Brevets

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Référence : Amazon Technologies, Inc. (Re), 2020 CACB 28

Décision du Commissaire no 1548

Commissioner’s Decision #1548

Date : 2020-07-13

SUJET :

J-00

Signification de la technique

 

J-50

Simple plan

 

 

 

TOPIC:

J-00

Meaning of Art

 

J-50

Mere plan

 

 

 

Demande no 2 661 758

Application No. : 2,661,758


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 661 758 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

SMART & BIGGAR LLP

CASE POSTALE 11115, ROYAL CENTRE

1055, RUE WEST GEORGIA, BUREAU 2300

Vancouver (Colombie‑Britannique) V6E 3P3


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 661 758 qui est intitulée « UTILISATION DE JETONS DE PHRASES DANS DES TRANSACTIONS » et qui est la propriété d’Amazon Technologies, Inc. (le « Demandeur »).

[2] La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, ma recommandation à la commissaire aux brevets est de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[3] La demande de brevet canadien no 2 661 758, fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, est considérée comme ayant une date de dépôt du 27 août 2007, et a été rendue accessible au public le 28 février 2008.

[4] La demande porte sur les transactions financières. Plus précisément, elle vise à faciliter les transactions en utilisant des jetons de phrase de transaction qui sont associés aux comptes de transaction.

Historique de la demande

[5] Le 10 mars 2017, une décision finale (« DF ») a été rendue conformément aux dispositions du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets (DORS/96-423) dans sa version antérieure au 30 octobre 2019, dans laquelle la demande a été refusée parce qu’elle visait un objet non prévu par la Loi. La DF indiquait que les revendications 1 à 18, en date du 18 février 2015 (« revendications au dossier ») ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[6] Le 14 juin 2017, le Demandeur a présenté une réponse à la DF (« RDF »). Dans la RDF, le Demandeur soutient que les revendications visent toujours un objet brevetable et qu’elles sont conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. De plus, le Demandeur a présenté un ensemble de revendications proposées 1 à 20 (« revendications proposées ») à prendre en considération.

[7] Puisque l’Examinateur a maintenu la position que la demande n’était pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets après avoir étudié la RDF, la demande a été transférée à la Commission pour révision le 2 mai 2018, accompagnée d’un résumé des motifs (« RM »). Dans le RM, l’Examinateur a déclaré que les revendications au dossier étaient toujours considérées comme visant un objet non prévu par la Loi et qu’elles n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets, et que les revendications proposées ne surmontaient pas l’irrégularité liée à un objet non prévu par la Loi.

[8] Le RM a été acheminé au Demandeur le 4 mai 2018. Dans une lettre en date du 2 août 2018, le Demandeur a indiqué qu’il souhaitait toujours que la Commission procède à la révision de la demande.

[9] Le soussigné a été chargé d’examiner la demande rejetée au nom du commissaire aux brevets en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251).

[10] Dans une lettre de révision préliminaire en date du 1er avril 2020 (la « lettre de RP »), j’ai présenté mon analyse préliminaire et les raisons pour lesquelles je considère que l’objet des revendications au dossier n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Dans la lettre de RP, j’ai également considéré que les revendications proposées ne seraient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets et, donc, ne pourraient pas être considérées comme des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). Dans la lettre de RP, il était également offert au Demandeur la possibilité de présenter d’autres observations écrites et de participer à une audience.

[11] Dans une communication par courriel en date du 12 mai 2020, le Demandeur a indiqué qu’il ne souhaitait pas participer à l’audience et qu’il ne voulait pas présenter d’autres observations écrites.

Questions

[12] Cette révision ne considérera qu’une seule question :

  • La question de savoir si les revendications au dossier définissent un objet prévu par la Loi, comme l’exige l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[13] Dans le cadre de cette révision, j’aborderai en premier la question de l’objet des revendications au dossier. Je considérerai ensuite si les revendications proposées constituent une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[14] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67 aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 12.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB] (OPIC, révisé en juin 2015), la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution proposée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés comme étant ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, tel qu’il est revendiqué.

Objet prévu par la Loi

[15] La définition d’invention est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[16] À la suite de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Amazon.com, 2011 CAF 328 [Amazon], le Bureau a publié l’énoncé de pratique PN 2013‑03, intitulé « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » (OPIC, mars 2013) [PN 2013-03], qui précisait l’approche du Bureau pour déterminer si une invention mise en œuvre par ordinateur constitue un objet prévu par la Loi.

[17] Tel qu’il est indiqué dans PN2013-03, l’article 2 de la Loi sur les brevets présente la définition du terme « invention » et doit se lire conjointement avec le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets qui stipule qu’il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques. Des inventions désincarnées (p. ex., simples idées, plans ou ensembles de règles) sont exclues au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets. Lorsqu’un ordinateur est jugé comme un élément essentiel d’une revendication interprétée, ou si la revendication définit une solution technique à un problème technique, l’objet revendiqué sera généralement prévu par la Loi. S’il est déterminé, en contrepartie, que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent seulement à un objet exclu de la définition d’une « invention », et qu’ils ne défissent pas « une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable » (Amazon, paragraphe 66), la revendication n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, et, par conséquent, n’est pas brevetable.

Analyse

Interprétation téléologique

[18] Il y a 18 revendications au dossier, y compris les revendications indépendantes 1, 16 et 18, et les revendications dépendantes 2 à 15 et 17. À mon avis, les revendications indépendantes 1, 16 et 18 sont représentatives des revendications au dossier :

[traduction]

1. Un système facilitant les transactions comprenant :

un système informatique, doté d’un processeur et d’une mémoire, pour exécuter des instructions programmables qui instaurent un magasin de données, le magasin de données comprenant des renseignements de traitement associés à un ou plusieurs jetons de phrase de transaction, dans lesquels au moins un jeton de phrase de transaction consiste en un ensemble de caractères non ambigus sélectionnés dans leur intégralité par un détenteur de jeton de phrase de transaction;

un système informatique, doté d’un processeur et d’une mémoire, pour exécuter des instructions programmables qui instaurent un service de traitement de jeton de phrase de transaction, le service de traitement de jeton de phrase de transaction traitant une requête pour achever une transaction d’un demandeur, dans lequel la requête comprend une représentation d’un jeton de phrase de transaction choisi fournie par un détenteur de jeton de phrase de transaction au demandeur;

dans lequel un service de traitement de jeton de phrase de transaction accède aux renseignements de traitement associés au jeton de phrase de transaction choisi;

dans lequel les renseignements de traitement associés au jeton de phrase de transaction choisi identifient le compte de transaction associé au jeton de phrase de transaction choisi;

dans lequel les services de processus de jetons de phrase de transactions traitent la requête en liaison avec le compte de transaction associé au jeton de phrase de transaction choisi en fonction des renseignements de traitement associés au jeton de phrase de transaction choisi.

16. Une méthode facilitant le traitement des transactions comprenant :

obtenir une requête de conclusion d’une transaction entre deux parties, dans laquelle une partie émettrice est associée à au moins un jeton de phrase de transaction, dans lequel le jeton de phrase de transaction correspond à un ensemble non ambigu de caractères choisis dans leur intégralité par la partie émettrice, et dans lequel la partie émettrice transmet uniquement le jeton de phrase de transaction à une partie réceptrice pour obtenir le dépôt d’un compte de transaction associé au jeton de phrase de transaction;

traiter la requête d’achèvement de la transaction en fonction d’une configuration du jeton de phrase de transaction, dans laquelle la configuration du jeton de phrase de transaction identifie le compte de transaction associé au jeton de phrase de transaction, et dans lequel le traitement de la requête comprend l’achèvement de la transaction en lien avec le compte de transaction identifié par la configuration du jeton de phrase de transaction.

18. Un support lisible par ordinateur codé avec des codes de programme d’ordinateur pour permettre à un ordinateur d’exécuter l’une des méthodes des revendications 16 ou 17.

[19] Les revendications dépendantes 2 à 15 et 17, qui dépendent directement ou indirectement de la revendication 1 ou de la revendication 16, énoncent d’autres limites et seront examinées à la suite de l’analyse des revendications indépendantes.

La personne versée dans l’art

[20] Dans la lettre de RP, la personne versée dans l’art a été identifiée comme il est indiqué dans la DF (page 3) :

[traduction]

Compte tenu des énoncés de la description (page 1, ligne 1 à page 2, ligne 4 de la description), la personne versée dans l’art, qui peut être une équipe de personnes, qui sont visées par la demande, peut être qualifiée comme versée dans les domaines des transactions financières et de la sécurité.

[21] Le Demandeur n’a pas contesté cette caractérisation et l’a adoptée aux fins de la présente révision.

Les connaissances générales courantes

[22] Dans la lettre de RP, les CGC de la personne versée dans l’art ont été identifiées comme il est indiqué dans la DF (page 3) :

[traduction]

La personne versée dans l’art posséderait les CGC suivantes : renseignements financiers et transactions financières, sécurité des transactions et appareils pour effectuer des transferts financiers.

De plus, compte tenu du manque de détails dans la présente description, la mise en œuvre de l’objet revendiqué au moyen d’un réseau de communications, de systèmes informatiques, de processeurs, d’Internet et de mémoire aurait fait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.

[23] De plus, dans la lettre de RP, d’après les renseignements de la section « Contexte » de la présente demande, les connaissances supplémentaires suivantes ont été désignées comme CGC :

  • Connaissance de l’exécution de transactions financières entre deux parties, généralement un client et un fournisseur de services, avec ou sans un intermédiaire tiers;

  • Connaissance de la réalisation de transactions financières sur les réseaux de communication;

  • Conception, mise en œuvre, exploitation et maintenance de ce qui suit :

  • o des systèmes de transactions financières, y compris les dispositifs des fournisseurs de services, les dispositifs des clients ayant des interfaces utilisateur et les dispositifs intermédiaires de tiers utilisant la technologie informatique conventionnelle,

  • o les réseaux de communication utilisés pour effectuer des transactions financières qui utilisent les technologies et les protocoles d’interréseautage conventionnels;

  • Connaissance de l’utilisation d’un identificateur de compte associé à un compte de transaction et d’un intermédiaire tiers pour effectuer des transactions financières.

[24] Le Demandeur n’a pas contesté les CGC telles qu’identifiées ci-dessus.

Signification des termes

[25] Dans la lettre de RP, l’estimation de la compréhension de la personne versée dans l’art des termes « jetons de phrases de transaction » et [traduction] « service de traitement de phrases de transaction » a été fourni :

Je considère que le sens des expressions « jeton de phrases de transaction » et [traduction] « service de traitement de phrases de transaction », qui sont utilisées dans les revendications au dossier, est important pour l’analyse de l’objet prévu par la Loi.

Jeton de phrase de transaction

Le mémoire descriptif fournit sa définition et des exemples de ce terme (page 6, lignes 16 à 24) :

[traduction]

[C]haque jeton de phrase de transaction non ambiguë correspond à un ensemble d’un caractère sélectionné ou plus par le détenteur de jeton de phrase de transaction qui relaie un sens secondaire au détenteur de jeton de phrase de transaction lorsqu’il est communiqué dans son intégralité, tel que parlé, écrit, publié, entre autres. Le jeton de phrases de transactions non ambiguës peut être propre à une langue, un dialecte ou un ensemble de symboles particuliers (p. ex., caractères alphanumériques). Le sens secondaire relayé par le jeton de phrase de transaction peut correspondre à une caractéristique d’un détenteur de jeton de phrase de transaction (p. ex., « plus grand admirateur de Pearl Jam ») ou à une caractéristique d’une utilisation prévue du jeton de phrase de transaction (p. ex., « loyer et services publics de Joe »).

Compte tenu du paragraphe ci-dessus et de l’ensemble de la demande, je fournis mon estimation de la compréhension de ce terme par la personne versée dans l’art :

  • Jeton de phrase de transaction : un ensemble de caractères non ambigu qui est choisi par un détenteur de jeton de phrase de transaction et relaie un second sens au détenteur de jeton de phrase de transaction. Le jeton est associé à un compte de transaction. Je suis d’avis, à titre préliminaire, que le jeton de phrase de transaction est simplement un alias pour un compte de transaction et ses règles de traitement de transaction connexes, qui est souvent présenté comme une expression de plusieurs mots.

Service de traitement de phrases de transaction

Le mémoire descriptif de la demande ne fournit pas de définitions de ce terme, et il n’y a pas de signification établie pour celui-ci dans l’art. Le mémoire descriptif précise (pages 7, 9 et 11) :

[traduction]

[P]our obtenir un transfert de fonds ou de crédit, l’autre partie transmet une requête de transfert de fonds à un service de traitement des jetons de phrases de transaction qui identifie les renseignements pertinents à la transaction, comme le montant de la transaction, la représentation du jeton de phrase de transaction offert et tout renseignement supplémentaire. Le service de traitement des jetons de phrases de transaction reçoit la requête et peut appliquer diverses règles de traitement associées au jeton de phrase de transaction proposé […]

[…]

Les détenteurs de jetons de phrases de transaction 102D et 102E peuvent transmettre ou recevoir des jetons de phrases de transaction au moyen de divers appareils de communication, comme des appareils informatiques, des appareils spécialisés (comme des kiosques ou des terminaux de point de vente), des appareils téléphoniques, des interfaces vocales, des interfaces visuelles ou verbalement au moyen d’agents humains.

[…]

Le système de jeton de phrase de transaction 100 peut également inclure un service de traitement de jeton de phrase de transaction 112 pour faciliter la réalisation de transactions entre deux ou plus de deux détenteurs de jetons de phrases de transaction 102. Comme on l’expliquera plus en détail ci-dessous, le service de traitement des jetons de phrases de transaction 112 peut obtenir des requêtes de comptes de transactions de débit ou de crédit associées à des jetons de phrases de transaction et traiter les requêtes en conséquence.

[…]

Comme il a été décrit précédemment, toute une gamme de méthodes de communication peut être utilisée pour transmettre le jeton de phrase de transaction, y compris, mais sans s’y limiter, les applications logicielles de réseau de communication (p. ex., une page Web, un message instantané, etc.), les applications de communication sans fil (p. ex., un message texte, une transmission Bluetooth, etc.), le matériel ou les logiciels spécialisés (p. ex., les kiosques, les terminaux de point de vente, les appareils connectés), oraux (p. ex., téléphone ou en personne), et/ou d’autres mécanismes de publication (p. ex., appareils informatiques à tablettes, codes à barres, papier, etc.) [soulignement ajouté].

Compte tenu des paragraphes ci-dessus et de la demande dans son ensemble, je fournis mon estimation de la compréhension de ce terme par la personne versée dans l’art :

  • Service de traitement de phrases de transaction : un service intermédiaire pour faciliter les transactions financières, qui reçoit les requêtes de transaction contenant des jetons basés sur des caractères, et traite les transactions à l’aide de comptes liés aux jetons, en fonction des règles préconfigurées de traitement des transactions. Ce service peut être mis en œuvre à l’aide de la technologie informatique ou par des agents humains [souligné dans l’original].

[26] Le Demandeur n’a pas contesté cette caractérisation.

Problème et solution

[27] Dans la DF (page 4), le problème et la solution suivants ont été cernés :

[traduction]

La personne versée dans l’art, ayant lu le mémoire descriptif et tenant compte de ses CGC, considérerait que le problème à régler grâce à l’invention revendiquée est de savoir comment déterminer les transactions non ambiguës (page 1, ligne 1 à page 2, ligne 4 de la description) […]

La personne versée dans l’art, après avoir lu le mémoire descriptif et à la lumière de ses CGC, considérerait que la description fournit la solution suivante : déterminer les transactions non ambiguës à l’aide d’une méthode de traitement des requêtes de transaction en fonction d’une configuration de jeton.

[28] Par souci d’exhaustivité et de clarté, l’analyse suivante a été fournie dans la lettre de RP :

[traduction]

La description de la demande (pages 1 et 2) fait état des lacunes observées suivantes dans l’art connexe :

[L]es occasions de transactions élargies peuvent susciter des préoccupations supplémentaires liées à l’échange de renseignements détaillés sur les comptes financiers, comme les numéros de compte bancaire et/ou les renseignements personnels. D’une part, les parties à une transaction peuvent hésiter à divulguer des renseignements financiers et des renseignements personnels détaillés en raison de la possibilité d’une utilisation frauduleuse des renseignements, tout particulièrement si l’autre entité est inconnue ou si on ne lui fait pas confiance. D’autre part, les parties à une transaction peuvent être prudentes lorsqu’elles échangent des renseignements financiers en raison de la possibilité qu’une partie traite des renseignements erronés sur une transaction, comme des quantités incorrectes, des montants de transaction ou des frais en double.

Une tentative visant à atténuer les préoccupations liées à l’échange de renseignements financiers a trait à la création de comptes intermédiaires de tiers. Conformément à ce mode de réalisation, un fournisseur de services tiers peut établir des comptes transactionnels spécialisés qui sont protégés par un compte financier, comme un compte de vérification dans une banque, un compte de carte de crédit, un compte de carte de valeur stockée, etc. Si les deux parties à une transaction financière tiennent des comptes transactionnels spécialisés, les parties peuvent échanger librement leurs informations de compte transactionnel, sous la forme d’un identificateur de compte, qui permet au fournisseur de services de débiter ou de créditer chaque compte respectif... Néanmoins, les approches actuelles pour faciliter les transactions peuvent devenir insuffisantes dans la représentation du compte de transaction spécialisé en tant que numéro de compte numérique. De plus, les méthodes actuelles de traitement des transactions utilisant des numéros de compte d’opération spécialisés ne sont pas facilement configurables par le titulaire de compte. Par exemple, les titulaires de compte n’ont généralement pas la capacité de configurer leur compte de transaction conventionnel, comme en configurant automatiquement l’acceptation des transactions, en limitant l’exposition aux transactions, entre autres. [soulignement ajouté]

Après avoir examiné les paragraphes cités ci-dessus dans le contexte de l’ensemble du mémoire descriptif, à mon avis, à titre préliminaire, le problème à résoudre comme le perçoit la personne versée dans l’art, est le besoin de faciliter les transactions financières entre deux parties par l’entremise d’un intermédiaire, sans révéler directement les renseignements financiers et personnels entre les deux parties, tout en ayant la capacité de configurer facilement les comptes de transaction.

Selon les mêmes paragraphes et compte tenu de la demande dans son ensemble, à mon avis, à titre préliminaire, la solution proposée est considérée comme une méthode pour faciliter les transactions financières au moyen d’un intermédiaire avec des règles de transaction préconfigurées pour traiter les transactions, dans lequel les jeux de caractères sont utilisés comme des jetons de phrases de transaction associés aux comptes de transaction et aux règles de traitement des transactions [souligné dans l’original].

[29] Le Demandeur n’a pas contesté cette caractérisation.

Les éléments essentiels

[30] Dans la DF (page 4), les éléments essentiels suivants ont été cernés :

[traduction]

Après avoir interprété les revendications à la lumière du mémoire descriptif, la personne versée dans l’art considérerait que les éléments suivants sont essentiels à la réalisation de la solution proposée :

  • en ayant un jeton de phrase de transaction ou plus comprenant un jeu de caractères non ambigu sélectionné par le détenteur du jeton de phrase de transaction;

  • en obtenant une requête pour une transaction entre deux parties, dans laquelle la requête contient un jeton de phrase de transaction de la partie émettrice;

  • traitant la transaction dans laquelle le jeton de phrase de transaction identifie le compte et achève la transaction avec le compte identifié par le jeton de phrase de transaction.

[31] Dans la RDF, le Demandeur a soutenu que le service de traitement des jetons de phrases de transaction était essentiel et ne devrait pas être omis de l’identification ci-dessus.

[32] Dans la lettre de RP, il était convenu que le service de traitement des jetons de phrases de transaction était essentiel à l’objet revendiqué parce qu’il s’agissait d’un intermédiaire utilisé pour faciliter les transactions financières afin de répondre au besoin de ne pas révéler de renseignements financiers et personnels directement entre les parties au cours des transactions.

[33] Toutefois, la lettre de RP expliquait que la présence du service de traitement des jetons de phrases de transaction dans les revendications ne rendrait pas l’objet revendiqué brevetable, et que les éléments informatiques dans les revendications n’étaient pas essentiels :

[traduction]

Comme souligné plus haut, ce service peut être mis en œuvre manuellement à l’aide d’agents humains. Étant donné que la demande ne vise pas à résoudre un problème concernant la façon dont cet intermédiaire est mis en œuvre, je suis d’avis, à titre préliminaire, que les éléments informatiques liés à ce service, comme on l’a revendiqué, ne sont pas essentiels.

La personne versée dans l’art comprendrait que l’ordinateur, tel qu’il est mentionné dans les revendications, est utilisé pour le calcul à des fins générales et les tâches de traitement des données, ce qui est appuyé par l’absence de détails sur la mise en œuvre dans le mémoire descriptif concernant la façon dont les étapes de la méthode revendiquée sont mises en œuvre avec la technologie informatique. Comme l’explique Schlumberger Canada Ltd c. Canada (Commissaire aux brevets), [1982] 1 CF 845 (CA), [Schlumberger] « c’est précisément pour faire ce genre de calculs que les ordinateurs ont été inventés ». Le fait d’avoir besoin d’un ordinateur en raison de sa commodité et d’avoir un traitement accéléré des données ne rend pas l’ordinateur essentiel au fonctionnement d’une invention. L’objet revendiqué ne vise pas les difficultés liées au fonctionnement ou à la mise en œuvre d’un matériel ou d’un logiciel informatique particulier, et il n’y a aucune indication concernant des problèmes pratiques liés à la mise en œuvre ou au fonctionnement d’un ordinateur dans le mémoire descriptif. À l’instar de Schlumberger, l’utilisation de la technologie informatique pour mettre en œuvre un processus abstrait ne rend pas le processus brevetable. Par conséquent, à mon avis, à titre préliminaire, les composantes informatiques, telles que revendiquées, ne sont pas considérées comme essentielles à l’objet revendiqué puisqu’elles ne font pas partie du problème ou de la solution cernés.

[34] Dans la RDF, le Demandeur a soutenu que l’interprétation téléologique devrait s’appliquer au moins à chaque revendication indépendante individuellement et devrait tenir compte des différences entre ces revendications.

[35] La lettre de RP expliquait pourquoi les revendications indépendantes 1, 16 et 18 avaient le même ensemble d’éléments essentiels, qui ont été identifiés :

[traduction]

[À] mon avis, à titre préliminaire, les revendications indépendantes 1, 16 et 18 avaient le même ensemble d’éléments essentiels, qui représentent une méthode pour faciliter les transactions en utilisant des jetons de phrases de transaction. Les différences entre ces revendications sont que la revendication 1 indique un système comprenant des éléments informatiques supplémentaires pour exécuter les étapes de la méthode, et la revendication 18 indique un autre support lisible par ordinateur codé avec des codes de programme d’ordinateur pour exécuter les étapes de la méthode. Comme il est expliqué ci-dessus, les éléments informatiques ne sont pas considérés comme essentiels à l’objet revendiqué. Par conséquent, je suis d’avis, à titre préliminaire, que les revendications 1, 16 et 18 ont en commun l’ensemble des éléments essentiels suivants :

  • la sélection, par un détenteur de jeton de phrase de transaction, d’un jeton de phrase de transaction comprenant un jeu de caractères non ambigu;

  • le traitement, par un service de traitement de jeton de phrase de transaction, d’une requête pour achever une transaction d’un demandeur, dans lequel la requête comprend une représentation d’un jeton de phrase de transaction choisi fournie par un détenteur de jeton de phrase de transaction au demandeur;

  • o dans lequel un service de traitement de jetons de phrases de transaction accède aux renseignements de traitement associés au jeton de phrase de transaction choisi,

  • o dans lequel les renseignements de traitement associés au jeton de phrase de transaction choisi identifient le compte de transaction associé au jeton de phrase de transaction choisi,

  • o dans lequel les services de processus de jetons de phrases de transaction traite la requête en liaison avec le compte de transaction associé au jeton de phrase de transaction choisi en fonction des renseignements de traitement associés au jeton de phrase de transaction choisi.

[36] Dans la lettre de RP, d’autres caractéristiques des revendications dépendantes 2 à 15 et 7 ont également été prises en compte :

Les revendications dépendantes 2 à 15 et 17 présentent les caractéristiques supplémentaires suivantes :

[traduction]

  • le compte de transaction est contrôlé par le détenteur du jeton de phrase de transaction (revendication 2);

  • la transaction comprend le transfert du contrôle d’un élément convenu d’une partie autre que le détenteur du jeton de phrase de transaction au détenteur du jeton de phrase de transaction (revendication 3);

  • le service de traitement des jetons de phrase de transaction traite la requête en demandant l’approbation du titulaire du jeton de phrase de transaction (revendication 4);

  • le service de traitement des jetons de phrase de transaction met à jour les informations sur le traitement en fonction de la réception d’une approbation ou d’un rejet par le détenteur du jeton de phrase de transaction correspondant au jeton de phrase de transaction sélectionné, de l’approbation ou du rejet fondé sur au moins un fournisseur identifié et une valeur définie (revendications 5, 6 et 17);

  • le jeu de caractères dans son ensemble a un sens secondaire par rapport au détenteur de jeton de phrase de transaction, le sens secondaire correspondant à au moins une représentation audible du jeu de caractères et à une publication du jeu de caractères (revendication 8);

  • un émetteur de jeton pour l’attribution de jetons de phrases de transaction aux détenteurs de jetons de phrases de transaction (revendication 9);

  • la requête de traitement de la requête de transaction est reçue d’une partie autre que le détenteur de jeton de phrase de transaction, et dans laquelle le service de traitement de jeton de phrase de transaction facilite un rapprochement du compte de transaction associé au jeton de phrase de transaction sélectionné lors du traitement réussi de la requête de transaction, dans laquelle le rapprochement du compte de transaction comprend au moins un débit du compte de transaction ou un crédit du compte de transaction (revendications 10 et 11);

  • le service de traitement de jetons de phrases de transaction attribue en outre de nouveaux jetons de phrases de transaction et dans lequel chaque nouveau jeton de phrase de transaction correspond à un jeu de caractères associé à un compte de transaction, dans lequel le jeu de caractères est constitué d’un ensemble de caractères sélectionnés dans leur intégralité par un détenteur de jeton de phrase de transaction associé à une requête d’affectation de jeton de phrase de transaction (revendication 12);

  • le service de traitement de jetons de phrases de transaction détermine si un jeton de phrase de transaction cible est non ambigu (revendication 13);

  • le service de traitement de jetons de phrases de transaction offre également un marché pour transférer le contrôle d’un jeton de phrase de transaction (revendication 14);

  • les renseignements de traitement associés au jeton de phrase de transaction sélectionné comprennent au moins un montant de transaction acceptable, un fournisseur acceptable, une partie émettrice acceptable, un niveau de qualification pour une transaction, une date d’expiration, un élément convenu acceptable, un montant de transaction inacceptable, un fournisseur inacceptable, un élément convenu inacceptable, des niveaux de seuil pour les renseignements de configuration ou une cote de réputation requise (revendication 15).

De plus, la revendication 7 récite le traitement automatique de la transaction selon les renseignements de traitement associés au jeton de phrase de transaction sélectionné; la revendication 13 récite la création d’une interface pour obtenir un jeton de phrase de transaction cible; la revendication 14 récite la fourniture d’une interface permettant d’associer des métadonnées à des jetons de phrase de transaction.

À mon avis, à titre préliminaire, les caractéristiques supplémentaires concernant les règles de transaction des revendications dépendantes 2 à 15 et 17 visent à apporter d’autres améliorations aux éléments des revendications indépendantes. Ces règles de transaction additionnelles sont considérées comme essentielles aux revendications auxquelles elles appartiennent. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été expliquées ci-dessus en ce qui a trait aux revendications indépendantes, les éléments informatiques et les interfaces comme il est indiqué dans les revendications 7, 13 et 14 ne sont pas considérés comme essentiels pour les revendications dépendantes puisqu’ils ne font pas partie de la solution identifiée au problème identifié.

[37] Le Demandeur n’a pas contesté l’analyse ci-dessus.

Objet prévu par la Loi

[38] Dans la RDF, le Demandeur a cité Shell Oil Co c. Canada (Commissaire aux brevets), [1982], 2 RCS 536 [Shell Oil] et soutient que :

[traduction]

La Cour fédérale du Canada a statué que de telles considérations sont prises en compte au Canada en demandant si l’invention revendiquée a une « réalisation pratique » au sens du test en trois parties pour l’« art » énoncé dans Shell Oil, qui a été adopté par la Cour d’appel fédérale dans Amazon.com. Le test en trois parties pour l’« art » dans Shell Oil exige que l’objet défini par la revendication soit interprété de façon téléologique :

i) la réalisation ne doit pas être pas une idée désincarnée, mais comporter une méthode d’application pratique;

ii) elle doit constituer une façon nouvelle et innovatrice d’appliquer des compétences ou des connaissances; et

iii) elle doit produire des résultats ou des effets utiles de façon commerciale.

La Cour d’appel fédérale dans Amazon.com a précisé que l’exigence d’« application pratique » du critère de « l’art » exige soit « quelque chose ayant une existence physique ou quelque chose qui manifeste un effet discernable ou un changement de caractère ». Par conséquent, les stratagèmes et les plans ne peuvent pas être brevetés au Canada seulement s’ils ne satisfont pas à l’exigence (i) du critère relatif à l’« art ».

[…]

Par conséquent, le Demandeur réitère les arguments présentés dans la réponse précédente selon lesquels les revendications 16 et 17 font état d’un « art » ou d’un « procédé » prévu par la Loi qui est conforme aux exigences dans Shell Oil. Le Demandeur soutient également que la conformité à Shell Oil est suffisante pour démontrer la conformité à l’article 2 de la Loi sur les brevets, que les revendications soient considérées ou non par l’Examinateur comme visant un simple stratagème ou plan. [souligné dans l’original].

[39] La lettre de RP expliquait que, comme l’a fait observer la Cour d’appel fédérale dans Amazon au paragraphe 51, les exigences énumérées dans Progressive Games Inc c. Canada (Commissaire aux brevets), 1999, 3 CPR (4th) 517, selon son interprétation de Shell Oil, pourraient être considérées comme reflétant globalement les exigences légales (p. ex., des paragraphes 27(8) et 28) 2(1) et article 28.3 de la Loi sur les brevets). Elles ne peuvent pas, cependant, être considérées comme un critère à trois volets permettant de déterminer si un objet appartient à l’une des catégories d’invention prévues à l’article 2 de la Loi sur les brevets. À titre d’exemple, la nouveauté et l’inventivité d’un objet (ou leur absence) n’indiqueraient pas s’il s’agit d’un objet prévu par la Loi sur les brevets aux termes de l’article 2.

[40] Dans la RDF, le Demandeur a ajouté que l’inclusion d’éléments matériels pendant la poursuite était [traduction] « une forte représentation de l’intention du Demandeur selon laquelle ces éléments ajoutés devraient être considérés comme essentiels ». Le Demandeur a également cité Free World Trust et Martinray Industries Ltd c. Fabricants National Dagendor Manufacturing Ltd (1991), 41 CPR (3d) 1 (CF 1re inst), et a soutenu que chaque élément de revendication était présumé essentiel à moins que le contraire ne soit clairement indiqué, et :

[traduction]

Donc, même s’il aurait été évident à la date de publication que les variantes d’un élément de revendication n’auraient aucun effet matériel sur le fonctionnement de l’invention, il est toujours nécessaire de prouver que l’inventeur n’avait pas l’intention de se conformer strictement au sens littéral de la revendication et n’avait pas l’intention d’exclure les variantes mineures qui n’ont aucun effet matériel sur le fonctionnement de l’invention. Il est clair que la preuve requise de l’intention de l’inventeur à cet égard ne peut provenir que des quatre coins du mémoire descriptif du brevet lui-même : la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’est pas permis de recourir à une preuve extrinsèque de l’intention de l’inventeur.

En l’espèce, le Demandeur fait valoir que l’inclusion expresse des éléments matériels ci‑dessus dans les revendications 1 à 15, ainsi qu’une phrase sur la façon dont les éléments matériels coopèrent pour fournir les configurations et les fonctions revendiquées empêchent une interprétation téléologique qui omettrait ces éléments. En modifiant la revendication, le Demandeur n’a pas seulement modifié le préambule de la revendication pour citer, par exemple, [traduction] « un système mis en œuvre par ordinateur » dans une tentative de rendre la revendication acceptable par le Bureau des brevets. Le Demandeur a plutôt choisi de citer intégralement les systèmes informatiques, l’entrepôt de données et les interactions entre ces éléments dans la revendication modifiée. Il est donc respectueusement soutenu que l’exclusion de ces éléments équivaut à la reformulation des revendications du Demandeur par le Bureau des brevets, ce qui est tout à fait contraire au premier principe d’interprétation téléologique des revendications énoncé dans Free World Trust, c.-à-d., « a) La Loi sur les brevets favorise le respect de la teneur des revendications. »

Par conséquent, le Demandeur réitère les commentaires formulés dans les présentations précédentes le 18 février 2015 et le 1er février 2016 en expliquant en détail les raisons pour lesquelles le Demandeur considère que l’interprétation téléologique des revendications 1 à 15 par le Bureau est incorrecte en vertu du droit canadien. Le Demandeur soutient donc respectueusement que tous les éléments cités sont essentiels à la revendication. Bien que l’énoncé de pratique PN 2013-03 cité par l’examinateur dans la décision finale du Bureau n’ait pas force de loi, la déclaration à la page 2 selon laquelle « lorsqu’un ordinateur est jugé comme un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement brevetable », devrait donc satisfaire à l’exigence selon laquelle les revendications 1 à 15 doivent viser un objet prévu par la Loi.

[41] La lettre de RP expliquait pourquoi les arguments ci-dessus n’étaient pas convaincants :

[traduction]

Je conviens que tous les éléments revendiqués doivent être pris en considération lors de l’interprétation téléologique des revendications. Toutefois, la simple présence d’une caractéristique dans les revendications ne rendrait pas automatiquement la caractéristique essentielle à l’objet revendiqué. À mon avis, à titre, préliminaire, le fait de considérer que tous les éléments mentionnés dans une revendication sont essentiels selon l’intention de l’inventeur équivaudrait à faire une interprétation littérale. Comme expliqué dans Amazon aux paragraphes 43 et 44 :

Cependant, il me semble que la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, en particulier dans Free World Trust et Whirlpool, requiert que l’identification de l’invention réelle par le commissaire soit fondée sur une interprétation téléologique des revendications du brevet. Cette identification ne peut reposer seulement sur l’interprétation littérale des revendications du brevet ou sur la détermination de « l’essentiel de l’invention » au sens où le juge Binnie utilise ces termes dans les motifs qu’il a rédigés pour la Cour suprême du Canada dans Free World Trust, au paragraphe 46.

Une interprétation téléologique nécessite que le commissaire soit attentif à la possibilité qu’une revendication du brevet puisse être exprimée dans un langage qui soit trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance. Par exemple, ce qui à première vue semble être la revendication d’une « réalisation » ou d’un « procédé » peut, dans le cadre d’une interprétation appropriée, constituer la revendication d’une formule mathématique et, par conséquent, ne pas constituer un objet brevetable. C’était le cas dans Schlumberger Canada Ltd. c. Commissaire des brevets, [1982] 1 C.F. 845 (C.A.). [soulignement ajouté]

Par conséquent, tel qu’énoncé dans le RPBB, même si l’interprétation de la revendication lors de l’examen doit rester ancrée dans le texte des revendications, elle « ne peut reposer seulement sur l’interprétation littérale » des revendications. Une interprétation téléologique bien éclairée doit tenir compte de la demande dans son ensemble, et le libellé des revendications choisi par l’inventeur ne peut l’emporter sur l’ensemble des autres considérations lors de l’interprétation téléologique des revendications.

De plus, comme il est expliqué dans Amazon, au paragraphe 61, « il ne s’ensuit pas nécessairement... qu’une pratique commerciale qui ne constitue pas elle‑même un objet brevetable parce qu’elle est une idée abstraite devienne un objet brevetable du simple fait qu’elle est une concrétisation pratique ou qu’elle présente une application pratique. » Pour la demande, comme pour Schlumberger, l’utilisation d’éléments informatiques génériques dans un mode de réalisation pratique ne rend pas les éléments informatiques comme revendiqués essentiels, pas plus qu’elle ne rend brevetables les règles abstraites revendiquées concernant le traitement des transactions financières [souligné dans l’original].

[42] Comme il est indiqué dans l’analyse des éléments essentiels de l’objet revendiqué, les éléments essentiels des revendications au dossier comprennent des règles concernant l’exécution de transactions financières au moyen de jetons de phrases de transaction, qui sont représentés par des jeux de caractères. Un tel sujet vise une série de règles abstraites. Ces éléments ne comprennent pas de matière qui manifeste un effet ou un changement discernable et ne correspondent pas au sens d’invention à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[43] Par conséquent, les revendications 1 à 18 au dossier ne définissent pas un objet prévu par la Loi et que, de ce fait, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[44] La lettre de RP expliquait pourquoi les revendications proposées n’étaient pas considérées comme des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets :

[traduction]

Dans les revendications proposées, seules les revendications 19 et 20 sont ajoutées aux revendications 1 à 18 au dossier. Les revendications 19 et 20 nouvellement soumises dans les revendications proposées contiennent des éléments qui correspondent généralement aux éléments énoncés dans la revendication 1, comme il est indiqué dans la RDF (page 14). Par conséquent, aucun élément ou aucune caractéristique supplémentaires n’est ajouté dans les revendications proposées. En l’espèce, je considère, à titre préliminaire, que les revendications proposées ne changeraient pas la définition de la personne versée dans l’art, des CGC, du problème ou de la solution et des éléments essentiels. Conséquemment, les revendications proposées 1 à 20 ne seraient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus.

En résumé, les revendications proposées ne peuvent pas être considérées comme des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, parce qu’elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.


 

Recommandation de la Commission

[45] Compte tenu de ce qui précède, je recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications au dossier visent un objet non prévu par la Loi et que, par conséquent, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[46] De plus, les revendications proposées ne corrigent pas l’irrégularité liée à un objet non prévu par la Loi et, par conséquent, l’introduction de ces revendications ne constitue pas des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

 

 

Liang Ji

Membre

 


 

Décision de la Commissaire

[47] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications au dossier visent un objet non prévu par la Loi et, par conséquent, qu’elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[48] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet relativement à cette demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

 

 

Fait à Gatineau (Québec),

ce 13e jour de juillet 2020

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