Brevets

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Contenu de la décision

Référence : United Parcel Service of America, Inc. (Re), 2020 CACB 3

Décision du commissaire no 1523

Commissioner’s Decision #1523

Date : 2020-04-28

SUJET :

J00

Signification de la technique

 

J50

Simple plan

TOPIC:

J00

Meaning of Art

 

J50

Mere Plan

Demande n2 557 342

Application No.: 2,557,342


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423] dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les « anciennes règles »), la demande de brevet numéro 2 557 342 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets [DORS/2019-251]. La recommandation de la Commission et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

Agent du demandeur :

ROBIC

630, boulevard René-Lévesque O, 20e étage

MONTRÉAL (Québec) H3B 1S6


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 557 342, intitulée « Méthode et système de collecte de données » et qui appartient à United Parcel Service of America, Inc. (le « demandeur »). La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets. L’irrégularité qui subsiste faisant l’objet de cette révision tient au fait que les revendications ne définissent pas un objet prévu par la Loi, en contravention de l’article 2 de la Loi sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons à la commissaire aux brevets de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[2] La demande a été déposée le 28 août 2006 et a été accessible au public à partir du 1er mars 2007.

[3] La demande concerne en général l’utilisation de données de services existantes qui ont été recueillies en lien à un service qui a été précédemment offert sur place au domicile d’un client ou à une adresse commerciale à titre de preuve que le client demeure à cette adresse ou que l’entreprise est exploitée à partir de cet endroit. Une telle preuve peut être utile dans l’éventualité qu’une preuve d’occupation est requise, par exemple, pour faire une demande d’indemnisation ou pour faire une demande de permis auprès d’un organisme gouvernemental.

Historique de la poursuite de la demande

[4] Le 11 avril 2016, une décision finale (« DF ») a été prise conformément au paragraphe 30(4) des anciennes règles. La DF indiquait que les éléments essentiels des revendications 1 à 13 au dossier ne définissaient pas un objet prévu par la Loi et, par conséquent, les revendications au dossier n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[5] Le demandeur a répondu à la DF dans une lettre en date du 6 octobre 2016 (« RDF ») en présentant des arguments quant au motif pour lequel les revendications au dossier définissaient un objet prévu par la Loi; de plus le demandeur a proposé des modifications aux revendications afin de surmonter les irrégularités soulevées dans la DF.

[6] L’examinateur n’a pas été convaincu par les arguments du demandeur concernant les revendications au dossier et les modifications aux revendications proposées n’ont pas été considérées comme corrigeant les irrégularités. Par conséquent, en vertu de l’alinéa 30(6)b) des anciennes règles, les modifications proposées n’ont pas été saisies et la demande a été transmise à la Commission aux fins de révision. Le 13 mars 2017, la Commission a transmis une copie du résumé des motifs (« RM ») au demandeur. Dans une réponse en date du 12 avril 2017, le demandeur a indiqué son intérêt maintenu à ce que la demande fasse l’objet d’une révision.

[7] Le présent comité (le « Comité ») a été constitué dans le but de réviser la demande refusée et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. Subséquemment à notre révision préliminaire, nous avons envoyé une lettre le 16 décembre 2019 (la « lettre de RP ») présentant une analyse et une justification préliminaires concernant la brevetabilité des revendications au dossier compte tenu de la question soulevée dans la DF et abordant les modifications aux revendications proposées par le demandeur dans la RDF. Le demandeur a également eu la possibilité de participer à une audience.

[8] Le demandeur a répondu à la lettre de RP dans une lettre en date du 16 janvier 2020 (« RRP ») en indiquant qu’il ne voulait pas participer à une audience, en présentant de nouveaux arguments en faveur de la brevetabilité des revendications 1 à 13 au dossier et en proposant un nouvel ensemble de revendications 1 à 7 modifiées (les « revendications proposées »).

Question

[9] L’unique question qui doit être considérée par cette révision est si les revendications 1 à 13 au dossier définissent un objet qui ne correspond pas à la définition d’invention de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[10] Après avoir abordé cette question, nous nous tournons vers la question quant à savoir si les revendications proposées constituent une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du bureau des brevets

Interprétation téléologique

[11] Conformément à Free World Trust c Électro Santé Inc., 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool c. Camco, 2000 CSC 67 aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52 [Whirlpool]). Tel qu’il est indiqué à la section 12.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (« RPBB »), révisé en juin 2015 (OPIC), la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et à définir ses connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution préconisée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit des éléments qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée.

[12] Dans la RDF, aux pages 4 à 7, le demandeur observe que l’interprétation téléologique des revendications menée conformément à la pratique du Bureau des brevets n’a aucun fondement dans le droit canadien. En particulier, le demandeur observe que l’approche du Bureau des brevets met beaucoup trop d’accent sur l’analyse d’un problème décrit et d’une solution et pas suffisamment d’accent sur la formulation des revendications, alléguant que les éléments revendiqués devraient être présumés être essentiels; il cite Pollard Banknote Ltd c BABN Technologies Corp and Scientific Games Products (Canada) ULC, 2016 CF 883 et Canada (Procureur général) c. Amazon.com, inc., 2011 CAF 328 [Amazon.com].

[13] Cependant, comme il en a été discuté dans la lettre de RP à la page 3, nous estimons que la jurisprudence citée par le demandeur continue de suivre et de s’inspirer des principes d’interprétation téléologique qui ont été établis dans la jurisprudence précédente comme Free World Trust et Whirlpool. La jurisprudence citée établit, entre autres principes, que la formulation de la revendication doit être interprétée en fonction d’une lecture du brevet dans son ensemble du point de vue de la personne versée dans l’art, que l’interprétation téléologique des revendications ne peut pas être effectuée uniquement en fonction d’une lecture littérale des revendications du brevet et que, puisque la formulation d’une revendication peut être trompeuse, de manière délibérée ou par inadvertance, une caractéristique pratique d’une revendication peut ne pas former une partie de l’ensemble des éléments essentiels d’une invention revendiquée.

[14] Comme il est indiqué dans la lettre de RP, les orientations du RPBB aux sections 12.02.02d et 12.02.02e s’accordent à ces principes : une interprétation téléologique éclairée de manière appropriée est menée à partir de la perspective de la personne versée dans l’art et doit tenir compte de la demande dans son ensemble, y compris le problème résolu par la demande et sa solution. La solution à ce problème fournit des indications qui permettent de déterminer les éléments essentiels, sachant cependant que les éléments d’un mode de réalisation donné ne sont pas nécessairement tous des éléments essentiels de la solution. La simple existence d’un élément dans la formulation de la revendication choisie par l’inventeur ne peut l’emporter sur toutes les autres considérations pendant l’interprétation téléologique des revendications.

Objet visé par la Loi

[15] La définition d’invention est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[16] Subséquemment à l’arrêt Amazon.com de la Cour d’appel fédérale, le Bureau des brevets a diffusé un énoncé de pratique (PN 2013-03 « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » (OPIC, mars 2013 [PN 2013-03]) qui clarifie l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une invention mise en œuvre par ordinateur est un objet prévu par la Loi.

[17] Comme l’explique l’énoncé PN 2013-03, lorsqu’il appert qu’un ordinateur constitue un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement prévu par la Loi. En revanche, lorsqu’il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent à un objet désincarné (par exemple, une simple idée, un schéma, un plan ou une série de règles), l’objet revendiqué ne sera pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Analyse des revendications au dossier

[18] Les revendications 1 et 9 au dossier sont les seules revendications indépendantes. La revendication 1 est rédigée comme suit :

[traduction]

1. Un produit de programme informatique ayant une première mémoire contenant des modes de réalisation par code lisible par ordinateur aux fins d’exécution par un appareil d’acquisition de données et une deuxième mémoire contenant un deuxième code lisible par ordinateur pour vérifier l’occupation d’une adresse donnée où ledit premier code comprend :

le premier code visant à capturer les signatures des occupants respectifs par l’appareil d’acquisition de données aux emplacements respectifs dans une zone géographique en lien à la prestation d’un service autre que vérifier l’occupation à, à tout le monde, certains desdits emplacements;

le premier code visant à numériser les signatures et à les stocker dans un enregistrement de données en liaison avec une adresse pour les emplacements respectifs avec le nom des occupants respectifs et les dates du service auxdits emplacements respectifs;

le premier code visant à transférer lesdits enregistrements de données dans un répertoire de données dudit appareil d’acquisition de données et où ledit répertoire de données contient un deuxième code.

Ledit deuxième code comprenant :

le deuxième code visant à recevoir une demande de preuve d’occupation qu’une entreprise ou une personne occupait un emplacement choisi à l’intérieur de ladite zone géographique, ladite demande comprenant une adresse choisie ou un nom d’occupant choisi;

le deuxième code visant à interroger ledit répertoire de données afin de cerner tout enregistrement de données associé à ladite demande;

le deuxième code visant à déterminer si les enregistrements de données associés à ladite demande existent dans ledit répertoire de données;

le deuxième code visant, en réponse à la détermination qu’au moins un enregistrement de données existe, à fournir une preuve d’occupation pour ledit emplacement choisi en fonction, du moins en partie, desdits enregistrements identifiés.

[19] Les éléments des revendications indépendantes 1 et 9 sont en général les mêmes, excepté que le « service autre que vérifier l’occupation » de la revendication 1 est précisé comme étant la livraison de colis à la revendication 9. Dans la RRP, le demandeur n’a pas contesté la considération du Comité de la revendication 1 comme étant représentative des revendications indépendantes au dossier aux fins de notre analyse. Dans le même ordre d’idées, le demandeur n’a pas contesté notre définition des revendications dépendantes 2 à 8 et 10 à 13 dans la lettre de RP comme fournissant en général d’autres limitations concernant l’occupant (revendications 2, 7 et 10), les types de preuves qui sont fournies (revendications 3, 8 et 11), la personne ou l’entité demandant la preuve (revendications 4, 5, 12 et 13) et le fait que la demande vise une période donnée (revendication 6).

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[20] Dans la lettre de RRP, le demandeur n’a pas contesté la définition par le Comité de la personne versée dans l’art indiquée à la page 6 de notre lettre de RP. Par conséquent, nous adoptons cette définition dans le cadre de la présente révision :

[traduction]

une personne ou une équipe versée dans les domaines de la collecte de données (pour la livraison de colis ou les sondages) et dans les domaines qui exigent une preuve d’occupation (c’est-à-dire l’assurance ou les mesures de soutien gouvernementales) qui s’est familiarisée avec la technologie informatique à des fins générales et les techniques de programmation de base.

Les CGC pertinentes

[21] Aux pages 6 à 8, la lettre de RP a indiqué les CGC pertinentes de la personne versée dans l’art suivantes :

[traduction]

Aux pages 2 et 3, la DF indique que les CGC comprenaient ce qui suit :

• les exigences pour fournir une preuve d’occupation;

• des systèmes de suivi des colis de l’antériorité, y compris un véhicule de livraison, un répertoire de données, un réseau de communication, un moyen pour un client de soumettre une demande de suivi et un appareil d’acquisition de données portatif;

• des données de suivi des colis qui sont recueillis dans l’antériorité, y compris l’identification du colis, le nom du destinataire, les données de livraison, l’adresse de livraison, le poids du colis et la signature du destinataire ou de l’expéditeur, entre autres;

• les signatures numériques;

• les systèmes informatiques client-serveur, y compris l’envoi de demandes par un réseau de communication comme Internet;

• les connaissances requises pour mettre en œuvre les caractéristiques dans les revendications.

[…]

En ce qui a trait aux données de suivi des colis, la DF a cité les paragraphes [0018], [0019] et [0023] de la description du demandeur afin de justifier que les bases de données stockant les données recueillies aux fins du suivi de la livraison des colis, y compris l’identification des colis, le nom du destinataire, les données de livraison, l’adresse de livraison, le poids des colis et la signature du destinataire ou de l’expéditeur, étaient connues dans l’antériorité et auraient été des CGC de la personne versée dans l’art. Comme il a été mentionné ci-dessus, la collecte et le stockage de ces données sont reconnus comme étant [traduction] « bien connus dans l’antériorité » dans la description du demandeur au paragraphe [0023].

Aux pages 8 et 9 de la lettre du demandeur du 4 septembre 2015, il a été dit ce qui suit concernant ces données :

[traduction]

L’examinateur ignore la collecte de données selon, il semble, le fait que des bases de données d’un certain type sont déjà maintenues à titre de ressources. Cependant, il n’y a aucune indication que quiconque a développé ou assimilé des bases de données et les a maintenues dans le format de l’invention du demandeur pour la solution fournie.

[…]

Il n’y a aucune antériorité citée pour illustrer que la détermination de l’occupation établie par le demandeur est connue, même compte tenu du fait que le stockage de certains renseignements ou certaines données, stockés pour d’autres fins, peut également être utilisé pour la solution fournie par le demandeur. [soulignement ajouté]

Selon ces passages, le demandeur ne semble pas être en désaccord que les bases de données stockant les données de livraison auraient été des CGC pour la personne versée dans l’art. Plutôt, la position du demandeur semble être que les bases de données assimilées et maintenues pour le but exprès de fournir une preuve d’occupation n’étaient pas des CGC de la personne versée dans l’art. Selon tous les renseignements à notre disposition, nous sommes d’accord avec le demandeur : les CGC sont limitées aux données de suivi des colis stockées aux fins de la confirmation de la livraison d’un colis.

Notre opinion préliminaire est que les CGC comprennent toutes les connaissances précédentes indiquées dans la DF, y compris les données de suivi de colis stockées dans une base de données ou dans un répertoire de données aux fins de la confirmation de la livraison d’un colis.

[22] En réponse, le demandeur a concédé à la page 5 de la RRP que l’appareil d’acquisition de données et le répertoire des données aux figures 1 et 2 étaient des CGC. Cependant, compte tenu de notre conclusion convenant avec le demandeur que les bases de données assimilées et maintenues aux fins exprès de fournir une preuve d’occupation n’étaient pas des CGC, la RRP a contesté que les CGC comprendraient les exigences pour fournir une preuve d’occupation (page 4) :

[traduction]

La CAB conclut en affirmant que les CGC sont limitées aux données de suivi des colis stockées aux fins de la confirmation de la livraison d’un colis. Cela signifie, logiquement, que les CGC n’incluent pas « les exigences de fournir une preuve d’occupation » (page 6 de la RP).

[23] Le demandeur n’a pas contesté que la personne versée dans l’art est versée dans les domaines où une preuve d’occupation peut être requise, comme l’assurance ou les mesures de soutien gouvernementales. Notre opinion concernant les [traduction] « exigences de fournir une preuve d’occupation » dans la lettre de RP était que cela représentait la connaissance des occasions ou des situations où fournir une preuve d’occupation pourrait être justifié ou requis. Nous estimons que cela correspond à la définition de la personne versée dans l’art et ne contredit pas, du point de vue logique, notre exclusion des bases de données assimilées et maintenues aux fins exprès de fournir une preuve d’occupation des CGC.

[24] Par conséquent, nous concluons, compte tenu des observations du demandeur, que les CGC comprennent la connaissance de ce qui suit :

  • les exigences de fournir une preuve d’occupation, c’est-à-dire les occasions ou les situations où fournir une preuve d’occupation pourrait être requis;
  • des systèmes de suivi des colis de l’antériorité, y compris un véhicule de livraison, un répertoire de données, un réseau de communication, un moyen pour un client de soumettre une demande de suivi et un appareil d’acquisition de données portatif, y compris ceux divulgués aux figures 1 et 2 de la demande;
  • des données de suivi des colis qui sont recueillis dans l’antériorité, y compris l’identification du colis, le nom du destinataire, les données de livraison, l’adresse de livraison, le poids du colis et la signature du destinataire ou de l’expéditeur, entre autres;
  • les signatures numériques;
  • les systèmes informatiques client-serveur, y compris l’envoi de demandes par un réseau de communication comme Internet;
  • les connaissances requises pour mettre en œuvre les caractéristiques dans les revendications.

Le problème à résoudre

[25] Dans la lettre de RP, à la page 9, nous avons cerné le problème à résoudre suivant, fournissant la justification suivante :

[traduction]

Dans le présent cas, la description ne renvoie à aucun défi associé à la capacité d’un fournisseur de service de recueillir des renseignements sur place, comme une signature, afin de prouver qu’un service a été offert. Dans le même ordre d’idées, la description ne renvoie à aucun défi associé à la mise en œuvre d’un système pour numériser et stocker de telles signatures sur place à l’adresse d’un occupant au moyen d’un ordinateur. Comme il a été mentionné ci-dessus, le système, l’appareil d’acquisition de données et le répertoire des données aux figures 1 et 2 étaient tous des CGC de la personne versée dans l’art. Par conséquent, notre opinion préliminaire est qu’il n’y a aucun problème informatique à surmonter.

Selon les enseignements du mémoire descriptif dans son ensemble, notre opinion préliminaire est que le problème à résoudre vu par la personne versée dans l’art avec ses CGC repose sur le besoin d’une méthode rentable pour vérifier l’occupation.

[26] En réponse, la RRP a proposé un problème différent à résoudre à la page 5 :

[traduction]

En effet, l’invention faisant l’objet de la présente demande ne vise pas à fournir une méthode améliorée et rentable pour vérifier la preuve d’occupation. Plutôt, la présente invention ressemble plus à une nouvelle utilisation d’une chose connue. Autrement dit, l’invention découle de la réalisation que les données recueillies au cours de la livraison des colis, par exemple, peuvent également être utilisées à d’autres fins, nommément vérifier la preuve d’occupation, tant qu’elles sont stockées de manière appropriée. Par conséquent, le problème à résoudre est de trouver une nouvelle façon de configurer les données recueillies de manière à ce qu’elles soient utilisables à d’autres fins. Bien que le résultat (ou l’avantage) accordé par l’invention est une manière rentable de fournir une preuve d’occupation, le problème repose ailleurs, comme il a été mentionné ci-dessus.

À titre de justification, la lettre du demandeur du 4 septembre 2015 vise dans le mille : il n’y a aucune indication dans l’antériorité que quiconque avant le demandeur ait développé ou maintenu des bases de données dans le format de l’invention du demandeur.

Par conséquent, les limitations de la revendication 1 dans la RDF aux « images graphiques des signatures numérisées en mémoire en liaison avec un enregistrement de données ayant une adresse correspondante pour les emplacements respectifs, les noms de l’occupant respectif et les dates du service auxdits emplacements respectifs » prennent toute leur signification. La signature numérisée est associée à un enregistrement de données contenant des renseignements particuliers. C’est la façon dont la signature, l’adresse, l’emplacement, les noms et les dates de service sont liés qui permet au service de collecte de données de permettre l’interrogation de la base de données pour fournir une preuve d’occupation. C’est ce qui a été clarifié dans la revendication 1 proposée, soumise avec la RDF.

Le demandeur concède que l’appareil d’acquisition de données et le répertoire des données aux figures 1 et 2 étaient des CGC. Cependant, ce qui ne constitue pas une CGC c’est la façon dont, comme il a été revendiqué, les divers éléments de données sont assemblés afin de débloquer la possibilité d’utiliser les données récemment recueillies comme preuve d’occupation. [souligné dans l’original]

[27] De plus, à la page 6 de la RRP, le problème à résoudre proposé ci-dessus par le demandeur a été défini en termes de [traduction] « créer un enregistrement de données qui représente une preuve de livraison qui peut subséquemment être utilisée pour fournir une preuve d’occupation ».

[28] Ces observations indiquent qu’il y avait un besoin de configurer ou d’assembler les données d’une certaine nouvelle façon pour réaliser ou mettre en pratique l’invention et que la découverte d’une nouvelle façon de configurer les données était le problème à résoudre.

[29] Nous estimons que la description n’appuie pas que la découverte d’une nouvelle façon de configurer ou d’assembler les données était le problème à résoudre ou que le faire était nécessaire afin de mettre en pratique l’invention. D’abord, il y a une absence complète de mise en accent, de détails ou de discussion dans la description associée à la configuration des données d’une nouvelle façon ou que tout changement par rapport à la façon dont les données sont configurées était nécessaire. Plutôt, une comparaison des paragraphes [0033] et [0041] indique que les données recueillies et stockées pour prouver la livraison et pour prouver l’occupation sont les mêmes. De plus, le paragraphe [0037] décrit la requête de données pour prouver l’occupation comme étant exécutée sur les données qui sont stockées dans la base de données de preuves de livraison de l’antériorité 13 et que la requête récupère des enregistrements de preuves de livraison. Par conséquent, nous ne sommes pas en mesure de voir une quelconque différence dans les explications respectives de la collecte, du stockage et du transfert des données pour prouver la livraison comparativement à celles pour prouver l’occupation.

[30] Deuxièmement, il n’y a aucune indication dans la description d’un quelconque défi associé à la découverte d’une nouvelle façon de configurer les données ou d’un quelconque défi associé à la mise en œuvre d’un quelconque logiciel ou ordinateur.

[31] Troisièmement, il n’est pas clair dans la description qu’une nouvelle façon de configurer les données serait nécessaire afin de mettre en pratique l’invention. Selon la description, la preuve ou les données fournies dans une [traduction] « lettre de preuve de livraison » (paragraphe [0030]) et une [traduction] « lettre de preuve d’occupation » (par. [0037]) sont les mêmes : l’adresse de livraison, la date et une reproduction numérique de la signature du destinataire. Par conséquent, le lecteur versé dans l’art comprendrait à partir de la description que l’invention définie par le demandeur dans la RRP pourrait être mise en pratique sans aucune adaptation en demandant une preuve de livraison et en l’utilisant comme preuve d’occupation.

[32] Nous estimons que la personne versée dans l’art ne considérerait pas le problème à résoudre comme quelque chose qui n’a jamais été abordé dans le cadre de la divulgation. Après avoir tenu compte de l’ensemble de la proposition du demandeur, nous estimons que, du point de vue de la personne versée dans l’art, le problème à résoudre est plus raisonnablement défini comme un qui repose sur le besoin d’une méthode rentable pour vérifier l’occupation.

La solution

[33] Dans la lettre de RP, aux pages 9 et 10, nous avons défini la solution et notre justification comme suit :

[traduction]

Notre opinion préliminaire énoncée ci-dessus est qu’il n’y avait aucun problème informatique à surmonter et, par conséquent, nous ne considérons pas que la solution repose sur une quelconque mise en œuvre de logiciel ou d’ordinateur de la collecte, du stockage ou du transfert des données. Plutôt, ce qui semble être la solution, dans notre opinion préliminaire et conformément à la demande, est de tirer profit des données de preuve de service existantes qui ont été recueillies sur place en lien à un service exécuté à l’adresse de l’occupant et de fournir ces données comme preuve d’occupation.

[34] Le demandeur n’a pas particulièrement abordé ou contesté la solution proposée dans la RRP. Notamment, la définition du demandeur de l’invention dans la RRP (voir la citation ci-dessus au paragraphe 26) comme une nouvelle utilisation, découlant de la réalisation que les renseignements recueillis lors de la livraison des colis pourraient également être utilisés pour vérifier l’occupation, correspond à la solution proposée dans la lettre de RP.

[35] Nous estimons que, puisqu’il n’y avait aucun problème informatique à surmonter, nous ne considérons pas que la solution repose dans une quelconque mise en œuvre de logiciel ou d’ordinateur de la collecte, du stockage ou du transfert des données. Notre conclusion est que, du point de vue de la personne versée dans l’art et selon le mémoire descriptif dans son ensemble, la solution est de tirer profit des données de preuve de service existantes qui ont été recueillies sur place en lien à un service exécuté à l’adresse de l’occupant et de fournir ces données comme preuve d’occupation.

Éléments essentiels

[36] Aux pages 10 à 12 de la lettre de RP, nous avons cerné les éléments essentiels et fourni la justification suivante :

[traduction]

À la page 4, la DF a cerné les éléments essentiels de la revendication indépendante 1 au dossier comme suit :

– recevoir une demande de preuve d’occupation qu’une entreprise ou une personne occupait un emplacement choisi à l’intérieur de ladite zone géographique, ladite demande comprenant une adresse choisie ou un nom d’occupant choisi;

– cerner tout enregistrement de données associé à la demande;

déterminer si les enregistrements de données associés à la demande existent dans ledit répertoire de données;

– en réponse à la détermination qu’au moins un enregistrement de données existe, fournir une preuve d’occupation pour ledit emplacement choisi en fonction, du moins en partie, desdits enregistrements identifiés.

Aux pages 3 à 5, la DF indiquait que l’équipement informatique, y compris la mémoire et le code visant à capturer et à numériser les signatures, et pour stocker et transférer les enregistrements de données depuis et vers un répertoire de données, sont des éléments non essentiels de la revendication 1. Ces éléments étaient définis en termes de caractéristiques pratiques qui font partie du mode de réalisation fonctionnel de l’invention, mais que la personne versée dans l’art ne considérerait pas comme essentielles pour résoudre le problème cerné.

En réponse, le demandeur a présenté un certain nombre d’arguments. D’abord, la RDF à la page 8 a cité deux décisions de la commissaire à titre d’exemples d’inventions associées à un ordinateur où une interprétation téléologique a dévoilé que les aspects informatiques revendiqués étaient essentiels à l’invention (Re Demande de brevet no 2344781 de Progressive Casualty Insurance Co (2013) CD 1341 (Commissaire aux brevets) et Re Demande de brevet n2263903 d’eBay (2014) CD 1369 (Commissaire aux brevets). Cependant, l’évaluation du caractère essentiel des éléments de la revendication dans chaque cas dépend des déterminations factuelles qui sont propres à ce cas et, par conséquent, les résultats de l’analyse dans un cas ne sont pas déterminatifs dans un autre.

Deuxièmement, la RDF observait à la page 4 que ce n’est pas seulement parce que les caractéristiques peuvent être connues individuellement que cela justifie omettre des caractéristiques établies dans les revendications. À la page 8, le demandeur a observé que « son invention et sa configuration, comme le définissent les revendications, sont distinctes, car elles comportent divers éléments de code destinés au produit du programme informatique ».

Dans la mesure que la RDF affirme que même lorsque les éléments d’une combinaison étaient connus séparément, ils peuvent tout de même former des éléments essentiels d’une invention d’une combinaison nouvelle, nous sommes d’accord. Cela est bien établi dans la jurisprudence : Bayer AG c. Apotex Inc, (1995) 60 CPR (3e) 58 (Div. Gén. Ont.) à la page 86; Bridgeview Manufacturing c. 931409 Alberta Ltd, 2010 CAF 188 au par. 51; et Halford c. Seed Hawk Inc, 2006 CAF 275 au par. 14. Nous sommes également d’accord qu’il n’y a aucune antériorité qui divulgue l’utilisation d’un produit de programme informatique configuré pour recueillir des données de preuve de service aux fins de la vérification de l’occupation.

Enfin, le demandeur a allégué en général aux pages 3 à 7 que les éléments informatiques qui capturent, numérisent et stockent les signatures dans un enregistrement de données sont des caractéristiques techniques qui sont requises au fonctionnement de l’invention revendiquée, indiquant un manque de tout autre moyen suggéré dans la DF qui permettrait à l’invention de fonctionner sans appareils informatiques et Internet.

En ce qui a trait à « l’autre moyen », la description du demandeur enseigne aux paragraphes [0034] et [0043] que les renseignements de preuve de livraison peuvent être obtenus en communiquant avec un représentant du service à la clientèle pour demander les renseignements du répertoire de données, par exemple par téléphone. Peu importe que ces renseignements soient récupérés d’une base de données ou d’un classeur, cela ne changerait pas le fait que nous ne considérons pas que le problème et la solution comportent la mise en œuvre d’un quelconque ordinateur ou logiciel.

Notre opinion préliminaire est qu’il ne s’agit pas d’un cas où les moyens de l’équipement informatique, de la mémoire et du code sont des éléments essentiels d’une invention d’une combinaison nouvelle. Les éléments informatiques font partie du mode de réalisation pratique établi dans les revendications, mais nous estimons, à titre préliminaire, qu’ils ne sont pas essentiels à la solution de tirer profit des données de preuve de service existantes recueillies précédemment en lien à un service exécuté à l’adresse d’un occupant et de les fournir comme preuve d’occupation.

Selon la solution, notre opinion préliminaire est que les éléments essentiels des revendications indépendantes sont ceux associés avec ce qui suit :

recevoir une demande de preuve d’occupation qu’une entreprise ou une personne occupait un emplacement choisi à l’intérieur de ladite zone géographique, ladite demande comprenant une adresse choisie ou un nom d’occupant choisi;

cerner tout enregistrement de données associé à la demande;

déterminer si les enregistrements de données associés à la demande existent dans ledit répertoire de données;

en réponse à la détermination qu’au moins un enregistrement de données existe, fournir une preuve d’occupation pour ledit emplacement choisi en fonction, du moins en partie, desdits enregistrements identifiés.

En ce qui a trait aux revendications dépendantes, nous considérons que ces revendications limitent ou définissent davantage les éléments essentiels des revendications indépendantes.

[37] À la page 6 de la RRP, le demandeur a contesté que les éléments essentiels ne comprendraient pas les éléments informatiques, présentant deux arguments. D’abord, le demandeur affirme que, compte tenu du nouveau problème à résoudre proposé établi dans la RRP, les éléments informatiques seraient essentiels :

[traduction]

Puisque la CAB adopte la position que le problème à résoudre est une méthode rentable de vérifier la preuve d’occupation, la CAB considère alors que bon nombre des autres éléments de la revendication 1 ne sont pas essentiels.

Cependant, compte tenu du problème à résoudre recontextualisé, lequel est de créer un enregistrement de données qui représente une preuve de livraison qui peut subséquemment être utilisée pour fournir une preuve d’occupation, exige la présence d’un ordinateur, notamment l’appareil d’acquisition de données. En effet, c’est seulement avec un ordinateur et ses composants connexes que la signature numérisée est associée avec l’enregistrement de données contenant les renseignements demandés particuliers et que le plein potentiel de la présente invention peut être réalisé. [souligné dans l’original]

[38] Les arguments du demandeur concernant le problème à résoudre ont été abordés ci-dessus de manière appropriée. Nous avons conclu que la personne versée dans l’art ne définirait pas le problème à résoudre en termes du besoin de configurer ou d’assembler les données d’une quelconque nouvelle façon et donc nous estimons que les éléments essentiels ne seraient pas définis ainsi.

[39] Deuxièmement, le demandeur a contesté notre justification concernant « l’autre moyen », affirmant ce qui suit :

[traduction]

Le demandeur observe également que la CAB a utilisé l’expression « autre moyen » hors contexte (voir la page 11 de la RDF, 3e paragraphe). La CAB tente ici d’appuyer la conclusion qu’un ordinateur n’est pas un élément essentiel de l’invention, car « les renseignements de preuve de livraison peuvent être obtenus en communiquant avec un représentant du service à la clientèle afin d’obtenir des renseignements du répertoire de données ». Ce passage sur lequel s’appuie la CAB concerne les étapes antérieures à la collecte de données. Autrement dit, la preuve de livraison (ou preuve d’occupation, également) peut être obtenue en communiquant avec un représentant du service à la clientèle, toutefois cela ne réduit d’aucune façon les exigences techniques pour obtenir les données requises lors de la livraison et regrouper ces données afin qu’elles puissent subséquemment être utilisées pour fournir une preuve d’occupation. [souligné dans l’original]

[40] En ce qui a trait à l’autre moyen, notre énoncé cité ci-dessus ne visait pas à appuyer une conclusion. Plutôt, notre énoncé abordait l’observation du demandeur dans la RDF que la DF n’avait fourni « aucun autre moyen qui permettrait à l’invention, telle que revendiquée, d’être mise en œuvre sans appareils informatiques ou Internet » (page 7). Nous estimons que la substituabilité est un facteur, pas une exigence ou un fondement autonome qui détermine si un élément est essentiel ou non essentiel. Par conséquent, nous estimons qu’il n’incombait pas à la DF d’indiquer un autre moyen.

[41] De plus, comme nous l’avons indiqué par notre énoncé, notre détermination d’éléments comme étant essentiels ou non essentiels dans la lettre de RP était fondée sur leur caractère essentiel par rapport au problème et à la solution définis, pas la substituabilité.

[42] Après avoir tenu compte de l’ensemble des arguments du demandeur, notre conclusion est que les éléments informatiques ne sont pas fondamentaux à la solution de tirer profit des données de preuve de service existantes qui ont été recueillies sur place en lien à un service exécuté à l’adresse de l’occupant et de les fournir comme preuve d’occupation. Nous estimons que la personne versée dans l’art considérerait que les éléments suivants sont essentiels à la solution :

  • recevoir une demande de preuve d’occupation qu’une entreprise ou une personne occupait un emplacement choisi à l’intérieur de ladite zone géographique, ladite demande comprenant une adresse choisie ou un nom d’occupant choisi;
  • cerner tout enregistrement de données associé à la demande;
  • déterminer si les enregistrements de données associés à la demande existent dans ledit répertoire de données;
  • en réponse à la détermination qu’au moins un enregistrement de données existe, fournir une preuve d’occupation pour ledit emplacement choisi en fonction, du moins en partie, desdits enregistrements identifiés.

[43] En ce qui a trait aux revendications dépendantes, notre conclusion est qu’elles limitent ou définissent davantage les éléments essentiels des revendications indépendantes.

Objet visé par la Loi

[44] Aux pages 12 et 13 de la lettre de RP, nous avons exprimé notre opinion préliminaire que l’objet des revendications 1 à 13 au dossier ne correspond pas aux catégories de l’article 2 de la Loi sur les brevets, fournissant la justification suivante :

[traduction]

À la page 5, la DF indiquait que les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets, car « les éléments essentiels visent un simple plan et pas une catégorie d’invention brevetable ».

En réponse, la RDF s’est concentrée principalement sur la brevetabilité des revendications proposées sans aborder les revendications au dossier. Cependant, la brevetabilité des revendications au dossier a été abordée dans la lettre antérieure du demandeur en date du 4 septembre 2015. Aux pages 2 et 3 de cette lettre, le demandeur observait qu’il ne faut pas perdre de vue des directives de la Cour suprême dans l’arrêt Shell Oil qu’une idée désincarnée sera brevetable « s’il existe une méthode pratique de l’appliquer » et a cité à l’indication claire dans Amazon.com qu’il n’existe pas « d’interdiction intrinsèque contre le brevetage “d’une pratique commerciale ou d’un système commercial” » (souligné par le demandeur) : Shell Oil Co. c. Commissaire des brevets, [1982] 2 RCS 536 [Shell Oil] à 554; Amazon.com au par. 63.

Le Comité est d’accord que la Cour d’appel fédérale dans Amazon.com a clairement indiqué qu’il n’y avait aucune interdiction contre la brevetabilité des pratiques commerciales au Canada. Cependant, elle a également clairement indiqué qu’une invention doit être quelque chose avec une existence physique ou quelque chose qui manifeste un effet ou un changement discernable, et que c’est exigence physique n’est pas automatiquement satisfaite chaque fois qu’il y a une application pratique : « Dans Schlumberger, les revendications n’ont pas été déclarées valides en raison du fait qu’elles avaient trait à l’utilisation d’un outil matériel, un ordinateur, pour donner une application pratique à la nouvelle formule mathématique » (Amazon.com, aux par. 66 et 69, dans l’évaluation de Shell Oil et de Schlumberger Canada Ltd. c. Commissaire des brevets, [1982] 1 C.F. 845 (C.A.). Si une interprétation téléologique entraîne la conclusion qu’un objet désincarné dans une revendication ne constitue pas l’ensemble de l’invention, mais est plutôt un élément parmi un certain nombre d’éléments essentiels dans une nouvelle combinaison et que la combinaison a une existence physique, ou qu’utiliser la combinaison manifeste un effet ou changement physique, alors la revendication peut définir un objet brevetable (Amazon.com, paragraphes 63 et 66).

Comme il a été mentionné ci-dessus, les éléments essentiels des revendications concernent les renseignements ou les données qui sont demandés, récupérés et fournis. Les données (par exemple, une signature, une heure, une date et une adresse) sont les mêmes données qui sont recueillies dans le système de preuves de livraison des CGC, bien que l’importance accordée aux données soit différente : elles sont utilisées pour prouver l’occupation plutôt que la livraison. Selon tous les renseignements qui nous sont présentés, y compris les arguments et le dossier dans son ensemble, notre opinion préliminaire est que l’invention n’est ni un produit avec une existence physique ni quelque chose qui entraîne un effet ou un changement physique. Plutôt, les éléments essentiels des revendications se limitent à un objet qui est désincarné et nous estimons, à titre préliminaire, que l’objet des revendications 1 à 13 au dossier ne correspond pas aux catégories de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[45] Dans la RRP, le demandeur a contesté notre opinion préliminaire principalement selon le fait que les éléments d’ordinateur ou d’appareil d’acquisition de données dans les revendications au dossier sont des éléments essentiels. Ces arguments ont été abordés de manière appropriée ci-dessus. Le reste des arguments dans la RRP concernaient les revendications proposées.

[46] Comme il a été mentionné ci-dessus, le demandeur a également fait des observations dans la RRP concernant l’invention actuelle, lesquelles, nous estimons, sont abordées de manière appropriée ici. Plus particulièrement, le demandeur a défini son invention comme étant une nouvelle utilisation qui découle de la reconnaissance que les données recueillies à l’origine lors de la livraison de colis pouvaient être utilisées comme preuve d’occupation.

[47] Comme nous l’avons affirmé dans la lettre de RP, la Cour dans Amazon.com a clairement indiqué qu’une invention doit être quelque chose avec une existence physique ou quelque chose qui manifeste un effet ou un changement discernable, et que c’est exigence physique n’est pas automatiquement satisfaite chaque fois qu’il y a une application pratique : « Dans Schlumberger, les revendications n’ont pas été déclarées valides en raison du fait qu’elles avaient trait à l’utilisation d’un outil matériel, un ordinateur, pour donner une application pratique à la nouvelle formule mathématique » (Amazon.com, aux par. 66 et 69, dans l’évaluation de Shell Oil et de Schlumberger Canada Ltd. c. Commissaire des brevets, [1982] 1 C.F. 845 (C.A.).

[48] La méthode d’application pratique de la nouvelle utilisation définie par le demandeur produit des renseignements qui ont une importance intellectuelle, mais qui n’ont pas un caractère physique ou un effet discernable. Par conséquent, nous estimons que la personne versée dans l’art ne considérerait pas que cette utilisation correspond à l’article 2 de la Loi sur les brevets à titre d’une « réalisation présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité ».

[49] Les éléments essentiels des revendications au dossier se limitent à un objet qui est désincarné et, par conséquent, notre conclusion est que l’objet des revendications 1 à 13 au dossier ne correspond pas aux catégories de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Analyse des revendications proposées

[50] Comme il a été mentionné ci-dessus, le demandeur a présenté les revendications proposées 1 à 7 avec sa RRP. Les revendications proposées modifieraient les revendications au dossier en les orientant vers un appareil d’acquisition de données en soi plutôt qu’un [traduction] « produit de programme informatique […] qui est exécuté par un appareil d’acquisition de données ».

[51] Les revendications proposées diffèrent des revendications au dossier principalement dans le sens que la revendication indépendante 1 serait modifiée pour inclure ce qui suit :

  • au moins un processeur;
  • un écran tactile pour saisir les signatures;
  • une image graphique des signatures saisies est créée et stockée dans l’enregistrement de données;
  • l’appareil est adapté pour afficher une entente entre l’entité qui utilise l’appareil et l’entité qui demande un identificateur unique, si une telle entente est en place;
  • fournir une interface d’utilisateur graphique pour un occupant respectif afin de passer en revue ladite entente et fournir son consentement à celle-ci;
  • suite à la fourniture du consentement, saisir les renseignements associés à un identificateur unique d’un occupant respectif qui a signé au moyen dudit écran tactile;
  • si un identificateur unique est demandé, fournir ladite entité avec ledit identificateur unique et une indication du consentement dudit occupant respectif.

[52] Comme il a été précédemment abordé, les signatures numériques et les appareils d’acquisition de données portatifs, comme ceux à la figure 2, lesquels comprennent également un processeur et un appareil d’entrée et de sortie dont un écran tactile et un clavier, faisaient partie des CGC pertinentes. La revendication comprend également une interface d’utilisateur graphique qui affiche une entente et qui permet à l’occupant de fournir son consentement.

[53] Nous estimons que les modifications proposées n’influenceraient pas notre définition précédente du problème et de la solution. La description ne renvoie à aucun défi associé à la mise en œuvre d’un système pour numériser et stocker des signatures, obtenir ou stocker des indications de consentement ou afficher des renseignements sur place à l’adresse d’un occupant au moyen d’un ordinateur. Nous estimons, pour les mêmes motifs mentionnés ci‑dessus, que le problème et la solution ne concernent pas la mise en œuvre d’un logiciel ou d’un ordinateur. Plutôt, nous estimons que le problème et la solution seraient les mêmes que ceux des revendications au dossier.

[54] En ce qui a trait aux éléments essentiels de la revendication proposée 1, nous estimons que le processeur, l’appareil d’entrée et de sortie, l’écran tactile, l’affichage et le stockage des images graphiques de signatures saisies ou d’identificateurs uniques ne seraient pas des éléments essentiels fondamentaux à la solution de tirer profit des données de preuve de service en les fournissant comme preuve d’occupation. Plutôt, les éléments qui sont essentiels à la solution seraient les suivants :

  • recevoir une demande de preuve d’occupation qu’une entreprise ou une personne occupait un emplacement choisi à l’intérieur de ladite zone géographique, ladite demande comprenant une adresse choisie ou un nom d’occupant choisi;
  • cerner tout enregistrement de données associé à la demande;
  • déterminer si des enregistrements de données associés à la demande existent;
  • en réponse à la détermination qu’au moins un enregistrement de données existe, fournir une preuve d’occupation pour ledit emplacement choisi en fonction, du moins en partie, desdits enregistrements identifiés, ainsi que l’identificateur unique et l’indication de consentement, s’ils étaient demandés.

[55] Concernant la question de l’objet, notre opinion concernant le fait que les revendications au dossier n’ont pas un objet prévu par la Loi ne changerait pas avec l’adoption des revendications proposées. Nous estimons que les éléments essentiels des revendications proposées se limitent à un objet qui est désincarné et, par conséquent, notre conclusion est que les revendications proposées ne visent pas un objet qui correspondrait aux catégories de l’article 2 de la Loi sur les brevets. Par conséquent, les modifications proposées ne seraient pas considérées comme « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.


 

Recommandation de la Commission

[56] Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications 1 à 13 au dossier définissent un objet non prévu par la Loi et que, par conséquent, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Cara Weir

Lewis Robart

Andrew Strong

Membre

Membre

Membre

Décision de la commissaire

[57] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande. Les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[58] En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

ce 28e jour d’avril 2020

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