Brevets

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Référence : BlackRock Fund Advisors (Re), 2020 CACP 6

Décision du commissaire no 1526

Commissioner’s Decision #1526

Date : 30-04-2020

SUJET :

J00

Signification de la technique

 

J40

Processus psychologique

TOPIC:

J00

Meaning of Art

 

J40

Mental Steps


Demande no 2 848 479


Application No. : 2,848,479


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423] dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les « anciennes règles »), la demande de brevet numéro 2 848 479 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets [DORS/2019-251] (« Règles sur les brevets »). La recommandation de la Commission et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

SMART & BIGGAR LLP

250, avenue University, 5e étage

TORONTO (Ontario) M5H 3E5


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 848 479 (la « présente demande »), intitulée « PANIERS PERSONNALISES POUR FONDS NEGOCIES EN BOURSE » et qui appartient à BLACKROCK FUND ADVISORS (le « demandeur »). La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci‑dessous, nous recommandons à la commissaire aux brevets de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[2] La présente demande a été déposée au Canada le 4 avril 2014. Elle est devenue accessible au public aux fins d’inspection le 27 juin 2015.

[3] La présente demande concerne les fonds négociés en bourse, lesquels sont des fonds de placement conçus habituellement pour suivre un indice boursier, comme un indice d’obligations. En général, un « panier » prédéterminé de titres qui sont sélectionnés par un administrateur de fonds peut être échangé pour des parts dans de tels fonds. Bien que de tels fonds peuvent suivre un indice boursier, le panier de titres en général n’inclut pas tous les titres qui forment l’indice boursier. La présente demande propose une méthode où un groupe de titres reçus d’un investisseur potentiel, qui peut inclure des titres qui font partie de l’indice boursier, mais qui ne font pas partie du panier prédéterminé de l’administrateur du fonds, peut être utilisé pour créer un panier sur mesure pour cet investisseur en fonction d’une évaluation de la valeur et du risque pour le fonds en général.

Historique de la poursuite

[4] Le 5 juin 2017, une décision finale (« DF ») a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des anciennes règles. La DF indiquait que la présente demande est irrégulière aux motifs que toutes les revendications 1 à 31 au dossier au moment de la rédaction de la DF (les « revendications au dossier ») visaient un objet non prévu par la Loi et, par conséquent, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[5] Dans une réponse à la DF (« RDF ») en date du 5 décembre 2017, le demandeur a présenté les revendications proposées 1 à 31 (les « revendications proposées ») qui comprenaient des modifications aux revendications indépendantes au dossier. Le demandeur a également proposé des modifications à la description afin de tenir compte de la nouvelle formulation proposée des revendications. Des arguments en faveur de la brevetabilité des revendications au dossier, ainsi que des revendications proposées, ont été présentés.

[6] L’examinateur ayant jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets, en vertu de l’alinéa 30(6)c) des anciennes règles, le 12 février 2018, la demande a été transmise à la Commission pour révision, accompagnée d’une explication énoncée dans un résumé des motifs (« RM »). Le RM indique la position selon laquelle les revendications au dossier étaient toujours considérées comme irrégulières puisqu’elles visent un objet non prévu par la Loi. Le RM indiquait également que les revendications proposées ne corrigeaient pas l’irrégularité qu’elles visent un objet non prévu par la Loi.

[7] Dans une lettre en date du 15 février 2018, la Commission a transmis au demandeur une copie du RM et lui a demandé de confirmer qu’il souhaitait toujours la révision de la demande.

[8] Aucune réponse n’a été reçue du demandeur concernant la lettre de la Commission et le RM.

[9] Le présent comité (le « Comité ») a été constitué dans le but de procéder à la révision de la présente demande en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets.

[10] Dans une lettre de révision préliminaire (la « lettre de RP ») en date du 13 janvier 2020, le Comité a exposé son analyse préliminaire de la question de l’objet prévu par la Loi au regard des revendications au dossier et des revendications proposées. Le Comité a également donné au demandeur une occasion de présenter d’autres observations orales ou écrites.

[11] Dans une réponse en date du 30 janvier 2020, le demandeur a indiqué qu’il n’avait pas l’intention de participer à une audience, mais que des observations écrites pourraient être présentées avant la date d’échéance fixée dans la lettre de RP.

[12] Le demandeur a confirmé par courriel le 24 janvier 2020 qu’aucune observation écrite n’a été produite.

Question

[13] La question à examiner dans le cadre de la présente révision est si les revendications 1 à 31 au dossier visent un objet non prévu par la Loi.

[14] Si les revendications au dossier sont jugées irrégulières, nous pourrons examiner les revendications proposées afin de déterminer si elles constituent des modifications nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du bureau

Interprétation des revendications

[15] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67 aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52 [Whirlpool]). Tel qu’il est indiqué à la section 12.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (révisé en juin 2015) [« RPBB »], la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution préconisée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, tel qu’elle est revendiquée.

Objet prévu par la Loi

[16] La définition d’invention est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[17] L’énoncé de pratique du Bureau PN 2013-03 intitulé « Pratique dexamen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » PN 2013-03 ») clarifie la pratique d’examen en ce qui a trait à l’approche du Bureau aux inventions mises en œuvre par ordinateur.

[18] Comme l’indique l’énoncé PN 2013-03, la pratique du Bureau indique que lorsqu’il appert qu’un ordinateur constitue un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement prévu par la Loi. En revanche, lorsqu’il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent à des éléments exclus de la définition d’invention (par exemple, les beaux-arts, des méthodes de traitement médical, des caractéristiques sans présence physique ou des revendications où la matière est une simple idée, un schéma, une série de règles), l’objet revendiqué ne sera pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Analyse

Interprétation des revendications

Observations concernant la pratique du Bureau

[19] Dans la lettre de RP, aux pages 3 et 4, nous avons abordé les observations du demandeur dans la RDF concernant la validité de l’approche du Bureau des brevets sur l’interprétation téléologique :

[traduction]

Dans la RDF, aux pages 7 à 14, le demandeur a présenté les arguments que l’approche du Bureau sur l’interprétation téléologique n’était pas appuyée par la jurisprudence canadienne, renvoyant aux arrêts de la Cour suprême du Canada dans FreeWorldTrust et Whirloppol, soulignant l’importance du critère de l’effet matériel et de l’intention de l’inventeur pour déterminer le caractère essentiel des éléments d’une revendication. Le demandeur a également renvoyé à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Amazon.com, inc., 2011 CAF 328 [Amazon.com] afin d’appuyer l’allégation que les principes exprimés dans FreeWorldTrust et Whirlpool doivent s’appliquer dans ce cas-ci.

L’approche à l’interprétation téléologique au cours de l’examen énoncée à la section 12.02 du RPBB représente l’interprétation du Bureau des brevets de la jurisprudence mentionnée par le demandeur précédemment. L’application de la jurisprudence est abordée aux présentes comme suit :

Dans Canada (Procureur général) c. Amazon.com Inc., la Cour d’appel fédérale a observé que, au cours de l’examen, la jurisprudence de la Cour suprême « requiert que l’identification de l’invention réelle par le commissaire soit fondée sur une interprétation téléologique des revendications du brevet ».

L’application des principes d’interprétation téléologique à l’examen d’une demande de brevet doit tenir compte du rôle d’examinateur de brevets, ainsi que du but et du contexte de l’examen.

Dans FreeWorldTrust et Whirlpool, la Cour suprême a souligné que l’interprétation téléologique est effectuée par la cour afin de déterminer de manière objective ce que la personne versée dans l’art, à la date de la publication de la demande de brevet et en fonction des mots ou des expressions en particulier utilisés dans la revendication, aurait compris comme l’intention du demandeur quant à la portée de la protection demandée pour l’invention divulguée.

La section 12.02.01 du RPBB établit les étapes à suivre pour interpréter de manière téléologique une revendication :

Lors de l’examen d’une revendication, l’examinateur doit l’interpréter de façon éclairée et en fonction de l’objet. Avant d’interpréter une revendication, l’examinateur doit :

1. Identifier la personne versée dans l’art [voir la section 12.02.02b];

2. Définir les connaissances générales courantes pertinentes de la personne versée dans l’art au moment de la publication [voir la section 12.02.02c].

Les étapes ci-dessus fournissent le contexte dans lequel la revendication doit être lue. Après avoir déterminé le contexte, l’examinateur doit :

3. Déterminer le problème abordé dans la demande et sa solution telle qu’elle est envisagée par l’inventeur [voir la section 12.02.02d];

4. Déterminer la signification des termes employés dans la revendication ainsi que les éléments de la revendication qui sont essentiels à la résolution du problème identifié [voir la section 12.02.02e].

Nous remarquons également que, à la page 6 de la RDF, le demandeur affirme que la DF a appliqué une « approche par contribution » qui a été rejetée par la Cour d’appel fédérale dans Amazon.com. Cependant, nous estimons que la DF a appliqué l’analyse par interprétation téléologique conformément à l’approche établie dans la section 12.02.01 du RPBB.

L’analyse par interprétation des revendications ci-dessous a également été menée conformément aux étapes établies à la section 12.02.01 du RPBB et nous considérons les observations du demandeur en fonction de chaque étape de l’analyse.

[20] Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, aucune observation n’a été présentée en réponse à la lettre de RP.

La personne versée dans l’art

[21] Dans la lettre de RP, à la page 4, après avoir examiné les observations du demandeur dans la RDF, nous avons accepté, à titre préliminaire, la caractérisation de la personne versée dans l’art établie dans la DF :

[traduction]

Dans la DF, à la page 2, la personne versée dans l’art a été qualifiée comme suit :

la personne versée dans l’art, qui peut être une équipe de personnes, est compétente dans le domaine des systèmes financiers qui assurent la gestion des fonds et la procédure de négociations de titres, y compris les actions, les obligations et les fonds négociés en bourse (FNB). La personne versée dans l’art est également compétente avec les technologies de l’information associées à un système de gestion des fonds, y compris les logiciels, le matériel informatique et l’architecture de réseau pour établir une connexion entre les appareils clients et les serveurs de la bourse pour mener la procédure de négociation.

Dans la RDF, à la page 5, le demandeur a clarifié qu’il n’admet d’aucune manière qu’il accepte l’interprétation téléologique énoncée dans la DF. Cependant, le demandeur n’a offert aucun argument particulier pour contester l’identification de la personne versée dans l’art.

Compte tenu du domaine de l’invention énoncé au paragraphe [0001] de la présente demande, lequel concerne la « création d’un fonds négocié en bourse (FNB) et, particulièrement, dans le but de personnaliser des paniers pour créer des parts d’un fonds négocié en bourse », ainsi que les renseignements contextuels fournis aux paragraphes [0002] à [0004], notre opinion préliminaire est que la détermination de la personne versée dans l’art /noncée dans la DF est appropriée.

[22] Puisqu’il n’y a aucune observation en réponse à la lettre de RP, nous appliquons ce qui précède dans notre analyse ci-dessous.

Les connaissances générales courantes pertinentes

[23] Dans la lettre de RP, aux pages 4 et 5, nous avons accepté, à titre préliminaire, les CGC pertinentes de la personne versée dans l’art énoncées dans la DF aux pages 2 et 3 :

[traduction]

La personne versée dans l’art possède des connaissances concernant la création de parts pour un fonds négocié en bourse (FNB) et la gestion des fonds du FNB. Dans le processus de création du FNB, l’administrateur des fonds d’un FNB publie un fichier de composition des portefeuilles (FCP) chaque jour ouvrable qui définit la création d’un panier de titres qui peuvent être échangés par un participant autorisé pour des parts nouvellement créées du FNB un tel jour ouvrable. La bourse est un marché secondaire pour le fonds, puisque les investisseurs ordinaires ne peuvent pas directement créer ou racheter les parts avec le fonds par l’entremise de la bourse (paragraphe 0002).

Selon la divulgation du système de gestion des fonds dans la présente description (paragraphes 0017 et 0045 à 0048; figure 2), le demandeur a reconnu que les appareils informatiques utilisés dans le mode de réalisation de la présente invention sont des appareils informatiques à utilisation générale qui sont connectés au système au moyen d’un réseau de communication bien connu ou d’Internet. Par conséquent, les appareils informatiques et la connexion réseau utilisés dans la mise en œuvre de l’objet revendiqué font partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.

[24] Nous établissons également les points supplémentaires suivants que nous considérons faire partie des CGC pertinentes à la lumière de la discussion de la section « Contexte » de la présente demande :

  • les FNB sont en général conçus pour suivre le rendement d’un indice boursier donné, comme un indice d’obligations;
  • la référence pour les FNB est l’indice boursier indiqué;
  • les administrateurs de FNB n’incluent habituellement pas tous les titres qui font partie d’un indice boursier lorsqu’ils sélectionnent les paniers de création (les FCP publiés quotidiennement) qui peuvent être échangés pour des parts du fonds;
  • cela crée un problème, puisque si un investisseur possède des titres qui correspondent à la référence pour un fonds, mais qui ne sont pas dans le panier de création du FNB indiqué par le FCP publié, l’investisseur ne peut pas les échanger pour des parts du fonds.

[25] Puisqu’il n’y avait aucune observation en réponse à la lettre de RP, nous poursuivons avec les CGC mentionnées ci-dessus.

Le problème à résoudre

[26] Dans la lettre de RP, à la page 5, après avoir examiné les observations du demandeur dans la RDF, nous avons accepté, à titre préliminaire, le problème énoncé dans la DF :

[traduction]

Selon notre opinion préliminaire, le problème cerné dans la DF semble correspondre aux perspectives du demandeur lorsque des parts ne peuvent pas être créées pour certains titres. Nous sommes d’accord avec la position dans la DF qu’il n’y a aucun problème informatique qui est abordé par l’invention alléguée. La présente demande précise qu’une mise en œuvre informatique de la méthode utiliserait un appareil informatique à utilisation générale programmé pour exécuter les opérations de la méthode revendiquée (paragraphe [0047] de la présente demande). Compte tenu des facteurs établis dans PN 2013-03, nous ne voyons aucun problème associé à l’utilisation d’un ordinateur ou à tout problème comportant un élément d’architecture technique. Dans le même ordre d’idées, aucun accent n’est mis dans la description sur les difficultés ou les déficiences d’anciens ordinateurs. De plus, dans la présente demande, un degré important de détails est consacré à l’évaluation des titres d’investisseurs potentiels, y compris les relations mathématiques utilisées pour générer un panier de création personnalisé, plutôt qu’un algorithme ou une logique informatique.

[27] Le problème a été énoncé dans la DF comme suit :

[traduction]

les paniers de création utilisés par les administrateurs de fonds des FNB n’incluent pas tous les titres dans l’indice, par conséquent, s’il y a des titres qui correspondent à la référence, mais qui ne sont pas inclus dans le panier de création, l’investisseur ne peut pas fournir ces titres pour créer le fonds (paragraphe [0004]).

[28] De nouveau, puisqu’il n’y a eu aucune observation en réponse à la lettre de RP, nous appliquons le problème précédent dans notre analyse.

La solution

[29] Dans la lettre de RP, à la page 6, après avoir examiné les observations du demandeur dans la RDF, nous avons accepté, à titre préliminaire, la solution énoncée dans la DF :

[traduction]

Notre opinion préliminaire est que la solution indiquée dans la DF correspond à l’affirmation du demandeur que la solution comporte des interactions avec les investisseurs. La solution précise en particulier la création des paniers personnalisés pour les investisseurs, ce qui sous‑entend un certain type d’interaction avec eux. De plus, nous sommes d’accord avec la position dans la DF, à la page 4, que les éléments informatiques ne forment pas une partie de la solution. Comme nous l’avons abordé ci-dessus par rapport au problème à résoudre, il n’y a aucun problème informatique qui nécessiterait l’inclusion des éléments informatique à la solution.

[30] La solution a été énoncée dans la DF comme suit :

[traduction]

la demande fournie une méthode pour générer des paniers de création personnalisés afin de créer des parts d’un fonds négocié en bourse (FNB) qui visent particulièrement un ou plusieurs investisseurs d’un FNB en particulier (paragraphes 0001 à 0011; figure 3).

[31] Puisqu’il n’y a aucune réponse à la lettre de RP, nous procédons sur la base de la solution précédente.

Les éléments essentiels des revendications

[32] Dans la lettre de RP, aux pages 6 et 7, nous avons accepté, à titre préliminaire, la détermination des éléments essentiels des revendications indépendantes 1, 17 et 18 telle qu’énoncée dans la DF :

[TRADUCTION]

recevoir, d’un investisseur, un inventaire disponible de titres, indiquant les titres et la quantité de titres disponibles pour être utilisés dans la création des parts du FNB;

• sélectionner un ensemble de titres admissibles de l’inventaire disponible selon si les titres disponibles correspondent aux titres dans une référence ou une stratégie associée au FNB;

• générer un ensemble de paniers de création personnalisés formé des quantités de titres de l’ensemble des titres admissibles;

• calculer l’utilité de chaque panier candidat dans un ensemble de paniers candidats au moyen d’une fonction d’utilité, la fonction d’utilité calculant l’utilité du panier candidat en fonction des actifs actuels du FNB et d’une référence du FNB, la fonction d’utilité mesurant positivement la valeur pour le FNB et mesurant négativement le risque pour le FNB;

• sélectionner un panier de création personnalisé de l’ensemble de paniers candidats en fonction de l’utilité calculée pour les paniers candidats;

transmettre le panier de création personnalisé à l’investisseur;

• en réponse à la réception des quantités de titres dans le panier personnalisé du participant autorisé, créer les parts du FNB et envoyer les parts du FNB à l’investisseur.

[33] Comme nous l’avons remarqué dans la lettre de RP, bien que le demandeur ne soit pas d’accord avec l’approche utilisée pour déterminer les éléments essentiels, l’argumentation dans la RDF s’est concentrée sur la nature de plusieurs des opérations établies ci-dessus et leur effet sur la question de l’objet prévu par la Loi.

[34] Puisqu’il n’y a aucune réponse à la lettre de RP, nous adoptons la liste des éléments essentiels précédente. Nous aborderons brièvement la question des revendications dépendantes ci-dessous, comme c’était le cas dans la lettre de RP.

Objet prévu par la Loi

[35] Dans la lettre de RP, aux pages 7 et 8, nous avons établi notre analyse préliminaire de la question de l’objet prévu par la Loi, abordant les observations du demandeur dans la RDF concernant plusieurs éléments essentiels mentionnés ci-dessus :

[traduction]

Dans la DF, à la page 6, il a été indiqué que les éléments essentiels des revendications au dossier visaient un objet qui n’était pas prévu par l’article 2 de la Loi sur les brevets. La DF à la page 5 indique que les éléments essentiels « renvoient aux calculs et à une stratégie financière qui utilise les calculs ».

Compte tenu de la liste des éléments essentiels des revendications indépendantes établie ci-dessus, notre opinion préliminaire est que les opérations représentent la réception et le traitement de certains renseignements en fonction de certaines règles et de calculs définis, avec le résultat étant des renseignements sous la forme d’un panier de création personnalisé. Ce panier est essentiellement une liste de titres qui peuvent être fournis à un investisseur et échangés pour des parts dans un fonds de placement. Notre opinion préliminaire est que de telles opérations représentent des renseignements abstraits et leur traitement au moyen d’un ensemble de règles et de calculs qui ressemblent à des opérations purement mentales.

Dans la RDF, le demandeur affirme que même si les éléments informatiques n’étaient pas essentiels, ce qu’il n’admet pas, au moins les opérations suivantes, considérées comme essentielles aux revendications indépendantes dans la DF et à ce qui précède, comportent une existence physique et manifestent un effet ou un changement discernable :

1. recevoir d’un investisseur un inventaire disponible de titres;

2. transmettre un panier de création personnalisé à l’investisseur;

3. en réponse à la réception des quantités de titres, créer les parts et envoyer les parts à l’investisseur.

Selon le demandeur, les opérations de réception, de transmission et de création seraient perceptibles à un investisseur et, par conséquent, représenteraient quelque chose avec une existence physique. Ces actions, selon le demandeur, entraîneraient un effet ou un changement discernable, comme l’exige la brevetabilité dans Amazon.com au paragraphe 66.

Selon notre opinion préliminaire, les opérations telles que celles mises en évidence par le demandeur ci-dessus représentent une partie du mode de réalisation pratique des règles et des calculs, eux-mêmes abstraits et semblables à des opérations purement mentales, qui sont utilisés dans la méthode et qui requièrent des intrants afin de fournir un extrant. Comme l’a expliqué la Cour dans Amazon.com, les revendications dans Schlumberger [1] , lesquelles visaient une méthode de collecte, d’enregistrement et d’analyse de données sismiques, n’ont pas été épargnées par le fait qu’elles établissent une application pratique (Amazon.com au paragraphe 69). Il vaut particulièrement de souligner que, bien que de telles revendications comprenaient la collecte et l’enregistrement de données afin de fournir l’application pratique, elles étaient malgré tout déterminées afin de viser un objet non prévu par la Loi. Dans le même ordre d’idées, selon notre opinion préliminaire, les opérations de recevoir, de transmettre et de créer des renseignements dans les revendications au dossier ne transforment pas les revendications de manière à ce qu’elles définissent quelque chose ayant une existence physique ou quelque chose qui manifeste un effet ou un changement discernable.

À la lumière de ce qui précède, notre opinion préliminaire est que les revendications indépendantes 1, 17 et 18 visent un objet non prévu par la Loi et sont, par conséquent, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

En ce qui a trait aux revendications dépendantes 2 à 16 et 19 à 31, notre opinion préliminaire est que les opérations supplémentaires de ces revendications représentent d’autres mises au point des règles et des calculs utilisés dans la méthode et, pareillement, visent un objet non prévu par la Loi; elles sont par conséquent non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

  • [36] Puisqu’il n’y a eu aucune réponse à la lettre de RP, nous concluons que les revendications 1 à 31 au dossier visent un objet non prévu par la Loi et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets, pour les motifs énoncés dans la lettre de RP et reproduits ci-dessus.

Revendications proposées

[37] Dans la lettre de RP, à la page 8, nous énonçons notre opinion préliminaire que les revendications 1 à 31 présentées avec la RDF ne modifieraient pas le résultat de l’évaluation de l’objet prévu par la Loi :

[traduction]

Avec la RDF, le demandeur a présenté les revendications proposées 1 à 31, modifiant les revendications indépendantes 1, 17 et 18 afin de préciser que ce qui est revendiqué est un système de gestion des fonds pour interagir avec les investisseurs. Des modifications proposées à la description ont également été présentées afin d’intégrer le même type de formulation.

Comme il a été énoncé à la page 5 de la RDF, le demandeur considère les interactions avec les investisseurs, c’est-à-dire la création de parts, les avis à un investisseur, le transfert de titres d’un investisseur et le transfert de parts à l’investisseur, comme des actions qui sous-entendent une existence physique et qui manifestent un effet ou un changement discernable.

En ce qui a trait à la spécification d’un système de gestion de fonds dans les revendications proposées, comme il a été expliqué ci-dessus, le problème ne concerne pas un problème informatique. La solution non plus ne comporte pas un système informatique. Par conséquent, la spécification d’un système de gestion de fonds dans les revendications proposées ne changerait pas les éléments essentiels indiqués ci-dessus et ne changerait pas notre opinion préliminaire de la nature non prévue par la Loi des revendications au dossier.

En ce qui a trait aux interactions avec un investisseur, comme il a été expliqué ci-dessus dans le cadre de l’évaluation de l’objet prévu par la Loi, ces interactions ne transforment pas les revendications de manière à ce qu’elles définissent quelque chose ayant une existence physique ou qui manifeste un effet ou un changement discernable.

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que les modifications proposées aux revendications dans la RDF ne rendent pas les revendications prévues par la Loi et, par conséquent, ne sont pas « nécessaires » à la conformité à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

[38] Puisqu’aucune observation n’a été faite en réponse à la lettre de RP, et à la lumière de ce qui précède, nous concluons que l’objet des revendications proposées 1 à 31 est un objet non prévu par la Loi et, par conséquent, ces revendications ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Par conséquent, l’ensemble de revendications proposées ne permet pas de surmonter l’irrégularité liée à l’objet prévu par la Loi pour les revendications au dossier et, par conséquent, n’est pas « nécessaire » à la conformité à la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Conclusion

[39] Nous avons déterminé que les revendications 1 à 31 au dossier visent un objet non prévu par la Loi et sont, par conséquent, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.


 

Recommandation de la commission

[40] Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande de rejeter la demande au motif que les revendications au dossier visent un objet non prévu par la Loi et sont, par conséquent, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Stephen MacNeil

Andrew Strong

Kurtis Ulicny

Membre

Membre

Membre

Décision de la commissaire

[41] Je souscris à la conclusion du Comité ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications au dossier visent un objet non prévu par la Loi et sont, par conséquent, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[42] En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Aux termes de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

ce 30e jour d’avril 2020



[1] Schlumberger Canada Ltd. c. Commissaire des brevets (1981), 56 CPR (2d) 204 (CAF)

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