour les mêmes raisons mentionnées ci-dessus.

Par conséquent, mon opinion préliminaire est que les revendications 1 à 5 au dossier ne définissent pas un objet brevetable et ne sont pas conformes au paragraphe 27(8) et à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[36] Je conserve cette analyse pour cette révision.

Revendications proposées

[37] La lettre de RP supplémentaire considérait que les revendications proposées ne corrigent pas l’irrégularité de l’objet non brevetable des revendications au dossier et ne peuvent pas être considérées comme une modification « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets :

[traduction]

Dans les revendications proposées, les caractéristiques suivantes ont été ajoutées à la revendication indépendante 1 (soulignées) :

· afficher sur au moins un des appareils d’accès administratif le profil de risque déterminé;

· recevoir une sélection de l’un des ID de type d’évaluation utilisés pour déterminer le profil de risque affiché;

Les nouvelles caractéristiques introduites portent sur la présentation des données. Puisqu’il n’y a aucune utilisation de langage indiquant que l’une de ces caractéristiques est optionnelle, une réalisation préférentielle ou une liste d’éléments de rechange, ou encore non essentielle, selon mon opinion préliminaire, ces caractéristiques sont considérées préliminairement comme essentielles aux revendications proposées.

Cependant, puisque la présente demande se concentre sur l’algorithme abstrait de détermination du profil de risque et ne divulgue aucune technique nouvelle ou améliorée pour afficher le résultat de l’algorithme revendiqué, les éléments d’affichage sont considérés comme faisant partie de l’interface de sortie générique de l’ordinateur générique tels que revendiqués. Selon mon opinion préliminaire, les éléments d’affichage, par eux-mêmes ou en combinaison avec d’autres éléments revendiqués, n’améliorent pas le fonctionnement du système de loterie informatisé. Selon mon opinion préliminaire, la façon dont le résultat de l’algorithme revendiqué est présenté n’a aucun effet important sur le fonctionnement de l’invention. Par conséquent, mon opinion préliminaire est que ces éléments n’accordent aucune présence physique à la méthode revendiquée et ne font pas partie de l’invention réelle définie.

Par conséquent, mon opinion préliminaire est que les revendications proposées ne changent pas la définition de la personne versée dans l’art, des CGC et de l’invention réelle. Mon opinion préliminaire est que les revendications proposées ne peuvent pas être considérées comme des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, puisquelles ne sont pas conformes au paragraphe 27(8) ou à l’article 2 de la Loi sur les brevets pour les raisons énoncées ci-dessus.

[38] Je conserve cette analyse pour cette révision.

Conclusion

[39] Je suis d’avis que les revendications 1 à 5 au dossier portent sur un objet non brevetable, ce qui est interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne correspond pas à la définition « d’invention » de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[40] Je suis également d’avis que les revendications proposées 1 à 5 ne peuvent pas être considérées comme une modification « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, puisquelles ne sont pas conformes au paragraphe 27(8) ou à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Recommandation de la commission

[41] Compte tenu de ce qui précède, je recommande que la demande soit rejetée pour le motif que toutes les revendications au dossier portent sur un objet non brevetable, ce qui est interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne correspond pas à la définition « d’invention » de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[42] De plus, les revendications proposées 1 à 5 ne corrigent pas les irrégularités de l’objet non brevetable et, par conséquent, l’introduction de ces revendications ne constitue pas une modification « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

 

Liang Ji

Membre


 

Décision du commissaire

[43] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation que la demande soit rejetée puisque les revendications 1 à 5 au dossier portent sur un objet non brevetable, ce qui est interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets et ne correspond pas à la définition « d’invention » de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[44] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

ce 9e jour de juin 2021

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