Brevets

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Référence : F. Hoffmann-La Roche AG (Re), 2020 CACB 9

Décision du commissaire no 1529

Commissioner’s Decision #1529

Date : 05-05-2020

SUJETS :

J00

(Signification de la technique)

 

J50

(Simple plan)

TOPIC:

J00

(Meaning of Art)

 

J50

(Mere Plan)

Demande no 2 701 078

Application No. : 2,701,078


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423], dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 701 078 a fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets [DORS/2019-251]. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

BORDEN LADNER GERVAIS LLP

World Exchange Plaza

100, rue Queen, bureau 1300

Ottawa (Ontario) K1P 1J9


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 701 078 intitulée « DÉTERMINATION D’UN PIC DE TEMPÉRATURE DE FUSION UNIQUE PAR ANALOGIE DE LA PCR ET ÉQUATION SIGMOÏDE DOUBLE » et qui appartient à F. Hoffmann-La Roche AG. L’irrégularité qui subsiste est liée à la question de savoir si l’objet des revendications au dossier est exclu de la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets. La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-après, la recommandation de la Commission est de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[2] La demande de brevet 2 701 078 a été déposée au Canada le 15 avril 2010 et est devenue accessible au public le 17 octobre 2010.

[3] L’objet revendiqué de la demande concerne les méthodes servant à déterminer la température de fusion (Tm) de l’ADN en fonction de données d’une courbe de fusion dérivée de l’amplification de la réaction en chaîne de la polymérase (PCR).

Historique de la demande

[4] Le 20 octobre 2017, une décision finale (la DF) a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets (DORS/96-423) dans sa version antérieure au 30 octobre 2019 (les anciennes règles). Dans la DF, il est expliqué que les éléments essentiels des revendications au dossier équivalent à une idée abstraite et désincarnée, et donc, visent un objet qui est exclu de la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[5] Dans une réponse à la DF (la RDF) en date du 18 avril 2017, le demandeur a présenté des arguments expliquant en quoi l’objet des revendications au dossier ne se prêtait pas à objection pour les motifs exposés dans la DF.

[6] Comme les arguments du demandeur n’ont pas convaincu l’examinateur, la demande et le résumé des motifs (le RM) ont été transmis à la Commission aux fins de révision. Le RM soutenait que les revendications au dossier visent un objet qui est exclu de la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Dans une lettre en date du 7 août 2018, la Commission a envoyé une copie du RM au demandeur.

[7] Le présent Comité a été constitué dans le but de réviser la demande, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets, et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. Dans une lettre de révision préliminaire en date du 10 janvier 2020 (la lettre de RP), nous avons donné l’opinion préliminaire que les revendications au dossier visent un objet exclu de la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[8] Dans la lettre de RP, le demandeur a également été invité à présenter des observations écrites supplémentaires et à participer à une audience en réponse à la révision préliminaire du Comité, s’il le souhaite.

[9] Dans une lettre de réponse en date du 24 janvier 2020, le demandeur a indiqué qu’il ne souhaitait pas participer à une audience et qu’aucune observation écrite ne serait fournie.

Questions

[10] À la lumière de ce qui précède, les questions suivantes doivent être examinées dans le cadre de la présente révision :

  • si les revendications 1 à 11 au dossier en date du 6 octobre 2016 visent un objet qui est exclu de la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du bureau

Interprétation téléologique

[11] Les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications. L’exercice est effectué du point de vue de la personne versée dans l’art (PVA) en considérant l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins : Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World]; Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67, aux al. 49f) et g) et au par. 52 [Whirlpool]. Tel qu’il est indiqué à la section 12.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB], la première étape de l’interprétation téléologique des revendications d’une demande de brevet consiste à identifier la PVA et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée.

Objet prévu par la Loi

[12] La définition d’« invention » est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

[I]nvention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[13] Suite à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Amazon.com inc., 2011 CAF 328 [Amazon.com], le Bureau des brevets a publié un énoncé de pratique, « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » – PN 2013-03 (OPIC, mars 2013) [PN 2013-03], qui clarifie la pratique du Bureau des brevets en ce qui a trait à la détermination à savoir si une invention liée à ordinateur est un objet prévu par la Loi.

[14] Conformément à la pratique du Bureau des brevets, l’énoncé PN 2013-03 indique que, lorsqu’un ordinateur est jugé comme un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement brevetable. En revanche, lorsqu’il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent à de la matière exclue de la définition d’invention (par exemple, une simple idée, un schéma, une série de règles), l’objet revendiqué ne sera pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Observations du demandeur sur la pratique du Bureau des brevets en matière d’interprétation téléologique et d’objet non prévu par la Loi

[15] Le demandeur a fait valoir dans la RDF que l’interprétation téléologique des revendications effectuée conformément à la pratique du Bureau des brevets n’est pas conforme à la jurisprudence canadienne. En résumé, le demandeur a présenté ce qui suit :

  • le principe fondamental de l’interprétation des revendications selon Free World et Whirlpool repose sur l’intention de l’inventeur quant au caractère essentiel des éléments de la revendication et la portée de la protection qui en découle.
  • l’analyse des éléments essentiels présentés dans la DF détermine l’admissibilité au brevet en fonction de ce qui a été versé aux CGC, ce qui équivaut à une « analyse par contribution » interdite;

  • la décision dans Schlumberger Canada Ltd c. Canada (Commissaire aux brevets) [1981] CF 845, 38 NR 299, 56 CPR (2e) 204 (CAF) [1982] [Schlumberger] antidate les décisions de la Cour suprême dans Free World et Whirlpool de près de 20 ans, et dans la mesure où les principes appliqués dans Schlumberger sont incompatibles aux principes énoncés dans Free World et Whirlpool, ils doivent maintenant être considérés comme renversés;

  • la proposition selon laquelle les principes d’interprétation des revendications que le Bureau des brevets doit appliquer au cours de la poursuite sont en quelque sorte différents de ceux qu’un tribunal pourrait appliquer et seraient certainement erronés;

  • le RPBB n’a, en droit, aucun effet, et ni l’examinateur ni le commissaire ne sont liés par le RPBB ou les lignes directrices figurant dans PN 2013-03 parce qu’ils ne sont pas compatibles avec la jurisprudence pertinente ou qu’ils ne l’appliquent pas.

[16] L’orientation dans le RPBB à la section 12.02 décrit l’interprétation que fait le Bureau des brevets du droit en matière de brevets au Canada relativement à l’interprétation téléologique des revendications telle qu’appliquée à l’examen d’une demande de brevet. La pratique du Bureau des brevets précise qu’une interprétation téléologique d’une revendication dûment éclairée doit tenir compte du mémoire descriptif dans son ensemble tel que le concevrait la PVA, à la lumière des CGC dans le ou les domaines dont relève l’invention, de manière à définir le problème abordé et la solution proposée dans la demande. L’identification du problème est guidée par la compréhension des CGC par l’examinateur dans l’art et par les enseignements de la description. La solution à ce problème fournit des indications qui permettent de déterminer les éléments essentiels.

[17] Tel qu’il est expliqué à la section 12.02.02e du RPBB, les éléments ayant un effet substantiel sur le fonctionnement d’une réalisation pratique donnée ne sont pas nécessairement tous essentiels à la solution; certains des éléments mentionnés définissent le contexte ou l’environnement de la réalisation, mais dans les faits ne modifient pas la nature de la solution.

[18] Le respect rigoureux d’une interprétation littérale du libellé de la revendication tel qu’utilisé par l’inventeur ne peut constituer un facteur prépondérant dans l’évaluation de la revendication d’un objet brevetable. Dans Amazon.com, aux par. 43, 44, 62 et 63, la Cour d’appel fédérale a indiqué que l’objet brevetable devait être évalué sur le fondement de l’interprétation téléologique, laquelle « nécessite que le commissaire soit attentif à la possibilité qu’une revendication du brevet puisse être exprimée dans un langage qui soit trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance ». À titre d’exemple, la Cour a cité la situation dans Schlumberger indiquant que dans le cadre d’une interprétation appropriée, l’invention revendiquée était pour [traduction] « ce qui, à première vue, semble être la revendication d’une “réalisation” ou d’un “procédé” peut, dans le cadre d’une interprétation appropriée, constituer la revendication d’une formule mathématique et, par conséquent, ne pas constituer un objet brevetable » et mentionnant le fait que la formule mathématique avait été programmée dans un ordinateur.

Analyse

Interprétation téléologique

La PVA et les CGC pertinentes

[19] La DF a identifié la PVA et les CGC pertinentes comme suit :

[traduction]

La personne versée dans l’art auquel la demande s’adresse peut être qualifiée d’équipe composée d’un biologiste moléculaire, d’un technicien, d’un programmeur et d’un statisticien.

La personne versée dans l’art posséderait des connaissances générales courantes de la production d’un ensemble de données d’une courbe de fusion pour un échantillon d’ADN en synthétisant ou amplifiant enzymatiquement des séquences d’acide nucléique définies, de l’utilisation d’un appareil automatisé pour une telle production de données, des données générées par cet appareil, des méthodes de traitement et de correction des données statistiques, ainsi que de la programmation informatique.

[20] Dans la lettre de RP, nous avons adopté ces caractéristiques aux fins de notre révision préliminaire. Puisqu’aucune autre observation n’a été fournie par le demandeur, nous les adoptons aux fins de la présente révision finale.

Le problème à résoudre et la solution proposée

[21] La DF a cerné le problème à résoudre et la solution proposée comme suit :

[traduction]

La personne versée dans l’art, ayant lu le cahier des charges et eu égard à ses connaissances générales communes (CGC), considérerait que le problème traité par l’invention revendiquée est la nécessité d’une méthode améliorée de détermination de la température de fusion de l’ADN.

La personne versée dans l’art, après avoir lu le mémoire descriptif et à la lumière de ses CGC, considérerait que la description fournit la solution en déterminant numériquement une expression analytique qui correspond à un ensemble de données de courbe de fusion, dans lequel l’expression analytique est déterminée en calculant une approximation d’une courbe qui correspond à l’ensemble de données en appliquant un processus de régression à une double fonction sigmoïde, en déterminant une courbe dérivée et en déterminant une valeur maximale de la courbe dérivée comme température de fusion de l’échantillon d’ADN.

[22] À la page 2 de la RDF, le demandeur a fait référence aux motifs exposés dans les observations précédentes, en particulier les observations du demandeur en date du 10 juillet 2017. Dans ces observations du 10 juillet 2017, aux pages 12 à 13, le demandeur a soutenu que le problème abordé par les inventeurs était de savoir comment fournir une technologie pratique et viable pour déterminer la température de fusion d’un échantillon d’oligonucléotides. Selon le demandeur, la solution correspondante réside dans la configuration spécifique et concrète de la technologie informatique pour permettre une détermination en temps réel, précise et efficace de la température de fusion d’un échantillon d’oligonucléotides. Une telle solution repose nécessairement sur l’utilisation de l’ordinateur physique, puisque les résultats pratiques définis ne seraient pas réalisables autrement et qu’il est certain que d’autres moyens d’atteindre les résultats définis introduiront des inefficiences et des erreurs.

[23] Dans la lettre de RP, nous avons énoncé ce qui suit en ce qui a trait aux observations du demandeur et notre opinion préliminaire sur le problème à résoudre et la solution proposée :

[traduction]

Avec égards, nous ne sommes pas d’accord. Après avoir examiné l’ensemble du mémoire descriptif, nous sommes d’opinion préliminaire que le problème à résoudre est le besoin d’une méthode améliorée pour déterminer la température de fusion d’un échantillon d’oligonucléotide de données de la courbe de fusion.

En ce qui concerne l’aspect « en temps réel » des méthodes et systèmes divulgués, nous sommes d’opinion préliminaire que l’expression « en temps réel » a uniquement trait à l’étape d’acquisition de l’ensemble de données au moyen d’un appareil d’amplification de la PCR en temps réel plutôt qu’au traitement de l’ensemble de données pour déterminer la température de fusion. Dans le contexte où le processus de production d’un ensemble de données d’une courbe de fusion est réalisé au moyen d’un appareil d’amplification de la PCR, le mémoire descriptif divulgue que les étapes de manipulation des données doivent être effectuées sur un ensemble de données représentant une courbe de fusion, c’est-à-dire, qu’elles doivent être effectuées après que l’ensemble de données représentant la courbe de croissance a été obtenu plutôt que calculé pendant l’étape d’acquisition de l’ensemble de données (voir les pages 9 et 10). Par conséquent, nous sommes d’opinion, à titre préliminaire, qu’un tel problème ne soit pas un problème en ce qui a trait à la façon dont un ensemble de données représentant une courbe de fusion a été acquis (c’est-à-dire, en temps réel ou non) ou selon lequel les moyens d’effectuer avec précision des calculs complexes en temps réel seraient pertinents pour résoudre le problème.

En ce qui concerne maintenant la solution correspondante, notre opinion préliminaire est que la solution proposée intégrée à l’objet revendiqué consiste à déterminer une expression analytique qui correspond à l’ensemble de données et de profiter d’algorithmes précédents conçus afin de traiter et d’analyser l’ensemble de données de la courbe de la PCR afin de déterminer la température de fusion de l’échantillon d’oligonucléotide, une méthode qui comprend l’utilisation d’un schéma particulier d’étapes de manipulation mathématique (c’est-à-dire, un flux de travail algorithmique) (voir la page 3, 1er et 2e paragraphes).

[24] Puisqu’aucune autre observation n’a été fournie par le demandeur, nous maintenons par conséquent nos opinions préliminaires au sujet du problème à résoudre et de la solution correspondance aux fins de la présente révision finale.

Les éléments essentiels permettant de résoudre le problème défini

[25] Il y a 11 revendications au dossier. La méthode de la revendication 1 est l’unique revendication indépendante. La revendication 1 est formulée comme suit :

[traduction]

1. Une méthode mise en œuvre par ordinateur pour déterminer la température de fusion, Tm, de l’ADN, la méthode comprenant :

a) la synthèse ou l’amplification enzymatique des séquences d’acide nucléique définies;

b) la production, avec un système informatique comprenant un processeur, une courbe de fusion de synthèse ou l’amplification de ladite séquence d’acide nucléique définie en :

– modifiant la température dudit acide nucléique synthétisé ou amplifié sur une plage de températures en présence d’au moins un colorant d’ADN spécifique à doubles brins ou d’au moins un oligonucléotide étiqueté et en mesurant le changement de fluorescence; en déterminant la température de fusion, Tm, de la séquence d’acide nucléique définie au moyen d’étapes de manipulation des données mises en œuvre par ordinateur, desdites étapes de manipulation des données mises en œuvre par ordinateur comprenant :

o la réception sur le système informatique d’un ensemble de données représentant une courbe de fusion pour un échantillon d’ADN, l’ensemble de données comprenant une pluralité de points de données représentés comme une séquence de valeurs de données {(X1,Y1), (X2,Y2)...(Xn-1,Yn-1), (Xn,Yn)}, où X représente une valeur de température (T) et Y une valeur d’intensité de fluorescence;

o la détermination au moyen d’un système informatique d’une expression analytique qui correspond à l’ensemble de données, dans lequel l’expression analytique est déterminée par le système informatique en calculant une approximation d’une courbe qui correspond à l’ensemble de données en appliquant un processus de régression à une double fonction sigmoïde afin de déterminer les paramètres de la double fonction sigmoïde ayant la forme dans laquelle a, b, c, d, e, f et g sont les paramètres;

o la détermination d’une courbe dérivée au moyen du système informatique en prenant la dérivée de l’expression analytique par rapport à X;

o la détermination de la valeur Xmax correspondant à une valeur dérivée maximale (dY/dX) de la courbe dérivée au moyen du système informatique;

– l’enregistrement ou l’affichage de la valeur Xmax, dans laquelle la valeur Xmax représente une température de fusion, Tm, de l’échantillon d’ADN.

[26] Aux pages 2 à 3 de la DF, les éléments essentiels ont été identifiés comme des étapes précises d’analyse de données, sans les éléments physiques de l’ordinateur.

[27] Dans les observations en date du 10 juillet 2017 aux pages 12 à 13, le demandeur a soutenu que les éléments d’ordinateur physique mentionnés dans les revendications sont essentiels parce que les résultats pratiques dans les applications en temps réel ne seraient pas autrement réalisables et que l’omission des agents physiques et des entités revendiquées obligerait nécessairement l’invention revendiquée à ne pas fonctionner de la même manière, de sorte que les entités physiques revendiquées sont essentielles selon Free World. De plus, le demandeur soutient que la performance de la détermination de la température de fusion d’un échantillon d’oligonucléotides par les esprits humains serait non seulement impraticable, mais qu’elle introduise assurément inefficacité et erreur.

[28] Dans la lettre de RP, nous n’étions pas d’accord avec les observations du demandeur et nous avons exprimé ce qui suit en ce qui a trait aux éléments essentiels des revendications au dossier :

[traduction]

Comme il est exposé ci-dessus, notre opinion préliminaire est que le problème cerné est le besoin d’une méthode améliorée pour déterminer la température de fusion d’un échantillon d’oligonucléotide de données de la courbe de fusion. Dans la demande, il n’est pas proposé de résoudre un problème lié au traitement et au calcul rapides de données de façon exacte. Il ne s’agit pas d’un problème qui devait être réglé pour mettre en œuvre et mettre en pratique l’objet revendiqué, puisque tout système informatique conventionnel ou tout dispositif de traitement de données peut être utilisé (voir les pages 14 et 15 de la description ainsi que les figures 10 et 11). Par conséquent, l’utilisation des éléments informatiques mentionnés peut faire partie du contexte ou de l’environnement de fonctionnement de l’invention, comme c’est le cas pour le dispositif thermocycleur cinétique utilisé afin de produire l’ensemble de données, mais ils ne constituent pas des éléments essentiels de l’invention revendiquée en soi. Tel qu’il est énoncé à la section 12.02.02e du RPBB, les éléments qui ont un effet substantiel sur le fonctionnement d’une réalisation donnée ne sont pas nécessairement tous essentiels à la solution fournie par l’invention revendiquée.

Compte tenu de la solution indiquée ci-dessus, notre opinion préliminaire est que la PVA comprendrait que les éléments informatiques et que le dispositif thermocycleur cinétique qui sont mentionnés dans la revendication représentative 1 ne sont pas des éléments essentiels à la solution identifiée, puisqu’ils ne sont pas nécessaires pour la résolution réussie du problème identifié.

Bien que les revendications dépendantes contiennent des caractéristiques supplémentaires, notre opinion préliminaire concernant la revendication représentative 1 s’applique également aux revendications dépendantes : les éléments informatiques ne sont pas considérés comme essentiels pour les revendications dépendantes, puisqu’ils ne font pas partie de la solution identifiée au problème identifié.

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que les éléments essentiels des revendications au dossier, tel qu’il a été interprété de manière téléologique, sont les étapes de manipulation des données pour déterminer la température de fusion d’un échantillon d’oligonucléotide de données de la courbe de fusion.

• la réception d’un ensemble de données représentant une courbe de fusion pour un échantillon d’ADN, l’ensemble de données comprenant une pluralité de points de données représentés comme une séquence de valeurs de données {(X1,Y1), (X2,Y2)...(Xn-1,Yn-1), (Xn,Yn)}, où X représente une valeur de température (T) et Y une valeur d’intensité de fluorescence;

• la détermination d’une expression analytique qui correspond à l’ensemble de données, dans lequel l’expression analytique est déterminée par le système informatique en calculant une approximation d’une courbe qui correspond à l’ensemble de données en appliquant un processus de régression à une double fonction sigmoïde afin de déterminer les paramètres de la double fonction sigmoïde ayant la forme dans laquelle a, b, c, d, e, f et g sont les paramètres;

• la détermination d’une courbe dérivée au moyen du système informatique en prenant la dérivée de l’expression analytique par rapport à X;

• la détermination de la valeur maximale X correspondant à une valeur dérivée maximale (dY/dX) de la courbe dérivée au moyen du système informatique;

• la détermination, pour chaque groupe, d’un rapport de la pente de ce groupe avec la pente d’un groupe adjacent; et l’enregistrement ou l’affichage de la valeur Xmax, où la valeur Xmax représente une température de fusion, Tm, de l’échantillon d’ADN.

[29] Puisqu’aucune autre observation n’a été fournie par le demandeur, nous maintenons par conséquent nos opinions préliminaires au sujet des éléments essentiels des revendications au dossier aux fins de la présente révision finale.

Objet prévu par la Loi

[30] La position du demandeur selon laquelle les revendications visent un objet prévu par la Loi est fondée sur les observations utilisant les éléments d’ordinateur physique et la production d’effets physiques par l’utilisation d’un dispositif thermocycleur cinétique qui sont des éléments essentiels revendiqués pour résoudre le problème avec lesquels sont aux prises les inventeurs (voir les observations en date du 10 juillet 2017 aux pages 13 et 14).

[31] Comme nous l’avons déjà mentionné, aucune autre observation n’a été présentée par le demandeur et nous maintenons l’opinion exprimée dans la lettre de RP selon laquelle les éléments informatiques et le dispositif thermocycleur cinétique ne sont pas essentiels; ce qui est essentiel est l’utilisation d’un schéma particulier impliquant des étapes de manipulation mathématique (c’est-à-dire, un flux de travail algorithmique) pour déterminer la température de fusion d’un échantillon d’oligonucléotides à partir des données de la courbe de fusion.

[32] Par conséquent, nous croyons que les revendications au dossier visent un objet qui est exclu de la définition d’une « invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.


 

Recommandation de la commission

[33] Pour les motifs exposés ci-dessus, le Comité recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications au dossier définissent un objet non prévu par la Loi et qui, par conséquent, n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Marcel Brisebois

Leigh Matheson

Lewis Robart

Membre

Membre

Membre

Décision de la commissaire

[34] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[35] En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

ce 5e jour de mai 2020

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