Brevets

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Décision du commissaire no 1481

Commissioner’s Decision No. 1481

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :      J-00 Signification de la technique
J-50 Simple plan

 

TOPICS:       J-00 Meaning of Art
J-50 Mere plan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 693 150

Application No. 2,693,150



 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 


Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 693 150 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

BORDEN LADNER GERVAIS LLP

Bay Adelaide Centre — Tour Est

22, rue Adelaide Ouest

Toronto (Ontario) M5H 4E3


 



 

Introduction

[1]               La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 693 150, qui est intitulée « Systèmes et procédés pour une compensation de volume dans une bourse en ligne de produits dérivés de crédit ». La demande de brevet est inscrite au nom de Creditex Group, Inc. La Commission d’appel des brevets (la « Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. L’irrégularité qui subsiste, examinée dans le cadre de cette révision, est liée à la question de savoir si les revendications définissent un objet prévu par la Loi. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2]               La demande de brevet canadienne no 2 693 150, qui est fondée sur une demande déposée antérieurement en vertu du Traité de coopération en matière de brevet, est réputée avoir la date de dépôt du 25 août 2008. Elle a été mise à la disponibilité du public le 5 mars 2009.

[3]               La demande concerne des systèmes et des procédés mis en œuvre par ordinateur pour la compensation de volume dans une bourse en ligne de produits dérivés de crédit. La compensation de volume permet de réaliser d’autres échanges d’un produit dérivé de crédit à un niveau de prix déterminé, à l’intérieur d’une période déterminée, de manière à optimiser la quantité nominale totale d’échanges.

Historique du traitement

[4]               Le 18 août 2015, une décision finale (« DF ») a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. Dans la DF il est expliqué que la demande est irrégulière au motif que les revendications au dossier définissent un objet non prévu par la Loi et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[5]               Dans une réponse à la DF (« RDF ») en date du 10 février 2016, le demandeur a présenté des arguments en faveur de l’acceptation et a soumis un ensemble de revendications proposées. L’examinateur ayant jugé que la demande n’était toujours pas conforme à la Loi et aux Règles, la demande a été transférée à la Commission pour révision, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, accompagnée d’un résumé des motifs (« RM ») indiquant que le refus de la demande était maintenu.

[6]               Dans une lettre en date du 28 juillet 2016, la Commission a transmis une copie du RM au demandeur et a offert à ce dernier de présenter des observations écrites supplémentaires et de prendre part à une audience.

[7]               Dans sa réponse au RM (« RRM ») en date du 11 octobre 2016, le demandeur a accepté de prendre part à une audience et a soumis d’autres observations en faveur de l’acceptation de la demande.

[8]               Le présent comité a été constitué dans le but de réviser la demande, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. Dans une lettre de révision préliminaire datée du 23 mars 2018 (« RP »), nous avons exposé notre analyse et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier dont nous disposons, nous considérons que l’objet des revendications au dossier n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets. En ce qui concerne les revendications proposées, nous avons indiqué que notre opinion préliminaire quant aux revendications au dossier serait demeurée la même si les revendications proposées avaient été adoptées.

[9]               Dans sa réponse à la lettre de RP (« RRP ») en date du 27 avril 2018, le demandeur a présenté des arguments indiquant pourquoi il estime que la demande est conforme à la Loi et aux Règles.

[10]           Une autre observation en date du 30 avril 2018 était accompagnée d’un affidavit concernant l’objet de la demande, lequel a été souscrit par un employé du demandeur, M. Andrew J. Surdykowski.

[11]           Une audience a été tenue devant le comité le 3 mai 2018.

Question

[12]           La seule question à trancher dans le cadre de cette révision est celle de savoir si l’objet des revendications 1 à 23 au dossier constitue une « invention » au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

PRINCIPES JURIDIQUES ET PRATIQUE DU BUREAU DES BREVETS

Interprétation téléologique

[13]           Conformément à Free World Trust c. Électro Santé, 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool c. Camco, 2000 CSC 67 [Whirlpool], aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB] (OPIC) (révisé en juin 2015), la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à déterminer le problème visé par les inventeurs et la solution envisagée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, telle qu’elle est revendiquée.

[14]           Dans sa RDF et sa RRP, le demandeur a exprimé son désaccord avec l’approche adoptée par le Bureau concernant l’interprétation de revendications telle qu’elle est décrite dans le RPBB. Le demandeur a soutenu que ces directives et leur application sont valides et légales uniquement dans la mesure où elles appliquent correctement les principes de l’interprétation des revendications énoncés dans Free World Trust et Whirlpool. Le demandeur a également soutenu que ces directives ne sont pas conformes aux principes et lignes directrices énoncés dans Canada (AG) c. Amazon.com Inc., 2011 CAF 328 [Amazon.com].

[15]           D’après les observations du demandeur, Free World Trust et Whirlpool montrent qu’un élément n’est non essentiel que s’il est possible que le lecteur avisé comprenne du libellé de la revendication que l’intention de l’inventeur était que cet élément ne soit pas essentiel et qu’il comprenne qu’à la date de la publication, l’élément pourrait être substitué sans affecter le fonctionnement de l’invention. Le demandeur a également fait référence à Shire Canada Inc c. Apotex Inc., 2016 CF 382 et à Bauer Hockey Corp. c. Easton Sports Canada Inc., 2010 CF 361, conf. par 2011 CAF 83.

[16]           L’approche décrite dans le RPBB a été élaborée en réponse à Amazon.com et reflète donc les principes de cette affaire, ainsi que ceux des affaires précédentes Free World Trust et Whirlpool. À titre d’exemple, Amazon.com (aux paragraphes 43, 44, 47, 61 à 63, 69, 71, 73 et 74) nous rappelle que l’interprétation téléologique « ne peut reposer seulement sur l’interprétation littérale des revendications du brevet », que le libellé des revendications peut être « trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance », qu’une réalisation ou une application concrète revendiquée peut, malgré tout, ne pas faire partie des éléments essentiels d’une invention revendiquée, que l’interprétation téléologique doit s’appuyer sur « le fondement des connaissances ayant trait à la réalisation en cause » et que, en l’absence d’un tel fondement, il peut être mal avisé de présumer du caractère essentiel.

[17]           Les directives fournies à la section 13.05.02b du RBPP sont fondées sur ces principes : une interprétation téléologique bien éclairée doit tenir compte de la demande dans son ensemble — y compris le problème abordé dans la demande et la solution proposée. La solution à ce problème fournit des indications qui permettent de déterminer les éléments essentiels, sachant cependant que les éléments qui ont un effet substantiel sur le fonctionnement d’une réalisation donnée ne sont pas nécessairement tous des éléments essentiels de la solution. La simple présence d’un élément dans le libellé des revendications choisi par l’inventeur ne peut l’emporter sur l’ensemble des autres considérations lors de l’interprétation téléologique des revendications.

Objet prévu par la Loi

[18]           La définition d’invention est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[19]           Suivant la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Amazon.com, le Bureau a publié l’énoncé de pratique PN2013-03, « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » (OPIC, mars 2013) [PN2013-03], qui clarifie la pratique d’examen du Bureau en ce qui a trait aux inventions mises en œuvre par ordinateur.

[20]           Tel qu’il est indiqué dans l’énoncé de pratique PN2013-03, lorsqu’il est déterminé qu’un ordinateur constitue un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement prévu par la Loi. En revanche, s’il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent à de la matière exclue de la définition d’invention (p. ex. une simple idée, un schéma, un plan ou une série de règles, etc.), la revendication ne sera pas conforme à l’article 2 de la Loi.

[21]           Dans la RRP, le demandeur a prétendu que la pratique du Bureau pour déterminer l’objet prévu par la Loi ne tient pas compte de l’intention de la décision de la Cour dans Amazon.com. Faisant référence à cette décision, le demandeur a fait valoir qu’une pratique commerciale sans l’intervention d’un ordinateur n’est pas nécessairement non brevetable et donc que, implicitement, il n’y a pas lieu d’exclure automatiquement une pratique commerciale au Canada.

[22]           Le comité convient du fait qu’une « pratique commerciale », ou un type d’objet équivalent, n’est pas automatiquement exclue au Canada. Une revendication est plutôt interprétée de manière à définir les éléments essentiels qu’elle contient, puis à déterminer si ces éléments essentiels définissent ou non un objet prévu par la Loi. Au paragraphe 63 d’Amazon.com, la Cour a déclaré que, s’il est établi qu’une nouvelle pratique commerciale « … ne constitue pas l’invention entière, mais seulement un élément essentiel parmi d’autres dans une nouvelle combinaison », la revendication peut alors définir un objet brevetable. Cependant, selon la Cour, une telle combinaison doit contenir au moins un élément essentiel pour constituer un objet prévu par la Loi. En outre, le comité n’est pas tenu d’être d’accord avec l’affirmation du demandeur portant qu’une pratique commerciale peut être brevetable si elle est évaluée pour « tout aspect nouveau ou inventif ». La nouveauté, le caractère inventif, l’utilité et l’objet sont tous évalués de manière indépendante afin de déterminer la validité de la revendication.

ANALYSE

Interprétation des revendications

La personne versée dans l’art

[23]           La lettre de RP définit la personne versée dans l’art comme étant une équipe [Traduction] « constituée de spécialistes des finances ou d’experts en échanges commerciaux connexes, ainsi que de technologues de l’information familiers avec la création d’outils informatisés pour ces spécialistes et experts ». Le demandeur n’était pas en désaccord avec cette caractérisation, et nous l’utilisons dans la présente révision.

Les CGC

[24]           La lettre de RP définit les connaissances relevant des CGC de la personne versée dans l’art. Comme le demandeur n’a exprimé aucun désaccord, nous adoptons les connaissances suivantes en tant que CGC aux fins de la présente :

         connaissance des marchés financiers et commerciaux, surtout les marchés de produits dérivés de crédit; et

         connaissance du matériel informatique à usage général et de la technologie générale de programmation informatique, y compris des aptitudes pour mettre en œuvre les méthodes divulguées au moyen desdits ordinateurs à usage général et desdits programmes.

Le problème et la solution

[25]           D’après les CGC de la personne versée dans l’art et selon une juste interprétation de la description, et à la suite d’un examen des arguments présentés dans la DF et dans la RDF, nous avons énoncé dans la lettre de RP ce que la personne versée dans l’art comprendrait comme étant le problème et la solution abordés dans la demande [Traduction] :

… le problème à résoudre concerne la façon d’augmenter le nombre (ou le volume) d’échanges sur les marchés de produits dérivés de crédit sans influencer artificiellement les niveaux de prix. La solution concerne une méthode améliorée d’échange sur le marché des produits dérivés de crédit qui vise à accroître le volume d’échanges au moyen d’une technique qui permet la compensation de volume pour la plupart des produits dérivés de crédit les plus liquides à un prix établi et à l’intérieur d’une période déterminée.

[26]           Nous soulignons que dans cette RDF, le demandeur a abondé dans le même sens indiquant que l’invention [Traduction] « résout le problème qu’est l’offre d’une infrastructure adéquate pour accroître le nombre de transactions sur un marché financier donné, par la négociation en blocs, tout en protégeant le marché financier contre les hausses ou les baisses artificielles des niveaux de prix ».

[27]           Cependant, dans sa lettre de RRP et à l’audience, le demandeur s’est montré en désaccord avec la définition du problème et de la solution énoncée par le comité. Le demandeur fait plutôt valoir que le problème que l’invention revendiquée vise à résoudre concerne [Traduction] « ... la façon d’accroître l’efficacité des systèmes d’échanges électroniques utilisés pour l’échange de produits dérivés de crédit » et donc, qu’il s’agit d’un problème informatique.

[28]           Le comité est d’accord avec le demandeur pour dire que sommairement, la demande vise à accroître l’efficacité des échanges électroniques de produits dérivés de crédit. Par leur nature, les demandes de brevet (sauf les brevets pionniers exceptionnels) divulguent généralement des améliorations apportées à des systèmes, des procédés, des compositions, etc. Il ne serait pas étonnant qu’une demande de brevet cherche à divulguer certaines améliorations pour résoudre des problèmes, des lacunes, des obstacles ou des inefficacités dans les systèmes existants. La présente demande aborde quelques lacunes et problèmes observés dans les marchés et dans les échanges de produits dérivés de crédit, tous dans le contexte de systèmes d’échanges électroniques.

[29]           Toutefois, nous ne sommes pas d’accord avec l’affirmation portant que, puisque la demande vise à accroître l’efficacité des échanges électroniques de produits dérivés de crédit, elle porte nécessairement sur un problème informatique.

[30]           Premièrement, la personne versée dans l’art comprendrait que des problèmes liés à l’échange de produits dérivés de crédit dans le contexte des systèmes d’échanges électroniques informatisés pourraient survenir en raison de lacunes dans la façon d’échanger les produits dérivés eux-mêmes et dans les règles ou les paramètres des marchés à cet égard. Des problèmes peuvent également survenir en raison des limites techniques de la plateforme d’échange informatisée, de l’architecture informatique ou de la mise en œuvre par ordinateur. La personne versée dans l’art remarquerait que la description vise principalement, voire exclusivement, des problèmes sur le marché des produits dérivés de crédit et l’établissement du prix des produits dérivés eux-mêmes, et qu’elle ne vise pas de problèmes liés aux limites techniques des plateformes informatiques existantes.

[31]           Deuxièmement, la personne versée dans l’art remarquerait aussi que la description est essentiellement muette quant à toute solution précise mettant à contribution l’architecture informatique ou la mise en œuvre par ordinateur, et qu’elle ne divulgue que des systèmes informatiques génériques et conventionnels. La demande divulgue plutôt des renseignements importants concernant certaines règles pour la vente d’un produit dérivé de crédit à un prix de compensation fixe et l’optimisation de la quantité nominale de ces échanges. Cela indique à la personne versée dans l’art que le problème ne repose pas dans la mise en œuvre par ordinateur, mais plutôt dans la manière d’échanger des produits dérivés de crédit ou dans les procédés permettant de réaliser ces échanges.

[32]           Par conséquent, nous ne sommes pas d’accord pour dire que la personne versée dans l’art considérerait que l’identification générale d’un besoin d’« accroître l’efficacité » d’un système ou d’une méthode de fonctionnement dans un environnement informatique ou électronique nécessite la résolution d’un problème informatique. À notre avis, à la lecture de la présente demande, la personne versée dans l’art remarquerait qu’un problème plus précis est abordé, comme nous l’avons indiqué dans notre lettre de RP.

[33]           Dans la RRP, le demandeur a également soutenu que la solution augmente l’efficacité [Traduction] « grâce à l’établissement d’une correspondance entre les ordres d’achat et de vente afin d’optimiser la quantité nominale totale » des produits dérivés de crédit échangés et donc, [Traduction] « réduit au minimum le nombre de fiches traitées ». Il est allégué dans la RRP qu’il s’agit là d’une solution technique à un problème informatique.

[34]           Nous sommes d’accord pour dire que la solution doit effectivement inclure le terme « nominal » en ce qui a trait au nombre d’échanges. Bien que nous ayons par inadvertance omis cet élément de notre lettre de RP, nous ne croyons pas que la personne versée dans l’art considérerait que l’algorithme de correspondance utilisé constitue une solution à un problème informatique. La personne versée dans l’art saurait que tout système ou toute méthode d’échange contient intrinsèquement des règles ou des algorithmes qui permettent de mettre en correspondance les acheteurs et les vendeurs afin de réaliser des échanges. À la lecture de la description, la personne versée dans l’art comprendrait que l’algorithme de correspondance précis vient répondre à la nécessité de réduire au minimum l’effet qu’ont les ordres d’échanges d’un produit dérivé sur le prix dans le petit marché de produits dérivés de crédit : la personne versée dans l’art ne comprendrait pas que l’algorithme divulgué a pour but de résoudre toute lacune dans la façon dont les ordinateurs traitent les données liées aux échanges. La mise en correspondance des échanges constitue une solution au problème d’échange et non une solution technique à un problème informatique.

[35]           En outre, bien qu’un résultat secondaire de la routine de mise en correspondance puisse être la réduction au minimum du nombre d’échanges, le comité ne voit aucune preuve directe dans la description indiquant que cela améliore l’efficacité de l’ordinateur, comme un nombre réduit d’étapes de traitement ou une diminution de la consommation d’énergie, comme il a été suggéré dans la RRP et à l’audience. La description est plutôt centrée sur les lacunes mentionnées précédemment, c.-à-d. accroître la valeur nominale des échanges sans influencer indûment le prix des produits dérivés.

[36]           Nous rappelons que, comme les renseignements sur la mise en œuvre contenus dans la description sont peu nombreux et de nature sommaire, la personne versée dans l’art comprendrait que le problème et la solution ne relèvent pas de la programmation particulière ou d’une manière d’exécuter une règle de mise en correspondance pour optimiser la négociation en blocs, ni de tout calcul ou de toute communication par réseau informatique en temps réel pour affecter les échanges de produits dérivés de crédit. Ici également, le problème et la solution visent des méthodes et des procédures d’échange de produits dérivés de crédit dans un environnement d’échange électronique.

[37]           Au soutien de la position adoptée dans la RRP concernant le problème et la solution, le demandeur a soumis un affidavit souscrit par un de ses employés, M. Andrew J. Surdykowski. Il est secrétaire adjoint et détient de l’expérience dans le domaine des marchés financiers et commerciaux en général, y compris une expérience particulière concernant les marchés de produits dérivés de crédit ainsi que la conception et le développement de systèmes d’échange électroniques pour ces marchés. L’affidavit (à la page 2) présente son opinion sur l’environnement d’échange électronique de produits dérivés de crédit [Traduction] :

3. Cependant, l’échange de produits dérivés de crédit au moyen de plateformes/systèmes d’échange électroniques (p. ex. utilisés pour échanger des actions et des obligations) a créé certains problèmes uniques en raison de la nature unique des produits dérivés de crédit (et de leur marché) et des lacunes inhérentes aux plateformes et aux systèmes conventionnels. L’un de ces problèmes/lacunes est la vulnérabilité du marché des produits dérivés de crédit à la fluctuation artificielle des prix. Cette vulnérabilité est particulièrement pertinente en ce qui a trait aux marchés de produits dérivés de crédit où l’on utilise des plateformes d’échange électroniques fondées sur une technologie conventionnelle. Cela tient au fait que les plateformes conventionnelles ne sont pas conçues pour prendre en charge les caractéristiques ou les exigences très uniques des positions d’échange de produits dérivés de crédit ou des marchés de produits dérivés de crédit en général, qui diffèrent considérablement de ceux des titres et des marchés électroniques conventionnels. Par exemple, les positions de produits dérivés de crédit nécessitent une définition différente et supplémentaire et des données détaillées avant d’être échangées électroniquement, et les plateformes conventionnelles ne sont pas conçues pour recueillir et/ou traiter ces données additionnelles de manière efficace.

4. En outre, les plateformes d’échange électroniques, en raison de leur nature, diffusent de l’information sur les prix (c.-à-d. de l’information sur les échanges) de manière essentiellement instantanée. Toutefois, contrairement aux marchés conventionnels (où des titres conventionnels sont échangés, par exemple), la diffusion rapide d’information sur les prix est plus susceptible de créer une situation de « cascade de prix » (p. ex., causée par des hausses et des baisses artificielles des prix, déstabilisant ainsi la totalité du marché électronique). Cela s’explique par la nature sensible du marché des produits dérivés de crédit et les caractéristiques relativement uniques des produits dérivés de crédit eux-mêmes. En effet, le marché des produits dérivés de crédit est un marché très peu liquide, ce qui signifie qu’un nombre relativement petit d’échanges ou de participants peut artificiellement faire basculer le marché; et les produits dérivés de crédit sont eux-mêmes plus complexes que les instruments conventionnels et doivent être définis avec beaucoup plus de précision avant de pouvoir être échangés électroniquement, peu importe la plateforme, comme il a été mentionné précédemment. En raison de ces facteurs, et d’autres, les produits dérivés de crédit sur les plateformes électroniques créent des difficultés uniques qui n’existent pas lors d’échanges de titres conventionnels sur des plateformes conventionnelles.

[38]           Toutefois, à notre avis, les déclarations contenues dans l’affidavit corroborent la compréhension par la personne versée dans l’art du problème plus spécifique tel qu’il est énoncé dans la lettre de RP.

[39]           Dans l’affidavit, deux exemples de lacunes ou de problèmes sont identifiés relativement aux produits dérivés de crédit sur les plateformes d’échange électroniques conventionnelles [Traduction] :

                                i.            les systèmes d’échange électroniques actuels ne sont pas conçus pour prendre en charge la « définition différente et supplémentaire et les données détaillées » que les positions de produits dérivés de crédit nécessitent avant de pouvoir être échangées électroniquement, étant donné que les positions de produits dérivés de crédit sont elles-mêmes « plus complexes que les instruments conventionnels »;

                              ii.            la diffusion rapide d’information sur l’établissement des prix est plus susceptible de créer une situation de « cascade de prix » causée par des hausses ou des baisses artificielles de prix, déstabilisant ainsi tout le marché. Il est précisé dans l’affidavit que le marché des produits dérivés de crédit est un « marché très peu liquide, ce qui signifie qu’un nombre relativement petit d’échanges ou de participants peut artificiellement faire basculer le marché ».

[40]           En ce qui concerne le premier problème, la personne versée dans l’art ne trouverait aucun renseignement clair dans le mémoire descriptif qui semblerait aborder cette question. Il n’y a aucune divulgation de toute solution ou mise en œuvre qui aborde l’incapacité alléguée (ou « les lacunes de la technologie existante » mentionnées dans la RRP) des systèmes informatiques actuels à prendre en charge des données d’échange « différentes », « détaillées » ou « plus complexes ». La personne versée dans l’art sait que les ordinateurs conventionnels traitent les données en fonction des instructions programmées, ce que l’on sait qu’ils font. Le type de données, ou le sens de celles-ci ne constitue pas un problème de traitement pour l’ordinateur, pas plus que la demande décrit un problème dans le traitement des données « complexes » alléguées nécessaires à l’échange de produits dérivés de crédit par voie électronique.

[41]           En ce qui concerne le deuxième problème, la personne versée dans l’art reconnaîtrait que la demande semble viser le problème de variation artificielle du prix qui pourrait déstabiliser le marché. Comme nous l’avons souligné dans la lettre de RP, la description enseigne que, en comparaison avec le marché boursier, le marché des produits dérivés de crédit est petit et donc une augmentation du volume d’échanges influencerait artificiellement les niveaux de prix dans un si petit marché [Traduction] :

« Le marché des produits dérivés de crédit est également unique à de nombreux égards ». Traditionnellement, le marché des produits dérivés de crédit n’a pas été aussi bien organisé ou réglementé que les échanges boursiers ou les marchés d’obligations. La base d’utilisateurs (ou le nombre de contreparties potentielles) du marché de produits dérivés de crédit est beaucoup plus petite que celle du marché boursier. On observe effectivement une hausse du nombre d’échanges de produits dérivés de crédit. Parallèlement, on s’est inquiété que les échanges importants, ou même un désir perçu pour des échanges importants, puissent influencer artificiellement les niveaux de prix dans le marché relativement petit des produits dérivés de crédit ».

[42]           La personne versée dans l’art reconnaîtrait que le reste de la demande aborde ce problème, expliquant en détail les règles ou les procédures d’échange particulières pour réaliser une augmentation du volume (« compensation de volume ») tout en réduisant au minimum l’impact sur la fluctuation des niveaux de prix (comme déterminer un niveau de prix de compensation fixe).

[43]           Par conséquent, nous estimons que la personne versée dans l’art percevrait le problème comme touchant précisément les inefficacités dans le marché d’échange électronique de produits dérivés de crédit, où une hausse de la valeur et de la vitesse des échanges cause des influences artificielles sur le prix du marché. La solution à ce problème est un algorithme spécifique permettant d’échanger des produits dérivés de crédit au moyen d’une règle de mise en correspondance qui fait en sorte qu’une importante quantité nominale peut être échangée à un niveau de prix de compensation de volume fixe, ce qui empêche d’influencer artificiellement le prix des produits dérivés de crédit.

Les éléments essentiels

[44]           La revendication 1 au dossier est considérée comme étant représentative de l’invention [Traduction] :

Une méthode mise en œuvre par ordinateur pour la compensation de volume dans un système d’échange électronique de produits dérivés de crédit, ladite méthode comprenant :

         l’offre d’un système d’échange électronique comprenant au moins un dispositif de stockage pour stocker les instructions et un processeur raccordé audit dispositif de stockage pour l’exécution des instructions, lesdites instructions forçant le système d’échange électronique à exécuter les étapes suivantes :

         sélectionner, à partir d’une pluralité de produits dérivés de crédit, au moins un produit dérivé de crédit le plus liquide qui a été soit échangé, soit été visé par un intérêt d’échange dans le système d’échange électronique pendant une période prédéterminée;

         déterminer un niveau de prix de compensation de volume pour ledit produit dérivé de crédit le plus liquide, en fonction de :

o   la disponibilité d’un dernier ordre, d’une dernière offre ou d’un dernier échange associé audit produit dérivé de crédit le plus liquide,

o   une relation temporelle entre le dernier ordre, la dernière offre et le dernier échange, le cas échéant,

o   les niveaux de prix du dernier ordre, de la dernière offre et du dernier échange, le cas échéant;

         inviter les clients négociateurs du système d’échange électronique à soumettre, dans un délai prescrit, des ordres d’achat et de vente pour ledit produit dérivé de crédit le plus liquide au niveau de prix de compensation de volume, chaque ordre d’achat et de vente précisant le volume désiré;

         mettre en correspondance les ordres d’achat et les ordres de vente soumis dans le délai prescrit afin d’optimiser la quantité nominale totale dudit produit dérivé de crédit le plus liquide pouvant être échangé au niveau de prix de compensation de volume;

         conclure les échanges au niveau de prix de compensation de volume en fonction de la correspondance entre les ordres d’achat et les ordres de vente.

[45]           La signification des termes employés dans les revendications n’était pas en cause et serait aisément comprise par la personne versée dans l’art.

[46]           Le demandeur, dans la RRP et à l’audience, a soutenu que les éléments informatiques physiques (p. ex. incluant au moins le système d’échange électronique, le dispositif de stockage pour stocker les instructions et le processeur) sont des éléments essentiels de chaque revendication conformément à l’intention du demandeur. Ils ne sont pas que simplement utiles — ils définissent [Traduction] « des dispositifs informatiques utilisés à des fins particulières » qui offrent des fonctions presque en temps réel et donc, ne pourraient pas être substituées ou omises sans affecter le fonctionnement de l’invention revendiquée.

[47]           Nous avons déjà abordé la pratique du Bureau et le contexte juridique relativement à l’intention de l’inventeur dans l’interprétation téléologique. Comme il est énoncé à la section 13.05.02c du RPBB, tout élément qui affecte matériellement le fonctionnement d’un mode de réalisation donné n’est pas nécessairement essentiel à la solution; certains éléments cités définissent le contexte ou l’environnement du mode de réalisation, mais ne changent pas véritablement la nature de la solution. En conséquence, l’interprétation téléologique doit permettre de déterminer les éléments qui sont indispensables à la solution pour obtenir son résultat.

[48]           En ce qui concerne les caractéristiques informatiques revendiquées, malgré l’inclusion de composantes informatiques dans les revendications, le comité est d’avis que, à la lumière des CGC et du problème et de la solution tels qu’ils ont été définis, la personne versée dans l’art comprendrait que ces composantes informatiques sont extérieures à la portée du problème et de la solution. Ces éléments physiques peuvent faire partie du contexte ou de l’environnement de fonctionnement de l’invention revendiquée, mais ils ne constituent pas des éléments essentiels de l’invention revendiquée en soi.

[49]           Le demandeur prétend également que les étapes de sélection, de détermination et de mise en correspondance contenues dans les revendications indépendantes peuvent seulement être exécutées par un ordinateur, puisque ces étapes exigent de nombreuses ressources informatiques et qu’il est nécessaire d’optimiser automatiquement l’ensemble des transactions. Cependant, comme nous l’avons expliqué précédemment, la demande ne concerne pas un problème lié à la rapidité d’exécution de calculs mathématiques ni à l’automatisation d’un algorithme d’optimisation correspondant. La demande ne divulgue pas non plus de solution précise pour régler ces problèmes informatiques particuliers. La demande est plutôt centrée sur des solutions (p. ex. déterminer un prix de compensation, recevoir des ordres, mettre des acheteurs et des vendeurs en correspondance, etc.) liées à l’échange de produits dérivés de crédit qui sont un type d’instrument financier. Le fait qu’un ordinateur puisse effectuer des calculs complexes et dont le caractère opportun est critique dans le contexte de systèmes d’échange électroniques fait partie des CGC : c’est précisément pour ces avantages en matière de précision et de rapidité de calcul que les ordinateurs sont utilisés. Toutefois, cela ne rend pas nécessairement l’ordinateur essentiel à la solution identifiée.

[50]           Comme il a été indiqué précédemment, la solution ne repose pas dans la technologie de mise en correspondance par ordinateur, le traitement de données ou les techniques de communication de données, mais plutôt dans le schéma et les règles permettant de déterminer un prix de compensation de volume et de mettre en correspondance des ordres d’achat et de vente pour optimiser la quantité nominale totale des échanges et, par extension, réduire le nombre de fiches d’ordre émises. La mise en œuvre par ordinateur du schéma n’est pas au cœur de cette demande. Par conséquent, la personne versée dans l’art comprendrait que les éléments informatiques ne sont pas essentiels.

[51]           Par conséquent, d’après l’ensemble des arguments et de la preuve qui nous ont été présentés, nous sommes d’avis que les revendications 1 et 13 partagent le même ensemble d’éléments essentiels en ce qui a trait à la solution proposée, à savoir :

         sélectionner, à partir d’une pluralité de produits dérivés de crédit, au moins un produit dérivé de crédit le plus liquide qui a été soit échangé, soit été visé par un intérêt d’échange dans le système pendant une période prédéterminée;

         déterminer un niveau de prix de compensation de volume pour ledit produit dérivé de crédit le plus liquide, en fonction de :

o   la disponibilité d’un dernier ordre, d’une dernière offre et d’un dernier échange associé audit produit dérivé de crédit le plus liquide,

o   une relation temporelle entre le dernier ordre, la dernière offre et le dernier échange,

o   les niveaux de prix du dernier ordre, de la dernière offre et du dernier échange;

         inviter les clients à soumettre, dans un délai prescrit, des ordres d’achat et de vente pour ledit produit dérivé de crédit le plus liquide au niveau de prix de compensation de volume;

         mettre en correspondance les ordres d’achat et les ordres de vente soumis dans le délai prescrit afin d’optimiser la quantité nominale totale du produit dérivé de crédit liquide pouvant être échangé au niveau de prix de compensation de volume;

         conclure les échanges en fonction de la correspondance entre les ordres d’achat et les ordres de vente.

 

[52]           Les revendications dépendantes 2 à 12 et 14 à 23 définissent divers modes de réalisation des revendications indépendantes relatives aux règles qui permettent de déterminer le produit dérivé de crédit le plus liquide, de déterminer le prix de compensation de volume et de déterminer les délais et l’utilisation des ordres anonymes. Aucune autre caractéristique essentielle physique n’est définie dans les revendications dépendantes. Nous considérons que les différences entre le libellé des revendications dépendantes et celui des revendications indépendantes dont découlent ces détails reflètent simplement des réalisations différentes du même ensemble d’éléments essentiels.

Objet prévu par la Loi

[53]           La lettre de RP expose l’appréciation préliminaire du comité, selon laquelle les éléments essentiels des revendications 1 à 23 concernent des règles pour un schéma d’échange fondé sur la compensation de volume dans un système d’échange en ligne et donc, ne s’inscrit pas dans la définition d’invention énoncée dans la Loi sur les brevets. Cela confirme la position adoptée par l’examinateur dans la DF.

[54]           Dans la RRP et à l’audience, le demandeur a maintenu ses arguments précédents (de la RDF et de la RRM) en ce qui concerne l’objet prévu par la Loi et a centré sa position principalement sur le fondement de l’exigence énoncée dans Amazon.com, au par. 66, à savoir :

… puisqu’un brevet ne peut être accordé pour une idée abstraite, il est implicite dans la définition d’« invention » qu’un objet brevetable doit être une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable. [caractères gras ajoutés par le demandeur]

[55]           Dans la RRP, le demandeur a prétendu qu’en optimisant la quantité nominale totale des échanges (au moyen de l’algorithme de mise en correspondance), le nombre de transactions à traiter par le système d’échange électronique serait moins élevé, moins d’énergie serait alors consommée et les ressources pour le traitement seraient disponibles pour d’autres tâches. Il a été soutenu que cela constitue un effet ou un changement discernable.

[56]           Le comité n’est pas convaincu que ces résultats comprennent une chose qui manifeste un effet ou un changement discernable en l’espèce. Premièrement, comme nous l’avons expliqué dans la section Interprétation téléologique, les éléments essentiels sont les étapes nécessaires à la sélection d’un produit dérivé de crédit, à la détermination d’un prix de compensation de volume pour ledit produit dérivé, à l’obtention d’ordres d’achat et de vente auprès de parties intéressées, à la mise en correspondance des ordres afin d’optimiser le nombre d’échanges nominaux et de réaliser lesdits échanges. Les éléments essentiels ne comprennent aucun résultat physique, y compris tout dossier de transaction ou toute composante d’alimentation, ni mesure de puissance de ces composantes. Tout résultat subséquent, comme un nombre moindre de calculs traités, une diminution des ressources informatiques utilisées ou une réduction de l’alimentation nécessaire constituerait un résultat post-solution, ce qui va au-delà de la portée de la solution identifiée.

[57]           Nous soulignons également que la personne versée dans l’art n’interpréterait pas le mémoire descriptif comme divulguant tout renseignement sur la manière ou l’appareil pour atteindre ces résultats. Rien dans la description ne soutient clairement la prétention que la solution entraîne un nombre moindre de transactions, accompagné d’une diminution subséquente des besoins en matière de traitement et de l’énergie consommée. Il ne semble s’agir ici que d’hypothèses avancées par le demandeur. La première mention dans la divulgation de la réduction des ressources figure au paragraphe [0062] de la description, où il est indiqué qu’en mettant en correspondance les ordres [Traduction] « … le nombre de fiches d’ordre générées est réduit au minimum ». Cependant, malgré le fait que les fiches d’ordres ne font pas partie des éléments essentiels de la solution, il n’y a pas non plus de relation physique ou fonctionnelle divulguée dans la demande entre ces « fiches d’ordres » et les avantages revendiqués d’un changement discernable comme une réduction du traitement informatique requis/ressources utilisée et/ou énergie consommée.

[58]           De plus, en ce qui concerne la réduction au minimum du nombre de fiches d’ordres qui, selon ce que fait valoir le demandeur, corrobore une conclusion d’effet discernable de l’algorithme de mise en correspondance, le comité fait référence au paragraphe [0111] de la description [Traduction] : « En outre, ou en revanche, les ordres peuvent également être mis en correspondance pour optimiser la quantité nominale exécutable totale et/ou pour réduire au minimum le nombre total de fiches d’ordres à émettre » (soulignement ajouté). Donc, l’optimisation du total nominal des échanges, considérée comme essentielle à la solution, peut être effectuée, en revanche, sans réduction du nombre de fiches d’ordres. Par conséquent, la prétention du demandeur, à savoir que le nombre inférieur de fiches d’ordre constitue un résultat discernable, est également rejetée.

[59]           À l’audience, en plus des arguments susmentionnés, le demandeur a également suggéré qu’un effet ou un changement discernable est réalisé parce que la méthode/système d’échange permet de réaliser des ordres d’achat ou de vente et de diminuer la fluctuation des prix. Ainsi, la manière dont une personne échange des produits dérivés de crédit est modifiée, par exemple, du fait qu’elle paie un prix moindre.

[60]           Encore là, le comité souligne que les éléments essentiels n’incluent pas de résultats physiques ou d’étapes post-solution mettant à contribution une interface client ou d’autres résultats. Qui plus est, la réalisation des échanges, la réduction de la fluctuation des prix et les échanges à prix inférieur sont tous considérés comme définissant des idées abstraites qui concernent la manipulation et l’offre d’information ayant une certaine signification ou importance intellectuelle. De tels résultats et renseignements ne manifestent aucun effet ni changement discernable au sens pertinent.

[61]           Comme il a été interprété précédemment, les éléments essentiels de la solution de la présente demande sont les schémas ou les règles qui permettent de déterminer un prix de compensation de volume et de mettre en correspondance des ordres d’achat et de vente afin d’optimiser la quantité nominale totale des échanges pour un produit dérivé de crédit donné. Le comité a déterminé qu’aucune caractéristique physique ne fait partie des éléments essentiels (p. ex. aucune composante d’un système d’échange électronique informatisé ou autre caractéristique physique). En outre, les éléments essentiels ne comprennent aucun objet qui manifeste un effet ou un changement discernable. Les éléments essentiels concernent plutôt un schéma abstrait ou un ensemble de règles permettant d’échanger des instruments financiers, d’exécuter un plan ou une théorie d’action sans production de résultats physiques, procédant directement à partir de l’exécution du plan ou de la théorie. Cet objet n’entre dans aucune des catégories d’invention prévues à l’article 2.

[62]           Par conséquent, nous sommes d’avis que les revendications 1 à 23 au dossier ne définissent pas un objet prévu par la Loi et que, de ce fait, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[63]           Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, le demandeur a soumis, avec sa RDF, les revendications proposées 1 à 23. Les revendications proposées diffèrent surtout parce que les revendications indépendantes 1 et 13 ont été modifiées de manière à inclure les étapes suivantes :

         recevoir, d’une ou de plusieurs sources de données, une pluralité de produits dérivés de crédit;

         inviter, au moyen d’une interface utilisateur, des clients négociateurs;

         recevoir, au moyen de l’interface utilisateur, à la suite d’une invitation, des ordres d’achat et de vente soumis dans le délai prescrit par des clients négociateurs pour au moins un produit dérivé de crédit le plus liquide au niveau de prix de compensation de volume, chaque ordre d’achat et de vente précisant le volume désiré.

[64]           Dans notre lettre de RP, nous avons interprété les revendications proposées d’une façon similaire à l’interprétation faite des revendications au dossier et nous avons déterminé que les revendications proposées étaient, de même, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Tel qu’expliqué dans l’appréciation du comité, étant donné que ces caractéristiques supplémentaires ne modifieraient pas les définitions présentées ci-dessus de la personne versée dans l’art, des CGC et du problème et de la solution, notre opinion est que les revendications proposées partagent les mêmes éléments essentiels que ceux identifiés ci-dessus.

[65]           Le demandeur n’a fourni aucun autre commentaire dans sa RRP ni à l’audience concernant la question des revendications proposées. Par conséquent, comme nous l’avons indiqué dans notre lettre de RP, l’objet non prévu par la Loi contenu dans les revendications au dossier s’applique également aux revendications proposées.

[66]           Étant donné qu’elles ne remédieraient pas à l’irrégularité des revendications au dossier, les revendications proposées ne sont pas considérées comme des modifications déterminées nécessaires aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[67]           Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications au dossier définissent un objet non prévu par la Loi et qui, par conséquent, n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[68]      En outre, nous sommes d’avis que les revendications proposées le 10 février 2016 ne constituent pas des modifications déterminées nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. En conséquence, nous ne recommandons pas d’aviser le demandeur que lesdites revendications proposées sont nécessaires au titre du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

 

 

 

Andrew Strong                    Marcel Brisebois                         Mara Gravelle
Membre                                Membre                                      Membre


 

Décision du commissaire

[69]           Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande au motif que les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[70]           En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

 

Johanne Bélisle
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec),
en ce 29e jour d’avril 2019

 

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