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Référence : Rijk Zwaan Zaadteelt en Zaadhandel B.V. (Re), 2021 CACB 5

Décision du Commissaire #1558

Commissioner’s Decision #1558

Date : 2021-01-29

SUJET :

C00

Caractère adéquat ou inadéquat de la description

 

K10

Matières vivantes (animaux, plantes, graines, sperme)

 

B00

Caractère ambigu ou indéfini

TOPIC:

C00

Adequacy or Deficiency of Description

 

K10

Living Things (Animals, Plants, Seeds, Sperm)

 

B00

Ambiguity or Indefiniteness

Demande n2 636 084
Application No. : 2,636,084


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les « anciennes Règles sur les brevets »), la demande de brevet numéro 2 636 084 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande à moins que les modifications nécessaires ne soient apportées.

Agent du Demandeur :

Gowling WLG (Canada) LLP

550, rue Burrard, bureau 2300, Bentall 5

Vancouver (Colombie-Britannique) V6C 2B5


Introduction

[1] Cette recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 636 084 intitulée « METHODE DE SELECTION DE PLANTES ET DE PARTIES DE PLANTES MOINS SUSCEPTIBLES A UNE DECOLORATION DE SURFACE PAR SUITE D’UNE BLESSURE » et appartenant à Rijk Zwaan Zaateelt en Zaadhandel B.V. (le Demandeur). La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets.

[2] Conformément aux explications plus détaillées ci-dessous, nous recommandons à la commissaire aux brevets d’aviser le Demandeur que des modifications précises aux revendications sont jugées nécessaires en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets pour assurer la conformité à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets et que la demande de brevet sera acceptée si ces modifications sont apportées.

Contexte

La Demande

[3] La demande a été déposée sous le régime du Traité de coopération en matière de brevets, et la date de dépôt au Canada est le 8 janvier 2007. Elle est devenue accessible au public pour consultation le 12 juillet 2007.

[4] La demande refusée a trait aux méthodes de sélection pour l’identification de plantes moins susceptibles à une décoloration de surface par suite d’une blessure. Les plantes de laitue qui présentent la caractéristique d’être moins susceptibles à une décoloration par suite d’une blessure sont résistantes à des troubles de traitement après-récolte comme le brunissement ou le rosissement enzymatique qui affectent la qualité globale de la laitue traitée sont particulièrement divulguées.

[5] La demande comporte 7 revendications au dossier, qui ont été reçues au Bureau des brevets le 16 juillet 2014.

Historique du traitement de la demande

[6] Le 25 octobre 2016, une décision finale (DF) a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des anciennes Règles sur les brevets. La DF a déclaré que la revendication 7 au dossier était acceptable; toutefois, les revendications 1 à 6 au dossier ont été refusées en raison de l’absence de divulgation, du caractère non réalisable, de l’absence de fondement et du manque de clarté.

[7] Dans une réponse à la DF (RDF) datée du 24 avril 2017, le Demandeur a proposé un ensemble modifié de 2 revendications (ensemble de revendications proposées 1) et a présenté des arguments concernant les irrégularités soulevées dans la DF.

[8] Étant donné que l’examinateur a encore jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, conformément à l’alinéa 30(6)c) des anciennes Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission le 29 juin 2017 pour révision, accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs (RM). Plus précisément, le RM a indiqué que la revendication 2 de l’ensemble de revendications proposées 1 n’a pas corrigé les irrégularités soulevées à l’égard des revendications au dossier.

[9] Dans une lettre en date du 5 juillet 2017, la Commission a transmis une copie du RM au Demandeur et a demandé à ce dernier de confirmer s’il souhaitait toujours que sa demande soit révisée.

[10] Dans une lettre en date du 4 octobre 2017, le Demandeur a confirmé qu’il souhaitait qu’on procède à la révision.

[11] Le présent Comité (le Comité) a été constitué dans le but de procéder à la révision de la présente demande en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets. Le Comité a envoyé une lettre de révision préliminaire (lettre de RP) datée du 10 décembre 2020, dans laquelle il énonçait son opinion préliminaire selon laquelle les revendications 1 et 3 à 6 étaient irrégulières comme l’indiquent la DF et le RM, mais que la revendication 2 était conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Toutefois, conformément au paragraphe 86(9) des Règles sur les brevets, nous avons relevé une nouvelle irrégularité concernant deux des revendications au dossier. Nous avons également exprimé l’avis que les revendications proposées n’ont pas satisfait aux exigences relatives d’une modification nécessaire aux termes du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets. La lettre de RP a également donné au Demandeur une occasion de présenter des observations orales ou écrites.

[12] Le Demandeur a répondu à la lettre de RP le 7 janvier 2021 (RRP) en présentant des observations écrites et en proposant un ensemble de 10 revendications modifiées (ensemble de revendications proposées 2) « afin d’écarter toutes les raisons du refus de la présente demande en limitant les revendications à l’objet jugé acceptable par le Comité ». Le Demandeur n’a pas indiqué qu’il était nécessaire de tenir une audience.

Questions

[13] Compte tenu de ce qui précède, les questions suivantes sont examinées dans le cadre de la présente révision :

  • si les revendications 1 à 6 au dossier sont divulguées de façon insuffisante et ne présentent pas le caractère réalisable et ne sont donc pas conformes aux alinéas 27(3)a) et b) de la Loi sur les brevets;

  • siles revendications 1 à 6 au dossier visent le résultat recherché et ne sont pas conformes à l’article 84 des Règles sur les brevets dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les anciennes Règles sur les brevets, maintenant l’article 61 des Règles sur les brevets) et le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets;

  • siles revendications 6 et 7 au dossier visent une méthode de sélection traditionnelle des plantes et, par conséquent, ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[14] Après avoir examiné les revendications au dossier, nous examinerons l’ensemble de revendications proposées 2.

Principes juridiques et pratiques du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[15] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont identifiés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, aux alinéas 49f) et g), et au paragraphe 52). L’interprétation téléologique est réalisée du point de vue d’une personne versée dans l’art (PVA) à la lumière des connaissances générales courantes (CGC) pertinentes.

[16] La pratique actuelle du Bureau en ce qui a trait à l’interprétation téléologique est expliquée dans l’énoncé de pratique daté du 2020-11-03, intitulé « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (EP 2020-11-03). La pratique du Bureau a été révisée après l’envoi du RM, en réponse à la décision de la Cour fédérale dans Yves Choueifaty c. procureur général du Canada, 2020 CF 837.

[17] Selon l’EP 2020-11-03, l’interprétation téléologique d’une revendication est réalisée à la lumière de l’ensemble du mémoire descriptif et tient compte de ce que la PVA comprendrait de l’ensemble du mémoire descriptif comme étant la nature de l’invention. Pendant l’interprétation téléologique d’une revendication, les éléments de l’invention revendiquée sont qualifiés soit d’essentiels, soit de non essentiels. Dans l’exécution de cette détermination, tous les éléments établis dans une revendication sont présumés être un élément essentiel, à moins qu’il n’en soit établi autrement ou que ce soit contraire au libellé employé dans la revendication.

Caractère suffisant de la divulgation

[18] Le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets exige, entre autres choses, un mémoire descriptif afin de décrire d’une façon exacte et complète l’invention, et d’en permettre sa pratique :

Le mémoire descriptif doit :

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

[19] Pour déterminer si le mémoire descriptif est conforme aux alinéas 27(3)a) et 27(3)b) de la Loi sur les brevets, il importe de répondre aux trois questions suivantes : En quoi consiste l’invention? Comment fonctionne-t-elle? La personne versée dans l’art qui ne dispose que du mémoire descriptif peut-elle réaliser l’invention à la seule lumière des instructions contenues dans la divulgation? (Teva Canada Ltd c. Novartis AG, 2013 CF 141, citant Teva Canada Ltd c. Pfizer Canada Inc, 2012 CSC 60 [Teva CSC] et Consolboard Inc c. MacMillan Bloedel (Sask) Ltd, [1981] 1 56 RCS 504, à la p. 526, 1981 CanLII 15).

[20] Pour que l’on puisse répondre par l’affirmative à la troisième question, la personne versée dans l’art ne doit pas avoir à faire preuve d’inventivité ni à se lancer dans une expérimentation excessive : Aventis Pharma Inc c. Apotex Inc, 2005 CF 1283; Mobil Oil Corp c. Hercules Canada Inc (1995), 63 CPR (3d) 473 (CAF); Merck & Co c. Apotex Inc, [1995] 2 CF 723, 1995 CanLII 3586 (CA).

[21] La date pertinente pour apprécier la conformité au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets est la date de dépôt : Teva CSC, au par. 90.

[22] Comme il en est question ci-dessous, la présente invention repose sur le dépôt de deux matières biologiques (graines) auprès d’une autorité de dépôt internationale. Selon le paragraphe 38.1(1) de la Loi sur les brevets, les matières biologiques déposées sont réputées faire partie du mémoire descriptif, et il en est tenu compte, dans la mesure où les conditions visées au paragraphe 27(3) ne peuvent être autrement remplies, pour la détermination de la conformité du mémoire à ce paragraphe.

[23] Il est précisé au paragraphe 38.1(2) de la Loi sur les brevets que la mention d’un dépôt de matières biologiques n’a pas pour effet de faire du dépôt de matières biologiques une condition à remplir pour assurer la conformité.

Caractère indéfini

[24] Les irrégularités soulevées dans la DF en vertu du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et de l’article 84 des anciennes Règles sur les brevets concernent la question de savoir si les revendications visent le résultat recherché pour ne pas définir le déterminant génétique. Nous considérons toute préoccupation touchant la non-conformité à l’article 84 des anciennes Règles sur les brevets comme étant incluses dans l’analyse du caractère indéfini. Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent en termes précis et explicites l’objet :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[25] Dans Minerals Separation North American Corp c. Noranda Mines Ltd, [1947] C de l’Éch 306, à la p. 352, 12 CPR 99, la Cour a insisté sur l’obligation qui est faite au demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis :

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Procédés de sélection végétale classique

[26] La jurisprudence indique que les procédés de sélection végétale classique n’entrent pas dans la définition d’invention énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets : Pioneer Hi‑Bred Ltd c. Commissaire des brevets (1987), 14 CPR (3d) 491.

[27] En ce qui a trait au procédé servant à produire un végétal par des techniques classiques de croisement comme un objet brevetable, le paragraphe 23.02.03 du RPBB énonce ce qui suit :

Un facteur d’une importance particulière dans la détermination de la brevetabilité d’une méthode ou d’un procédé pour produire une forme de vie supérieure est le degré d’intervention humaine nécessaire au procédé revendiqué. Un procédé qui se conforme essentiellement aux lois de la nature, sans intervention significative d’ordre technique de l’être humain, n’est pas brevetable. Par exemple, une revendication interprétée comme visant un procédé servant à produire un végétal par des techniques classiques de croisement n’est donc pas brevetable (même si un des végétaux obtenus par croisement est transgénique ou autrement modifié). Toutefois, un procédé qui est le résultat de l’intervention humaine et des lois de la nature est un objet brevetable si au moins une étape de l’intervention humaine est un élément essentiel de la revendication.

Revendications d’« utilisation » et objet brevetable

[28] Il importe également de tenir compte, en rapport avec l’interprétation des revendications et la question de l’objet brevetable, abordée ci-dessus, de la question de savoir si le fait de formuler une revendication sous la forme d’une « utilisation » implique nécessairement que l’objet défini par cette revendication entre dans la définition d’invention énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets. À notre avis, ce n’est pas le cas.

[29] Une revendication formulée sous la forme d’une « utilisation » peut viser un objet brevetable. À titre d’exemple, dans le domaine médical, l’« utilisation » d’un médicament connu pour traiter une nouvelle maladie pourrait être revendiquée comme telle et ne serait pas considérée comme une méthode de traitement médical exclue de la brevetabilité. Apotex Inc c. Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77. Toutefois, le fait qu’une revendication soit présentée sous la forme d’une « utilisation » ne signifie pas automatiquement que cette revendication définit un objet prévu par la Loi. En effet, selon la jurisprudence dans le domaine des utilisations médicales, une revendication formulée sous la forme d’une « utilisation » peut tout de même être considérée comme étant non prévue par la Loi s’il appert, à l’issue d’une interprétation téléologique, qu’elle constitue une méthode de traitement médical exclue : Novartis Pharmaceuticals c. Cobalt Pharmaceuticals, 2013 CF 985, conf. par 2014 CAF 17; Janssen Inc c. Mylan Pharmaceuticals ULC, 2010 CF 1123.

[30] De plus, dans Canada (Procureur général) c. Amazon.com, Inc [Amazon] la Cour d’appel fédérale a énoncé au par. 44 que :

Une interprétation téléologique nécessite que le commissaire soit attentif à la possibilité qu’une revendication du brevet puisse être exprimée dans un langage qui est trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance. Par exemple, ce qui à première vue semble être la revendication d’une « réalisation » ou d’un « procédé » peut, dans le cadre d’une interprétation appropriée, constituer la revendication d’une formule mathématique et, par conséquent, ne pas constituer un objet brevetable.

Analyse des revendications au dossier

Interprétation téléologique

Les revendications au dossier

[31] Il y a 7 revendications au dossier. À la page 7 de la lettre de RP, nous avons exposé notre avis à titre préliminaire que les revendications indépendantes 1, 6 et 7 sont représentatives des revendications au dossier :

[TRADUCTION]

1. Utilisation d’une plante de laitue étant moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure, dans laquelle la décoloration par suite d’une blessure est causée par un déterminant génétique, qui est un déterminant génétique comme on le trouve dans la graine dont un échantillon représentatif a été déposé sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 ou 41441, comme culture.

6. Utilisation d’une plante de laitue, telle que définie dans la revendication 1 ou 2, pour conférer à une autre plante de laitue le caractère d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure.

7. Utilisation de graines ayant été déposées sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 ou 41441 pour transférer le trait d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure en une plante de laitue.

[32] Dans la RRP, le Demandeur n’a pas contesté la considération du Comité présentée dans la lettre de RP quant aux revendications 1, 6 et 7 comme étant représentative des revendications au dossier aux fins de notre analyse. De même, le Demandeur n’a pas contesté notre définition de la revendication dépendante 2 comme prévoyant d’autres limites en ce qui a trait à l’origine du déterminant génétique responsable du trait d’être moins susceptibles à une décoloration par suite d’une blessure.

La PVA et les CGC pertinentes

[33] Dans la RRP, le Demandeur n’a pas contesté ni commenté la définition du Comité concernant la PVA et ses CGC pertinentes tel qu’énoncé à la page 7 de notre lettre de RP. Par conséquent, nous adoptons ces définitions dans le cadre de la présente révision :

[TRADUCTION]

Compte tenu des déclarations de la description, comme ceux qui figurent à la page 3, ligne 11 à la page 6, ligne 6; et à la page 12, ligne 18 à la page 13, ligne 5, qui indique que l’invention alléguée vise le dépistage et la sélection des plantes de laitue afin d’identifier celles qui sont moins susceptibles à une décoloration de surface par suite d’une blessure, où ladite population végétale peut être mutagénisée (à l’aide de produits chimiques et/ou d’irradiation) pour augmenter les chances de trouver une telle plante, la personne versée dans l’art à qui est dirigée la demande peut être définie comme une équipe de scientifiques spécialistes de la sélection, avant une expertise en génétique végétale, en biologie moléculaire et dans la conception et l’exécution d’un programme de sélection végétale.

Les CGC de la personne versée dans l’art seraient la sélection des populations végétales pour les traits désirés, ainsi que l’identification et la caractérisation de l’allèle responsable dudit trait.

Éléments essentiels

[34] À la page 7 de la lettre de RP, nous avons exposé notre avis à titre préliminaire que tous les éléments des revendications sont essentiels :

[TRADUCTION]

Conformément à l’orientation de pratique fournie dans l’EP 2020-11-03, il n’y a pas d’utilisation d’un langage dans les revendications indiquant que l’un ou l’autre des éléments est facultatif, un mode de réalisation préférentielle ou l’une des solutions de rechange. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la personne versée dans l’art considérerait tous les éléments des revendications comme étant essentiels.

[35] La RRP n’a pas exprimé de désaccord avec notre point de vue préliminaire et, par conséquent, notre analyse se poursuivra en supposant que tous les éléments de la revendication sont essentiels.

Signification des termes

[36] La RRP n’a ni abordé ni commenté la signification des termes employés dans les revendications, et n’a pas non plus proposé d’autres interprétations des revendications au dossier. Par conséquent, à la lumière de l’analyse présentée dans la lettre de RP (pages 8 à 9), nous adoptons l’interprétation des termes « comme on le trouve » (revendication 1), « pour conférer le trait d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure » (revendication 6) et « pour transférer le trait d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure » (revendication 7) comme suit :

[TRADUCTION]

Dans la revendication 1, le terme « comme on le trouve » est utilisé pour aider à définir le déterminant génétique qui est responsable d’être moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure et présenté par une plante de laitue visée par la revendication.

À la page 3 de la réponse datée du 6 octobre 2015, il est fait référence à la description pour expliquer la portée prévue de l’expression :

Tel qu’il est indiqué dans la présente description, le déterminant génétique n’a pas besoin d’être identique tant qu’il conserve l’absence de décoloration des feuilles par suite d’une blessure « comme on le trouve » chez la plante-mère (page 7, lignes 22 à 28) :

« L’invention porte également sur la descendance d’une plante mère de l’invention qui conserve l’absence ou la réduction d’une décoloration des feuilles par suite d’une blessure, comme on le trouve dans la plante-mère. Une telle descendance peut être éloignée de nombreuses générations du parent. Tant que la caractéristique “décoloration de surface moins susceptible ou absente par suite d’une blessure” est conservée, la plante est une plante de l’invention. » (Soulignement ajouté)

Par conséquent, les variations non pertinentes qui ne détruisent pas le phénotype ou ne causent pas la ségrégation dans le test d’allélisme ne modifient pas fondamentalement le déterminant génétique. Par conséquent, toutes ces variantes sont « comme on le trouve » dans les graines déposées et sont incluses dans la revendication.

La DF, à la page 4, n’est pas d’accord avec cette interprétation et maintient que « comme on le trouve » est interprété comme signifiant que le déterminant génétique mentionné dans ce contexte soit « pareil » ou « identique » au déterminant génétique qui se trouve dans les graines déposées visées dans la revendication.

Nous reconnaissons l’affirmation du Demandeur selon laquelle le déterminant génétique n’a pas besoin d’être identique – tant que le phénotype désiré est conservé dans la descendance d’une plante-mère, le déterminant génétique sera « comme on le trouve » dans la plante-mère. Toutefois, la portée de la revendication 1 ne se limite pas à la descendance de la graine déposée. Tel qu’elle est rédigée, la revendication englobe toute plante de laitue ayant le phénotype désiré qui est causé par un déterminant génétique, lequel est « comme on le trouve » dans la graine déposée. Par conséquent, nous sommes d’accord avec l’interprétation présentée dans la Loi. À notre avis, à titre préliminaire, la personne versée dans l’art considérerait qu’un déterminant génétique « comme on le trouve » dans les graines déposées signifie effectivement que le déterminant génétique doit être « pareil » ou « identique » au déterminant génétique qui se trouve dans les graines déposées; toutefois, cela ne signifie pas qu’une plante de laitue telle qu’elle est revendiquée a nécessairement obtenu le déterminant génétique à partir des graines déposées.

Les termes « pour conférer le caractère de décoloration par suite d’une blessure » (revendication 6) et « pour transférer le trait d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure » (revendication 7) méritent également d’être examinés davantage, puisque ni une plante ni une graine ne peut être directement utilisée pour transférer le trait d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure à une autre plante. à cet égard, la description explique :

L’invention concerne également les plantes dont la décoloration de surface moins susceptible ou absente par suite d’une blessure et qui peuvent être obtenues en croisant une plante de l’invention avec une autre plante de la même espèce. La caractéristique « décoloration de surface moins susceptible ou absente par suite d’une blessure » peut donc être introduite dans d’autres plantes qui n’avaient pas la caractéristique initiale.

À notre avis, à titre préliminaire, la personne versée dans l’art comprendrait que la portée englobée par la façon dont on doit conférer ou transférer le trait désiré à une autre plante de laitue est en fait limitée au transfert de la plante de l’invention avec une autre plante de laitue afin d’obtenir une laitue descendante étant moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure. Aucun autre moyen de transfert n’est suggéré.

Cette compréhension est conforme aux observations du Demandeur, fournies dans la RDF à la page 3, en ce qui a trait à l’irrégularité liée à l’habilitation :

Dans le seul but de clarifier l’opinion du Demandeur quant à l’habilitation des revendications précédentes, pour le dossier public, il est soutenu que, selon l’avis du Demandeur, la personne versée dans l’art serait en mesure de produire l’invention en utilisant uniquement les instructions contenues dans la divulgation. Utilisation d’une plante de laitue étant moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure, dans laquelle la décoloration de surface par suite d’une blessure est causée par un déterminant génétique comme on le trouve dans les dépôts, peut être produite en utilisant les dépôts comme fournis dans la description. Une personne versée dans l’art n’a pas besoin de connaître la séquence du déterminant génétique causal pour être en mesure de le transférer à une autre plante. Une personne versée dans l’art croise simplement une plante cultivée à partir du dépôt avec une plante qui démontre une décoloration de surface par suite d’une blessure et sélectionne dans les plantes F1 et/ou F2 démontrant une plante moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure. La personne versée dans l’art peut donc produire l’invention en utilisant uniquement les dépôts fournis dans la divulgation. [Soulignement ajouté]

Par conséquent, nous sommes d’avis que la PVA interpréterait les termes « pour conférer » et « pour transférer » comme visant le transfert du trait de MOINS SUSCEPTIBLES À UNE DÉCOLORATION PAR SUITE D’UNE BLESSURE uniquement au moyen d’un procédé traditionnel de croisement des plantes.

Description exacte et complète au sens de l’alinéa 27(3)a) de la Loi sur les brevets

[37] Notre analyse préliminaire a été énoncée aux pages 9 à 12 de la lettre de RP comme suit :

[TRADUCTION]

Le RM, à la page 2, maintient l’irrégularité dans la DF selon laquelle la description ne fournit pas une description suffisante du déterminant génétique qui entraîne la réduction du phénotype de décoloration par suite d’une blessure, comme le revendiquent les revendications 1 à 6. Comme il l’est expliqué à la page 4 de la DF, le manque de caractérisation structurelle du déterminant génétique est problématique lorsque la portée des revendications englobent un déterminant génétique qui est « comme on le trouve » dans la graine dont un échantillon représentatif a été déposé sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 ou 41441 :

Bien que les cellules du matériel biologique déposé lui-même soient correctement et entièrement décrites et rendues possibles par la description du fait qu’elles ont été déposées, leurs génotypes et leurs allèles ne sont pas divulgués dans la demande. Les revendications en cause ne se limitent pas à l’utilisation de plantes de laitues cultivées à partir de la graine, ni même à une génération F2 qui en est issue. Telles que rédigées, les revendications sont d’une portée illimitée, englobant l’utilisation de n’importe quelle plante de laitue ayant le phénotype désiré, avec la seule exigence que ces plantes aient le même déterminant génétique « comme on le trouve » dans les graines déposées sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 et 41441.

Ainsi, l’utilisation revendiquée d’une plante de laitue englobe les plantes qui ont un génotype inconnu et qui comprennent un allèle non défini pour des plantes moins susceptibles à une décoloration de surface par suite d’une blessure. Un tel déterminant génétique non caractérisé ne peut être considéré comme étant correctement et pleinement décrit par la description.

La DF, aux pages 4 à 5, mentionne également que le RPBB fournit des directives pertinentes à l’appui de cette position :

Le demandeur est renvoyé à la section [23.06.01] du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (RPBB), qui énonce ce qui suit relativement à une revendication donnée en exemple visant une molécule d’acide nucléique non caractérisée définie par référence aux dépôts de matière biologique contenant la molécule :

Étant donné qu’il est possible de définir une molécule d’acide nucléique en termes clairs et explicites (par exemple, par sa séquence d’ADN) et malgré le fait qu’une personne versée dans l’art puisse parvenir à isoler la molécule à partir du dépôt et la caractériser (par exemple, déterminer sa séquence), la simple inclusion de l’information relative au dépôt dans le mémoire descriptif ne peut remplacer une description exacte et complète de la molécule elle-même. En l’absence d’une description de la séquence d’ADN de la molécule dans le mémoire descriptif, l’exigence du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets n’est pas satisfaite.

Dans le présent cas analogue, la graine déposée ne remplace pas une description complète et correcte du déterminant génétique de la plante moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure, et par conséquent, la plante de laitue comprenant ledit allèle n’est pas non plus pleinement et correctement décrite par la description, même si la personne versée dans l’art pouvait effectuer un test d’allélisme sans fardeau. Tandis que les cellules de la graine déposée sont considérées comme entièrement et correctement décrites par le mémoire descriptif, les cellules végétales non apparentées qui peuvent comprendre le même allèle non caractérisé que la graine déposée sortent du champ d’application de l’objet qui est décrit de façon complète et correcte par la description parce que l’allèle lui-même n’est pas défini dans la description, sauf dans le cadre de ladite graine déposée.

Enfin, à la page 5 de la DF, les arguments du Demandeur présentés dans sa réponse datée du 6 octobre 2015, selon lesquels « un simple test d’allélisme avec la laitue en question confirmerait la présence ou l’absence du déterminant génétique comme on le trouve dans la graine déposée » ont été réfutés :

Un test d’allélisme est un outil utile pour déterminer le nombre de gènes qui contrôlent le phénotype et si ces gènes sont récessifs ou dominants. La complémentarité peut être utilisée davantage si le gène à l’origine du phénotype est jugé récessif, mais ne peut pas être utilisé s’il est dominant. Dans sa lettre du 6 octobre 2015, le Demandeur soutient que, lorsqu’il n’y a pas d’isolement pour le trait d’être moins susceptible à une décoloration se produit dans les plantes F1 ou F2, une personne versée dans l’art peut conclure que « l’allèle qui rend la plante moins susceptible à une décoloration est comme on le trouve dans le dépôt ».

Toutefois, il existe une des deux possibilités si aucune ségrégation n’a lieu. La première est que les allèles sont les mêmes. La deuxième, et la plus importante aux fins du présent rapport, est qu’il y a deux mutations indépendantes sur le même gène et que les déterminants génétiques ne sont pas « comme on les trouve » dans les graines déposées. Ce n’est qu’en comparant l’information génomique que l’on peut conclure si les déterminants génétiques sont « comme on les trouve » dans les graines déposées. Ainsi, à première vue, le critère de l’allélisme n’a que peu de valeur pour décrire correctement et complètement l’invention.

Dans la RDF, le Demandeur n’a pas soutenu que les revendications étaient conformes à l’alinéa 27(3)a) de la Loi sur les brevets. Le Demandeur a plutôt présenté de nouvelles revendications proposées 1 et 2 qui ne font pas état d’un déterminant génétique et a indiqué que les revendications proposées « ne visent pas l’utilisation de graines ou de plantes qui comprennent le déterminant génétique comme on le trouve dans les graines déposées, mais sont plutôt limitées à l’utilisation des graines déposées ou des graines de nouvelle génération ».

Nous sommes d’accord avec l’analyse présentée dans la DF et sommes d’avis, à titre préliminaire, que les revendications qui englobent un déterminant génétique « comme on le trouve » dans la graine dont un échantillon représentatif a été déposé sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 ou 41441, ne sont pas correctement et entièrement décrites dans leur portée et le mémoire descriptif n’est pas conforme à l’alinéa 27(3)a) de la Loi sur les brevets à cet égard.

Les graines déposées ne remplacent pas une description complète et correcte du déterminant génétique responsable du phénotype désiré. De plus, comme il est expliqué dans la DF, l’utilisation des graines déposées dans un test d’allélisme avec une plante laitue ayant le phénotype désiré ne permettrait pas à la personne versée dans l’art de confirmer la présence ou l’absence du déterminant génétique tel qu’il se trouve dans la graine déposée. En l’absence de toute caractérisation structurelle du déterminant génétique, il n’y a pas de fondement pour que la personne versée dans l’art détermine si la plante de laite qui comporte le trait d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure a un déterminant génétique qui est « comme on le trouve » dans la graine dont un échantillon représentatif a été déposé sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 ou 41441. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que les revendications 1 et 3 à 6 qui englobent les plantes de laitue où l’origine du déterminant génétique n’est pas identifiée comme les graines déposées ne satisfont pas à l’alinéa 27(3)a) de la Loi sur les brevets à cet égard.

Toutefois, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la personne versée dans l’art considérerait que les graines déposées offrent une description exacte et complète des plantes descendantes ayant le trait phénotypique désiré d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure. À cet égard, nous notons que la portée de la revendication dépendante 2 est limitée à une plante de laitue moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure qui a obtenu le déterminant génétique responsable de ce trait à partir des graines déposées. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que le mémoire descriptif fournit une description exacte et complète de la plante de laitue de la revendication 2 et satisfait à l’alinéa 27(3)a) de la Loi sur les brevets à l’égard de cet objet.

[38] Dans la RRP, le Demandeur n’a pas exprimé son désaccord avec les conclusions préliminaires conclues dans la RP. Notre conclusion est donc que les revendications 1 et 3 à 6, qui englobent les plantes de laitue où l’origine du déterminant génétique n’est pas identifiée comme les graines déposées, ne sont pas conformes à l’alinéa 27(3)a) de la Loi sur les brevets. Par contre, la revendication 2, qui définit les plantes de laitue de descendance qui ont obtenu le déterminant génétique responsable du trait d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure de la graine déposée, est conforme à l’alinéa 27(3)a) de la Loi sur les brevets.

Caractère réalisable en vertu de l’alinéa 27(3)b) de la Loi sur les brevets

[39] Notre analyse préliminaire a été énoncée aux pages 12 à 13 de la lettre de RP comme suit :

[TRADUCTION]

Le RM, à la page 2, maintient l’irrégularité dans la DF selon laquelle la description ne fournit pas une divulgation habilitante pour l’utilisation des plantes de laitues revendiquées :

Bien que la demande énonce les instructions de mutagénisation des graines et de sélection des plantes mutantes pour qu’elles soient moins susceptibles à une décoloration de surface par suite d’une blessure, il n’en demeure pas moins qu’une PVA serait laissée avec un fardeau expérimental et inventif excessif pour déterminer si le déterminant génétique d’une plante de laitue est « comme on le trouve » dans les graines déposées sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 ou 41441. Aucune information sur la séquence n’est fournie et aucune indication de l’emplacement de l’allèle dans le génome (au moyen de marqueurs génétiques) n’est fournie. En fait, pour identifier le gène en question, les graines déposées sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 ou 41441, ainsi que la plante de laitue ayant le déterminant génétique comme on le trouve dans lesdites graines, nécessiteraient une expérimentation excessive et nécessiteraient la réalisation d’un projet de recherche important qui prendrait un temps considérable à une petite équipe de chercheurs pour achever le projet. De nombreux articles publiés dans des revues à comité de lecture, comme Theoretical and Applied Genetics, sont consacrés à l’identification et à l’isolement de gènes uniques à l’origine des phénotypes désirés chez les plantes. Cela montre qu’une telle entreprise n’est pas une expérimentation courante. De plus, comme il est indiqué ci-dessus, le test d’allélisme mentionné par le Demandeur dans sa lettre du 6 octobre 2015 ne permettra pas à une PVA de déterminer qu’une plante de laitue a un allèle causant une plante moins susceptible a une décoloration de surface par suite d’une blessure qui est « comme on la trouve » dans la graine définie dans les revendications en l’espèce.

À la page 3 de la RDF, le Demandeur a précisé son opinion sur l’habilitation des revendications :

La personne versée dans l’art serait en mesure de produire l’invention en utilisant uniquement les instructions contenues dans la divulgation. Une plante de laitue étant moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure, dans laquelle la décoloration de surface par suite d’une blessure est causée par un déterminant génétique comme on le trouve dans les dépôts, peut être produite en utilisant les dépôts comme fournis dans la description. Une personne versée dans l’art n’a pas besoin de connaître la séquence du déterminant génétique causal pour être en mesure de le transférer à une autre plante. Une personne versée dans l’art croise simplement une plante cultivée à partir du dépôt avec une plante qui démontre une décoloration de surface par suite d’une blessure et sélectionne dans les plantes F1 et/ou F2 démontrant une plante moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure. La personne versée dans l’art peut donc produire l’invention en utilisant uniquement les dépôts fournis dans la divulgation.

Nous sommes d’accord avec l’analyse présentée dans la DF et sommes d’avis, à titre préliminaire, que les revendications qui englobent un déterminant génétique « comme on le trouve » dans la graine dont un échantillon représentatif a été déposé sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 ou 41441, ne sont pas habilitées dans leur portée et le mémoire descriptif n’est pas conforme à l’alinéa 27(3)b) de la Loi sur les brevets à cet égard.

Comme il est expliqué dans la DF, un test d’allélisme n’est pas suffisant pour permettre à la personne versée dans l’art de savoir si une plante de laitue présentant un phénotype du trait d’être moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure a un déterminant génétique qui est « comme on le trouve » dans la graine déposée. De plus, étant donné l’absence d’une description complète et correcte du déterminant génétique responsable du phénotype désiré, la personne versée dans l’art devrait étudier plus à fond la base génétique du phénotype du trait d’être moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure dans les deux graines déposées sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 ou 41441 afin de déterminer si une plante de laitue présentant les caractéristiques phénotypiques désirées est visée par les revendications. Nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la personne versée dans l’art ne serait pas en mesure de réaliser l’invention sans un fardeau indu d’expérimentation pour déterminer si le déterminant génétique d’une plante de laitue est « comme on le trouve » dans les graines déposées sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 ou 41441 et dans la portée des revendications. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que les revendications 1 et 3 à 6 qui englobent les plantes de laitue où l’origine du déterminant génétique n’est pas identifiée comme les graines déposées ne satisfont pas à l’alinéa 27(3)b) de la Loi sur les brevets à cet égard.

Toutefois, comme il est expliqué ci-dessus, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la personne versée dans l’art considérerait que les graines déposées offrent une description exacte et complète des plantes descendantes ayant le trait phénotypique désiré d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure. Par conséquent, nous sommes d’accord avec la RDF qu’une plante de laitue étant moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure, dans laquelle la décoloration de surface par suite d’une blessure est causée par un déterminant génétique comme on le trouve dans les dépôts, peut être produite en utilisant les dépôts comme fournis dans la description. Nous sommes également d’accord que la personne versée dans l’art n’a pas besoin de connaître la séquence du déterminant génétique causal pour transférer le phénotype d’être moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure aux générations descendantes. Étant donné l’existence des lignées végétales déposées de l’invention, la personne versée dans l’art pourrait utiliser le test de rosissement des disques de feuilles dans le mémoire descriptif pour vérifier s’il y a le phénotype dans les plantes descendantes.

Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que le mémoire descriptif est conforme à l’alinéa 27(3)b) de la Loi sur les brevets à l’égard de la revendication 2, qui est la seule revendication qui est limitée aux plantes de laitues qui sont les descendants des lignées de plantes déposées.

[40] Dans la RRP, le Demandeur n’a pas exprimé son désaccord avec les conclusions préliminaires conclues dans la RP. Notre conclusion est donc que les revendications 1 et 3 à 6, qui englobent les plantes de laitue où l’origine du déterminant génétique n’est pas identifiée comme les graines déposées, ne sont pas conformes à l’alinéa 27(3)b) de la Loi sur les brevets. Par contre, la revendication 2, qui définit les plantes de laitue de descendance qui ont obtenu le déterminant génétique responsable du trait d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure de la graine déposée, est conforme à l’alinéa 27(3)b) de la Loi sur les brevets.

Caractère indéfini des revendications 1 à 6 au dossier

[41] Notre analyse préliminaire a été énoncée aux pages 13 à 15 de la lettre de RP comme suit :

[TRADUCTION]

La DF considère que l’objet des revendications 1 à 6 est indéfini parce que le déterminant génétique cité est défini comme un énoncé du résultat recherché. Comme il est expliqué dans la DF à la page 6 :

Les revendications visent l’utilisation d’une plante de laitue moins susceptible d’une décoloration de surface par suite d’une blessure, dans laquelle le phénotype est « causé par un déterminant génétique », qui est « comme on le trouve » dans la graine déposée avec NCIMB le 10 octobre 2016 sous le numéro d’enregistrement 41441 et le 3 janvier 2007 sous le numéro d’enregistrement 41454. Les allèles (« déterminant génétique ») responsables du phénotype d’une plante moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure dans les graines récitées n’ont pas été caractérisés et définis structurellement dans la description initialement produite, ou dans les revendications et, par conséquent, les plantes de laitue comprenant ledit déterminant non défini (« déterminant génétique ») et leurs utilisations ne sont pas non plus définies. Il est à noter que l’énoncé selon lequel « la décoloration par suite d’une blessure est causée par un déterminant génétique, qui est un déterminant génétique comme on le trouve dans la graine dont un échantillon représentatif a été déposé sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 ou 41441 », ne définit pas de façon distincte et explicite l’allèle (« déterminant génétique ») et est considéré comme étant orienté vers un simple énoncé du résultat recherché qui ne peut servir à définir lesdits allèles ou lesdites plantes de laitue.

Dans la RDF, le Demandeur n’a pas soutenu que les revendications étaient conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. Comme il est indiqué ci-dessus, le Demandeur a présenté de nouvelles revendications proposées 1 et 2 qui ne font pas état d’un déterminant génétique et a indiqué que les revendications proposées « ne visent pas l’utilisation de graines ou de plantes qui comprennent le déterminant génétique comme on le trouve dans les graines déposées, mais sont plutôt limitées à l’utilisation des graines déposées ou des graines de nouvelle génération ».

Le test pour déterminer la clarté d’une revendication assimile les termes employés dans une revendication à des barrières qui en définissent les frontières. Il considère également si le « public peut savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque. » À ce titre, nous sommes d’accord avec le raisonnement dans la DF et nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la personne versée dans l’art ne serait pas en mesure de déterminer facilement la portée du monopole définit par le terme « déterminant génétique » tel qu’il est utilisé dans la revendication 1. Dans le contexte de la revendication 1, le déterminant génétique n’est rien d’autre qu’un nouvel exposé du résultat recherché.

On a montré que seules les graines déposées et leur descendance présentent le phénotype désiré. Par conséquent, en l’absence d’une caractérisation détaillée de la base génétique du phénotype désiré d’être moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure, le déterminant génétique est défini par le résultat désiré sans définir les caractéristiques structurelles nécessaires pour atteindre ce résultat et, par conséquent, ne parvient pas à définir clairement et explicitement la plante de laitue récitée. De plus, comme il est indiqué ci-dessus, la suggestion du Demandeur dans sa réponse datée du 6 octobre 2015, à savoir qu’un test d’allélisme permettra à une personne versée dans l’art de déterminer si une plante de laitue ayant le phénotype désiré contient le déterminant génétique trouvé dans les graines déposées, est infondée.

Bien que la caractérisation phénotypique « être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure » offre une limite fonctionnelle à la portée de la plante de laitue contemplée et le déterminant génétique trouvé dans ladite plante de laitue ne sert pas à clarifier d’emblée la portée de la revendication pour la personne versée dans l’art. De même, l’exigence selon laquelle le déterminant génétique est « comme on le trouve » dans la graine déposée ne sert pas à définir la portée des plantes de laitue visées par la revendication. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que le déterminant génétique, et donc la plante de laitue, tel qu’elle est caractérisée dans les revendications 1 et 3 à 6, n’est pas définie distinctement et en des termes explicites.

Toutefois, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la personne versée dans l’art considérerait que la graine déposée, qui est clairement définie en plein droit par numéro de dépôt, fournir une définition distincte et explicite pour une plante de laitue comprenant le déterminant génétique qui est conservé dans les plantes descendantes ayant le caractère phénotypique désiré de la décoloration par suite d’une blessure. À cet égard, nous notons que la portée de la revendication dépendante 2 est limitée à une plante de laitue moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure qui a obtenu le déterminant génétique responsable de ce trait à partir des graines déposées. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la revendication 2 satisfait au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[42] Dans la RRP, le Demandeur n’a pas exprimé son désaccord avec les conclusions préliminaires conclues dans la RP. Notre conclusion est donc que, dans les revendications 1 et 3 à 6 le déterminant génétique, et donc la plante de laitue, n’est pas définie distinctement et en des termes explicites contrairement au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. Par contre, la revendication 2, qui définit les plantes de laitue de descendance qui ont obtenu le déterminant génétique responsable du trait d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure de la graine déposée, est conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Non-conformité des revendications 6 et 7 au dossier de l’article 2 de la Loi sur les brevets

[43] Dans la lettre de RP, aux pages 13 à 15, nous avons exprimé notre avis, à titre préliminaire, selon laquelle l’objet défini dans les revendications 6 et 7 vise un procédé traditionnel de sélection des plantes qui, comme il est indiqué ci-dessus, ne correspond pas à la définition d’invention en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets :

[TRADUCTION]

Notamment, les revendications 6 et 7 sont des revendications d’usage qui ne comportent pas d’étapes qui sont la caractéristique d’une revendication de méthode ou de procédé. Comme l’explique le RPBB aux sections 17.01.01 et 17.01.02 :

Une revendication d’utilisation décrit généralement une manière ou un mode d’application de certains moyens en vue d’obtenir un résultat particulier sans prescrire en détail la façon d’obtenir le résultat.

Une revendication de « méthode » décrit également un mode ou une manière d’obtenir un certain résultat, mais comprend une ou plusieurs étapes particulières par lesquelles le résultat est obtenu.

Un « procédé » concerne l’application d’une méthode sur un matériau ou des matériaux.

Toutefois, comme nous l’avons vu plus haut, en ce qui concerne l’interprétation d’une revendication, la personne versée dans l’art comprendrait que la portée englobée par l’expression « conférer [ou transférer] à une autre plante de laitue le caractère d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure » est en fait limitée aux étapes d’un procédé traditionnel de croisement de plantes utilisant une plante de l’invention, ou une graine de celle-ci – aucun autre moyen de réaliser le transfert du trait désiré n’est envisagé. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que l’invention réelle dans les revendications 6 et 7 définit une combinaison d’éléments qui se limite à l’utilisation implicite de plantes de laitues ou de graines déposées dans un procédé traditionnel de croisement des plantes afin d’obtenir le transfert du trait récité d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure dans d’autres variétés de laitues.

Dans ce cas particulier, le libellé des revendications est « trompeur par inadvertance » et, comme l’indique Amazon au paragraphe 44, ce qui semble à première vue être des revendications pour un « usage » sont, une fois interprétées de façon téléologique, des revendications pour un processus de transfert d’un trait par le biais d’une reproduction croisée traditionnelle de plantes.

Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que l’objet des revendications 6 et 7 n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[44] Dans la RRP, le Demandeur n’a pas exprimé son désaccord avec les conclusions préliminaires conclues dans la RP. Notre conclusion est donc que les revendications 6 et 7 visent une méthode de sélection traditionnelle de plantes et ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Analyse des revendications proposées

[45] Dans la lettre de RP, aux pages 16 à 17, nous présentons notre point de vue préliminaire selon lequel l’ensemble de revendications 1 soumises avec la RDF ne modifierait pas le résultat de l’évaluation de l’objet prévu par la Loi :

[TRADUCTION]

Toutefois, nous avons également exprimé au-dessus de notre avis à titre préliminaire que l’utilisation de graines pour « transférer un trait d’être moins susceptible à une décoloration par suite d’une blessure » dans une autre plante de laitue constitue un processus non brevetable de croisement traditionnel de plantes. Par conséquent, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que les revendications proposées 1 et 2 visent un objet non prévu par la loi qui ne correspond pas à la définition de l’invention en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[46] Comme il est indiqué ci-dessus, avec la RRP, le Demandeur a présenté les ensembles de revendications proposées 2. Selon la RRP, la revendication 1 de l’ensemble de revendications proposées 2 modifie la portée de la revendication 1 au dossier pour définir une plante de laitue qui est une progéniture de la graine déposée. La revendication 2 de l’ensemble de revendications proposées 2 correspond à la revendication dépendante 2 au dossier, qui a été considérée comme conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, mais qui est écrite de façon indépendante. Les revendications restantes de l’ensemble de revendications proposées 2 définissent d’autres modes de réalisation de l’invention, comme l’utilisation d’une plante de laitue descendante montrant une plante moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure comme source de graines (revendications 3 et 4), comme source de matériel de multiplication (revendications 5 et 6), pour la consommation (revendications 7 et 8) ou comme cellule de ladite plante de laitue descendante (revendications 9 et 10). Notamment, les revendications que nous avons jugées irrégulières pour non-conformité à l’article 2 de la Loi sur les brevets ont été supprimées.

[47] Nous avons déjà exprimé notre point de vue ci-dessus que le fait de limiter la portée des revendications aux plantes descendantes des graines déposées qui conservent le trait phénotypique désiré d’être moins susceptible à une décoloration de surface par suite d’une blessure surmonterait les irrégularités soulevées relativement au paragraphe 27(4) et aux alinéas 27(3)a) et b) de la Loi sur les brevets. La PVA considérerait que la graine déposée fournit une définition distincte et explicite pour une plante descendante. De même, la PVA considérerait que la graine déposée fournit une description exacte et complète des plantes descendantes et serait en mesure d’être sélectionnée pour la descendance le phénotype désiré en utilisant, par exemple, le test de rosissement du disque de feuille divulgué dans le mémoire descriptif.

[48] À la lumière de ce qui précède, nous sommes d’avis que l’ensemble de revendications proposées 2 satisfait aux exigences d’une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Conclusions

[49] Nous concluons que dans la mesure où les revendications 1 et 3 à 6 au dossier englobent un déterminant génétique « comme on le trouve » dans la graine dont un échantillon représentatif a été déposé sous le numéro d’enregistrement NCIMB 41454 ou 41441, ces revendications ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et le mémoire descriptif n’est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Nous concluons également que les revendications 6 et 7 au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets dans la mesure où elles sont interprétées de façon téléologique comme des revendications visant un processus de transfert d’un trait par le biais d’une reproduction croisée traditionnelle de plantes.

[50] De plus, nous concluons que la revendication 2 au dossier est conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

[51] Enfin, nous concluons que l’ensemble de revendications proposées 2 satisfait aux exigences d’une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Recommandation de la Commission

[52] Compte tenu des motifs qui précèdent, nous recommandons que le demandeur soit informé, conformément au paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, que la suppression des revendications au dossier et l’insertion des revendications proposées 1 à 10, telles qu’elles sont formulées dans la lettre du demandeur du 7 janvier 2021, sont nécessaires pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

 

 

 

 

Christine Teixeira

Marcel Brisebois

Philip Brown

Membre

Membre

Membre


 

Décision de la commissaire

[53] Je souscris à la conclusion ainsi qu’à la recommandation de la Commission. Conformément au paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le Demandeur que les modifications suivantes, et seulement ces modifications, doivent être apportées conformément à l’alinéa 200b) des Règles sur les brevets dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi j’entends rejeter la demande :

  • la suppression des revendications au dossier;

  • l’insertion des revendications proposées 1 à 10, telles que formulées dans la lettre du Demandeur datée du 7 janvier 2021.

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

en ce 29e jour de janvier 2021.

 

 

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