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Décision du commissaire no 1491

Commissioner’s Decision #1491

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET :           K11 (Traitement)

O00 (Évidence)

                       

 

TOPIC:           K11 (Treatment)

O00 (Obviousness)

                                                           

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no: 2 760 920

Application No.: 2,760,920

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 760 920 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire accepte la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du Demandeur :

 

BORDEN LADNER GERVAIS LLP

World Exchange Plaza

100, rue Queen, bureau 1300

OTTAWA (Ontario)

K1P 1J9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

Introduction

[1]          La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 760 920, qui est intitulée « Utilisation de mesures de l’erreur accommodative pour l’obtention de verres correcteurs », qui est inscrite au nom de Cooper International Holding Company, LP. Les irrégularités qui subsistent sont liées aux questions de savoir si l’objet des revendications qui figuraient au dossier au moment de la rédaction de la DF est exclu de la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets et si cet objet aurait été évident. La Commission d’appel des brevets (« la Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons que la demande soit acceptée.

Contexte

La demande

[2]          La demande de brevet 2 760 920 (la présente demande), qui est fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevet (PCT), est réputée avoir été déposée au Canada le 3 mai 2010 et a été mise à la disponibilité du public le 11 novembre 2010.

 

[3]          L’objet revendiqué dans la présente demande a trait à des méthodes de fourniture et d’utilisation de verres correcteurs destinés à limiter ou à prévenir la progression de la myopie chez une personne ayant ce besoin. Plus précisément, les méthodes divulguées sont fondées sur l’observation selon laquelle des mesures du défaut d’accommodation peuvent être utilisées aux fins de la sélection de verres correcteurs ayant une conception optique appropriée.

Historique du traitement

[4]          Le 26 juillet 2016, une décision finale (DF) a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indiquait que les revendications au dossier visent un objet qui est exclu de la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets et que l’objet de toutes les revendications au dossier aurait été évident, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

[5]          Dans une réponse à la DF (RDF) en date du 27 septembre 2016, le Demandeur n’a présenté aucun nouvel argument et aucune nouvelle modification; il a plutôt indiqué à l’examinateur de se reporter à la réponse du Demandeur en date du 24 juillet 2013 (la Réponse de 2013) dans laquelle le Demandeur avait présenté des arguments à savoir pourquoi l’objet des revendications au dossier était brevetable et ne se prêtait pas à objection pour les motifs énoncés dans la DF.

 

[6]          Les arguments du Demandeur n’ayant pas convaincu l’examinateur, la demande ainsi qu’un résumé des motifs (RM) ont été transmis à la Commission pour révision. À l’instar de la DF, le RM indiquait que les revendications au dossier visent un objet qui est exclu de la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets et qui aurait été évident, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Dans une lettre en date du 6 février 2017, la Commission a transmis une copie du RM au Demandeur.

 

[7]          Le présent comité a été constitué dans le but de réviser la demande conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets, et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. Dans une lettre de révision préliminaire en date du 30 janvier 2019 (la Lettre de RP), nous avons exposé notre analyse préliminaire et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier dont nous disposons, nous estimions que les revendications au dossier ne visent pas un objet exclu de la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets et pour lesquelles l’objet des revendications au dossier aurait été évident, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Dans la lettre de RP, le Demandeur a également été invité à présenter des observations écrites supplémentaires et à participer à une audience en réponse à la révision préliminaire du Comité.

 

[8]          Le 8 mars 2019, le Demandeur a présenté des observations écrites en réponse à Lettre de RP (la Lettre de RRP). Dans la même lettre, le Demandeur a également présenté un ensemble de revendications modifiées. Une audience a été tenue le 22 mars 2019 (l’Audience).

 

Questions

[9]          À la lumière de ce qui précède, deux questions doivent être tranchées dans le cadre de la présente révision :

         Les revendications au dossier définissent-elles un objet qui est exclu de la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets?

 

         L’objet des revendications au dossier aurait-il été évident, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets?

Principes juridiques et pratiques du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[10]      Les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications. L’exercice est effectué du point de vue de la personne versée dans l’art en tenant compte de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins : Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust]; Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67, aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52 [Whirlpool]. Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB], la première étape de l’interprétation téléologique des revendications d’une demande de brevet consiste à identifier la personne versée dans l’art (« PVA ») et à déterminer ses connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée.

 

Objet prévu par la Loi et méthodes de traitement médical

[11]      La définition d’« invention » est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

 

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

 

[12]      Les méthodes de traitement médical et de chirurgie ne sont pas des objets prévus par la Loi et sont exclues de la définition d’« invention » (voir Tennessee Eastman Co. c Commissionnaire aux brevets (1970), 62 CPR 117 (C de l’Éch), conf par [1974] SCR 111).

 

[13]      La section 17.03.01 (janvier 2009) du RPBB indique ce qui est considéré comme une méthode de traitement médical :

Pour être considérée comme une méthode de traitement médical, la méthode doit avoir pour objet de guérir, prévenir ou atténuer un trouble ou un état pathologique, ou de traiter une anomalie physique ou une difformité, notamment par la physiothérapie ou la chirurgie. Certains états naturels, tels que le vieillissement, la grossesse, la calvitie et les rides, ne sont pas jugés pathologiques, et les méthodes visant à les traiter ne sont donc pas proscrites.

 

[14]      Il convient également de tenir compte de la pratique du Bureau en ce qui concerne la brevetabilité des revendications d’utilisation médicales, laquelle est exposée dans l’énoncé de pratique PN 2015-01, intitulé Pratique d’examen révisée concernant les utilisations médicales [PN 2015-01].

 

[15]      Selon l’énoncé de pratique PN 2015-01, les revendications d’utilisation médicale sont généralement permises du moment qu’elles n’équivalent pas à une méthode de traitement médical. La réponse à la question de savoir si l’objet d’une revendication est prévu par la Loi dépend des éléments de la revendication qui apparaissent comme essentiels à l’issue d’une interprétation téléologique, ainsi qu’il est indiqué ci-dessus. Dans le cas des inventions médicales, le problème que l’inventeur cherche à résoudre peut concerner la chose (le « quoi ») à utiliser aux fins du traitement. En général, la solution à un tel problème sera fournie par un élément ou un ensemble d’éléments d’une revendication qui représentent un outil de traitement. Cet outil peut prendre la forme d’un composé, d’une composition, d’une formule ou d’une unité posologique. Lorsqu’un élément essentiel sert uniquement à indiquer à un professionnel de la santé « comment » traiter un patient plutôt que « quoi » utiliser pour traiter le patient, il faut se demander si l’élément essentiel empêche, entrave ou requiert l’exercice des compétences professionnelles d’un médecin. Si la réponse est « oui », il faut considérer que l’utilisation revendiquée vise une méthode de traitement médical qui n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

[16]      Cependant, le PN 2015-01 reconnaît également qu’il peut y avoir des cas où les éléments essentiels servent à indiquer à un professionnel de la santé « comment » traiter un patient, sans pour autant être considérées comme empêchant, entravant ou requérant l’exercice des compétences professionnelles d’un médecin. À titre d’exemple, les éléments essentiels qui restreignent le traitement à une dose fixe, à un régime posologique fixe ou à une sous-population de patients ne sont pas considérés comme limitant l’exercice de la compétence ou du jugement professionnel d’un médecin. Nous soulignons en outre que les directives présentées dans l’énoncé de pratique PN 2015-01 sont principalement axées sur l’examen de revendications prévoyant des régimes posologiques ou des gammes posologiques.

 

Évidence

[17]      L’article 28.3 de la Loi sur les brevets établit l’exigence selon laquelle l’objet revendiqué ne doit pas être évident pour la PVA :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard, de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[18]      Dans Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 [Sanofi] au para 67, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes présentée ci-dessous :

 

(1) a) Identifier la « personne versée dans l’art »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

 

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

 

[19]      Dans le contexte de la quatrième étape, la Cour a également indiqué dans Sanofi qu’il pouvait être approprié dans certains cas d’effectuer une analyse fondée sur le critère de l’« essai allant de soi ». Pour conclure qu’une invention alléguée résulte d’un « essai allant de soi », il doit aller plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention alléguée avant même d’avoir procédé à des essais courants. La simple possibilité que quelque chose puisse fonctionner n’est pas suffisante.

 

[20]      Dans Sanofi, la Cour a dressé une liste non exhaustive des facteurs à considérer dans le cadre d’une analyse fondée sur l’« essai allant de soi » :

(1)   Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

(2)   Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

(3)   L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

Analyse

Interprétation téléologique

La PVA et les CGC pertinentes

[21]      Bien que nous soyons généralement en accord avec la PVA définie dans la DF, dans la Lettre de RP, nous avons exprimé l’opinion que l’équipe proposée de [Traduction] « spécialistes dans le domaine de l’ophtalmologie » devrait au moins comprendre un ophtalmologiste, un optométriste et un concepteur de verres correcteurs.

 

[22]      Dans la Lettre de RRP et à l’Audience, le Demandeur a accepté la définition de la PVA mentionnée ci-dessus.

 

[23]      En ce qui concerne les CGC de la PVA, nous avons indiqué dans la Lettre de RP qu’à notre avis, cette équipe aurait su que :

         Les examens de la vue comprennent généralement une vérification de l’accommodation de l’œil, y compris lorsque le patient porte ses verres correcteurs habituels. Les défauts d’accommodation (ainsi que les autres troubles de la vision) sont mesurés et corrigés, au besoin, à l’aide de nouveaux verres;

 

         Les hypothèses voulant que la latence accommodative en vision de près stimule la défocalisation hypermétrope et favorise le développement de la myopie, et que l’utilisation de verres suscitant une défocalisation myopique puisse éliminer la défocalisation hypermétrope et ainsi limiter ou prévenir la progression de la myopie (tel que démontré par Gwiazda et al., « A Randomized Clinical Trial of Progressive Addition Lenses versus Single Vision Lenses on the Progression of Myopia in Children », Invest Ophthalmol Vis Sci., 44(4), 2003, pages 1492 à 1500 [Gwiazda 1], Gwiazda et al., « Accommodation and Related Risk Factors Associated with Myopia Progression and Their Interaction with Treatment in COMET Children », Invest Ophthalmol Vis Sci., 45(7), 2004, pages 2143 à 2151 [Gwiazda 2], Mitchell et al., « PALs for Children: Can They Slow Myopia », Review of Optometry, 2008, [Mitchell][1], et Aller et al., « Bifocal Soft Contact Lenses as a Possible Myopia Control Treatment: a Case Report Involving Identical Twins », Clin Exp Optom, 91(4), 2008, pages 394 à 399 [Aller]); et

 

         Le lien entre la correction des latences accommodatives plus importantes au moyen de verres à foyer progressif suscitant une défocalisation myopique et l’efficacité de ces derniers pour limiter la progression de la myopie. En d’autres termes, les verres à foyer progressif se sont révélés plus efficaces pour ralentir la progression de la myopie chez les patients présentant des latences accommodatives plus importantes (tel que démontré par Gwiazda 1, Gwiazda 2, Mitchell et Aller).

[24]      Dans la Lettre de RRP et à l’Audience, le Demandeur a fait valoir que, même si les CGC pouvaient comprendre l’hypothèse qu’il existait une certaine corrélation entre le défaut d’accommodation et la progression de la myopie, il n’était pas généralement et couramment connu, à la date de revendication, qu’il s’agissait d’une corrélation étroite et encore moins d’une corrélation qui aurait été significative du point de vue clinique pour la PVA [Traduction] :

En ce qui concerne les commentaires de la Commission au sujet des verres à foyer progressif (VFP), lesquels étaient des lunettes et non des lentilles de contact, la PVA comprendrait que même si Gwiazda et al. ont démontré un effet d’environ 0,2 dioptrie qui était statistiquement significatif, les résultats n’étaient pas significatifs du point de vue clinique (voir Mitchell Scheiman, au deuxième paragraphe de la section sur les résultats de l’étude COMET). Au paragraphe suivant, Mitchell affirme que la conclusion tirée de l’étude COMET était que la faible ampleur de cet effet ne justifie pas de modifier la pratique clinique, et que la norme de soin devrait demeurer la même, c’est-à-dire l’utilisation de verres à simple foyer pour la correction de la myopie. Ainsi qu’il a été résumé par Mitchell et démontré par Gwiazda 1 et Gwiazda 2, la conclusion qui a été tirée n’est pas celle de l’existence d’un lien entre le contrôle efficace de la myopie et les latences accommodatives plus importantes. Dans les faits, Mitchell affirme que les VFP se sont révélés efficaces pour ralentir la progression chez un sous-groupe d’enfants qui présentaient « des latences accommodatives plus importantes et une ésophorie en vision de près lors du port de verres à simple foyer » (soulignement ajouté). Mitchell affirme en outre que l’effet thérapeutique chez les enfants qui présentaient une « combinaison de latences accommodatives plus importantes et un degré inférieur de myopie initiale » a été de l’ordre de 0,48 dioptrie (soulignement ajouté).

 

Ainsi, le Demandeur soutient que le lien entre le défaut d’accommodation et la progression de la myopie n’est pas aussi étroit que la Commission le laisse entendre, et qu’il pourrait simplement s’agir d’un des nombreux facteurs intervenant dans le développement et la progression de la myopie (comme l’indique Mitchell, au cinquième paragraphe).

 

Dans ce contexte, le Demandeur soutient que les CGC pouvaient comprendre l’hypothèse qu’il existait une certaine corrélation entre le défaut d’accommodation et la progression de la myopie, mais que, en 2009, il n’était pas évident que cette corrélation était systématiquement présente, comme en témoignent les résultats de l’étude COMET cités par la Commission. Par conséquent, le Demandeur soutient que les CGC ne fournissaient pas de véritable motif de modifier les enseignements du document D1. [caractères gras présents dans l’original]

 

[25]      Nous avons réexaminé, à la lumière des observations du Demandeur, les références citées pour établir les CGC, notamment Mitchell. À notre avis, Mitchell est un article de synthèse destiné aux ophtalmologistes et optométristes membres de l’équipe constituant la PVA et les enseignements qu’il divulgue constituent une représentation juste de ce que la PVA aurait retenu des essais cliniques concernant le port de verres à foyer progressif (VFP) chez des enfants.  En ce qui concerne les CGC, cependant, nous considérons désormais que le lien entre la correction des latences accommodatives plus importantes au moyen de verres à foyer progressif suscitant une défocalisation myopique et l’efficacité de ces derniers pour ralentir la progression de la myopie constituait une hypothèse généralement connue, mais que l’inférence correspondante selon laquelle il est possible de véritablement ralentir la progression de la myopie en corrigeant les défauts d’accommodation au moyen de verres à foyer progressif suscitant une défocalisation myopique n’était pas, à notre avis, encore acceptée d’emblée par la majorité des personnes œuvrant dans les domaines spécifiques de l’optométrie, de l’ophtalmologie ou de la conception de verres : Eli Lilly and Company c Apotex Inc, 2009 CF 991, au para 97, citant General Tire & Rubber Co c Firestone Tyre & Rubber Co Ltd, [1972] RPC 457, aux pages 482 et 483.

Le problème à résoudre et la solution proposée

[26]      Dans la Lettre de RP, nous avons indiqué que le problème à résoudre tel que perçu par la PVA à la lumière de ses CGC est [Traduction] « lié au besoin de disposer d’un moyen prévisible de limiter ou de prévenir la progression de la myopie ».

 

[27]      En ce qui concerne la solution, nous avons exprimé l’opinion que la solution proposée consiste à [Tradcution] « utiliser un verre correcteur conçu pour limiter ou prévenir la progression de la myopie d’après la mesure du défaut d’accommodation de l’œil de la personne lorsqu’elle porte le premier verre correcteur ».

 

[28]      Dans la Lettre de RRP, le Demandeur s’est dit en accord avec le problème et la solution définis ci-dessus dans la mesure où ces derniers correspondent au concept inventif soumis par le Demandeur. Pour les raisons exposées en détail ci-dessous dans l’analyse relative à l’évidence, nous acceptons le concept inventif proposé par le Demandeur et, par conséquent, nous adoptons également, aux fins de la présente révision, le problème et la solution définis ci-dessus.

Les éléments essentiels permettant de résoudre le problème défini

[29]           La revendication indépendante 1 est formulée comme suit [Traduction] :

1. Utilisation d’un premier verre correcteur et d’un second verre correcteur pour limiter ou prévenir la progression de la myopie chez une personne ayant ce besoin, sachant que

le premier verre correcteur a une première conception optique et est destiné à être porté par la personne chez qui il est nécessaire de limiter ou de prévenir la progression de la myopie; et

le second verre correcteur a une seconde conception optique différente de la première conception optique, la conception optique du second verre correcteur étant sélectionnée en fonction d’une mesure du défaut d’accommodation de l’œil de la personne portant le premier verre correcteur, et le second verre correcteur est destiné à être porté par la personne sur le même œil que le premier verre correcteur une fois que le premier verre correcteur a été retiré.

 

[30]      Dans la Lettre de RP, nous avons exprimé l’opinion qu’un élément essentiel de la revendication indépendante 1 est l’utilisation successive d’un premier verre correcteur ayant une première conception optique et d’un second verre correcteur ayant une conception optique différente, la conception optique du second verre correcteur étant sélectionnée en fonction d’une mesure du défaut d’accommodation de l’œil de la personne portant le premier verre correcteur et étant destinée à limiter ou à prévenir la progression de la myopie chez cette personne. Nous avons également exprimé l’opinion que ledit élément essentiel sert à indiquer « quoi » utiliser pour limiter ou prévenir la progression de la myopie chez une personne ayant ce besoin.

 

[31]      Enfin, nous sommes d’avis que la PVA comprendrait que l’expression [Traduction] « la conception optique du second verre correcteur étant sélectionnée en fonction d’une mesure du défaut d’accommodation de l’œil de la personne portant le premier verre correcteur » signifie que la conception optique du second verre correcteur est une conception optique qui permet d’atténuer le défaut d’accommodation de l’œil de la personne portant le premier verre correcteur, et considérerait que la mention d’une mesure du défaut d’accommodation de l’œil de la personne portant le premier verre correcteur équivaut à une exigence technique qui dicte la conception du second verre correcteur.

 

[32]      Dans la Lettre de RP, nous avons souligné que les revendications dépendantes 2 à 13 définissent et/ou limitent davantage l’élément essentiel mentionné ci-dessous en ce qu’elles précisent ce qui suit : que le défaut d’accommodation est une latence accommodative (revendication 2); le délai à l’intérieur duquel le second verre correcteur devrait être porté (revendications 3 et 4); le défaut d’accommodation final obtenu après la sélection du second verre correcteur (revendication 5); que le premier verre correcteur et le second verre correcteur comprennent tous deux une zone de vision nette ayant une première puissance de réfraction et une zone de défocalisation myopique ayant une seconde puissance de réfraction qui est plus positive que la première puissance de réfraction (revendication 6); des limitations supplémentaires concernant la zone de vision nette et à la zone de défocalisation myopique (revendications 7 et 8); le degré de défocalisation myopique fourni par le second verre correcteur (revendications 9 et 10); et l’utilisation d’un troisième verre correcteur (revendication 11) ou d’autres particularités concernant le genre du second verre correcteur (revendications 12 et 13).

 

[33]      Dans la Lettre de RRP, le Demandeur n’a exprimé aucun désaccord avec les définitions et/ou limitations mentionnées ci-dessus et, par conséquent, nous les adoptons aux fins de la présente révision.

 

Objet prévu par la Loi et méthodes de traitement médical

[34]      Sous l’en-tête [Traduction] « Méthode médicale », la DF indiquait que les revendications au dossier [Traduction] « visent un objet qui n’entre pas dans la définition d’« invention » et n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. En réponse, le Demandeur a fait valoir que les utilisations revendiquées ne sont pas des méthodes de traitement médical.

 

[35]      Dans la Lettre de RP, nous avons recensé deux points de désaccord entre l’examinateur et le Demandeur, liés aux questions de savoir i) si les revendications devaient être considérées comme des revendications d’« utilisation » ou des revendications de « méthode »; et ii) si les revendications comprenant une ou plusieurs étapes d’une méthode sont acceptables. Nous avons toutefois constaté que l’analyse présentée dans la DF a été réalisée conformément à des parties de l’ancienne version du chapitre 12 du RPBB qui ne figurent plus dans la version actuelle du RPBB et qui sont contraires aux lignes directrices présentées à la section 11.10.02 du RPBB dans sa version actuelle. Nous avons également exprimé l’opinion que le fait de résoudre ces deux points ne serait pas déterminant quant à la question de l’objet et des méthodes de traitement médical. À cet égard, nous avons jugé que l’analyse la plus pertinente consistait à déterminer si l’objet des revendications vise une méthode de traitement médical ou équivaut à une telle méthode d’après les principes juridiques pertinents et la pratique actuelle du Bureau.

 

[36]      Dans la Lettre de RP, nous avons exprimé l’opinion que la considération la plus importante était la question de savoir si l’objet revendiqué vise à guérir, prévenir ou atténuer un état naturel chez l’humain par opposition à un état pathologique ou une maladie, sachant que les méthodes destinées à traiter un état naturel ne sont pas considérées comme des méthodes de traitement médical non prévues par la Loi selon la pratique du Bureau (voir la section 17.03.01 du RPBB ci-dessus).

 

[37]      À cet égard, nous avons cité la décision VISX Inc c Nidek Co (1999), 3 CPR (4th) 417, au para 173, dans laquelle la Cour fédérale a statué que des revendications se rapportant à un dispositif destiné à être utilisé dans le cadre de chirurgies des yeux au laser ne visaient pas des méthodes de traitement médical, en partie parce que les états à traiter à l’aide du dispositif revendiqué n’étaient pas des maladies. La Cour s’est appuyée sur le témoignage d’un expert, un ophtalmologiste qui a présenté une preuve concernant les états de réfraction de l’œil, y compris la myopie [Traduction] :

[C]onformément au témoignage du Dr Sher, la myopie, l’hypermétropie et l’astigmatisme ne sont pas des maladies, ils font partie de la condition humaine.

 

[38]      Sachant que la PVA identifiée ci-dessus est une équipe comprenant un ophtalmologiste, nous demeurons d’avis, comme nous l’avons indiqué dans la Lettre de RP, que la PVA en l’espèce considérerait que la myopie n’est pas une maladie, mais un état naturel chez l’humain et que, par conséquent, l’utilisation ou la méthode revendiquée pour limiter ou prévenir la progression de la myopie n’est pas une méthode de traitement médical puisqu’aucun état pathologique n’est traité.

 

[39]      Si nous avions été d’avis que la myopie est un état pathologique, nous aurions tenu compte des directives spécifiques sur les revendications d’utilisation médicale présentées dans l’énoncé de pratique PN 2015-01.

 

[40]      Selon l’énoncé de pratique PN 2015-01, l’approche de l’interprétation téléologique a préséance sur toutes les autres lorsqu’il s’agit d’analyser une revendication dans le but de déterminer si l’objet revendiqué équivaut à une méthode de traitement médical. Aucune interprétation téléologique des revendications n’a été explicitement présentée dans la DF. Cependant, nous avons interprété téléologiquement les revendications mentionnées ci-dessus et avons exprimé l’opinion préliminaire que l’élément essentiel identifié sert à indiquer « quoi » utiliser pour limiter ou prévenir la progression de la myopie chez une personne ayant ce besoin. Par conséquent, et conformément aux directives présentées dans l’énoncé de pratique PN 2015-01 ainsi qu’aux « exemples d’analyses d’interprétation téléologique de revendications portant sur les utilisations médicales aux fins de l’évaluation d’objets prévus par la Loi »[2], nous aurions été d’avis que l’objet revendiqué est prévu par la Loi.

 

[41]      À la lumière de ce qui précède, nous sommes d’avis que les revendications au dossier ne visent pas un objet qui est exclu de la définition d’« invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

Évidence

Identifier la PVA et les CGC pertinentes

[42]      La PVA et les CGC pertinentes ont été définies ci-dessus dans le cadre de l’interprétation téléologique des revendications. Bien que les CGC pertinentes mentionnées ci-dessus aient été établies d’après les connaissances courantes que possédait le travailleur versé dans l’art dont relève le brevet à la date de publication de la présente demande conformément à Free World Trust au para 54 et à Whirlpool au para 55, nous estimons que les éléments de connaissance définis faisaient également partie des CGC de la PVA à la date de revendication.

Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[43]      Dans la Lettre de RP, nous avons défini le concept inventif des revendications au dossier comme étant [Traduction] « l’utilisation successive de verres correcteurs aux fins de la prévention ou de la limitation de la myopie, sachant que la seconde conception optique est déterminée en fonction d’une mesure du défaut d’accommodation de l’œil de la personne portant un premier verre correcteur dans le but d’atténuer ledit défaut d’accommodation ».

 

[44]      Dans la Lettre de RRP, le Demandeur a indiqué être généralement en accord avec le concept inventif défini, mais a précisé que l’effet technique devrait être de limiter ou de prévenir la progression de la myopie, plutôt que d’atténuer le défaut d’accommodation.

 

[45]      Nous souscrivons à l’observation du Demandeur, car cette dernière concorde davantage avec la partie introductive des revendications, qui mentionne l’utilité de l’objet revendiqué.

Les différences entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

[46]      L’analyse relative à l’évidence présentée dans la DF repose sur les antériorités suivantes :

         D1 : Demande de brevet US2008/0218687A1, Philips, 11 septembre 2008.

[47]      Nous avons examiné le contenu du document D1 et retenons ce qui suit quant à la divulgation qui est faite dans ce document. Le document D1 divulgue un verre comprenant une zone de correction de la vision et une zone de défocalisation myopique destinée à ralentir la progression de la myopie. Il est expliqué au para [0004] du document D1 que [Traduction] :

[l’]étiologie de la myopie est mal comprise. Les facteurs qui interviennent sont à la fois génétiques et environnementaux et on pense que, chez les personnes prédisposées, la progression de la myopie est associée à un excès de travail en vision de près (p. ex. lecture, écriture/dessin, jeux vidéo et autres activités similaires), possiblement parce que l’effort musculaire prolongé qu’exige la focalisation des yeux en vision de près (accommodation) entraîne une latence accommodative (accommodation insuffisante) et une défocalisation hypermétrope au niveau de la rétine. La correction de la myopie requiert l’utilisation de verres négatifs, lesquels exigent un effort d’accommodation plus important pour le travail en vision de près qu’en l’absence de verres. Cet effort plus important (et la latence accommodative plus importante qu’il entraîne) contribue à exacerber la progression de la myopie.

 

[48]      Nous soulignons que ces connaissances concordent avec les CGC établies ci-dessus en ce qui concerne l’existence d’un lien éventuel, mais non confirmé, entre la latence accommodative et l’exacerbation de la progression de la myopie.

 

[49]      Dans ce contexte, nous avons exprimé l’opinion dans la Lettre de RP que la PVA considérerait que la principale différence entre la divulgation faite dans le document D1 et l’objet de la revendication indépendante 1 est que le document D1 ne divulgue pas ou n’enseigne pas expressément d’atténuer le défaut d’accommodation observé au niveau de l’œil de la personne portant un premier verre correcteur par l’utilisation d’un second verre correcteur destiné à limiter ou à prévenir la progression de la myopie.

 

[50]      Dans la Lettre de RRP, le Demandeur a indiqué être en désaccord avec la différence relevée par le Comité et a fait valoir que la principale différence entre le document D1 et l’objet de la revendication 1 est plutôt que le document D1 [Traduction] « n’enseigne pas ou ne laisse pas entendre qu’un second verre correcteur ayant une conception optique différente peut être sélectionné en fonction d’une mesure du défaut d’accommodation et limiter ou prévenir la progression de la myopie chez une personne ayant précédemment porté le premier verre correcteur mentionné dans la revendication 1 ». Étant donné que le document D1 ne divulgue pas expressément la sélection de verres en fonction d’une mesure du défaut d’accommodation et que les CGC établies comprennent la connaissance d’un lien éventuel, mais non confirmé, entre la latence accommodative et l’exacerbation de la progression de la myopie, nous adoptons la différence identifiée par le Demandeur entre le document D1 et l’objet de la revendication 1.

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[51]      Dans la lettre de RP, nous avons présenté l’analyse suivante à l’appui de notre opinion préliminaire selon laquelle l’objet de la revendication 1 au dossier aurait été évident à la date de revendication pour la PVA compte tenu des enseignements du document D1 à la lumière des CGC pertinentes [Traduction] :

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus dans la section « La PVA et les CGC pertinentes », nous considérons que le lien entre la latence accommodative en vision de près, la stimulation de la défocalisation hypermétrope et la progression de la myopie faisait partie des CGC à la date de revendication. Nous considérons également que le lien entre la correction des latences accommodatives plus importantes au moyen de verres correcteurs suscitant une défocalisation myopique et l’efficacité de ces derniers pour ralentir la progression de la myopie faisait partie des CGC à la date de revendication. Par conséquent, nous considérons que la découverte alléguée selon laquelle des mesures du défaut d’accommodation peuvent être liées à l’efficacité d’un traitement destiné à contrer la progression de la myopie faisait déjà partie des CGC ou pouvait, à tout le moins s’inférer directement des CGC et, par conséquent, nous sommes d’avis que la différence relevée entre le document D1 et l’objet revendiqué pouvait être comblée par la PVA grâce à l’application des CGC pertinentes disponibles.

Nous sommes donc d’avis, à titre préliminaire, qu’il aurait été évident pour la PVA de mesurer le défaut d’accommodation des yeux d’une personne portant des verres servant à corriger sa myopie et de concevoir, d’après le défaut d’accommodation mesuré, de nouveaux verres permettant de prévenir ou de limiter la progression de sa myopie, sachant que la conception optique des nouveaux verres est sélectionnée parmi des conceptions optiques connues comportant une zone de défocalisation myopique en plus d’une zone de correction de la vision, telle la conception optique des verres divulgués dans le document D1.

 

[52]      Notre opinion préliminaire quant à l’évidence de l’objet revendiqué reposait sur la considération clé selon laquelle la différence relevée entre le document D1 et l’objet de la revendication 1 pouvait être comblée par la PVA grâce à l’application des CGC pertinentes, c.-à-d. que les mesures du défaut d’accommodation peuvent être liées à l’efficacité d’un traitement visant à contrer la progression de la myopie.

 

[53]      Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, nous sommes maintenant d’avis que les CGC que possédait la PVA à la date de revendication comprenaient la connaissance du fait que, parmi un certain nombre de facteurs connus pour contribuer à la progression de la myopie, le défaut d’accommodation était considéré comme présentant potentiellement une certaine corrélation avec la progression de la myopie. En outre, nous considérons désormais, à la lumière des arguments présentés par le Demandeur dans la Lettre de RRP et à l’Audience, que le lien entre la correction des latences accommodatives plus importantes au moyen de verres à foyer progressif suscitant une défocalisation myopique et l’efficacité de ces derniers pour ralentir la progression de la myopie était une hypothèse et non un concept bien établi significatif du point de vue clinique. Il apparaît donc nécessaire de revoir notre précédente analyse à la lumière de ces nouvelles opinions.

 

[54]      Dans le contexte de la quatrième étape, la Cour a reconnu dans Sanofi qu’il pouvait être approprié dans certains cas d’effectuer une analyse fondée sur le critère de l’« essai allant de soi », en particulier dans les domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation. L’objet revendiqué a trait à l’utilisation de verres correcteurs présentant différentes conceptions optiques pour réduire la vitesse de progression de la myopie ou de l’hypermétropie, et nous sommes d’avis qu’il s’agit là d’un domaine dans lequel les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, comme en témoignent l’étude COMET citée ci-dessus et les exemples donnés dans le document D1. Par conséquent, il nous semble approprié de déterminer si la différence entre l’« état de la technique » et le concept inventif aurait constituée une étape « allant de soi » pour la PVA.

 

[55]      Les facteurs liés à l’« essai allant de soi » se rapportent principalement à la façon dont la PVA aurait agi à la lumière de l’art antérieur et des CGC pertinentes. Selon le premier facteur, pour conclure qu’une invention alléguée résulte d’un « essai allant de soi », il doit être plus ou moins évident que l’essai sera fructueux avant même d’avoir procédé à des essais courants. La simple possibilité que quelque chose puisse fonctionner n’est pas suffisante.

 

[56]      Compte tenu de ce qui précède, nous estimons que la question qu’il convient de se poser est celle de savoir s’il aurait été plus ou moins évident pour la PVA, à la lumière de la divulgation faite dans le document D1 et des CGC pertinentes, que l’utilisation d’un second verre correcteur ayant une conception optique différente sélectionnée en fonction d’une mesure du défaut d’accommodation allait permettre de limiter ou de prévenir la progression de la myopie chez une personne ayant précédemment porté le premier verre correcteur mentionné dans la revendication 1.

 

[57]      Le document D1 ne divulgue pas ou n’enseigne pas que le défaut d’accommodation est un facteur important à considérer dans la conception de verres correcteurs suscitant une défocalisation myopique dans le but de ralentir la progression de la myopie. En ce qui concerne les CGC, nous sommes d’avis que la PVA aurait considéré comme une possibilité raisonnable l’hypothèse voulant que les mesures du défaut d’accommodation soient liées à l’efficacité d’un traitement visant à contrer la progression de la myopie. Cela tend à appuyer l’idée d’utiliser un second verre correcteur ayant une conception optique différente sélectionnée en fonction d’une mesure du défaut d’accommodation. Cependant, nous sommes d’avis que la PVA aurait considéré, comme l’a fait valoir le Demandeur, que la limitation ou la prévention de la progression de la myopie était un problème complexe et qu’il était possible que plusieurs facteurs soient en cause.

 

[58]      Dans ce contexte de conjectures et d’inférences fondées sur des hypothèses, nous sommes d’avis qu’il n’aurait pas été plus ou moins évident pour la PVA que l’utilisation d’un second verre correcteur ayant une conception optique différente sélectionnée en fonction d’une mesure du défaut d’accommodation allait permettre de limiter ou de prévenir la progression de la myopie chez une personne ayant précédemment porté le premier verre correcteur mentionné dans la revendication 1. Nous estimons que cette évaluation est fortement déterminante quant à la question de l’« essai allant de soi » en l’espèce et, par conséquent, nous n’examinerons pas les autres facteurs de la liste non exhaustive de facteurs à considérer dans le cadre d’une analyse relative à l’« essai allant de soi ».

 

[59]      Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis que l’objet des revendications 1 à 13 au dossier n’aurait pas été évident pour la PVA à la date de revendication, eu égard au document D1 à la lumière des CGC pertinentes.

Recommandation de la Commission

[60]      Pour les raisons exposées ci-dessus, nous sommes d’avis que le refus fondé sur les irrégularités indiquées dans la décision finale n’est pas justifié et avons des motifs raisonnables de croire que la présente demande est conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Nous recommandons que le Demandeur soit avisé, conformément au paragraphe 30(6.2) des Règles sur les brevets, que le refus de la demande est annulé et que la présente demande a été jugée acceptable.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marcel Brisebois                        Lewis Robart                          Andy Wong

Membre                                     Membre                                   Membre

 


 

Décision du commissaire

[61]      Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission. Conformément au paragraphe 30(6.2) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le Demandeur que le refus de la présente demande est annulé, que la présente demande a été jugée acceptable et que j’ordonnerai qu’un avis d’acceptation soit envoyé dans les délais d’usage.

 

 

 

 

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 5e jour d’août 2019

 



[1] Extrait de : https://www.reviewofoptometry.com/article/pals-for-children-can-they-slow-myopia

[2] https://www.ic.gc.ca/eic/site/cipointernet-internetopic.nsf/fra/wr03919.html

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