Brevets

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Citation: Lynn Tilton (Re), 2020 CACB 2

Décision du Commissaire #1522

Commissioner’s Decision #1522

Date: 2020-04-07

SUJET:

J-00

Signification de la technique

 

J-50

Simple Plan

 

B-00

Indéfini

TOPIC:

J-00

Meaning of Art

 

J-50

Mere Plan

 

B-00

Indefiniteness

Demande no 2 468 872

Application No.: 2,468,872


BUREAU CANADIEN DES BREVETS

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423], dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 468 872 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets [DORS/2019-251]. La recommandation de la Commission et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

Agent de la demanderesse

GILBERT’S LLP

77, rue King Ouest, bureau 2010

C.P. 301

Toronto (Ontario)

M5K 1K2


Introduction

[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadienne refusée no 2 468 872 qui est intitulée « PROCÉDÉ PERMETTANT DE TITRISER UN PORTEFEUILLE COMPORTANT AU MOINS 30 % DE PRÊTS COMMERCIAUX EN DIFFICULTÉ » et inscrite au nom de Lynn Tilton (la « demanderesse »).

[2] La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons à la commissaire aux brevets de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[3] La demande de brevet canadien no 2 468 872, fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, est considérée comme ayant une date de dépôt du 22 novembre 2002 et être devenue accessible au public le 12 juin 2003.

[4] La demande concerne la titrisation des actifs financiers. Plus particulièrement, elle vise un procédé permettant de titriser un portefeuille de prêts comportant au moins 30 % de prêts commerciaux en difficulté.

Historique de la poursuite de la demande

[5] Le 27 avril 2017, une décision finale (DF) a été rendue conformément aux dispositions du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets [DORS/96-423] dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, dans laquelle la demande a été rejetée parce qu’elle visait un objet non prévu par la Loi. La DF indiquait que les revendications 1 à 24, datant du 27 août 2015 (les revendications au dossier) n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[6] Le 26 octobre 2017, la demanderesse a présenté une réponse à la DF (R-DF). Dans la R‑DF, la demanderesse a soutenu que les revendications au dossier constituaient une invention au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[7] Puisque l’examinateur a maintenu la position selon laquelle la demande n’était pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets après avoir étudié la R-DF, la demande a été transférée à la Commission le 15 décembre 2017, en même temps qu’un résumé des motifs (RM). Dans le RM, l’examinateur a déclaré que les revendications au dossier visaient toujours un objet non prévu par la Loi et qu’elles n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[8] La Commission a fait parvenir le RM à la demanderesse le 19 décembre 2017. Le 2 août 2019, une communication verbale du représentant de la demanderesse a été reçue, indiquant que cette dernière souhaitait toujours l’examen de la demande par la Commission.

[9] Le présent comité (le Comité) a été formé afin de réviser la demande en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets.

[10] Dans une lettre de révision préliminaire datée du 21 octobre 2019 (la lettre de RP), le Comité a présenté son analyse préliminaire et les raisons pour lesquelles nous considérons que l’objet des revendications au dossier n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Dans la lettre de RP, le Comité a également considéré que les revendications 1 à 10 avaient un caractère indéfini et n’étaient pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. La lettre de RP a aussi donné à la demanderesse des possibilités de présenter des observations écrites et d’assister à une audience.

[11] Dans une lettre en date du 8 novembre 2019, la demanderesse a sollicité la tenue d’une audience.

[12] Dans une réponse à la lettre de RP (R-RP) datée du 21 novembre 2019, la demanderesse a soutenu que la demande visait un objet brevetable et elle a présenté un nouvel ensemble de revendications (les revendications proposées) dans le but de remédier à l’irrégularité liée au caractère indéfini soulevée dans la lettre de RP.

[13] Une audience a été tenue devant le Comité le 6 décembre 2019 (l’audience).

Question

[14] Deux questions doivent être tranchées dans le présent examen :

  • la question de savoir si les revendications au dossier définissent un objet visé par la définition d’invention à l’article 2 de la Loi sur les brevets;
  • la question de savoir si les revendications 1 et 10 au dossier définissent distinctement et en des termes explicites l’invention, se conformant ainsi au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[15] Dans le cadre de la présente révision, nous aborderons en premier la question de l’objet relativement aux revendications au dossier. Ensuite, nous examinerons la question du caractère indéfini pour les revendications 1 et 10. Enfin, nous examinerons la question de savoir si les revendications proposées constituent une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[16] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool c. Camco Inc, 2000 CSC 67 aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 12.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC) révisée en juin 2015 [RPBB], la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution préconisée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés comme étant ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, tel qu’il est revendiqué.

Objet prévu par la Loi

[17] La définition d’invention est établie à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« [I]nvention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[18] À la suite de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Amazon.com, 2011 CAF 328 [Amazon], le Bureau a publié une note de service sur l’examen PN2013-03, intitulée « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » (OPIC, mars 2013) [PN2013–03], qui apporte des précisions quant à l’approche utilisée par le Bureau pour déterminer si une invention liée à l’ordinateur constitue un objet prévu par la Loi.

[19] Tel qu’il est indiqué dans la note de service PN2013-03, l’article 2 de la Loi sur les brevets présente la définition d’invention et doit être lu conjointement avec le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets, qui précise qu’il ne peut être octroyé pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques. Les inventions non manifestées concrètement (p. ex., de simples idées, projets, plans ou ensembles de règles, etc.) ne sont pas incluses au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets. Lorsqu’un ordinateur est jugé comme un élément essentiel d’une revendication interprétée, ou que la revendication vise une solution technique à un problème technique, l’objet revendiqué sera généralement prévu par la Loi. En contrepartie, s’il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent à un objet exclu de la définition d’invention, et qu’ils ne définissent pas « une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable » (Amazon, paragraphe 66), la revendication n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets et, par conséquent, elle n’est pas brevetable.

[20] Dans la R-DF (pages 2 à 16), la R-RP (pages 2 à 5) et durant l’audience, la demanderesse a soutenu que la pratique du Bureau concernant l’interprétation téléologique ne fournit pas de lignes directrices appropriées et qu’elle est incompatible avec la jurisprudence applicable.

[21] La pratique du Bureau décrite dans le RPBB et la note de service PN2013-03 a été élaborée en réponse à Amazon et fait état de l’interprétation que fait le Bureau du droit en matière de brevets au Canada concernant l’interprétation téléologique telle qu’elle est appliquée à l’examen d’une demande de brevet. La pratique du Bureau précise qu’une interprétation téléologique dûment éclairée doit tenir compte de la demande dans son ensemble telle que le concevrait la personne versée dans l’art, à la lumière des CGC dans le ou les domaines dont relève l’invention, de manière à définir le problème abordé et la solution proposée dans la demande. La solution à ce problème fournit des indications qui permettent de déterminer les éléments essentiels, sachant cependant que les éléments qui ont un effet substantiel sur le fonctionnement d’une réalisation donnée ne sont pas nécessairement tous des éléments essentiels de la solution.

Caractère indéfini

[22] Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent distinctement et en des termes explicites l’objet :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[23] Dans Minerals Separation North American Corp c. Noranda Mines Ltd, [1947] C de l’Éch. 306, 12 CPR 99, à la page 146, la Cour a insisté sur l’obligation qui incombe au demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis :

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Analyse

Interprétation téléologique

[24] Il y a 24 revendications au dossier, y compris les revendications indépendantes 1 et 10 et les revendications dépendantes 2 à 9 et 11 à 24. À notre avis, les revendications 1 et 10 sont représentatives des revendications au dossier :

[traduction]

1. Un procédé informatique pour constituer un portefeuille de prêts commerciaux, composé des étapes suivantes :

utiliser au moins un ordinateur pour sélectionner plusieurs prêts commerciaux à partir d’un groupe de prêts commerciaux afin de créer un portefeuille de prêts dans lequel les prêts représentant au moins trente pour cent (30 %) de (i) la valeur marchande du portefeuille, (ii) du solde impayé du capital du portefeuille ou (iii) du montant engagé du portefeuille, sont en difficulté et : (i) sont en défaut de paiement ou (ii) le défaut de paiement est considéré comme étant probable;

créer une base de données dans un ou plusieurs ordinateurs pour chaque prêt commercial dans le groupe sélectionné de prêts, ladite base de données étant composée des renseignements compilés stockés dans des zones de la base de données, y compris : (i) les renseignements sur le taux de recouvrement composant l’encaisse de l’emprunteur, les paiements nets prévus et les garanties connexes; et au moins l’un des éléments suivants : (ii) les renseignements sur l’encaisse de l’emprunteur, (iii) les renseignements sur le prêt, y compris le montant du capital, le taux d’intérêt, les montants engagés non financés, les renseignements sur le crédit et les renseignements sur l’amortissement, (iv) les paramètres d’établissement du prix du prêt, (v) les renseignements sur le taux d’encaisse du prêt, (vi) la valeur de la garantie du prêt, (vii) les paramètres de l’arrangement, y compris la capacité d’endettement de l’emprunteur et les renseignements sur la liquidation et (viii) l’évaluation de la valeur actualisée de l’encaisse du prêt, ladite base de données informatique étant stockée dans une mémoire lisible par ordinateur;

déterminer les encaisses prévues de chaque prêt commercial dans l’ensemble sélectionné de prêts commerciaux;

établir un prix d’achat pour chaque prêt commercial dans l’ensemble sélectionné de prêts commerciaux comme valeur affichée pour l’affichage à l’écran ou à l’impression.

10. Un procédé informatique pour créer une structure de capital afin d’examiner un portefeuille de prêts commerciaux, composé des étapes suivantes :

utiliser un ou plusieurs ordinateurs pour sélectionner un ensemble de prêts commerciaux à partir d’un groupe de prêts afin de créer un portefeuille de prêts dans lequel les prêts représentant au moins trente pour cent (30 %) de (i) la valeur marchande du portefeuille, (ii) du solde impayé du capital du portefeuille ou (iii) du montant engagé du portefeuille, sont en difficulté et : (i) sont en défaut de paiement ou (ii) le défaut de paiement est considéré comme étant probable;

créer une base de données dans un ou plusieurs ordinateurs pour chaque prêt dans le groupe sélectionné de prêts, ladite base de données étant composée des renseignements compilés stockés dans des zones de la base de données, y compris : (i) les renseignements sur le taux de recouvrement composant l’encaisse de l’emprunteur, les paiements nets prévus et les garanties connexes; (ii) les renseignements sur le prêt, y compris le montant du capital, le taux d’intérêt, les montants engagés non financés, les renseignements sur le crédit et les renseignements sur l’amortissement, (iii) les paramètres d’établissement du prix du prêt, (iv) la valeur de la garantie du prêt, (v) les paramètres de l’arrangement, y compris la capacité d’endettement de l’emprunteur et les renseignements sur la liquidation et (vi) l’évaluation de la valeur actualisée de l’encaisse du prêt, ladite base de données informatique étant stockée dans une mémoire lisible par ordinateur;

ajouter des prêts et/ou retirer des prêts du portefeuille de prêts pour reproduire l’encaisse et les caractéristiques de recouvrement d’un portefeuille de prêts productifs;

constituer le portefeuille de prêts comme valeur affichée pour l’affichage à l’écran ou à l’impression.

[25] Les revendications dépendantes 2 à 9 et 11 à 24, qui sont directement ou indirectement dépendantes de la revendication 1 et de la revendication 10, respectivement, indiquent d’autres limites et seront examinées après l’analyse des revendications indépendantes 1 et 10.

La personne versée dans l’art

[26] Dans la lettre de RP, à la page 5, nous avons adopté la détermination de la personne versée dans l’art (PVA) indiquée dans la DF à la page 2 :

[traduction]

La personne ou l’équipe versée dans l’art est versée dans le domaine des stratégies d’investissement et des cotes d’évaluation ayant des connaissances particulières dans la création de portefeuilles de prêts, l’analyse des risques du portefeuille et les stratégies d’établissement des prix pour le portefeuille. De plus, une personne versée dans l’art connaîtrait le but général des programmes informatiques précisément liés aux bases de données financières et aux applications de feuilles de calcul (paragraphes 0001 à 0010).

[27] La demanderesse n’a pas contesté cette qualification dans la R-RP. Pendant l’audience, elle a souscrit dans une large mesure à cette détermination. Nous adoptons cette qualification de la PVA dans le cadre de la présente révision.

Les connaissances générales courantes

[28] Nous adoptons pour la présente révision la détermination des CGC de la personne versée dans l’art établie dans la lettre de RP à la page 5 telle qu’elle est indiquée dans la DF à la page 2 :

  • connaissance des plateformes informatiques générales, des bases de données financières connexes et des tableurs;
  • connaissance des facilités de crédit et des prêts commerciaux (page 2 de la demande, paragraphe [0002]);
  • connaissance de la classification des prêts, y compris les prêts en difficulté lorsqu’il y a eu défaut d’un emprunteur de faire un ou des paiements à un prêteur ou qu’une probabilité de défaut a été déterminée par un prêteur en ce qui concerne l’obligation de l’emprunteur de faire un paiement au prêteur (page 2 de la demande, paragraphes [0002] et [0003]);
  • les prêts en difficulté sont assujettis à une surveillance accrue et peuvent faire l’objet d’un traitement comptable spécial, y compris des besoins accrus en capitaux et un examen réglementaire (pages 2 à 7 de la demande, paragraphes [0003] à [0011]).

[29] La demanderesse n’a pas contesté cette qualification dans la R-RP. Pendant l’audience, elle a souscrit dans une large mesure à cette détermination. Nous adoptons cette qualification des CGC dans le cadre de la présente révision.

Problème et solution

[30] Comme l’explique la lettre de RP, la DF (page 3) a indiqué le problème dans l’art antérieur selon la description figurant aux paragraphes [0001] à [0012]. Dans ces paragraphes, la demande indique les lacunes de l’art connexe : les prêteurs détenant des facilités de crédit en difficulté qui font face à des choix défavorables, comme la retenue ou la vente à un escompte élevé, ce qui nécessiterait beaucoup de temps et de capitaux de la part des prêteurs. En outre, avant l’invention, il était peu réaliste et non rentable de titriser un portefeuille de prêts en difficulté en raison de l’impossibilité d’obtenir une cote d’évaluation d’investissements pour l’émission de titres de créances adossés à des créances mobilières.

[31] Après avoir examiné les paragraphes précédents dans le contexte du mémoire descriptif en entier et selon les CGC de la personne versée dans l’art, la lettre de RP à la page 6 a indiqué ce que la personne versée dans l’art comprendrait comme étant le problème et la solution qui sont abordés dans la demande :

[traduction]

[L]e problème à régler du point de vue de la PVA avec ses CGC est la nécessité d’un procédé de titrisation d’un portefeuille qui comprend un pourcentage important de prêts commerciaux en difficulté pour que les cotes d’évaluation d’investissements puissent être atteintes pour les titres adossés à des créances mobilières fondés sur le portefeuille.

[…]

[L]a solution proposée définie par les revendications est un procédé de création d’un portefeuille de prêts commerciaux comprenant au moins 30 % de prêts en difficulté. Le procédé comprend une série de règles commerciales, notamment la sélection des prêts commerciaux précis pour créer le portefeuille, l’enregistrement des caractéristiques financières de chaque prêt sélectionné, la détermination de l’encaisse prévu de chaque prêt sélectionné, l’établissement d’un prix d’achat pour chaque prêt sélectionné et la réorganisation de la structure du portefeuille pour reproduire l’encaisse et les caractéristiques de recouvrement d’un portefeuille de prêts productifs.

[32] Dans la R-RP à la page 3, la demanderesse a soutenu ce qui suit :

[traduction]

La demanderesse soutient que la pratique du Bureau des brevets, indiquée dans la note de service PN2013-03 et d’autres documents, qui consiste à déterminer si le « problème » (comme il est interprété par l’examinateur ou le Bureau) est un « problème d’ordinateur » ou un « problème technologique » n’est pas justifiée par la Loi sur les brevets ou la jurisprudence applicable.

En effet, la demanderesse n’est au courant d’aucune disposition législative ou décision judiciaire qui exige d’une invention qu’elle règle un « problème d’ordinateur » pour qu’il s’agisse d’un objet brevetable. La demanderesse soutient que la recherche d’un « problème d’ordinateur » correspond à une approche inappropriée de l’« accroche » contre laquelle la Cour d’appel fédéral a prévenu dans Amazon.com, 2011 CAF 328 :

[...]

Telle qu’elle est actuellement formulée, la pratique du Bureau des brevets pour l’examen des inventions mises en œuvre par ordinateur entraîne une norme différente appliquée à ce domaine d’invention comparativement à d’autres domaines d’invention. La demanderesse soutient que la Commission doit examiner, en dehors de la question de savoir si l’invention visée par la revendication de la présente demande règle un « problème d’ordinateur », la question de savoir si les revendications constituent néanmoins un objet brevetable.

La demanderesse fait valoir que l’objet actuellement visé par la revendication tel qu’il est interprété de façon téléologique n’est pas interdit par une disposition de la Loi sur les brevets et constitue une « invention » en vertu de l’article 2 de la Loi.

[33] Comme l’indique la note de service PN2013-03, lorsqu’un ordinateur est jugé comme un élément essentiel d’une revendication interprétée, ou que la revendication vise une solution technique à un problème technique, l’objet revendiqué sera généralement prévu par la Loi. En contrepartie, s’il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent à un objet exclu de la définition d’invention, la revendication n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. À notre avis, même si le fait de ne pas régler un « problème d’ordinateur » ou un « problème technique » n’empêche pas une demande d’être brevetable en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets, l’examen durant l’interprétation de la revendication de la question de savoir si la demande vise à régler un « problème d’ordinateur » est utile pour déterminer si les éléments informatiques font partie de la solution ou du problème désigné, lorsque l’on examine la demande dans son ensemble du point de vue de la personne versée dans l’art avec ses CGC.

[34] Le problème indiqué dans le mémoire descriptif de la demande aux paragraphes [0002] à [0011], et ainsi que nous l’avons indiqué ci-dessus, ne vise pas des difficultés dans les opérations ou la mise en œuvre du matériel ou de logiciels informatiques précis. Même si les paragraphes [0054], [0058] et [0064] du mémoire descriptif indiquent qu’il est [traduction] « préférable » de traiter les données financières en utilisant [traduction] « une feuille de calcul ou un logiciel comptable, financier ou de bases de données » ou [traduction] « des bases de données ou des feuilles de calcul comptables ou financières couramment disponibles », ils ne fournissent pas de détails supplémentaires sur la façon dont le logiciel est mis en œuvre ou utilisé. En raison de l’absence de toute indication explicite dans la demande selon laquelle les problèmes pratiques liés à l’exploitation d’un ordinateur ont été surmontés et en l’absence de détails sur la mise en œuvre en ce qui concerne l’ordinateur, la personne versée dans l’art comprendrait que l’invention ne concerne pas la mise en œuvre d’un ordinateur.

[35] Par conséquent, à notre avis, les éléments informatiques revendiqués ne font pas partie du problème cerné ou de la solution indiquée. Nous concluons que le problème et que la solution sont tels qu’ils sont mentionnés dans la lettre de RP.

Les éléments essentiels

[36] La lettre de RP (pages 7 à 10) indiquait les éléments essentiels des revendications indépendantes 1 et 10 respectivement exigés par la solution indiquée pour régler le problème cerné. D’autres caractéristiques des revendications 2 à 9 et 11 à 24 sont aussi prises en compte en ce qui concerne leur caractère essentiel.

[37] Dans la R-RP (pages 3 à 4), la demanderesse a soutenu ce qui suit :

[traduction]

Selon les observations préliminaires de la Commission aux pages 7 et 8, répétant l’analyse de l’examinateur, la Commission semble indiquer les éléments essentiels des revendications sans tenir compte des connaissances générales courantes (« CGC ») de la personne versée dans l’art.

La demanderesse fait respectueusement valoir que la pratique du Bureau des brevets qui consiste à exclure les CGC au moment de déterminer les éléments essentiels est incompatible avec la jurisprudence, y compris les principes fondamentaux d’interprétation établis par la Cour suprême dans Free World Trust :

[…]

En effet, en omettant de tenir compte des CGC dans l’analyse des éléments essentiels, la Commission a privé la personne versée dans l’art de ses connaissances requises pour interpréter les revendications, ce qui entraîne une interprétation incorrecte.

La demanderesse soutient qu’une personne versée dans l’art qui possède les CGC dans le domaine de l’invention actuelle comprendrait que les éléments de la revendication tels que « informatique », « au moins un ordinateur », « bases de données », « valeur affichée », « écran » et « impression » sont nécessaires pour mettre en pratique l’invention.

[38] Pendant l’audience, la demanderesse a aussi soutenu qu’il est incorrect pour la Commission [traduction] « d’exclure » les éléments informatiques dans les revendications, puisque ces dernières définissent la portée choisie par la demanderesse.

[39] Toutefois, comme il est expliqué dans la lettre de RP, une personne versée dans l’art, ayant ses propres CGC, comprendrait que, bien qu’un ordinateur utilisé pour traiter des données financières puisse être [traduction] « préférable », comme l’indique la description, il ne serait pas nécessaire pour parvenir à la solution indiquée. À l’appui de ce point de vue, nous notons que le mémoire descriptif indique ce qui suit :

[traduction]

[0054] [...] Il est préférable de traiter les données financières en utilisant un programme informatique à cause des nombreuses variables concernées. Ces renseignements peuvent être organisés grâce à diverses plateformes logicielles couramment disponibles, comme Microsoft Office 2000.

[0055] Dans le cadre de la révision fondée sur la diligence raisonnable, les modèles de bases de données informatiques, décrits ci-dessous, peuvent être utilisés comme guide pour faciliter l’évaluation quantitative, qualitative et juridique. [...] [Non souligné dans l’original.]

[40] La personne versée dans l’art comprendrait que l’ordinateur indiqué dans les revendications est utilisé à des fins de calcul pour des tâches de calcul général et de traitement de données, ce qui est appuyé par l’absence de détails sur la mise en œuvre dans le mémoire descriptif en ce qui concerne la façon dont les méthodes visées par les revendications sont mises en œuvre au moyen de la technologie informatique. Comme l’explique Schlumberger Canada Ltd c. Canada (Commissaire des brevets), [1982] 1 CF 845 (CA), [Schlumberger], « [c]’est précisément pour effectuer les calculs de ce genre qu’on a inventé les ordinateurs ». La nécessité d’un ordinateur pour sa commodité et le traitement rapide des données ne rend pas l’ordinateur essentiel au fonctionnement d’une invention. Comme nous l’avons expliqué, l’objet revendiqué ne vise pas la solution d’un problème d’ordinateur, ce qui est appuyé par l’absence d’indications sur les problèmes pratiques liés à l’exploitation d’un ordinateur et l’absence de détails sur la mise en œuvre en ce qui concerne l’ordinateur. Sans l’ordinateur, la méthode revendiquée peut être réalisée par un processus mental ou simplement avec un stylo et du papier. Comme dans Schlumberger, l’emploi de la technologie informatique pour mettre en œuvre un processus abstrait ne rend pas le processus brevetable.

[41] Pendant l’audience, la demanderesse a aussi soutenu que le mémoire descriptif divulguait des paramètres et des opérations de bases de données qui ont été mis en œuvre par des ordinateurs.

[42] Toutefois, à notre avis, la [traduction] « base de données » vise l’organisation de paramètres abstraits de titrisation de prêts. Le procédé de titrisation revendiqué ne concerne pas la façon dont ces paramètres sont organisés. Il vise plutôt les paramètres qui sont envisagés dans le processus de titrisation. La personne versée dans l’art comprendrait que l’emploi d’un ordinateur pour mettre en œuvre la [traduction] « base de données » revendiquée n’aurait pas d’effet important sur l’exploitation de la solution de constitution d’un portefeuille de prêts commerciaux.

[43] Dans la R-RP (page 5), la demanderesse a soutenu également ce qui suit :

[traduction]

La demanderesse fait respectueusement valoir qu’il est incorrect, comme l’ont fait la Commission et l’examinateur en vertu de la pratique du Bureau des brevets, de décortiquer l’invention revendiquée selon ses éléments distincts et d’examiner la question de savoir si chaque élément vise un objet prévu par la Loi.

La demanderesse fait plutôt respectueusement valoir que l’approche appropriée doit tenir compte de l’invention dans son ensemble, y compris le résultat concret obtenu par toute l’invention. L’invention actuellement revendiquée, par exemple, comprend l’« affichage à l’écran ou à l’impression » (comme l’indiquent les revendications 1 et 10) et l’autorisation qu’un portfolio d’au moins 30 % de facilités de crédit commercial en difficulté soit « susceptible de titrisation et l’émission de titres de créances adossés à des créances mobilières [...] qui sont toutes admissibles à des cotes d’évaluation d’investissements » (comme le divulgue le paragraphe [0012]), soit des considérations pertinentes à l’objet prévu par la Loi.

[44] Bien que l’interprétation des revendications durant l’examen doive rester ancrée dans le libellé des revendications et compte tenu de la demande dans son ensemble, elle « ne peut reposer seulement sur l’interprétation littérale des revendications » (Amazon, par. 43). « Une interprétation téléologique nécessite que le commissaire soit attentif à la possibilité qu’une revendication du brevet puisse être exprimée dans un langage qui soit trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance » (Amazon, par. 44). Une interprétation téléologique bien éclairée doit donc tenir compte de la demande dans son ensemble; le libellé des revendications choisi par l’inventeur ne peut l’emporter sur l’ensemble des autres considérations lors de l’interprétation téléologique des revendications.

[45] Pour la demande, la personne versée dans l’art munie de ses CGC, qui examine la demande dans son ensemble, ne croirait pas que la caractéristique de la [traduction] « valeur affichée pour l’affichage à l’écran ou à l’impression » est essentielle puisque la façon dont le résultat de la méthode de création d’un portefeuille de prêts est présenté ne fait pas partie de la solution au problème de titrisation d’un portefeuille de prêts contenant des prêts en difficulté.

[46] En outre, comme l’explique Amazon, au paragraphe 61, « il ne s’ensuit pas nécessairement [...] qu’une pratique commerciale qui ne constitue pas elle-même un objet brevetable parce qu’elle est une idée abstraite devienne un objet brevetable du simple fait qu’elle est une concrétisation pratique ou qu’elle présente une application pratique ». Pour la demande, comme dans Schlumberger, l’utilisation d’ordinateurs dans une concrétisation pratique pour effectuer des calculs et le traitement de données ne fait pas en sorte que les éléments informatiques revendiqués soient essentiels et ne fait pas en sorte que les règles abstraites revendiquées en ce qui concerne la titrisation d’un portefeuille de prêts soient brevetables.

[47] Par conséquent, nous sommes d’avis qu’une interprétation appropriée de la revendication considérerait que les éléments informatiques ne sont pas essentiels à la solution proposée.

Revendication indépendante 1

[48] À notre avis, la revendication 1 comporte les éléments essentiels suivants, qui représentent une méthode de constitution d’un portefeuille de prêts commerciaux, composé de ce qui suit :

  • sélectionner plusieurs prêts commerciaux à partir d’un groupe de prêts commerciaux afin de créer un portefeuille de prêts dans lequel les prêts représentant au moins trente pour cent (30 %) de (i) la valeur marchande du portefeuille, (ii) du solde impayé du capital du portefeuille ou (iii) du montant engagé du portefeuille, sont en difficulté et : (i) sont en défaut de paiement ou (ii) le défaut de paiement est considéré comme étant probable;

  • enregistrer les renseignements suivants pour chaque prêt commercial dans le groupe sélectionné de prêts : (i) les renseignements sur le taux de recouvrement composant l’encaisse de l’emprunteur, les paiements nets prévus et les garanties connexes; et au moins l’un des éléments suivants : (ii) les renseignements sur l’encaisse de l’emprunteur, (iii) les renseignements sur le prêt, y compris le montant du capital, le taux d’intérêt, les montants engagés non financés, les renseignements sur le crédit et les renseignements sur l’amortissement, (iv) les paramètres d’établissement du prix du prêt, (v) les renseignements sur le taux d’encaisse du prêt, (vi) la valeur de la garantie du prêt, (vii) les paramètres de l’arrangement, y compris la capacité d’endettement de l’emprunteur et les renseignements sur la liquidation et (viii) l’évaluation de la valeur actualisée de l’encaisse du prêt;

  • déterminer les encaisses prévues de chaque prêt commercial dans l’ensemble sélectionné de prêts commerciaux;

  • établir un prix d’achat pour chaque prêt commercial dans l’ensemble sélectionné de prêts commerciaux comme valeur affichée pour l’affichage à l’écran ou à l’impression.

Revendication indépendante 10

[49] La revendication 10 comporte les éléments essentiels suivants, qui représentent une méthode de création d’un portefeuille de prêts, composé de ce qui suit :

  • sélectionner plusieurs prêts commerciaux à partir d’un groupe de prêts afin de créer un portefeuille de prêts dans lequel les prêts représentant au moins trente pour cent (30 %) de (i) la valeur marchande du portefeuille, (ii) du solde impayé du capital du portefeuille ou (iii) du montant engagé du portefeuille, sont en difficulté et : (i) sont en défaut de paiement ou (ii) le défaut de paiement est considéré comme étant probable;

  • enregistrer les renseignements suivants pour chaque prêt commercial dans le groupe sélectionné de prêt : (i) les renseignements sur le taux de recouvrement composant l’encaisse de l’emprunteur, les paiements nets prévus et les garanties connexes; (ii) les renseignements sur le prêt, y compris le montant du capital, le taux d’intérêt, les montants engagés non financés, les renseignements sur le crédit et les renseignements sur l’amortissement, (iii) les paramètres d’établissement du prix du prêt, (iv) la valeur de la garantie du prêt, (v) les paramètres de l’arrangement, y compris la capacité d’endettement de l’emprunteur et les renseignements sur la liquidation et (vi) l’évaluation de la valeur actualisée de l’encaisse du prêt;

  • ajouter des prêts au portefeuille de prêts et/ou en retirer pour reproduire l’encaisse et les caractéristiques de recouvrement d’un portefeuille de prêts productifs;

  • constituer le portefeuille de prêt.

Revendications dépendantes 2 à 9 et 11 à 24

[50] Dans la lettre de RP (pages 9 et 10), nous avons aussi indiqué notre analyse des autres caractéristiques des revendications dépendantes :

[traduction]

Les revendications dépendantes 2 à 9 et 11 à 24 indiquent les autres caractéristiques suivantes :

• recours à une entité ad hoc comme instrument d’investissement, dont les opérations comprennent le paiement à des établissements de crédit pour le portefeuille à transférer et l’émission et l’administration de titres pour le portefeuille (revendications 2, 3, 15, 16 et 18);

• méthode relative à la façon dont les prêts sont sélectionnés (revendication 4 à 9 et 19 à 24);

• simulation d’encaisse pour les scénarios de recouvrement et une structure de capitaux pour que l’entité ad hoc obtienne une cote d’évaluation d’investissements pour les titres émis par l’entité ad hoc (revendications 11 et 17);

• paramètres de recouvrement utilisés pour les scénarios de recouvrement (revendication 12);

• teneur des paramètres de l’arrangement (revendication 13);

• teneur des renseignements sur la liquidation (revendication 14);

Selon notre point de vue préliminaire, ces caractéristiques visent diverses concrétisations de l’objet revendiqué, comme divers critères de sélection de prêts (revendications 4 à 9, 12 à 14 et 19 à 24) et la mise en œuvre de la solution indiquée, comme le recours à une entité ad hoc comme instrument d’investissement pour traiter le portefeuille (revendications 2, 3, 11 et 15 à 18).

Par conséquent, les revendications dépendantes 2 à 9 et 11 à 24 indiquent d’autres améliorations aux éléments des revendications indépendantes. Les règles commerciales supplémentaires indiquées par ces revendications sont considérées comme essentielles aux revendications qui les énumèrent. Toutefois, pour les mêmes raisons que nous avons indiquées ci-dessus en ce qui concerne les revendications indépendantes, l’ordinateur n’est pas considéré comme essentiel aux revendications dépendantes puisqu’il ne fait pas partie de la solution indiquée. Ces caractéristiques supplémentaires sont considérées comme de simples améliorations aux règles commerciales des revendications indépendantes.

Les revendications dépendantes 2 à 17 et 20 indiquent d’autres caractéristiques de traitement des données qui tiennent compte de réalisations différentes du même ensemble d’éléments essentiels indiqué ci-dessus. Ces revendications comportent des caractéristiques telles que les déterminations des statistiques de transaction et les manipulations de données vectorielles, y compris le calcul des forces de relation entre des paires de commerçants. À notre avis, toutes les caractéristiques de ces revendications visent les manipulations de données abstraites et des calculs.

[51] Étant donné que la demanderesse n’a pas contesté notre analyse et notre justification des revendications dépendantes, à part soulever des arguments contre la pratique du Bureau en ce qui concerne l’interprétation des revendications en général, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, nous l’adoptons dans la présente révision.

Objet prévu par la Loi

[52] Comme nous l’avons indiqué notre analyse des éléments essentiels de l’objet revendiqué, les éléments essentiels des revendications au dossier comprennent des étapes de traitement de données abstraites d’une méthode de constitution d’un portefeuille de prêts commerciaux. Un tel objet vise une série de règles abstraites, qui ne comprennent pas de matière qui manifeste un effet ou un changement discernable, et qui ne correspond pas à la définition d’invention à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[53] Par conséquent, les revendications 1 à 24 au dossier ne définissent pas un objet prévu par la Loi et, de ce fait, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Caractère indéfini

[54] Dans la lettre de RP, le Comité a donné son opinion préliminaire avec la justification suivante :

[traduction]

Même si la revendication 1 indique une étape de création d’une base de données pour chaque prêt commercial dans le groupe sélectionné de prêts, la base de données est composée des renseignements financiers compilés. Toutefois, ni la base de données en soi ni les renseignements qui y sont stockés ne sont mentionnés dans les étapes suivantes de détermination des encaisses prévues et l’établissement d’un prix d’achat pour chaque prêt commercial. L’absence d’interaction entre les méthodes revendiquées crée de l’incertitude quant à la portée de l’objet revendiqué.

La revendication 10 est indéfinie pour les mêmes raisons.

Par conséquent, les revendications 1 et 10 ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[55] La demanderesse n’a pas contesté ce point de vue et nous l’adoptons aux fins de la présente révision. Par conséquent, nous sommes d’avis que les revendications 1 et 10 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[56] Dans les revendications proposées, les revendications 1 et 10 ont été modifiées pour remédier à l’irrégularité liée au caractère indéfini dans la lettre de RP. Dans la modification, le texte souligné qui suit a été ajouté :

  • [Revendication 1] […] établir, à partir des renseignements compilés stockés dans les zones de la base de données, un prix d’achat pour chaque prêt commercial dans l’ensemble sélectionné de prêts commerciaux comme valeur affichée pour l’affichage à l’écran ou à l’impression.

  • [Revendication 10] [...] constituer, à partir des renseignements compilés stockés dans les zones de la base de données, le portefeuille de prêt comme valeur affichée pour l’affichage à l’écran ou à l’impression.

[57] Pour ce qui est de la question du caractère indéfini, étant donné que ces modifications établissent un lien entre les données indiquées et les données utilisées dans les étapes subséquentes de l’établissement des encaisses prévues et établissent un prix d’achat pour chaque prêt commercial, nous sommes d’avis que les revendications proposées définissent distinctement et en des termes explicites la portée des revendications proposées et sont conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[58] Pour ce qui est de l’objet prévu par la Loi, étant donné que les modifications précisent simplement l’utilisation des données indiquées, les revendications proposées ne modifieraient pas notre désignation de la personne versée dans l’art, des CGC, des problèmes et de la solution et des éléments essentiels. Par conséquent, les revendications proposées 1 à 24 ne seraient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets, pour les mêmes motifs que ceux établis ci-dessus dans notre analyse.

[59] Les revendications proposées ne sont donc pas considérées comme des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets, parce qu’elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.


 

Recommandation de la commission

[60] Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande de rejeter la demande au motif que les revendications au dossier visent un objet non prévu par la Loi et sont, par conséquent, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets et que les revendications 1 à 10 au dossier sont indéfinies et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[61] De plus, les revendications proposées ne corrigent pas les irrégularités de l’objet et, par conséquent, l’introduction de ces revendications ne constitue pas des modifications « nécessaires » en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Liang Ji

Paul Fitzner

Lewis Robart

Membre

Membre

Membre


 

Décision du commissaire

[62] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de refuser la demande au motif que les revendications au dossier définissent un objet non visé par la définition d’« invention » et qu’elles ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets et les revendications 1 et 10 au dossier ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[63] Par conséquent, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Aux termes de l’article 41 de la Loi sur les brevets, la demanderesse dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec)

ce 7e jour d’ avril 2020

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