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Référence : Choueifaty (Re), 2021 CACB 3

Décision du Commissaire 1556

Commissioner’s Decision 1556

Date : 2021-01-11

SUJET :

J–00

Signification de la technique

 

J–50

Simple plan

 

 

 

TOPIC:

J–00

Meaning of Art

 

J–50

Mere Plan

 

 

 


Demande no 2 635 393
Application No. : 2,635,393


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

La demande de brevet 2 635 393, ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96-423) dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, rejetée en vertu de l’article 40 de la Loi sur les brevets et ce rejet ayant été annulé après appel devant la Cour fédérale en vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, a par la suite été examinée conformément aux instructions de Choueifaty c. Canada (VG) 2020 CF 837. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire accepte la demande, à condition que des modifications précises nécessaires soient apportées.

Agent du Demandeur :

OSLER, HOSKIN & HARCOURT LLP

340, rue Albert, bureau 1900

OTTAWA (Ontario) K1R 7Y6

 


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet rejetée no 2 635 393 intitulée « Méthodes et systèmes permettant la fourniture d’un portefeuille anti-repère », qui est inscrite au nom de Yves Choueifaty. L’irrégularité qui subsiste selon la décision finale (DF) est que les revendications ne définissent pas un objet prévu par la Loi, en contravention de l’article 2 de la Loi sur les brevets. La Commission d’appel des brevets (la Commission) a examiné la demande rejetée conformément aux instructions de la Cour fédérale dans Choueifaty c. Canada (VG), 2020 CF 837 [Choueifaty]. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons d’informer le Demandeur au moyen d’un avis en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets que certaines modifications aux revendications sont nécessaires afin que la demande soit jugée acceptable.

Contexte

La demande

[2] La demande de brevet canadien no 2 635 393 a été déposée le 19 juin 2008 et a été rendue publique le 22 décembre 2008.

[3] L’invention porte sur la fourniture d’un « portefeuille anti-repère ». Autrement dit, elle se rapporte à la sélection et à la gestion d’un portefeuille de titres de telle sorte qu’il présente habituellement un rendement attendu plus élevé et une volatilité attendue plus faible qu’un portefeuille ou un repère donné pour le même univers de titres. L’approche anti-repère vise à maximiser la diversification au sein d’un univers donné de titres.

Historique de la demande

[4] Le 28 janvier 2016, la DF a été publiée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans sa version immédiatement antérieure au 30 octobre 2019. La DF indiquait que la demande est irrégulière au motif que les revendications 1 à 27 au dossier englobent un objet qui n’entre pas dans la définition d’invention et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[5] Dans sa réponse à la DF (RDF) du 28 juillet 2016, le Demandeur a présenté des arguments en faveur de l’acceptation et a proposé un premier ensemble modifié de 27 revendications.

[6] L’examinateur n’estimait pas que la modification corrigerait les irrégularités ni n’était convaincu par les arguments du Demandeur visant à retirer le refus. Par conséquent, la demande a été renvoyée à la Commission pour réviser de la question au nom du commissaire aux brevets.

[7] Au cours de cette révision, le 1er octobre 2018, le Demandeur a présenté des observations, y compris un ensemble modifié proposé de 63 revendications (les deuxièmes revendications proposées) et un affidavit de M. Tristan Froidure, chef de la recherche au bureau de gestion des investissements de M. Choueifaty, TOBAM (l’affidavit Froidure). À la fin de son examen, la Commission a recommandé au commissaire de rejeter la demande. La commissaire l’a fait et a rendu sa décision : Re Demande pour un brevet de Choueifaty 2635393 (2019), DC 1478 (Commission d’appel des brevets et commissaire aux brevets) [DC 1478].

[8] Le Demandeur a interjeté appel de cette décision et la Cour fédérale l’a finalement annulée dans Choueifaty, enjoignant à la commissaire de [traduction] « considérer la Demande [2 635 393] de nouveau en fonction du deuxième ensemble de revendications proposées présenté par le Demandeur et conformément à ces motifs. »

[9] Un nouveau Comité de la Commission a été constitué dans le but d’aider la commissaire avec son examen de la demande et de formuler une recommandation quant à la décision à rendre. Nous avons examiné cette demande en nous fondant sur les deuxièmes revendications proposées et conformément aux instructions et aux motifs de la Cour fédérale dans l’affaire Choueifaty. Nous avons également examiné la DF et l’autre correspondance entre le Demandeur et l’Examinateur.

Question

[10] La question à trancher dans le cadre de la présente révision est celle de savoir si les deuxièmes revendications proposées au dossier définissent un objet qui entre dans la définition d’invention qui est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Principes juridiques et pratiques du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[11] Choueifaty (aux par. 31 à 40) souligne l’importance, au moment de déterminer si les éléments revendiqués sont essentiels ou non, de suivre les principes de l’interprétation téléologique établis dans Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust] et Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67 [Whirlpool].

[12] Conformément à Free World Trust, les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool, aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). La question de savoir si un élément est essentiel dépend à la fois de l’intention exprimée dans la revendication ou déduite de celle-ci et de la question de savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art qu’une variante a un effet matériel sur le fonctionnement de l’invention (Free World Trust, aux par. 55, 57 et 59).

[13] « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » (OPIC, novembre 2020) [EP2020‑04], rédigé en réponse à Choueifaty, traite également de l’application de ces principes :

L’interprétation téléologique d’une revendication est réalisée à la lumière de l’ensemble du mémoire descriptif et tient compte de ce que la personne versée dans l’art comprendrait de l’ensemble du mémoire descriptif comme étant la nature de l’invention.

Pendant l’interprétation téléologique d’une revendication, les éléments de l’invention revendiquée « sont qualifiés soit d’essentiels (la substitution d’un autre élément ou une omission fait en sorte que l’appareil échappe au monopole), soit de non essentiels (la substitution ou l’omission n’entraîne pas nécessairement le rejet d’une allégation de contrefaçon) ». Dans l’exécution de cette détermination des éléments essentiels et non essentiels, tous les éléments établis dans une revendication sont présumés être un élément essentiel, à moins qu’il n’en soit établi autrement ou que ce soit contraire au libellé employé dans la revendication.

[14] Puisque l’interprétation téléologique d’une revendication tient compte de ce que la personne versée dans l’art comprendrait comme étant la nature de l’invention, il est nécessaire d’identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes.

Objet brevetable

[15] La définition d’invention est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[16] Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets prévoit également que :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[17] L’EP2020–04 explique l’approche du Bureau des brevets pour décider si une invention liée à un ordinateur est un objet brevetable :

Afin d’être un objet brevetable et ne pas avoir d’interdiction en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, l’objet défini par une revendication doit être limité à ou moins vaste que l’invention en question qui a une existence ou une manifestation physique d’un effet ou changement discernable et qui a trait à un domaine de réalisations manuelles ou de production, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles, afin de distinguer, en particulier, des beaux-arts ou des œuvres d’art qui ne sont originales que dans un sens artistique ou esthétique.

[…]

Le simple fait qu’un ordinateur soit identifié comme étant un élément essentiel d’une invention revendiquée aux fins de déterminer les clôtures du monopole dans l’interprétation téléologique ne signifie pas nécessairement que l’objet défini par la revendication est un objet brevetable et qu’il ne fait pas partie de l’interdiction prévue au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

[…]

Si un ordinateur est simplement utilisé d’une façon bien connue, l’emploi de l’ordinateur ne sera pas suffisant pour rendre l’idée désincarnée, le principe scientifique ou les conceptions théoriques en un objet brevetable et en dehors de l’interdiction prévue au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Dans le cas d’une revendication visant un ordinateur programmé pour exécuter un algorithme mathématique, si l’ordinateur traite simplement l’algorithme d’une manière bien connue et que le traitement de l’algorithme sur l’ordinateur ne résout aucun problème dans le fonctionnement de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme ne font pas partie d’une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou industrielles. Si l’algorithme en soi est considéré comme étant l’invention, l’objet défini par la revendication n’est pas un objet brevetable ou interdit prévu au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

D’autre part, si l’exécution de l’algorithme sur l’ordinateur améliore le fonctionnement de l’ordinateur, l’ordinateur et l’algorithme formeraient donc ensemble une seule invention réelle qui résout un problème lié aux réalisations manuelles ou industrielles et l’objet défini par la revendication serait un objet brevetable et ne serait pas interdit en vertu du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets.

Analyse

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art et ses CGC

[18] Selon Choueifaty (au par. 12), la caractérisation de la personne versée dans l’art et de ses CGC dans la DC 1478 (aux par. 30 à 35) n’était pas en cause dans l’appel. Nous adoptons cette caractérisation de la personne versée dans l’art ici : la personne versée dans l’art est une équipe composée de membres spécialisés dans l’optimisation quantitative du portefeuille financier et des finances, avec des processus administratifs pour la gestion des portefeuilles de titres et d’instruments financiers, et avec le matériel informatique en réseau et les logiciels utilisés pour réaliser ces processus.

[19] Nous adoptons généralement la caractérisation des CGC pertinentes également, mais nous souhaitons préciser deux des points suivants : rien n’indique que les équations identifiées comme étant le rapport de diversification anti-repère (R) et en tant qu’équation (3) dans la présente demande (pages 8 et 9 respectivement) font partie des CGC, mais la personne versée dans l’art, en les lisant, reconnaîtrait le rapport R comme une fonction quasi concave et l’équation (3) comme un problème convexe.

[20] Cette précision est fondée sur le libellé de l’affidavit Froidure, lequel a largement contribué à l’inclusion de ces points dans les CGC désignées (DC 1478, aux par. 11, 34 et 35; Choueifaty, aux par. 9 et 12).

[21] Nous ajoutons également aux CGC identifiées l’utilisation de logiciels et d’outils informatiques pour sélectionner automatiquement les titres, créer des commandes ou faire des transactions, investissant ainsi dans un portefeuille. Cela est fondé sur l’identification ci-dessus de la personne versée dans l’art et étayé par le manque de détails dans la présente demande concernant le commerce ou l’investissement automatisé ou informatisé, ce qui suggère que la mise en œuvre de ce type de pratique est à la portée de la personne versée dans l’art et qu’elle n’a pas besoin d’explication. L’ajout est également étayé par ce que les références suivantes, qui ont été soulevées au cours de notre révision, décrivent dans leurs sections décrivant l’état de la technique comme étant généralement connu ou fait de façon conventionnelle sur le terrain :

  • US 2003/00655983 avril 2003Bunda

  • US 2004/014824229 juillet 2004Liu

  • US 2005/02734098 décembre 2005Voudrie

[22] Par conséquent, les CGC pertinentes comprennent :

  • sélectionner et gérer des portefeuilles de titres/instruments financiers notamment :

    • o titres/instruments financiers incluant des fonds indiciels, des fonds indiciels négociables en bourse, des indices fondamentaux et des indices de diversité,

    • o divers partis pris dans la sélection de portefeuilles, comme la faible capitalisation, le facteur conjoncturel et les incidences des variations de change,

    • o différentes mesures liées à la gestion de portefeuilles, comme alpha, bêta, le ratio de Sharpe et la frontière efficiente;

  • systèmes informatiques génériques et interréseautage d’ordinateurs par des moyens de réseautage;

  • connaissances permettant la reconnaissance du rapport de diversification anti-repère comme exemple de fonction quasi concave;

  • connaissances permettant la reconnaissance de l’équation étiquetée (3) dans la présente demande (à la page 9) comme exemple d’un problème convexe;

  • le fait que les fonctions quasi concave ou quasi convexe sont un type de fonctions qui peuvent être complexes à optimiser lorsque les ensembles de données sont grands;

  • le fait qu’un problème convexe peut être résolu beaucoup plus rapidement et plus efficacement en matière de temps de traitement et de puissance de traitement qu’un problème quasi concave ou quasi convexe, plus particulièrement pour tout portefeuille qui comprend un grand nombre de titres;

  • l’utilisation de logiciels d’optimisation, comme MATLAB et l’outil « Optimization Toolbox » connexe, comme [traduction] « techniques standard d’optimisation de portefeuilles »;

  • l’utilisation de logiciels et d’outils informatiques pour sélectionner automatiquement les titres et créer des commandes ou faire des transactions, investissant ainsi dans un portefeuille.

Les éléments essentiels

[23] Les revendications indépendantes 1, 9, 17, 25, 33, 41, 49, 54 et 59 des deuxièmes revendications proposées visent à identifier ou à créer un portefeuille de titres à investir. Les revendications 1, 25 et 49 définissent les méthodes, les revendications 9, 33 et 54 définissent les supports lisibles par ordinateur et les revendications 17, 41 et 59 définissent les systèmes. Les revendications 1, 25 et 49 sont présentées ci-dessous à titre représentatif.

[Traduction]

Revendication 1. Une méthode mise en œuvre par ordinateur générant un portefeuille anti-repère, ladite méthode comprenant :

l’acquisition, au moyen d’un système informatique, de données concernant un premier groupe de titres dans un premier portefeuille, où le système informatique comprend un processeur et une mémoire rattachée audit processeur;

l’identification, au moyen d’un système informatique, d’un deuxième groupe de titres à inclure dans un deuxième portefeuille fondé sur lesdites données et sur les caractéristiques de risque dudit deuxième groupe de titres;

et la génération, au moyen d’un système informatique, des pondérations individuelles pour chaque titre dudit deuxième portefeuille selon une ou plusieurs procédures d’optimisation de portefeuilles qui optimisent le rapport anti-repère pour le deuxième portefeuille où le rapport anti-repère est représenté par le quotient de :

un numérateur comprenant un produit interne d’un vecteur ligne d’action dans ledit deuxième portefeuille et un vecteur colonne d’une caractéristique de risque de retour associée audites actions dans ledit deuxième portefeuille,

et un dénominateur comprenant la racine carrée d’un scalaire formé par un produit interne dudit vecteur colonne desdites actions dans ledit deuxième portefeuille et un produit d’une matrice de covariance et d’un vecteur colonne desdites actions dudit deuxième portefeuille;

et comprenant également :

la transformation, au moyen d’un système informatique, dudit deuxième portefeuille en un portefeuille équivariant, selon la transformation synthétique d’actifs de Choueifaty et la rétrotransformation dudit portefeuille équivariant selon la rétrotransformation synthétique des actifs de Choueifaty.

 

Revendication 25. Une méthode mise en œuvre par ordinateur pour générer un portefeuille utilisant des données historiques de prix, ladite méthode étant utilisée par un investisseur qui est actif dans l’achat et la vente de titre dans un marché des titres, la méthode étant la suivante :

lire et extraire d’une base de données d’informations de marché périodiquement mises à jour, à l’aide d’un système informatique, des données historiques sur le prix de marché de chaque titre dans un premier groupe de titres d’un premier portefeuille, où le système informatique comprend une unité centrale de traitement et une mémoire, caractérisées par le fait que la mémoire contient des instructions de programme exécutables par l’unité centrale de traitement;

à la réception de données sur le prix du marché pour chaque titre; identifier et sélectionner automatiquement à partir dudit premier groupe de titres, en utilisant l’ordinateur, un deuxième groupe de titres à inclure dans un deuxième portefeuille en fonction desdites données du prix du marché dudit deuxième groupe de titres;

calculer automatiquement selon les instructions de programme du système informatique, des pondérations individuelles pour chaque titre dudit deuxième portefeuille selon une ou plusieurs procédures d’optimisation de portefeuilles qui optimisent un rapport pour le deuxième portefeuille où le rapport est représenté par le quotient de :

un numérateur comprenant un produit interne d’un vecteur ligne d’actions dans ledit deuxième portefeuille et un vecteur colonne d’une caractéristique de risque de retour associée audites actions dans ledit deuxième portefeuille,

et un dénominateur comprenant la racine carrée d’un scalaire formé par un produit interne dudit vecteur colonne desdites actions dans ledit deuxième portefeuille et un produit d’une matrice de covariance et d’un vecteur colonne desdites actions dudit deuxième portefeuille, dans lequel ledit deuxième portefeuille est le portefeuille de placements et les titres d’un tel portefeuille sont chacun achetés ensemble en tant que groupe détenu par un investisseur;

et comprenant également :

la transformation, au moyen d’un système informatique, dudit deuxième portefeuille en un portefeuille équivariant, selon la transformation synthétique d’actifs de Choueifaty et la rétrotransformation dudit portefeuille équivariant selon la rétrotransformation synthétique des actifs de Choueifaty.

 

Revendication 49. Une méthode comprenant :

fournir un premier portefeuille comprenant un premier groupe de titres, dans lequel chaque titre du premier portefeuille a une pondération comprenant un pourcentage de chaque titre du premier portefeuille;

déterminer ou fournir une valeur pour une première caractéristique de risque individuelle pour chaque titre du premier portefeuille;

déterminer ou fournir une valeur pour une deuxième caractéristique de risque individuelle pour chaque titre du premier portefeuille;

déterminer ou établir une corrélation entre chaque titre et chaque autre titre;

sélectionner parmi le premier portefeuille un deuxième groupe de titres sélectionnés parmi ledit premier groupe de titres, dans lequel chaque titre du deuxième groupe a une pondération comprenant un pourcentage de chaque titre du deuxième groupe;

déterminer une moyenne pondérée de la première caractéristique de risque individuelle de chaque titre du deuxième groupe en ajustant la valeur de chaque première caractéristique de risque de chaque titre du deuxième groupe en fonction de la pondération du titre du deuxième groupe et en additionnant les valeurs ajustées;

déterminer une valeur pour une caractéristique de risque générale du deuxième groupe dans son ensemble, en utilisant à la fois la deuxième caractéristique de risque individuelle de chaque titre du deuxième groupe et la corrélation de chaque titre du deuxième groupe à chacun des autres titres dans le deuxième groupe;

maximiser, à l’aide d’un système informatique, un rapport de diversification représenté par un quotient ayant un numérateur qui est la moyenne pondérée de la première caractéristique de risque individuelle de chaque titre du deuxième groupe de titres et un dénominateur qui est la valeur de la caractéristique de risque globale du deuxième groupe dans son ensemble;

la maximisation du rapport de diversification comprenant la variation, à l’aide d’un ordinateur, des coefficients de pondération des titres du deuxième groupe;

la maximisation du rapport de diversification comprenant également l’utilisation d’une transformation synthétique des actifs comprenant un actif sans risque pour transformer le problème de maximisation du rapport de diversification en un problème convexe équivalent; où le deuxième groupe avec les pondérations requises pour maximiser le rapport de diversification comprend un deuxième portefeuille; et

investir dans le deuxième portefeuille, le deuxième portefeuille étant diversifié au maximum.

[24] Les revendications indépendantes représentatives 1, 25 et 49 font respectivement référence à un « rapport anti-repère », un « rapport pour le deuxième portefeuille » et un « rapport de diversification ». Ces trois expressions sont considérées comme faisant référence à la même chose, le rapport de diversification anti-repère R défini dans la description (page 8), qui, dans le cadre de la détermination du portefeuille optimisé de titres, doit être maximisé pour maximiser la diversification du portefeuille.

[25] Les revendications indépendantes représentatives 1 et 25 énoncent la transformation du deuxième portefeuille en un portefeuille équivariant et de nouveau par la « transformation synthétique d’actifs de Choueifaty » et la « rétrotransformation synthétique des actifs de Choueifaty »; la revendication 49 n’utilise pas ce libellé exact, mais elle récite l’utilisation d’une [traduction] « transformation synthétique des actifs comprenant un actif sans risque pour transformer le problème de maximisation du rapport de diversification en un problème convexe équivalent. » Ces expressions sont considérées comme faisant référence aux mêmes ensembles d’opérations, celles mentionnées dans la description (pages 8 à 9) comme la « transformation synthétique d’actifs de Choueifaty » et la « rétrotransformation synthétique des actifs de Choueifaty ».

[26] Le premier ensemble d’opérations est effectué sur le rapport R afin de le transformer en fonction appelée équation (3). Selon la description, la minimisation de cette fonction est un problème équivalent à la maximisation du rapport R, ce qui signifie que la solution à l’une peut mener directement à la solution à l’autre. En effet, la production et la minimisation de l’équation (3) [traduction] « maximise indirectement » le rapport R. Une fois que l’équation (3) est minimisée, le deuxième ensemble d’opérations est effectué sur le résultat afin de déterminer le portefeuille réel optimisé de titres.

[27] Les revendications dépendantes énoncent d’autres caractéristiques du portefeuille et des calculs en cause.

[28] Il n’y a pas de libellé de revendication indiquant l’un des éléments à être optionnels, les modes de réalisations préférentielles ou l’un des éléments d’une liste de variantes. Il n’y a pas non plus d’indication au dossier dont nous sommes saisis qui permettrait de déterminer que les éléments revendiqués ne sont pas essentiels. Nous supposons donc que tous les éléments revendiqués sont essentiels.

Objet brevetable

[29] Lorsqu’elle a demandé au commissaire de réexaminer cette demande, la Cour fédérale a formulé les observations suivantes au sujet des deuxièmes revendications proposées (Choueifaty, au par. 42) :

L’appelante soutient que le commissaire s’est trompé dans l’objet (ou la solution) de l’invention revendiquée comme étant simplement la création d’un nouveau portefeuille financier. Toutefois, elle note qu’un autre objet de l’invention était d’améliorer le traitement informatique. Dans sa décision, la commissaire n’a pas répondu adéquatement à cette question. Plus précisément, elle a constaté que le problème et la solution des revendications étaient axés sur la gestion financière (donnant lieu à un nouveau produit financier), mais elle n’a pas expliqué pourquoi elle excluait le traitement informatique comme solution. Cet aspect de l’invention nécessite un examen plus poussé.

[30] Ces observations font référence à l’observation du Demandeur selon laquelle l’un des objets de l’invention est d’offrir « une amélioration de la technologie informatique » en améliorant le traitement informatique (DC 1478, aux par. 61 à 64; Choueifaty, aux par. 17 et 18).

[31] La soumission du Demandeur est fondée sur certaines opérations effectuées pendant la réalisation de l’invention de n’importe laquelle des deux revendications proposées. Comme nous l’avons mentionné plus haut, chacune du deuxième ensemble de revendications proposées implique la maximisation du rapport R, qui est une fonction quasi concave, et qui peut donc être difficile à maximiser, en particulier dans le cas de grands ensembles de données. Les inventions revendiquées remédient à cette situation en réalisant des opérations qui « transforment » le rapport R en équation (3), qui est une fonction convexe et qui peut donc être minimisée avec beaucoup moins de traitement et plus de rapidité. Une fois que l’équation (3) est minimisée, le portefeuille réel optimisé de titres peut être déterminé tel que prévu.

[32] L’affidavit Froidure (point 16) explique pourquoi le problème équivalent de la réduction de l’équation (3) est produit, traite des vitesses relatives de l’optimisation des deux problèmes équivalents et inclut un rapport technique à l’appui de ses affirmations :

Vous trouverez ci-joint, comme pièce C, mon rapport technique qui compare deux façons différentes de construire un portefeuille qui maximise le rapport de diversification. La première consiste en la maximisation directe du rapport de diversification, qui est une fonction quasi concave. La deuxième approche maximise indirectement le rapport de diversification en transformant le problème de maximisation du rapport de diversification quasi concave en un problème d’optimisation convexe utilisant une transformation synthétique des actifs comprenant des espèces (un actif sans risque), permettant au lieu de régler un problème d’optimisation convexe. La deuxième approche s’est avérée plus rapide d’environ deux ordres de grandeur (de 50 à 200 fois) lorsqu’on traite d’univers de cinq cents actions ou plus, en utilisant un logiciel d’optimisation standard comme MATLAB et l’Optimization Toolbox connexe. Ce gain de vitesse de calcul important permet par exemple de créer des portefeuilles anti-repère dans des univers de capitaux propres de 2 000 actifs en moins d’une seconde plutôt qu’en plus d’une minute et pour 7 000 actifs en moins d’une demi-minute plutôt qu’en plus d’une heure. Cette amélioration des fonctionnalités informatiques représente des gains importants pour les applications financières réelles.

[33] Comme il a été mentionné ci-dessus, l’affidavit Froidure a déjà été accepté, au moins en partie, par la Commission dans l’identification des CGC pertinentes. Rien dans l’affaire DC 1478 (voir par exemple, les par. 11, 34 et 35, 49 et 62 à 64) ne suggère que les soumissions de l’affidavit Froidure concernant les problèmes d’optimisation équivalents ne devraient pas être acceptées. Lorsque la Cour fédérale a fait référence à l’affidavit dans l’affaire Choueifaty (voir par exemple, les par. 9, 12 et 42), elle n’a pas fait de commentaires sur son exactitude. Nous n’avons pas non plus vu quoi que ce soit dans le dossier qui nous est soumis pour contredire les caractéristiques de ces observations.

[34] Ainsi, dans le cadre de l’exécution de l’une des inventions revendiquées de la deuxième revendication proposée, les opérations informatiques effectuées comprennent celles désignées dans la description comme étant la transformation synthétique d’actifs de Choueifaty et la rétrotransformation, ce qui permet d’effectuer l’optimisation avec un traitement moindre et beaucoup plus rapide que si le rapport R était maximisé directement. Par conséquent, cela peut être considéré comme un algorithme qui améliore le fonctionnement de l’ordinateur utilisé pour l’exécuter, comme le décrit l’EP2020–04 : l’ordinateur et l’algorithme forment ensemble une seule invention réelle qui est physique et résout un problème lié aux réalisations manuelles ou de production.

[35] L’objet de la présente affaire rappelle celui de Schlumberger Canada Ltd c. Commissaire des brevets, [1982] 1 CF 845 (CA), à la p. 204-06 [Schlumberger], où la Cour d’appel fédérale a expliqué qu’un processus mental consistant à effectuer certains calculs selon certaines formules mathématiques n’est pas un objet brevetable, et que le simple fait de prescrire les calculs fabriqués par ordinateur ne peut pas le transformer en objet brevetable. Les inventions revendiquées dans la deuxième revendication proposée peuvent être considérées comme étant distinctes de celles de Schlumberger, mais en ce sens que les calculs informatisés ici ne visent pas seulement à fournir de l’information, mais à permettre à l’ordinateur d’exécuter les procédures d’optimisation du portefeuille avec beaucoup moins de traitement et une plus grande vitesse. Dans Schlumberger, rien ne suggérait que l’invention se trouvait dans l’ordinateur qui calculait ses résultats avec moins de traitement ou une plus grande vitesse.

[36] Ainsi, à notre avis, le deuxième ensemble de revendications proposées 1 à 63 définit un objet brevetable et est donc conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.


 

Recommandation de la Commission

[37] Compte tenu de ce qui précède, nous recommandons que le Demandeur soit avisé, conformément au paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, que les modifications suivantes sont nécessaires pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets :

  • supprimer les revendications 1 à 27 au dossier;

  • insérer le deuxième ensemble de revendications proposées 1 à 63, soumise le 1er octobre 2018.

Leigh Matheson

Stephen MacNeil

Cara Weir

Membre

Membre

Membre

 


 

DÉCISION DE LA COMMISSAIRE

[38] Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission.

[39] Par conséquent, en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le Demandeur que les modifications suivantes doivent être apportées dans les trois mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi j’entends rejeter l’octroi du brevet pour la présente la demande; conformément à l’alinéa 200b) des Règles sur les brevets, voici les seules modifications qui peuvent être apportées :

  • supprimer les revendications 1 à 27 au dossier;

  • insérer le deuxième ensemble de revendications proposées 1 à 63, soumise le 1er octobre 2018.

 

Virginie Ethier

Sous-commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),
ce 11e jour de janvier 2021

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