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Décision du commissaire no 1512

Commissioner’s Decision #1512

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :       G00 Utilité

                       B22 Non appuyée par la divulgation

B00 Caractère ambigu ou indéfini

                      

                                                                                              

TOPICS:        G00 Utility

                       B22 Not Supported by Disclosure

                       B00 Ambiguity or Indefiniteness

                                              

 

                                  

 

 

 

 

           

Demande no 2 662 750

  Application No. 2,662,750

 


 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423] lisant avant le 30 octobre 2019 [les anciennes Règles de brevet], la demande de brevet numéro 2 662 750 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets [DORS/2019-251]. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire rejette la demande.

 

 

 

Demandeur :

 

DESBRANDES, ROBERT

1, Allée des Chériniers

Givarlais

03190

France

 

 

 

                                                                                                                                        

 

                                                                                                  

 


INTRODUCTION

[1]          La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadienne refusée no 2 662 750, qui est intitulée « Procédé et appareillage pour communiquer à distance en utilisant l’interprétation de signaux de thermoluminescence ou de photoluminescence » et inscrite au nom de Robert Desbrandes (« le Demandeur »). La Commission d’appel des brevets (« la Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets.

[2]          Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons à la commissaire aux brevets de rejeter la demande.

CONTEXTE

La demande

[3]          La demande de brevet a été déposée au Canada le 26 mars 2007 en vertu des dispositions du Traité de coopération en matière de brevets et est devenue accessible au public le 10 janvier 2008.

[4]          La demande porte généralement sur un procédé et appareillage pour communiquer à distance au moyen de la photoluminescence ou de la thermoluminescence de particules intriquées par liaison quantique (« particules intriquées »).

Historique de la poursuite

[5]          Le 10 juin 2016, une décision finale (DF) a été délivrée conformément au paragraphe 30(4) des anciennes Règles de brevet. La DF a refusé la demande et souligne les irrégularités suivantes :

      les revendications 1 à 38 englobent un objet qui manque d’utilité et donc, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

      la description ne décrit pas de façon exacte et complète l’invention, son fonctionnement et son utilisation et donc n’est pas conforme à l’alinéa 27(3)d) de la Loi sur les brevets;

      les revendications 31 et 32 souffrent d’une absence de fondement et donc, ne sont pas conformes à l’article 84 des anciennes Règles de brevet.

      les revendications 1, 5 à 9, 30 et 35 sont imprécises et donc, ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[6]          Dans une réponse à la DF (RDF) reçue le 12 décembre 2016, le Demandeur a présenté des arguments en faveur de l’acceptation de la demande et a proposé un ensemble de 38 revendications modifiées (les revendications proposées-1).

[7]          Les arguments du Demandeur n’ont pas convaincu l’Examinateur d’annuler le refus de la demande, et ce dernier a considéré que les revendications proposées ne corrigent pas l’ensemble des irrégularités. La demande a donc été transmise à la Commission pour révision, accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs (RM), conformément à l’alinéa 30(6)c) des anciennes Règles de brevet. Dans une lettre en date du 25 janvier 2017, la Commission a transmis une copie du RM au Demandeur.

[8]          Le présent comité (le Comité) a été constitué dans le but de procéder à la révision de la présente demande en vertu de l’alinéa 30(6)c) des anciennes Règles de brevet. Le 4 juillet 2019, le Comité a envoyé une lettre de révision préliminaire (RP) au Demandeur.

[9]          Le demandeur a décliné l’opportunité d’une audience. Il a fourni des observations écrites et un ensemble de revendications modifiées (les revendications proposées-2) dans une réponse écrite à la lettre de RP (« RRP ») datée du 15 août 2019.

QUESTIONS

[10]      Les questions à trancher dans le cadre de la présente révision sont celles de savoir si :

      les revendications 1 à 38 englobent un objet qui manque d’utilité et donc, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

      la description ne décrit pas de façon exacte et complète l’invention, son fonctionnement et son utilisation et donc n’est pas conforme à l’alinéa 27(3)d) de la Loi sur les brevets;

      les revendications 31 et 32 souffrent d’une absence de fondement et donc, ne sont pas conformes à l’article 60 des Règles sur les brevets;

      les revendications 1, 5 à 9, 30 et 35 sont imprécises et donc, ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[11]      Si les revendications au dossier sont jugées irrégulières, nous pourrons examiner les revendications proposées-2 afin de déterminer si elles constituent des modifications nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

PRINCIPES JURIDIQUES ET PRATIQUE DU BUREAU

La personne versée dans l’art (PVA)

[12]      L’examen de l’utilité, du caractère suffisant du mémoire descriptif et du manque de clarté des revendications s’appuie sur une compréhension de la PVA. Dans AstraZeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2014 CF 638 au para 51, il est noté :

La personne versée dans l’art est une créature fictive à laquelle recourent les tribunaux pour interpréter les brevets de manière « éclairée ». Pour l’application du droit sur les brevets, et pour refléter la réalité, les brevets s’adressent théoriquement à une personne versée dans l’art plutôt qu’à un membre du public. La personne versée dans l’art est « censée être dépourvue d’imagination et d’esprit inventif, posséder néanmoins un degré moyen de compétence et de connaissances accessoires au domaine dont relève le brevet [...] et faire preuve d’une diligence raisonnable pour se tenir au courant des progrès dans ce domaine ». De plus, la personne versée dans l’art peut se consacrer à une discipline unique, ou combiner des compétences dans plusieurs domaines, selon la nature du brevet : Merck & Co. c. Pharmascience Inc., 2010 CF 510, aux paragraphes 34 à 40 [Merck finastéride].

Connaissances générales courantes

[13]      L’évaluation des connaissances générales courantes (CGC) est régie par les principes énoncés dans Eli Lilly & Co c Apotex Inc, 2009 CF 991 au para 97 [Eli Lilly], confirmé par 2010 CAF 240, citant General Tire & Rubber Co c Firestone Tyre & Rubber Co [1972] RPC 457, [1971] FSR 417 (CA du RU) (General Tire) aux pages 482 et 483 (du RPC) [Traduction] :

Il faut évidemment prendre soin de distinguer les connaissances générales courantes attribuées à une personne à qui s’adresse un tel brevet de ce que le droit des brevets considère comme des connaissances publiques. Cette distinction est bien expliquée dans Halsbury’s Law of England, vol. 29, paragraphe 63. Pour ce qui est du mémoire descriptif du brevet, la notion quelque peu artificielle (d’après lord Reid dans l’affaire Technograph, [1971] F.S.R. 188, à la page 193) du droit des brevets veut que chaque mémoire descriptif, des 50 dernières années, fasse partie des connaissances publiques pertinentes s’il se trouve à quelque endroit du bureau des brevets, même s’il est peu vraisemblable qu’il sera consulté et quelle que soit la langue dans laquelle il est rédigé. Par ailleurs, les connaissances générales courantes sont un concept différent dérivé d’une conception rationnelle de ce qui serait en fait connu par une personne adéquatement versée dans l’art – le genre d’homme, qui fait bien son travail et qui existerait réellement.

Les deux catégories de documents à examiner relativement aux connaissances générales courantes en l’espèce étaient un mémoire descriptif de brevet individuel et des « publications à grand tirage ».

En ce qui concerne la première catégorie de documents, il est clair que les mémoires descriptifs de brevets individuels et leur contenu ne font habituellement pas partie des connaissances générales courantes, bien que des mémoires descriptifs puissent être si bien connus chez ceux qui sont versés dans l’art que lorsque cet état de choses est établi, ils font partie de ces connaissances et il peut y avoir des secteurs d’activité précis (comme celui de la photographie couleur) dans lesquels la preuve peut indiquer que tous les mémoires descriptifs font partie des connaissances pertinentes.

Pour ce qui est des documents scientifiques en général, le juge Luxmoore a déclaré ce qui suit dans British Acoustic Films (53 R.P.C. 221, à la page 250) :

 « À mon avis, pour les connaissances générales courantes, il ne suffit pas de prouver qu’une divulgation a été faite dans un article, une série d’articles, dans une revue scientifique, peu importe l’importance du tirage de cette revue, en l’absence de toute preuve selon laquelle la divulgation est généralement acceptée par ceux versés dans l’art auquel se rapporte la divulgation. Une connaissance précise divulguée dans un document scientifique ne devient pas une connaissance générale courante simplement parce que le document est lu par de nombreuses personnes et encore moins parce qu’il a un fort tirage. Une telle connaissance fait partie des connaissances générales courantes uniquement lorsqu’elle est connue de manière générale et acceptée sans hésitation par ceux versés dans l’art particulier; en d’autres mots, lorsqu’elle fait partie du lot courant des connaissances se rapportant à l’art. » Un peu plus loin, faisant la distinction entre ce qui a été écrit et ce qui a été utilisé, il a déclaré ce qui suit : 

 « Il est assurément difficile d’évaluer comment l’utilisation d’une chose, qui dans la réalité n’a jamais été utilisée dans un art particulier, peut être reconnue comme appartenant aux connaissances générales courantes de l’art. »

Ces passages ont souvent été cités et aucune décision ne nous a été présentée dans laquelle ils étaient critiqués. Nous les acceptons comme énonçant correctement le droit en général sur ce point, bien que nous réservions pour un examen plus approfondi la question de savoir si les mots « acceptée sans hésitation » ne mettent pas la barre plutôt haute : pour les fins de la présente affaire, nous sommes disposés, sans souhaiter présenter une définition complète, à leur substituer les mots « généralement considérée comme un bon fondement pour continuer. »

Utilité

[14]      L’article 2 de la Loi sur les brevets requiert qu’il y ait utilité :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité. [italique ajouté]

[15]      Dans AstraZeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2017 CSC 36, au paras 53 à 55 [AstraZeneca], la Cour suprême du Canada a indiqué que « [c]e qui constitue une utilité acceptable variera en fonction de l’objet de l’invention cerné à la suite de l’interprétation des revendications » et a énoncé l’approche qu’il convient d’adopter pour déterminer si une demande de brevet divulgue une invention qui présente une utilité suffisante au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets :

[54]      Pour déterminer si un brevet divulgue une invention dont l’utilité est suffisante au sens de l’art. 2, les tribunaux doivent procéder à l’analyse suivante. Ils doivent d’abord cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet. Puis, ils doivent se demander si cet objet est utile — c’est-à-dire, se demander s’il peut donner un résultat concret.

[55]      La Loi ne prescrit pas le degré d’utilité requis. Elle ne prévoit pas non plus que chaque utilisation potentielle doit être réalisée — une parcelle d’utilité suffit. Une seule utilisation liée à la nature de l’objet est suffisante, et l’utilité doit être établie au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable à la date de dépôt : AZT, par. 56.

[16]      L’utilité à la date du dépôt au Canada peut être établie au moyen soit d’une démonstration soit d’une prédiction valable. L’utilité ne peut pas être corroborée par des éléments de preuve ou des connaissances qui ne sont devenues accessibles qu’après la date de dépôt (voir également Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77, au para 56 [AZT], cité dans le passage ci-dessus).

[17]      Dans le cas où l’utilité d’une invention doit être établie par une démonstration, la démonstration doit avoir eu lieu à la date de dépôt, mais ne doit pas nécessairement être incluse dans la description (voir Eli Lilly Canada Inc c Apotex Inc, 2015 CF 1016 aux paras 138 à 142). Les données établissant la démonstration de l’utilité à la date de dépôt peuvent être fournies après la date de dépôt, par le Demandeur, par voie d’un affidavit.

[18]      La principe de la prédiction valable permet d’établir l’utilité alléguée même lorsque cette utilité n’a pas été entièrement vérifiée à la date de dépôt. Une demande de brevet doit, cependant, fournir un « solide enseignement » quant au fonctionnement de l’invention revendiquée, par opposition à de « simples spéculations » (AZT, au para 69).

[19]      La question de savoir si la prédiction est valable est une question de faits (AZT, au para 71). L’analyse de la prédiction valable devrait porter sur trois éléments (AZT, au para 70) :

      la prédiction doit avoir un fondement factuel;

      à la date de la demande de brevet, l’inventeur doit avoir un raisonnement clair et valable qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité; et

      il doit y avoir divulgation suffisante du fondement factuel et du raisonnement.

[20]      Ces éléments sont évalués du point de vue de la personne versée dans l’art à qui s’adresse la demande de brevet, en tenant compte de ses CGC. En outre, à l’exception des CGC, le fondement factuel et le raisonnement doivent être inclus dans la demande de brevet (voir Bell Helicopter Textron Canada Limitée c Eurocopter SAS, 2013 CAF 219, aux paras 152 et 153).

[21]      Bien qu’une prédiction n’ait pas à équivaloir à une certitude pour être valable, la norme appropriée en matière d’utilité est une « inférence prima facie raisonnable » (Gilead Sciences Inc c Idenix Pharmaceuticals Inc, 2015 CF 1156 au para 251; Mylan Pharmaceuticals ULC c Eli Lilly Canada Inc, 2016 CAF 119, au para 55).

[22]      L’obligation de démontrer l’utilité ou de s’assurer qu’elle a fait l’objet d’une prédiction valable est énoncée plus précisément dans la section 19.01.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB], révisé en novembre 2017 (OPIC).

Caractère suffisant

[23]       Les passages pertinents du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets sont libellés comme suit :

Le mémoire descriptif doit :

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

[24]      Pour déterminer si le mémoire descriptif est conforme aux alinéas 27(3)a) et 27(3)b) de la Loi, il importe de répondre aux trois questions suivantes : En quoi consiste l'invention? Comment fonctionne-t-elle? La personne versée dans l'art qui ne dispose que du mémoire descriptif peut-elle réaliser l’invention à la seule lumière des instructions contenues dans la divulgation? Voir : Teva Canada Ltd c Novartis AG, 2013 CF 141 citant Teva Canada Ltd c Pfizer Canada Inc, 2012 CSC 60 et Consolboard Inc c MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd, [1981] 1 RCS 504, à la page 526. Pour que l'on puisse répondre par l’affirmative à la troisième question, la personne versée dans l'art ne doit pas avoir à faire preuve d’inventivité ni à se lancer dans une expérimentation excessive : Aventis Pharma Inc c Apotex Inc, 2005 CF 1283; Mobil Oil Corp c Hercules Canada Inc, [1995] 63 CPR (3d) 473 (CAF); Merck & Co c Apotex Inc, [1995] 2 CF 723 (CAF).

[25]      La section 14.03 du RPBB révisé en octobre 2019 est également pertinente :

Bien que la description puisse contenir des renvois à des documents externes, l’invention doit être décrite et réalisable par sa seule description telle qu’interprétée par la personne versée dans l’art à partir de ses connaissances générales courantes. Une connaissance spécifique de l’art antérieur (par ex. de renseignements uniquement accessibles dans un ou quelques documents, et dont il n’est pas établi qu’ils sont communément connus et acceptés) peut être considérée comme ne faisant pas partie « des connaissances générales courantes », et, en ce cas, les enseignements de l’art antérieur qui sont nécessaires pour décrire ou réaliser l’invention doivent être incorporés dans la description pour que la divulgation soit complète et entière.

Caractère indéfini

[26]      Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention :

« Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le Demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif ».

[27]      Dans Minerals Separation North American Corp c Noranda Mines Ltd, [1947] RC de l’É. 306, à la page 352, la Cour a insisté sur l’obligation faite au Demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis [Traduction] :

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon à ce que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

[28]      Les exigences sont énoncées plus précisément dans la section 16.03 du RPBB révisée en octobre 2019.

Absence de fondement

[29]      L’article 60 des Règles sur les brevets est ainsi libellé : « Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle-ci ».

ANALYSE

[30]      Dans notre analyse, nous avons examiné d’abord la question de l’utilité, suivi de la suffisance du mémoire descriptif, du manque de clarté des revendications et puis l’absence de fondement.

La PVA et les CGC pertinentes

[31]      L’examen de l’utilité, de la suffisance du mémoire descriptif et du manque de clarté des revendications dépend d’une compréhension de la personne versée dans l’art (PVA) et de ses CGC. La date pertinente pour l’examen des CGC sur le plan de l’utilité et de la suffisance est la date de dépôt (AZT et Teva Canada Ltd c Pfizer Canada Inc, 2012 CSC 60 au para 90).

[32]      L’examinateur a cité les références suivantes pour démontrer les CGC :

D1 :   Wikipédia, article « intrication quantique », disponible à l’adresse URL:

         http://fr.wikipedia.org/wiki/lntrication quantique (consulté le 3 mai 2016)

 

D3 :   Harvey J. Motulsky, « Biostatistique - Une approche intuitive », De Boeck Université, Bruxelles, pages 57 à 59, 193 à 207 et 214, 2002

D8 :   Louis Armand et al. alpha encyclopedie. Tome 29, rubrique « modulation », Franson, Montréal, pages 4033 à 4044, 1970

D9:    D.C. Montgomery et al., « Introduction to Time Series Analysis and Forecasting», John Wiley & Sons, Hoboken (New Jersey), pages 1 à 67 et 235 à 239, 2008

D10:  G.E.P. Box et al.,« Time Series Analysis», 4e ed., John Wiley & Sons, Hoboken (New Jersey), pages 1 à 46 et 71 à 79, 2008

[33]      Dans la RP, nous avons présenté aussi les références suivantes, relativement aux CGC :

D11 : « No Communication Theorem », Wikipédia, archivé le 4 mai 2005, à l’adresse : https://web.archive.org/web/20050504064143/https://en.wikipedia.org/wiki/No-communication_theorem

D12 : Pirandola et al, « Advances in Quantum Teleportation », Nature Photonics 9, pages 641 et 642, 29 septembre 2015.

[34]      Dans la RP, nous avons défini la PVA comme étant une personne versée dans l’art des communications quantiques. Cette définition n’a pas été contestée par le demandeur dans la RRP, et nous l’adoptons donc ici.

[35]      Dans la DF (page 4), l’examinateur a énuméré les CGC de la PVA comme suit :

L’examinateur conçoit la personne versée dans l’art des communications quantiques comme possédant les connaissances suivantes :

a)   Elle est familière avec les concepts de la mécanique quantique, ainsi que les formalismes qui y sont employés, par exemple celui de Dirac (bra, ket, etc.) ou celui de Schrödinger (équation d’ondes), la représentation et le traitement des nombres quantiques (spin, moment angulaire, polarisation, énergie, etc.) des entités quantiques (électrons, photons, atomes, etc.)

b)   Elle est familière avec les appareils de mesure qui permettent de détecter des entités quantiques (par exemple, tubes photomultiplicateurs) ou d'identifier certains de leurs nombres quantiques (par exemple, polarisateurs), ainsi que sur la façon de préparer une entité quantique dans un état donné (par exemple, avec un spin défini). En particulier, elle est familière avec la production de rayons-X, par exemple par effet Bremsstrahlung.

c)   Elle est familière avec les concepts de thermoluminescence et de photoluminescence, les procédés de préparation (par exemple, le choix des matériaux), d’irradiation et de mesure (par exemple, le chauffage) utilisant ces propriétés, ainsi que les principales applications (par exemple, dosimétrie) où elles ont été exploitées.

d)   Elle est enfin familière avec les concepts et les méthodes de communication (électrique, optique, radio-électrique ou acoustique), et en particulier avec les techniques de modulation utilisées par celles-ci, qui s'inscrivent dans un contexte ondulatoire (D8).

[36]      De plus, dans la DF (page 3), l’examinateur a résumé les soumissions du demandeur comme suit:

Le demandeur fournit quelques indications sur ce qu’il considère être la personne versée dans l’art :

1.        Cette personne sait comment mettre en œuvre des communications quantiques « unitaires » ou utilisant des modulations (page 8 de la lettre du 9 février 2016).

2.        Cette personne est en mesure de constituer un langage ou un alphabet propre à encoder des messages complexes par l’utilisation de « profils caractéristiques » différents (pages 9 et 10 de la lettre du 9 février 2016).

3.        Cette personne peut déterminer quel « profil caractéristique » (signe) est utilisé par application de la méthode de calcul de la corrélation exposée dans la description (page 10 de la lettre du 9 février 2016).

4.        Cette personne est familière avec les méthodes de calcul de la corrélation entre signaux ou données (page 10 de la description).

5.        Cette personne sait comment provoquer le vidage des pièges d’échantillons thermoluminescents en utilisant une technique adaptée au matériau thermoluminescent utilisé (page 5 de la description).

[37]      L’examinateur s’est accordé avec le demandeur sur les points 4 et 5, mais il a estimé que les points 1 à 3 dépassaient les compétences de la PVA.

[38]      Le demandeur n’a pas disputé la liste de CGC de l’Examinateur, ni dans la RDF, ni dans la RRP. Comme dans la RP, nous adoptons donc les CGC énumérées ci-dessus, tirées de la DF en y ajoutant les points 4 et 5 du demandeur ci-dessus.

Utilité

[39]      Nous examinons l’utilité selon les directives énoncées dans AstraZeneca, au para 54.

Quel est l’objet de l’invention tel qu’il est revendiqué?

[40]      Les revendications 1 à 35 visent un procédé de communication à l’aide d’échantillons intriqués par liaison quantique. Les revendications 36-38 vise un dispositif, et les utilisations de mettre en œuvre ce procédé. La revendication 1 est représentative selon nous :

Procédé pour communiquer à distance en utilisant l’interprétation de signaux de thermoluminescence ou de photoluminescence dans lequel on utilise au moins un groupe d’échantillons comportant au moins une sorte de matériaux ayant des propriétés de thermoluminescence et / ou de photoluminescence, qui présentent des liaisons, appelées par convention liaisons « quantiques », entre des électrons piégés intriqués desdits matériaux, ledit groupe d’échantillons étant appelé par convention le groupe d’échantillons « intriqués »,

 

caractérisé en ce que :

 

-          au moins un équipement « émetteur quantique », comportant au moins un échantillon « intriqué » (9, 21, 37, 55, 68, 83, 103, 160, 175) dudit groupe, effectue une transmission d'information, appelée « transmission quantique », au moyen d'une stimulation par thermo désexcitation ou photo désexcitation, appliquée au susdit échantillon « intriqué », durant un intervalle de temps d'application, selon un profil de variation d’au moins un paramètre de ladite stimulation appliquée dans le temps, ledit profil étant appelé par convention « profil caractéristique », ledit échantillon « intriqué » étant appelé échantillon « intriqué» «maître»,

 

-          au moins un équipement « récepteur quantique », comportant au moins un échantillon « intriqué» (16, 30, 46, 47, 61, 76, 89, 93, 109, 168, 180) dudit groupe, effectue dans le temps au moins une série de mesures de la luminescence dans au moins une raie optique ou au moins une bande de longueurs d’ondes optiques, sur ledit ou lesdits échantillons « intriqués », appelés échantillons « intriqués » « esclaves », une ou plusieurs desdites séries de mesures étant interprétées par au moins une méthode de calcul de corrélation, en relation avec au moins une propriété dudit « profil caractéristique » utilisé par l’ « émetteur quantique », pour déterminer une réception d’au moins une information codée par ledit « profil caractéristique », ladite réception étant dénommée « réception quantique ».

[41]      Selon notre appréciation, l’objet revendiqué qui doit être utile pour être conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets et à la fois commun à l’ensemble des revendications est le procédé pour la communication à distance en utilisant un système d’échantillons photoluminescents ou thermoluminescents intriqués et une variation de luminescence corrélée. L’utilité dudit procédé est adéquatement liée à la nature de l’objet de l’ensemble des revendications et rendrait l’invention alléguée utile au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets, à condition que cette utilité est établie soit par démonstration, soit par prédiction valable. Cette observation n’a pas été contestée par le Demandeur dans la RRP.

L’utilité requise avait-elle été établie au moyen d’une démonstration à la date de dépôt?

[42]      Dans l’annexe L1 de la RDF, le demandeur rapporte avec plus de détails les résultats expérimentaux décrits dans la demande en ce qui concerne les Figures 28-31. Selon ce rapport, le demandeur a appliqué une moyenne glissante d’une durée de 20 secondes afin de réduire le bruit dans les valeurs mesurées au photomultiplicateur. De plus, le demandeur a ajusté les valeurs élevées aberrantes qui sont attribuées au rayonnement de fond. Le demandeur a émis l’hypothèse que les données mesurées à partir de l’échantillon esclave, quand le temps est inversé à partir du moment où la température de l’échantillon maître atteint son sommet, afficheraient un profil de désexcitation similaire à celui de l’échantillon maître. Le demandeur a développé un logiciel afin d’effectuer des recherches pour obtenir ce temps d’inversion en essayant tous les temps possibles pour trouver la corrélation maximale. Ainsi, il n’était pas nécessaire de connaître le point d’inversion a priori, au niveau du récepteur. Le demandeur a présenté les résultats de corrélation à la Figure 6 de l’annexe A. Une corrélation maximale de 0.6 est trouvée au point d’inversion.

[43]      Selon notre appréciation, cette interprétation du résultat comme étant une démonstration d’un signal perceptible et indiquant l’utilisation réussie d’un système d’échantillons intriqués photoluminescents ou thermoluminescents dans une méthode de communication ne prend pas en compte que les données étaient pré-filtrées par l’application d’une moyenne glissante d’une durée de 20 secondes. Chaque donnée filtrée est, dans une certaine mesure, corrélée de façon inhérente avec des données voisines. C’est-à-dire, les données recueillies ne sont pas des observations indépendantes (voir D3, page 197). Il s’ensuit que les données filtrées à quelques dixièmes de secondes des unes des autres montreront de la corrélation, même si les données d’entrée du filtre sont du bruit aléatoire. De plus, il manquait dans l’expérience un contrôle dans lequel un échantillon esclave serait analysé sans chauffer l’échantillon maître correspondant.

[44]      Dans la RRP, le demandeur a fourni une valeur ajustée de 0.51 pour la corrélation maximale. Le demandeur a précisé que cette valeur ajustée a pris en compte la moyenne glissante. De plus, selon nous, la méthode utilisée pour ajuster la valeur suppose que la corrélation est distribuée uniformément pendant la période pertinente.

[45]      Selon notre appréciation, la PVA ne serait pas convaincue que cette expérience a démontré l’utilité requise. Par conséquent, nous considérons que l’utilité de l’objet revendiqué n’a pas été établie par une démonstration à la date de dépôt.

L’utilité requise avait-elle été établie au moyen d’une prédiction valable à la date de dépôt?

[46]      Comme il a été souligné dans la section « Principes juridiques », le fondement factuel, le raisonnement et leur divulgation sont des éléments à considérer au moment de déterminer si une prédiction est valable. Ces éléments sont évalués du point de vue de la PVA, en tenant compte des CGC pertinentes, et en fonction de ce que la PVA considérerait comme un raisonnement clair et valable qui permette d’inférer du fondement factuel l’utilité requise de l’invention.

               i.            Fondement factuel

[47]      La description aux pages 1 à 3 divulgue les fondements physiques conventionnels de l’excitation et de l’émission stimulée de cristaux thermoluminescents et photoluminescents, sans intrication quantique.

[48]      La description divulgue également que la liaison quantique est conservée même lorsque les particules intriquées sont séparées par une distance quelconque.

             ii.            Raisonnement

[49]      Une prédiction valable d’utilité nécessite un raisonnement clair et valable permettant d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité. La description affirme aux pages 4 à 6 que lorsque la simulation d’un électron dans l’échantillon maître fait en sorte qu’il émet des photons visibles par désexcitation, l’électron intriqué correspondant dans l’échantillon esclave non stimulé subit une désexcitation corrélée causant l’émission de photons dans l’échantillon esclave.

[50]      Dans la RDF, en annexe L3 de pages 3 à 6, le demandeur explique les principes qui sous-tendent la manière dont les électrons ayant des spins intriqués par liaison quantique se comportent à l’égard des bandes d’énergie dans les cristaux dopés. Le demandeur affirme que la raison pour laquelle l’échantillon esclave émet un photon sans stimulation est que, une fois l’électron intriqué dans l’échantillon maître stimulé pour émettre un photon, il prend un spin défini. Cela ferait en sorte que l’électron intriqué dans l’échantillon esclave prenne un spin opposé, ce qui le rend incompatible avec son orbite dans le piège du cristal.

                iii.            Divulgation du fondement factuel, raisonnement

[51]      Pour établir une prédiction valable de l’utilité, le fondement factuel et le raisonnement qui sous-tendent la prédiction, sauf s’ils font partie des CGC à la date de dépôt, doivent être divulgués dans le mémoire descriptif tel que déposé. La description doit être assez claire pour permettre à la PVA de comprendre le fondement de la prédiction et d’être en mesure de prédire valablement que l’invention revendiquée fonctionnerait dans toute sa portée une fois qu’elle serait présentée sous forme pratique.

[52]      Le seul fondement factuel dans la description du raisonnement ci-dessus est l’affirmation, à page 3 de la description, portant que, selon un principe de mécanique quantique, la liaison est conservée lorsque les deux échantillons intriqués sont séparés.

[53]      Les autres explications du fondement factuel et du raisonnement par le Demandeur dans la RDF, et soulignées ci-dessus, ne peuvent pas être considérées comme une divulgation aux fins de la prédiction valable, puisque ces explications ne figurent pas dans le mémoire descriptif déposé initialement et ne semblent pas relever des CGC.

Analyse de l’utilité prévue

[54]      Comme il a été mentionné précédemment, notre appréciation est que le fondement factuel divulgué dans la présente demande se limite aux fondements physiques conventionnels de l’excitation et à l’émission stimulée de cristaux thermoluminescents ou photoluminescents ainsi qu’aux principes généralement connus de l’intrication quantique. En ce qui concerne le raisonnement, nous estimons que, d’après les CGC à la date de dépôt, la PVA considérerait que la stimulation de la photoluminescence ou de la thermoluminescence dans l’échantillon maître entraîne la destruction de l’intrication de ses électrons avec toute contrepartie intriquée dans l’échantillon esclave, de sorte que la photoluminescence ou la thermoluminescence de l’échantillon maître ne cause aucun changement observable dans l’échantillon esclave. En l’absence de tout fondement factuel et de raisonnement divulgué à l’appui du contraire, la PVA maintiendrait son point de vue à cet égard. En outre, selon notre appréciation, la PVA considérerait que le présent transfert d’information au sujet de l’état de l’échantillon maître (stimulé ou non) à l’échantillon esclave constitue une violation du théorème de non-communication de la théorie de l’information quantique (D11), qui était connue de manière générale et acceptée d’emblée par la majorité de ceux qui pratiquent l’art en question à la date de dépôt (voir Eli Lilly). Autrement dit, la PVA ne considérerait pas que le raisonnement est valable.

[55]      Nous estimons que les considérations susmentionnées sont le noyau de notre appréciation, à savoir que la théorie divulguée et le raisonnement correspondant ne sont pas compatibles avec les lois généralement acceptées de la physique et de la mécanique quantique, et que la PVA n’aurait pas formulé de prédiction valable, sur la base des CGC à la date de dépôt ainsi que du fondement factuel et du raisonnement définis, voulant que le système d’échantillons photoluminescents ou thermoluminescents intriqués décrit peut être utilisé pour les communications à distance.

[56]      Dans la RRP, le demandeur a exprimé que le comité a été fait une erreur juridique dans l’application de la date de dépôt pour l’évidence théorique de l’utilité. Nous notons que, cependant, la jurisprudence supporte cette date. Nous précisons qu’un demandeur peut fournir un argument traitant des principes théoriques après avoir reçu un rapport, mais les principes théoriques sous-jacents doivent avoir été bien connu à la date du dépôt s’ils ne sont pas inclus dans le mémoire descriptif.

[57]      Par conséquent, selon notre appréciation, l’utilité de l’objet revendiqué n’a pas été établie par prédiction valable à la date de dépôt.

[58]      La DF, aux pages 7 à 12, a identifié un manque d’utilité en raison de la méthode de corrélation décrite. Selon notre appréciation, les méthodes de corrélation ne manquent pas intrinsèquement d’utilité; par contre, le pré-filtrage des données en utilisant un filtre ayant une moyenne glissante de 20 secondes signifie que les corrélations trouvées avec des décalages inférieurs à quelques dizaines de secondes ne peuvent pas être interprétées comme étant significatives pour l’utilisation réussie d’un système d’échantillons intriqués photoluminescents ou thermoluminescents dans une méthode de communication.

Conclusion quant à l’utilité

[59]      Selon notre appréciation, le Demandeur n’a pas établi l’utilité de l’objet des revendications 1 à 38 à la date de dépôt de la demande, soit par démonstration, soit par prédiction valable. En conséquence, nous concluons que l’objet des revendications au dossier est dépourvu d’utilité et n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Suffisance du mémoire descriptif

[60]      Tenant compte des principes juridiques énoncés précédemment, nous examinons la question de savoir si le mémoire descriptif est irrégulier au motif qu’il ne fournit pas à la PVA des renseignements clairs, concis et complets lui permettant de réaliser l’invention telle qu’elle est revendiquée uniquement à l’aide des instructions contenues dans la divulgation, sans avoir à faire preuve d’ingéniosité ou à se lancer dans une expérimentation excessive.

[61]      Dans la DF (au bas de la page 4), il est affirmé que la description est insuffisante. Il n’y a pas d’instructions fournies à la PVA lui indiquant comment reproduire des électrons piégés intriqués, dans des échantillons de matériaux photoluminescents ou thermoluminescents. La question relative à la suffisance est celle de savoir si la description fournit des directives suffisantes à la PVA quant à la façon d’utiliser ces faisceaux de photons intriqués pour produire de manière fiable des échantillons de cristaux photoluminescents ou thermoluminescents, lesquels contiennent tous des électrons piégés intriqués selon des concentrations suffisantes pour être utilisés aux fins de communication.

[62]      À la page 4, la description fait référence à la demande de brevet internationale WO 2005/117306 afin d’expliquer la production d’électrons piégés. Nous notons tout d’abord qu’un document ne doit pas être incorporé par renvoi dans une demande (voir RPBB 14.07.04, révisé octobre 2019). Donc, la description souffre d’un manque d’information au sujet de comment réaliser les échantillons intriqués.

[63]      De plus, même si la description avait contenu les étapes énoncées par WO 2005/117306, nous sommes d’avis que la description souffrirait d’un manque d’information. La PVA, ne considérerait pas que ces descriptions sont des instructions suffisantes pour générer de manière fiable des échantillons de cristaux photoluminescents ou thermoluminescents qui contiennent tous des électrons piégés intriqués selon des concentrations suffisantes pour être utilisés aux fins de communication.

[64]      Nous soulignons que D12 décrit l’état de la technique en 2015, bien après la date de dépôt du 26 mars 2007. D12 décrit les récents progrès pour réaliser l’intrication dans des systèmes à l’état solide, toutes les références à ces progrès étant des articles publiés après la date de dépôt. L’état de la technique tend à indiquer que le fait de réaliser l’intrication d’électrons piégés dans des échantillons à l’état solide ne relevait pas des CGC à la date de dépôt.

[65]      Dans la RRP, le Demandeur a maintenu que le mémoire descriptif fournit un solide enseignement quant à la préparation des échantillons intriqués et qu’une personne versée dans l’art des communications quantiques qui aurait vaincu ses préjugés contre l’efficacité de la technique pourrait mettre l’invention en pratique.

[66]      Selon nous, le caractère suffisant n’est pas une question de préjugés. On note que la PVA est considérée comme possédant les CGC dans l’art au moment du dépôt et un esprit prêt à comprendre le mémoire descriptif, mais elle manque cependant d’esprit inventif. Selon notre opinion et pour les raisons susmentionnées, l’enseignement du mémoire descriptif qui concerne la préparation des échantillons intriqués ne conduirait pas une telle personne à produire des échantillons intriqués fonctionnels sans qu’elle n’ait à faire preuve d’esprit inventif ou besoin de se lancer dans une expérimentation excessive.

[67]      La DF (page 5) considère également que la description est insuffisante, dans la mesure où elle fait référence au concept de modulation. Selon notre appréciation, ceci n’est pas une question d’insuffisance puisqu’aucune revendication ne fait référence à « modulation ». Pour être suffisant, il suffit que le mémoire descriptif contienne un enseignement de l’invention telle que revendiquée (voir Lundbeck Canada Inc c Canada (Santé), 2009 CF 146 para 135).

[68]      Enfin, la DF (page 6) considère également que la description est insuffisante, dans la mesure où elle fait référence au concept de codage binaire des signaux « 0 » et « 1 ». Selon notre appréciation, la connaissance de ce codage est CGC. Il est bien connu dans l’art comment envoyer un signal « 0 » comme absence de signal.

[69]      Donc, selon notre appréciation, le mémoire descriptif n’est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, puisqu’il ne permet pas la PVA de mettre en œuvre l’invention telle qu’elle est revendiquée, sans avoir à faire preuve d’ingéniosité ou à se lancer dans une expérimentation excessive.

Caractère indéfini des revendications

[70]      La DF indique quelques revendications qui manquent de clarté.

[71]      La DF mentionne le manque d’antécédents dans les revendications 1 et 5 à 9 :

« groupe d’échantillons intriqués » (revendication 1, ligne 8),
« paramètre de température » (revendication 5),
« paramètre d’intensité lumineuse » (revendication 6),
« paramètre de longueur d’onde incidente » (revendication 7),
« paramètre de surface stimulée » (revendication 8) et
« paramètre de volume stimulée » (revendication 9).

[72]       Nous estimons que ces revendications ne sont pas irrégulières à cet égard. Nous trouvons que les antécédents sont implicites dans le présent contexte.

[73]      La DF indique également que la revendication 1 manque de clarté en raison de l’emploi du terme « et / ou ». Bien que ce terme puisse parfois causer une ambiguïté, selon notre appréciation, ce terme n’introduit aucune ambiguïté dans le présent contexte. Par conséquent, nous estimons que cette revendication n’est pas irrégulière à cet égard.

[74]      La DF indique que la revendication 1 manque de clarté parce qu’on ne peut pas établir avec précision si l’élément « ledit ou desdits échantillons intriqués » renvoie à l’élément « échantillon intriqué » de l’équipement émetteur quantique ou « échantillon intriqué » de l’équipement récepteur quantique. Nous sommes en accord avec la DF à cet égard.

[75]      La DF indique que la revendication 30 est imprécise. L’emploi de l’expression subjective « plus particulièrement » semble donner aux réalisations de l’invention une portée à la fois large et étroite. Nous sommes en accord avec la DF à cet égard.

[76]      Enfin, la DF indique que la revendication 35 est imprécise à cause du terme « dark count ». Selon notre appréciation préliminaire ce terme est clair.

[77]      Par conséquent, selon notre appréciation, les revendications 1 et 30 ne sont pas claires et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

Absence de fondement

[78]      La DF indique que les revendications 31 et 32 ne sont pas conformes à l’article 84 des anciennes Règles sur les brevets. La signification de l’expression « instants d’activation » n’est pas décrite dans la description. Nous sommes en accord avec la DF.

ENSEMBLE DE REVENDICATIONS PROPOSÉES-2

[79]      Dans la RRP, le demandeur a proposé de modifier les revendications afin de corriger quelques irrégularités.

[80]      Selon notre appréciation, ces modifications corrigeraient les irrégularités susmentionnées à l’égard du caractère indéfini et l’absence de fondement, mais elles ne corrigeraient pas les irrégularités majeures liées à l’utilité et à l’insuffisance qui demeurent, et ce, pour les mêmes raisons que celles susmentionnées à l’égard des revendications au dossier.


 

 

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

[81]      Nous recommandons à la commissaire aux brevets de rejeter la demande, car l’objet des revendications au dossier est dépourvu d’utilité et n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, ainsi que le mémoire descriptif n’est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

[82]      De plus, selon notre appréciation, les revendications 1 et 30 ne sont pas claires et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, et les revendications 31 et 32 ne sont pas conformes à l’article 60 des Règles sur les brevets.

[83]      En outre, l’ensemble de revendications proposées-2 ne remédie pas aux irrégularités et, par conséquent, le Comité décline de recommander l’introduction de ces revendications, car elles ne constituent pas une modification qui est « nécessaire » aux termes du paragraphe 199(5) des Règles sur les brevets.

 

 

Howard Sandler                              Marcel Brisebois                              Paul Fitzner

Membre                                            Membre                                            Membre


 

DÉCISION DU COMMISSAIRE

[84]      Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande, car l’objet des revendications au dossier est dépourvu d’utilité et n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, ainsi que le mémoire descriptif n’est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Aussi, les revendications 1 et 30 ne sont pas claires et ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, et les revendications 31 et 32 ne sont pas conformes à l’article 60 des Règles sur les brevets.

[85]      En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je rejette la présente demande. Conformément aux dispositions de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 6e jour de janvier 2020

 

 

 

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