Brevets

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  Décision du commissaire no 1517

Commissioner’s Decision No. 1517

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS:       B–00 Caractère indéfini
J–00  Signification de la technique
J–50  Simple plan
O–00 Évidence

TOPICS:       B–00 Indefiniteness
J–00  Meaning of Art
J–50  Mere Plan
O–00 Obviousness

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 455 591

Application No. 2,455,591


 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 


Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96‑423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019, la demande de brevet numéro 2 455 591 a subséquemment fait l’objet d’une révision conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019-251). Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire rejette la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

BORDEN LADNER GERVAIS LLP

World Exchange Plaza

100, rue Queen, bureau 1300

OTTAWA (Ontario) K1P 1J9


 



 

Introduction

[1]               La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée numéro 2 455 591, intitulée « Système et méthode de cotation ». La demande de brevet appartient à Saphran, Inc. Les irrégularités non résolues indiquées par la décision finale (DF) sont que les revendications ne définissent pas un objet prévu par la Loi et ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets et que les revendications indépendantes sont imprécises et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[2]               La Commission d’appel des brevets (la Commission) a examiné la demande refusée en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019–251). Au cours de cet examen, nous avons également évalué si l’objet revendiqué est évident et donc non conforme à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets. Comme nous l’expliquons ci-dessous, notre recommandation est de rejeter la demande.

Contexte

La demande

[3]               La demande de brevet canadien n2 455 591, fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevets considérée comme ayant la date de dépôt du 12 juillet 2012, est devenue accessible au public depuis le 15 janvier 2004.

[4]               L’invention concerne un système de cotation visant à faciliter la préparation d’une cotation pour un produit personnalisé où les calculs exécutés peuvent également être personnalisés.

Historique du traitement de la demande

[5]               Le 13 juillet 2016, une DF a été rédigée en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 (les anciennes règles). La DF indiquait que la demande était irrégulière pour deux motifs : les revendications au dossier (c’est-à-dire les revendications 1 à 16 reçues le 18 septembre 2015) n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets et les revendications 1 et 12 au dossier n’étaient pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[6]               Dans une réponse du 12 janvier 2017 à la DF (R-DF), le demandeur a proposé un ensemble modifié de 16 revendications (les premières revendications proposées) et a soumis des arguments au sujet de l’objet prévu par la loi.

[7]               L’examinateur estimait que la modification proposée aux revendications corrigerait les irrégularités d’imprécision, mais n’a pas été convaincu par les arguments du demandeur concernant l’objet prévu par la 1oi. Le refus n’a pas été retiré.

[8]               Par conséquent, en vertu du paragraphe 30(6) des anciennes règles, les modifications proposées n’ont pas été saisies au dossier et la demande a été transmise à la Commission afin de l’examiner et de faire une recommandation au commissaire quant à la décision à rendre.

[9]               Un comité a été formé afin d’examiner la demande; subséquemment à notre révision préliminaire, nous avons envoyé une lettre le 7 juin 2019 (la lettre de RP) présentant notre analyse et notre justification quant à la raison, selon les dossiers qui nous ont été présentés, pour laquelle nous avons considéré que l’objet des revendications au dossier (et des premières revendications proposées) était conforme à l’article 2, mais pas à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets et que les revendications 1 à 16 au dossier n’étaient pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. Nous avons également invité le demandeur à participer à une audience.

[10]           Le demandeur a répondu à la lettre de RP le 30 août 2019 (R-RP), indiquant qu’il ne voulait plus participer à une audience, proposant un ensemble modifié de 16 revendications (les deuxièmes revendications proposées) et fournissant des arguments portant sur leur brevetabilité.

[11]           Rien n’a changé dans le dossier écrit concernant les revendications au dossier depuis la révision préliminaire, nous renvoyons donc à la justification exprimée dans la lettre de RP concernant ces revendications. En ce qui a trait aux deux ensembles de revendications proposées, puisque le demandeur a plus récemment exprimé son intérêt à poursuivre avec les deuxièmes revendications proposées, nous nous concentrons sur celles-ci plutôt que sur les premières revendications proposées.

Questions

[12]           Les 3 questions à aborder dans le cadre de cette révision sont les suivantes :

         si les revendications au dossier définissent un objet qui tombe dans la définition d’invention de l’article 2 de la Loi sur les brevets;

         si les revendications au dossier définissent un objet qui n’aurait pas été évident, se conformant ainsi à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets;

         si les revendications 1 et 12 au dossier définissent en termes précis et explicites l’invention, se conformant ainsi au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[13]           Nous abordons ensuite si les deuxièmes revendications proposées forment une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[14]           Conformément à l’arrêt Free World Trust c Électro Santé, 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont déterminés par une interprétation téléologique des revendications faite en tenant compte de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool c Camco, 2000 CSC 67 aux paragraphes 49f) et g) et 52). Conformément au Recueil des pratiques du Bureau des brevets, révisé en juin 2015 (OPIC), au § 12.02.02, la première étape de l’interprétation téléologique est d’identifier la personne versée dans l’art ou ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante est de cerner le problème réglé par les inventeurs et la solution mise de l’avant dans la demande. Les éléments essentiels peuvent être considérés comme ces éléments de l’objet revendiqué qui sont fondamentaux à la solution divulguée.

Objet prévu par la loi

[15]           La définition d’invention est établie à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[16]           La « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur », PN2013–03 (OPIC, mars 2013) clarifie l’approche du Bureau des brevets pour déterminer si une invention mise en œuvre par ordinateur est un objet prévu par la loi.

[17]           Comme l’explique la PN2013–03, lorsqu’un ordinateur est jugé comme un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué n’est pas une invention désincarnée (par exemple, simplement une idée, un projet, un plan ou une série de règles), laquelle serait non prévue par la loi.

Évidence

[18]           L’article 28.3 de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué ne soit pas évident :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a)      qui a été faite, soit plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, soit, si la date de la revendication est antérieure au début de cet an, avant la date de la revendication, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b)      qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[19]           Dans Apotex c Sanofi-Synthelabo Canada, 2008 CSC 61, au paragraphe 67, la Cour suprême du Canada a affirmé qu’il est utile dans un examen relatif à l’évidence de suivre l’approche de quatre étapes suivante :

(1)a)  Identifier la « personne versée dans l’art »,

    b)  Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)     Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)     Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

(4)     Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

Imprécision

[20]      Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent en termes précis et explicites l’objet :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[21]      Dans Minerals Separation North American Corp c Noranda Mines Ltd, [1947] RC de l’É 306, 12 CPR 99 à la page 146, la Cour soulignait l’obligation d’un demandeur d’indiquer clairement dans les revendications la portée du monopole demandé et l’exigence que les termes utilisés dans les revendications soient clairs et précis :

[traduction]

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Analyse

[22]           Nous avons cité les documents suivants dans la lettre de RP puisqu’ils étaient pertinents :

         D1 :        US 5 761 656              2 juin 1998                  Ben-Shachar

         D2 :        US 5 907 846              25 mai 1999                Berner et coll.

         D3 :        CA 2 359 133              17 mai 2001                Lang et coll.

         D4 :        CA 2 390 379              17 mai 2001                Gryglewicz et coll.

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[23]           Selon le contexte de l’invention et les renseignements contextuels de la description (pages 1 et 2), la lettre de RP a identifié la personne versée dans l’art comme étant une équipe formée d’un ou plusieurs professionnels des affaires employés par un fournisseur (comme un fournisseur automobile) et expérimentés dans la préparation de cotations aux clients pour des produits personnalisés de série. L’équipe comprend également des programmeurs ou d’autres technologues expérimentés dans le développement et l’approvisionnement de logiciels, d’outils et d’infrastructures conventionnellement utilisés pour appuyer de tels professionnels.

Les CGC

[24]           Par conséquent, nous avons déterminé que les CGC pertinentes sont comme suit :

         les processus habituellement associés à la préparation de cotations et les difficultés auxquelles font face les fournisseurs lors d’une telle préparation;

         l’utilisation de feuilles de calcul et de courriels pour préparer des cotations et leurs limitations;

         le développement et l’utilisation de logiciels de cotation et leurs limitations;

         les techniques relatives au matériel informatique général et à la programmation d’ordinateurs;

         l’utilisation de bases de données relationnelles et de systèmes de gestion de bases de données;

         le développement d’interfaces d’utilisateur, y compris les interfaces d’utilisateur graphiques pour interagir avec les bases de données.

[25]           Nous avons établi cette identification en fonction de la définition de la personne versée dans l’art ci-dessus. Comme nous l’avons expliqué dans la lettre de RP, les trois premiers points sont également appuyés par la description de la demande de ce qui est habituel dans le domaine (pages 1, 2 et 4) et les trois derniers points sont également appuyés par la faible quantité de détails dans la présente demande concernant la mise en œuvre du système de cotation proposé. Ce manque de détails suggère qu’une telle mise en œuvre doit être à la portée de la personne versée dans l’art et, par conséquent, n’a pas à être expliqué davantage. Le demandeur est également allé dans ce sens dans sa réponse du 6 septembre 2012 à un rapport d’examen :

[traduction]
En particulier, les nouvelles revendications modifiées établissent clairement les diverses étapes et leur séquence nécessaire à mettre en œuvre par le logiciel, où les détails de la mise en œuvre actuelle sont considérés comme des connaissances générales connues d’une personne versée dans l’art de l’informatique
.

 

[…]

 

La mise en œuvre particulière dépendrait du calcul effectué, mais une fois que le calcul et la portée des changements demandés sont déterminés, les détails relatifs à la mise en œuvre de ces étapes des revendications 1 et 12 deviendront clairs pour une personne versée dans l’art.

 

[…]

 

En particulier, la conception d’interfaces d’utilisateur est très bien connue et est bien à la portée des connaissances de quelqu’un versé dans l’art. Décider de la façon de personnaliser les interfaces deviendrait évident à une personne versée dans l’art une fois que la nature du produit ainsi que la structure et le flux de travail de l’organisation faisant la cotation étaient définis.

[26]           L’avant-dernier point est appuyé également par la description dans le document D2 (colonnes 1 à 3) de la technologie de base de données relationnelle comme mature, conventionnelle et répandue.

[27]           Le point final est appuyé également par la description dans le document D1 (colonne 1) du développement d’interfaces d’utilisateur graphiques pour les bases de données et d’outils disponibles sur le marché pour faciliter un tel développement.

[28]           La DF a également indiqué comme CGC la capacité d’ajouter une nouvelle catégorie de données à une base de données relationnelle existante sans qu’il soit nécessaire de modifier toutes les applications existantes, permettant ainsi d’utiliser les bases de données relationnelles pour la saisie de données flexibles sans reprogrammation. La lettre de RP indiquait notre perspective selon laquelle il n’avait pas été établi comme CGC qu’il était possible de stocker des calculs et d’autres fonctions dans une base de données relationnelle pour éliminer le besoin d’insérer de telles fonctions directement dans le code.

[29]           Le demandeur n’a pas contesté cette identification de la personne versée dans l’art ou la détermination de ses CGC pertinentes et nous les adoptons aux fins de la présente révision.

Le problème et la solution

[30]           Le demandeur a proposé dans la R-DF que le problème est la façon de rendre un système de cotation informatique plus flexible afin qu’il puisse être utilisé pour générer des cotations pour un plus large éventail de projets sans être reprogrammé. La solution, selon la R-DF, est un système de cotation informatique qui accepte de l’utilisateur non seulement des données de cotation (comme le font les systèmes traditionnels), mais également des données de calcul qui seront utilisées par le système pour modifier les techniques ou les calculs appliqués aux données de cotation lors de la préparation d’une cotation.

[31]           En revanche, le demandeur a proposé dans la R-RP que le problème [traduction] « concerne le fait que les différents secteurs d’un fournisseur de produit doivent collaborer pour préparer une cotation pour un produit personnalisé ». La R-RP était en accord avec la R-DF dans la mesure où la solution est l’approvisionnement [traduction] « d’une base de données qui peut être modifiée en saisissant ou en modifiant des données sans nécessiter la reprogrammation d’un logiciel de cotation ». Toutefois, elle ajoutait que la solution [traduction] « offre également des interfaces personnalisées aux secteurs comme fonction du flux de travail requis pour produire le produit personnalisé ». C’est-à-dire, les interfaces personnalisées indiquent à leurs secteurs respectifs seulement les données qui doivent être saisies par ce secteur pour la préparation de la cotation pour le produit personnalisé.

[32]           Comme nous l’avons souligné dans la lettre de RP, la demande (pages 1 et 2) explique que le processus pour préparer des cotations aux clients, particulièrement des cotations pour des produits personnalisés de série comme des automobiles, peut être particulièrement compliqué et présenter des difficultés aux multiples secteurs d’un fournisseur qui y participent. Une technique existante utilisée pour surmonter ces difficultés est l’utilisation et l’échange de feuilles de calcul, par courriel, par exemple. Une lacune de cette technique, explique la demande, est que les résultats deviennent séparés de leurs données d’origine, rendant les données difficiles à suivre et presque inaccessibles pour mener une analyse subséquente.

[33]           Des logiciels existent également pour la préparation de cotations, mais, selon la demande, ils manquent la flexibilité souvent nécessaire pour préparer des cotations personnalisées. Si un fournisseur veut changer les calculs des coûts intégrés au logiciel, un travail important de reprogrammation est nécessaire.

[34]           Par conséquent, à titre de solution, la demande (page 3) propose un logiciel de cotation qui utilise une base de données relationnelle pour stocker et gérer de manière centrale les données utilisées pour préparer les cotations, évitant ainsi le besoin que les divers secteurs du fournisseur s’échangent des feuilles de calcul. De plus, les données relatives aux calculs sont également stockées dans la base de données, permettant au fournisseur d’en ajouter ou de les modifier afin de changer la façon dont les calculs sont effectués sans recourir à la reprogrammation du logiciel de cotation.

[35]           La demande ne mentionne aucune difficulté avec la mise en œuvre du logiciel de cotation ou du système informatique, décrivant la mise en œuvre seulement de manière générique et à un haut degré. Étant donné le degré limité et la nature des détails dans la description par rapport à la mise en œuvre, la personne versée dans l’art comprendrait que le problème ne repose pas dans la mise en œuvre. La compréhension de la personne versée dans l’art serait également appuyée par les CGC définies ci-dessus, particulièrement celles qui concernent les interfaces personnalisées pour une base de données.

[36]           Par conséquent, nous estimons que le problème est la restriction dans les logiciels de cotation conventionnels du choix d’un fournisseur aux calculs intégrés dans le code. Nous estimons que la solution correspondante est la conception d’un logiciel de cotation au moyen d’une base de données relationnelle pour stocker non seulement les données de cotation, mais également les données de calcul. Le logiciel permettrait ainsi aux fournisseurs d’ajouter des calculs ou de les modifier simplement en mettant à jour les données stockées sans avoir à reprogrammer le logiciel de cotation lui-même.

Les éléments essentiels

[37]           Les revendications indépendantes 1 et 12 au dossier portent sur le même objet, sous la forme d’un système et d’une méthode, respectivement. Les deux renvoient à la base de données relationnelle, ainsi que son stockage et son utilisation de données de cotation et de données de calcul. Les revendications dépendantes récitent d’autres détails concernant les données et leurs significations connexes, ainsi que les utilisateurs du logiciel.

[38]           Pour des raisons de commodité, la revendication 1 au dossier est fournie ci-dessous puisqu’elle est représentative des revendications :

[traduction]

1.  Un système de cotation qui offre un contrôle flexible sur une cotation personnalisée en modifiant une technique utilisée pour effectuer un calcul de cotation, la modification étant faite en fonction des données de calcul fournies par un utilisateur; le système de cotation comprenant les éléments suivants :

un logiciel contenant des médias non transitoires lisibles par ordinateur qui est en mesure de diriger les actions d’un ordinateur de manière à ce qu’il fasse ce qui suit :

accepter les données de calcul de l’utilisateur du système,

stocker les données de calcul dans une base de données relationnelle,

avec les données de calcul, modifier la technique utilisée pour effectuer le calcul des cotations,

accepter les données de cotation de l’utilisateur du système,

stocker les données de cotation dans la base de données relationnelle,

effectuer le calcul de cotation sur les données de cotation au moyen de la technique modifiée de manière à fournir un résultat pour le calcul de cotation,

appliquer le résultat du calcul de cotation de manière à déterminer une cotation et fournir la cotation à l’utilisateur du système où le système de cotation est configuré pour être utilisé par divers secteurs;

où le logiciel est également en mesure de diriger les actions de l’ordinateur de manière à présenter une pluralité d’interfaces personnalisées qui correspondent aux divers secteurs et où chaque interface personnalisée est en communication avec la base de données relationnelle et configurée pour accorder à un utilisateur un accès sur mesure, conformément à des flux de travail, à la base de données relationnelle en fonction de l’utilisation anticipée par le secteur correspondant de l’utilisateur.

[39]           La DF et la R-DF ne s’entendaient pas pour déterminer si un ordinateur était essentiel ou non à l’invention. Comme nous l’avons expliqué dans la lettre de RP, nous avons considéré le problème du logiciel de cotation de l’art antérieur, soit le besoin de reprogrammer les opérations intégrées au code lorsque les calculs doivent être changés, comme un artefact du logiciel lui-même et de la façon dont il a été programmé et organisé. La solution représente une différence fonctionnelle qui découle de la façon dont le logiciel est programmé et organisé plutôt qu’une différence dans la façon dont les cotations sont calculées ou préparées. Par conséquent, nous estimons que l’utilisation d’un ordinateur est essentielle.

[40]           Comme il a été expliqué dans la lettre de RP, nous avons considéré les revendications indépendantes au dossier comme partageant le même ensemble d’éléments essentiels, soit un logiciel de cotation stockant des médias accordant un contrôle flexible sur une cotation personnalisée au moyen de données de calcul fournies par l’utilisateur afin de modifier une technique de calcul de cotations, le logiciel dirigeant l’ordinateur à faire ce qui suit :

         accepter les données de calcul de l’utilisateur;

         stocker les données de calcul dans une base de données relationnelle;

         accepter les données de cotation de l’utilisateur;

         stocker les données de cotation dans la base de données relationnelle;

         effectuer le calcul de cotation sur les données de cotation au moyen de la technique modifiée par les données de calcul fournies par l’utilisateur;

         appliquer le résultat du calcul de cotation de manière à déterminer une cotation;

         fournir la cotation à l’utilisateur, où :

         le logiciel permet à l’ordinateur de fournir une pluralité d’interfaces personnalisées, chacune étant en communication avec la base de données relationnelle et configurée pour accorder un accès sur mesure à l’utilisateur.

[41]           Nous avons considéré les différences de formulation entre les revendications dépendantes au dossier et les revendications indépendantes desquelles elles découlent comme représentant simplement des modes de réalisation différents du même ensemble d’éléments essentiels.

[42]           Le demandeur n’a pas contesté cette interprétation ou le raisonnement sous-jacent dans la R-RP et nous les adoptons aux présentes également.

Objet prévu par la loi

[43]           Comme il a été interprété ci-dessus, l’utilisation d’un ordinateur est essentielle et, par conséquent, l’objet revendiqué n’est pas une invention désincarnée.

[44]           Par conséquent, les revendications 1 à 16 au dossier définissent un objet prévu par la loi et sont ainsi conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Évidence

Identifier la personne versée dans l’art et déterminer les CGC pertinentes

[45]           L’identification ci-dessus de la personne versée dans l’art et la détermination des CGC pertinentes sont considérées comme applicables à l’évaluation de l’évidence et nous les adoptons aux présentes.

Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[46]           Dans la lettre de RP, nous avons pris l’interprétation des revendications au dossier comme représentant également leur idée originale; de nouveau, nous adoptons cette approche aux présentes.

Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

[47]           La lettre de RP exprimait notre perspective selon laquelle l’état de la technique est le mieux représenté par la divulgation dans la présente demande (page 2) de logiciels existants de préparation de cotations (nous avons également déterminé que de tels logiciels ci-dessus font partie des CGC). La principale différence entre les logiciels de préparation de cotations de l’état de la technique et l’idée originale est que les logiciels de l’état de la technique n’utilisent pas de bases de données relationnelles pour stocker des données de calcul fournies par l’utilisateur en vue de modifier les calculs de cotation, manquant ainsi la flexibilité du logiciel de l’idée originale. De plus, l’idée originale comporte également la présentation d’interfaces personnalisées avec la base de données, une chose que la demande n’inclut pas dans la description des logiciels de préparation de cotations conventionnels.

[48]           Le demandeur a affirmé dans la R-RP que la différence entre l’état de la technique et l’invention présente est que l’invention présente permet de générer des interfaces personnalisées, d’un secteur à l’autre, à titre de fonction du flux de travail associé à la production de produits personnalisés. Plus particulièrement, la R-RP renvoyait aux documents D3 et D4 et aux deuxièmes revendications proposées, contenant cette présentation, mais les revendications au dossier renvoient également à des interfaces personnalisées, comme il a été remarqué ci-dessus.

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention telle que revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

[49]           Comme il a été expliqué précédemment, l’utilisation de bases de données relationnelles et le développement d’interfaces d’utilisateur (y compris celles pour interagir avec les bases de données) font partie des CGC. Par conséquent, il n’est pas important pour la question de l’évidence si les interfaces d’utilisateur sont générées d’un secteur à l’autre. La personne versée dans l’art créerait et personnaliserait le nombre approprié d’interfaces d’utilisateur en fonction de la structure et du flux de travail de l’organisation qui les utilise.

[50]           En ce qui a trait au stockage des calculs et des fonctions dans une base de données sous la forme de données modifiables séparées des fonctions intégrées au code, le document D3 (abrégé; pages 3 à 9, 11 à 16 et 18) divulgue un système logiciel pour calculer les prix de transactions commerciales électroniques. Reconnaissant le besoin des marchands (ses utilisateurs) d’être en mesure de changer les diverses règles d’établissement des prix et les séquences de calcul qui contrôlent le calcul des prix sans reprogrammer le système, de telles données ne sont pas intégrées au code, mais plutôt stockées dans une base de données. Les marchands peuvent consulter et modifier ces données au moyen d’une interface d’utilisateur fournie par le logiciel.

[51]           De plus, le document D4 (abrégé; pages 1, 2, 17, 20 à 25, 45 et 47 à 56) divulgue un système logiciel pour calculer les taxes pour les transactions faites par Internet. Il reconnaît le besoin des marchands (ses utilisateurs) d’être en mesure de fixer et de changer les règles commerciales qui s’appliquent à leurs types de transactions sans reprogrammer le logiciel. Dans le même ordre d’idées, il reconnaît le besoin d’être en mesure de mettre à jour les critères fiscaux et les données de calcul des taxes sans reprogrammation et, par conséquent, stocke ces données dans une base de données à laquelle les autorités fiscales ont accès.

[52]           Par conséquent, le concept de stocker des données pour diriger les calculs et d’autres fonctions dans une base de données relationnelle afin d’éviter à avoir à reprogrammer des fonctions intégrées au code lorsque les calculs doivent être modifiés est évident. La mise en œuvre ne peut également pas être inventive, vu les CGC déterminées ci-dessus.

Conclusion sur l’évidence

[53]           Comme nous l’avons expliqué dans la lettre de RP, nous considérons que l’objet des revendications au dossier aurait été évident à la personne versée dans l’art vu les documents D3 et D4 et les CGC. Par conséquent, ces revendications ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

Caractère indéfini

[54]           Comme nous l’avons expliqué dans la lettre de RP, les revendications 1 et 12 au dossier comprennent chacune une instance où un article indéfini est utilisé plutôt qu’un article défini et la revendication 12 comprend également une instance d’un antécédent manquant. Par conséquent, ces revendications et leurs dépendances manquent de clarté.

[55]           Par conséquent, les revendications 1 à 16 au dossier sont imprécises et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[56]           Comme il a été susmentionné, les deuxièmes revendications proposées comportent 16 revendications. Ces revendications comportent plusieurs reformulations comparativement aux revendications au dossier, y compris l’introduction du concept de données sur le flux de travail et un accent apparent sur la participation de plusieurs secteurs. La deuxième revendication 1 proposée est fournie ci-dessous aux fins de référence :

[traduction]

1.  Un système de cotation qui offre un contrôle flexible d’une cotation personnalisée pour produire un produit fait sur mesure en modifiant une technique de calcul de cotation et en modifiant un flux de travail associé à la production de produit fait sur mesure, le système de cotation étant configuré pour le déploiement chez un fournisseur de produit qui a associé à celui-ci une pluralité de secteurs, le système de cotation comprenant les éléments suivants :

des instructions exécutables par un ordinateur stockant des médias non transitoires lisibles par ordinateur qui, lorsqu’exécutées par un ordinateur, entraînent les actions suivantes :

accepter les données de calcul et les données de flux de travail d’utilisateurs à la pluralité des secteurs,

stocker les données de calcul et les données de flux de travail dans une base de données relationnelle,

au moyen des données de calcul, modifier la technique de calcul de cotations utilisée pour effectuer le calcul de cotation afin d’obtenir une technique de calcul de cotations modifiée,

au moyen des données de flux de travail, modifier le flux de travail pour obtenir un flux de travail modifié,

générer une pluralité d’interfaces personnalisées pour la pluralité de secteurs, chaque interface personnalisée de la pluralité d’interfaces personnalisées générée en fonction du flux de travail modifié, chaque interface personnalisée de la pluralité d’interfaces personnalisées étant en communication avec la base de données relationnelle et configurée pour fournir aux utilisateurs à leurs secteurs respectifs un accès sur mesure à la base de données relationnelle et pour permettre aux utilisateurs à leurs secteurs respectifs de saisir des données de cotation dans le système de cotation,

accepter les données de cotation,

stocker les données de cotation dans la base de données relationnelle,

effectuer le calcul de cotation sur les données de cotation au moyen de la technique de calcul de cotations modifiée de manière à fournir un résultat pour le calcul de cotation,

appliquer le résultat du calcul de cotation de manière à déterminer une cotation,

fournir la cotation à au moins un utilisateur du système.

[57]           Les modifications apportées aux revendications et les aux autres éléments soumis dans la R-RP semblent guider le lecteur vers une interprétation où les utilisateurs d’une pluralité de secteurs peuvent avoir accès aux « données de flux de travail » de la base de données relationnelle, soit quelque chose d’indépendant des données de calcul utilisées pour modifier la façon dont les cotations sont calculées, et apparemment qui a pour but de contrôler le flux de travail de leurs propres secteurs et des autres, ainsi que l’interface personnalisée correspondante de chaque secteur.

[58]           La demande (par exemple, les pages 5 à 7; les figures 1 à 4) ne discute pas explicitement de la manipulation du flux de travail global par l’un des secteurs ou la manipulation des interfaces personnalisées des secteurs en conséquence. Les dessins (figures 1 et 3) semblent suggérer que le secteur des ventes peut saisir des règles opérationnelles qui peuvent déterminer si certains des autres secteurs participent au calcul d’une cotation en particulier. La demande (pages 5 et 6; figures 1 et 3) divulgue que, conformément aux flux de travail d’un fournisseur, chaque secteur pourrait avoir sa propre interface personnalisée avec la base de données relationnelle, de manière à ce que seulement les renseignements nécessaires pour un secteur lui soient fournis et de manière à ce que seulement les renseignements nécessaires de ce secteur lui soient demandés. La demande (pages 7 et 8; figure 4) divulgue également que les données de processus, c’est‑à‑dire la façon dont les calculs de cotation sont effectués, sont stockées dans la base de données relationnelle et peuvent être modifiées pour les cotations relatives à différents produits ou même ajoutées aux cotations de nouveaux produits.

[59]           Par conséquent, si les deuxièmes revendications proposées sont interprétées de manière à ce qu’elles soient entièrement étayées par la description et les dessins, les détails ajoutés n’apportent aucune autre différence à l’état de la technique qui aurait requis un degré quelconque d’invention. Comme il a été expliqué ci-dessus, le concept de stocker des données pour diriger les calculs et d’autres fonctions dans une base de données relationnelle afin d’éviter à avoir à reprogrammer des fonctions intégrées au code lorsque les calculs doivent être modifiés est évident. La mise en œuvre d’interfaces personnalisées pour les bases de données relationnelles est également évidente, vu les CGC déterminées ci-dessus.

[60]           En conséquence, les deuxièmes revendications proposées ne sont pas considérées comme une modification nécessaire en vertu du paragraphe 86(11) des Règles sur les brevets.


 

Recommandation de la Commission

[61]           À la lumière de ce qui précède, le comité recommande que la demande soit rejetée pour les motifs suivants :

         les revendications 1 à 16 sont évidentes et ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets;

         les revendications 1 à 16 sont imprécises et, par conséquent, ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Leigh Matheson                      Lewis Robart                          Andrew Strong
Membre                                   Membre                                   Membre

Décision de la commissaire

[62]           Je souscris aux conclusions de la Commission et à sa recommandation de rejeter la demande. Les revendications au dossier ne sont ni conformes à l’alinéa 28.3b) ni conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[63]           Par conséquent, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. Aux termes de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
ce 10e jour de février 2020

 

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