Brevets

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Décision du commissaire no 1507

Commissioner’s Decision No. 1507

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS:        J00 Signification de la technique

                       J10 Programmes d’ordinateur

                       J30 Jeux

 

TOPICS:        J00 Meaning of Art

                       J10 Computer Programs

                       J30 Games

                                               

                      

          

 

                                  

 

 

 

           

Demande no 2 635 371

Application No. 2,635,371

 

 


 

 

 


 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets (DORS/96-423), dans leur version antérieure au 30 octobre 2019 [les anciennes Règles sur les brevets], la demande de brevet numéro 2 635 371 a subséquemment fait l’objet d’une révision conformément à l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets (DORS/2019‑251). La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

 

 

 

Agent du demandeur

 

MCMILLAN LLP

Brookfield Place

181, rue Bay, bureau 4400

Toronto (Ontario) M5J 2T3

 

 

 

 

                                                                                                                                        

 

                                                                                                  

 


INTRODUCTION

[1]          La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 635 371, intitulée « Méthodes et dispositifs pour jouer un jeu de baccara modifié », inscrite au nom de NP IP Holdings LLC. Le demandeur est Station Casinos, Inc. (le demandeur). Une révision de la demande refusée a été effectuée par la Commission d’appel des brevets (la Commission) en vertu de l’alinéa 199(3)c) des Règles sur les brevets.

[2]          Comme il est expliqué en plus de détails ci-dessous, notre recommandation est que la commissaire aux brevets refuse d’accorder un brevet pour cette demande.

CONTEXTE

La demande

[3]          La demande a été déposée au Canada le 19 juin 2008 et est devenue accessible au public le 20 décembre 2008.

[4]          La demande concerne en général un jeu de baccara modifié.

Historique de la poursuite

[5]          Le 26 janvier 2016, une décision finale (« DF ») a été rédigée en vertu du paragraphe 30(4) des anciennes Règles sur les brevets. La DF a indiqué que la présente demande était irrégulière, car toutes les revendications au dossier visaient un objet qui ne correspondait pas à la définition d’invention et que, par conséquent, elles n’étaient pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[6]          Dans une réponse à la DF (« R-DF ») reçue le 26 juillet 2016, le demandeur a déposé un ensemble de 11 revendications proposées (les revendications proposées) accompagnées d’arguments expliquant pourquoi la demande, si elle était modifiée avec les revendications proposées, devrait être acceptable.

[7]          L’examinateur considérait que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets malgré les arguments déposés avec la R-DF et les revendications proposées. Par conséquent, en vertu de l’alinéa 30(6)c) des anciennes Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission aux fins de révision, accompagnée d’une explication présentée dans le résumé des motifs (RM). Le RM établissait la position selon laquelle les revendications au dossier étaient encore considérées comme irrégulières. Le RM établissait également la position de l’examinateur que les revendications proposées ne corrigeaient pas les irrégularités de l’objet.

[8]          Dans une lettre datée du 6 octobre 2017, la Commission a transmis une copie du RM au demandeur.

[9]          Le présent comité (le Comité) a été formé afin de réviser la demande en vertu de l’alinéa 30(6)c) des anciennes Règles sur les brevets. Le Comité a envoyé une lettre de révision préliminaire (la lettre de RP) au demandeur le 13 août 2019 dans laquelle nous établissions notre analyse préliminaire et la justification pour laquelle, selon le dossier qui nous a été présenté, l’irrégularité liée à l’objet définie dans la DF était présente. Nous avons également établi notre opinion préliminaire que les revendications proposées ne corrigeaient pas l’irrégularité.

[10]      Le demandeur a décliné la possibilité de tenir une audience et a indiqué qu’il ne prévoyait faire aucune autre observation.

QUESTION

[11]      La question à trancher dans la présente révision est de déterminer si les revendications au dossier visent un objet qui ne correspond pas à la définition d’invention qui figure à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Nous évaluerons également les revendications proposées.

PRINCIPES JURIDIQUES ET PRATIQUE DU BUREAU DES BREVETS

Interprétation téléologique

[12]      Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool Corp c. Camco Inc., 2000 CSC 67, aux paragraphes 49f) et g) et 52). Tel qu’il est indiqué à la section 12.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets, révisé en juin 2015 (OPIC) [RPBB], la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art (PVA) et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution proposée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés comme étant ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, conformément aux revendications.

Objet prévu par la Loi

[13]      La définition d’invention est fournie à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[14]      L’énoncé de pratique « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur », PN2013‑03 (OPIC, mars 2013) [PN2013‑03] clarifie l’approche du Bureau des brevets en ce qui concerne la détermination qu’une invention mise en œuvre par ordinateur est un objet prévu par la Loi.

[15]      Comme il est indiqué dans l’énoncé PN2013‑03, lorsqu’un ordinateur est considéré comme un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement prévu par la Loi. Par ailleurs, s’il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent aux objets exclus de la définition d’invention (par exemple, les beaux-arts, une simple idée, un projet, un plan ou une série de règles), l’objet revendiqué ne sera pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

ANALYSE

[16]      Dans notre analyse, nous interprétons d’abord les revendications, selon une interprétation téléologique, et déterminons les éléments essentiels. Nous considérons ensuite la question de l’objet prévu par la Loi. Enfin, nous considérons cette question en fonction des revendications proposées.

Interprétation de la revendication

La PVA et les CGC pertinentes

[17]      Dans la DF, la PVA et les CGC sont définies comme suit :

[traduction]

La personne versée dans l’art serait une équipe de personnes versées dans le domaine du développement de jeux de casino et dans les technologies informatiques d’usage général. Plus particulièrement, l’équipe versée dans l’art connaîtrait bien le jeu de baccara.

L’équipe versée dans l’art est également familiarisée avec le matériel informatique d’usage général et les techniques de programmation d’ordinateur d’usage général.

[18]      La DF a cité la référence suivante :

                        D1 :     US 2004/0023712       Oliver              5 février 2004 

[19]      Dans la lettre de RP, nous avons également présenté la référence d’intérêt suivante concernant les CGC :

                        D2 :     US 6062979                Inoue               16 mai 2000

[20]      Le D1 porte sur les méthodes pour les jeux de table de casinos, y compris le baccara, et mentionne les dispositifs de jeux électroniques [résumé et paragraphe 0007]. Le D2 porte sur une machine de jeux de cartes vidéo pour des jeux de cartes, y compris le baccara [colonne 1, lignes 5 à 10]. Ces deux références, ainsi que le manque relatif de détails dans le mémoire descriptif concernant la mise en œuvre électronique, renforcent notre opinion préliminaire que la mise en œuvre des caractéristiques revendiquées (dans la réalisation d’un jeu vidéo informatique avec des caractéristiques comme un écran, des dispositifs d’entrée et un processeur) relève de connaissances générales courantes dans l’art.

[21]      Dans la R-DF, le demandeur n’a pas contesté ces définitions de la PVA et des CGC. Conformément à la lettre de RP, nous les adoptons aux fins de la présente révision.

Problème et solution

[22]      La DF a exprimé le problème et la solution comme suit :

[traduction]

Comme l’ont énoncé les revendications et la section du contexte de la description, le problème déterminé est que « si un joueur épuise ses jetons, il peut toujours devoir une commission à la maison. Les casinos peuvent trouver qu’il est difficile de percevoir la commission due par un joueur qui a déjà perdu tous ses jetons et n’est pas en mesure de couvrir les frais de commission ». La solution déterminée est « d’éliminer le besoin de paiement et de perception d’une commission » en accordant au joueur « l’option de mettre une mise de départ lorsqu’il mise sur la main du banquier ».

[23]      Cette définition est appuyée par la description au dossier [paragraphes 00012, 00013 et 00043].

[24]      Dans la R-DF, le demandeur n’a pas contesté cette définition. Conformément à la lettre de RP, nous l’adoptons aux fins de la présente révision.

Éléments essentiels

[25]      Les revendications indépendantes 1 et 10 portent, respectivement, sur une méthode et un dispositif et partagent les mêmes éléments essentiels. Comme nous l’avons énoncé dans la lettre de RP, nous estimons que les éléments essentiels des revendications 1 à 10, lesquels sont requis pour mettre en œuvre la solution définie ci-haut, sont les suivants :

      distribuer la première et la deuxième main, chacune contenant au moins deux cartes, mais pas plus que trois;

      permettre à un joueur de faire une mise principale sur : i) la première main qui a une valeur plus proche ou égale à une valeur élevée prédéterminée que la deuxième main; ii) la deuxième main qui a une valeur plus proche ou égale à une valeur élevée prédéterminée que la première main; ou iii) la première et la deuxième main qui ont la même valeur;

      permettre à un joueur de faire une mise forcée en misant sur la première main qui a une valeur plus proche ou égale à la valeur élevée prédéterminée que la deuxième main;

      recueillir la mise forcée du joueur si la valeur de la première main n’égale pas la valeur de la deuxième main;

      payer au joueur un gain de mise forcée si la valeur de la première main est égale à la valeur de la deuxième main.

[26]      Nous n’avons pas interprété l’interface d’entrée des joueurs, le processeur et l’écran comme des éléments essentiels. Les CGC indiquent que les dispositifs de jeux de casino informatiques étaient déjà bien connus pour mettre en œuvre des jeux de cartes de casino et qu’il n’y avait aucun problème avec leur mise en œuvre. Comme il est remarqué dans la section 12.02.02d du RPBB, les CGC éclairent le problème et la solution selon la perspective de la PVA. La PVA dans ce cas-ci verrait ces éléments comme faisant partie de l’environnement ou du contexte typiques dans lesquels l’invention fonctionne, mais pas comme essentiels à la solution au problème déterminé. La solution consiste en un système de mise modifié pour le baccara qui élimine la commission.

[27]      Les revendications dépendantes 2 à 9 et 11 à 18 indiquent d’autres détails des règles de mise et de paiement.

Objet prévu par la Loi

[28]      Comme il a été interprété ci-haut, les éléments essentiels des revendications 1 à 18 correspondent à un ensemble de règles pour le déroulement du jeu. Un ordinateur ne fait pas partie des éléments essentiels. En suivant le langage de Canada (procureur général) c. Amazon.com, 2011 CAF 328 (au paragraphe 66), les éléments essentiels sont ni [traduction] « une chose dotée d’une existence physique », ni [traduction] « une chose qui manifeste un effet ou changement discernable ». Une telle question est exclue des catégories d’invention prévues à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[29]      Par conséquent, nous estimons que les revendications au dossier ne visent pas un objet prévu par la Loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

REVENDICATIONS PROPOSÉES

[30]      Dans la R-DF, le demandeur a proposé un ensemble de 11 revendications visant un dispositif. La revendication indépendante 1 proposée correspond à la revendication 10 au dossier, mais indique que le sélecteur de mise principale est pour sélectionner la mise principale. Les revendications 4 à 11 proposées correspondent aux revendications 11 à 18 au dossier. Les revendications dépendantes 2 et 3 proposées indiquent les éléments de boutons et d’écran tactile respectivement pour la sélection de la mise.

[31]      Dans la R-DF, le demandeur a indiqué que le dispositif offre des méthodes d’entrée pour miser et que l’ordinateur est considéré comme essentiel pour fournir l’option de faire une mise forcée. Le demandeur a affirmé que [traduction] « une personne versée dans l’art comprendrait que les boutons sont des dispositifs d’entrée physiques » et « une personne versée dans l’art comprendrait comment les régions de l’écran tactile sont affichées et activées ».

[32]      Comme nous l’avons exprimé dans la lettre de RP, nous sommes d’avis qu’il n’y avait aucun problème particulier rencontré quant à la façon d’actuellement indiquer une mise, puisque la fonction de miser dans les jeux électroniques était bien connue dans l’art et résolue par un certain nombre de moyens bien connus. Le sélecteur de mise est simplement une mise en œuvre conviviale.

[33]      Vu les détails limités dans la description et l’observation du demandeur dans la R-DF concernant la mise en œuvre de la mise électronique au moyen d’un large éventail de dispositifs d’entrée, nous estimons que la PVA comprendrait que le problème ne repose pas dans les méthodes d’entrée requises pour indiquer une mise. La PVA, avec ses CGC, verrait le problème comme étant la façon de veiller à ce que les commissions puissent être payées lorsque les joueurs perdent leurs derniers jetons. Le dispositif d’entrée pour miser n’est pas essentiel pour la solution; la solution est constituée des règles qui exigent de faire une mise forcée lorsque l’on mise sur la main du banquier.

[34]      Par conséquent, nous sommes d’avis que les éléments essentiels demeurent inchangés et que les revendications proposées ne corrigent pas l’irrégularité de l’objet.


 

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

[35]      Pour les raisons exposées ci-haut, nous recommandons que la commissaire aux brevets rejette cette demande, puisque les revendications au dossier visent un objet qui n’est pas prévu par la Loi et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[36]      De plus, pour les raisons établies ci-haut, nous ne considérons pas que les revendications proposées constituent les modifications précises nécessaires pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Par conséquent, nous refusons de recommander que le demandeur soit avisé, en vertu du paragraphe 199(5) des Règles sur les brevets, que ces revendications proposées sont nécessaires.

 

Howard Sandler                              Alison Canteenwalla                     Mara Gravelle

Membre                                            Membre                                         Membre


 

 

DÉCISION

[37]      Je souscris aux conclusions et aux recommandations de la Commission que la demande soit rejetée pour le motif que les revendications au dossier visent un objet qui n’est pas prévu par la Loi et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[38]      Par conséquent, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet pour cette demande. En vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec)

ce 23e jour de décembre 2019

 

 

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