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Référence : Liffe Administration and Management (Re), 2021 CACB 28

Décision du commissaire no 1581

Commissioner’s Decision #1581

Date : 2021-06-09

SUJET :

J–00

Signification de la technique

 

J–50

Simple plan

 

 

 

TOPIC:

J–00

Meaning of Art

 

J–50

Mere Plan

 

 

 

Demande no : 2 857 912
Application No. : 2,857,912


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet no 2 857 912 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément aux dispositions de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

BORDEN LADNER GERVAIS LLP

Bay Adelaide Centre, tour est

22, rue Adelaide Ouest

Toronto (Ontario) M5H 4E3

 


Introduction

[1] Cette recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 857 912, intitulée « Opération à terme contre marchandises », qui appartient à Liffe Administration and Management. L’irrégularité qui subsiste selon la décision finale (« DF ») est que les revendications ne définissent pas un objet prévu par la Loi, en contravention de l’article 2 de la Loi sur les brevets. La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, je recommande que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2] La demande de brevet canadien no 2 857 912 a été déposée le 30 juillet 2014. Elle est devenue accessible au public le 1er février 2015.

[3] L’invention porte sur des opérations d’échange physique pour contrat (EFP), en particulier pour la fourniture de nouveaux produits et de nouvelles stratégies de négociation fondées sur des opérations d’EFP.

Historique de la poursuite de la demande

[4] Le 21 novembre 2017, une DF a été publiée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans leur version immédiatement antérieure au 30 octobre 2019 (les « anciennes règles »). La DF indique que la demande est irrégulière au motif que les revendications 1 à 28 (c’est-à-dire l’ensemble des revendications au dossier) visent un objet qui n’entre pas dans la définition d’« invention » et qu’elles sont, de ce fait, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[5] Dans sa réponse à la DF (« RDF ») en date du 11 mai 2018, le demandeur a présenté des arguments à l’appui de sa position selon laquelle les revendications au dossier sont conformes à l’article 2. L’examinateur n’a pas été convaincu par les arguments du demandeur visant à retirer le refus.

[6] Par conséquent, conformément au paragraphe 30(6) des anciennes règles, la demande a été transmise à la Commission aux fins de révision au nom du commissaire aux brevets. Le 29 juin 2018, la Commission a transmis au demandeur une copie du résumé des motifs de l’examinateur, accompagnée d’une lettre confirmant le refus.

[7] La soussignée a été chargée de réviser la demande refusée et de présenter une recommandation au commissaire quant à la décision à rendre. À la suite d’une révision préliminaire, une lettre a été envoyée le 8 mai 2020 (la « lettre de RP ») expliquant pourquoi je n’ai pas considéré que l’objet revendiqué était brevetable. Dans sa réponse à la lettre de RP (« RRP ») du 8 juin 2020, le demandeur a proposé un ensemble modifié de 28 revendications et a fourni des arguments portant sur leur brevetabilité.

[8] La décision Choueifaty c. Canada (PG), 2020 CF 837 [Choueifaty] a été rendue le 21 août 2020, incitant à un examen de la pratique du Bureau des brevets, et a donné lieu à l’émission subséquente de « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [PN2020–04]. Par conséquent, j’ai effectué un examen supplémentaire, en tenant compte des directives de Choueifaty et de l’énoncé PN2020-04, et des observations de la RRP.

[9] À la suite de mon examen supplémentaire, j’ai envoyé une lettre le 9 février 2021 (la « lettre d’ES ») expliquant pourquoi, d’après le dossier dont je suis saisie, j’ai considéré que les revendications au dossier définissaient un objet non brevetable, qui ne relevait pas de l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui était interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets. La lettre d’ES invitait également le demandeur à présenter des observations en réponse à la lettre et demandait au demandeur s’il souhaitait participer à une audience.

[10] Le 9 mars 2021, le demandeur a répondu à la lettre d’ES par une lettre (« RES ») dans laquelle il demandait que le cas soit renvoyé à l’examen en vue d’une nouvelle décision finale, proposait un nouvel ensemble de revendications modifiées (les deuxièmes revendications proposées), exposait les arguments en faveur de leur brevetabilité et demandait une audience. L’audience a eu lieu le 22 avril 2021; à ce moment, le demandeur a réitéré son intérêt pour les deuxièmes revendications proposées et a articulé davantage sa position concernant leur brevetabilité.

Questions

[11] Premièrement, la question préliminaire de savoir si cette demande devrait ou pourrait même être renvoyée à l’examen est abordée.

[12] Ensuite, l’examen aborde la question de savoir si les revendications au dossier définissent un objet qui ne relève pas de la définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[13] L’examen aborde ensuite la question de savoir si les deuxièmes revendications proposées formeraient des modifications nécessaires en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratiques du Bureau des brevets

Décisions finales

[14] Le paragraphe 30(4) des anciennes règles énonce :

En cas de refus, l’avis donné porte la mention « Décision finale » ou « Final Action », signale les irrégularités non corrigées et exige que le demandeur modifie la demande pour la rendre conforme à la Loi et aux présentes règles ou fasse parvenir des arguments justifiant le contraire, dans les six mois qui suivent ou, sauf pour l’application de la partie V, dans le délai plus court déterminé par le commissaire en application de l’alinéa 73(1)a) de la Loi.

[15] Le paragraphe 30(6) des anciennes règles énonce :

Si le demandeur a modifié sa demande ou a fait parvenir des arguments dans le délai visé au paragraphe (4), mais que, après l’expiration de ce délai, l’examinateur n’a pas de motifs raisonnables de croire que la demande est conforme à la Loi et aux présentes règles :

a) le commissaire avise le demandeur que le refus n’est pas annulé;

b) toute modification apportée dans le délai visé au paragraphe (4) est considérée comme n’ayant jamais été apportée;

c) le commissaire révise la demande refusée.

Interprétation téléologique

[16] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 et à Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, l’interprétation téléologique est réalisée du point de vue de la personne versée dans l’art à la lumière des connaissances générales courantes (CGC) pertinentes, en tenant compte de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins. En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a une incidence matérielle sur le fonctionnement de l’invention.

[17] L’énoncé PN2020–04 discute également de l’application de ces principes, soulignant que tous les éléments présentés dans une revendication sont présumés essentiels, à moins que le contraire soit établi ou qu’une telle supposition aille à l’encontre du libellé de la revendication.

Objet brevetable

[18] La définition d’« invention » est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[19] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets stipule également que :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[20] Dans Canada (Procureur général) c. Amazon.com, inc., 2011 CAF 328 aux par. 61 à 63, 69 [Amazon.com], la Cour d’appel fédérale a expliqué que la simple réalisation d’une méthode commerciale abstraite en la programmant dans un ordinateur au moyen d’une formule ou d’un algorithme – en soi une idée abstraite – ne la rend pas brevetable.

[21] L’énoncé PN2020–04 décrit l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une revendication est un objet brevetable :

Afin d’être un objet brevetable et ne pas avoir d’interdiction en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui a une existence ou une manifestation physique d’un effet ou changement discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou de production, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[22] L’énoncé PN2020-04 décrit de façon plus approfondie l’approche du Bureau des brevets pour décider si une invention liée à un ordinateur est un objet brevetable. Par exemple, le simple fait qu’un ordinateur figure parmi les éléments essentiels de l’invention revendiquée ne signifie pas nécessairement que l’invention revendiquée est un objet brevetable. Un algorithme lui-même est un objet abstrait et non brevetable. Un ordinateur programmé pour exécuter simplement l’algorithme d’une manière bien connue sans résoudre aucun problème dans le fonctionnement de l’ordinateur ne le rendra pas brevetable pour l’objet, parce que l’ordinateur et l’algorithme ne font pas partie d’une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou de production. D’autre part, si l’exécution de l’algorithme sur l’ordinateur améliore le fonctionnement de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc ensemble une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou de production et l’objet défini par la revendication serait un objet brevetable.

Analyse

Décisions finales

[23] Dans la RES, le demandeur s’est opposé à la délivrance même de la lettre d’ES, demandant plutôt une nouvelle décision finale ou une autre demande de l’examinateur. Le demandeur a soutenu que Choueifaty et l’énoncé PN2020–04 démontrent que le fondement juridique sur lequel se fondent les DF (et les demandes antérieures) est invalide; par conséquent, le demandeur n’a jamais reçu de DF valide avant le présent examen de la cause par la CAB et s’est vu refuser l’équité procédurale :

Par conséquent, le demandeur soutient que le critère juridique et l’analyse utilisés pour s’opposer aux revendications dans chacune des actions du Bureau de la présente demande, puis les rejeter, sont inappropriés et non conformes à la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et aux directives du Bureau. Le processus actuellement entrepris par la Commission ne donne pas au demandeur l’avis approprié initial des irrégularités alléguées dans la demande conformément au paragraphe 86(2) des Règles sur les brevets ni ne lui donne l’équité procédurale prévue au paragraphe 86(5) des Règles sur les brevets. Par conséquent, le demandeur rejette la validité du processus du Bureau des brevets consistant à délivrer sa lettre d’examen supplémentaire, et demande qu’un avis émis en vertu de l’article 86 des Règles sur les brevets, soulevant un fondement juridique valide pour l’opposition, soit d’abord envoyé au demandeur.

[…]

Par conséquent, pour au moins les raisons énoncées ci-dessus, le demandeur soutient que la délivrance même de la lettre d’examen supplémentaire enfreint la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets, en éliminant de façon inappropriée l’obligation de l’examinateur d’émettre une action du Bureau juridiquement valide en vertu de l’article 82 des Règles sur les brevets décrivant les irrégularités de la demande et en donnant au demandeur [son] droit statutaire de répondre conformément à un processus particulier, avant que la Commission d’appel des brevets entreprenne son examen.

[24] L’énoncé PN2020–04 a été élaboré après Choueifaty et en tient compte. Il explique la nouvelle pratique du Bureau des brevets; il n’annule pas toutes les décisions finales et les demandes qui suivent les pratiques antérieures. Il n’annule pas non plus les exigences des Règles sur les brevets.

[25] En l’espèce, la DF émise en vertu du paragraphe 30(4) des anciennes règles, le délai prescrit passé, les conditions du paragraphe 30(6) des anciennes règles ont été remplies et les prescriptions correspondantes ont été appliquées. Le paragraphe 30(6) des anciennes règles ne prévoit aucun mécanisme pour renvoyer une demande à l’examinateur pour une autre demande une fois que l’examen prévu à l’alinéa 30(6)c) des anciennes règles a commencé.

[26] Le principe de l’équité procédurale a également été respecté. En plus des occasions de répondre à la DF et à la lettre de RP, le demandeur a également profité des occasions offertes, après la publication de l’énoncé PN2020–04, pour répondre à la lettre d’ES et de participer à une audience.

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art et les CGC pertinentes

[27] La lettre d’ES citait les références suivantes comme pertinentes pour la détermination des CGC. Le demandeur avait indiqué à l’examinateur que les deux références avaient été citées ou portées au dossier pendant le traitement des demandes étrangères correspondantes.

  • D1 :US 2009/0125434Le 14 mai 2009Mikulecz

· D2 : US 2011/0078090 Le 31 mars 2011 Peterffy

[28] La lettre de RP qualifiait la personne versée dans l’art d’une équipe composée d’un professionnel de négociation financière et d’un programmeur ou d’un autre technologue expérimenté dans le développement et la fourniture du logiciel, des outils et de l’infrastructure habituellement utilisés pour appuyer les activités et les conceptions de ces professionnels.

[29] Le demandeur, dans la RRP, était d’accord avec cette définition, mais a précisé :

En fait, ce n’est pas seulement un professionnel de l’informatique qui suffira; seulement un professionnel expert en logiciels, en infrastructures de réseau et en communications sera suffisamment qualifié. En effet, le professionnel de l’informatique est nécessaire pour construire et programmer de nouveaux modules d’ordinateur qui exécutent automatiquement certaines fonctions d’ordinateur en réponse à d’autres fonctions, et qui reçoivent automatiquement les données actuelles sur un réseau pour déclencher les modules nouvellement créés afin d’exécuter d’autres fonctions automatisées.

[30] Comme il est indiqué dans la lettre d’ES, cette précision supplémentaire semble raisonnable; je suis d’accord elle et je considère qu’elle fait partie de la définition de la personne versée dans l’art.

[31] Selon la détermination susmentionnée de la personne versée dans l’art et ce que la présente description (paragraphe 2), D1 (paragraphes 2 à 4) et D2 (paragraphes 4 à 13) décrivent comme habituellement connu ou traditionnellement accompli sur le terrain, la lettre d’ES a identifié les CGC pertinentes comme comprenant :

  • les systèmes de négociation et les instruments financiers, y compris ceux qui impliquent :

    • o les opérations basées sur l’échange et les opérations sur le marché hors cote (OTC);

    • o contrats à terme et opérations d’EFP;

  • la conception, la mise en œuvre, l’exploitation et la maintenance de systèmes informatiques, de réseaux et de logiciels, y compris :

    • o échanges boursiers et systèmes de négociation électroniques;

    • o ordinateurs à usage général et ordinateurs spécialisés, dispositifs informatiques, processeurs et interfaces utilisateur;

    • o réseau informatique, technologies et protocoles Internet;

· reconnaissance du fait qu’il y a des avantages à utiliser des ordinateurs, des logiciels et une infrastructure de communication moderne, etc., pour automatiser ou informatiser les calculs ou des étapes de procédures administratives.

[32] Comme il est indiqué dans la lettre de RP, la petite quantité de détails dans la présente description (p. ex. les paragraphes 9 à 13, 16, 20, 21, 28 et 34; les figures 1 à 4) au sujet de l’informatisation des différentes procédures et calculs à effectuer laissent également entendre que cette informatisation doit être à la portée de la personne versée dans l’art et qu’elle ne doit donc pas nécessiter d’explications supplémentaires.

[33] Dans la RRP, le demandeur a convenu de l’identification de la personne versée dans l’art, mais non de l’identification subséquente de ses CGC :

Un programmeur informatique « général » n’est pas suffisamment compétent pour concevoir, maintenir et exploiter le système automatisé du demandeur, en particulier dans le domaine des systèmes de négociations électroniques. Comme on le comprendra, la conception et l’exploitation de systèmes dans les environnements de négociation électronique exigent un niveau d’expertise très spécifique et avancé qui va bien au-delà de ce que tout programmeur expérimenté considérerait comme « général ».

[…]

En plus de ce qui précède, l’intégration des fonctions entièrement automatisées du demandeur (qui comprennent la saisie de renseignements actuels sur le marché) ajoute certainement à la complexité et au niveau de compétence nécessaire pour concevoir, exploiter et maintenir l’invention revendiquée du demandeur. Il est certain que ces compétences vont bien au-delà des compétences d’un programmeur général et que les éléments revendiqués dépassent largement les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.

[34] Comme il est expliqué dans la lettre d’ES, la raison pour laquelle une personne versée dans l’art est identifiée est de pouvoir identifier les CGC pertinentes, qui, à leur tour, sont utilisées dans l’interprétation téléologique. La personne versée dans l’art est celle à qui est adressée une demande de brevet, et elle devrait donc être en mesure de mettre en pratique l’invention divulguée et revendiquée; voir, par exemple, le Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC) aux sections 12.02.02b et 14.02.02, révisé en juin 2015 et en octobre 2019. En fonction du domaine pertinent, elle peut être réputée avoir un niveau élevé de connaissances spécialisées et d’expertise.

[35] Le demandeur a soutenu que pour concevoir et exploiter un système comme son invention, il faudrait « un niveau d’expertise très précis et avancé ». Que pour exercer cette invention, la personne versée dans l’art ou l’équipe doit comprendre un professionnel de l’informatique « qui est expert des logiciels ainsi que des infrastructures et communications réseau » et qui est en mesure de « construire et programmer de nouveaux modules d’ordinateur qui exécutent automatiquement certaines fonctions d’ordinateur en réponse à d’autres fonctions, et qui reçoivent automatiquement les données actuelles sur un réseau pour déclencher les modules nouvellement créés afin d’exécuter d’autres fonctions automatisées. » Selon la définition, cela signifie que de telles capacités doivent se trouver dans les CGC de la personne versée dans l’art.

[36] En fait, si de telles capacités ne relevaient pas des CGC de la personne versée dans l’art, la divulgation de cette demande serait insuffisante pour permettre l’invention revendiquée, compte tenu de la petite quantité de détails susmentionnés concernant l’informatisation et l’automatisation.

[37] De plus, comme il est indiqué dans la lettre d’ES, ces capacités et les CGC complètent l’identification convenue ci-dessus de la personne versée dans l’art et les références ci‑dessus à la pratique conventionnelle qui se trouvent dans la description, dans D1 et dans D2.

[38] De plus, la lettre d’ES indiquait que la RDF fournissait une définition de « traitement direct » (STP) qui est utile pour se référer ici : les CGC incluraient également des systèmes ayant une capacité STP, c’est-à-dire des systèmes ayant la capacité de mener un processus de transaction complet par voie électronique sans qu’il soit nécessaire de revérifier ou d’intervenir manuellement. Toutefois, les CGC ne s’étendraient pas au STP pour les opérations d’EFP, toutefois – même s’il était des CGC que les EFP peuvent être négociés en OCT (comme il est indiqué au paragraphe 2 de la description), ces opérations nécessitaient intrinsèquement des négociations directes entre les parties (ou leurs courtiers) et ne pouvaient donc éviter une intervention manuelle.

[39] Le demandeur n’a pas fait de commentaires sur la personne versée dans l’art ou sur ses CGC pertinentes dans la RES ou à l’audience. Par conséquent, j’adopte les définitions ci-dessus de ces concepts ici.

Les éléments essentiels

[40] Les deux revendications indépendantes – les revendications 1 et 15 – visent l’exécution d’une transaction avec une opération d’EFP, où la revendication 1 est sous forme de méthode et la revendication 15 sous forme de système. La revendication 1 est représentative de l’invention :

[traduction]

Revendication 1. Une méthode d’opération d’échange physique pour contrats (EFP) dans le cadre d’une procédure directe (STP), comprenant :

réception, par un module moteur correspondant d’un échange électronique en communication avec un processeur, de données d’EFP comprenant un montant de titres à échanger et un prix;

activation automatique, au moyen du module moteur correspondant, d’un module d’allocation de prix comportant des instructions informatiques spécialisées exécutées par un processeur pour que le module d’allocation de prix puisse exécuter les fonctions suivantes :

calculer un premier pourcentage delta entre les données EFP et un indice basé sur le montant, le prix et une valeur d’indice;

calculer un delta résiduel en fonction du premier pourcentage delta et d’une valeur nominale d’indice; et

attribuer le delta résiduel aux titres pour former les données modifiées d’EPF;

production, au moyen d’un module de moteur correspondant, au moins une opération d’EFP basée sur les données EFP modifiées qui répondent au module d’allocation des prix formant les données EFP modifiées, chacune d’au moins une opération d’EFP comprenant un volet à terme et un volet de trésorerie; et

exécution et règlement automatique de l’étape à terme et l’étape de trésorerie d’au moins une de chacune des opérations d’EFP dans le cadre de la procédure de traitement direct (STP).

[41] La revendication 15 est très semblable à la revendication 1, mais elle n’est différente que dans la mesure où elle exprime l’objet sous la forme d’un système informatisé pour effectuer l’opération d’EFP, par opposition à la méthode informatisée pour le faire. Les revendications dépendantes 2 et 16 font état de la réception des données d’EFP par l’entremise d’un réseau, et les revendications dépendantes 3 à 14 et 17 à 28 donnent de plus amples détails sur les calculs effectués concernant les poids de sécurité des composants, les quantités, les valeurs d’indice et les deltas.

[42] Comme l’énonce la lettre d’ES, il n’y a rien dans le libellé de la revendication ou dans le dossier permettant de déterminer que les éléments revendiqués ne sont pas essentiels.

Objet brevetable

[43] Il a été présenté dans la DF que les éléments essentiels des revendications au dossier visent un schéma, un plan ou un ensemble de règles ou d’étapes mentales, ayant une signification purement intellectuelle, et donc non brevetable. Le demandeur n’est pas d’accord, en soumettant dans la RDF que l’invention revendiquée est de nature technologique, qu’elle comprend des caractéristiques techniques et des étapes physiques pour obtenir un résultat pratique, et qu’elle manifeste un effet ou un changement discernable.

[44] Le demandeur a répété ces observations dans la RRP, la RES et, à l’audience, la RES, ajoutant que l’invention revendiquée a amélioré le fonctionnement d’un ordinateur. À l’audience, le demandeur a soutenu que l’environnement électronique informatisé est en soi la source des problèmes à résoudre. La RRP décrit le problème traité par l’invention revendiquée comme l’incapacité des systèmes électroniques existants de fournir une STP des opérations d’EFP, en partie en raison de leur dépendance à l’égard des intrants humains. La solution proposée, a soumis le demandeur, est la fourniture d’un nouveau mécanisme, y compris des modules correspondants des moteurs et des modules d’attribution des prix, ce qui élimine le besoin d’intrants humains et permet l’automatisation complète des opérations d’EFP.

[45] Comme l’explique la lettre d’ES, la demande (paragraphe 2) indique que les échanges OTC sur les EFP sont connus, tout comme la déclaration de l’étape à terme du contrat par rapport à l’étape de trésorerie, mais il y a « un besoin de nouveaux produits et stratégies qui fournissent une solution d’EFP plus complète et qui élargissent les opérations d’EFP dans de nouveaux marchés ». Pour répondre à ce besoin, la demande (paragraphes 3 et 9) propose la fourniture d’un échange ou d’un marché pour les EFP, où les opérations d’EFP sont fondées sur un indice et où la valeur d’un EFP est exprimée en points d’indice. Les inventions revendiquées incarnent l’exécution de telles opérations d’EFP.

[46] Comme nous l’avons mentionné plus haut, bien que le STP appartenait aux CGC, le STP pour les opérations d’EFP n’y appartenait pas, parce que, dans le cadre des opérations d’OTC, les opérations d’EFP nécessitent la négociation entre les deux parties (ou leurs courtiers) et le règlement des détails de l’opération. Ainsi, l’interaction humaine est inhérente au processus.

[47] Les opérations fondées sur des indices appartenaient également aux CGC, mais ce n’est pas le cas, d’après le dossier dont je suis saisi, des opérations d’EFP fondées sur des indices. Voici ce que propose la demande : un système selon lequel les opérations d’EFP sont fondées sur des indices. Un tel système – puisqu’il n’est pas fondé sur des négociations entre parties comme les échanges OTC – peut être automatisé et STP. Cependant, STP et l’automatisation ne sont pas l’objet de la demande.

[48] La demande (paragraphe 34) ne fait référence qu’une seule fois à STP, où elle indique que la solution d’échange d’EFP basée sur l’indice décrit [traduction] « peut comprendre une solution de traitement direct entièrement automatisée [italiques ajoutés] ». Elle ne dit pas qu’il est nécessaire de réaliser l’invention ou n’essaie pas d’enseigner comment une telle automatisation devrait être réalisée.

[49] Le demandeur a soutenu dans la RRP que le libellée de la description ne devrait pas être interprété comme signifiant que l’informatisation est facultative. Le demandeur soutient que STP est un exemple d’automatisation, mais n’exclut pas d’autres exemples; l’invention revendiquée repose sur l’automatisation et l’informatisation et ne serait autrement pas efficace. Dans la RDF et ailleurs dans la RRP, le demandeur a soutenu que l’invention revendiquée permet l’automatisation des opérations d’EFP en remédiant aux lacunes technologiques dans les systèmes existants et apporte de nombreuses améliorations par rapport aux systèmes d’EFP électroniques conventionnels, en introduisant le module de moteur correspondant et le module d’attribution des prix. Une caractéristique clé des fonctions entièrement automatisées, a ajouté le demandeur dans la RRP, est la capacité de saisir, par l’entremise du module de moteur correspondant sur un réseau, les renseignements actuels sur le marché.

[50] Le demandeur a donné des précisions sur cet argument dans la RES. Les observations visaient la deuxième revendication proposée, mais sont toujours pertinentes à l’examen actuel :

[traduction]

Autrement dit, l’amélioration réalisée par l’invention revendiquée repose en partie sur sa capacité de saisir les fluctuations des données du marché en direct et de produire des opérations d’EFP qui reflètent ces fluctuations des données du marché en direct. Le soutien de ces fonctions, comme l’indiquent les revendications 1 et 15, se trouve, par exemple, aux par. [0003], [0014] à [0016], [0020] et [0034]. Comme toute personne versée dans l’art le reconnaîtra, ces capacités supplémentaires constituent un progrès important dans ce domaine.

[51] Bien que la demande (paragraphe 12; figure 1) indique que le système d’EFP comprend un réseau, elle ne fait pas directement référence à la saisie des fluctuations des données du marché en direct ou ne montre pas comment le module moteur correspondant le permettrait. Comme il est expliqué dans la lettre d’ES, la demande (paragraphes 12 et 14) définit le module moteur correspondant comme comprenant des instructions lisibles par ordinateur pour amener [traduction] « l’ordinateur d’échange a exécuté diverses fonctions qui y sont décrites ». Il n’est pas représenté dans les dessins, il est présenté comme quelque chose qui « peut faire partie » de l’ordinateur d’échange et qui, en fin de compte, n’est peut-être pas essentiel à l’invention [traduction] : « il faudrait comprendre que d’autres règles de priorité et/ou de correspondance, ou aucune règle de priorité et/ou de correspondance, peuvent être utilisées conformément à la présente divulgation. »

[52] La demande ne montre pas non plus comment le module d’attribution des prix permettrait de saisir des données réelles du marché. Selon la demande (p. ex. paragraphes 16, 20, 26 et 28; figures 3 à 4), le module d’attribution des prix peut comprendre des instructions lisibles par ordinateur pour déterminer et calculer les prix au comptant et les quantités pour chaque titre constitutif; il comprend les règles de calcul et d’attribution des prix d’EFP, en fonction de l’indice. Il n’y a pas de discussion sur la façon dont les données du marché sont saisies par le réseau.

[53] À l’audience, le demandeur a précisé que les moyens de saisir des données réelles du marché par l’entremise d’un réseau (appelé pendant l’audience « surveillance du marché », pour utiliser l’expression des deuxièmes revendications proposées), bien qu’importants pour mobiliser l’environnement d’échange électronique, ne sont pas nécessairement nouveaux, et qu’il [traduction] « y a beaucoup de choses qui font continuellement enquête sur les marchés ».

[54] Dans la RES, le demandeur a pris ce raisonnement ci-dessus comme argument selon lequel le moteur correspondant et les modules d’attribution des prix n’étaient pas des éléments essentiels. Bien que, en général, ce type de raisonnement puisse certainement être pertinent dans l’interprétation téléologique d’une revendication, il a déjà été déclaré dans la présente affaire que tous les éléments revendiqués sont considérés comme essentiels.

[55] La demande ne mentionne pas de problèmes d’automatisation ou d’informatisation. Elle ne mentionne pas de problèmes dans la mise en œuvre d’un système d’échange d’EFP fondé sur l’indice ou dans l’informatisation des calculs requis. En fait, la saisie automatisée de l’information sur le marché actuel et la mise en œuvre par ordinateur du système d’échange d’EFP fondé sur l’indice divulgué ne sont pas rendues possibles par la description, mais par les CGC. Comme nous l’avons mentionné plus haut, dans l’identification de la personne versée dans l’art et des CGC, il revient à la personne versée dans l’art de créer les modules informatiques pour la réception automatique de données sur le réseau et l’exécution de fonctions automatisées. La demande ne prétend pas enseigner une invention dont la mise en œuvre d’un ordinateur ou d’un réseau exigerait plus de la part de la personne versée dans l’art que ne le feraient ses CGC.

[56] Dans la RES, le demandeur a indiqué que le raisonnement ci-dessus constituait une « approche problème-solution » de la pratique antérieure. Le raisonnement ci-dessus n’est pas employé dans une interprétation téléologique (comme nous l’avons mentionné ci-dessus, tous les éléments revendiqués sont considérés comme essentiels), mais dans une tentative de discerner la nature du système ou de l’algorithme mis en œuvre par ordinateur ici.

[57] Le demandeur a également soutenu dans le RES que de telles questions ont trait à la nouveauté et à l’évidence, et non à la question de l’objet brevetable. Bien que de telles circonstances puissent effectivement déterminer les questions de nouveauté et d’évidence, elles sont également importantes pour déterminer l’invention réelle. Si un ordinateur est simplement utilisé d’une manière bien connue pour traiter un algorithme, sans résoudre un problème dans le fonctionnement de l’ordinateur, il ne fait pas partie d’une seule invention réelle avec l’algorithme. Étant donné que la demande ne mentionne pas comment saisir des données de marché en direct, laissant plutôt la conception et la mise en œuvre de moyens compétents à la personne versée dans l’art qui se fie uniquement à ses CGC, la soumission des RES selon laquelle « une telle capacité représente une avancée importante dans cet art et dans la façon dont les systèmes conventionnels dans cet art fonctionnent » devient indéfendable. La description et les dessins ne se concentrent pas non plus sur la mise en œuvre par ordinateur du système d’échange d’EFP basé sur l’indice. L’ordinateur ici est utilisé d’une manière bien connue; il ne fait pas partie de l’invention réelle unique.

[58] Les règles et les calculs divulgués ne sont pas considérés comme une amélioration ou une adaptation des processus OTC d’EFP permettant leur automatisation; ni comme « remédiant aux lacunes technologiques qui empêchent les systèmes existants d’automatiser entièrement certains types de traitement des opérations », comme le Demandeur l’a décrit dans la RRP. Elles sont plutôt considérées comme la proposition d’un autre type de processus ou d’opération d’EFP, un autre ayant des objectifs et des résultats différents de ceux du traitement des opérations OTC d’EFP, et un autre qui serait capable d’automatisation, compte tenu des CGC de la personne versée dans l’art. Le schéma et les règles proposés pour le traitement des opérations d’EFP indexées représentent une nouvelle méthode commerciale abstraite, qui peut ensuite être réalisée en la programmant dans un ordinateur à l’aide des CGC de la personne versée dans l’art. L’ordinateur traite la méthode de façon bien établie, avec les résultats attendus et sans la méthode améliorant le fonctionnement de l’ordinateur le traitant.

[59] Par conséquent, dans la revendication représentative 1, tout ordinateur programmé pour réaliser l’idée abstraite d’effectuer des opérations d’EFP fondées sur l’indice est simplement un ordinateur programmé pour traiter cet algorithme abstrait ou cette méthode commerciale abstraite d’une manière bien établie; le traitement de l’algorithme ne résout donc aucun problème dans le fonctionnement de l’équipement informatisé.

[60] Comme il est indiqué ci-dessus, une telle invention revendiquée est un objet non brevetable et est interdite par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[61] Le même raisonnement et la même détermination s’appliquent également à la revendication indépendante 15, étant donné la similitude de ses éléments essentiels.

[62] La réception des données d’EFP par l’intermédiaire d’un réseau dans les revendications dépendantes 2 et 16 constitue une étape générique d’entrée de données; les inventions de ces revendications dépendantes impliquent également le traitement par ordinateur d’algorithmes abstraits ou de méthodes commerciales abstraites d’une manière bien établie.

[63] Comme nous l’avons mentionné plus haut, les revendications dépendantes 3 à 14 et 17 à 28 donnent de plus amples détails sur les calculs effectués. Ces calculs sont traités par l’ordinateur d’une manière bien établie, et les détails supplémentaires n’affectent donc pas le raisonnement des revendications ayant fait l’objet de discussions précédentes.

[64] Par conséquent, à mon avis, les revendications 1 à 28 au dossier définissent un objet non brevetable, qui n’est pas une invention au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[65] Comme il a été mentionné ci-dessus, le Demandeur a proposé un deuxième ensemble modifié de 28 revendications avec la RES. Les revendications indépendantes proposées ont été modifiées de façon exhaustive, comparativement à celles qui sont au dossier, pour faire explicitement référence à l’implication d’« un dispositif de surveillance du marché » et à la production de données d’EFP et pour insister sur cette implication. Les revendications dépendantes 2 et 16 proposées ont également été modifiées de façon exhaustive afin d’inclure la réception et la correspondance des ordres d’EFP et d’expliquer l’exécution et le règlement automatiques des opérations d’EFP. Le libellé du reste des revendications dépendantes proposées a été soit laissé tel quel, soit légèrement modifié pour refléter l’identification par les revendications indépendantes proposées du module d’attribution des prix comme effectuant certains calculs.

[66] La deuxième revendication proposée 1 est incluse ici à titre de référence :

[traduction]

Revendication 1. Une méthode d’opération d’échange physique pour contrats (EFP) dans le cadre d’une procédure directe (STP) informatique entièrement automatisée, comprenant :

la surveillance continue, au moyen d’un dispositif de surveillance du marché en communication avec un processeur, des données de marché continues comprenant des valeurs d’indice et des prix du commerce en temps réel;

la production continue, par le processeur, d’opérations d’EFP fondées sur les données de marché surveillées de façon continue, chaque opération d’EFP basée sur une valeur d’indice parmi les valeurs d’indice réelles qui fluctuent selon le mouvement du marché, la production continue comprenant :

produire, au moyen d’un module moteur correspondant d’une plate-forme d’échange électronique en communication avec le processeur, des données d’EFP comprenant un montant de titres à échanger et un prix;

activer automatiquement, au moyen du module de moteur correspondant, un module d’allocation des prix lorsque les données d’EFP sont générées, le module activé d’allocation des prix comprenant des instructions informatisées spécialisées qui, lorsqu’elles sont exécutées, font en sorte que le module d’allocation des prix génère des opérations d’EFP avec une évaluation des prix qui correspond étroitement aux données continues du marché, le module d’allocation des prix exécutant les fonctions suivantes :

calculer, en fonction de la valeur d’indice parmi les valeurs d’indice réelles surveillées par le dispositif de surveillance du marché, un premier pourcentage delta entre les données d’EFP et un indice basé sur le montant, le prix et la valeur d’indice;

calculer un delta résiduel en fonction du premier pourcentage delta et une valeur théorique d’indice générée à partir d’un dernier prix négocié parmi les prix du commerce surveillés par le dispositif de surveillance du marché; et

attribuer le delta résiduel aux titres pour former les données modifiées d’EPF;

produire, au moyen du module de moteur correspondant, au moins une opération d’EFP basée sur les données EFP modifiées qui répondent au module d’allocation des prix formant les données EFP modifiées, chacune d’au moins une opération d’EFP comprenant un volet à terme et un volet de trésorerie; et

exécuter et régler automatiquement le volet à terme et le volet de trésorerie d’au moins une de chacune des opérations d’EFP dans le cadre de la procédure STP informatisée entièrement automatisée.

[67] Dans la RES, le Demandeur a présenté les deuxièmes revendications proposées comme suit :

[traduction]

 

L’ensemble de revendications de rechange présentées ci-dessous contient des détails supplémentaires visant à préciser davantage la nature technique et l’existence physique de l’invention du Demandeur. En particulier, l’autre revendication précise que l’invention nécessite également un dispositif de surveillance du marché qui surveille continuellement les données continues du marché et qui précise que les opérations d’EFP sont générées en continu (sur la base des données de marché continuellement surveillées) d’une manière qui fluctue en fonction des mouvements du marché.

[68] Comme il a été mentionné ci-dessus, la RES a soutenu que la capacité de l’invention revendiquée proposée de saisir les fluctuations des données du marché en direct et de produire continuellement des opérations d’EFP réfléchissantes représentait une amélioration fonctionnelle et une avancée importante dans le domaine.

[69] Le Demandeur a soutenu dans la RES que les systèmes conventionnels ne disposent pas d’un mécanisme pour produire des données d’évaluation qui permettent de suivre et d’ajuster les données de marché en constante évolution. « Par conséquent, les systèmes conventionnels ne sont pas en mesure de fournir des données de transaction exactes reflétant les données actuelles du marché et ne peuvent pas être entièrement automatisés au moyen d’une procédure de STP. »

[70] Selon la RES, la saisie et l’utilisation nécessaires de données volumineuses et complexes en temps réel nécessitent une technologie informatique et, par conséquent, ce n’est que dans le domaine de la technologie informatique que l’invention revendiquée peut exister. À l’audience, le Demandeur a décrit la fonction de surveillance du marché comme un échange très compliqué, obtenant un grand nombre de données provenant de sources multiples. Le Demandeur l’a caractérisée comme une interaction dans le monde réel, la comparant à l’exécution de mesures.

[71] Toutefois, le Demandeur a reconnu par la suite à l’audience que le dispositif de surveillance du marché (un aspect distinct du moteur correspondant et des modules d’attribution des prix, bien qu’il soit coordonné avec eux) n’est pas nécessairement nouveau en soi – des moyens conventionnels existent pour « surveiller » le marché. Comme nous l’avons vu plus haut, la description et les dessins ne font pas directement référence à un « dispositif de surveillance du marché » ou ne divulguent pas comment les données du marché en direct sont saisies, laissant ces moyens à la personne qualifiée pour concevoir et mettre en œuvre.

[72] Ainsi, cette fonction n’est pas une fonction de mesure ou de détection, mais une fonction générique d’entrée de données, nécessairement bien connue dans cet environnement. On ne peut pas présumer qu’il s’agit d’une fonction semblable, par exemple, une fonction de mesure des caractéristiques des opérations ou des communications survenant sur le réseau. Il semble plutôt s’agir de la réception de renseignements (c’est-à-dire, « données de marché continues comprenant des valeurs d’indice en direct et des prix du commerce ») par l’ordinateur, communiqués par l’intermédiaire du réseau, à partir d’une ou de multiples sources. Il s’agit d’une entrée de données d’information d’importance intellectuelle et, puisque la demande ne suggère pas comment elle est effectuée, elle doit être considérée comme une fonction générique d’entrée de données. Elle représente l’une des fonctions ou des étapes de l’ordinateur qui traite l’algorithme ou la méthode abstraite d’une manière bien établie.

[73] En ce qui a trait aux étapes à suivre pour produire continuellement des opérations d’EFP, le Demandeur a soutenu à l’audience qu’il s’agissait d’actions physiques ayant des effets physiques et discernables. Les données d’EFP sont générées et les étapes des opérations sont automatiquement exécutées et réglées, avec des répercussions potentiellement importantes pour les parties concernées, a observé le Demandeur.

[74] Cette production de données, toutefois, est l’ordinateur traitant l’algorithme d’une façon bien établie, avec les résultats attendus et sans la méthode améliorant le fonctionnement de l’ordinateur le traitant. Selon la représentation de la description et des dessins (paragraphes 14 à 16; figure 2) de la production d’opérations d’EFP, on ne peut présumer que l’étape de l’ordinateur d’« exécuter et régler automatiquement » va au-delà de la communication automatique de données d’importance intellectuelle. Autrement dit, la communication automatique par l’ordinateur des données comprises dans l’exécution et le règlement d’une opération représente une fonction générique de production de données dans ce contexte.

[75] L’ordinateur ici – en tenant compte de ses fonctions génériques d’entrée et de sortie de données – est utilisé d’une manière bien connue; il ne fait pas partie de l’invention réelle unique et, par conséquent, ne peut pas aider l’invention des deuxièmes revendications proposées à satisfaire à l’exigence de caractère physique. La méthode et les systèmes des deuxièmes revendications proposées comportent des ordinateurs programmés afin de traiter des algorithmes abstraits ou des méthodes commerciales abstraites d’une manière bien établie. Par conséquent, ces revendications visent également un objet non brevetable.

[76] Par conséquent, les deuxièmes revendications proposées ne sont pas considérées comme une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[77] À la lumière de ce qui précède, je recommande que la demande soit rejetée puisque les revendications 1 à 28 au dossier définissent un objet non brevetable, qui n’est pas une invention au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit par le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Leigh Matheson

 

 

Membre

 

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE

[78] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications au dossier définissent un objet non brevetable, qui n’est pas une invention au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui est interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[79] Par conséquent, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

en ce 9e jour de juin 2021

 

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