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Référence : GenVec, Inc. (Re), 2020 CACB 22

Décision du commissaire no 1542

Commissioner’s Decision #1542

Date : 2020-05-28

SUJET :

O00

Évidence

TOPIC:

O00

Obviousness


Demande no 2 514 781

Application No. : 2,514,781


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 514 781 a subséquemment fait l’objet d’une révision conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). La recommandation de la Commission et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du Demandeur :

RIDOUT & MAYBEE LLP

250, avenue Université

5e étage

Toronto (Ontario) M5H 3E5

cipo@ridoutmaybee.com


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 514 781 qui est intitulée « Matériaux et procédés de traitement des troubles de l’audition » et qui appartient à GenVec, Inc. (le Demandeur).

[2] La demande est refusée au motif de l’évidence, c.-à-d. parce qu’elle ne respecte pas l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. La Commission d’appel des brevets (la Commission) a donc procédé à une révision de la demande conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). Pour les raisons exposées ci-dessous, nous recommandons le rejet de la demande.

Contexte

La demande

[3] La demande refusée a été déposée le 19 février 2004 et est devenue accessible au public le 10 septembre 2004. Elle concerne un type de thérapie génétique visant à traiter les problèmes de perception sensorielle d’un animal, par exemple une perte d’audition ou des troubles de l’équilibre. Selon les revendications actuelles, l’invention utilise un type précis de vecteur viral pour administrer une séquence d’acide nucléique codant une protéine thérapeutique dans l’oreille interne. La protéine thérapeutique est appelée [traduction] « homologue atonal 1 humain » (« Hath1 ») et elle peut favoriser le développement de cellules ciliées fonctionnelles dans l’oreille interne. L’inventeur postule que l’introduction et l’expression du Hath 1 dans l’oreille interne généreront de nouvelles cellules ciliées et compensera alors les problèmes de perception sensorielle associés aux dommages causés à ces cellules.

Historique de la poursuite de la demande

[4] Après plusieurs rapports d’examen, la poursuite de la demande a pris fin le 11 juillet 2016 avec la publication d’une décision finale (DF). Elle expliquait pourquoi l’objet des revendications aurait été considéré comme évident pour la personne versée dans l’art, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Une irrégularité mineure liée à la dépendance des revendications en vertu du paragraphe 87(2) des Règles sur les brevets (dans leur version antérieure au 30 octobre 2019; maintenant le paragraphe 63(2)) a aussi été indiquée dans la DF.

[5] Dans sa réponse à la DF (R-DF) en date du 11 janvier 2017, la demanderesse a fourni un ensemble de revendications (les revendications proposées) qui devraient être permises selon elle. L’examinateur n’était pas d’accord et il a envoyé la demande à la Commission pour révision. Le 22 juin 2017, la demanderesse a obtenu un résumé des motifs (RM) de l’examinateur quant au refus de la demande.

[6] Le présent comité a effectué une révision préliminaire de la demande, des revendications au dossier et du dossier de poursuite. Nous avons aussi entrepris une évaluation des revendications proposées soumises avec la R-DF. Les résultats ont été transmis à la demanderesse dans une lettre de révision préliminaire (RP) en date du 10 février 2020. Nous y avons expliqué les raisons pour lesquelles nous étions disposés à ce moment à recommander à la commissaire des brevets le rejet de la demande parce que l’objet des deux revendications au dossier et des revendications proposées aurait été considéré comme évident pour la personne versée dans l’art. Nous avons aussi offert une invitation à formuler d’autres observations et à assister à une audition de la question.

[7] D’autres observations de la demanderesse ont été reçues en réponse à la lettre de RP (R‑RP) le 24 avril 2020. Une audience s’est déroulée le 1er mai 2020.

Question

[8] Il existe une question de fond en ce qui concerne les revendications au dossier : l’évidence de l’objet revendiqué, c.-à-d. la non-conformité à l’article 28.3 de la Loi. La décision concernant la demande ne repose pas sur l’irrégularité liée à la dépendance des revendications aussi indiquée dans la DF. À notre avis, cette irrégularité serait corrigée si les revendications proposées étaient par ailleurs conformes à la Loi et aux Règles.

[9] La question de l’évidence porte sur l’utilisation d’un type précis de vecteur adénoviral pour administrer une séquence d’acide nucléique de l’invention revendiquée dans l’oreille interne : vecteur adénoviral de sérotype 28, dont l’abréviation est « Ad28 ».

Principes juridiques

Évidence

[10] L’article 28.3 de la Loi sur les brevets exige que l’objet d’une revendication ne soit pas évident :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le Demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[11] Dans Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi], au para 67, la Cour suprême du Canada a déclaré que lors de l’examen relatif à l’évidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets suivante :

(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

L’invention revendiquée devrait-elle être considérée comme un brevet de sélection?

[12] Dans la lettre de RP, nous avons expliqué à la page 4 que c’est l’affirmation de la demanderesse durant la poursuite qui nous a amenés à considérer l’invention revendiquée comme un type de [traduction] « brevet de sélection ». Selon Sanofi (para 9 et 10), un brevet de sélection peut être octroyé en principe pour la sélection d’un composé chimique parmi une catégorie plus grande de composés semblables qui ont été divulgués et revendiqués dans un brevet antérieur. Si « une propriété particulière imprévue » est associée à la sélection, une étape inventive peut alors être reconnue. La Cour a indiqué qu’un brevet de sélection approprié avait trois conditions provenant de la décision de « description classique » les décrivant : In re IG Farbenindustrie AG’s Patents (1930), 47 RPC 289 (Ch. D.).

[13] Notre compréhension de l’invention actuellement revendiquée comme brevet de sélection reposait sur la correspondance de la demanderesse en date du 27 mars 2014 qui était à cet effet. La poursuite qui a suivi, y compris la DF, était conforme à cette compréhension. En résumé, l’accent de la demanderesse sur le vecteur adénoviral Ad28 pour être utilisé dans l’invention semblait représenter raisonnablement sa sélection parmi le genre connu de tels vecteurs. Par conséquent, un avantage présumément important associé à son utilisation particulière a été examiné compte tenu de la jurisprudence qui, selon nous, exigeait sa divulgation dans le mémoire descriptif déposé au départ : voir Pfizer Canada Inc. c Canada (Ministre de la Santé), 2008 CAF 108, au para 59; Eli Lilly Canada Inc. c Apotex Inc., 2007 CF 455, au para 89.

[14] Toutefois, dans ses dernières observations du 14 avril 2020, comme elle l’a aussi répété à l’audience, la demanderesse affirme maintenant que [traduction] « La présente demande n’est pas un brevet de sélection » et est [traduction] « en soi un brevet pour l’utilisation de l’Ad28 dans la génération de cellules ciliées dans l’oreille interne » (R-RP, page 2). Nous nous sommes donc éloignés de la jurisprudence portant sur les brevets de sélection, y compris dans la mesure où elle pourrait exiger la divulgation de l’avantage dans le mémoire descriptif, en faveur de la considération de la présente affaire comme tout autre type de brevet. Comme il ne s’agit pas d’un brevet de sélection, la position actuelle de la demanderesse est que [traduction] « aucun avantage spécial n’a à être divulgué à la date de dépôt » (R-RP, page 4).

[15] Par conséquent, pour les fins de notre révision finale, nous accepterons l’argument de la demanderesse et ne débattrons pas de la question de savoir si l’invention revendiquée aurait dû être considérée comme un brevet de sélection. Même si elle en était un, nous reconnaissons que les [traduction] « brevets de sélection sont assujettis en principe aux mêmes règles que celles qui s’appliquent à tout autre type de brevet » (R-RP, page 5). Comme nous l’avons reconnu dans la lettre de RP, nous sommes conscients que sa nature ne serait pas différente de celle de n’importe quel autre brevet et qu’« une conclusion suivant laquelle les conditions de validité d’un brevet de sélection n’ont pas été remplies ne constitue pas un motif distinct de contestation de la validité d’un brevet » : voir Eli Lilly Canada inc. c Novopharm Limited, 2010 CAF 197, aux para 27 et 28.

Avantages associés à une invention et activités postérieures au dépôt

[16] La Cour suprême dans Sanofi a indiqué aux para 77 et 78 que le seul examen de la revendication peut ne pas permettre de déterminer son inventivité. On a conclu dans cette affaire que l’idée originale de la revendication (une formule chimique) comprenait un avantage divulgué dans le mémoire descriptif qui y était associé.

[17] Comme l’indiquait la lettre de RP, le poids accordé à la reconnaissance par un demandeur après le dépôt des avantages associés à une invention comporte des conséquences. Les cours ont indiqué, même en dehors du contexte d’un brevet de sélection, qu’un tel facteur ne présente qu’une importance secondaire et qu’il « présente un intérêt limité pour apprécier l’ingéniosité inventive à la date de la réalisation de l’invention » : voir Janssen‑Ortho inc. c Novopharm Ltd., 2006 CF 1234, aux para 113 et 114, conf. par 2007 CAF 217 [Janssen-Ortho].

[18] Enfin, nous ne connaissons aucun précédent ayant force obligatoire qui appuie la proposition selon laquelle un inventeur peut obtenir un brevet pour une invention fondée sur une étape inventive franchie après le dépôt. Même si la Cour suprême a indiqué dans Sanofi (para 70) que les mesures concrètes ayant mené à l’invention constituent une considération valide de l’examen de l’évidence, nous ne voyons pas comment on peut considérer qu’elles comprennent les activités entreprises après le dépôt parce que l’examen est mené à la date de la revendication.

Analyse des revendications au dossier

La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes

[19] Dans la lettre de RP, la personne versée dans l’art a été décrite de la même manière qu’elle l’était dans la DF : [traduction] « un chercheur ayant de l’expérience en biologie moléculaire et en thérapie génétique ». Comme la demanderesse n’a pas contesté cette évaluation dans la R-RP ou à l’audience, nous tiendrons pour acquis qu’elle n’est pas contestée.

[20] Dans la lettre de RP, les connaissances générales courantes ont aussi été décrites comme elles l’étaient dans la DF, c’est-à-dire qu’elles comprenaient les connaissances de l’existence d’environ 51 sérotypes d’adénovirus :

[traduction]

La personne versée dans l’art posséderait des CGC dans l’interprétation de vecteurs d’expression génétique disponibles dans l’art (voir les paragraphes [0018] à [0048] de la description de la présente demande), des promoteurs disponibles dans l’art (voir les paragraphes [0051] à [0056] de la description de la présente demande), des vecteurs atonaux disponibles dans l’art (voir les paragraphes [0044] à [0047] de la description de la présente demande) et des renseignements concernant les cellules ciliées sensorielles disponibles dans l’art (voir les paragraphes [0011] à [0014] de la description de la présente demande). De plus, la personne versée dans l’art aurait des CGC des sérotypes adénoviraux, comme les sérotypes adénoviraux 1 à 51, qui sont disponibles depuis l’ATCC (voir le paragraphe [0024], avant-dernière ligne de la description de la présente demande).

[21] Cette qualification proposée des connaissances générales courantes n’a pas été contestée dans la R-RP. Tout désaccord concernant les connaissances d’un vecteur du sérotype Ad28 semble découler du refus de sa divulgation dans le document d’art antérieur cité (examiné ci-dessous), non de la négation de son existence en tant que connaissances générales courantes. À ces connaissances, nous ajouterions, comme l’indique la R-RP (page 3) que les [traduction] « vecteurs adénoviraux les plus communément utilisés sont l’Ad2 et l’Ad5 ».

[22] Par conséquent, nous comprenons que la personne versée dans l’art connaîtrait les divers types de vecteurs adénoviraux, y compris le sérotype Ad28, mais considérerait les sérotypes Ad5 et Ad2 comme ceux qui sont les plus communément connus pour administrer une séquence d’acide nucléique codant une protéine thérapeutique dans les cellules.

Définir l’idée originale de la revendication visée

[23] Après avoir révisé la R-RP et accepté l’argument de la demanderesse selon lequel nous ne considérons pas la présente invention comme un brevet de sélection, nous ne voyons pas comment les arguments de la demanderesse pourraient changer le l’idée originale énoncée dans la DF et la lettre de RP.

[24] La DF a rejeté les 36 revendications au dossier pour cause d’évidence. Dans la R-DF, on n’a pas soutenu que les revendications dépendantes au dossier représentaient un objet non évident pour des raisons qui diffèrent de celles des revendications indépendantes. En ce qui concerne les revendications au dossier, nous procédons donc à notre analyse selon le principe que toutes les revendications seront maintenues ou rejetées en bloc.

[25] L’analyse figurant dans la DF portait sur les deux revendications indépendantes. Il s’agit de deux revendications d’« utilisation » médicale qui diffèrent uniquement quant à leur forme. La revendication 1 est une illustration :

[traduction]

Utilisation d’un vecteur adénoviral de sérotype 28 (Ad28) pour changer la perception sensorielle d’un animal, où le vecteur adénoviral Ad28 comprend une séquence d’acide nucléique codant un homologue atonal 1 humain (ATOH1) liée de façon opérationnelle à un promoteur qui appuie les cellules de l’oreille interne, où la séquence d’acide nucléique est exprimée pour produire un ATOH1, ce qui entraîne la génération de cellules ciliées qui permettent la perception d’un stimulus dans l’oreille interne.

[26] Dans la lettre de RP, nous avons souscrit à l’interprétation dans la DF de l’idée originale, qui a été énoncée plus ou moins comme une paraphrase de la revendication :

[traduction]

Selon la lecture du mémoire descriptif, la personne versée dans l’art, compte tenu de ses CGC, considérerait l’idée originale de ces revendications comme un vecteur adénoviral de sérotype 28 (Ad28) codant un gène homologue atonal 1 humain (ATOH1) lié de façon opérationnelle à un site promoteur qui appuie les cellules de l’oreille interne pour changer la perception sensorielle d’un animal en générant des cellules ciliées qui permettent la perception d’un stimulus dans l’oreille interne.

[27] Nous avons remarqué qu’elle ne comprend pas un avantage qui serait inattendu, associé à l’utilisation d’un vecteur de sérotype Ad28. Un avantage présumé décrit dans une déclaration de l’inventeur (Dr Douglas E. Brough) en date du 24 février 2009 était fondé sur les résultats d’expériences qu’il a menées après le dépôt : [traduction] « les vecteurs Ad28 et Ad35 démontraient une administration accrue des cultures utricules, comparativement au vecteur Ad5 » et [traduction] « le vecteur Ad28 démontre une administration accrue aux tissus utriculaires comparativement au vecteur Ad5 ». Comme la demanderesse semblait s’en remettre grandement à l’avantage présumé pour établir la non‑évidence durant la poursuite, la lettre de RP portait dans une grande mesure sur la question de savoir s’il aurait dû être inclus dans l’idée originale. Nous avons conclu de façon préliminaire qu’il ne devait pas l’être.

[28] D’après notre compréhension de la position de la demanderesse à ce moment selon laquelle l’invention revendiquée est un type de brevet de sélection, nous avons expliqué dans la lettre de RP que l’avantage présumé ne devrait pas être inclus dans l’idée originale parce qu’il (1) a été découvert uniquement après le dépôt et à titre de considérations distinctes et (2) n’a pas été correctement divulgué dans le mémoire descriptif déposé. Nous ne voyons pas comment cette conclusion pourrait changer par l’absence de description de l’invention revendiquée comme un brevet de sélection.

[29] Dans la R-RP, la demanderesse a soutenu que l’avantage présumé n’avait pas à être divulgué dans le mémoire descriptif déposé parce que l’invention n’est pas un brevet de sélection. Toutefois, elle n’a pas pleinement expliqué pourquoi l’idée originale doit néanmoins l’inclure. La demanderesse a plutôt suggéré que [traduction] « l’avantage provenant de l’utilisation de l’Ad28 par rapport au reste du genre était en fait possédé par le sérotype à la date du dépôt » (R-RP, page 5). Cela n’explique pas pourquoi la découverte d’un avantage après le dépôt mériterait d’être prise en considération dans le cadre de l’idée originale ou, de façon plus générale, dans le cadre d’un examen relatif à l’évidence mené à la date de la revendication.

[30] La demanderesse a changé de tactique et suggère maintenant que [traduction] « [l]’idée originale de la présente demande est la conclusion que divers sérotypes de l’adénovirus (c.‑à-d. différent de l’Ad5) ont une utilité ou une efficacité pour favoriser la génération de cellules ciliées dans l’oreille interne » (R-RP, page 3). En limitant la revendication au sérotype Ad28, la demanderesse suggère qu’elle [traduction] « revendique moins que ce qu’elle est en droit de revendiquer » (R-RP, page 4).

[31] Toutefois, ni le mémoire descriptif ni les revendications ne suggèrent que l’invention concerne façon générale, par exemple, [traduction] « l’utilisation de sérotypes d’adénovirus différents de l’Ad5 ». L’idée originale n’est pas modifiée par la restriction des revendications à l’Ad28. De plus, ni le mémoire descriptif ni les revendications ne mentionnent explicitement un avantage qui pourrait être associé à son utilisation. Même si la personne versée dans l’art consultait le mémoire descriptif, elle ne comprendrait pas que l’objet revendiqué comprend un avantage associé à l’utilisation d’un vecteur de sérotype Ad28.

[32] Nous donnons donc suite à la même idée originale que celle indiquée dans la lettre de RP.

Les différences entre ce qui ferait partie de l’« état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication

[33] Un document d’art antérieur, le document « D1 », a été cité dans la DF : WO 00/73764 A2, publié le 7 décembre 2000. Selon la DF (pages 3 et 4), le document D1 divulgue ce qui suit :

[traduction]

[c]omposition pour la génération de cellules ciliées, pour promouvoir la croissance de cellules mécanoréceptives et traiter une déficience auditive ou un déséquilibre comprenant un vecteur (p. ex. un vecteur adénoviral dont la réplique est déficiente) codant un vecteur d’association atonal, comme le Math1 ou l’Hath1 (voir les pages 9, 27 à 28, 32 à 34, 71 à 72 et les exemples 14 et 15). Un certain nombre de promoteurs sont divulgués dans le document D1 pour exprimer le vecteur d’association atonal, y compris ceux qui sont spécifiques aux cellules de l’oreille interne (voir page 7, ligne 8 ou page 30, ligne 20). Le document D1 indique des exemples précis de leur invention utilisant les vecteurs Ad5 (voir les exemples 14 et 15) et dans toute la description du document D1, les vecteurs adénoviraux en général (qui comprennent les vecteurs Ad28) sont mentionnés (voir page 33, ligne 5 ou page 96, lignes 11 à 13, par exemple). Le document D1 ne divulgue pas le vecteur de sérotype Ad28 par son nom.

[34] Dans la lettre de RP, nous avons conclu que la différence singulière entre l’idée originale et le document D1 est la suivante : l’idée originale repose précisément sur l’utilisation d’un certain sérotype de vecteur adénoviral, le sérotype 28 (c.-à-d. « Ad28 ») pour administrer une séquence d’acide nucléique codant l’homologue atonal 1 humain (Hath1) dans l’oreille interne, alors que le document D1 est général dans sa description des vecteurs adénoviraux (à l’exception du sérotype Ad5) et ne porte pas précisément sur le sérotype Ad28.

[35] Dans la R-RP (page 3), la demanderesse a soutenu que le document D1 ne divulgue pas que les vecteurs adénoviraux autres que l’Ad5 peuvent être utilisés pour administrer un acide nucléique dans l’oreille interne. Elle soutient que seul le sérotype Ad5 plus communément connu est divulgué et que les types moins connus ne sont pas enseignés ou suggérés.

[traduction]

Aucun élément de la description du document D1 n’appuie l’utilisation de sérotypes de vecteurs adénoviraux autres que l’Ad5 et encore moins l’Ad28.

Un seul sérotype est mentionné dans le document D1, celui de l’Ad5, à l’exemple 14 (sur 22 exemples) à la page 97 de la description. En effet, on n’a fait que mentionner une seule fois en passant en tant que des « lignées cellulaires rénales embryonnaires humaines Ad5 transformées ont été développées pour fournir des protéines virales essentielles en trans ».

[…]

[d]es sérotypes moins connus pour utilisation dans la génération de cellules ciliées qui permettent la perception d’un stimulus dans l’arrière interne n’ont pas été envisagés, enseignés ou suggérés dans le document D1 à la date de dépôt.

[36] Nous ne sommes pas de cet avis. La DF renvoie à la page 96, lignes 11 à 13, de l’exemple 14 du document D1 que, à notre avis, la personne versée dans l’art considérerait comme générique dans son examen des vecteurs adénoviraux malgré le fait que les exemples portent sur l’examen de l’utilisation du sérotype Ad5 en particulier :

[traduction]

Les adénovirus humains sont des virus oncogènes d’ADN à double brin dont le génome est d’environ 36 kb. Comme système modèle pour l’expression génétique eucaryote, les adénovirus ont été largement étudiés et bien qualifiés, ce qui en fait un système attrayant pour le développement d’adénovirus en tant que système de transfert génétique. Ce groupe de virus est facile à cultiver et à manipuler et il démontre un vaste spectre d’activité, tant in vitro qu’in vivo. [soulignement ajouté]

[37] De façon plus générale, le document D1 divulgue aussi à la page 33, lignes 5 à 7 (et dans les revendications 28 et 29) l’utilisation de tout vecteur viral convenable, y compris les adénovirus dans leur ensemble : [traduction] « Dans une réalisation précise, ledit vecteur viral est un vecteur adénovirus, un vecteur rétrovirus ou un vecteur adénoassocié, y compris un vecteur lentivirus, un vecteur à herpèsvirus, un vecteur alphavirus, etc. ».

[38] À notre avis, la personne versée dans l’art considérerait que le document D1 reconnaît l’utilisation de vecteurs adénoviraux en général et suggère que les membres autres que l’Ad5 conviennent à l’administration d’un acide nucléique Hath1 dans l’oreille interne. Même si elle pouvait penser que le sérotype Ad5 est préférable, le document D1 ne l’empêche pas d’utiliser d’autres vecteurs adénoviraux.

[39] Tout doute selon lequel les solutions de rechange connues au sérotype Ad5 étaient à la disposition de la personne versée dans l’art a été dissipé par les divulgations d’un document mentionné ci-dessus dans la poursuite, mais apparemment auquel on n’a pas donné suite compte tenu d’une réponse de la demanderesse qui a qualifié l’invention de brevet de sélection. Comme la demanderesse n’affirme plus que l’invention revendiquée est un type de brevet de sélection, le document peut de nouveau être considéré comme pertinent à l’analyse de l’évidence.

[40] Le document D9 (brevet américain 6 492 169, publié le 10 décembre 2002) a été cité dans un rapport en date du 27 septembre 2013 pour renforcer les arguments en faveur de l’évidence, combiné au document D1. Le document D9 était censé divulguer l’Ad28 comme un vecteur adénoviral attrayant parce que [traduction] « le pourcentage de la population qui possède des anticorps neutralisants est très faible (à 13 %) relativement aux autres adénovirus humains (voir l’exemple 1 et la figure 1) ». La demanderesse a répondu le 27 mars 2014 en affirmant que le document D9 n’était pas pertinent parce qu’il [traduction] « divulgue uniquement l’adénovirus de sérotype 28 dans le contexte de la comparaison de sa séroprévalence chez les humains par rapport au sérotype d’adénovirus qui a été réellement sélectionné pour compléter la lignée cellulaire, c.-à-d. le sérotype 35 ». De plus, il [traduction] « suggère que l’Ad28 ne serait pas un sérotype idéal à utiliser à des fins thérapeutiques parce qu’il a un pourcentage élevé de neutralisation dans une zone géographique donnée » (page 3; nous soulignons).

[41] À notre avis, la personne versée dans l’art comprendrait d’après le document D9 que l’utilisation d’un sérotype adénoviral ayant une séroprévalence faible dans la population serait une solution de rechange attrayante à l’utilisation d’un vecteur de sérotype Ad5 parce que, relativement à l’Ad5, son efficacité serait moins affaiblie par des anticorps hôtes préexistants :

[traduction]

[l]es adénovirus recombinants dont le gène E1 est supprimé, fondé sur l’Ad35 ou l’un ou l’autre des sérotypes mentionnés ci-dessus, ont un avantage important comparativement aux vecteurs recombinants fondé sur l’Ad5 en ce qui concerne la suppression des virus par la neutralisation des anticorps. [Document D9, col. 7, lignes 16 à 20; soulignement ajouté]

[42] Comme la demanderesse l’a laissé entendre, le sérotype Ad28 pourrait ne pas être considéré par la personne versée dans l’art comme la meilleure solution de rechange à l’Ad5. L’Ad35 semblerait revendiquer ce privilège. Néanmoins, la personne versée dans l’art le considérerait comme une solution de rechange attrayante parce qu’il aurait toujours moins de séroprévalence relativement à l’Ad5, peu importe son emploi géographique.

[43] Par conséquent, en ce qui concerne le document D1, la différence entre l’affaire mentionnée comme faisant partie de l’« état de la technique » et l’idée originale de la revendication demeure inchangée par rapport à la lettre de RP : alors que le document D1 est général dans sa description des vecteurs adénoviraux (à l’exception du sérotype Ad5) et ne porte pas précisément sur le sérotype Ad28.

[44] S’il est nécessaire d’établir fermement que les solutions de rechange (y compris le sérotype, Ad28) au vecteur de sérotype Ad5 illustré dans le document D1 étaient connues de la personne versée dans l’art, à notre avis, cela a été clairement fait par le document D9.

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, cette différence constitue‑t‑elle une étape qui aurait été évidente pour la personne versée dans l’art ou dénote‑t‑elle quelque inventivité?

[45] Dans la lettre de RP, nous avons conclu de façon préliminaire qu’aucune étape inventive n’avait été suivie à la date pertinente et que l’invention maintenant revendiquée représente une sélection arbitraire d’objets qui n’auraient pas été évidents pour la personne versée dans l’art, compte tenu du document D1. Après avoir entendu la demanderesse et tenu compte de ses dernières observations, nous demeurons de cet avis, même si l’invention n’est pas décrite comme un brevet de sélection.

[46] Il faut d’abord préciser que les mesures concrètes ayant mené à l’invention maintenant revendiquée comprennent les principales activités et une réalisation qui est survenue uniquement après le dépôt. Elles ne sont donc pas pertinentes à la présente analyse. La demanderesse n’a pas contesté que la revendication du sérotype Ad28 est fondée sur les expériences de l’inventeur effectuées après le dépôt, comme l’indique sa déclaration.

[47] En outre, rien dans la description n’appuie la conclusion selon laquelle l’étape inventive franchie à la date pertinente comprenait ces activités. Comme indiqué la DF, la description ne mentionne pas l’utilisation d’un vecteur de sérotype Ad28 en particulier. Aucun renseignement précis concernant l’utilisation d’un vecteur de sérotype Ad28 pour changer la perception sensorielle d’un animal n’est divulgué, ce qui fait qu’il est difficile de voir comment la personne versée dans l’art penserait que son utilisation dans l’invention revendiquée est remarquable. Au mieux, la description équivaut aux enseignements du document D1. Comme le document D1, elle illustre aussi seulement l’utilisation d’un vecteur de sérotype Ad5 et comporte les mêmes lacunes notées par la demanderesse : il n’y a pas [traduction] « de connaissances ou d’attentes que l’utilisation d’un sérotype modifié serait “plus bénéfique [...] moins bénéfique, toxique ou par ailleurs inutile” » (R‑RP, page 3).

[48] Ensuite, comme il est expliqué ci-dessus, les dernières observations de la demanderesse qui peuvent concerner l’idée originale ne modifient pas sa nature. L’idée originale des revendications au dossier ne concerne pas l’utilisation de sérotypes d’adénovirus différents de l’Ad5. Elle porte sur l’utilisation du sérotype Ad28. L’avantage présumé associé à son utilisation ne fait pas partie de l’idée originale. Même si [traduction] « l’avantage provenant de l’utilisation de l’Ad28 par rapport au reste du genre était en fait possédé par le sérotype à la date du dépôt » (R-RP, page 5), il n’a été découvert qu’après le dépôt (voir encore une fois la déclaration Brough). Par conséquent, nous refusons aussi d’accorder un poids à cette considération, selon Janssen-Ortho, précitée.

[49] Faisant abstraction de ces considérations et examinant l’état de la technique, nous notons que la demanderesse a récemment soutenu que le document D1 ne divulgue pas ou ne suggère pas l’utilisation d’un vecteur de sérotype Ad28. Pour cette raison, l’objet revendiqué serait nouveau et non évident :

[traduction]

Puisque les adénovirus autres que l’Ad5, comme l’Ad28, à utiliser dans la génération de cellules ciliées qui permettent la perception de stimulus dans l’oreille interne n’ont pas été divulgués ni même envisagés dans le document D1, le présent objet est à la fois nouveau et non évident compte tenu du document D1 [R-RP, page 4].

[50] Toutefois, les lacunes du document D1 ont été reconnues dans la DF, dans la lettre de RP et encore une fois dans le cadre de la présente révision finale. La question en l’espèce concerne l’évidence, non la nouveauté. Il est donc entendu qu’il doit exister un écart entre les enseignements de n’importe quel élément de l’art antérieur. Cet écart est indubitablement l’omission du document D1 de divulguer précisément l’utilisation d’un vecteur de sérotype Ad28. Pourtant, comme nous l’avons expliqué, nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art croirait que le document D1 est générique dans sa divulgation de vecteurs adénoviraux. Comme point de départ, cela suggère que la personne versée dans l’art qui lit le document D1 aurait compris qu’un vecteur autre que celui précisément illustré dans le document D1 (le sérotype Ad5) pourrait être utilisé pour administrer un acide nucléique dans l’oreille interne.

[51] Les arguments de la demanderesse semblent aussi ne pas tenir compte du fait que le vecteur de sérotype Ad28 faisait partie des connaissances générales courantes. Il s’agirait de l’une des 51 solutions de rechange possibles suggérées et revendiquées dans le document D1. L’examen du document D1 à la lumière des connaissances générales courantes semblerait donc tenir compte de tous les aspects de l’idée originale. À notre avis, il aurait été évident pour la personne versée dans l’art que des solutions de rechange du vecteur adénoviral disponible et communément connu à l’Ad5 conviendraient à l’administration d’une séquence d’acide nucléique codant un homologue atonal 1 humain (Hath1) dans l’oreille interne, y compris l’Ad28.

[52] Les connaissances de la personne versée dans l’art selon lesquelles les types de sérotype Ad5 et Ad2 sont les plus communément connus ne signifient pas que l’utilisation d’autres vecteurs, comme le sérotype Ad28, serait considérée comme non évidente. Comme on l’a expliqué dans Eli Lilly Canada Inc. c Apotex Inc., 2018 CF 736, au para 120 :

Comme l’a déclaré le juge Hughes dans la décision Shire Biochem Inc c Canada (Santé), 2008 CF 538, au paragraphe 80, « l’existence d’un certain nombre de voies possibles pour résoudre un problème ne signifie pas que la voie adoptée n’était pas évidente ». Le juge Barnes a souscrit à cet énoncé dans la décision Janssen Inc c Teva Canada Limited, 2015 CF 184 [Janssen], au paragraphe 113. Il fait également sienne l’idée selon laquelle [traduction] « il arrive qu’une voie de recherche soit à essayer à l’évidence même si l’on ne peut dire avec certitude qu’elle mènera à la réussite, ou à une réussite suffisante pour qu’il vaille la peine de s’y engager du point de vue commercial » (Janssen, au paragraphe 113, citant Brugger c Medic-Aid Ltd, [1996] RPC 635, à la page 661).

[53] En d’autres termes, le choix de l’utilisation de l’un des sérotypes connus des vecteurs adénoviraux, y compris l’Ad28, serait donc loisible à la personne versée dans l’art et ne nécessiterait pas de degré d’inventivité.

[54] Par ailleurs, le document D9 divulgue aussi précisément un éventail de vecteurs adénoviraux connus, y compris l’Ad28, et incite à en adopter des moins connus, comme l’Ad28, en tant que solution de rechange pour surmonter les problèmes de séroréactivité associés aux sérotypes plus communément connus, comme l’Ad5. À notre avis, toute lacune potentielle demeurant dans les enseignements du document D1 et les connaissances générales courantes aurait été comblée par les connaissances du document D9 de la personne versée dans l’art.

Conclusion sur les revendications au dossier

[55] Compte tenu de ce qui précède, nous concluons que l’objet défini des revendications au dossier n’aurait pas été évident pour la personne versée dans l’art à la date pertinente, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Analyse des revendications proposées

[56] Dans la R-DF, la demanderesse a soumis 32 revendications proposées afin d’éviter le refus de la demande. Dans la lettre de RP, selon notre avis préliminaire, elles ne pouvaient pas corriger l’irrégularité liée à l’évidence mentionnée ci-dessus en ce qui concerne les revendications au dossier. La R-RP n’a fourni aucune observation en ce qui concerne les revendications proposées. Notre opinion finale repose donc sur notre analyse antérieure, répétée ci‑dessous. En résumé, les revendications proposées intègrent des caractéristiques qui auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art, même lorsqu’elles sont combinées aux caractéristiques des revendications au dossier, compte tenu de documents de l’état de la technique additionnels.

[57] Sur les revendications proposées, la R-DF a seulement indiqué que les revendications 1, 3, 4, 17, 19 et 20 définissaient un objet non évident en fonction de leurs caractéristiques nouvellement intégrées. Les revendications proposées qui étaient considérées comme non évidentes font partie de deux groupes : les revendications indépendantes 1 et 17 et les revendications dépendantes 3, 4, 19 et 20. Comme les autres revendications n’ont pas été invoquées ou ne semblent pas mentionner d’autres caractéristiques qui pourraient rendre brevetables les revendications, elles sont considérées comme étant maintenues ou rejetées en bloc avec les revendications de chaque groupe, selon le cas.

La personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes

[58] La personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes demeurent telles qu’elles ont été énoncées dans l’analyse mentionnée ci-dessus pour les revendications au dossier.

L’idée originale des revendications en cause

Les revendications indépendantes 1 et 17

[59] Les revendications 1 et 17 sont des revendications indépendantes rédigées selon le format de l’« utilisation » médicale. En dehors de leur forme différente, elles sont par ailleurs identiques. La revendication proposée 1 est représentative; elle est ainsi rédigée :

[traduction]

Utilisation d’un vecteur adénoviral de sérotype 28 (Ad28) pour changer la perception sensorielle d’un animal, où le vecteur adénoviral Ad28 comprend une séquence d’acide nucléique codant un homologue atonal 1 humain (ATOH1) liée de façon opérationnelle à un site promoteur qui appuie les cellules de l’oreille interne, où la séquence d’acide nucléique est exprimée pour produire un ATOH1, ce qui entraîne la génération de cellules ciliées qui permettent la perception d’un stimulus dans l’oreille interne, où le vecteur adénoviral a une réplique déficiente et comprend un génome adénoviral ayant une déficience dans au moins une fonction génétique essentielle à la réplication de la région E1 et une déficience dans au moins fonction génétique essentielle à la réplication de la région E4 et comprend un espaceur dans la région E4.

[60] En ce qui concerne la revendication 1 au dossier, la R-DF explique que la revendication proposée impose quatre limites supplémentaires au vecteur adénoviral de l’invention :

  1. la réplique du vecteur adénoviral est déficiente;
  2. le génome adénoviral a une déficience dans au moins une fonction génétique essentielle à la réplication de la région E1;
  3. le génome adénoviral a une déficience dans au moins une fonction génétique essentielle à la réplication de la région E4;
  4. le vecteur adénoviral a un espaceur dans la région E4.

[61] Une idée originale révisée pour les revendications proposées 1 et 17 prend donc en considération ces quatre caractéristiques supplémentaires.

Revendications dépendantes 3, 4, 19 et 20

[62] La R-DF fait précisément remarquer que les revendications dépendantes 3, 4, 19 et 20 mentionnent des caractéristiques non envisagées dans la DF. Les revendications 3 et 19 dépendent des revendications 1 et 17, respectivement, et indiquent que le promoteur de la revendication indépendante est un promoteur « CMV » – ce qui signifie un promoteur tiré du « cytomégalovirus ». Les revendications 4 et 20 elles-mêmes dépendent des revendications 3 et 19, respectivement, et indiquent en outre que le promoteur CMV est le promoteur CMV [traduction] « très précoce ».

[63] En plus des quatre caractéristiques mentionnées ci-dessus en ce qui concerne les revendications proposées 1 et 17, les idées originales des revendications dépendantes 3, 4, 19 et 20 comprennent aussi leurs caractéristiques.

Les différences entre ce qui ferait partie de l’« état de la technique » et les idées originales qui sous‑tendent la revendication

[64] En plus du document D1, mentionné ci-dessus, le RM indique que deux autres documents de l’art antérieur (ci-après les documents D2 et D3) font partie de l’état de la technique en vue de l’évaluation des revendications proposées. Le premier est le document D2 : D.E. Brough et autres, A gene transfer vector-cell line system for complete functional complementation of adenovirus early regions El and E4, J. Virol., vol. 70, p. 6497 à 6501, 1996. Le deuxième est le document D3 : brevet américain 5 851 806, publié le 22 décembre 1998.

[65] Le RM (page 2) explique que le document D1 est pertinent à l’analyse des revendications proposées puisque, en plus des caractéristiques mentionnées en ce qui concerne la revendication 1 au dossier, il divulgue aussi les nouvelles caractéristiques que la demanderesse a intégrées aux revendications proposées :

[traduction]

À l’exemple 14 du document D1, l’utilisation d’adénovirus dont la réplique est déficiente est divulguée. De plus, les gènes précis qui peuvent être modifiés pour produire lesdits vecteurs, y compris les régions E1 et E4, sont divulgués. Le document D1 ne divulgue pas précisément un vecteur d’adénovirus dont la réplique est déficiente comprenant la combinaison précise d’un génome adénoviral ayant une déficience dans au moins une fonction génétique essentielle à la réplique de la région E1 et comprenant déficience dans au moins une fonction génétique essentielle à la réplique de la région E4; toutefois, ces caractéristiques proviennent de revendications dépendantes et, comme l’indique la décision finale, elles sont facilement apparentes pour la personne versée dans l’art.

[66] Selon le RM (page 2), les documents D2 et D3 sont aussi pertinents :

[traduction]

Les vecteurs d’adénovirus dont la réplique est déficiente qui sont modifiés dans les régions E1 et E4 et qui ont un espaceur dans la région E4 sont bien connus dans l’art. Par exemple, [le document D2] divulgue des vecteurs ayant cette caractéristique et ces avantages. Consultez aussi [le document D3] comme l’indique le paragraphe 28 de la présente description.

[67] En ce qui concerne les caractéristiques du promoteur CMV indiquées dans les revendications dépendantes 3, 4, 19 et 20, le RM (page 2) fait remarquer qu’elles aussi sont divulguées comme des réalisations préférables dans le document D1 : voir le résumé de l’invention (page 9, lignes 20 à 22) et l’exemple 15.

[68] Après avoir examiné les documents mentionnés, nous sommes convaincus qu’ils ont été résumés précisément dans le RM. Nous ajouterions que le document D3 divulgue précisément toutes les caractéristiques nouvelles des revendications proposées 1 et 17 en combinaison, du moins dans les exemples 2 et 3, ainsi que dans les revendications 32 et 36. Les figures 2 et 3 du document D3 divulguent aussi l’utilisation d’un promoteur CMV en combinaison avec les caractéristiques mentionnées dans les revendications proposées 1 et 17.

[69] Par conséquent, en dehors de l’utilisation sélectionnée d’un vecteur Ad28, examiné ci‑dessus en ce qui concerne les revendications au dossier, il n’y a aucune différence entre les divulgations combinées des documents D1, D2 et D3 et les idées originales des revendications indépendantes 1 et 17 et des revendications dépendantes 3, 4, 19 et 20.

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[70] Dans la R-DF, la demanderesse a simplement soutenu que la [traduction] « combinaison actuellement revendiquée des caractéristiques [des revendications proposées] n’est pas enseignée ou suggérée par l’art antérieur ». Aucun examen précis de l’art antérieur, y compris le document D1, n’a été effectué.

[71] Comme nous venons de le mentionner, le RM démontre une analyse réfléchie de l’art antérieur, y compris le document D1, ainsi que deux autres références pertinentes, les documents D2 et D3. Il explique comment la personne versée dans l’art appliquerait leurs enseignements d’une façon évidente pour en arriver à l’invention définie par les revendications proposées :

[traduction]

À la date de dépôt de la présente demande, une personne versée dans l’art appliquerait de façon routinière ces caractéristiques aux vecteurs d’adénovirus et connaîtrait bien leurs avantages. En outre, comme l’indique en détail la décision finale, aucun avantage surprenant n’a été divulgué en ce qui concerne ladite combinaison revendiquée d’éléments. En effet, un tel vecteur n’a pas été mentionné ou illustré dans la description.

[72] Il semble donc qu’en dehors de la différence unique concernant l’utilisation d’un vecteur Ad28, il n’y a aucune différence entre les enseignements combinés des références mentionnées et les idées originales des revendications proposées. Ensuite, notre analyse mentionnée ci-dessus en ce qui concerne les revendications au dossier (même en ne tenant pas compte du document D9) nous a mené à la conclusion que l’utilisation d’un vecteur Ad28 aurait été évidente pour la personne versée dans l’art. Le RM fournit aussi une évaluation des revendications proposées tout à fait raisonnable. Enfin, aucun argument n’a été présenté en ce qui concerne les revendications proposées quant à la raison pour laquelle la personne versée dans l’art aurait considéré que l’objet n’était pas évident compte tenu des documents D1, D2 et D3.

[73] Ainsi, nous souscrivons à l’analyse fournie dans le RM et concluons que la personne versée dans l’art aurait aussi pensé que les revendications proposées définissaient un objet évident.

Conclusion sur les revendications proposées

[74] Les revendications proposées ne corrigeront pas l’irrégularité liée à l’évidence en ce qui concerne les revendications au dossier parce qu’elles n’ajoutent rien aux revendications qui n’auraient pas été considérées comme évidentes par la personne versée dans l’art.

[75] Nous ne considérerons donc pas que les revendications proposées sont des modifications nécessaires et refusons de recommander à la commissaire qu’elles soient intégrées dans la demande, comme le paragraphe 86(10) des Règles sur les brevets le permettrait par ailleurs.

Recommandation de la Commission

[76] À notre avis, les revendications au dossier et celles proposées par la demanderesse dans la R-DF définissent un objet qui aurait été évident pour la personne versée dans l’art à la date pertinente.

[77] Par conséquent, nous recommandons de rejeter la demande pour non-conformité à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Ed MacLaurin

Marcel Brisebois

Cara Weir

Membre

Membre

Membre


 

Décision de la commissaire

[78] Je souscris aux conclusions de la Commission et à sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[79] Par conséquent, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Aux termes de l’article 41 de la Loi sur les brevets, la demanderesse dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

ce 28e jour de mai 2020

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