Brevets

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Décision du commissaire no 1500

Commissioner’s Decision 1500

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :       G00 Utilité

                       B22 Non appuyée par la divulgation

B00 Caractère ambigu ou indéfini

                      

                                                                                              

TOPICS:        G00 Utility

                       B22 Not Supported by Disclosure

                       B00 Ambiguity or Indefiniteness

                                              

 

                                  

 

 

 

 

           

Demande no 2 568 846

  Application No. 2,568,846

 


 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets [DORS/96-423], la demande de brevet numéro 2568846 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire rejette la demande.

 

 

 

Demandeur :

 

DESBRANDES, ROBERT

1, Allée des Chériniers

Givarlais

03190

France

 

 

 

                                                                                                                                        

 

                                                                                                  

 


INTRODUCTION

[1]          La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadienne refusée no 2 568 846, qui est intitulée « Procédé et appareillage pour communiquer à distance en utilisant la photoluminescence ou la thermoluminescence » et inscrite au nom de Robert Desbrandes (« le Demandeur »). La Commission d’appel des brevets (« la Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets.

[2]          Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons à la commissaire aux brevets de rejeter la demande.

CONTEXTE

La demande

[3]          La demande de brevet a été déposée au Canada le 23 mai 2005 en vertu des dispositions du Traité de coopération en matière de brevets et est devenue accessible au public le 8 décembre 2005.

[4]          La demande porte généralement sur un procédé et appareillage pour communiquer à distance au moyen de la photoluminescence ou de la thermoluminescence de particules intriquées par liaison quantique (« particules intriquées »).

Historique de la poursuite

[5]          Le 10 mai 2016, une décision finale (DF) a été délivrée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF a refusé la demande et souligne les irrégularités suivantes :

      les revendications 1 à 70 englobent un objet qui manque d’utilité et donc, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

      la description ne décrit pas de façon exacte et complète l’invention, son fonctionnement et son utilisation et donc n’est pas conforme à l’alinéa 27(3)d) de la Loi sur les brevets; et

      les revendications 16, 32, 63 et 64 sont imprécises et donc, ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[6]          Dans une réponse à la DF (RDF) en date du 7 novembre 2016, le Demandeur a présenté des arguments en faveur de l’acceptation de la demande et a proposé un ensemble de 68 revendications modifiées (les revendications proposées).

[7]          Les arguments du Demandeur n’ont pas convaincu l’Examinateur d’annuler le refus de la demande, et ce dernier a considéré que les revendications proposées ne corrigent pas l’ensemble des irrégularités. La demande a donc été transmise à la Commission pour révision, accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs (RM), conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Dans une lettre en date du 25 janvier 2017, la Commission a transmis une copie du RM au Demandeur.

[8]          Dans une lettre en date du 16 avril 2017, le Demandeur a indiqué qu’il souhaitait toujours que la Commission procède à une révision de la demande.

[9]          Le présent comité (le Comité) a été constitué dans le but de procéder à la révision de la présente demande en vertu de l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Le 10 mai 2019, le Comité a envoyé une lettre de révision préliminaire (RP) au Demandeur.

[10]      Dans une lettre en date du 3 juin 2019, le Demandeur a indiqué qu’il ne souhaitait pas qu’une audience soit tenue. Le 12 juin 2019, le Demandeur a présenté une réponse écrite à la lettre de RP (« RRP »). Le Demandeur n’a pas soumis d’autres modifications proposées à la demande.

QUESTIONS

[11]      Les questions à trancher dans le cadre de la présente révision sont celles de savoir si :

       les revendications 1 à 70 englobent un objet qui manque d’utilité et donc, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

      la description ne décrit pas de façon exacte et complète l’invention, son fonctionnement et son utilisation et donc n’est pas conforme à l’alinéa 27(3)d) de la Loi sur les brevets;

      les revendications 16, 32, 63 et 64 sont imprécises et donc, ne sont pas conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[12]      Si les revendications au dossier sont jugées irrégulières, nous pourrons examiner les revendications proposées afin de déterminer si elles constituent des modifications nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets.

PRINCIPES JURIDIQUES ET PRATIQUE DU BUREAU

La personne versée dans l’art (PVA)

[13]      L’examen de l’utilité, du caractère suffisant et du manque de clarté des revendications s’appuie sur une compréhension de la PVA. Dans AstraZeneca Inc c Apotex Inc 2014 CF 638 au para 51, il est noté :

La personne versée dans l’art est une créature fictive à laquelle recourent les tribunaux pour interpréter les brevets de manière « éclairée ». Pour l’application du droit sur les brevets, et pour refléter la réalité, les brevets s’adressent théoriquement à une personne versée dans l’art plutôt qu’à un membre du public. La personne versée dans l’art est « censée être dépourvue d’imagination et d’esprit inventif, posséder néanmoins un degré moyen de compétence et de connaissances accessoires au domaine dont relève le brevet [...] et faire preuve d’une diligence raisonnable pour se tenir au courant des progrès dans ce domaine ». De plus, la personne versée dans l’art peut se consacrer à une discipline unique, ou combiner des compétences dans plusieurs domaines, selon la nature du brevet : Merck & Co. c. Pharmascience Inc., 2010 CF 510, aux paragraphes 34 à 40 [Merck finastéride].

Connaissances générales courantes

[14]      L’évaluation des connaissances générales courantes (CGC) est régie par les principes énoncés dans Eli Lilly & Co c Apotex Inc, 2009 CF 991 au para 97 [Eli Lilly], conf. par 2010 CAF 240, citant General Tire & Rubber Co. C. Firestone Tyre & Rubber Co. Ltd, [1972] RPC 457, [1971] FSR 417 (CA du R.-U.) (General Tire) aux pages 482 et 483 (du RPC) [Traduction] :

Il faut évidemment prendre soin de distinguer les connaissances générales courantes attribuées à une personne à qui s’adresse un tel brevet de ce que le droit des brevets considère comme des connaissances publiques. Cette distinction est bien expliquée dans Halsbury’s Law of England, vol. 29, paragraphe 63. Pour ce qui est du mémoire descriptif du brevet, la notion quelque peu artificielle (d’après lord Reid dans l’affaire Technograph, [1971] F.S.R. 188, à la page 193) du droit des brevets veut que chaque mémoire descriptif, des 50 dernières années, fasse partie des connaissances publiques pertinentes s’il se trouve à quelque endroit du bureau des brevets, même s’il est peu vraisemblable qu’il sera consulté et quelle que soit la langue dans laquelle il est rédigé. Par ailleurs, les connaissances générales courantes sont un concept différent dérivé d’une conception rationnelle de ce qui serait en fait connu par une personne adéquatement versée dans l’art – le genre d’homme, qui fait bien son travail et qui existerait réellement.

Les deux catégories de documents à examiner relativement aux connaissances générales courantes en l’espèce étaient un mémoire descriptif de brevet individuel et des « publications à grand tirage ».

En ce qui concerne la première catégorie de documents, il est clair que les mémoires descriptifs de brevets individuels et leur contenu ne font habituellement pas partie des connaissances générales courantes, bien que des mémoires descriptifs puissent être si bien connus chez ceux qui sont versés dans l’art que lorsque cet état de choses est établi, ils font partie de ces connaissances et il peut y avoir des secteurs d’activité précis (comme celui de la photographie couleur) dans lesquels la preuve peut indiquer que tous les mémoires descriptifs font partie des connaissances pertinentes.

Pour ce qui est des documents scientifiques en général, le juge Luxmoore a déclaré ce qui suit dans British Acoustic Films (53 R.P.C. 221, à la page 250) :

 « À mon avis, pour les connaissances générales courantes, il ne suffit pas de prouver qu’une divulgation a été faite dans un article, une série d’articles, dans une revue scientifique, peu importe l’importance du tirage de cette revue, en l’absence de toute preuve selon laquelle la divulgation est généralement acceptée par ceux versés dans l’art auquel se rapporte la divulgation. Une connaissance précise divulguée dans un document scientifique ne devient pas une connaissance générale courante simplement parce que le document est lu par de nombreuses personnes et encore moins parce qu’il a un fort tirage. Une telle connaissance fait partie des connaissances générales courantes uniquement lorsqu’elle est connue de manière générale et acceptée sans hésitation par ceux versés dans l’art particulier; en d’autres mots, lorsqu’elle fait partie du lot courant des connaissances se rapportant à l’art. » Un peu plus loin, faisant la distinction entre ce qui a été écrit et ce qui a été utilisé, il a déclaré ce qui suit : 

 « Il est assurément difficile d’évaluer comment l’utilisation d’une chose, qui dans la réalité n’a jamais été utilisée dans un art particulier, peut être reconnue comme appartenant aux connaissances générales courantes de l’art. »

Ces passages ont souvent été cités et aucune décision ne nous a été présentée dans laquelle ils étaient critiqués. Nous les acceptons comme énonçant correctement le droit en général sur ce point, bien que nous réservions pour un examen plus approfondi la question de savoir si les mots « acceptée sans hésitation » ne mettent pas la barre plutôt haute : pour les fins de la présente affaire, nous sommes disposés, sans souhaiter présenter une définition complète, à leur substituer les mots « généralement considérée comme un bon fondement pour continuer. »

Utilité

[15]      L’article 2 de la Loi sur les brevets exige qu’il y ait utilité :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité. [italique ajouté]

[16]      Dans AstraZeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2017 CSC 36, au para 53 [AstraZeneca], la Cour suprême du Canada (CSC) a indiqué que « [c]e qui constitue une utilité acceptable variera en fonction de l’objet de l’invention cerné à la suite de l’interprétation des revendications » et a énoncé l’approche qu’il convient d’adopter pour déterminer si une demande de brevet divulgue une invention qui présente une utilité suffisante au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets :

[54]      Pour déterminer si un brevet divulgue une invention dont l’utilité est suffisante au sens de l’art. 2, les tribunaux doivent procéder à l’analyse suivante. Ils doivent d’abord cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet. Puis, ils doivent se demander si cet objet est utile — c’est-à-dire, se demander s’il peut donner un résultat concret.

[55]      La Loi ne prescrit pas le degré d’utilité requis. Elle ne prévoit pas non plus que chaque utilisation potentielle doit être réalisée — une parcelle d’utilité suffit. Une seule utilisation liée à la nature de l’objet est suffisante, et l’utilité doit être établie au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable à la date de dépôt : AZT, par. 56.

[17]      L’utilité à la date du dépôt au Canada peut être établie au moyen soit d’une démonstration soit d’une prédiction valable. L’utilité ne peut pas être corroborée par des éléments de preuve ou des connaissances qui ne sont devenues accessibles qu’après la date de dépôt (voir également Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77, au para 56 [AZT], cité dans le passage ci-dessus).

[18]      Dans le cas où l’utilité d’une invention doit être établie par une démonstration, la démonstration doit avoir eu lieu à la date de dépôt, mais ne doit pas nécessairement être comprise dans la description (voir Eli Lilly Canada Inc c Apotex Inc, 2015 CF 1016 aux paras 138 à 142). Les données établissant la démonstration de l’utilité à la date de dépôt peuvent être fournies après la date de dépôt, par le Demandeur, par voie d’un affidavit.

[19]      La règle de la prédiction valable permet d’établir l’utilité alléguée même lorsque cette utilité n’a pas été entièrement vérifiée à la date de dépôt. Une demande de brevet doit, cependant, fournir un « solide enseignement » quant au fonctionnement de l’invention revendiquée, par opposition à de « simples spéculations » (AZT, au para 69).

[20]      La question de savoir si la prédiction est valable est une question de fait (AZT, au para 71). L’analyse de la prédiction valable devrait porter sur trois éléments (AZT, au para 70) :

      la prédiction doit avoir un fondement factuel;

      à la date de la demande de brevet, l’inventeur doit avoir un raisonnement clair et valable qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité; et

      il doit y avoir divulgation suffisante du fondement factuel et du raisonnement.

[21]      Ces éléments sont évalués du point de vue de la personne versée dans l’art à qui s’adresse la demande de brevet, en tenant compte de ses CGC. En outre, à l’exception des CGC, le fondement factuel et le raisonnement doivent être inclus dans la demande de brevet (voir Bell Helicopter Textron Canada Limitée c Eurocopter, SAS, 2013 CAF 219, aux paras 152 et 153).

[22]      Bien qu’une prédiction n’ait pas à équivaloir à une certitude pour être valable, la norme appropriée en matière d’utilité est une « inférence prima facie raisonnable » (Gilead Sciences Inc c Idenix Pharmaceuticals Inc, 2015 CF 1156 au par. 251; Mylan Pharmaceuticals ULC c Eli Lilly Canada Inc, 2016 CAF 119, au para 55).

[23]      L’obligation de démontrer l’utilité ou de s’assurer qu’elle a fait l’objet d’une prédiction valable est énoncée plus précisément dans la section 12.04 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB], révisé en novembre 2017 (OPIC).

[24]      Dans la RRP, le Demandeur a estimé que, dans le cas présent, la prédiction valable requise par la CSC n’est pas le principe de fonctionnement de l’invention, mais bien les procédés décrits dans la demande à la date de dépôt. Le Demandeur a aussi noté que la jurisprudence citée concernant la question d’utilité était limitée aux domaines pharmaceutique et médical, une catégorie d’invention où l’utilité requiert une preuve de l’effet thérapeutique allégué au moyen d’études réalisées préalablement à la date de dépôt.

[25]      Nous notons que pour être brevetables, les inventions dans tous les domaines requièrent que l’utilité soit démontrée ou établie par une prédiction valable. Dans certains cas, comme pour les dispositifs mécaniques, le fondement factuel se trouve dans les lois ou les principes scientifiques, ou dans les CGC de la PVA. Dans ces cas, il peut être apparent à la PVA que l’invention devrait fonctionner comme revendiquée (c’est-à-dire, il y a un raisonnement clair et valable qui permette d’inférer du fondement factuel l’utilité souhaitée de l’invention).

Caractère suffisant

[26]       Les passages pertinents du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets sont libellés comme suit :

Le mémoire descriptif doit :

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

[27]      Les tribunaux ont indiqué que le caractère suffisant de la divulgation est principalement lié à deux questions, lesquelles sont pertinentes pour l’application des alinéas 27(3)a) et 27(3)b) de la Loi sur les brevets : En quoi consiste l’invention? Comment fonctionne-t-elle? (Consolboard Inc c MacMillan Bloedel (Sask) Ltd, [1981] 1 RCS 504 au para 526). La description doit fournir une réponse exacte et complète à chacune de ces questions afin qu’une fois la période de monopole terminée, le public puisse, en ne disposant que du mémoire descriptif, utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur à l’époque de la demande, sans avoir à faire preuve d’esprit inventif ou à se lancer dans une expérimentation excessive.

[28]      La section 9.03 du RPBB est également pertinente :

Bien que la description puisse contenir des renvois à des documents externes, l’invention doit être décrite et réalisable par sa seule description telle qu’interprétée par la personne versée dans l’art à partir de ses connaissances générales courantes. Une connaissance spécifique de l’art antérieur (par ex. de renseignements uniquement accessibles dans un ou quelques documents, et dont il n’est pas établi qu’ils sont communément connus et acceptés) peut être considérée comme ne faisant pas partie « des connaissances générales courantes », et, en ce cas, les enseignements de l’art antérieur qui sont nécessaires pour décrire ou réaliser l’invention doivent être incorporés dans la description pour que la divulgation soit complète et entière.

Caractère indéfini

[29]      Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention :

« Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le Demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif ».

[30]      Dans Minerals Separation North American Corp c Noranda Mines Ltd, [1947] RC de l’É. 306, à la p. 352, la Cour a insisté sur l’obligation faite au Demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis [Traduction] :

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon à ce que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

[31]      Les exigences sont énoncées plus précisément dans la section 11.03 du RPBB révisée en mars 1998.

ANALYSE

[32]      Dans notre analyse, nous avons examiné d’abord la question de l’utilité, suivie du caractère suffisant puis du manque de clarté.

La PVA et les CGC pertinentes

[33]      L’examen de l’utilité, du caractère suffisant et du manque de clarté des revendications s’appuie sur une compréhension de la PVA et de ses CGC. La date pertinente pour l’examen des CGC sur le plan de l’utilité et du caractère suffisant est la date de dépôt (AZT et Teva Canada Ltd c Pfizer Canada Inc 2012 CSC 60 au para 90).

[34]      L’Examinateur a cité la référence suivante pour étayer les CGC :

D9 : Louis Armand et coll., Alpha encyclopedie, tome 29, rubrique « modulation », Franson, Montréal, (1970) pages 4033 à 4044.

[35]      Dans le RP, nous avons présenté aussi les références suivantes, s’appliquant aux CGC :

D10 : « No Communication Theorem », Wikipédia, archivé le 4 mai 2005, à l’adresse : https://web.archive.org/web/20050504064143/https://en.wikipedia.org/wiki/No-communication_theorem

D11 : Pirandola et coll., « Advances in Quantum Teleportation », Nature Photonics, 9 (29 septembre 2015) pages 641 et 642.

[36]      Dans la DF (page 4), l’Examinateur a défini la PVA comme étant une personne versée dans l’art des communications quantiques. Cette définition n’a pas été contestée par le Demandeur, et nous l’adoptons donc ici.

[37]      Dans la DF (page 4), l’Examinateur a énuméré les CGC de la PVA comme suit :

L’Examinateur conçoit la personne versée dans l’art des communications quantiques comme possédant les connaissances suivantes :

a)        Elle est familière avec les concepts de la mécanique quantique, ainsi que les formalismes qui y sont employés, par exemple celui de Dirac (bra, ket, etc.) ou celui de Schrödinger (équation d’ondes), la représentation et le traitement des nombres quantiques (spin, moment angulaire, polarisation, énergie, etc.) des entités quantiques (électrons, photons, atomes, etc.).

b)        Elle est familière avec les appareils de mesure qui permettent de détecter des entités quantiques (par exemple, tubes photomultiplicateurs) ou d’identifier certains de leurs nombres quantiques (par exemple, polarisateurs), ainsi que sur la façon de préparer une entité quantique dans un état donné (par exemple, avec un spin défini). En particulier, elle est familière avec la production de rayons X, par exemple par effet Bremsstrahlung.

c)        Elle est familière avec les concepts de thermoluminescence et de photoluminescence, les procédés de préparation (par exemple, le choix des matériaux), d’irradiation et de mesure (par exemple, le chauffage) utilisant ces propriétés, ainsi que les principales applications (par exemple, dosimétrie) où elles ont été exploitées.

d)        Elle est enfin familière avec les concepts et les méthodes de communication (électrique, optique, radioélectrique ou acoustique), et en particulier avec les techniques de modulation utilisées par celles-ci, qui s’inscrivent dans un contexte ondulatoire (D9).

[38]      Dans la lettre du Demandeur, reçue le 1er décembre 2015, le Demandeur affirme (pages 10 et 11) que la PVA saurait comment préparer et stimuler des échantillons thermoluminescents ou photoluminescents conventionnels, par exemple, pour la dosimétrie. Nous ne contestons pas cela, et cet aspect a été souligné dans la définition des CGC qu’a donnée l’Examinateur au point c) ci-dessus. Toutefois, selon notre appréciation, les CGC ne s’étendraient pas à la façon de préparer de tels échantillons contenant d’importantes quantités d’électrons piégés intriqués, puisqu’il semble que ces substances n’étaient pas communément connues dans l’art au moment du dépôt de la présente demande. Dans la même lettre du Demandeur, aux pages 14 et 15, il prétend que c’est l’enseignement énoncé dans le mémoire descriptif, plutôt que les CGC, qui permettrait à la PVA de préparer des échantillons contenant des électrons piégés intriqués au moyen d’un accélérateur linéaire.

[39]      Dans la même lettre, le Demandeur (page 13) estimait que la PVA saurait comment produire des faisceaux de photons intriqués, et a cité Kurtsiefer et coll., « Generation of correlated photon pairs in type II parametric down conversion – revisited », présenté au J. Mod. Opt., le 7 février 2001, à l’appui de cette opinion. Le Demandeur a aussi cité Smith, « How to select non linear crystals and model their performance using SNLO software », mais ce document ne fait pas référence à l’intrication quantique. Nous soulignons que le renvoi à un seul article ne constitue pas une preuve suffisante qu’un enseignement relève des CGC. Nous ajoutons que même si nous étions a priori d’avis que les enseignements de Kurtsiefer relevaient des CGC à la date pertinente, notre conclusion à l’égard du caractère suffisant dont il est question ci-après ne changerait pas, comme il est expliqué ci-dessous.

[40]      Par conséquent, comme dans la RP, nous adoptons les CGC énumérées ci-dessus, tirées de la DF. Cette définition n’a pas été contestée par le Demandeur dans la RRP.

Utilité

[41]      Nous examinons l’utilité selon les directives énoncées dans AstraZeneca, au para 54.

Quel est l’objet de l’invention tel qu’il est revendiqué?

[42]      Les revendications 1 à 16 visent un système d’échantillons photoluminescents ou thermoluminescents intriqués et la revendication 69 vise les supports qui comprennent ces systèmes. La revendication 1 est représentative selon nous :

Système d’échantillons intriqués caractérisé en ce qu’il comprend au moins une sorte de matériaux photoluminescents ou thermoluminescents ayant au moins un état excité comportant des groupes de deux ou plusieurs électrons contenus dans des pièges desdits matériaux photoluminescents ou thermoluminescents excités, lesdits électrons desdits groupes étant intriqués entre eux et étant distribués en tout ou partie dans lesdits échantillons, appelés les échantillons intriqués, lesdits échantillons intriqués pouvant être séparés dans l’espace tout en conservant des liaisons quantiques distantes entre certains desdits électrons piégés dans lesdits matériaux photoluminescents ou thermoluminescents desdits échantillons intriqués séparés.

 

[43]      Les revendications 17 à 31 visent une méthode de production d’un système d’échantillons intriqués et les revendications 67 et 68 visent des moyens de mettre en œuvre cette méthode. La revendication 17 est représentative selon nous :

Procédé de fabrication d’un système d’échantillons intriqués caractérisé en ce que l’on prépare ensemble deux ou plusieurs échantillons comprenant au moins une sorte de matériaux photoluminescents ou thermoluminescents par bombardement, irradiation ou illumination au moyen d’au moins une source émettant directement ou indirectement des groupes de particules élémentaires intriquées aptes à exciter ladite sorte de matériaux photoluminescents ou thermoluminescents, lesdits échantillons une fois bombardés, irradiés ou illuminés étant séparés pour former le système d’échantillons intriqués.

 

[44]      Les revendications 32 à 66 visent une méthode de communication à l’aide d’échantillons intriqués par liaison quantique et la revendication 70 vise des moyens de mettre en œuvre cette méthode. La revendication 32 est représentative selon nous :

Procédé pour communiquer caractérisé en ce que l’on utilise un système d’échantillons intriqués comprenant au moins une sorte de matériaux photoluminescents ou thermoluminescents ayant au moins un état excité comportant des groupes de deux ou plusieurs électrons contenus dans des pièges desdits matériaux photoluminescents ou thermoluminescents excités, lesdits électrons étant intriqués entre eux et étant distribués en tout ou partie dans lesdits échantillons intriqués dans lequel :

-          on provoque au moins une stimulation modulée en amplitude et/ou en fréquence sur au moins un desdits échantillons intriqués, l’échantillon intriqué maître,

-          on détermine au moins une information ou au moins un signal de commande à distance en mesurant au moins une variation de luminescence corrélée sur au moins un autre desdits échantillons intriqués, l’échantillon intriqué esclave, lors de la stimulation du susdit échantillon intriqué maître, pratiquement instantanément, indépendamment des distances séparant les échantillons intriqués et des milieux séparant ces échantillons ou dans lesquels ils sont placés.

 

[45]      Selon notre appréciation, comme nous l’avons écrit dans la RP, l’objet revendiqué qui doit être utile pour être conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets et à la fois commun à l’ensemble des revendications est le système d’échantillons photoluminescents ou thermoluminescents intriqués.

[46]      Cette observation n’a pas été contestée par le Demandeur dans la RRP.

[47]      De prime abord, nous sommes également d’avis que l’utilisation du système d’échantillons intriqués pour la communication, qui est l’unique utilité divulguée dans la demande, est adéquatement liée à la nature de l’objet de l’ensemble des revendications et rendrait l’invention alléguée utile au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets, si cette utilité est établie soit par démonstration, soit par prédiction valable.

L’utilité requise avait-elle été établie au moyen d’une démonstration à la date de dépôt?

[48]      Nous estimons que le mémoire descriptif ne contient aucune démonstration de l’emploi d’un système d’échantillons photoluminescents ou thermoluminescents intriqués dans une méthode de communication. Nous avons pris connaissance de la lettre du Demandeur, datée du 13 février 2012, laquelle est accompagnée des expériences documentées aux annexes A et B. Ces expériences semblent toutefois avoir été réalisées après la date de dépôt, à savoir le 23 mai 2005. Selon les directives énoncées dans AZT, les éléments de preuve et les connaissances disponibles après la date du dépôt ne peuvent servir à établir l’utilité. Par conséquent, selon notre appréciation, l’utilité de l’invention revendiquée n’a pas été établie sur le fondement d’une démonstration à la date de dépôt.

L’utilité requise avait-elle été établie au moyen d’une prédiction valable à la date de dépôt?

[49]      Comme il a été souligné dans la section « Principes juridiques », le fondement factuel, le raisonnement et leur divulgation sont des éléments à considérer au moment de déterminer si une prédiction est valable. Ces éléments sont évalués du point de vue de la PVA, en tenant compte des CGC pertinentes, et en fonction de ce que la PVA considérerait comme un raisonnement clair et valable qui permette d’inférer du fondement factuel l’utilité requise de l’invention.

               i.            Fondement factuel

[50]      La description aux pages 1 à 6 divulgue les fondements physiques conventionnels de l’excitation et de l’émission stimulée de cristaux thermoluminescents et photoluminescents, sans intrication quantique. La description divulgue également les principes de l’intrication quantique, à la page 8, selon laquelle l’intrication quantique peut être transférée de particule à particule par interaction, et divulgue que la liaison quantique est conservée même lorsque les particules sont séparées par une distance quelconque.

[51]      Dans la RDF, aux pages 3 à 6, le Demandeur explique les principes qui sous-tendent la manière dont les électrons ayant des spins intriqués par liaison quantique se comportent à l’égard des bandes d’énergie dans les cristaux dopés.

             ii.            Raisonnement

[52]      Une prédiction valable d’utilité nécessite un raisonnement clair et valable permettant d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité. À la page 8, il est affirmé dans la description que lorsque les faisceaux de photons intriqués par liaison quantique interagissent avec les échantillons de cristaux, la liaison quantique des photons est transférée aux électrons de la bande de valence, qui sont capturés ensuite dans les pièges de cristaux. La description affirme également que lorsque la simulation d’un électron dans l’échantillon maître fait en sorte qu’il émet des photons visibles par désexcitation, l’électron intriqué correspondant dans l’échantillon esclave non stimulé subit une désexcitation corrélée causant l’émission de photons dans l’échantillon esclave.

[53]      Dans la RDF, à la page 6, le Demandeur affirme que la raison pour laquelle l’échantillon esclave émet un photon sans stimulation est que, une fois l’électron intriqué dans l’échantillon maître stimulé pour émettre un photon, il prend un spin défini. Cela ferait en sorte que l’électron intriqué dans l’échantillon esclave prenne un spin opposé, ce qui le rend incompatible avec son orbite dans le piège du cristal.

                iii.            Divulgation du fondement factuel, raisonnement

[54]      Pour établir une prédiction valable de l’utilité, le fondement factuel et le raisonnement qui sous-tendent la prédiction, sauf s’ils font partie des CGC à la date de dépôt, doivent être divulgués dans le mémoire descriptif tel que déposé. La description doit être assez claire pour permettre à la PVA de comprendre le fondement de la prédiction et d’être en mesure de prédire valablement que l’invention fonctionnerait dans toute sa portée une fois qu’elle serait présentée sous forme pratique.

[55]      Le seul fondement factuel dans la description du raisonnement ci-dessus est l’affirmation, aux pages 8 et 9, portant que, selon un principe de mécanique quantique, la liaison est conservée lorsque les deux échantillons intriqués sont séparés.

[56]      Les autres explications du fondement factuel et du raisonnement par le Demandeur dans la RDF, et soulignées ci-dessus, ne peuvent pas être considérées comme une divulgation aux fins de la prédiction valable, puisque ces explications ne figurent pas dans le mémoire descriptif déposé initialement et ne semblent pas relever des CGC.

Analyse de l’utilité prévue

[57]      Comme il a été mentionné précédemment, notre appréciation est que le fondement factuel divulgué dans la présente demande se limite aux fondements physiques conventionnels de l’excitation et à l’émission stimulée de cristaux thermoluminescents ou photoluminescents ainsi qu’aux principes généralement connus de l’intrication quantique. En ce qui concerne le raisonnement, nous estimons que, d’après les CGC à la date de dépôt, la PVA considérerait que la stimulation de la photoluminescence ou de la thermoluminescence dans l’échantillon maître entraîne la destruction de l’intrication de ses électrons avec toute contrepartie intriquée dans l’échantillon esclave, de sorte que la photoluminescence ou la thermoluminescence de l’échantillon maître ne cause aucun changement observable dans l’échantillon esclave. En l’absence de tout fondement factuel et de raisonnement divulgué à l’appui du contraire, la PVA maintiendrait son point de vue à cet égard. En outre, selon notre appréciation, la PVA considérerait que le présent transfert d’information au sujet de l’état de l’échantillon maître (stimulé ou non) à l’échantillon esclave constitue une violation du théorème de non-communication de la théorie de l’information quantique (voir D10), qui était connue de manière générale et acceptée d’emblée par la majorité de ceux qui pratiquent l’art en question à la date de dépôt (voir Eli Lilly). Autrement dit, la PVA ne considérerait pas que le raisonnement est valable.

[58]      Dans la RRP, le Demandeur soumet que le théorème de non-communication de la physique quantique ne s’applique pas à l’invention. Selon nous, la PVA, équipée de ses CGC à la date de dépôt, considérerait le théorème de non-communication applicable et pertinent quant à la question de déterminer si le mémoire descriptif divulgue un raisonnement clair et valable qui sous-tend une prédiction valable.

[59]      Nous estimons que les considérations susmentionnées sont le noyau de notre appréciation, à savoir que la théorie divulguée et le raisonnement correspondant ne sont pas compatibles avec les lois généralement acceptées de la physique et de la mécanique quantique, et que la PVA n’aurait pas, sur la base des CGC à la date de dépôt ainsi que du fondement factuel et du raisonnement définis, estimé comme prédiction valable que le système d’échantillons photoluminescents ou thermoluminescents intriqués décrit puisse être utilisé pour les communications.

[60]      Par conséquent, selon notre appréciation, l’utilité de l’objet revendiqué n’a pas été établie par prédiction valable à la date de dépôt.

Conclusion quant à l’utilité

[61]      Selon notre appréciation, le Demandeur n’a pas établi l’utilité de l’objet des revendications 1 à 70 à la date de dépôt de la demande, soit par démonstration, soit par prédiction valable. En conséquence, nous concluons que l’objet des revendications au dossier est dépourvu d’utilité et n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Caractère suffisant

[62]      Tenant compte des principes juridiques énoncés précédemment, nous examinons la question de savoir si le mémoire descriptif est irrégulier au motif qu’il ne fournit pas à la PVA des renseignements clairs, concis et complets lui permettant de réaliser l’invention telle qu’elle est revendiquée uniquement à l’aide des instructions contenues dans la divulgation, sans avoir à faire preuve d’ingéniosité ou à se lancer dans une expérimentation excessive.

[63]      Dans la DF (milieu de la page 7), il est affirmé que la description est insuffisante quant aux instructions fournies à la PVA lui indiquant comment reproduire des électrons piégés intriqués, dans des échantillons de matériaux photoluminescents ou thermoluminescents. L’Examinateur n’a pas contesté l’affirmation portant que la PVA pourrait générer des faisceaux de photons intriqués (DF, page 7). Comme il a été souligné précédemment, bien que nous n’estimons pas que la génération de faisceaux de photons intriqués relève des CGC, nous ne considérons pas non plus que cet aspect est lié à l’argument suivant. La question relative au caractère suffisant est celle de savoir si la description fournit des directives suffisantes à la PVA quant à la façon d’utiliser ces faisceaux de photons intriqués pour produire de manière fiable des échantillons de cristaux photoluminescents ou thermoluminescents, lesquels contiennent tous des électrons piégés intriqués selon des concentrations suffisantes pour être utilisés aux fins de communication.

[64]      À la page 8, la description explique la production d’électrons piégés intriqués par le bombardement d’échantillons au moyen de rayons émis par des cristaux non linéaires de type BBO. La description mentionne également, à la page 24, le bombardement d’échantillons au moyen de rayons émis par un accélérateur linéaire de type CLINAC. Aucun renseignement relativement à la géométrie, à la taille de l’échantillon ou aux conditions ambiantes, entre autres, n’est fourni. Selon notre appréciation, la PVA, détenant les CGC à la date de dépôt, ne considérerait pas que ces descriptions sont des instructions suffisantes pour générer de manière fiable des échantillons de cristaux photoluminescents ou thermoluminescents, lesquels contiennent tous des électrons piégés intriqués selon des concentrations suffisantes pour être utilisés aux fins de communication.

[65]      Nous soulignons que D11 décrit l’état de la technique en 2015, bien après la date de dépôt du 23 mai 2005. D11 décrit les récents progrès pour réaliser l’intrication dans des systèmes à l’état solide, toutes les références à ces progrès étant des articles publiés après la date de dépôt. L’état de la technique tend à indiquer que le fait de réaliser l’intrication d’électrons piégés dans des échantillons à l’état solide ne relevait pas des CGC à la date de dépôt.

[66]      Dans la RRP, le Demandeur a maintenu que le mémoire descriptif fournit un solide enseignement quant à la préparation des échantillons intriqués et qu’une personne versée dans l’art des communications quantiques qui aurait vaincu ses préjugés contre l’efficacité de la technique pourrait mettre l’invention en pratique.

[67]      Selon nous, le caractère suffisant n’est pas une question de préjugés. On note que la PVA est considérée comme possédant les CGC dans l’art au moment du dépôt et un esprit prêt à comprendre le mémoire descriptif, mais elle manque cependant d’esprit inventif. Selon notre opinion et pour les raisons susmentionnées, l’enseignement du mémoire descriptif qui concerne la préparation des échantillons intriqués ne conduirait pas une telle personne à produire des échantillons intriqués fonctionnels sans qu’elle n’ait à faire preuve d’esprit inventif ou besoin de se lancer dans une expérimentation excessive.

[68]      La DF (page 5) considère également que la description est insuffisante, dans la mesure où elle fait référence aux revendications 32 et 64 et au concept de modulation. La DF prétend que la « modulation » n’a de signification qu’en référence aux communications par ondes (faisant référence à D9). Nous estimons que la présente description divulgue la communication d’information binaire comme « 1 = “échantillon maître chauffé” et 0 = “échantillon maître non chauffé” ». La PVA comprendrait, d’après la description de la figure 5, comment une séquence d’information binaire d’intensité ou une séquence d’information d’intensité analogue pourrait être encodée par la stimulation ou la non-stimulation séquentielle d’une série d’échantillons sur deux pellicules synchronisées. Bien qu’il ne s’agisse pas de formes de « communication de bande de base » dans l’art des communications, il ne s’agirait pas de « modulation » d’ondes selon la compréhension générale de la PVA. Selon notre appréciation, la description est insuffisante en ce qui a trait au concept de modulation énoncé aux revendications 32 et 64.

[69]      Par conséquent, selon notre appréciation, le mémoire descriptif n’est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, puisqu’il ne permet pas à la personne versée dans l’art de mettre en œuvre l’invention telle qu’elle est revendiquée, sans avoir à faire preuve d’ingéniosité ou à se lancer dans une expérimentation excessive.

Caractère indéfini

[70]      La DF indique que la revendication 16 manque de clarté puisqu’elle ne se termine pas par un point. Selon notre appréciation, il s’agit d’une erreur typographique mineure.

[71]      La DF a mentionné le manque d’antécédents dans les termes « distances » et « milieux » dans la revendication 32. Selon notre appréciation, les antécédents sont implicites puisqu’une certaine distance et un certain milieu intermédiaire font partie de l’environnement dans lequel le système fonctionne. Par conséquent, nous estimons que la revendication n’est pas irrégulière à cet égard.

[72]      La DF indique également que les revendications 32, 63 et 64 manquent de clarté en raison de l’emploi du terme « et/ou ». Selon notre appréciation, le terme n’introduit aucune ambiguïté dans le présent contexte. Par conséquent, nous estimons que ces revendications ne sont pas irrégulières à cet égard.

[73]      Enfin, la DF indique que la revendication 63 manque de clarté en raison de l’inclusion du terme « différente » qui est subjectif. Selon notre appréciation, la PVA interpréterait « différente » dans le contexte du mémoire descriptif actuel comme signifiant une composition chimique différente, un dopage ou une forme différente. Nous estimons que la revendication n’est pas irrégulière à cet égard.

[74]      Par conséquent, selon notre appréciation, les revendications 16, 32, 63 et 64 sont claires et sont conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

ENSEMBLE DE REVENDICATIONS PROPOSÉES

[75]      Dans la RDF, le Demandeur a proposé de modifier la revendication 32, de retirer les revendications 63 et 64 et de renuméroter les autres revendications en conséquence.

[76]      Selon le RM, ces modifications introduiraient d’autres irrégularités liées au caractère indéfini.

[77]      Selon notre appréciation, ces modifications corrigeraient l’irrégularité susmentionnée à l’égard de l’insuffisance des revendications 32 et 64 quant à la façon d’exécuter une modulation d’amplitude ou de fréquence, et n’introduiraient pas d’autres irrégularités liées au caractère indéfini.

[78]      Cependant, selon notre appréciation, les revendications proposées ne corrigeraient pas les irrégularités liées à l’utilité et à l’insuffisance qui demeurent, et ce, pour les mêmes raisons que celles susmentionnées à l’égard des revendications au dossier.

CONCLUSIONS

[79]      Selon notre appréciation, l’objet des revendications au dossier est dépourvu d’utilité et n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. De plus, selon notre appréciation, le mémoire descriptif n’est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, puisqu’il ne permet pas à la PVA de mettre en œuvre l’invention telle qu’elle est revendiquée, sans avoir à faire preuve d’ingéniosité ou à se lancer dans une expérimentation excessive. Selon notre appréciation, les revendications 16, 32, 63 et 64 sont claires et sont conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[80]      De plus, nous avons déterminé que l’ensemble de revendications proposées ne remédient pas aux irrégularités et que, par conséquent, l’ensemble de revendications proposées ne constitue pas une modification déterminée qui est « nécessaire » aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

[81]      Nous recommandons à la commissaire aux brevets de rejeter la demande, car l’objet des revendications au dossier est dépourvu d’utilité et n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, ainsi que le mémoire descriptif n’est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

[82]      En outre, l’ensemble de revendications proposées ne remédie pas aux irrégularités et, par conséquent, le Comité décline de recommander l’introduction de ces revendications, car elles ne constituent pas une modification déterminée qui est « nécessaire » aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

 

Howard Sandler                              Marcel Brisebois                              Paul Fitzner

Membre                                            Membre                                            Membre


 

DÉCISION DU COMMISSAIRE

[83]      Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande, car l’objet des revendications au dossier est dépourvu d’utilité et n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, ainsi que le mémoire descriptif n’est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

[84]      En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je rejette la présente demande. Conformément aux dispositions de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le Demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 16e jour d’octobre 2019

 

 

 

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