Brevets

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Référence : United Parcel Service of America, Inc. (Re), 2020 CACB 17

Décision du commissaire no 1537

Commissioner’s Decision #1537

Date : 2020-05-11

SUJET :

J00

Signification de la technique

 

J50

Simple plan

TOPIC:

J00

Meaning of Art

 

J50

Mere Plan


Demande no 2 492 638

Application No. : 2,492,638


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423] dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les « anciennes Règles sur les brevets »), la demande de brevet numéro 2 492 638 a fait l’objet d’une révision conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets [DORS/2019-251]. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

ROBIC, S.E.N.C.R.L.

630, boulevard René-Lévesque Ouest

20e étage

Montréal (Québec) H3B 1S6

 


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet rejetée numéro 2 492 638, intitulée « DISTRIBUTION DE SERVICE OU DE COLIS AVEC DES FENETRES TEMPORELLES PARTIELLEMENT PROGRAMMEES » et détenue par l’United Parcel Service of America, Inc.

[2] Une révision de la demande refusée a été effectuée par la Commission d’appel des brevets (la « Commission ») en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets. La question à examiner est de savoir si les revendications visent un objet non prévu par la loi. Tel qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[3] La demande de brevet 2 492 638 (la « présente demande »), fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, est considérée comme ayant été déposée au Canada le 14 juillet 2003 et rendue accessible au public depuis le 19 février 2004.

[4] La présente application porte sur les systèmes de programmation des livraisons et plus particulièrement sur les systèmes de programmation des livraisons à effectuer à l’intérieur de fenêtres temporelles précisées.

Historique de la poursuite

[5] Le 22 mars 2016, une décision finale (« DF ») a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des anciennes Règles sur les brevets. La DF indiquait que la demande était irrégulière au motif que les revendications 1 à 26 en date du 10 septembre 2015 (les « revendications au dossier ») englobent un objet qui va au-delà de la définition d’« invention » et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[6] Dans une réponse du 20 septembre 2016 à la DF (« RDF »), le demandeur a présenté un premier ensemble de revendications proposées. Le demandeur a soutenu que ce premier ensemble de revendications proposées est acceptable.

[7] L’examinateur ayant jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission pour révision le 10 mars 2017, conformément au paragraphe 30(6) des anciennes Règles sur les brevets, accompagnée d’une explication exposée dans un résumé des motifs (« RM ») maintenant le refus sur la base de l’irrégularité relevée dans la DF.

[8] Dans une lettre en date du 13 mars 2017, la Commission a envoyé une copie du RM au demandeur et a demandé à ce dernier de confirmer s’il souhaitait toujours que sa demande soit révisée. Dans une réponse en date du 12 avril 2017, le demandeur a confirmé qu’il souhaitait toujours que sa demande soit révisée.

[9] Conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets, un comité (le « Comité ») a été constitué dans le but de réviser la demande et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre.

[10] Dans une lettre de révision préliminaire (la « lettre de RP ») en date du 7 juin 2019, le Comité a énoncé son analyse préliminaire et sa justification quant aux raisons pour lesquelles, d’après le dossier écrit, les revendications 1 à 26 au dossier et le premier ensemble des revendications proposées ne définissent pas un objet visé par la loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. La lettre de RP offrait au demandeur la possibilité d’assister à une audience orale et de présenter d’autres observations écrites.

[11] Dans une réponse à la lettre de RP (« RRP ») en date du 3 juillet 2019, le demandeur a soutenu que les revendications au dossier sont acceptables. Le demandeur a également allégué que si le Comité conclut que les revendications au dossier ne sont pas acceptables, un deuxième ensemble de revendications proposées par le demandeur est acceptable.

[12] Le demandeur a refusé une audience orale par voie de correspondance en date du 20 juin 2019, ce qu’il a confirmé dans une lettre en date du 3 juillet 2019.

Questions

[13] La question à examiner dans le cadre de la présente révision est de savoir si les revendications 1 à 26 au dossier définissent un objet qui va au-delà de la définition d’« invention » et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[14] Nous examinerons également le deuxième ensemble de revendications proposées et nous déterminerons si celles‑ci constituent des modifications nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du bureau des brevets

Interprétation téléologique

[15] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé, 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool c. Camco, 2000 CSC 67 [Whirlpool], aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 12.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (« RPBB »), révisé en juin 2015 (OPIC), la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par l’inventeur et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés comme étant ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, conformément aux revendications.

Objet non prévu par la loi

[16] La définition d’« invention » est indiquée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[17] À la suite de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Amazon.com, inc., 2011 CAF 328, le Bureau des brevets a publié une note de service sur l’examen, « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur », PN 2013‑03 (OPIC, mars 2013) [PN 2013-03] qui apporte des précisions quant à l’approche utilisée par le Bureau pour déterminer si une invention liée à l’ordinateur constitue un objet prévu par la Loi.

[18] Tel qu’énoncé dans la PN 2013-03, la pratique du Bureau des brevets considère que lorsqu’un ordinateur est jugé comme un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement brevetable. Par ailleurs, s’il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent aux objets exclus de la définition d’invention (p. ex., les beaux-arts, des méthodes de traitement médical, une simple idée, un projet, un plan ou une série de règles), l’objet revendiqué ne sera pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Analyse

Aperçu de la présente demande

[19] Les entreprises utilisent divers outils pour organiser la livraison d’articles et de services aux destinataires. Par exemple, un fournisseur de produits ou de services peut communiquer avec le client pour fixer un délai de livraison des produits ou services (présente demande, page 1, lignes 8 à 14).

[20] Dans le cas de la livraison de colis, un service de livraison de colis utilisera habituellement un système de programmation des livraisons pour créer un itinéraire et un calendrier de livraison de colis entre un consignateur (ou expéditeur) et un consignataire (ou destinataire). Lors de l’élaboration de l’itinéraire et du calendrier, les systèmes de programmation de l’art antérieur mettent en œuvre des techniques de modélisation logistique normalisées pour réaliser, par exemple, l’optimisation de l’itinéraire de livraison. Les systèmes de l’art antérieur tiennent aussi en compte les contraintes de temps imposées par le consignateur. Par exemple, le consignateur peut préciser que le colis doit être livré avant 10 heures le lendemain. Le système de programmation planifiera une livraison avant ce délai, même si l’itinéraire de livraison n’est plus rentable. Par conséquent, les systèmes de programmation de l’art antérieur garantissent que les colis sont livrés de la façon la plus rentable possible tout en respectant les délais de livraison établis par le consignateur (présente demande, page 1, ligne 15 à la page 2, ligne 7).

[21] Toutefois, le consignataire n’est souvent pas en mesure de recevoir le colis conformément au délai de livraison fixé par le consignateur. Les livraisons échouées ne sont pas souhaitables puisqu’elles entraînent la réception du colis au mauvais moment par le destinataire ainsi qu’une augmentation des coûts de livraison pour le service de livraison de colis. De plus, le destinataire prévu peut ne pas avoir de préférence quant au délai de livraison, malgré le délai de livraison indiqué par l’expéditeur (présente demande, page 2, ligne 8 à la page 3, ligne 15).

[22] La présente demande indique [traduction] « la nécessité d’un système de programmation de la livraison de colis configuré pour programmer les livraisons de façon générale selon les règles établies par le consignateur, mais aussi selon que le consignataire soit disponible pour recevoir et utiliser le colis » (présente demande, page 3, lignes 16 à 19).

[23] La présente demande vise [traduction] « un système de programmation configuré pour programmer les services (comme la livraison d’un colis) qui doivent être fournis de façon générale conformément aux règles établies par l’expéditeur du service (comme un consignateur), et aussi selon que le destinataire prévu (comme un consignataire) soit disponible pour recevoir et utiliser le service » (présente demande, page 4, lignes 27 à 31).

[24] Il y a 26 revendications au dossier. On trouve quatre revendications indépendantes : les revendications 1 et 12 liées au système informatique et les revendications 6 et 13 correspondantes liées au produit du programme informatique. La revendication 1 est ainsi rédigée [traduction] :

Un système informatique permettant de communiquer avec un destinataire prévu d’un article, comprenant :

un dispositif d’acquisition de données configuré pour recevoir, d’un expéditeur, des données électroniques associées aux renseignements sur la livraison et une demande de livraison pour qu’un article soit livré à un destinataire à un niveau de service déterminé;

un serveur de programmation des livraisons connecté audit dispositif d’acquisition de données à l’aide d’un système de communication, y compris à tout le moins une mémoire sur laquelle sont stockées des données électroniques associées à un itinéraire de livraison planifié, ledit itinéraire de livraison prévu comprenant une pluralité d’arrêts réguliers et un chemin déterminé au préalable s’étendant entre lesdits arrêts réguliers sur un calendrier projeté, ledit serveur de programmation des livraisons étant configuré pour :

a) utiliser lesdites données électroniques associées audit renseignement de livraison et à ladite demande de livraison pour déterminer

(i) si ladite livraison nécessite de s’écarter dudit itinéraire de livraison prévu;

(ii) s’il existe, indépendamment des paramètres dudit niveau de service, une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables à l’intérieur desquelles le coût de livraison dudit article audit destinataire est égal ou inférieur à un seuil de coût déterminé au préalable;

b) s’il est déterminé

(i) que ladite livraison nécessite de s’écarter dudit itinéraire de livraison prévu;

(ii) qu’il existe une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables, amorcer automatiquement la transmission de données électroniques associées à un message indiquant que ledit destinataire peut programmer la livraison dudit colis audit destinataire à l’intérieur d’une ou de plusieurs desdites fenêtres temporelles rentables;

un dispositif de réception de données du destinataire connecté audit serveur de programmation des livraisons à l’aide d’un système de communication, ledit dispositif de réception de données du destinataire étant configuré pour recevoir lesdites données électroniques associées audit message.

[25] Les revendications dépendantes 2 à 5, 7 à 11 et 14 à 26 définissent d’autres limites applicables aux éléments des revendications indépendantes, y compris l’identification des coordonnées du destinataire, la programmation de la livraison et les moyens de communication entre dispositifs.

[26] Aux fins de la présente révision, nous considérons que la revendication indépendante 1 est représentative de toutes les revendications indépendantes au dossier (c’est-à-dire les revendications 1 et 12 liées au système informatique et les revendications correspondantes 6 et 13 liées au produit du programme informatique), puisque les revendications indépendantes contiennent toutes des éléments généralement similaires à l’objet mentionné à la revendication 1, bien qu’elles soient exprimées en différents modes de réalisation. De plus, comme les revendications dépendantes définissent d’autres limites, mais n’ajoutent pas d’éléments essentiels qui pourraient influer sur notre évaluation d’un objet non prévu par la loi, nous considérons également la revendication 1 comme étant représentative de toutes les revendications au dossier.

Interprétation téléologique

Observations du demandeur sur la pratique du Bureau des brevets

[27] Le demandeur a fait valoir dans la RDF, aux pages 7 à 10, que l’interprétation téléologique des revendications effectuée conformément à la pratique du Bureau des brevets n’est pas conforme au droit canadien. En particulier, le demandeur a soutenu que la pratique du Bureau des brevets met trop l’accent sur l’analyse d’un problème et d’une solution décrits et que, conformément à la jurisprudence canadienne, toutes les caractéristiques ou tous les éléments revendiqués dans une revendication sont présumés essentiels (citant Pollard Banknote Ltd c. BABN Technologies Corp. et Scientific Games Products (Canada) ULC, 2016 CF 883 et Amazon.com).

[28] Comme il est expliqué dans la lettre de RP aux pages 5 et 6, après avoir examiné les arguments du demandeur, la jurisprudence citée par le demandeur continue de suivre les principes d’interprétation téléologique établis dans la jurisprudence antérieure, comme Free World Trust et Whirlpool, et de s’appuyer sur eux. La jurisprudence citée établit, entre autres principes, que le libellé de la revendication doit être interprété en fonction d’une lecture de l’ensemble du brevet du point de vue de la personne versée dans l’art, que l’interprétation téléologique de la revendication ne peut pas être déterminée uniquement en fonction d’une lecture littérale des revendications du brevet et que puisque le libellé de la revendication peut être trompeur délibérément ou par inadvertance, une caractéristique pratique d’une revendication ne peut pas faire partie d’un ensemble des éléments essentiels d’une invention revendiquée.

[29] Le demandeur a également fait valoir dans la RRP, aux pages 2 à 12, que l’interprétation téléologique faite dans la lettre de RP [traduction] « applique effectivement l’analyse par la “contribution” inadéquate » (RRP, à la page 5), « qui a été catégoriquement rejetée par les tribunaux canadiens et par les propres lignes directrices du Bureau des brevets » (RRP, à la page 2).

[30] Nous convenons que l’analyse par la contribution ne convient pas à une analyse de l’interprétation téléologique. Tel qu’il est indiqué dans la lettre de RP, l’orientation de la section 12.02 du RPBB décrit l’interprétation par le Bureau des brevets de la loi canadienne sur les brevets en ce qui concerne l’interprétation téléologique d’une revendication telle qu’appliquée à la révision d’une demande de brevet. La pratique du Bureau des brevets précise qu’une interprétation téléologique bien éclairée d’une revendication doit tenir compte du mémoire descriptif dans son ensemble tel que le concevrait la personne versée dans l’art, à la lumière des CGC dans le ou les domaines dont relève l’invention, de manière à définir le problème abordé et la solution proposée dans la demande. L’identification du problème est guidée par l’interprétation que l’examinateur a des CGC dans l’art et par les enseignements de la description. La solution à ce problème fournit des indications qui permettent de déterminer les éléments essentiels, sachant cependant que les éléments qui ont un effet substantiel sur le fonctionnement d’une réalisation donnée ne sont pas nécessairement tous des éléments essentiels de la solution.

La personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes

[31] La lettre de RP, à la page 6, tenait compte de deux documents de l’art antérieur, D4 et D5, qui ont été mentionnés dans la DF pour démontrer les connaissances générales courantes :

D4 :

CA 2 374 114

Ham et coll.

16 novembre 2000

D5 :

WO 01 99006

Arunapuram et coll.

27 décembre 2001

[32] La lettre de RP, à la page 6, citant la DF, décrivait la personne versée dans l’art comme [traduction] « une équipe de planificateurs de la logistique du transport et de programmeurs d’ordinateurs ».

[33] La lettre de RP, aux pages 6 à 8, analysait les compétences et les connaissances de chaque membre de l’équipe de la personne versée dans l’art, en tenant compte de D4, de D5 et de la présente demande. Elle définissait les CGC suivantes :

[traduction]

À la lumière de ce qui précède, à notre avis préliminaire, les CGC des planificateurs des transports comprennent ce qui suit :

• l’utilisation d’Internet pour qu’un client puisse passer des commandes de marchandises et ensuite faire livrer les marchandises achetées à l’adresse d’expédition du client à l’aide d’un service de livraison de colis (D4, contexte);

• le recours à des gestionnaires de la planification des transports pour prendre manuellement des décisions relatives au transport des biens et des services, en tenant compte de facteurs tels que le coût, la fiabilité et l’opportunité (D5, contexte);

• l’utilisation de systèmes automatisés de gestion du transport de produits dans le cadre de la programmation du transport de marchandises vers des clients ayant des commandes sur Internet (D5, contexte; présente demande, contexte).

De plus, notre opinion préliminaire est d’accepter les CGC concernant les programmeurs informatiques selon ce qui est indiqué dans la DF, à savoir la familiarité avec les architectures de réseautage standards, l’adaptation des applications logicielles pour répondre à des exigences logistiques de transport spécifiques, la programmation de bases de données, ainsi que le matériel informatique commun.

[34] À la page 7 de la RRP, le demandeur a présenté des observations concernant la qualification d’une telle équipe et ses compétences :

[traduction]

Bien que le demandeur comprenne que la personne versée dans l’art puisse être une équipe de personnes dans des circonstances limitées, il faut faire attention que la qualification de la personne versée dans l’art n’impute pas à cette équipe des compétences multidisciplinaires qui dépasseraient les compétences habituellement trouvées chez une personne dans cette équipe.

De plus, au sein d’une équipe composée de plusieurs personnes, la collaboration entre les membres de l’équipe est nécessaire afin de jumeler les compétences des divers membres. L’inventivité peut exister dans une telle collaboration. Dans le cas où les membres de l’équipe proviennent de différents domaines d’activité, les éléments de revendication qui résultent de la collaboration entre ces membres de l’équipe devraient être reconnus comme étant plus susceptibles de manifester de l’inventivité. Il s’ensuit également que les connaissances générales courantes ne doivent pas être automatiquement présentées comme un regroupement des connaissances de ces personnes. [souligné dans l’original]

[35] Nous examinons deux questions soulevées dans les observations du demandeur : premièrement, la question de savoir si la qualification de la personne versée dans l’art qui est faite dans la lettre RP est raisonnable. Et deuxièmement, s’il est raisonnable de présenter les connaissances générales courantes comme un regroupement de compétences associées à des membres individuels de l’équipe comprenant la personne versée dans l’art.

[36] Nous examinons les lignes directrices pertinentes concernant ces deux questions. Le Comité souligne que la section 12.02.02b du RPBB présente une orientation sur l’identification de la personne versée dans l’art :

La personne versée dans l’art est une construction fictive qui représente un travailleur normalement compétent dans le ou les domaines dont relève l’invention [29]. La personne versée dans l’art peut être une personne ou une équipe formée de plusieurs personnes dont les connaissances combinées sont pertinentes pour l’invention à l’examen (citant, en partie, Bayer Aktiengesellschaft c. Apotex Inc. [1995] 60 CPR (3rd), à la page 79). [soulignement ajouté; autres références supprimées]

[37] Le Comité considère comme particulièrement pertinente la référence ci‑dessus dans Bayer Aktiengesellschaft c. Apotex Inc. [1995] 60 CPR (3rd) 58 [Bayer] à la page 79 :

[traduction]

Le technicien fictif versé dans l’art peut prendre la forme d’une équipe de scientifiques, de chercheurs et de techniciens dont les connaissances combinées se rapportent à l’invention en cause : « Cela vaut particulièrement lorsque l’invention concerne une science ou un art qui transcende plusieurs disciplines scientifiques. » (d’après Wetston J. dans Mobil Oil Corp. C. Hercules Canada Inc. (non déclaré, 21 septembre 1994, CF 1re inst., p. 5 [maintenant déclaré comme 57 C.P.R. (3d) 488, p. 494, 82 F.T.R. 211].) [soulignement ajouté]

[38] Le Comité considère en outre pertinente la décision 1379 du commissaire (déclarée comme [2015] 136 CPR (4th) 188), aux par. 22 à 24 :

[22] Nous convenons que la personne versée dans l’art peut prendre la forme d’une équipe. À titre d’exemple, dans AstraZeneca Canada Inc c. Apotex Inc, 2014 CF 638, le juge Rennie a déterminé que l’expertise de la personne versée dans l’art comprenait plusieurs domaines d’activité (chimie, pharmacologie et médecine). À cet égard, le juge a cependant précisé au par. 53 que [traduction] « la personne collective versée dans l’art, en l’espèce, est représentative de l’équipe pluridisciplinaire d’experts à laquelle ont vraisemblablement recours les sociétés pharmaceutiques pour mettre au point des médicaments [...] et pour mener les essais nécessaires ». On comprend, à la lecture de cette décision, qu’une telle équipe est représentative d’une équipe qui aurait réellement existé à la date pertinente, c.-à-d. une équipe d’experts qui aurait été employée par le type de société en cause. En l’espèce, nous convenons avec le demandeur que l’équipe qui est définie dans la Décision finale n’est pas raisonnable, car elle est d’une nature fictive et n’est pas représentative d’une équipe qui aurait réellement existé.

[23] À notre avis, la personne versée dans l’art est un spécialiste des systèmes de refroidissement d’installations industrielles; elle possède une connaissance de ces systèmes, ainsi qu’une connaissance des systèmes et procédés d’alimentation des appareils en eau de mer ou en eau douce de surface, des problèmes liés à ces systèmes, y compris l’accumulation de mollusques et crustacés dans les appareils, et les procédés classiques utilisés pour enlever ces dépôts non désirés. Selon la description, les procédés classiques utilisés pour remédier à l’accumulation de mollusques et crustacés dans les systèmes de refroidissement comprennent l’ajout de produits chimiques dans l’eau, le chauffage de l’eau et le recours à des moyens mécaniques tels que des brosses [p. 1, lignes 13 à 23].

[24] La personne versée dans l’art n’est pas une équipe comprenant un « spécialiste des mollusques et crustacés ». Il n’y a rien au dossier qui donne à penser qu’à l’époque de l’invention du demandeur, il existait des équipes constituées à la fois de personnes spécialisées dans les systèmes de refroidissement d’installations industrielles alimentées avec de l’eau de mer ou de l’eau douce de surface et de personnes spécialisées dans la culture des mollusques et crustacés. Ainsi, les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art des systèmes de refroidissement d’installations industrielles n’incluent pas toutes les connaissances que possède la personne versée dans l’art de la culture des mollusques et crustacés.

[39] En examinant la première question de savoir si la qualification de la personne versée dans l’art dans la lettre de RP est raisonnable, nous soulignons que le demandeur a reconnu dans la RRP, à la page 7, que la personne versée dans l’art peut être composée de membres d’équipe individuels, conformément aux directives de la section 12.02.02b du RPBB et à la jurisprudence figurant dans Bayer. Étant donné que la présente demande et l’art antérieur cité se rapportent à la fois à la planification des livraisons et aux systèmes informatiques de planification des livraisons, nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art qui est identifiée et comprenant une équipe de planificateurs de la logistique du transport et de programmeurs informatiques est en accord avec une équipe du monde réel qui aurait existé à la date pertinente, conformément aux directives de la section 12.02.02b du RPBB et à l’opinion exprimée dans la décision 1379 du commissaire.

[40] En examinant de la deuxième question de savoir s’il est raisonnable de définir les connaissances générales courantes comme un regroupement des compétences associées à ces membres d’équipe individuels, tous les éléments généraux communs, sauf un, qui sont précisés dans la lettre de RP semblent se trouver dans les compétences d’un des membres de l’équipe. Nous considérons que le demandeur peut avoir été préoccupé par l’élément précisé [traduction] « l’utilisation de systèmes automatisés de gestion du transport de produits dans le cadre de la programmation du transport de marchandises vers des clients ayant des commandes sur Internet (D5, contexte; présente demande, contexte) ». Dans la mesure où le demandeur considérait cet élément comme le fruit d’une collaboration inventive inadéquate, ces éléments sont en accord l’orientation présentée à la section 12.02.02b du RPBB (« connaissances combinées ») et avec la jurisprudence figurant dans Bayer ([traduction] « expertise combinée »), étayant ainsi une opinion selon laquelle la combinaison des compétences de membres individuels d’une équipe est adéquate.

[41] De plus, [traduction] « [l]e demandeur admet volontiers que les systèmes automatisés de gestion de livraison de colis sont connus à la date de revendication ou à la date de publication de la demande » (RRP, page 17).

[42] À la lumière de l’analyse ci-dessus, conformément à notre point de vue exprimé dans la lettre de RP, nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art est une équipe de planificateurs de la logistique du transport et de programmeurs informatiques. Nous sommes aussi d’avis que les connaissances générales courantes de cette équipe comprennent les suivantes :

  • l’utilisation d’Internet pour qu’un client puisse passer des commandes de marchandises et ensuite faire livrer les marchandises achetées à l’adresse d’expédition du client à l’aide d’un service de livraison de colis (mise en évidence, par exemple, par D4, contexte);

  • le recours à des gestionnaires de la planification des transports pour prendre manuellement des décisions relatives au transport des biens et des services, en tenant compte de facteurs tels que le coût, la fiabilité et l’opportunité (mis en évidence, par exemple, par D5, contexte);

  • l’utilisation de systèmes automatisés de gestion du transport de produits dans le cadre de la programmation du transport de marchandises vers des clients ayant des commandes sur Internet (mise en évidence, par exemple, par D5, contexte; présente demande, contexte);

  • une familiarité avec les architectures de réseautage standards, l’adaptation des applications logicielles pour répondre à des exigences logistiques de transport spécifiques, la programmation de bases de données, ainsi que le matériel informatique commun.

Problème et solution

[43] La lettre de RP, à la page 9, analysait le problème et la solution comme suit :

[traduction]

Selon le RPBB [la section 12.02.02d, anciennement la section 13.05.02b], les CGC fournissent la base des renseignements. Ainsi, la personne versée dans l’art lira le mémoire descriptif en s’attendant à ce qu’elle précise quelque chose qui va au-delà des solutions généralement connues à des problèmes généralement connus.

Comme nous l’avons mentionné plus haut, les CGC comprennent l’utilisation de systèmes automatisés de gestion du transport de marchandises dans le cadre de la programmation du transport de marchandises vers les clients, ce qui est reconnu dans la présente demande et D5. Cet élément des CGC a également été réaffirmé par le demandeur dans la RDF (RDF, page 2, para 3). La personne versée dans l’art ne considérerait donc pas le problème abordé par la présente demande comme étant lié à la mise en œuvre d’un système informatisé de programmation, mais considérerait plutôt le problème comme la nécessité d’améliorer la programmation en tenant compte des préférences du consignateur et du consignataire.

Notre opinion préliminaire est que le problème concerne la nécessité de programmer des services, comme la livraison d’un colis, qui doivent être fournis de façon générale selon les règles établies par l’expéditeur du service, comme un consignateur, mais aussi selon que le destinataire prévu, comme un consignataire, soit disponible pour recevoir et utiliser le service. Ce problème est conforme au problème relevé dans la présente demande (présente demande, page 4, lignes 20 à 24) et au problème identifié dans la DF.

Ce qui semble être la solution, selon notre point de vue préliminaire et conformément à la présente demande, est de déterminer et de communiquer au destinataire une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables pour la livraison afin que le destinataire puisse programmer la livraison du colis à l’intérieur d’une des fenêtres temporelles. Encore une fois, cette solution est conforme à la solution identifiée dans la présente demande (présente demande, page 4, ligne 27 à la page 5, ligne 7) et à la solution identifiée dans la DF.

[44] Dans la RRP, aux pages 7 à 14, le demandeur s’est mis en désaccord avec 1) l’analyse par laquelle le Comité en est arrivé au problème et à la solution identifiés et avec 2) la qualification du problème et de la solution tel qu’il est indiqué dans la lettre de RP.

[45] En examinant d’abord de l’affirmation du demandeur selon laquelle l’analyse utilisée pour déterminer le problème et la solution est inadéquate, aux pages 7 à 12 de la RRP, le demandeur [traduction] « [a] fait valoir que la détermination par le Comité du problème et de la solution visés par l’invention revendiquée est là où l’analyse du Comité devient une analyse par la “contribution”. Cette décision est problématique parce que le Comité définit les CGC comme la base ou la CGC comme la base de référence ou le “seuil” pour déterminer le problème et la solution, de sorte que l’analyse devienne en fait un exercice visant à déterminer la “contribution” de la revendication » (RRP, à la page 7). Le demandeur a résumé l’approche d’analyse inadéquate dans la RRP à la page 9 [traduction] :

Le demandeur soutient respectueusement que cette approche consistant :

• à établir les CGC comme un « seuil minimal »;

• à écarter tout ce qui relève des CGC de tout problème ou de toute solution possible;

• et à ne chercher qu’à trouver des éléments qui vont au‑delà des CGC,

consiste en fait à appliquer l’analyse par la « contribution » inadéquate. [soulignement omis]

[46] L’orientation figurant à la section 12.02.02d du RPBB vise à cerner le problème et la solution qui tiennent compte de la personne versée dans l’art et de ses connaissances générales courantes :

La Loi sur les brevets vise à fournir à un inventeur des droits exclusifs à une invention nouvelle et utile en échange d’une divulgation afin que le public puisse utiliser ou exploiter l’invention aux fins prévues par l’inventeur. Ainsi, si l’on reconnaît qu’une invention brevetable est une solution ingénieuse à un problème concret, l’invention doit donc être divulguée (puis revendiquée) pour pouvoir être utilisée par la personne versée dans l’art.

La détermination du problème et de la solution fournie par l’invention éclaire l’interprétation téléologique des revendications.

L’identification du problème auquel les inventeurs font face dépend de la compréhension qu’a l’examinateur des connaissances générales courantes dans l’art et des enseignements de la description.

Les connaissances générales courantes dans l’art fournissent la base des renseignements auxquels la description devrait s’ajouter. La personne versée dans l’art lira le mémoire descriptif en s’attendant à ce qu’elle précise quelque chose qui va au-delà des solutions généralement connues à des problèmes généralement connus.

[…]

L’examinateur tiendra compte de ce que les inventeurs déclarent à propos du contexte de l’invention, de leurs objectifs (« le but de l’invention »), de tout problème spécifique, des besoins, des limites ou des désavantages connus dans l’art ou découverts par les inventeurs, etc. dans l’identification du problème auquel font face les inventeurs. [références omises]

[47] Comme nous l’avons déjà mentionné, nous avons établi aux fins de cette révision – et le demandeur l’a reconnu – qu’au moins un élément des CGC est l’utilisation de systèmes automatisés de gestion du transport de produits dans le cadre de la programmation du transport de marchandises vers des clients ayant des commandes sur Internet (mise en évidence, par exemple, par D5, contexte; présente demande, contexte).

[48] Compte tenu, à tout le moins, de cet élément des CGC, la solution généralement connue consistant à utiliser un système automatisé de gestion du transport de produits pour programmer les services de livraison aborde le problème généralement connu de la programmation du transport de biens et de services vers les clients, compte tenu des règles établies par l’expéditeur du service. À notre avis, cela est reconnu dans la présente demande et dans D5. Conformément à l’orientation de la section 12.02.02d du RPBB, notre identification du problème dans la présente demande tient compte de ce que la personne versée dans l’art lira dans le mémoire descriptif en s’attendant à ce qu’on y précise quelque chose qui va au-delà de cette solution généralement connue à ce problème généralement connu.

[49] Après avoir examiné l’état actuel de la programmation des livraisons d’articles et de services, la présente demande fournit les énoncés de problème suivants liés aux règles de programmation :

[traduction]

Il se présente donc la nécessité d’un système de programmation des livraisons de colis configuré pour programmer les livraisons de façon générale selon les règles établies par le consignateur, mais aussi selon que le consignataire soit disponible pour recevoir et utiliser le colis (présente demande, page 3, lignes 16 à 19).

[…]

Il se présente donc la nécessité d’un système de programmation configuré pour programmer les services (comme la livraison d’un colis) qui doivent être fournis de façon générale conformément aux règles établies par l’expéditeur du service (comme un consignateur), mais aussi selon que le destinataire prévu (comme un consignataire) soit disponible pour recevoir et utiliser le service (présente demande, page 4, lignes 20 à 24).

[50] L’observation du demandeur dans la RRP, à la page 19, est également conforme à un problème lié aux règles de programmation :

[traduction]

Tel qu’il est décrit ci-dessus, les limites des systèmes automatisés de gestion de livraison de colis existants sont qu’ils ne permettent pas les livraisons irrégulières, qu’ils sont limités par les règles de livraison imposées par le consignateur et qu’ils ne permettent pas la participation du destinataire pour faciliter la livraison en dehors des règles imposées par le consignateur.

[51] Conformément aux observations du demandeur, à notre avis, la personne versée dans l’art considérerait que le problème décrit dans la présente demande concerne les règles de programmation, qui ne tiennent compte que des règles établies par l’expéditeur, mais qui ne tiennent pas compte de la disponibilité du destinataire prévu.

[52] Compte tenu de ce problème identifié, nous sommes d’avis que la solution concerne la programmation des livraisons qui tient compte à la fois des règles établies par l’expéditeur du service et de la disponibilité du destinataire prévu. Conformément à la présente demande, la solution particulière proposée consiste à déterminer et à communiquer au destinataire une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables pour la livraison afin que le destinataire puisse programmer la livraison du colis à l’intérieur d’une des fenêtres temporelles (présente demande, page 4, ligne 27 à la page 5, ligne 7).

[53] En examinant en deuxième lieu l’affirmation du demandeur selon laquelle le problème et la solution identifiés sont inexacts, le demandeur a soutenu dans la RRP, aux pages 12 à 14, que l’invention revendiquée fournit une solution à un problème pratique qualifié comme suit (RRP, à la page 13) :

[traduction]

Le demandeur fait respectueusement valoir que le problème pratique traité par l’invention revendiquée par le demandeur devrait être généralement reformulé comme « étant dans le domaine des systèmes automatisés de livraison de colis, dans lesquels un service de livraison de colis exploite des milliers d’itinéraires soutenus par des clients réguliers, mais qui comprennent également le fardeau des livraisons sporadiques non quotidiennes et dans lequel les itinéraires de livraison sont planifiés à l’aide d’un module d’acheminement et de programmation planification mis en œuvre par ordinateur, il est nécessaire de planifier les itinéraires et les horaires selon la disponibilité du destinataire prévu (p. ex., un consignataire). (souligné dans l’original)

[54] Bien que le demandeur propose, dans sa reformulation du problème, que le système automatisé de gestion de la livraison des colis doive être mis en évidence, nous soulignons que l’élément central de l’énoncé du problème reformulé est [traduction] « qu’il est nécessaire de planifier les itinéraires et les horaires selon la disponibilité du destinataire prévu (p. ex., un consignataire) ». Ce principe central proposé par le demandeur est compatible avec le problème que nous avons identifié ci‑dessus.

[55] Notre analyse du problème diffère quant au rôle du système automatisé de gestion de livraison de colis dans la définition du problème tel que décrit dans la présente application. Comme nous l’avons vu plus haut, la personne versée dans l’art lit le mémoire descriptif en s’attendant à ce qu’il énonce quelque chose qui va au-delà de la solution généralement connue consistant à utiliser un système automatisé de gestion du transport de produits au problème généralement connu qu’est la programmation du transport de biens et de services aux clients qui tient compte des règles établies par l’expéditeur du service. En l’occurrence, la personne versée dans l’art ne considérerait pas le système automatisé de gestion du transport des produits comme faisant partie du problème à résoudre. Le système automatisé de gestion du transport de produits fournit plutôt l’environnement de travail ou le contexte dans lequel le problème est exposé. La reformulation du problème ci-dessus, précédée par [traduction] « étant dans le domaine des systèmes automatisés de livraison de colis », confirme un tel contexte. Le problème à résoudre existe même sans le système automatisé de gestion du transport des produits et concerne les règles de programmation qui ne tiennent compte que des règles établies par l’expéditeur, mais ne tiennent pas compte de la disponibilité du destinataire prévu.

[56] Bref, compte tenu de notre analyse ci‑dessus, nous estimons que le problème tel qu’il est considéré par la personne versée dans l’art concerne la nécessité de programmer la livraison de services ou d’articles, comme la livraison d’un colis, qui doivent être fournis de façon générale non seulement selon les règles établies par l’expéditeur du service, comme un consignateur, mais aussi selon que le destinataire prévu, comme un consignataire, soit disponible pour recevoir et utiliser le service ou l’article livré.

[57] Nous sommes également d’avis que la solution telle que la personne versée dans l’art la perçoit consiste à déterminer et de communiquer au destinataire une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables pour la livraison afin que le destinataire puisse programmer la livraison à l’intérieur d’une des fenêtres temporelles.

Éléments essentiels

[58] Aux pages 9 à 11, la lettre de RP précisait les éléments essentiels en tant qu’éléments indispensables à l’obtention de la solution divulguée, conformément aux revendications :

[traduction]

Aux pages 4 et 5 de la DF, les éléments essentiels étaient les suivants :

D’après l’interprétation téléologique, les éléments essentiels des revendications indépendantes qui résolvent ce problème sont constitués de ce qui suit :

• recevoir, d’un expéditeur, des données associées aux renseignements sur la livraison et une demande de livraison pour qu’un article soit livré à un destinataire à un niveau de service déterminé;

• utiliser lesdites données associées auxdits renseignements de livraison et à ladite demande de livraison pour déterminer (i) si ladite livraison nécessite de s’écarter d’un itinéraire de livraison prévu, ledit itinéraire de livraison prévu comprenant une pluralité d’arrêts réguliers et un chemin déterminé au préalable s’étendant entre lesdits arrêts réguliers selon un horaire prévu; et (ii) s’il existe, indépendamment des paramètres dudit niveau de service, une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables à l’intérieur desquelles le coût de livraison de cet article au destinataire est égal ou inférieur à un seuil de coût déterminé au préalable;

• après qu’il soit déterminé que i) ladite livraison nécessite de s’écarter dudit itinéraire de livraison prévu et ii) qu’il existe une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables, transmettre un message indiquant que ledit destinataire peut programmer la livraison dudit colis audit destinataire à l’intérieur d’une ou de plusieurs desdites fenêtres temporelles rentables;

• et, facultativement, après que le destinataire sélectionne une fenêtre temporelle rentable, programmer le service de livraison en conséquence.

[…]

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que les éléments essentiels des revendications 1 à 26, d’après l’interprétation téléologique, sont tels qu’ils sont précisés dans la DF, c’est-à-dire les étapes et les règles visant à déterminer et à communiquer au destinataire une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables pour la livraison afin que le destinataire puisse programmer la livraison à l’intérieur d’une des fenêtres temporelles.

[59] Le demandeur a fait valoir, aux pages 14 à 20 de la RRP, que les dispositifs informatiques (p. ex., le dispositif d’acquisition de données, le serveur de programmation des livraisons, le système de communication) tels qu’ils sont mentionnés dans les revendications au dossier (et de façon analogue au deuxième ensemble de revendications proposées) sont essentiels pour fournir une solution à un problème pratique tel qu’il est reformulé par le demandeur. En particulier, le demandeur a soutenu ceci dans la RRP, à la page 17 :

[traduction]

En fait, la solution du demandeur repose sur la modification et/ou l’amélioration du module d’acheminement et de programmation mis en œuvre par ordinateur dans l’ensemble du système intégré afin de permettre la planification des livraisons qui nécessitent de s’écarter de l’itinéraire de livraison prévu. À ce titre, le module d’acheminement et de programmation mis en œuvre par ordinateur est essentiel à la solution.

[60] De plus, le demandeur a fait valoir, à la page 18 de la RRP, que le système mis en œuvre par ordinateur est essentiel pour régler certains aspects d’un problème pratique tel qu’il a été reformulé par le demandeur, par exemple, en programmant un grand nombre d’itinéraires de façon rentable et en communiquant automatiquement au destinataire les fenêtres temporelles rentables permettant de sélectionner une fenêtre temporelle souhaitée.

[61] En ce qui concerne les arguments du demandeur selon lesquels les éléments mis en œuvre par ordinateur sont essentiels face à un problème pratique, le Comité fait remarquer que, selon Amazon.com, une idée abstraite qui est réalisée en la programmant dans un ordinateur au moyen d’une formule ou d’un algorithme ne devient pas un objet brevetable « du simple fait qu’elle est une concrétisation pratique ou qu’elle présente une application pratique » (Amazon.com, au par. 61).

[62] Dans la présente application, les étapes et les règles pour déterminer et communiquer au destinataire une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables pour une livraison sont analogues à [traduction] l’« idée abstraite » d’Amazon.com qui est mise en œuvre dans le système mis en œuvre par ordinateur précisé. Ainsi, selon Amazon.com, un tel mode de réalisation pratique ne rend pas brevetables les étapes et les règles abstraites qui servent à obtenir la solution identifiée telle qu’elle est revendiquée.

[63] Le demandeur a également fait valoir dans la RDF, aux pages 6 à 12, et dans la RRP, aux pages 19 et 20, que les dispositifs informatiques précisés dans les revendications sont essentiels aux revendications au dossier, car tout moyen de substitution aurait un effet important sur l’invention revendiquée. Plus particulièrement, le demandeur a soutenu dans la RDF, aux pages 4 et 5 et 13 et 14, que la mention dans la DF d’une solution de rechange non informatisée à une caractéristique, telle qu’elle est décrite dans la présente demande, ni n’annule le mode de réalisation précisé dans la revendication ni ne fournit de preuve que d’autres caractéristiques revendiquées ont des solutions de rechange non informatisées.

[64] Comme on l’explique dans la lettre de RP à la page 10, l’utilisation d’appareils de communication, d’Internet et d’autres éléments physiques mis en œuvre par ordinateur ne concerne pas le problème et la solution tels qu’ils sont identifiés ci-dessus. La présente application propose de résoudre un problème selon lequel les services sont généralement programmés selon les règles établies par l’expéditeur, mais aussi selon la disponibilité du destinataire prévu. La présente demande ni ne propose ni ne fournit de détails de mise en œuvre pour résoudre un problème de calcul automatique des données ou de communication d’information à partir d’un seul appareil. Par conséquent, l’utilisation des éléments physiques mis en œuvre par ordinateur qui sont précisés peut faire partie du contexte ou de l’environnement de travail de l’invention, mais il ne s’agit pas d’éléments essentiels de l’invention en soi. Comme l’indique le RPBB à la section 12.02.02e, certains éléments d’une revendication définissent le contexte ou l’environnement d’un mode de réalisation spécifique sans réellement changer la nature de la solution au problème.

[65] Le demandeur a en outre soutenu, à la page 14 de la RDF, que la rétroaction [traduction] « en temps réel » alléguée comprend la transmission et la réception de renseignements entre ordinateurs distincts, ce qui indique que l’ordinateur est essentiel, conformément aux conclusions énoncées dans les décisions du commissaire Re Demande de brevet de RPX no 2 222 229 (2013), D.C. 1341 (Commissaire aux brevets) [RPX] et Re Demande de brevet de eBay no 2 263 903 (2014), 127 C.P.R. (4th) 215, D.C. 1369 (Commissaire aux brevets) [eBay].

[66] Comme l’explique le RPBB à la section 12.02.02d, une interprétation téléologique bien éclairée doit tenir compte de la demande dans son ensemble – y compris le problème abordé par la demande et sa solution. Tel qu’il est mentionné ci-dessus, dans la présente demande et tel que reconnu par le demandeur, le problème ne vise pas la rétroaction [traduction] « en temps réel », mais plutôt les règles utilisées pour programmer la livraison de services ou d’articles. Par conséquent, les éléments précisés qui sont allégués par le demandeur pour traiter la rétroaction [traduction] « en temps réel » ne sont pas considérés comme essentiels.

[67] En outre, comme l’explique le RPBB à la section 12.02.02d, l’interprétation téléologique « ne peut reposer seulement sur l’interprétation littérale » des revendications. La forme du libellé revendiqué choisi par l’inventeur ne peut l’emporter sur toutes les autres considérations pendant l’interprétation téléologique des revendications. Contrairement à la présente demande, les problèmes abordés par les inventions dans les cas cités concernent le fonctionnement de systèmes informatisés physiques, et leurs inventions comptent donc parmi leurs éléments essentiels des composantes physiques – et prévues par la loi – informatisées (RPX, aux paragraphes 77 à 78; eBay, aux paragraphes 33 et 34).

[68] À la lumière de notre analyse ci‑dessus, notre opinion est que les éléments essentiels des revendications 1 à 26 au dossier, d’après l’interprétation téléologique, sont tels qu’ils sont précisés dans la DF, conformément aux constatations de la DF, c’est-à-dire les étapes et les règles visant à déterminer et à communiquer au destinataire une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables pour la livraison afin que le destinataire puisse programmer la livraison à l’intérieur d’une des fenêtres temporelles :

  • recevoir, d’un expéditeur, des données associées aux renseignements sur la livraison et une demande de livraison pour qu’un article soit livré à un destinataire à un niveau de service déterminé;

  • utiliser lesdites données associées auxdits renseignements de livraison et à ladite demande de livraison pour déterminer (i) si ladite livraison nécessite de s’écarter d’un itinéraire de livraison prévu, ledit itinéraire de livraison prévu comprenant une pluralité d’arrêts réguliers et un chemin déterminé au préalable s’étendant entre lesdits arrêts réguliers selon un horaire prévu; et (ii) s’il existe, indépendamment des paramètres dudit niveau de service, une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables à l’intérieur desquelles le coût de livraison de cet article au destinataire est égal ou inférieur à un seuil de coût déterminé au préalable;

  • après qu’il soit déterminé que i) ladite livraison nécessite de s’écarter dudit itinéraire de livraison prévu et ii) qu’il existe une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables, transmettre un message indiquant que ledit destinataire peut programmer la livraison dudit colis audit destinataire à l’intérieur d’une ou de plusieurs desdites fenêtres temporelles rentables;

  • facultativement, après que le destinataire sélectionne une fenêtre temporelle rentable, programmer le service de livraison en conséquence.

Objet non prévu par la loi

[69] À la page 5 de la DF, il est conclu que les éléments essentiels des revendications au dossier sont [traduction] « considérés comme une idée abstraite comprenant un ensemble de règles administratives qui ne satisfont pas en soi aux exigences de l’article 2 de la Loi sur les brevets ».

[70] Le demandeur a fait valoir, à la page 17 de la RRP, que [traduction] « la reconnaissance du fait que la solution doit être mise en œuvre par l’exploitation d’un système de gestion de livraison de colis mis en œuvre par ordinateur formé d’une combinaison d’éléments mis en œuvre par ordinateur est suffisante pour conclure que les éléments mis en œuvre par ordinateur qui sont précisés sont essentiels et que la revendication vise un objet admissible à un brevet en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets (comme une machine, un procédé ou une réalisation) ».

[71] Étant donné que nous déterminons que les éléments essentiels des revendications au dossier visent un schéma, c’est-à-dire les étapes et les règles visant à déterminer et communiquer au destinataire une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables pour une livraison afin que le destinataire puisse programmer la livraison du colis à l’intérieur d’une des fenêtres temporelles, nous sommes d’avis que, tel qu’il est conclu dans la lettre de RP (et aussi dans la DF et le RM), les revendications 1 à 26 au dossier ne définissent pas l’objet prévu par la loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[72] Un deuxième ensemble de revendications proposées 1 à 26 a été transmis par le demandeur avec la RRP. Conformément à l’alinéa 86(7)b) des Règles sur les brevets, ces revendications n’ont pas été entrées en tant que modification. Toutefois, conformément au paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, si, au terme de sa révision d’une demande refusée, le commissaire conclut qu’elle n’est pas conforme à la Loi sur les brevets ou aux Règles sur les brevets, mais que des modifications particulières sont nécessaires, il avise le demandeur qu’il doit apporter ces modifications.

[73] Étant donné que le deuxième ensemble de revendications proposées pourrait être envisagé pour une modification s’il était déterminé qu’il corrigeait l’irrégularité de l’objet non visé par la loi indiquée ci‑dessus et qu’il ne présentait pas d’autres irrégularités, le Comité donne son avis sur le deuxième ensemble de revendications proposées.

[74] Tel qu’il est expliqué dans la RRP aux pages 15 et 16, le deuxième ensemble de revendications proposées proposait des modifications aux revendications indépendantes afin de préciser explicitement un module d’acheminement et de programmation mis en œuvre par ordinateur utilisé pour déterminer l’itinéraire de livraison prévu et pour déterminer les fenêtres temporelles rentables.

[75] Le Comité fait observer que les modifications proposées ne font que raffiner le système mis en œuvre par ordinateur précisé, sans toutefois changer nos opinions sur le problème, la solution et les éléments essentiels identifiés pour les revendications au dossier. Étant donné que nous considérons que le problème, la solution et les éléments essentiels du deuxième ensemble de revendications proposées sont identiques à ceux identifiés dans l’analyse ci‑dessus en ce qui concerne les revendications au dossier, nous sommes d’avis que les éléments essentiels du deuxième ensemble de revendications proposées visent également un schéma, c’est-à-dire les étapes et les règles pour déterminer et communiquer au destinataire une ou plusieurs fenêtres temporelles rentables de livraison afin que le destinataire puisse programmer la livraison du colis à l’intérieur d’une des fenêtres temporelles.

[76] Par conséquent, pour les raisons énoncées ci-dessus, nous sommes d’avis que le deuxième ensemble de revendications proposées 1 à 26 définirait un objet non prévu par la loi et n’est donc pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. À ce titre, ces revendications ne corrigent pas l’irrégularité non prévue par la loi relativement aux revendications au dossier et ne sont donc pas « nécessaires » pour assurer la conformité avec la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Conclusions

[77] Cette révision a permis de déterminer que les revendications 1 à 26 au dossier définissent un objet qui va au-delà de la définition d’« invention », de sorte que les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[78] Nous avons également déterminé que le deuxième ensemble de revendications proposées 1 à 26 ne permet pas de corriger l’irrégularité non prévue par la loi et que, par conséquent, le deuxième ensemble de revendications proposées ne constitue pas une modification spécifique « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[79] Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications 1 à 26 au dossier définissent un objet qui va au-delà de la définition d’« invention » et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[80] De plus, le deuxième ensemble de revendications proposées ne permet pas de corriger l’irrégularité non prévue par la loi, et le Comité refuse donc de recommander l’introduction de ces revendications, étant donné qu’elles ne constituent pas une modification spécifique « nécessaire » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Lewis Robart

Marcel Brisebois

Minghui Shi

Membre

Membre

Membre


 

Décision de la commissaire

[81] Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission selon laquelle la demande devrait être rejetée au motif que les revendications 1 à 26 au dossier définissent un objet qui va au-delà de la définition d’« invention » et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[82] Par conséquent, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. En vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

ce 11e jour de mai 2020

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