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Référence : Baxter International Inc. (Re), 2020 CACB 26

Décision du commissaire no 1546

Commissioner’s Decision #1546

Date : 2020-06-15

SUJET :

O00

Évidence

TOPIC:

O00

Obviousness


Demande n2 513 687

Application No. : 2,513,687


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423], dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 513 687 a subséquemment fait l’objet d’une révision conformément aux dispositions de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets [DORS/2019-251]. La recommandation de la Commission et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

MARKS & CLERK

100, rue Simcoe, bureau 200

TORONTO (Ontario) M5H 3G2


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadienne refusée numéro 2 513 687 intitulée « SYSTÈME ET PROCÉDÉ POUR LA VÉRIFICATION DE PARAMÈTRES DE FONCTIONNEMENT DE DISPOSITIF MÉDICAL » et qui appartient à BAXTER INTERNATIONAL INC. (le « demandeur »).

[2] La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251) (les « Règles sur les brevets »). Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci‑dessous, nous recommandons à la commissaire aux brevets de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[3] La demande, fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, est considérée comme ayant une date de dépôt du 30 janvier 2004 et est accessible au public depuis le 19 août 2004.

[4] La demande concerne des systèmes et des méthodes de communication de données médicales. Plus particulièrement, elle vise un système et une méthode pour vérifier les paramètres de fonctionnement de dispositifs médicaux.

[5] Les revendications faisant l’objet de la révision sont les revendications 1 à 20 au dossier au moment de la décision finale (DF), en date du 3 février 2016 (les « revendications au dossier »), qui ont été refusées dans la DF.

Historique de la poursuite de la demande

[6] Le 9 janvier 2017, la DF a été rendue conformément aux dispositions du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets (DORS/96-423) dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les « anciennes règles »), dans laquelle la demande a été refusée en raison de l’évidence. La DF expliquait que les revendications au dossier étaient évidentes et n’étaient pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[7] Le 29 mai 2017, une réponse à la DF (« R-DF ») a été déposée par le demandeur. Dans la R‑DF, le demandeur affirmait que les revendications n’auraient pas été évidentes. Dans la R‑DF, un ensemble modifié de revendications 1 à 20 a été proposé (les « revendications proposées ») afin de corriger l’irrégularité de l’évidence soulevée dans la DF. Le demandeur a également proposé des modifications à la description afin de l’uniformiser avec la formulation des revendications proposées.

[8] Puisque l’examinateur a maintenu la position selon laquelle la demande n’était pas conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets après avoir tenu compte de la R-DF, la demande a été transmise à la Commission le 8 mars 2018, accompagnée d’un résumé des motifs (RM) expliquant la justification de l’examinateur de l’irrégularité déterminée.

[9] Le RM a été transmis au demandeur le 13 mars 2018. Dans une lettre en date du 22 mars 2018, le demandeur a exprimé qu’il souhaitait toujours que la demande soit révisée par la Commission.

[10] Ce comité (le Comité) a été constitué dans le but de réviser la demande en vertu de l’alinéa 30(6)c) des anciennes règles (maintenant alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets).

[11] Dans une lettre de révision préliminaire en date du 13 janvier 2020 (lettre de RP), le Comité a fait part de son analyse et de sa justification préliminaires; son opinion préliminaire était que les revendications au dossier auraient été évidentes et n’étaient pas conformes au à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[12] Dans la lettre de RP, le Comité a informé le demandeur qu’une audience était provisoirement prévue pour le 28 février 2020 et a fixé une date limite pour présenter des observations écrites. Le demandeur n’a pas indiqué le besoin d’une audience et n’a fourni aucune autre observation écrite.

[13] Compte tenu du manque de réponse de la part du demandeur à la lettre de RP et à l’invitation à une audience, cette recommandation est fondée sur le dossier écrit à ce jour.

Question

[14] L’unique question qui doit être considérée par cette révision est la suivante :

  • si les revendications au dossier définissent un objet qui n’aurait pas été évident, conformément à l’exigence de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[15] Dans cette révision, nous aborderons d’abord la question de l’évidence concernant les revendications au dossier. Nous examinerons ensuite si les revendications proposées constituent des modifications nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du bureau des brevets

Interprétation téléologique

[16] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67 aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 12.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC), révisé en juin 2015 [RPBB], la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes doivent être définies dans le cadre de l’interprétation téléologique.

Évidence

[17] La Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident. L’article 28.3 de la Loi sur les brevets prévoit :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[18] Dans Apotex c Sanofi-Synthelabo Canada, 2008 CSC 61, au paragraphe 67, la Cour suprême du Canada a affirmé qu’il était utile dans un examen relatif à l’évidence de suivre l’approche suivante de quatre étapes :

(1)a) Identifier la personne versée dans l’art;

(1)b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention telle que revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

Analyse

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[19] Dans la lettre de RP (page 4), le Comité a adopté la définition de la personne versée dans l’art énoncée dans la DF (page 2) :

[traduction]

La personne versée dans l’art, ce qui peut comprendre une équipe, est une personne qui s’est familiarisée avec la programmation informatique, la réseautique informatique, la fabrication et la conception d’appareils médicaux et la pharmacologie.

[20] Le demandeur n’a pas contesté cette définition et nous l’adoptons aux fins de la présente révision.

Les connaissances générales courantes

[21] Dans la lettre de RP (page 5), le Comité a adopté la définition des CGC utilisée dans la DF (page 2) :

[traduction]

La personne versée dans l’art connaît les méthodes et les procédés de programmation. Il ou elle connaîtrait la réseautique des appareils médicaux comme les pompes à perfusion avec des serveurs ou des ordinateurs et serait en mesure de programmer et de fabriquer des appareils médicaux.

Il est connu dans l’art que les pompes à perfusion peuvent être programmées avec l’ordonnance d’un médecin ou d’une infirmière.

[22] Le demandeur n’a pas contesté cette définition et nous l’adoptons aux fins de la présente révision.

[23] De plus, dans la lettre de RP (page 5), selon les renseignements de la section [traduction] « Contexte » de la demande et de la définition de la personne versée dans l’art, le Comité a considéré que les connaissances suivantes étaient des CGC :

  • connaissance des diverses techniques de traitement des erreurs dans la mise en œuvre de logiciels d’appareils médicaux, où les techniques de traitement des erreurs comprennent des techniques utilisées pour traiter des données manquantes, des données inexactes et des problèmes de mauvais fonctionnement du logiciel d’appareils médicaux (p. ex., demander la saisie des données manquantes, demander la vérification des données possiblement inexactes);

  • connaissance de diverses techniques utilisées pour mettre en œuvre des systèmes d’appareils médicaux afin d’assurer la sécurité des patients (p. ex., utiliser des communications sécurisées entre les appareils ou les ordinateurs pour transmettre des renseignements confidentiels comme les données du patient ou d’ordonnance);

  • connaissance des divers formats de documents, comme XML, utilisés pour stocker et transmettre des renseignements en format texte;

  • connaissance de l’utilisation de la technologie des systèmes micro-électromécaniques (MEMS) pour les systèmes d’administration des médicaments comme des systèmes de pompes à perfusion (la technologie pour utiliser des MEMS pour les systèmes d’administration des médicaments était facilement accessible avant la date de revendication de la demande; p. ex., DEBIOTECH SA a lancé sa technologie de MEMS pour un système d’administration de médicaments en 1999 : Maillefer, et col., « A High-performance Silicon Micropump for an implantable Drug Delivery System », Twelfth IEEE International Conference on Micro Electro Mechanical Systems (MEMS 99), 21 janvier 1999).

[24] Le demandeur n’a pas contesté cette définition approfondie et nous l’adoptons aux fins de la présente révision.

Les éléments essentiels

[25] Dans cette révision, nous n’avons pas tenté de déterminer les éléments revendiqués qui étaient essentiels. En tenant compte de tous les éléments des revendications au dossier, comme nous l’avons fait ci-dessous, il est possible d’arriver à une conclusion concernant l’évidence de ces revendications qui ne serait pas influencée par l’omission d’un quelconque élément non essentiel.

Portée des revendications

[26] Dans la lettre de RP (page 6), nous avons fourni notre évaluation de l’expression [traduction] « données manquantes associées au paramètre de fonctionnement » qui est utilisée dans les revendications. La portée de cette expression est considérée comme importante à l’analyse de l’évidence :

[traduction]

Selon l’ensemble du mémoire descriptif, particulièrement à la page 79 de la description et à la figure 41, lesquelles sont également citées par le demandeur dans la R-DF aux pages 3 et 4, et les CGC de la personne versée dans l’art, nous fournissons pour cette révision , à titre préliminaire, ce que nous estimons être la compréhension de la personne versée dans l’art:

• « données associées au paramètre de fonctionnement » : toute donnée concernant les paramètres de fonctionnement pour la programmation d’un appareil médical, y compris un système de pompe à perfusion. Dans le cas des systèmes de pompes à perfusion, les données concernant les paramètres de perfusion comme le taux de perfusion, la dose de perfusion et le volume de perfusion, sur une étiquette fixée à un sac pour perfusion intraveineuse (IV), sont considérées comme faisant partie de la portée de « données associées au paramètre de fonctionnement »;

• « données manquantes » : des données qui ne sont pas disponibles ou qui sont corrompues lorsqu’elles sont récupérées.

[27] Le demandeur n’a pas contesté cette évaluation et nous l’adoptons aux fins de la présente révision.

Évidence

(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »

[28] La personne versée dans l’art a été identifiée ci-dessus au paragraphe [19].

(1)b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

[29] Les CGC pertinentes de la personne versée dans l’art ont été déterminées ci-dessus aux paragraphes [21] et [23].

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[30] Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, nous avons tenu compte de tous les éléments des revendications pour notre évaluation de l’évidence.

[31] Il y a 20 revendications au dossier, y compris la revendication indépendante 1 et les revendications dépendantes 2 à 20. Nous estimons que la revendication 1 est représentative des revendications au dossier :

[traduction]

1. Un système pour comparer les paramètres d’appareils médicaux aux ordonnances au sein d’un système de soins de santé, comprenant :

un appareil médical ayant une interface de communication pour transmettre des données concernant les paramètres de fonctionnement de l’appareil médical;

un premier ordinateur ayant :

une interface de communication pour recevoir les données concernant les paramètres de fonctionnement de l’appareil médical et pour recevoir les données concernant une ordonnance,

un processeur pour comparer au moins l’un des paramètres de fonctionnement envoyé de l’appareil médical à au moins une partie de l’ordonnance en :

déterminant si une comparaison d’au moins un paramètre de fonctionnement à au moins une partie de l’ordonnance ne peut pas être effectuée en raison de données manquantes associées au paramètre de fonctionnement,

déterminant quelles données associées au paramètre de fonctionnement sont manquantes,

demandant les données manquantes déterminées associées au paramètre de fonctionnement en invitant un clinicien à saisir les données manquantes,

effectuant une comparaison d’au moins un paramètre de fonctionnement et des données supplémentaires à au moins une partie de l’ordonnance,

un transmetteur en communication avec le premier ordinateur pour transmettre un signal de résultat de comparaison des résultats de comparaison à un ordinateur éloigné.

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

[32] Dans la DF, les documents suivants ont été cités pour l’irrégularité de l’évidence :

  • D1 : US 2002/0038392 A1De La Huerga28 mars 2002
  • D3 : US 2002/0173875 A1 Wallace et coll.21 novembre 2002

[33] De plus, la lettre de RP (page 7) a indiqué un autre document comme état de la technique pertinent :

  • D4 : US 5,153,827Coutré et coll.6 octobre 1992

[34] Le document D1 divulgue une méthode et un appareil pour contrôler l’administration de médicaments par IV et la surveillance, la méthode comprenant fournir des étiquettes d’information sur les sacs pour perfusion IV qui indiquent les paramètres d’administration, obtenir les paramètres d’administration pour au moins un sac, associer un contrôleur à un patient en particulier, comparer les renseignements de patient pour le patient en particulier aux paramètres d’administration, déterminer l’efficacité de l’administration du médicament au patient et influencer le contrôle de la pompe comme fonction de la comparaison. La méthode comporte également diverses règles de synchronisation et d’autres procédures de vérification.

[35] Le document D4 divulgue un système de gestion et de pompage à perfusion avec un système de gestion des alarmes. Au cours du fonctionnement, le système de pompage vérifie un large éventail de déclencheurs d’alarmes.

[36] Le document D1 était le principal document cité par l’examinateur, représentant l’état de la technique. Dans le cadre de cette révision, le document D1 est considéré comme représentant l’art antérieur le plus proche. Le document D4 est considéré comme un autre document pertinent. Le document D3 n’a pas été considéré dans le cadre de cette révision.

[37] Dans la lettre de RP (page 8), le Comité a fait part de son opinion préliminaire que le document D1 divulguait les éléments suivants de la revendication indépendante 1 :

[TRADUCTION]

· un appareil médical ayant une interface de communication pour transmettre des données concernant les paramètres de fonctionnement de l’appareil médical (D1 : figures 26, 37 et 42);

  • un premier ordinateur ayant :
    • une interface de communication pour recevoir les données concernant les paramètres de fonctionnement de l’appareil médical et pour recevoir les données concernant une ordonnance (D1 : figures 26, 37 et 42; paragraphes 31, 32 et 41),
    • un processeur pour comparer au moins l’un des paramètres de fonctionnement envoyé de l’appareil médical à au moins une partie de l’ordonnance (D1 : paragraphes 31, 34 et 243);
  • un transmetteur en communication avec le premier ordinateur pour transmettre un signal de résultat de comparaison des résultats de comparaison à un ordinateur éloigné (D1 : paragraphes 32 et 257; figure 31).

[38] Compte tenu de l’analyse ci-dessus, dans la lettre de RP (page 8), le Comité a indiqué les différences entre le document D1 et les caractéristiques de la revendication indépendante 1 au dossier :

[TRADUCTION]

  1. déterminant si une comparaison d’au moins un paramètre de fonctionnement à au moins une partie de l’ordonnance ne peut pas être effectuée en raison de données manquantes associées au paramètre de fonctionnement;
  2. déterminant les données associées au paramètre de fonctionnement qui sont manquantes et demandant les données manquantes déterminées associées au paramètre de fonctionnement en invitant un clinicien à saisir les données manquantes.

[39] Le demandeur n’a pas contesté cette définition et nous l’adoptons aux fins de la présente révision.

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention telle que revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

[40] Dans la lettre de RP (page 9), le Comité explique pourquoi les caractéristiques (1) et (2) auraient été évidentes à la personne versée en l’art compte tenu de l’art antérieur cité :

[traduction]

En ce qui a trait à la différence (1), pour la personne versée dans l’art avec ses CGC, qui est consciente de l’enseignement du document D1 qui divulgue la comparaison d’au moins une partie d’une ordonnance aux paramètres de fonctionnement d’un appareil médical, il aurait été évident d’effectuer une vérification afin de s’assurer que les données nécessaires pour la comparaison sont disponibles. Le document D1 divulgue au paragraphe [0036] la présentation d’un avertissement lorsque la pompe à perfusion est activée, mais que les données concernant le patient ou le sac pour perfusion IV sont absentes. Les données manquantes peuvent être utilisées pour vérifier si un débit saisi correspond à un intervalle de dosage acceptable obtenu des renseignements du sac pour perfusion IV (document D1 au paragraphe [0032]). Ce que le document D1 ne divulgue pas, c’est l’identité des données manquantes en particulier et l’invite particulière pour saisir de telles données, ce qui nous mène à la deuxième différence.

En ce qui a trait à la différence (2), la DF affirme à la page 3 qu’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art de demander que les renseignements soient saisis de nouveau, dans l’éventualité qu’un utilisateur les ait saisis incorrectement la première fois. Dans la R-DF, aux pages 3 à 5, le demandeur affirme qu’aucun des documents d’antériorité cité dans la DF ne divulguait la caractéristique d’identifier des données manquantes spécifiques. Dans ce cas, « un système qui ne sait même pas quelles sont les données manquantes ne serait pas en mesure de demander seulement ces données à un clinicien ».

Le document D4 divulgue un système de gestion et de pompage à perfusion semblable à la présente demande, lequel vérifie si des données manquent, puis invite un praticien à saisir les données manquantes particulières (col. 2, lignes 30 à 40; col. 10, lignes 29 à 36) :

L’utilisateur, une infirmière ou tout autre praticien de la santé, au moyen d’un lecteur de codes à barres associé à chaque système de pompage, saisit les données de l’étiquette du contenant de la préparation dans le système de pompage à perfusion où elles sont affichées et acceptées. Le port série des pompes peut être utilisé à cette fin. Les données peuvent également être saisies manuellement en plus du lecteur de codes à barres, ou la place de celui-ci. Le système de pompage invite l’utilisateur à saisir toute donnée nécessaire manquante de l’étiquette lue, mais qui est requise par le système de pompage avant que le programme d’infusion puisse commencer.

[…]

Une fois que toutes les données sont saisies, le système vérifie si toutes les données ont été saisies correctement, comme le montre l’étape 424. Si ce n’est pas le cas, le système invite à saisir toute donnée manquante à l’étape 426. La routine d’invite manuelle, montrée à la figure 32, vérifie toutes les données nécessaires à l’étape 450. Pour toute donnée manquante, elle affiche une invite à l’étape 452 demandant la saisie des données. L’utilisateur lit ou saisit les données à l’étape 454 [soulignement ajouté].

Dans notre opinion préliminaire, l’utilisation de techniques connues de traitement des erreurs, comme celles divulguées dans le document D4 et présentées dans les CGC, dans un système de gestion à perfusion semblable comme celui du document D1, ne produirait pas de résultats inattendus ou ne représenterait aucune inventivité quant à la façon dont l’erreur de données manquantes est traitée, étant donné les avantages évidents d’une telle option. Par conséquent, notre opinion préliminaire est que la différence (2) aurait été évidente pour la personne versée dans l’art.

À la lumière de ce qui précède, notre opinion préliminaire est que modifier un système de contrôle de pompe à perfusion comme celui divulgué dans le document D1 en ajoutant une option de vérification automatisée des données, comme celle divulguée dans le cadre d’un système semblable dans le document D4, aurait été évident. Par conséquent, notre opinion préliminaire est que l’objet de la revendication 1 au dossier aurait été évident [souligné dans l’original].

[41] Dans la lettre de RP (pages 10 à 12), le Comité a également justifié pourquoi les revendications dépendantes auraient été évidentes :

[traduction]

Les revendications dépendantes 2 à 20 définissent d’autres caractéristiques.

La revendication 2 indique que le premier ordinateur a une mémoire pour stocker les données associées à l’ordonnance. Le document D1 divulgue cette caractéristique à la figure 34.

La revendication 3 indique un émetteur sans fil avec un branchement électrique à l’appareil médical pour transmettre un signal sans fil contenant les données associées aux paramètres de fonctionnement de l’appareil médical au premier ordinateur. Le document D1 divulgue cette caractéristique au paragraphe 41.

Les revendications 4 et 7 indiquent un deuxième ordinateur qui transmet au premier ordinateur les données associées à l’ordonnance ou au patient. Le document D1 divulgue cette caractéristique aux paragraphes 31, 32, 89, 243, 257 et 259.

La revendication 5 indique une ligne de communication sécurisée reliant le premier ordinateur et le deuxième ordinateur. Notre opinion préliminaire est qu’une ligne sécurisée appliquée entre deux ordinateurs utilisés à des fins médicales fait partie des CGC de la personne versée dans l’art pour assurer la sécurité et la protection des renseignements personnels.

La revendication 6 indique que l’ordinateur à distance est un appareil portatif sans fil. Le document D1 divulgue cette caractéristique au paragraphe 197.

La revendication 8 indique que les données de renseignement de patient comportent au moins une des informations suivantes : l’identité du patient, la chambre attribuée, le lit attribué et l’état d’admission. Le document D1 divulgue cette caractéristique aux paragraphes 31, 32, 89, 243 et de 257 à 259.

La revendication 9 indique que les paramètres de fonctionnement comprennent des paramètres manuellement programmés dans l’appareil médical. Le document D1 divulgue cette caractéristique au paragraphe 44.

La revendication 10 indique que les paramètres de fonctionnement sont téléchargés dans l’appareil médical à partir du premier ordinateur ou d’un deuxième ordinateur. Le document D1 divulgue cette caractéristique au paragraphe 21.

La revendication 11 indique que l’appareil médical est un contrôleur de pompe. Le document D1 divulgue cette caractéristique au paragraphe 21 et à la figure 26.

La revendication 12 indique que le contrôleur de pompe contrôle un appareil MEMS incorporé. Puisque la technologie MEMS, dans les systèmes d’administration de médicament, est considérée comme une pratique bien connue et que le mémoire descriptif de la présente demande ne divulgue pas la structure de l’appareil MEMS revendiqué ou la façon dont il est mis en œuvre, notre opinion préliminaire est que cette caractéristique aurait été une option de mise en œuvre simple et évidente pour la personne versée dans l’art.

La revendication 13 indique que les données concernant les paramètres de fonctionnement de l’appareil médical comportent des paramètres programmés dans l’appareil médical. Le document D1 divulgue cette caractéristique au paragraphe 32.

Les revendications 14 à 16 indiquent que les données associées aux paramètres de fonctionnement de l’appareil médical comprennent au moins un taux, une dose ou un volume de perfusion programmé, où les données associées à l’ordonnance comprennent au moins un taux, une dose ou un volume de perfusion prescrit et où le processeur compare le taux, la dose ou le volume de perfusion programmé au taux, à la dose ou au volume de perfusion prescrit, respectivement. Le document D1 divulgue ces caractéristiques à la figure 18 et aux paragraphes 112 et 259.

La revendication 17 indique que le premier ordinateur associe également un identificateur de patient et un identificateur d’ordonnance. Le document D1 divulgue cette caractéristique à la figure 6.

La revendication 18 indique que l’ordinateur à distance affiche i) l’option d’accepter la non‑concordance et ii) l’option de reprogrammer l’appareil médical et de mener une autre comparaison si le signal du résultat de la comparaison indique une non-concordance entre les paramètres de fonctionnement de l’appareil médical et l’ordonnance. Le document D1 divulgue cette caractéristique aux paragraphes 260 à 262.

La revendication 19 indique que le processeur est configuré pour vérifier si les données associées aux paramètres de fonctionnement de l’appareil médical ont été programmées dans l’appareil médical à l’intérieur d’une période prédéterminée et si les données concernant les paramètres de fonctionnement de l’appareil médical n’ont pas été programmées dans l’appareil médical à l’intérieur de la période prédéterminée, de demander la programmation de nouvelles données concernant les paramètres de fonctionnement de l’appareil médical avant d’effectuer la comparaison. Le document D1 divulgue de vérifier si les données associées aux paramètres de fonctionnement de l’appareil médical ont été programmées dans l’appareil médical à l’intérieur d’une période prédéterminée (voir le paragraphe 39, où un badge électronique ou un PDA « transfère les renseignements recueillis dans la pompe à perfusion IV pour configurer son fonctionnement. Le badge détermine également la collecte de renseignements et leur transfert à la pompe se produit pendant la limite de temps »). Bien que le document D1 ne divulgue pas explicitement la demande de programmation des nouvelles données concernant les paramètres de fonctionnement de l’appareil médical avant d’effectuer la comparaison si le délai prédéterminé expire, notre opinion préliminaire est que cette caractéristique est une étape suivante simple qui aurait été évidente pour la personne versée dans l’art.

La revendication 20 indique que le processeur détermine les données manquantes associées au paramètre de fonctionnement en déterminant que les données manquantes comprennent les données qui devraient être dans un document XML de comparaison de l’ordonnance. L’utilisation de documents XML pour stocker et transmettre des données textes est considérée comme un élément des CGC de la personne versée dans l’art. Par conséquent, nous considérons, à titre préliminaire, que cette caractéristique aurait été évidente pour la personne versée dans l’art.

[42] Le demandeur n’a pas contesté cette analyse.

Conclusion sur l’évidence

[43] Nous considérons que l’objet des revendications 1 à 20 au dossier aurait été évident pour la personne versée dans l’art. Par conséquent, les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[44] Dans la lettre de RP (pages 12 à 13), le Comité explique pourquoi nous n’avons pas considéré que les revendications proposées sont des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets :

[traduction]

Les revendications proposées ont été présentées dans la R-DF afin de mieux définir l’objet revendiqué, avec les caractéristiques suivantes à la revendication 1 :

• identifier quelles données associées au paramètre de fonctionnement sont manquantes,

• demander les données manquantes identifiées associées au paramètre de fonctionnement en affichant, dans un écran d’interface de comparaison, l’identification des données manquantes associées au paramètre de fonctionnement, y compris une demande à un clinicien de fournir les données manquantes déterminées.

Comme nous l’avons expliqué précédemment, notre opinion préliminaire est que la caractéristique d’identifier les données associées aux paramètres de fonctionnement qui sont manquantes ne fait pas appel à l’inventivité.

La caractéristique supplémentaire d’afficher la comparaison et la demande de saisir manuellement les données manquantes identifiées ajoute simplement des éléments d’affichage aux revendications au dossier. Notre opinion préliminaire est que l’ajout d’éléments d’affichage aurait été évident. Le document D4 divulgue qu’un praticien de la santé est invité, à partir d’une interface d’affichage sous-entendue, de saisir « toute donnée nécessaire qui manque de l’étiquette lue, mais qui est requise par le système de pompage » (col. 2, lignes 30 à 40). Par conséquent, notre opinion préliminaire est que les éléments d’affichage n’ajouteraient aucun bénéfice ou avantage inattendu à l’objet revendiqué et auraient été évidents à la personne versée dans l’art.

En résumé, les revendications proposées ne peuvent pas être considérées comme des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, parce qu’elles ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[45] Le Demandeur n’a pas contesté cette analyse.

Conclusions

[46] Nous estimons que :

  • les revendications 1 à 20 au dossier auraient été évidentes et sont, par conséquent, non conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;
  • les revendications proposées 1 à 20 ne sont pas des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[47] Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande que la demande soit rejetée au motif que toutes les revendications au dossier auraient été évidentes et sont, par conséquent, non conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[48] De plus, les revendications proposées 1 à 20 ne corrigent pas l’irrégularité de l’évidence et, par conséquent, ces revendications ne constituent pas des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Liang Ji

Stephen MacNeil

Howard Sandler

Membre

Membre

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Décision de la commissaire

[49] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande puisque les revendications au dossier auraient été évidentes et sont non conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[50] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

ce 15e jour de juin 2020

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