Décision du commissaire no 1514
Commissioner’s Decision No. 1514
SUJETS : J–00 Signification de la technique
J–50 Simple plan
TOPICS: J–00
Meaning of Art
J–50 Mere Plan
Application No. 2,611,958
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 611 958 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019‑251). Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire rejette la demande.
Agent du demandeur
550 rue Burrard, bureau 2300, Bentall 5
Vancouver (Colombie-Britannique) V6C 2B5
Introduction
[1] La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 611 958, qui est intitulée « Procédé et système d’expédition de colis par anticipation » et qui est la propriété d’Amazon Technologies, Inc. (le « demandeur »). L’irrégularité qui subsiste, indiquée dans la décision finale (« DF »), tient au fait que les revendications ne définissent pas un objet prévu par la loi, en contravention de l’article 2 de la Loi sur les brevets. La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.
Contexte
La demande
[3] La demande concerne une méthode et un système mis en œuvre par ordinateur pour réduire les délais d’expédition liés à la réception de colis dans le cadre du commerce électronique. Les anciennes méthodes d’expédition n’attribuaient pas une adresse de livraison pour un article ou un colis avant que l’article soit réellement commandé ou acheté en ligne, moment auquel l’adresse de livraison serait connue et pourrait ainsi être attribuée à un colis pour expédition.
[4] Le processus de la présente demande propose de modifier la méthode d’expédition qui précède en attribuant de façon spéculative l’adresse d’une zone géographique de destination (p. ex. l’emplacement d’un entrepôt ou d’un carrefour d’expédition) au colis en fonction d’une analyse prédictive de modélisation ou historique, sans préciser complètement l’adresse de livraison au moment de l’expédition. À une date ultérieure (p. ex. lorsque l’article est acheté ou commandé et que l’adresse de livraison finale est connue), les renseignements sur l’adresse du colis sont mis à jour en attribuant l’adresse de livraison finale au colis ou à l’article.
Historique de la poursuite de la demande
[5] Le 4 octobre 2016, une DF a été envoyée en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les « anciennes règles »). La DF indiquait que les revendications 1 à 74 au dossier ne définissaient pas un objet prévu par la loi et n’étaient donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.
[7] L’examinateur n’a pas été convaincu par les arguments du demandeur et, en vertu du paragraphe 30(6) des anciennes règles, la demande refusée a été transmise à la Commission pour examen. Le 14 août 2017, la Commission a transmis au demandeur une copie du résumé des motifs, accompagnée d’une lettre confirmant le refus.
[8] Un comité a été constitué dans le but de réviser la demande refusée et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. À la suite de notre révision préliminaire, le 30 juillet 2019, nous avons envoyé une lettre (la « lettre de RP ») dans laquelle nous avons présenté notre analyse et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier dont nous disposons, nous estimons que l’objet des revendications au dossier n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Le demandeur a aussi eu la possibilité de participer à une audience.
Question
Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets
Interprétation téléologique
[12] Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp c. Camco Inc, 2000 CSC 67 aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 12.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB] (OPIC, révisé en juin 2015), la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit des éléments de l’objet revendiqué qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée.
[13] Dans la RRP, aux pages 13 à 18, le demandeur n’approuvait pas l’approche adoptée par le Bureau en ce qui concerne l’interprétation de la revendication décrite dans le RPBB. Il a fait valoir que ces lignes directrices et leur application sont valides et légales uniquement si elles appliquent correctement les principes de l’interprétation des revendications indiqués dans Free World Trust et Whirlpool et appliqués dans d’autres décisions canadiennes. Selon les observations du demandeur, Free World Trust et Whirlpool montrent qu’un élément n’est pas essentiel si le lecteur versé dans l’art avait compris d’après le libellé de la revendication que l’inventeur n’a pas voulu qu’il soit essentiel et que le lecteur versé dans l’art aurait constaté, à la date de la publication, qu’un élément pouvait être substitué sans que cela ne modifie le fonctionnement de l’invention.
[14] Toutefois, comme l’a indiqué la lettre de RP, le paragraphe 12.02.02 du RPBB aborde la pratique du Bureau en ce qui concerne les éléments essentiels. Il indique en partie que tout élément qui affecte matériellement le fonctionnement d’un mode de réalisation donné n’est pas nécessairement essentiel à la solution; certains éléments énoncés d’une revendication définissent le contexte ou l’environnement d’un mode de réalisation sans réellement changer la nature de la solution. Par conséquent, l’interprétation téléologique doit tenir compte des éléments qui sont nécessaires à la solution. La simple existence d’un élément dans le libellé de la revendication choisie par l’inventeur ne peut l’emporter sur toutes les autres considérations pendant l’interprétation téléologique des revendications.
[15] De plus, l’approche décrite dans le RPBB a été élaborée en réponse à Canada (Procureur général) c. Amazon.com, inc, 2011 CAF 328 [Amazon.com] et elle tient compte des principes de cette affaire ainsi que des affaires Free World Trust et Whirlpool antérieures. Par exemple, Amazon.com, aux par. 43, 44, 62, 63 et 73-74, explique que l’interprétation téléologique « ne peut reposer seulement sur l’interprétation littérale des revendications du brevet », que le libellé de la revendication peut être « trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance », qu’une application pratique ou un mode de réalisation peut néanmoins ne pas faire partie des éléments essentiels d’une invention revendiquée, que l’interprétation téléologique doit reposer sur un « fondement des connaissances ayant trait à la réalisation en cause » et que, sans ce fondement, l’interprétation d’une revendication peut ne pas être bien éclairée.
Avec égard toutefois, le droit canadien ne permet pas à l’OPIC de conclure qu’un élément d’une revendication n’est pas essentiel simplement parce qu’il est connu ou non inventif. Limiter les éléments essentiels qui constituent une part inventive de la solution équivaudrait à la soi-disant « analyse par contribution » que les tribunaux ont explicitement interdit à l’OPIC d’appliquer.
[17] Le comité souscrit à la déclaration selon laquelle le droit canadien ne permet pas la soi-disant [traduction] « analyse par contribution »; si la lettre de RP a amené le demandeur à croire qu’une analyse par contribution était utilisée pour retirer les caractéristiques faisant partie des CGC des revendications interprétées, ce n’était pas l’intention ni le fondement de l’analyse préliminaire du comité. La pratique du Bureau en ce qui concerne la détermination des éléments essentiels n’est pas fondée sur une évaluation de la question de savoir quelles caractéristiques revendiquées fournissent une contribution supérieure à ce qui est couramment connu. Au contraire, selon la pratique du Bureau, les caractéristiques couramment connues peuvent être considérées comme des éléments essentiels d’une revendication. Toutefois, l’interprétation téléologique indique comme essentiels uniquement les éléments qui règlent un problème, qu’ils soient couramment connus ou non. Certaines caractéristiques d’une revendication, même si elles fournissent un contexte ou définissent l’environnement de travail, ne peuvent néanmoins pas être considérées comme essentielles parce que la personne versée dans l’art comprendrait qu’elles ne font pas partie de la solution au problème.
Objet prévu par la loi
[18] La définition d’invention est indiquée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :
[19] L’énoncé de pratique PN2013-03, intitulé « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » (OPIC, mars 2013) [PN2013–03], apporte des précisions quant à l’approche utilisée par le Bureau des brevets pour déterminer si une invention liée à l’ordinateur constitue un objet prévu par la loi.
[21] Dans sa RRP, aux pages 2 à 4, le demandeur aborde la brevetabilité de soi‑disant [traduction] « stratagèmes commerciaux » dans la jurisprudence canadienne, déclarant que toute catégorisation d’une invention en tant que [traduction] « stratagème commercial » n’est pas pertinente au critère légalement exécutoire énoncé par les tribunaux canadiens. Le demandeur fait plutôt valoir qu’à la suite de la décision Amazon.com, les tribunaux ont conclu que :
[...] une invention revendiquée n’est pas « désincarnée » ou « abstraite » que si elle a une « existence physique ou […] « manifeste un effet ou changement discernable ». Il ne revient pas au commissaire d’approuver cette décision légalement exécutoire. [souligné dans l’original]
[22] Nous reconnaissons qu’il n’y a aucune exclusion des soi-disant [traduction] « stratagèmes commerciaux » de la brevetabilité en vertu de la Loi sur les brevets et qu’à la suite de la décision Amazon.com, une invention revendiquée sera désincarnée ou abstraite si elle vise un objet sans existence physique qui ne manifeste pas d’effet ou de changement discernable. À titre de précision, on comprend de l’énoncé PN2013–03 que les inventions désincarnées, comme une simple idée, un schéma, un plan ou un ensemble de règles, ne seraient pas brevetables sans autre élément essentiel prévu par la loi.
Analyse
Interprétation téléologique
La personne versée dans l’art et les CGC pertinentes
[23] Dans sa lettre de RRP, le demandeur n’a pas contesté la définition par le comité de la personne versée dans l’art et des CGC pertinentes indiquées dans la lettre de RP. Par conséquent, nous adoptons ces définitions dans le cadre du présent examen.
[24] À la page 3 de la lettre de RP, nous avons défini la personne versée dans l’art ainsi :
Étant donné le contexte de l’invention et les renseignements de la description (pages 1 à 2), nous avons défini de façon préliminaire la personne versée dans l’art comme une personne ou une équipe compétente dans le domaine du commerce électronique et de la logistique d’expédition ainsi que dans l’art des ordinateurs d’usage général, de la programmation et du réseautage utilisé pour appuyer ces activités de commerce électronique et d’expédition.
Nous avons conclu de façon préliminaire que les CGC pertinentes de la personne versée dans l’art comprenaient notamment :
Nous fondons cette détermination sur la définition de la personne versée dans l’art ci-dessus, appuyée par la description de la demande (page 1) de ce qui est typique dans le domaine des achats de marchandises dans le cadre du commerce électronique et de l’expédition desdites marchandises au consommateur. Le dernier point est également appuyé par la faible quantité de détails dans la demande en ce qui concerne la mise en œuvre des méthodes et du système proposés. Ce manque de détails laisse supposer que cette mise en œuvre doit pouvoir être saisie par la personne versée dans l’art et qu’il ne doit donc pas nécessiter d’autres explications.
Par conséquent, selon notre avis préliminaire, en fonction des déclarations figurant dans la description et des CGC indiquées, la personne versée dans l’art considérerait que les méthodes de l’art antérieur pour l’expédition de la marchandise commandée au moyen du commerce électronique entraînent des délais d’expédition inacceptables pour les méthodes d’expédition non accélérée au moyen de transporteurs communs ou des frais de livraison trop élevés lorsque l’expédition accélérée est choisie pour réduire ces délais.
Selon notre avis préliminaire, la personne versée dans l’art comprendrait aussi à partir de la description que la solution à ce problème est un processus amélioré pour réduire le délai en attribuant une première adresse composée d’une zone géographique de destination (p. ex. carrefour) sans que les adresses de livraison finales soient connues. L’adresse de livraison finale est ensuite attribuée au colis qui est en transit ou après l’arrivée du colis à la zone géographique de destination.
[27] Dans sa RRP, aux pages 10 et 11, le demandeur a fait remarquer que l’évaluation par le comité du problème de la solution diffère de la DF; toutefois, il ne rejette pas particulièrement le problème et la solution énoncés dans la lettre de RP et nous les adoptons aux fins du présent examen. Le demandeur fait plutôt valoir que la solution au problème relevé par le comité comprendrait, par nécessité, les éléments essentiels prévus par la loi, comme les ordinateurs pour le commerce électronique et l’expédition de colis. Le caractère essentiel de ces caractéristiques sera examiné sous la section « Éléments essentiels » ci-dessous.
[28] Les revendications indépendantes 1, 19 et 25 visent le même objet, dans un système, un produit informatique et un mode de réalisation de méthode, respectivement. Pour les fins de notre analyse, nous sommes d’avis que la revendication 1 du système est représentative de l’invention :
[traduction]
Dans l’évaluation des éléments essentiels des revendications au dossier, la DF indiquait que les éléments informatiques ne sont pas essentiels pour régler le problème indiqué, mais qu’ils servent plutôt à fournir l’environnement d’exploitation précis pour l’invention.
Dans la RDF, comme nous l’avons vu ci-dessus, le demandeur a soutenu que les éléments informatiques sont essentiels à la solution. La RDF indiquait également que les autres caractéristiques physiques indiquées dans les revendications sont essentielles, comme l’« emballage d’un ou de plusieurs éléments », l’« expédition du colis » et la « remise dudit colis à un transporteur ».
Pour ce qui est du premier point, comme nous l’avons indiqué sous « Problème et solution » ci-dessus, la demande porte sur un problème concernant le retard dans la réception d’achats obtenus au moyen du modèle de vitrine de commerce électronique. Elle ne propose pas de régler un problème informatique. On considère que les éléments informatiques revendiqués fournissent le contexte de la solution et, même s’ils fournissent un environnement de travail pratique (comme dans le cadre des systèmes d’achats électroniques et de réalisation d’expédition), ils ne sont pas essentiels pour régler le problème.
Sur ce point, nous faisons remarquer que chaque examen d’une demande refusée devant la Commission est établi selon son propre fondement et ses propres faits, et que les décisions antérieures du commissaire, bien qu’elles fournissent des renseignements, ne sont pas exécutoires ou déterminantes de toute demande que révisera la Commission par la suite. Nous précisons qu’aucune des demandes visées par les décisions du commissaire citées dans la RDF n’aborde le même problème ou la même solution que la demande en l’espèce. À notre avis, ces affaires ne nous sont pas utiles pour le caractère essentiel des éléments informatiques de la présente demande.
Pour ce qui est du deuxième point susmentionné, nous ne sommes pas d’accord pour dire que les caractéristiques physiques mentionnées sont essentielles à la solution. Nous précisons que la revendication 1, par exemple, ne définit pas de moyens physiques d’emballage, d’expédition ou de manutention. En outre, nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art saurait (à partir de ses CGC) qu’un processus d’expédition concerne les emballages réels, une expédition physique et une « manutention » physique entre le transporteur et les consommateurs. Selon notre avis préliminaire, la personne versée dans l’art penserait que l’utilisation de ces éléments physiques ne concerne pas le problème et la solution. La demande propose de régler le problème de délai excessif en obtenant une marchandise commandée dans une boutique virtuelle de commerce électronique. Elle ne propose pas de régler un problème d’emballage, d’expédition ou de manutention physique des colis. La solution concerne les règles d’expédition ou le processus commercial pour atténuer les retards en attribuant une première adresse à un colis en fonction d’une zone géographique de destination indiquée, puis en attribuant l’adresse de livraison finale lorsqu’elle est établie. Par conséquent, les éléments physiques indiqués dans la RDF peuvent faire partie de l’environnement de travail de l’invention, mais il ne s’agit pas d’éléments essentiels de l’invention en soi.
ii) même s’il ne s’agit pas d’un problème informatique, les ordinateurs sont essentiels à la solution, étant donné que le problème concerne la réduction des délais dans le commerce électronique, la solution et les éléments essentiels nécessiteraient la réduction des délais d’expédition des achats du commerce électronique. À titre justificatif, le demandeur a encore une fois cité la décision du commissaire 1345, demande de brevet 2 333 184, datée du 22 mai 2013 [DC1345] (voir la RRP, pages 12 et 13).
[31] Sur le premier point, le comité n’est pas d’accord. Comme l’indique la lettre de RP (reproduite ci-dessus), la solution concerne l’attribution de façon spéculative d’une adresse initiale à un colis en fonction d’une zone géographique de destination indiquée, puis l’attribution de l’adresse de livraison finale à un colis lorsqu’elle est établie. Le résultat de cette solution, si elle est mise en œuvre dans l’environnement actuel d’expédition et de livraison, peut réduire le délai de livraison. Toutefois, la solution fonctionne par l’association des renseignements sur la première adresse et l’adresse finale aux renseignements d’identification du colis (c.-à-d. identifiant unique). L’expédition du colis est réalisée de façon normale et ne fait pas partie du problème ou de la solution, mais plutôt de l’environnement d’exploitation dans lequel l’invention est entreprise. Seuls le traitement pour adresser le colis et les renseignements sur l’adresse liés aux colis (liés aux données d’identifiant unique) ont changé; le colis et les étapes d’expédition physique n’ont pas changé. Le colis était toujours livrable, avant et après la solution inventive. Par conséquent, les nombreuses étapes physiques du processus d’expédition ne sont pas essentielles à la solution.
[32] En ce qui concerne le deuxième point (ii) qui précède, nous sommes d’accord avec le demandeur pour dire que le contexte de l’invention concerne un problème de réception de marchandises commandées dans une boutique virtuelle de commerce électronique. Toutefois, nous ne sommes pas d’accord pour dire qu’il y a des éléments informatiques essentiels pour régler le problème. La personne versée dans l’art comprend que, peu importe si un élément est commandé d’une boutique virtuelle de commerce électronique, par téléphone, en envoyant un formulaire de commande ou par toute autre forme de communication humaine, il existe des délais connus dans la réception de l’élément au-delà de tout retard dans l’achat physique de l’élément dans une boutique. La solution divulguée consiste à changer ou à améliorer la méthode pour adresser lesdits éléments de sorte que ces délais d’expédition connus soient réduits. Tout élément informatique revendiqué du commerce électronique est considéré comme le contexte ou l’environnement de travail de l’invention. Ainsi, selon le comité, la personne versée dans l’art ne considérerait pas que les éléments informatiques du commerce électronique sont essentiels à la solution divulguée pour corriger les délais d’expédition particuliers associés aux achats de commerce électronique.
[33] Pour ce qui est de la DC1345 citée par e demandeur, le problème et la solution dans cette affaire concernaient le classement d’embryons végétaux dans un milieu industriel où « le classement des embryons doit être fait rapidement avant que leur viabilité ne faiblisse »; l’utilité de l’invention était fondée sur l’entretien d’embryons, c.-à-d. des êtres vivants. Le commissaire a donc conclu que les éléments informatiques étaient essentiels pour régler le problème auquel faisaient face les inventeurs. En l’espèce, la demande aborde un problème et une solution considérablement différents; chaque examen doit être établi selon les faits et le contexte particuliers cette affaire. Le comité ne croit pas que le caractère essentiel de l’ordinateur dans la DC1345 est instructif en l’espèce.
– déterminer un identifiant unique qui est attribué audit colis avant que ce dernier soit expédié;
[35] Comme l’a indiqué le demandeur (RRP, page 8), nous précisons aussi que la revendication 25 comprend les éléments essentiels de [traduction] « l’emballage d’un ou de plusieurs éléments » et [traduction] « l’expédition » des colis, composée de la [traduction] « remise physique dudit colis à un transporteur ». Toutefois, comme il est expliqué ci-dessus, nous ne sommes pas d’accord pour dire que l’emballage et l’expédition du colis sont des étapes essentielles à une solution qui attribue une première adresse de destination et attribue plus tard l’adresse de livraison complète finale à un envoi ou à un colis. Le lien au colis réel se fait par l’association des renseignements sur l’adresse avec les renseignements sur l’identifiant unique. Le processus pour déterminer et attribuer les adresses initiales et finales est un changement aux étapes d’adresse dans une méthode d’expédition; les renseignements sur l’adresse et l’identifiant unique sont des données, ayant une importance mentale ou intellectuelle. Aucun article physique n’est essentiel aux étapes d’attribution d’une adresse; la solution est fondée sur la mise à jour des renseignements.
Les revendications dépendantes définissent les limites du schéma pour attribuer des adresses aux colis afin de réduire les délais d’expédition, y compris les données utilisées pour l’identifiant unique, les variables utilisées pour évaluer les frais d’expédition, les règles d’attribution des adresses et les règles et paramètres d’utilisation de l’analyse des demandes expédition historiques et de l’analyse du modèle prédictif. Aucune des revendications dépendantes n’est considérée comme définissant des éléments essentiels et physiques.
[38] En résumé, la personne versée dans l’art comprendrait que les éléments essentiels des revendications 1 à 74, interprétés de façon téléologique, sont les étapes améliorées d’une méthode d’expédition qui détermine et attribue de façon spéculative une première zone géographique de destination pour un colis et par la suite, lorsque d’autres renseignements deviennent disponibles, déterminent et attribuent une adresse de livraison finale au colis. Les éléments essentiels concernent le changement aux renseignements de l’adresse pour les colis connexes en utilisant des renseignements sur un identifiant unique des colis; les éléments physiques mentionnés – les colis en soi, l’expédition du colis et les éléments informatiques – sont considérés comme des éléments non essentiels.
Objet prévu par la loi
[39] Dans sa RRP, en plus de soulever des arguments liés à la pratique du Bureau (voir les paragraphes [13] et [21] qui précèdent), le demandeur a invoqué ses arguments antérieurs de la RDF en ce qui concerne l’objet prévu par la loi. En particulier, aux pages 4 à 7 de la RRP, le demandeur fait valoir que les éléments essentiels indiqués par le comité définissent un objet prévu par la loi, à savoir la caractéristique concernant ce qui suit :
– attribuer un identifiant unique audit colis;
– le colis devient livrable à ladite adresse de livraison.
[40] Pour ce qui est de l’identifiant unique, le comité note dans le mémoire descriptif (paragraphes 33 à 35) que l’identifiant unique consiste à marquer les données ou les renseignements, comme un code-barres ou d’autres données lisibles par machine, connus dans les opérations de numérisation de colis. Ces renseignements ne modifient physiquement à aucun moment le colis. Selon la solution, les renseignements sur l’identifiant unique attribués au colis sont utilisés pour associer les renseignements géographiques de la destination initiale à un colis et plus tard le même identifiant unique est utilisé pour associer l’adresse de livraison unique à jour au colis. L’élément essentiel est composé de données et de renseignements, il a une importance intellectuelle, et ne comprend aucun mode de réalisation physique ou d’effet ou de changement discernable.
en réponse à la réception de ladite spécification complète de ladite adresse de livraison, attribuer ladite adresse de livraison audit colis en utilisant ledit identifiant unique, de sorte qu’à la suite de la transmission de la spécification complète, ledit colis devient livrable à ladite adresse de livraison.
[42] Selon le comité, la personne versée dans l’art comprendrait que cet élément essentiel définit l’attribution des renseignements sur l’adresse de livraison finale au colis en utilisant des renseignements sur l’identifiant unique. Par conséquent, la solution améliorée est réalisée; par la suite, les colis [traduction] « deviennent livrables » à une adresse finale, présumément par des méthodes d’expédition connues. Toutefois, la personne versée dans l’art ne penserait pas que les caractéristiques ont une existence physique ou manifestent un effet ou un changement discernable dans les colis et ne penserait pas que la revendication a un aspect physique. L’aspect qui a changé est plutôt la signification intellectuelle de l’adresse des données associées aux données sur l’identifiant unique; les données, comme tous les renseignements, sont désincarnées et donc considérées comme étant abstraites.
[43] Par conséquent, comme il l’a indiqué dans la lettre de RP, le comité est d’avis que les éléments essentiels des revendications 1 à 74 ne comprennent pas d’éléments ayant une existence physique ou d’éléments qui manifestent un effet ou un changement discernable. Les éléments essentiels sont plutôt considérés comme des règles administratives intangibles pour attribuer de façon spéculative au colis une adresse dans une zone géographique de destination sans connaître l’adresse de livraison finale puis, à une date ultérieure, attribuer une adresse de livraison complète et finale. Les éléments essentiels comprennent le changement dans les règles d’expédition et les éléments de données utilisés dans ces règles.
[44] Les règles, les plans et les renseignements n’ayant qu’une signification intellectuelle sont considérés comme n’étant pas visés par la définition d’invention prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets. De même, la réalisation d’un plan ou d’une théorie sur la production de résultats physiques découlant directement de l’application de la théorie ou du plan en soi n’est pas visée par la définition d’invention prévue à l’article 2 de la Loi sur les brevets.
Recommandation de la Commission
Andrew Strong Paul Fitzner Mara
Gravelle
Membre Membre Membre
Décision DU commissaire
[47] Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande. Les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.
[48] En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.
Johanne Bélisle
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec),
en ce 13e jour de
janvier 2020