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Référence : Financial Consulting & Trading International, Inc (Re), 2021 CACB 7

Décision du commissaire no 1560

Commissioner’s Decision #1560

Date : 2021-03-17

SUJET :

F–00

Nouveauté

 

F–01

Antériorité

 

O–00

Évidence

 

 

 

TOPIC:

F–00

Novelty

 

F–01

Anticipation

 

O–00

Obviousness

Demande no 2 623 647
Application No. : 2,623,647


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423], dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 623 647 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision du commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du Demandeur :

RICHES, MCKENZIE & HERBERT LLP

2, rue Bloor Est, bureau 1800

Toronto (Ontario) M4W 3J5

 


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 623 647 intitulée « GUICHET AUTOMATIQUE BANCAIRE POUR ÉTABLISSEMENT FINANCIER MULTIPLE, APPAREIL, SYSTÈME ET PROCÉDÉ D’UTILISATION CORRESPONDANTS » et appartenant à Financial Consulting & Trading International, Inc. Les irrégularités qui subsistent selon la décision finale (DF) sont que les revendications comprennent un objet divulgué antérieurement, en contravention de l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets, et définissent un objet évident, en contravention de l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets. La Commission d’appel des brevets (la Commission) a examiné la demande refusée, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, notre recommandation est de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[2] La demande de brevet canadien numéro 2 455 591, fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, est considérée comme ayant une date de dépôt du 20 septembre 2006 et est accessible au public depuis le 29 mars 2007.

[3] L’invention concerne des guichets automatiques (GAB), en particulier des systèmes de GAB qui permettent aux clients d’effectuer des opérations avec plusieurs établissements financiers à l’aide de l’interface d’affichage et des marques de chaque établissement financier.

Historique de la demande

[4] Le 2 octobre 2017, une DF a été publiée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans sa version immédiatement antérieure au 30 octobre 2019 (les anciennes règles). La DF indiquait que la demande est irrégulière pour deux motifs : les revendications 1 à 16 (c’est-à-dire toutes les revendications au dossier) ne sont pas conformes aux alinéas 28.2(1)b) et 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[5] Dans sa réponse à la DF (RDF) du 3 avril 2018, le Demandeur a présenté des arguments en faveur de l’acceptation, mais l’Examinateur n’a pas été convaincu d’annuler le refus. Par conséquent, en vertu du paragraphe 30(6) des anciennes règles, la demande a été transmise à la Commission aux fins de révision au nom du commissaire aux brevets. Le 7 août 2018, la Commission a transmis au Demandeur une copie du résumé des motifs de l’Examinateur, accompagnée d’une lettre confirmant le refus.

[6] Un comité a été formé afin d’examiner la demande; à la suite de notre révision préliminaire, nous avons envoyé une lettre le 11 août 2020 présentant notre analyse et notre justification, qui comprenaient une interprétation téléologique des revendications.

[7] La décision dans Choueifaty c. Canada (Procureur général), 2020 CF 837 [Choueifaty], publiée le 21 août 2020, a incité une révision de la pratique du Bureau des brevets intitulée « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [PN2020-04]. L’un des domaines de pratique abordés par le PN2020-04 est l’interprétation téléologique; un autre est les inventions mises en œuvre par ordinateur. Par conséquent, le comité a effectué un examen supplémentaire, en tenant compte des directives énoncées dans Choueifaty et le PN2020-04.

[8] À la suite de notre examen supplémentaire, nous avons envoyé une lettre le 29 janvier 2021 (la lettre de l’ES) expliquant pourquoi, selon le dossier qui nous a été présenté, nous avons considéré que l’objet des revendications est conforme à l’alinéa 28.2(1)b), mais pas à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets. La lettre de l’ES invitait également le Demandeur à présenter des observations en réponse à la lettre et à participer à une audience. Nous n’avons reçu aucune réponse du Demandeur.

[9] Par conséquent, nous avons entrepris notre examen final fondé sur le dossier écrit. Étant donné que rien n’a changé dans le dossier écrit depuis l’envoi de la lettre de l’ES, nous avons maintenu sa justification.

Questions

[10] La présente révision porte sur les questions de savoir si l’objet des revendications au dossier :

  • a été divulgué antérieurement, en contravention de l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets;

  • aurait été évident, en contravention de l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

Principes juridiques et pratiques du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[11] Les revendications d’un brevet sont interprétées conformément à la méthode moderne d’interprétation, qui exige l’examen de leur libellé, de leur contexte et de leur objectif, bien que la méthode soit généralement appelée « interprétation téléologique » lorsqu’elle est appliquée aux revendications d’un brevet (Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust]; Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67 [Whirlpool]; voir aussi Bauer Hockey Ltd c. Sport Maska Inc (CCM Hockey), 2020 CF 624, aux par. 47 à 50 [Bauer Hockey]). L’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins, est examiné au moment d’interpréter de façon téléologique une revendication (Whirlpool, aux al. 49f) et 49g), et au par. 52; voir aussi Bauer Hockey, aux par. 54 à 59). En plus d’interpréter le sens des termes d’une revendication, l’interprétation téléologique distingue les éléments essentiels de la revendication des éléments non essentiels. La question de savoir si un élément est essentiel dépend à la fois de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention (Free World Trust, aux par. 55, 57 et 59; voir aussi Bauer Hockey, aux par. 52 et 72).

[12] Le PN2020-04 traite également de l’application de ces principes, soulignant que tous les éléments établis dans une revendication sont présumés être un élément essentiel, à moins qu’il n’en soit établi autrement ou que cette présomption soit contraire au libellé employé dans la revendication.

[13] Puisque l’interprétation téléologique d’une revendication tient compte de ce que la personne versée dans l’art comprendrait comme étant la nature de l’invention, il est nécessaire d’identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes (Bauer Hockey, aux par. 60 à 62).

Nouveauté

[14] Le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué soit nouveau :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

a) soit plus d’un an avant la date de dépôt de celle-ci, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d’une autre personne, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

[…]

[15] Dans Apotex Inc c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 [Sanofi], aux par. 25 à 29 et 49, la Cour suprême du Canada a conclu que la question de savoir si une invention est antériorisée par l’art antérieur exige que la Cour tienne compte de deux questions :

  • L’objet de l’invention a-t-il été rendu public en totalité dans une même divulgation?

  • À supposer qu’il y a eu une telle divulgation, aurait-elle permis la réalisation de l’invention?

Évidence

[16] L’article 28.3 de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué ne soit pas évident :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[17] Dans Sanofi, au par. 67, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes présentées ci-dessous :

(1) a) Identifier la « personne versée dans l’art »[;]

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

Analyse

Interprétation téléologique

[18] La lettre de l’ES indiquait que la référence suivante, qui avait été citée dans la DF, était pertinente à la détermination des CGC; elle avait été citée dans la DF :

  • D1 :US 6 539 36125 mars 2003Richards et coll.

La personne versée dans l’art

[19] La lettre de l’ES a caractérisé la personne versée dans l’art comme une équipe composée d’un ou plusieurs professionnels du secteur bancaire, ainsi que de programmeurs et d’autres technologues expérimentés dans le développement et l’approvisionnement de logiciels, d’outils et d’infrastructures traditionnellement utilisés dans l’exploitation d’un GAB.

Les CGC

[20] Selon la détermination susmentionnée de la personne versée dans l’art et compte tenu de ce que la présente demande (paragraphes 3 à 9, 25, 27, 28 et 50; figure 1) et D1 (colonnes 1 à 3) décrivent comme étant habituellement connu ou traditionnellement accompli dans le domaine, la lettre de l’ES indique que les CGC comprennent :

  • les utilisations traditionnelles de GAB pour les clients et leurs fins traditionnelles pour les établissements financiers, notamment :

    • o la prestation d’un contenu promotionnel et l’imposition de frais selon différents scénarios;

  • les fonctions et les structures traditionnelles de GAB, y compris :

    • o l’échange de commandes et de données entre un GAB et un établissement financier,

    • o l’utilisation de protocoles de communication et de sécurité pour authentifier l’accès d’utilisateurs de compte,

    • o la présentation d’écrans, d’interfaces, de marques et de publicités propres à l’établissement financier affilié,

    • o la capacité des clients d’effectuer des opérations avec des établissements financiers autres que ceux qui sont affiliés au GAB;

  • la conception, la mise en œuvre, l’exploitation et l’entretien de systèmes, de réseaux et de logiciels informatiques, y compris :

    • o l’interrogation, la mise à jour, le stockage et la récupération de renseignements dans des bases de données,

    • o des technologies et des protocoles Internet et de réseaux informatiques.

Les éléments essentiels

[21] La demande (paragraphes 5 à 7) indique que les GAB sont habituellement affiliés à un seul établissement financier et que si un client d’un deuxième établissement financier utilise un GAB, il est exposé aux marques et aux caractéristiques fournies par le premier établissement et non par le deuxième établissement. De plus, le deuxième établissement impose habituellement des frais supplémentaires pour les opérations effectuées par l’entremise de GAB non affiliés, en partie pour aider à compenser toute perte potentielle de part de marché en raison de l’exposition de leurs clients aux marques et aux caractéristiques des GAB du premier établissement et en partie pour compenser les frais d’échange et de transfert. Le premier établissement peut également percevoir des frais supplémentaires.

[22] La demande (paragraphes 9 à 12) propose de permettre aux clients d’accéder aux écrans d’affichage de leur propre établissement financier, peu importe l’établissement affilié au GAB. Pour ce faire, il faut stocker une base de données dans le GAB avec les « protocoles » de plusieurs établissements financiers. Un protocole contrôle les écrans d’affichage fournis pour faciliter une opération financière, fournir du matériel promotionnel, entre autres. Le GAB utilise la carte du client pour identifier l’établissement financier du client, puis récupère et utilise l’ensemble approprié d’écrans d’affichage.

[23] Les revendications indépendantes 1 et 9 visent des GAB et les revendications indépendantes 10, 12 et 14 visent des méthodes d’exécution d’opérations. Les revendications 12 et 14 indiquent des méthodes de fonctionnement de GAB, mais la revendication 10 ne restreint pas sa portée à l’utilisation d’un GAB. La revendication 14 renvoie également à l’exécution d’opérations en réponse aux commandes d’un utilisateur ainsi qu’à l’imposition de frais à un établissement financier. Toutes les revendications comprennent des moyens d’identifier un appareil d’un utilisateur, une base de données stockée localement avec plus d’un protocole et la sélection d’un protocole en fonction de l’identification. La revendication 1 est fournie ci-dessous puisqu’elle est représentative.

[traduction]

Revendication 1. Un guichet automatique comprenant :

des moyens pour l’identification de l’appareil d’un utilisateur;

des moyens pour l’identification d’un établissement financier associé à l’appareil de l’utilisateur;

une base de données stockée localement sur le guichet automatique avec au moins un protocole d’un premier établissement financier comprenant des composantes d’une première interface d’affichage pour faciliter une opération bancaire avec le premier établissement financier et un protocole d’un deuxième établissement financier comprenant des composantes d’une deuxième interface d’affichage pour faciliter une opération bancaire avec le deuxième établissement financier; et

un contrôleur relié de façon fonctionnelle à la base de données, aux moyens pour l’identification de l’appareil d’un utilisateur et aux moyens pour l’identification d’un établissement financier, qui est programmé pour

(1) lorsqu’il est déterminé que l’appareil de l’utilisateur est associé au premier établissement financier, récupérer les composantes de la première interface d’affichage de la base de données locale, créer un premier écran d’affichage associé au premier établissement financier et exécuter le protocole du premier établissement financier, ou

(2) lorsqu’il est déterminé que l’appareil de l’utilisateur est associé au deuxième établissement financier, récupérer les composantes de la deuxième interface d’affichage de la base de données locale, créer un deuxième écran d’affichage associé au deuxième établissement financier et exécuter le protocole du deuxième établissement financier;

dans lequel le protocole du premier établissement financier comprend un premier ensemble de composantes promotionnelles associées spécifiquement au premier établissement financier et le protocole du deuxième établissement financier comprend un deuxième ensemble de composantes promotionnelles associées spécifiquement au deuxième établissement financier.

[24] En règle générale, dans le contexte de la présente demande, un « protocole » est l’ensemble du contenu à fournir à un utilisateur et régit l’échange avec l’utilisateur en présentant certains écrans et données de sortie, ainsi que des options d’entrée spécifiques, à l’utilisateur. Selon la description (paragraphes 29 à 31, 33, 35 à 37, 39, 45 et 46), un protocole comprend généralement des interfaces d’affichage et du contenu promotionnel. Les interfaces d’affichage comprennent le contenu graphique, textuel, vidéo et audio auquel a accès un utilisateur pour effectuer des opérations, et le contenu promotionnel comprend du contenu supplémentaire destiné à la publicité, à la messagerie, entre autres.

[25] Comme il est indiqué dans la lettre de l’ES, nous considérons tous les éléments revendiqués comme étant essentiels.

Nouveauté

[26] Dans la DF, on a soutenu que les revendications 1 à 16 sont antériorisées par D1. Le Demandeur n’était pas d’accord, soumettant dans la RDF que D1 ne divulgue pas l’entreposage local de multiples protocoles de multiples établissements financiers, où un protocole comprend un contenu promotionnel et est identique aux « protocoles » visés dans les revendications.

[27] D1 (abrégé; colonnes 5, 7 et 8; figure 2) divulgue un GAB avec des moyens pour l’identification d’un appareil d’un utilisateur et d’un établissement financier associé (c’est-à-dire des moyens pour la lecture de la carte du client et l’identification du compte du client et l’établissement financier associé) ainsi qu’un contrôleur (c’est-à-dire un logiciel d’interface d’un appareil) relié de façon fonctionnelle aux divers appareils du GAB et programmé pour les contrôler en réponse à un ensemble d’instructions. D1 (colonnes 5, 17, 18 et 23) divulgue que chaque ensemble d’instructions (qui prennent la forme de documents HTML et de scripts JAVA) est associé à un établissement financier et est capable de fournir des composants de l’interface d’affichage pour faciliter une opération bancaire et présenter du contenu d’un autre intérêt intellectuel (par exemple, du contenu promotionnel). À cet égard, les ensembles d’instructions divulgués dans D1 sont les mêmes que les « protocoles » visés dans la revendication 1. Cependant, D1 envisage que ces protocoles sont accessibles à partir de serveurs hôtes distants, et non pas stockés localement dans une base de données du GAB. D1 (colonnes 18, 19, 26 et 29) divulgue le stockage local d’applets et de données de configuration, même les modes de réalisation selon lesquels certains documents HTML sont stockés localement au cas où ils ne peuvent pas être téléchargés assez rapidement à partir de serveurs distants, mais ne divulgue pas explicitement la configuration revendiquée des éléments essentiels. En d’autres termes, D1 ne divulgue pas que le GAB stocke localement une base de données de multiples protocoles et qu’en identifiant le compte du client et son établissement financier, le protocole associé est sélectionné et exécuté pour faciliter des opérations bancaires et fournir un contenu d’un certain intérêt intellectuel pour le client.

[28] Comme il est expliqué dans la lettre de l’ES, puisque D1 ne divulgue pas cette configuration particulière, il n’est pas nécessaire de déterminer quelle partie du fonctionnement de l’invention a été rendue possible par D1. Étant donné que toutes les revendications indépendantes comprennent cette configuration d’éléments parmi leurs éléments essentiels, à notre avis, l’objet des revendications n’est pas antériorisé par D1 et ces revendications sont conformes à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets.

Évidence

Identifier la personne versée dans l’art et déterminer les CGC pertinentes

[29] Comme il est indiqué dans la lettre de l’ES, nous considérons que les identifications ci-dessus de la personne versée dans l’art et des CGC pertinentes sont applicables aux fins de l’évaluation de l’évidence.

Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[30] Au moment d’interpréter la revendication 1 ci-dessus, nous avons considéré tous les éléments revendiqués comme étant essentiels; nous le faisons également ici aux fins d’évaluation de l’évidence.

Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation

[31] La DF soutenait que, puisqu’il n’y avait aucune différence entre les revendications et la divulgation de D1 (à la lumière de son raisonnement concernant l’antériorité), les revendications sont évidentes. La RDF s’opposait à cette observation au motif que la demande antérieure ne discutait pas d’une irrégularité relative à l’évidence et que la DF s’est en fait fondée sur son analyse de l’antériorité sans fournir une autre évaluation de l’évidence.

[32] Nous avons noté dans la lettre de l’ES que, lorsqu’il n’y a aucune différence entre une invention revendiquée et une divulgation d’art antérieur (que la DF avait considéré comme la situation de cette demande), il ne peut y avoir de différence exigeant une quelque inventivité.

[33] Quoi qu’il en soit, comme nous l’avons expliqué ci-dessus, nous avons relevé une différence entre les éléments essentiels des revendications et la divulgation de D1. D1 ne divulgue pas que le GAB stocke localement une base de données de multiples protocoles, où, en identifiant le compte du client et l’établissement financier, le protocole associé est sélectionné et exécuté pour faciliter des opérations bancaires et fournir un contenu d’un certain intérêt intellectuel pour le client. Dans la divulgation de D1, ces ensembles d’instructions sont accessibles à partir de serveurs hôtes distants.

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

[34] Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, D1 envisage que ces protocoles sont accessibles à partir de serveurs hôtes distants, et non pas stockés localement dans une base de données du GAB. Cependant, comme il est expliqué dans la lettre de l’ES, nous sommes d’avis qu’il serait évident de stocker les multiples protocoles dans une base de données locale du GAB.

[35] D1 (colonnes 18, 19 et 29) divulgue le stockage local de données de configuration et d’applets. De plus, D1 (colonne 26) porte sur le problème potentiel d’une connexion réseau lente ou interrompue et propose des solutions possibles, y compris l’accès à un fichier stocké localement dans une telle éventualité. Compte tenu d’une possible connexion réseau peu fiable et sachant que les protocoles sont nécessaires pour fournir les interfaces d’affichage et le contenu promotionnel appropriés, la personne versée dans l’art serait motivée à trouver une solution. Une solution évidente – et une solution dont la mise en œuvre relève de ses CGC – serait de stocker tous les protocoles nécessaires localement dans le GAB.

[36] Bien que la revendication 1 mentionne également d’autres détails relatifs à l’intérêt intellectuel des renseignements en cause (par exemple, une partie du contenu du protocole est du contenu promotionnel associé spécifiquement à l’établissement financier pertinent), ces détails n’ont pas été discutés parce que la signification et la présentation des renseignements présentés par le GAB n’ont aucune incidence sur le fonctionnement ou l’exploitation du GAB lui-même. La demande donne à penser qu’aucune adaptation technique particulière n’est nécessaire pour stocker, communiquer ou afficher ce contenu promotionnel, par opposition à tout autre contenu. Quoi qu’il en soit, la diffusion de publicités et d’autre contenu promotionnel provenant de différentes sources fait partie des activités courantes d’un GAB, comme nous en avons discuté plus haut et qu’il est indiqué dans D1 (colonnes 16 à 17).

[37] Comme il a été expliqué dans la lettre de l’ES, nous sommes d’avis que ce raisonnement s’applique également aux autres revendications, qui comportent des ensembles d’éléments essentiels similaires à ceux de la revendication 1.

[38] Bien que la revendication 2 renvoie également à un module d’affichage, que la revendication 8 précise que l’appareil de l’utilisateur est associé à un compte, que la revendication 13 renvoie à la récupération du contenu approprié dans la base de données et que la revendication 14 renvoie à l’exécution d’opérations en réponse aux commandes de l’utilisateur, ces caractéristiques sont considérées comme faisant intrinsèquement partie des éléments essentiels du GAB visé dans la revendication 1. De plus, ces détails sont également divulgués par D1.

[39] Les revendications 3 à 7, 11 et 16 fournissent de plus amples détails sur la signification et la présentation du contenu d’un protocole donné auquel l’utilisateur peut accéder en réponse aux résultats des étapes d’identification. Cependant, comme nous l’avons expliqué ci-dessus, ces détails ne distinguent pas le fonctionnement du GAB physique de l’art antérieur de façon à rendre l’objet brevetable.

[40] Les revendications 15 et 16 renvoient également à l’imposition ou à la non-imposition de frais dans certains scénarios. Comme nous en avons discuté ci-dessus, l’imposition de frais (par l’un des établissements associés au GAB ou à l’opération) dans différents scénarios fait partie des activités courantes d’un GAB. Le choix des conditions dans lesquelles des frais seraient ou non imposés serait dicté par des motivations commerciales plutôt que par l’esprit inventif du travailleur versé dans l’art et, dans le cas de ces revendications, fait partie des CGC. Par conséquent, ces détails ne distinguent pas les inventions revendiquées de l’art antérieur de façon à rendre leur objet brevetable.

Conclusion concernant l’évidence

[41] Comme il est expliqué dans la lettre de l’ES, nous considérons que l’objet des revendications aurait été évident pour la personne versée dans l’art compte tenu de D1 et des CGC. Par conséquent, ces revendications ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[42] Compte tenu de ce qui précède, nous recommandons que la demande soit rejetée au motif que les revendications 1 à 16 définissent un objet évident et ne sont donc pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

Leigh Matheson

Liang Ji

Blair Kendall

Membre

Membre

Membre

DÉCISION DU COMMISSAIRE

[43] Je souscris aux conclusions de la Commission et à sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications 1 à 16 ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[44] Par conséquent, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets

 

 

Fait à Gatineau (Québec)
ce 17e jour de mars 2021

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