Brevets

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Référence : Novomatic AG (Re), 2020 CACB 20

Décision du commissaire no 1540

Commissioner’s Decision #1540

Date : 2020-05-25

SUJET :

J-00

Signification de la technique

 

J-10

Programmes d’ordinateur

 

J-30

Jeux

 

J-50

Simple plan

TOPIC:

J-00

Meaning of Art

 

J-10

Computer Programs

 

J-30

Games

 

J-50

Mere Plan


Demande no 2 824 010

Application No. : 2,824,010


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les « anciennes Règles sur les brevets »), la demande de brevet numéro 2 824 010 a fait l’objet d’une révision conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets [DORS/2019-251]. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

BORDEN LADNER GERVAIS LLP

World Exchange Plaza

100, rue Queen, bureau 130

Ottawa (Ontario) K1P 1J9

 


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 824 010, intitulée « SystÈme de jeu et procÉdÉ d’utilisation ». La demande de brevet appartient à Novomatic AG (le « demandeur »). La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets. L’irrégularité qui subsiste et qui doit être abordée dans le cadre de la présente révision consiste à savoir si les revendications définissent un objet prévu par la Loi. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2] La demande de brevet canadien numéro 2 824 010 a été déposée le 23 janvier 2012 et est devenue accessible au public le 26 juillet 2012.

[3] La demande concerne les méthodes et les systèmes pour des jeux de pari sur des machines de jeu en réseau. Plus précisément, les méthodes et les systèmes divulgués fournissent un jeu de pari auquel est joué et qui est gagné par un groupe de joueurs, jouant sur de multiples machines de jeu, où des symboles de bonus sont jumelés à des symboles de jeu afin de créer une combinaison gagnante.

Historique de la poursuite

[4] Le 18 janvier 2017, une décision finale (« DF ») a été rédigée en vertu du paragraphe 30(4) des anciennes Règles sur les brevets. La DF expliquait que la demande est irrégulière au motif que les revendications 1 à 12 (les « revendications au dossier ») visent un objet non prévu par la Loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[5] Dans une réponse du 14 juillet 2017 à la DF (« RDF »), le demandeur a présenté des arguments pour l’acceptation des revendications au dossier. Le demandeur a également proposé un ensemble de revendications proposées (les « revendications proposées »).

[6] L’examinateur ayant jugé que la demande n’était toujours pas conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission pour révision conformément au paragraphe 30(6) des anciennes Règles sur les brevets, accompagnée dans un résumé des motifs (« RM ») d’une explication qui maintenait le refus de la demande.

[7] Dans une lettre en date du 6 mars 2018, la Commission a transmis une copie du RM au demandeur. Dans sa réponse au RM du 21 mars 2018, le demandeur a indiqué qu’il souhaitait toujours que la Commission révise la demande.

[8] Un comité de la Commission (le « Comité ») a été constitué dans le but de réviser la demande en vertu de l’alinéa 30(6)c) des anciennes Règles sur les brevets et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. Dans une lettre de révision préliminaire (« RP ») en date du 24 janvier 2020, le Comité a énoncé son analyse préliminaire et sa justification quant aux raisons pour lesquelles, d’après le dossier écrit, l’objet des revendications au dossier et des revendications proposées n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. La lettre de RP offrait au demandeur la possibilité d’assister à une audience orale et de présenter d’autres observations.

[9] Le demandeur a présenté une réponse écrite à la lettre de RP (« RRP ») le 21 février 2020.

[10] Une audience orale a eu lieu le 5 mars 2020.

Question

[11] La seule question visée par la présente révision est celle de savoir si les revendications au dossier définissent un objet qui entre dans la définition d’invention figurant à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Nous évaluerons également les revendications proposées.

Principes juridiques et pratique du bureau des brevets

Interprétation téléologique

[12] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67 aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52)). Tel qu’il est indiqué à la section 12.02.01 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (« RPBB »), révisé en juin 2015 (OPIC), la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art (« PVA ») et ses connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés comme étant ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, conformément aux revendications.

[13] Tel qu’il est expliqué à la section 12.02.02 du RPBB, tout élément qui affecte matériellement le fonctionnement d’un mode de réalisation donné n’est pas nécessairement essentiel à la solution; certains éléments énoncés d’une revendication définissent le contexte ou l’environnement d’un mode de réalisation sans réellement changer la nature de la solution. En conséquence, l’interprétation téléologique doit s’attarder aux éléments qui sont indispensables à la solution – proposée par le mémoire descriptif et sous‑tendant la réalisation revendiquée – afin d’en obtenir le résultat.

Objet prévu par la Loi

[14] La définition d’invention est indiquée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[15] À la suite de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Amazon.com, inc., 2011 CAF 328, le Bureau a publié un énoncé de pratique (PN 2013-03, « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur », (OPIC, mars 2013) [PN 2013-03] qui clarifiait la pratique d’examen en ce qui concerne l’approche du Bureau à l’égard des inventions mises en œuvre par ordinateur.

[16] Tel qu’énoncé dans PN 2013-03, la pratique du Bureau considère que lorsqu’un ordinateur est jugé comme un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement brevetable. Lorsque, en contrepartie, il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent à un objet exclu de la définition du terme « invention » (p. ex., simplement une idée, un projet, un plan ou une série de règles), la revendication ne sera pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Analyse

Interprétation de la revendication

La personne versée dans l’art et les CGC pertinentes

[17] En ce qui concerne l’identification de la PVA, dans la lettre de RP, nous affirmions ce qui suit :

[traduction]

Compte tenu du contexte de l’invention et des renseignements de la description (par. [0001] à [0003]), nous identifions à titre préliminaire la PVA comme l’équipe composée d’un ou de plusieurs professionnels de l’industrie des machines de jeu expérimentés dans le domaine des cagnottes progressives et des machines de jeu en réseau. L’équipe comprend également des programmeurs ou d’autres technologues expérimentés dans le développement et l’approvisionnement de logiciels, d’outils et d’infrastructures conventionnellement utilisés dans les machines de jeu. Cette qualification s’harmonise avec la PVA présentée dans la DF.

[18] Le demandeur n’a pas contesté cette qualification et nous l’adoptons donc dans la présente révision.

[19] En ce qui concerne l’identification des CGC, dans la lettre de RP, nous affirmions ce qui suit :

[traduction]

Nous citons à titre préliminaire le document suivant aux fins de la définition des CGC :

D1 : US 6 416 409

Jordan

9 juillet 2002

D1 divulgue un dispositif de jeu capable de fournir des bonus progressifs à un ensemble de machines de jeu liées (abrégé). Nous fondons cette identification sur la définition de la PVA présentée précédemment et sur la description de l’art antérieur, D1.

Par conséquent, nous avons conclu de façon préliminaire que les CGC pertinentes comprennent les suivantes :

• la connaissance des jeux et des systèmes de cagnottes progressives utilisant de multiples machines de jeu interconnectées où chaque joueur verse une partie des paris dans la cagnotte progressive (D1 : colonne 1, lignes 24 à 28);

• les jeux de casino classiques utilisés dans les jeux de cagnotte progressive comme les moulinets à tambour, le poker vidéo, etc. (D1 : colonne 1, lignes 28 à 32);

• l’octroi de gains lorsqu’un joueur révèle un résultat gagnant de la cagnotte (D1 : colonne 1, lignes 32 à 35);

• les machines de jeu électroniques avec moniteurs vidéo, graphiques de haute qualité et cagnottes progressives (présente demande : par. [0002]);

• les dispositifs informatiques conventionnels, processeurs, dispositifs d’entrée et de sortie, protocoles de réseautage et interfaces utilisateur;

le matériel informatique conventionnel et les techniques conventionnelles de programmation informatique;

• l’utilisation de tels ordinateurs et dispositifs informatiques utilisés de façon conventionnelle dans l’industrie du jeu (présente demande : par. [0019] à [0023]).

Nous fondons cette identification sur la définition de la PVA présentée précédemment et sur la description de l’art antérieur, D1.

[20] Dans la RRP et lors de l’audience orale, le demandeur a contesté l’application de D1 comme l’unique document d’art antérieur dans le contexte des CGC. Le Comité considère que le contexte du brevet D1 s’applique lorsqu’il démontre ce qui était généralement connu au moment de la date de dépôt de D1, puisque D1 présente ce qui était facilement disponible dans les casinos à l’époque, représentant les connaissances publiques. Tel qu’il est indiqué ci-dessus, D1 sert à démontrer les systèmes de jeu conventionnels utilisés dans les casinos au moment du dépôt de D1 et de la présente demande – les cagnottes progressives et les machines de jeu en réseau. La présente demande fait référence aux casinos qui ont des machines de jeu électroniques et des cagnottes progressives (par. [0002]). Le Comité considère en outre que D1 fournit des éléments de preuve supplémentaires de la CGC des machines de jeux en réseau munies d’un contrôleur central, puisqu’elle fait référence à US 5 564 700 dans la colonne 1, lignes 35 à 45. En ce qui concerne les cagnottes progressives et les machines de jeu électroniques au par. [0002] de la présente demande, le Comité a utilisé D1 pour donner plus de contexte aux jeux et aux machines de casino généralement connus.

Le problème et la solution

[21] En se fondant sur les CGC de la PVA et sur une lecture équitable de la demande, et après avoir pris en considération les arguments du demandeur présentés dans la RDF, la lettre de RP énonçait ce que la PVA aurait considéré comme le problème traité par la demande : [traduction] « un besoin de jeux nouveaux et excitants pour maintenir l’intérêt des joueurs actuels et attirer de nouveaux joueurs ».

[22] La solution au problème ci-dessus, de la façon présentée dans la lettre de RP, est de fournir une amélioration aux jeux multijoueur existants qui créent des cagnottes progressives, consistant en des règles pour un nouveau jeu progressif où des symboles de bonus sont jumelés à des symboles de jeu par de multiples joueurs afin de créer une combinaison gagnante qui génère un prix.

[23] Dans la RRP et lors de l’audience orale, le demandeur a contesté le problème et la solution présentés. Le demandeur a déclaré que le problème et la solution concernent nécessairement l’utilisation de machines de jeu électroniques. Le Comité ne conteste pas que l’environnement de la demande dans son ensemble et l’invention revendiquée ont lieu sur des machines de jeu, mais il maintient la position que celles‑ci ne font pas partie du problème ou de la solution. Il n’y avait pas de problèmes d’ordinateur ou de machine de jeu à régler, seulement des problèmes et des solutions liés aux règles applicables aux jeux auxquels on joue. Par conséquent, nous maintenons la définition de la solution présentée dans la lettre de RP.

Les éléments essentiels

[24] Tel qu’il est présenté dans la lettre de RP :

[traduction]

Nous sommes d’avis que la revendication indépendante 1est représentative de l’invention. Elle vise une méthode informatisée qui précise les étapes à suivre pour fournir une cagnotte progressive dans un environnement de jeu en réseau :

1. Un système de jeu comprenant :

de multiples machines de jeu électroniques en réseau, y compris une première machine de jeu électroniques et une deuxième machine de jeu électroniques, chacune de ces multiples machines de jeu électroniques étant configurée pour jouer à un jeu et comprenant au moins :

un affichage;

une interface capable d’accepter les instructions d’un joueur pour lancer le jeu;

une mémoire capable de stocker plusieurs instructions logicielles;

un générateur de nombres aléatoires capable de générer aléatoirement des résultats de jeu;

un processeur de contrôle de l’affichage, de l’interface et du générateur de nombres aléatoires, un contrôleur en communication avec chacune de ces multiples machines de jeu électroniques en réseau, ledit contrôleur étant configuré pour :

sélectionner aléatoirement des symboles de code de bonus fixes parmi un bassin de symboles,

sélectionner aléatoirement une quantité de symboles de code de jeu dans ledit bassin de symboles où ladite quantité de symboles de code de jeu est égale à une quantité de symboles de code de bonus fixes, les symboles de code de jeu comprenant un premier symbole de code de jeu et un deuxième symbole de code de jeu,

avant chaque jeu sur chacune de ces multiples machines de jeu électroniques, déterminer aléatoirement une direction de mouvement pour la sélection de chacun de ces symboles de code de jeu,

réagir au jeu sur ladite première machine de jeu électronique, ajuster le premier symbole de code de jeu dans ladite direction de mouvement déterminée aléatoirement,

réagir au jeu sur ladite deuxième machine de jeu électronique, régler le deuxième symbole de code de jeu dans ladite direction de mouvement déterminée aléatoirement,

comparer les symboles de code de jeu ajustés aux symboles de code de bonus correspondants,

verrouiller les symboles de code de jeu correspondant auxdits symboles de code de bonus,

lorsque le premier symbole de code de jeu est verrouillé, réagir au jeu sur ladite première machine de jeu électronique ou de ladite deuxième machine de jeu électronique, ajuster le deuxième symbole de code de jeu dans ladite direction de mouvement déterminée aléatoirement,

réagir à chacun des symboles de code de jeu correspondant à l’un desdits symboles de code de bonus jumelés, déclencher un prix décerné aux joueurs jouant sur l’une desdites multiples machines de jeu électroniques en réseau.

[25] Dans la lettre de RP, le Comité a présenté son analyse préliminaire afin de déterminer les éléments essentiels des revendications qui apportent la solution au problème. Il a été déterminé que les éléments physiques des revendications, principalement les caractéristiques des machines de jeu, n’étaient pas essentiels :

[traduction]

[L]’orientation figurant à la section 12.02.02e du RPBB fait état de l’interprétation que fait le Bureau du droit en matière de brevets au Canada relativement à l’interprétation téléologique telle qu’appliquée à l’examen d’une demande de brevet. Le libellé même des revendications ne peut servir de fondement unique pour déterminer l’objet revendiqué. Amazon.com (par. 43, 44, 47, 61 à 63, 69, 71, 73 et 74) explique que l’interprétation téléologique « ne peut reposer seulement sur l’interprétation littérale des revendications du brevet », que le libellé de la revendication peut être « trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance », qu’une application pratique ou un mode de réalisation peut néanmoins ne pas faire partie des éléments essentiels d’une invention revendiquée, que l’interprétation téléologique doit reposer sur un « fondement des connaissances ayant trait à la réalisation en cause ». Tout élément qui affecte matériellement le fonctionnement d’un mode de réalisation donné n’est pas nécessairement essentiel à la solution; certains éléments énoncés d’une revendication définissent le contexte ou l’environnement d’un mode de réalisation sans réellement changer la nature de la solution.

[…]

[S]elon la pratique du Bureau, les caractéristiques couramment connues peuvent être considérées comme des éléments essentiels d’une revendication. Toutefois, l’interprétation téléologique indique comme essentiels uniquement les éléments qui règlent un problème, qu’ils soient couramment connus ou non. Certaines caractéristiques d’une revendication, même si elles fournissent un contexte ou définissent l’environnement de travail, ne peuvent néanmoins pas être considérées comme essentielles parce que la personne versée dans l’art comprendrait qu’elles ne font pas partie de la solution au problème.

[26] Dans la RRP et lors de l’audience orale, le demandeur n’était pas d’accord sur la question de savoir si les multiples machines de jeu électroniques étaient essentielles au problème et à la solution, ainsi que sur la question de savoir si les machines de jeu étaient des machines de jeu [traduction] « conventionnelles ». Le demandeur a déclaré ceci dans la RRP :

[traduction]

Le mode de fonctionnement du système revendiqué par le demandeur se distingue de celui du système conventionnel allégué en ce sens que le système du demandeur est configuré pour faire fonctionner un jeu communal au-delà des jeux individuels exploités sur les multiples machines de jeu électroniques. Pour faire fonctionner ce jeu communal, le système revendiqué exige, entre autres, un contrôleur doté d’un générateur de nombres aléatoires de contrôleur, le tout configuré pour exécuter certaines actions pendant le fonctionnement du jeu communal.

En revanche, le contrôleur d’un système conventionnel n’aurait pas besoin d’un générateur de nombres aléatoires de contrôleur en raison de son mode de fonctionnement différent. Un système conventionnel de jeu avec cagnotte tel qu’il est allégué par le Comité, qui fonctionne en [traduction] « attribuant des gains lorsqu’un joueur révèle un résultat gagnant de la cagnotte », doit être interprété comme nécessitant la détermination d’un résultat de cagnotte sur l’une des multiples machines de jeu électroniques, et non dans un contrôleur central. Les enseignements de D1 à la colonne 1, lignes 25 à 46 allégués par le Comité en tant que preuve des connaissances générales courantes pertinentes l’exigent. En tout état de cause, un contrôleur central fourni dans un système conventionnel n’aurait pas nécessairement été configuré pour faire fonctionner un jeu communal supplémentaire en coopération sur les multiples machines de jeu.

Ainsi, même si, aux fins de la discussion, un aspect de l’invention revendiquée nécessite le fonctionnement d’un jeu communal de cagnotte progressive utilisant de multiples machines de jeu électroniques selon un nouvel ensemble de règles de jeu, il n’en demeure pas moins que le mode de fonctionnement requis par le système pour exécuter ces règles nécessite une configuration particulière du contrôleur central, y compris un générateur de nombres aléatoires de contrôleur, pour permettre au contrôleur de faire fonctionner le jeu communal de façon interactive avec les multiples machines de jeu électroniques en réseau.

[27] Le groupe d’étude affirme que la solution au problème consiste à définir les éléments essentiels : tout élément qui affecte matériellement le fonctionnement d’un mode de réalisation donné n’est pas nécessairement essentiel à la solution; certains éléments énoncés d’une revendication définissent le contexte ou l’environnement d’un mode de réalisation sans réellement changer la nature de la solution. En conséquence, l’interprétation téléologique doit s’attarder aux éléments qui sont indispensables à la solution – proposée par le mémoire descriptif et sous‑tendant la réalisation revendiquée – afin d’en obtenir le résultat. La présence des éléments de l’ordinateur ou de la machine de jeu, pour donner à la série d’étapes un mode de réalisation pratique, n’est pas essentielle à la solution revendiquée au problème divulgué. Le Comité allègue qu’un générateur de nombres aléatoires dans un contrôleur ne fait pas partie de la solution; seule la génération d’un nombre aléatoire fait partie de la solution, et elle pourrait être effectuée par d’autres moyens.

[28] Le Comité allègue également que les machines de jeu électroniques sont en fait des machines conventionnelles, car nous notons que la description ne fait pas référence à des difficultés dans la mise en œuvre d’une machine de jeu capable d’offrir le jeu modifié. La PVA comprendrait que le problème à résoudre ne réside pas dans la façon d’informatiser les étapes du jeu, mais dans la façon de modifier le jeu pour assurer la motivation du joueur. Comme il a été expliqué précédemment, les CGC englobent les éléments des ordinateurs en réseau ainsi que les éléments de la programmation de logiciels sur l’ordinateur; ces CGC détermineraient également la compréhension que la personne versée dans l’art aurait de la nature du problème et de la solution à celui‑ci. À notre avis, la machine de jeu sert d’environnement d’exploitation pour le problème, et la solution n’est pas comment construire ou programmer la machine, ni comment effectuer certaines opérations. La solution concerne plutôt l’ensemble de règles que le jeu doit suivre pour augmenter la rétention d’un joueur.

[29] En conséquence, le Comité considère les éléments suivants comme étant essentiels à la solution définie telle qu’elle est énoncée dans la lettre de RP :

[traduction]

[...] les éléments essentiels de la revendication 1 représentative qui sont requis pour mettre en œuvre la solution susmentionnée sont les étapes suivantes :

• sélectionner aléatoirement des symboles de code de bonus fixes parmi un bassin de symboles;

• sélectionner aléatoirement une quantité de symboles de code de jeu dans ledit bassin de symboles où ladite quantité de symboles de code de jeu est égale à une quantité de symboles de code de bonus fixes, les symboles de code de jeu comprenant un premier symbole de code de jeu et un deuxième symbole de code de jeu;

• avant chaque jeu, déterminer aléatoirement une direction de mouvement pour la sélection de chacun de ces symboles de code de jeu;

• réagir au jeu, ajuster le symbole de code de jeu dans ladite direction de mouvement déterminée aléatoirement;

• comparer les symboles de code de jeu ajustés aux symboles de code de bonus correspondants;

• verrouiller les symboles de code de jeu correspondant auxdits symboles de code de bonus;

• lorsque le premier symbole de code de jeu est verrouillé, ajuster le deuxième symbole de code de jeu dans ladite direction de mouvement déterminée aléatoirement;

• réagir à chacun des symboles de code de jeu correspondant à l’un desdits symboles de code de bonus jumelés, déclencher un prix.

Nous considérons à titre préliminaire que les autres revendications indépendantes (revendications 4, 7 et 10), qui visent différents modes de réalisation de l’invention, comportent le même ensemble d’éléments essentiels de la revendication 1 représentative.

Les revendications dépendantes (revendications 2, 3, 5, 6, 8, 9, 11 et 12) précisent des caractéristiques supplémentaires concernant d’autres options de code de bonus et de code de jeu; ces caractéristiques sont considérées comme essentielles.

Objet prévu par la Loi

[30] Tel qu’interprété ci-dessus, et tel que présenté dans la lettre de RP :

[traduction]

les éléments essentiels des revendications indépendantes 1, 4, 7 et 10 correspondent à un ensemble de manipulations de données, ainsi qu’à la présentation d’information de signification purement intellectuelle. Un système de jeu ne fait pas partie des éléments essentiels. Les éléments essentiels sont les règles visant à récompenser les joueurs d’un jeu. La simple présence d’un ordinateur ou d’un autre outil physique, comme un système de jeu, dans les revendications ne rend pas brevetable l’ensemble de règles autrement abstrait. Une telle question ne présente aucun effet ni changement visible de la nature ou de l’état d’un objet physique. Elle suppose simplement l’exécution d’un plan ou l’application d’une théorie d’action et aucun résultat physique ne découle directement de la mise en application du plan ou de la théorie même. Une telle question est exclue des catégories d’invention prévues à l’article 2.

Les revendications dépendantes 2, 3, 5, 6, 8, 9, 11 et 12 ajoutent des éléments essentiels supplémentaires comprenant d’autres fonctions de code de bonus et des options de symboles de code de jeu. Ces autres éléments essentiels concernent les règles visant à récompenser les joueurs d’un jeu et ne comprennent pas d’objet prévu par la Loi.

[31] Ainsi, à notre avis les revendications 1 à 12 au dossier ne définissent pas un objet prévu par la Loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[32] Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, le demandeur a proposé dans la RDF les revendications modifiées 1 à 28 en cherchant à corriger l’irrégularité relevée dans la DF. À partir des revendications au dossier, les revendications 1 à 12 ont été modifiées et sont les revendications proposées 1, 6, 7, 8, 13, 14, 15, 20, 21, 22, 27 et 28. Les revendications proposées 2 à 5, 9 à 12, 16 à 19 et 23 à 26 sont nouvelles.

[33] Comme il est indiqué dans la lettre de RP :

[traduction]

La revendication 1 indépendante proposée est considérée comme la revendication représentative des revendications proposées. La modification : ajouté la machine de jeu aux éléments d’affichage, de mémoire et de générateur de nombres aléatoires; lié le contrôleur à la machine de jeu; et lié les étapes de la méthode au contrôleur. Ces éléments ne sont pas considérés comme essentiels, tel qu’ils sont présentés ci‑dessus, fournissant plutôt des détails de l’environnement opérationnel pour la solution fournissant des cagnottes progressives, consistant en des règles pour un nouveau jeu progressif où des symboles de bonus sont jumelés à des symboles de jeu afin de créer une combinaison gagnante qui génère un prix.

Nous considérons à titre préliminaire que les autres revendications indépendantes proposées (revendications 8, 15, 22) comportent le même ensemble d’éléments essentiels de la revendication 1 représentative.

Les revendications proposées 2 à 7, 9 à 14, 16 à 21 et 23 à 28 ajoutent des éléments essentiels supplémentaires comprenant d’autres fonctions de code de bonus et des options de symboles de code de jeu. Ces autres éléments essentiels concernent les règles visant à récompenser les joueurs d’un jeu et ne comprennent pas d’objet prévu par la Loi.

[34] Par conséquent, notre opinion concernant l’objet non prévu par la Loi s’applique également aux revendications proposées. Il s’ensuit que les revendications proposées ne sont pas considérées comme une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.


 

Recommandation de la Commission

[35] Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications au dossier définissent un objet non prévu par la Loi et que, par conséquent, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Mara Gravelle

Vincent Pellerin

Howard Sandler

Membre

Membre

Membre


 

Décision de la commissaire

[36] Je suis d’accord avec les conclusions de la Commission et sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications au dossier définissent un objet non prévu par la Loi et que, par conséquent, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[37] En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

ce 25e jour de mai 2020

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