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Décision du commissaire no 1496

Commissioner’s Decision No. 1496

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :      B00 Caractère ambigu ou indéfini (incomplet)
C00 Caractère adéquat ou inadéquat de la description
O00 Évidence

 

TOPICS:       B00 Ambiguity or Indefiniteness (incomplete)
C00 Adequacy or Deficiency of Description
O00 Obviousness

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 577 118

Application No. 2,577,118


 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 


Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 577 118 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

BORDEN LADNER GERVAIS LLP

World Exchange Plaza

100, rue Queen, bureau 1300

OTTAWA (Ontario) K1P 1J9


 



 

Introduction

[1]               La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 577 118 intitulée « Dispositif d’accès à entrées multiples et son procédé d’utilisation », qui est inscrite au nom de Flash Seats, LLC. Les irrégularités qui subsistent, relevées dans décision finale (DF), tiennent au fait que toutes les revendications sont évidentes, que l’invention n’est pas décrite de manière suffisante dans la demande, que certaines revendications ont un caractère indéfini et que les signes de référence dans l’une des figures sont erronés. La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2]               La demande de brevet canadien no 2 577 118, qui est fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevet (PCT), est réputée avoir la date de dépôt du 12 août 2005 et est devenue accessible au public le 23 février 2006.

[3]               L’invention concerne un système pour la vente et la distribution de billets, selon lequel l’authentification sans papier peut être utilisée pour accéder à un site.

Historique de la poursuite

[4]               Le 20 juillet 2016, une DF a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. Il est indiqué dans la DF que la demande au dossier est irrégulière, au motif que les revendications 1 à 14 (c.-à-d. toutes les revendications au dossier) sont évidentes, l’invention n’est pas décrite de manière suffisante dans la demande, les revendications 12 à 14 ont un caractère indéfini et les signes de référence de la figure 5 sont incorrects.

[5]               Dans sa réponse à la DF (RDF) datée du 9 janvier 2017, le demandeur a proposé une description modifiée et un ensemble de 10 revendications modifiées (les premières modifications proposées) et a présenté des arguments en faveur de leur acceptation.

[6]               L’examinateur était d’avis que la modification aux revendications corrigerait la description insuffisante et les irrégularités liées au caractère indéfini, et que la modification de la description corrigerait l’erreur dans les dessins, mais il n’était pas convaincu que les premières modifications proposées corrigeraient l’irrégularité liée à l’évidence. Le refus de la demande n’a pas été annulé.

[7]               Ainsi, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, les premières modifications proposées n’ont pas été versées au dossier et la demande a été transmise à la Commission pour révision. Le 23 mars 2017, la Commission a transmis au demandeur une copie du résumé des motifs, ainsi qu’une lettre confirmant le refus. Dans une réponse en date du 3 mai 2017, le demandeur a demandé que la Commission procède à la révision.

[8]               Conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets, un comité a été constitué dans le but de réviser la demande refusée et présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. À la suite de notre révision préliminaire, le 25 janvier 2019, nous avons envoyé une lettre (la lettre de RP) dans laquelle nous avons présenté notre analyse et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier dont nous disposons, nous estimons que l’objet des revendications au dossier (ainsi que les premières revendications proposées) n’est pas conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, mais que les revendications 12 à 14 sont conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets ou à l’article 84 des Règles sur les brevets, et que la figure 5 dans la demande au dossier n’est pas conforme à l’article 82 des Règles sur les brevets.

[9]               Le 22 février 2019, le demandeur a répondu à la lettre de RP (RRP) en proposant de nouvelles modifications au mémoire descriptif (les secondes revendications proposées) et en présentant des arguments écrits supplémentaires en faveur de l’acceptation. Les secondes revendications proposées comprennent la même modification à la description que les premières modifications proposées et les nouvelles revendications 1 à 14. Ces revendications proposées sont les mêmes que les 14 revendications au dossier, mis à part les modifications dans le libellé des revendications 11 à 14.

[10]           Une audience a été tenue le 12 avril 2019, lors de laquelle la position du demandeur, telle qu’elle est reflétée dans les observations écrites, a été expliquée davantage et défendue.

Questions

[11]           Les questions à trancher dans le cadre de la présente révision sont celles de savoir si :

         les revendications au dossier définissent un objet non évident et ne sont donc pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

         l’invention est décrite de manière suffisante et habilitante dans la demande et est donc conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets;

         les revendications 12 à 14 au dossier sont claires et ont un caractère défini et sont donc conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et à l’article 84 des Règles sur les brevets;

         les signes de référence dans la figure 5 ne sont pas conformes à l’article 82 de la Loi sur les brevets.

[12]           Comme nous l’avons expliqué ci-dessous, ayant déterminé que la demande au dossier est irrégulière, nous nous sommes également penchés sur la question de savoir si les secondes revendications proposées constituent une modification déterminée qui est nécessaire aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Évidence

[13]           L’article 28.3 de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué ne soit pas évident :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a)      qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b)      qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[14]           Dans Apotex Inc c. Sanofi– Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 au par. 67, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes suivante [Traduction] :

(1)a)  Identifier la « personne versée dans l’art »;

b)  Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)     Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)     Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)     Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

Description suffisante et habilitante

[15]           Le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets exige, entre autres choses, que le mémoire descriptif décrive d’une façon exacte et complète l’invention et en permette la mise en œuvre :

Le mémoire descriptif doit :

a)         décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

b)         exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

[16]           Les tribunaux (voir à titre d’exemple Teva Canada Ltd c. Novartis AG, 2013 CF 141 aux par. 336 à 344, 357 et 378, citant Teva Canada Ltd c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60) ont démontré que cela signifie que le mémoire descriptif doit :

         indiquer à la personne versée dans l’art en quoi consiste l’invention;

         indiquer à la personne versée dans l’art comment fonctionne l’invention;

         permettre à la personne versée dans l’art de mettre en œuvre l’invention uniquement à partir des instructions.

[17]           L’évaluation de chacune de ces exigences permet de tirer une conclusion liée aux faits.

Caractère indéfini

[18]      Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[19]      L’article 84 des Règles sur les brevets exige que les revendications soient claires :

Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle-ci.

[20]           Dans Minerals Separation North American Corp c. Noranda Mines Ltd, [1947] RC de l’É 306, à la p. 352, 12 CPR 99, la Cour a insisté sur l’obligation qui incombe au demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis [Traduction] :

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Dessins

[21]           Les paragraphes 82(9) et (10) des Règles sur les brevets exigent que les signes de référence dans les dessins soient significatifs :

(9)     Des signes de référence non mentionnés dans la description ne peuvent figurer dans les dessins, et vice versa.

(10)   Les signes de référence des mêmes éléments sont identiques dans toute la demande.

Analyse

Évidence

La personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC)

[22]           Dans la lettre de RP, nous avons accepté la définition de la personne versée dans l’art énoncée dans la DF, à savoir qu’il s’agit d’une personne ou d’une équipe détenant des compétences dans les domaines de l’offre d’accès à un événement ou à un site et de l’informatique en général.

[23]           Le demandeur n’a pas contesté cette définition; nous l’adoptons donc également aux fins de la présente révision.

Les CGC

[24]           Dans la lettre de RP, nous avons défini les références suivantes comme étant pertinentes :

         D1          US 2004/0006497       8 janvier 2004             Nestor et coll.

         D2          US 2003/0171960       11 septembre 2003      Skinner

         D3          US 5999095                7 décembre 1999         Earl et coll.

         D4          WO 94/10658             11 mai 1994                 Green

         D5 :        US 2003/0093387       15 mai 2003                Nakfoor

[25]           En accord avec la DF, les CGC pertinentes sont définies dans la lettre de RP comme comprenant les connaissances suivantes [Traduction] :

         les billets en papier pour accéder à des événements ou à des sites, et les problèmes liés aux billets papier;

         le transfert de billets, comme la vente et la revente de billets;

         l’utilisation d’une unité modernisée afin de modifier les dispositifs d’accès existants de manière à ce qu’ils effectuent des fonctionnalités supplémentaires;

         le fait que la modification ou la réparation d’un appareil existant peut être moins coûteuse que l’achat d’un nouvel appareil;

         les cartes sans contact (comme la RFID) et les cartes à contact (c’est-à-dire les cartes à bande magnétique), les codes à barres, la biométrie, l’authentification et les tourniquets.

[26]           Dans la lettre de RP, il est indiqué que le premier point est étayé dans les sections de la présente demande portant sur le contexte (paragraphes 5 à 8), dans D1 (paragraphes 2 à 6), D2 (paragraphes 2 à 6) et D5 (paragraphes 3 à 6); le deuxième point est étayé dans les sections de la présente demande portant sur le contexte (paragraphes 5 à 8), dans D1 (paragraphes 2 à 6) et D5 (paragraphes 3 à 6); et le troisième point est étayé dans D3 (colonne 3) et D4 (page 5).

[27]           Le demandeur n’a pas contesté la définition des CGC avant la date de la lettre de RP, mais dans la RRP et à l’audience, il a contesté les troisième et quatrième points, soutenant qu’ils étaient trop largement généralisés.

[28]           Le demandeur a soutenu que D3 et D4 ne présentent pas d’exemple d’utilisation d’une unité modernisée afin de modifier les dispositifs d’accès existants de manière à ce qu’ils effectuent des fonctionnalités supplémentaires et que, en tout état de cause, les déclarations citées tirées de ces références ne suffisent pas à démontrer quelque CGC que ce soit. En outre, le demandeur a fait valoir que le dossier ne contient rien qui démontre le quatrième point.

[29]           Le demandeur prétend que deux principes ou concepts sont particulièrement absents des CGC. Le premier concept concerne la notion générale de modernisation, c.-à-d. le concept selon lequel tout dispositif, peu importe le domaine, peut être modernisé afin de remplir un but et de procurer un avantage. Le deuxième concept concerne la supériorité d’une réparation par rapport à un remplacement, c.-à-d. le concept selon lequel la modification ou la réparation d’un dispositif existant coûte toujours moins cher que le remplacement du dispositif.

[30]           Toutefois, bien que le demandeur ne considère pas que le concept de modernisation d’un dispositif d’accès fasse partie des CGC dans ce domaine, il soutient que les CGC incluent par ailleurs la constellation d’idées connexes nécessaires à la mise en œuvre du concept. C’est-à-dire que les CGC comprennent l’ensemble des connaissances dont a besoin la personne versée dans l’art pour procéder à la modernisation dans ce cas-ci, après qu’on lui a demandé de le faire.

[31]           Nous acceptons de considérer les renseignements sur la mise en œuvre de la modernisation comme faisant partie des CGC. Le premier, le deuxième et le cinquième des points énumérés ci-dessus, lesquels définissent les CGC pertinentes, n’ont jamais été contestés; en conséquence, nous les adopterons également aux fins de la présente révision.

[32]           Quant au troisième et au quatrième points, nous sommes d’avis qu’ils sont valides, bien qu’ils n’aient pas l’ampleur que le demandeur a laissé entendre. Le fait que tous les dispositifs peuvent être modernisés, ou qu’il est toujours moins coûteux de modifier un dispositif que de le remplacer, ne relève pas des CGC. Nous convenons que dans certains cas, la personne versée dans l’art serait motivée à trouver une solution autre que la modernisation, ou ne s’attendrait pas à ce que la modernisation soit viable. Le demandeur a fourni un exemple dans la RRP [Traduction] : il est parfois moins coûteux d’acheter un appareil ménager produit en série comme remplacement que de modifier ou de réparer l’appareil existant. Cela dépendrait des circonstances d’une situation donnée, de l’existence d’autres facteurs ou motivations suggérant à la personne versée dans l’art que la modernisation n’est pas une option viable.

[33]           Nous considérons néanmoins que le fait qu’un dispositif peut être modernisé ou mis à niveau plutôt que remplacé relève des CGC. Le fait qu’il peut être avantageux (c.-à-d. moins coûteux) de modifier ou de réparer un dispositif existant plutôt que de le remplacer relève également des CGC. En tant que concepts généraux, ces outils existent dans le coffre de la personne versée dans l’art; elle peut au moins envisager leur utilisation et les utiliser lorsqu’il est logique de le faire. Cela est compatible avec l’identification de la personne versée dans l’art ci-dessus et avec la notion selon laquelle la personne versée dans l’art est le destinataire de la demande et est censé mettre en œuvre l’invention divulguée et revendiquée.

Définir le l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[34]           Les revendications indépendantes 1 et 7 au dossier visent respectivement un système et une méthode. Les deux supposent un dispositif d’accès fondé sur des billets papier, ledit dispositif ayant été modernisé de sorte qu’il accepte également l’authentification sans papier.

[35]           La revendication 1 est présentée ci-dessous, à titre de référence :

1.       Un système d’accès permettant l’accès à un site, ledit système d’accès comprenant :

un dispositif d’accès modifié comprenant :

a) un dispositif d’accès existant qui permet l’accès à un site en fonction de données associées à un billet papier, lesdites données étant des données d’authentification sur papier; et

b) une unité modernisée qui modifie le dispositif d’accès existant afin de communiquer avec un système informatique d’accès pouvant accepter des données d’authentification sans papier identifiant un utilisateur ayant accès au site, système dans lequel ledit dispositif d’accès modifié vérifie l’accès dudit utilisateur audit site en fonction desdites données d’authentification sans papier tout en prenant en charge les billets papier.

[36]           En accord avec la DF, l’idée originale est définie dans la lettre de RP pour chacune des revendications au dossier comme étant la suivante :

un dispositif d’accès modifié comprenant :

un dispositif d’accès existant qui permet l’accès à un site en fonction de données d’authentification sur papier associées à un billet papier; et

une unité modernisée qui modifie le dispositif d’accès existant afin de communiquer avec un système informatique d’accès pouvant accepter des données d’authentification sans papier identifiant un utilisateur ayant accès au site,

dans lequel ledit dispositif d’accès modifié vérifie l’accès dudit utilisateur audit site en fonction desdites données d’authentification sans papier tout en prenant en charge les billets papier.

 

[37]           Le demandeur n’a pas contesté cette définition et nous l’adopterons également aux fins de la présente révision, mais nous souhaitons commenter le terme « unité modernisée ». La demande ne divulgue pas la structure de l’unité de modernisée ni la façon dont elles modifient le dispositif d’accès de manière à ce que la fonctionnalité revendiquée soit exécutée. La seule explication de l’unité de modernisation figure au paragraphe 42 de la description [Traduction] :

D’autres modes de réalisation prévoient un module modernisé pour modifier les dispositifs d’accès existants, comme les tourniquets ou les lecteurs, afin qu’ils acceptent les billets et les données d’authentification sans papier. Dans un mode de réalisation, un système modernisé permet à un tourniquet de communiquer avec un système informatique d’accès pour autoriser l’admission à un site au moyen de formulaires d’authentification sans papier ou imprimés.

[38]           Par conséquent, au-delà d’intégrer une fonctionnalité au dispositif d’accès pour qu’il puisse communiquer avec un système informatique d’accès et qu’il accepte l’authentification sans papier, l’unique limite de cette « unité » est purement conceptuelle. Autrement dit, le dispositif d’accès a en quelque sorte été « modernisé » pour mettre en place cette fonctionnalité; il n’a pas été conçu avec cette fonctionnalité déjà intégrée.

Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

[39]           Comme nous l’avons expliqué dans la lettre de RP, nous considérons que D1 et D5 sont les références citées les plus pertinentes.

Les documents D1 (abrégé; paragraphes 10, 11, 28, 33 à 37 et 101) et D5 (abrégé; paragraphes 17 et 24 à 26) divulguent tous deux un système de contrôle d’accès à un site, le système comprenant un dispositif qui est en communication avec un système informatique et qui est capable d’accepter des données d’authentification sans papier d’un utilisateur identifiant celui-ci comme ayant accès au site. Dans les deux systèmes, l’appareil peut également prendre en charge les données d’authentification sur papier, comme celles qui figurent sur un billet papier.

Toutefois, ni l’une ni l’autre référence ne suggère un système de contrôle d’accès fondé sur des billets papier qui a été modifié, au moyen d’une unité modernisée, pour accepter également les données d’authentification sans papier.

[40]           Le demandeur n’a pas contesté cette qualification de la différence entre l’état de la technique et l’idée originale et nous l’adoptons également aux fins de la présente révision.

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[41]           Dans la lettre de RP, nous avons indiqué que la différence consiste en une étape évidente fondée sur les CGC liées à la possibilité de moderniser les systèmes existants, à l’éventuel avantage de le faire et aux moyens et techniques permettant de moderniser un dispositif d’accès existant afin qu’il prenne également en charge l’authentification sans papier.

[42]           Comme il a été mentionné ci-dessus, le demandeur n’était pas d’accord, prétendant que les concepts de modernisation des dispositifs d’accès et l’avantage de procéder à une telle modernisation ne relèvent ni des CGC ni de l’état de la technique. Le demandeur a fait valoir dans la RRP et à l’audience que la personne versée dans l’art ne serait pas motivée à moderniser le dispositif d’accès existant.

[43]           Bien que les limites des dispositifs d’accès fondés sur des billets papier relèvent des CGC et que les dispositifs d’accès prenant en charge l’authentification sans papier figurent dans les documents de l’antériorité (voir à titre d’exemple D1 ou D5), le demandeur estime qu’il a découvert le problème de la « transition » – la nécessité de prendre en charge à la fois des billets papier et l’authentification sans papier pendant l’intervalle de transition – et qu’il a fourni une solution inventive. Ainsi qu’il est expliqué dans la RPR [Traduction] :

Comme nous en avons discuté précédemment, le problème abordé par les inventeurs n’était pas simplement le passage de l’utilisation de données d’authentification sur papier à l’utilisation de données d’authentification sans papier, mais plutôt une « transition vers un système sans billets papier », qui s’applique particulièrement dans le contexte des systèmes d’accès visant à permettre l’accès à un site, ce qui suppose un intervalle pendant lequel les deux capacités sont requises.

De plus, il n’y a aucune preuve au dossier indiquant que le fait de « conserver la rétrocompatibilité avec l’ancienne technologie » était un problème reconnu dans le contexte pertinent. En conséquence, l’affirmation ci-dessus est nécessairement un cas où l’on « présuppose que le problème spécifique abordé par les inventeurs a été reconnu dans les documents de l’antériorité »; cela suppose nécessairement « l’adoption d’une perspective rétrospective inappropriée », ce qui est contraire aux directives du RPBB, à la section 15.02.02e.

Ainsi, même s’il est pratique d’appliquer l’idée de combiner une unité modernisée à un dispositif d’accès existant qui fonctionne avec des données papier pour le modifier, afin qu’il prenne en charge des données d’authentification sans papier, il n’en demeure pas moins que cette idée sous-jacente est méritoire et suppose une activité inventive, au moins dans la mesure où son application pratique apporte une solution au problème de faciliter une transition vers un système sans billets papier à l’intérieur d’un système d’accès aux sites, problème auquel les documents cités et les connaissances générales courantes n’auraient pas conduit une personne versée dans l’art directement et sans difficulté. [Soulignement présent dans l’original]

[44]           Nous sommes d’avis que les limites imposées par les CGC aux dispositifs d’accès fondés sur des billets papier inciteraient la personne versée dans l’art à trouver et à mettre en œuvre une solution, comme l’un des dispositifs d’authentification sans papier mentionnés dans D1 ou D5. Lors de la mise en œuvre d’un dispositif d’authentification sans papier, la personne versée dans l’art se heurterait inévitablement au problème de la « transition », à savoir qu’il reste toujours des détenteurs de billets papier qui doivent avoir un accès pendant ou peu après la mise en œuvre. Logiquement, la personne versée dans l’art chercherait une solution qui prenne en charge à la fois des billets papier et l’authentification sans papier, au moins pendant l’intervalle de transition.

[45]           L’une de ces solutions, qui se présenterait logiquement à la personne versée dans l’art, consisterait à moderniser le dispositif d’accès existant pour qu’il permette également l’authentification sans papier. Il ne semble pas y avoir de suggestions selon lesquelles la modernisation ne serait pas une option viable pour les dispositifs d’accès dans ce domaine. De plus, comme nous l’avons fait remarquer précédemment, toutes les modifications structurelles et fonctionnelles nécessaires pour moderniser un dispositif d’accès fondé sur des billets papier existant afin qu’il prenne également en charge l’authentification sans papier relèvent nécessairement des CGC.

[46]           Étant donné que, comme nous l’avons souligné précédemment, les dispositifs d’authentification sans papier de D1 et D5 peuvent également prendre en charge les données d’authentification sur papier, l’utilisation d’une « unité modernisée » dans l’idée originale semble ne représenter qu’une différence conceptuelle par rapport à D1 et D5, et le concept de modernisation s’avère un choix connu.

Conclusion quant à l’évidence

[47]           Nous considérons que l’objet des revendications 1 à 14 au dossier aurait été évident pour la personne versée dans l’art à la lumière de D1 ou de D5, eu égard aux CGC. Par conséquent, ces revendications ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Description suffisante et habilitante

[48]           La description et les dessins n’indiquent pas ce qu’est l’unité modernisée, comment elle fonctionne, comment elle se fixe au dispositif d’accès existant ou communique avec celui-ci, ni comment elle modifie le dispositif d’accès existant.

[49]           Par ailleurs, comme nous l’avons expliqué ci-dessus, les CGC comprennent toutes les connaissances nécessaires à la personne versée dans l’art pour procéder à la modernisation en l’espèce.

[50]           Par conséquent, nous considérons que la personne versée dans l’art serait habilitée par ses CGC à réaliser l’invention des revendications au dossier.

[51]           Nous estimons donc que le mémoire descriptif au dossier est conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

Caractère indéfini

[52]           Dans la lettre de RP, nous étions d’accord, à titre préliminaire, avec la caractérisation des revendications 12 à 14 faite par l’examinateur, et nous les avons considérées comme étant indéfinies et ambiguës :

Comme il est souligné dans la DF (page 6), les revendications 12 à 14 au dossier dépendent du [Traduction] « dispositif d’accès de la revendication 11 », mais la revendication 11 décrit un [Traduction] « système d’accès ».

Il est également souligné dans la DF que la revendication 14 au dossier indique que le dispositif d’accès peut comprendre une unité modernisée : la revendication 1, dont dépend ultimement la revendication 14, définit déjà le dispositif d’accès modifié comme comprenant une unité modernisée.

[53]           Le demandeur n’a pas contesté cette définition ou ce raisonnement et nous les adaptons également aux fins de la présente révision.

[54]           Par conséquent, nous estimons que les revendications 12 à 14 ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets ni à l’article 84 des Règles sur les brevets.

Dessins

[55]           Comme nous l’avons expliqué dans la lettre de RP [Traduction] :

Nous constatons que les signes de référence 208, 220 et 226 manquent dans la description au dossier et que les signes de référence 216 et 218 sont utilisés pour désigner des caractéristiques dans la description qui sont différentes de celles indiquées à la figure 5. Par conséquent, nous convenons provisoirement que la figure 5 (dans la demande au dossier) n’est pas conforme à l’article 82 des Règles sur les brevets.

[56]           Le demandeur n’a pas contesté ce raisonnement et nous l’adoptons également aux fins de la présente révision.

Description et revendications proposées

[57]           Ainsi qu’il est indiqué ci-dessus, les deuxièmes modifications proposées comprennent la même modification à la description que celle que le demandeur avait proposée dans la RDF. Ainsi, selon notre examen de cette proposition, nous estimons que la modification proposée à la description rendrait la figure 5 conforme à l’article 82 des Règles sur les brevets et ferait en sorte qu’elle ne nuirait pas à la conformité du mémoire descriptif avec le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

[58]           Les deuxièmes modifications proposées comprennent également des modifications au libellé des revendications 11 à 14 (d’après leur interprétation au dossier) qui leur permettraient d’être conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et à l’article 84 des Règles sur les brevets. Toutefois, nous sommes d’avis que l’irrégularité liée à l’évidence subsisterait, puisque les modifications proposées ne modifieraient pas les définitions précédemment énoncées de la personne versée dans l’art, de la CGC ou de l’idée originale.

[59]           En conséquence, notre opinion concernant l’évidence s’applique également aux secondes modifications proposées. Il s’ensuit que les secondes modifications proposées ne sont pas considérées comme une modification déterminée qui est nécessaire aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[60]           Compte tenu de ce qui précède, le comité recommande que la demande soit rejetée pour les motifs suivants :

         les revendications 1 à 14 sont évidentes et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets;

         les revendications 12 à 14 au dossier sont ambiguës et ont un caractère indéfini et, par conséquent, ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets ni à l’article 84 des Règles sur les brevets;

         les signes de référence dans la figure 5 font en sorte que celle-ci n’est pas conforme à l’article 82 de la Loi sur les brevets.

Leigh Matheson                      Paul Fitzner                             Liang Ji
Membre                                   Membre                                   Membre

Décision du commissaire

[61]           Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande. Les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, les revendications 12 à 14 ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets ni à l’article 84 des Règles sur les brevets, et la figure 5 n’est pas conforme à l’article 82 des Règles sur les brevets.

[62]           En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec),
en ce 19e jour de septembre 2019

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