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Décision du commissaire no 1484

Commissioner’s Decision #1484

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :       O00     Évidence                                                                                                      

TOPICS:       O00     Obviousness

                                                                                              

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

           

Demande no : 2 539 645

    Application No: 2,539,645


 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, DORS/96-423, la demande de brevet numéro 2 539 645 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande si les modifications nécessaires ne sont pas apportées.

 

 

 

 

 

 

Agent du Demandeur

 

BORDEN LADNER GERVAIS LLP

World Exchange Plaza

100, rue Queen, bureau 1100

OTTAWA (Ontario) K1P 1J7

 

INTRODUCTION

[1]          La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet canadien refusée numéro 2 539 645 (« la présente demande »), qui est intitulée « SYSTÈME DE LOCALISATION DE TRAYONS À TEMPS DE VOL » et inscrite au nom de GEA FARM TECHNOLOGIES GMBH (« le Demandeur »). La Commission d’appel des brevets (« la Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué plus en détail ci-dessous, nous recommandons à la commissaire aux brevets de rejeter la demande si les modifications nécessaires ne sont pas apportées.

CONTEXTE

La demande

[2]          La demande de brevet 2 539 645 a été déposée au Canada le 15 mars 2006 et est devenue accessible au public le 15 septembre 2007.

[3]          La présente demande a trait à un système de traite automatisé qui est pourvu de caméras à temps de vol (qui permettent l’acquisition tridimensionnelle d’objets dans l’espace) permettant de déterminer les emplacements des trayons d’un animal et des gobelets trayeurs d’un appareil de traite, et d’un moyen permettant d’appliquer les gobelets trayeurs sur les trayons.

Historique du traitement de la demande

[4]          Le 3 avril 2014, une décision finale (DF) a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indiquait que la présente demande est irrégulière au motif que les revendications 1 à 3 qui figuraient au dossier au moment de la rédaction de la DF (« les revendications au dossier ») auraient été évidentes et qu’elles sont, par conséquent, non conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[5]          Dans une réponse à la DF (« R-DF ») en date du 29 septembre 2014, le Demandeur a présenté des arguments à l’appui de la non-évidence des revendications au dossier.

[6]          L’examinateur ayant jugé la demande non conforme à la Loi sur les brevets, le 7 avril 2015, la demande a été transmise à la Commission pour révision, conformément au paragraphe 30(6)c) des Règles sur les brevets, accompagnée d’une explication présentée dans un résumé des motifs (« RM ») en faveur du maintien du refus.

[7]          Dans une lettre en date du 7 juillet 2015, la Commission a transmis une copie du RM au Demandeur et a demandé à ce dernier de confirmer s’il souhaitait toujours que sa demande soit révisée ou s’il préférait la retirer.

[8]          Dans une réponse en date du 2 octobre 2015, le Demandeur a indiqué qu’il souhaitait toujours que la Commission procède à la révision de sa demande et a demandé qu’une audience soit tenue.

[9]          Le présent comité (« le Comité ») a été constitué dans le but de procéder à la révision de la présente demande conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets.

[10]      Dans une lettre de révision préliminaire (« lettre de RP ») en date du 21 janvier 2019, le Comité a exposé son analyse préliminaire quant à la question de l’évidence des revendications au dossier.

[11]      Dans une lettre en date du 11 février 2019, le Demandeur a indiqué qu’il souhaitait participer à une audience, laquelle a été fixée au 25 février 2019.

[12]      Dans une réponse à la lettre de RP (« R-RP ») en date du 15 février 2019, le Demandeur a présenté un ensemble de revendications proposées 1 à 8 ainsi que des arguments à l’appui de ces revendications proposées. Le Demandeur a également indiqué qu’il ne souhaitait plus participer à une audience.

QUESTION

[13]      La question à trancher dans le cadre de la présente révision consiste à déterminer si l’objet des revendications 1 à 3 (« les revendications au dossier ») est évident et, par conséquent, non conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[14]      Si les revendications au dossier sont jugées irrégulières aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, nous pourrons examiner les revendications proposées afin de déterminer si elles constituent des modifications nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets.

PRINCIPES JURIDIQUES ET PRATIQUE DU BUREAU

Interprétation des revendications

[15]      Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, les éléments essentiels sont identifiés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (révisée en juin 2015), la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution proposée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être identifiés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, tel qu’elle est revendiquée.

Évidence

[16]      L’article 28.3 de la Loi sur les brevets énonce les conditions dans lesquelles l’objet d’une revendication sera généralement considéré comme évident :

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[17]           Dans Apotex Inc. c. Sanofi Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi], au paragraphe 67, la Cour suprême du Canada a proposé une démarche en quatre étapes pour évaluer l’évidence :

(1) a)   Identifier la « personne versée dans l’art »;

   b)   Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)        Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)        Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)        Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

ANALYSE

Interprétation des revendications

[18]      L’ensemble de revendications au dossier comprend trois revendications indépendantes, qui sont formulées comme suit [Traduction] :

1. Dans un système de traite automatisée comportant un appareil de traite permettant d’extraire du lait d’une pluralité de trayons d’un animal vivant, utilisation d’une source de lumière pour éclairer ladite pluralité de trayons et d’une caméra à matrice bidimensionnelle comportant une pluralité de pixels pouvant fournir individuellement des données de temps de vol aux fins de la capture et de la transmission de données permettant de déterminer l’emplacement desdits trayons en trois dimensions.

2. Système de traite automatisée permettant d’extraire du lait d’une pluralité de trayons d’un animal vivant, comprenant :

un appareil mobile adapté pour recevoir des instructions caractérisant l’emplacement d’au moins un desdits trayons, pour se déplacer vers ledit emplacement, et pour entrer en prise avec ledit trayon afin d’en extraire le lait;

une source de lumière pour éclairer simultanément une zone englobant ladite pluralité de trayons;

une caméra à matrice bidimensionnelle comportant une pluralité de pixels pouvant fournir individuellement des données de temps de vol;

un moyen électronique pour capter les signaux de sortie émis par ladite matrice et pour transmettre des données caractérisant ledit emplacement.

 

3. Procédé pour traire automatiquement au moins un trayon parmi une pluralité de trayons d’un animal vivant comprenant les étapes consistant à :

fournir un appareil mobile adapté pour recevoir des instructions caractérisant l’emplacement dudit trayon, pour se déplacer vers ledit emplacement et pour entrer en prise avec ledit trayon afin d’en extraire le lait;

utiliser une source de lumière pour éclairer simultanément la quasi-totalité d’une zone englobant ladite pluralité de trayons;

utiliser une caméra à matrice bidimensionnelle comportant une pluralité de pixels pouvant fournir individuellement des données de temps de vol pour capturer une image de ladite zone éclairée simultanément sur une matrice de pixels bidimensionnelle et, pour chaque pixel de ladite matrice, déterminer la distance parcourue par les réflexions de ladite lumière entre lesdits trayons et chacun desdits pixels afin d’obtenir une valeur d’intervalle par rapport audit pixel;

dériver une représentation tridimensionnelle de ladite pluralité de trayons à partir de ladite pluralité de valeurs d’intervalle;

traiter ladite représentation tridimensionnelle afin de caractériser ledit emplacement dudit trayon;

utiliser ladite information pour fournir lesdites instructions;

déplacer ledit appareil afin qu’il entre en prise avec ledit trayon.

La personne versée dans l’art

[19]      Dans la lettre de RP, le Comité a précisé sa compréhension de la personne versée dans l’art [Traduction] :

À la page 2 de la décision finale (« DF »), l’examinateur a accepté la définition de la personne versée dans l’art fournie par le Demandeur :

(1)a) La personne versée dans l’art

Le demandeur a indiqué dans sa réponse en date du 9 janvier 2013, au paragraphe 3 de la page 3, que la personne versée dans l’art était un ingénieur mécanique, possédant une expérience en robotique et ayant travaillé dans le domaine de la traite automatisée pendant 3 à 5 ans. L’examinateur souscrit à cette définition.

Nous adoptons cette définition de la personne versée dans l’art aux fins de notre analyse préliminaire.

[20]      La définition susmentionnée n’a pas été contestée par le Demandeur dans la R-RP. Nous l’appliquons donc dans le cadre de notre analyse ci-dessous.

Les connaissances générales courantes pertinentes

[21]      Dans la lettre de RP, le Comité a précisé sa compréhension des CGC pertinentes [Traduction] :

À la page 2 de la DF, les CGC ont été définies comme suit :

(1)b) Les connaissances générales courantes

La personne versée dans l’art serait censée posséder les connaissances générales courantes se rapportant à la traite automatisée, lesquelles, conjointement avec une connaissance de la robotique, comprendraient une connaissance des systèmes de caméra 3D permettant de localiser les trayons aux fins de la fixation automatique des gobelets trayeurs. Voir les documents D1 et D3.

Le Demandeur n’a pas contesté ce qui précède dans sa réponse à la décision finale (« R-DF ») et nous adoptons cette définition des CGC pertinentes aux fins de notre analyse préliminaire.

[22]      Cette définition n’a pas été contestée par le Demandeur dans la R-RP. Nous l’appliquons dans le cadre de notre analyse de l’évidence.

Éléments essentiels/non essentiels

[23]      Dans la lettre de RP, le Comité a indiqué ce qui suit en ce qui concerne les caractéristiques essentielles et non essentielles des revendications :

Dans la DF, l’examinateur n’a identifié aucun des éléments des revendications comme étant non essentiel et n’a recensé aucun problème concernant l’interprétation des termes employés dans les revendications. Il n’y a pas eu de désaccord entre l’examinateur et le Demandeur à cet égard, si bien que nous fondons notre analyse sur cette compréhension commune.

[24]      Cette interprétation n’a pas été contestée par le Demandeur dans la R-RP. Nous l’appliquons donc dans le cadre de notre analyse ci-dessous.

Évidence

(1)a) Identifier la « personne versée dans l’art »

[25]      La personne versée dans l’art a été définie ci-dessus dans la section Interprétation des revendications, au paragraphe [19].

(1)b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

[26]      Les CGC pertinentes ont également été définies ci-dessus dans la section Interprétation des revendications, au paragraphe [21].

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[27]      Dans la lettre de RP, nous avons indiqué ce qui suit en ce qui concerne l’idée originale (le concept inventif) des revendications 1 à 3 [Traduction] :

Un résumé de la présente invention a été présenté à la page 2 de la DF :

La présente demande divulgue un système de traite automatisée et un procédé faisant intervenir un système de localisation de trayons comprenant une source de projection de lumière et une caméra pourvue d’une matrice de pixels bidimensionnelle, chacun de ces pixels fournissant des données de temps de vol qui permettent de déterminer l’emplacement des trayons en trois dimensions.

Le concept inventif a été défini comme suit :

amélioration de la précision de l’image 3D grâce à l’utilisation d’une caméra à matrice bidimensionnelle comportant une pluralité de pixels pouvant fournir individuellement des données de temps de vol.

Le Demandeur n’a pas contesté le concept inventif susmentionné dans la R-DF et nous l’adoptons aux fins de notre analyse. Ce concept inventif est, à notre avis, représentatif des trois revendications au dossier.

[28]      Dans la R-RP, le Demandeur n’a présenté aucune observation relativement à ce qui précède. Par conséquent, nous appliquons le concept inventif susmentionné dans le cadre de notre analyse ci-dessous.

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

[29]      Dans la lettre de RP, nous avons indiqué ce qui suit en ce qui concerne les différences entre le concept inventif et l’état de la technique [Traduction] :

Les antériorités suivantes ont été appliquées dans la DF :

D1 :          WO 02/00011              Cöp                  3 janvier 2002

D2 :          R. Schwarte, « Dynamic 3D Vision », comptes rendus EDMO 2001/Vienne, p. 241 à 248           (2001)

D3 :          US 4 867 103              Montalescot     19 septembre 1989

D4 :          US 6 323 942              Bamji               27 novembre 2001

La date de revendication des revendications de la présente demande est la date de dépôt au Canada, c’est-à-dire le 15 mars 2006, et les documents de l’art antérieur D1 à D4 ont tous été publiés à des dates antérieures à la date de dépôt.

Le document D1 (Cöp) divulgue un système de traite automatisée comprenant un appareil de traite permettant d’extraire du lait d’une pluralité de trayons d’un animal vivant, l’utilisation d’une source de lumière pour éclairer la pluralité de trayons, et deux caméras pour capturer des images servant à produire une image stéréoscopique tridimensionnelle du pis à l’aide d’un programme de traitement d’image.

Le document D2 (Schwarte) divulgue un système optique à données de temps de vol pourvu de caméras à matrice de pixels, destiné à être utilisé dans des applications telles que la détection de niveaux, la surveillance de produits et la visionique. Les caméras sont présentées comme constituant une solution de rechange aux lecteurs laser et à la vision stéréoscopique, qui sont décrits comme nécessitant un temps de traitement des signaux trop long lorsqu’il s’agit de capturer des scènes dynamiques en changement quasi constant.

Le document D3 (Montalescot) divulgue un système de traite automatisée comprenant un appareil de traite permettant d’extraire du lait d’une pluralité de trayons d’un animal vivant, l’utilisation d’une source de lumière pour éclairer simultanément la pluralité de trayons, un laser à balayage optique et une caméra CCD, dans lequel les lignes produites par le lecteur laser sont imagées par la caméra, la triangulation est utilisée pour établir les coordonnées du trayon par rapport aux positions du lecteur laser et de la caméra, et pour produire de manière répétitive des images de différentes parties de la surface d’un objet afin d’établir un profil 3D de l’objet.

Le document D4 (Bamji) divulgue un système optique à données de temps de vol pourvu de caméras à matrice de pixels; le système étant décrit comme une amélioration par rapport aux systèmes habituels tels que les systèmes de tomographie laser à balayage (qui sont plus coûteux et plus encombrants) ou les systèmes de télémétrie laser à balayage (qui sont plus volumineux, plus complexes et plus coûteux) tels que ceux reposant sur l’utilisation de caméras CCD. Le document D4 divulgue en outre que l’utilisation d’un tel système amélioré pouvant capturer directement une image 3D serait profitable dans de nombreuses applications nécessitant de déterminer des distances et des vitesses avec précision, par exemple, un robot soudeur intégré à une chaîne de montage devant déterminer la distance et la vitesse précises d’un objet à souder.

La différence entre les documents D1 et D3, considérés séparément, et le concept inventif des revendications 1 à 3 tient au fait que le concept inventif repose sur l’utilisation d’un système optique à données de temps de vol pourvu de caméras à matrice de pixels pour déterminer l’emplacement des trayons en trois dimensions, tandis que le document D1 utilise un système de vision stéréoscopique et le D3 un système laser à balayage pour accomplir cette fonction.

[30]      Le Demandeur n’a présenté dans la R-RP aucune observation relativement à ce qui précède. Nous procédons donc sur la base de la différence identifiée dans la lettre de RP, c.-à-d. le fait que le concept inventif repose sur l’utilisation d’un système optique à données de temps de vol pourvu de caméras à matrice de pixels pour déterminer l’emplacement des trayons en trois dimensions, alors que les documents D1 et D3 enseignent respectivement d’utiliser un système de vision stéréoscopique et un système laser à balayage pour accomplir cette fonction.

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[31]      Dans la R-DF, le Demandeur a fait valoir que les revendications au dossier n’auraient pas été évidentes et a cité les trois documents suivants à l’appui de ses arguments :

•           Déclaration solennelle de Leonard Metcalfe, co-inventeur de l’invention visée par la présente demande, jointe à la réponse du Demandeur en date du 9 janvier 2013, laquelle déclaration renvoie à son tour à deux documents techniques présentés comme des facteurs à considérer dans l’analyse de l’évidence, soit les suivants :

•           Demande de brevet US 11/045 898 inscrite au nom de Kriesel, publiée le 23 juin 2005 [« Kriesel »]; et

•           M. Westberg, The Time of Flight Based Teat Location = Localisation de trayons à l’aide de données de temps de vol (5 mai 2009), thèse publiée trois ans après la date de revendication de la présente demande [« Westberg »].

[32]      En référence à ces trois documents, le Demandeur a fait valoir qu’il n’était pas évident à la date de revendication d’utiliser des caméras à temps de vol pour déterminer l’emplacement des trayons dans le cadre d’un système de traite automatisée, s’appuyant sur les facteurs suivants :

a)         la technologie à temps de vol n’était pas au point à la date de revendication, elle était encore en développement;

b)         la technologie à temps de vol n’était pas considérée comme appropriée pour les courtes distances caractéristiques de l’évaluation du bétail dans un couloir ou un poste de traite à la date de revendication;

c)         trois ans après la date de revendication, on considérait encore que l’utilisation de la technologie à temps de vol dans les systèmes de traite automatisée devait faire l’objet de recherches plus approfondies.

[33]      Dans la lettre de RP, nous avons formulé les observations suivantes à l’égard de chacun de ces facteurs [Traduction] :

a) la technologie à temps de vol n’était pas au point à la date de revendication, elle était encore en développement

La déclaration Metcalfe indique que le document D2 démontre que la technologie à temps de vol n’était pas au point, en faisant référence aux « promesses futures » des capteurs de temps de vol, tout en indiquant que la technologie est « en développement ».

Or, nous soulignons que le document D2 enseigne également ce qui suit, dans l’introduction :

Après une longue série d’essais et d’erreurs, une porte s’ouvre enfin sur la vision dynamique en 3D grâce à un nouveau principe et dispositif optoélectronique, le Photonic Mixer Device (PMD) [dispositif mélangeur de photons].

Le Photo Gate(PG)-PMD a été le premier dispositif à mettre en œuvre le principe PMD, permettant pour la première fois de concevoir une caméra 3D fondée sur le PMD.

Le document D2 divulgue ensuite différentes mises en œuvre de pixels PMD dans des caméras 3D et indique ce qui suit, dans la conclusion :

Ainsi qu’il a été démontré, le principe PMD est le fil conducteur au cœur de nombreuses mises en œuvre PMD. Cette nouvelle technologie offre un nombre quasi illimité d’applications aussi bien dans la vie de tous les jours que dans les sphères industrielles et scientifiques.

En outre, le document D2 a été publié en 2001 et nous ne voyons pas comment, compte tenu de sa date de publication, on pourrait considérer qu’il démontre que la technologie à temps de vol n’était pas au point à la date de revendication de la présente demande, soit le 15 mars 2006.

Qui plus est, nous soulignons que le document D4, qui décrit et revendique un système optique à données de temps de vol pourvu de caméras à matrice de pixels, est un brevet américain délivré. Par conséquent, on peut supposer qu’il satisfaisait à tous les critères d’un brevet valide, y compris l’obligation de fournir une divulgation permettant de réaliser l’invention revendiquée, au moment où le brevet a été accordé, le 27 novembre 2001 (c.-à-d. plus de quatre ans avant la date de revendication de la présente demande). Le Demandeur n’a jusqu’à présent fourni aucune preuve pour réfuter cette présomption.

Enfin, si la technologie à temps de vol n’avait pas été au point à la date du 15 mars 2006 comme le prétend le Demandeur, on aurait pu s’attendre à ce que la description de la présente demande regorge de détails techniques sur les caméras à temps de vol, afin de combler toute lacune dans les connaissances nécessaires à la personne versée dans l’art pour réaliser et utiliser l’invention revendiquée. Toutefois, lorsqu’on examine la présente demande, on constate que la description détaillée de la réalisation préférentielle compte seulement neuf paragraphes, et présente uniquement un aperçu général de l’invention sans fournir de détails techniques sur les caméras à temps de vol. Si, comme le prétend le Demandeur, la technologie à temps de vol n’était pas au point, le mémoire descriptif serait alors insuffisant et contreviendrait, de ce fait, au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.

Cependant, du point de vue dont nous envisageons la demande, le mémoire descriptif semble suffisant. Des détails techniques sur les caméras à temps de vol ne sont pas requis dans la description, car ces détails faisaient partie des connaissances de la personne versée dans l’art à la date de revendication.

b)  la technologie à temps de vol n’était pas considérée comme appropriée pour les courtes distances caractéristiques de l’évaluation du bétail dans un couloir ou un poste de traite à la date de revendication

La déclaration Metcalfe indique ce qui suit :

33. Avant mars 2006, les caméras à temps de vol étaient généralement considérées comme appropriées pour mesurer des distances relativement grandes (de l’ordre de 100 m à plusieurs kilomètres). Il en était ainsi parce que la résolution spatiale et la précision requises pour mesurer des distances plus courtes étaient limitées par l’état d’avancement de l’électronique et par les fréquences élevées qui étaient nécessaires pour évaluer des échelles temporelles de l’ordre de la vitesse de la lumière. On savait également que les composants électroniques des caméras à temps de vol étaient sujets à des variations causées par la température qui altéraient la précision de leur résolution, ce qui posait problème sachant que les durées à mesurer se situaient dans la gamme des picosecondes. Cela implique également qu’elles étaient mieux adaptées à la mesure de grandes distances.

Et :

37. Tel que mentionné ci-dessus, en mars 2006, les capteurs de temps de vol étaient associés à l’idée que les mesures du temps de vol étaient uniquement appropriées pour les longues distances et qu’elles n’étaient pas aussi précises et fiables que la triangulation pour les mesures prises à distance rapprochée. Par conséquent, on ne les envisageait pas comme une option pour les appareils de traite automatisée utilisés à une distance très rapprochée dans le contexte de multiples trayons en mouvement disposés sur un animal en mouvement.

Or, les divulgations faites dans les documents D2 et D4 qui, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, auraient été connues de la personne versée dans l’art, vont à l’encontre de la déclaration Metcalfe. Les applications divulguées dans le document D2 (surveillance de produits, visionique) et le document D4 (robots de chaîne de montage) impliqueraient des distances cibles semblables à celles associées à l’objet revendiqué dans la présente demande, et rien dans le document D2 ou le document D4 ne donne à penser que les systèmes de mesure du temps de vol ne convenaient pas à de telles applications. Au contraire, ces documents enseignent expressément d’utiliser des systèmes de mesure du temps de vol dans de telles applications.

En outre, contrairement à la prétention de Metcalfe selon laquelle les mesures du temps de vol étaient considérées comme convenant uniquement aux grandes distances, le document D4 divulgue que « [d]ans le cadre d’applications concrètes, le réseau de capteurs 230 a de préférence une résolution suffisante pour distinguer des distances cibles de l’ordre de 1 cm » [colonne 7, lignes 47 à 49].

Qui plus est, même si les caméras à temps de vol étaient considérées comme « mieux adaptées » à la mesure de grandes distances, cela ne signifie pas qu’il était inenvisageable de les utiliser pour mesurer de plus courtes distances. Et, même si elles étaient considérées comme moins précises et moins fiables que la triangulation pour la prise de mesures à distance rapprochée, il ne s’ensuit pas que la personne versée dans l’art aurait exclu de les utiliser dans un appareil de traite automatisée. Nous avons exposé les raisons pour lesquelles nous concluons que la personne versée dans l’art aurait eu une motivation à utiliser les caméras à temps de vol du document D2 (ou D4) comme solution de rechange à celles utilisées dans l’application analogue de détection des trayons enseignée dans le document D1 (ou D3). Une solution de rechange évidente ne devient pas moins évidente simplement parce qu’elle est inférieure à une autre solution de rechange à un ou plusieurs égards.

Le Demandeur s’appuie également sur le brevet Kriesel, qui indique que les systèmes de mesure du temps de vol ne figuraient pas parmi « les technologies de caméra télémétrique les mieux adaptées à la présente invention » dans le domaine de l’évaluation du bétail, car elles « peuvent ne pas avoir une résolution axiale suffisante en raison du traitement à haute fréquence requis pour mesurer les variations des temps de propagation de la lumière » [colonne 24, lignes 13 à 22].

Or, ce n’est pas parce que les systèmes de mesure du temps de vol n’étaient pas considérés comme les « mieux adaptés » aux applications particulières enseignées dans le brevet Kriesel (qui impliquaient des mesures volumétriques et dimensionnelles du bétail) qu’ils ne pouvaient pas convenir pour un appareil de traite automatisée.

En outre, même si le brevet Kriesel était interprété comme enseignant que les caméras à temps de vol ne sont pas adaptées à des applications telles que celle revendiquée dans la présente demande, cette interprétation doit néanmoins être considérée à la lumière de l’ensemble de la preuve. Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, les documents D2 et D4 enseignent l’utilisation de caméras à temps de vol dans des applications (visionique et robots de chaîne de montage) qui semblent avoir davantage en commun avec des appareils de traite automatisée que les applications mentionnées dans le brevet Kriesel.

Enfin, nous soulignons que le brevet Kriesel lui-même indique que le document D4, qui divulgue un système de mesure du temps de vol, compte parmi les inventions qui « ont contribué à l’état actuel de la technique dans le domaine des mesures animales » [colonne 2, lignes 30 et 31, et colonne 3, lignes 12 à 23]. Un tel énoncé n’aurait aucun sens si Kriesel avait considéré que les systèmes de mesure du temps de vol n’étaient pas adaptés à de telles applications.

c)  trois ans après la date de revendication, on considérait encore que l’utilisation de la technologie à temps de vol dans les systèmes de traite automatisée devait faire l’objet de recherches plus approfondies.

Dans sa déclaration, M. Metcalfe fait référence à la thèse Westberg qui, selon lui, démontre que « [t]rois ans après le dépôt de la présente demande en 2006, on considérait encore que l’utilisation des caméras à temps de vol devait faire l’objet de recherches plus approfondies, mais que ces dernières étaient prometteuses pour d’éventuelles applications futures ».

Or, la thèse de Westberg ne semble pas démontrer ce que la personne versée dans l’art aurait su au sujet des caméras à temps de vol en 2009. À cet égard, nous soulignons qu’il n’est nulle part fait mention, dans la thèse Westberg, des documents D2 et D4, qui enseignent d’utiliser des caméras à temps de vol dans des applications analogues, ni de la demande de brevet Kriesel, publiée en 2005, qui porte sur l’utilisation de caméras à temps de vol dans des applications liées au bétail, ou de la présente demande de brevet, mise à la disponibilité du public le 15 septembre 2007, qui divulgue l’utilisation de caméras à temps de vol pour déterminer l’emplacement des trayons dans le cadre d’un système de traite automatisé.

[34]      Dans la R-RP, le Demandeur n’a présenté aucune observation relativement à ce qui précède. Par conséquent, nous appliquons ce raisonnement dans le cadre de notre analyse.

[35]      Dans la lettre de RP, nous avons indiqué que nous étions d’avis, à titre préliminaire, que la différence identifiée à l’étape (3) — c.-à-d. le fait que le concept inventif repose sur l’utilisation d’un système optique à données de temps de vol pourvu de caméras à matrice de pixels pour déterminer l’emplacement des trayons en trois dimensions, alors que les documents D1 et D3 enseignent respectivement d’utiliser un système de vision stéréoscopique et un système laser à balayage pour accomplir cette fonction — comprend une étape qui aurait été évidente pour les raisons suivantes [Traduction] :

Dans la R-DF, le Demandeur a fait valoir que la DF n’indiquait pas quelle motivation une personne moyennement versée dans l’art aurait pu avoir à modifier les enseignements contenus dans les documents principaux (D1 et D3), en substituant les caméras à temps de vol divulguées dans les documents D2 et D4 aux caméras mentionnées dans les documents D1 et D3, respectivement, aux fins spécifiques de la détection de trayons.

Or, comme nous l’avons souligné ci-dessus, le document D2 indique que les caméras à temps de vol constituent une solution de rechange à la vision stéréoscopique, qui est décrite comme nécessitant un temps de traitement des signaux trop long lorsqu’il s’agit de capturer des scènes dynamiques en changement quasi constant. Nous soulignons que la vision stéréoscopique correspond précisément au système enseigné dans le document D1. Bien que le document D2 ne fasse pas expressément mention de systèmes de détection de trayons, il divulgue des applications telles que la détection de niveaux, la surveillance de produits et la visionique. Sachant que la présente demande indique que de telles caméras étaient connues des personnes versées dans l’art de la visionique, la personne versée dans l’art dont relève la présente demande — un ingénieur mécanique, possédant une expérience en robotique et ayant travaillé dans le domaine de la traite automatisée pendant 3 à 5 ans — aurait eu connaissance de l’existence de ce document. La personne versée dans l’art aurait compris à la lecture du document D2 que les caméras à temps de vol peuvent convenir dans de nombreuses applications robotiques faisant intervenir des systèmes d’imagerie 3D. Ainsi, nous sommes d’avis, à titre préliminaire, que la personne versée dans l’art aurait eu une motivation à utiliser les caméras à temps de vol du document D2 comme solution de rechange à celles utilisées dans l’application analogue de détection des trayons enseignée dans le document D1.

Par ailleurs, le document D4 décrit son système comme étant une amélioration par rapport aux systèmes habituels tels que les systèmes de tomographie laser à balayage (qui sont plus coûteux et plus encombrants) ou les systèmes de télémétrie laser à balayage (qui sont plus volumineux, plus complexes et plus coûteux) tels que ceux reposant sur l’utilisation de caméras CCD. Là encore, nous soulignons que le système enseigné dans le document D3 est précisément un système laser à balayage utilisant des caméras CCD. Bien que le document D4 ne fasse pas expressément mention de systèmes de détection de trayons, il divulgue des applications nécessitant de déterminer des distances et des vitesses avec précision, par exemple, un robot soudeur intégré à une chaîne de montage. Sachant que la présente demande indique que de telles caméras étaient connues des personnes versées dans l’art de la visionique, la personne versée dans l’art dont relève la présente demande — un ingénieur mécanique, possédant une expérience en robotique et ayant travaillé dans le domaine de la traite automatisée pendant 3 à 5 ans — aurait eu connaissance de l’existence de ce document. (Nous soulignons en outre que le document Kriesel invoqué dans la déclaration Metcalfe indique que le document D4 a contribué à l’état actuel [2005] de la technique dans le domaine des mesures animales.) La personne versée dans l’art aurait compris à la lecture du document D4 que les caméras à temps de vol peuvent convenir dans de nombreuses applications robotiques faisant intervenir des systèmes d’imagerie 3D. Ainsi, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art aurait eu une motivation à utiliser les caméras à temps de vol du document D4 à titre d’amélioration par rapport aux caméras utilisées dans l’application analogue de détection des trayons enseignée dans le document D3.

Pour les raisons exposées ci-dessus, nous sommes d’avis, à titre préliminaire que l’objet des revendications 1 à 3 aurait été évident pour la personne versée dans l’art à la date de revendication et qu’il est, par conséquent, non conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[36]      Le Demandeur n’a présenté aucune observation relativement à l’analyse qui précède. En conséquence, nous concluons que les revendications 1 à 3 au dossier auraient été évidentes et qu’elles sont, par conséquent, non conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[37]      Dans la R-RP, le Demandeur a proposé les revendications 1 à 8 et a fait valoir qu’elles n’étaient pas évidentes à la lumière des documents cités. Les revendications 1 à 8 proposées sont formulées comme suit [Traduction] :

1. Système de traite automatisée comportant un appareil de traite pourvu de gobelets trayeurs permettant d’extraire le lait d’une pluralité de trayons d’un animal vivant, comprenant :

un appareil mobile adapté pour recevoir des instructions caractérisant un emplacement d’au moins un des trayons de ladite pluralité de trayons, pour se déplacer vers ledit emplacement, et pour entrer en prise avec ledit trayon de ladite pluralité de trayons afin d’en extraire le lait;

une source de lumière pour éclairer simultanément une zone englobant ladite pluralité de trayons;

une caméra à matrice bidimensionnelle pourvue d’une matrice bidimensionnelle comportant une pluralité de pixels pouvant fournir individuellement des données de temps de vol; et

un moyen électronique pour capter les signaux de sortie émis par ladite matrice bidimensionnelle et pour transmettre des données caractérisant ledit emplacement, la caméra à matrice bidimensionnelle étant configurée pour former une image des gobelets trayeurs et de la pluralité de trayons dans un même champ de vision.

2. Système de traite automatisée selon la revendication 1, dans lequel la caméra à matrice bidimensionnelle est configurée pour représenter les orifices des gobelets trayeurs et la pluralité de trayons dans la même image, de manière à ce qu’un emplacement de la pluralité de trayons corresponde à une mesure relative par rapport à la caméra.

3. Système de traite automatisée selon la revendication 1 ou 2, dans lequel la caméra à matrice bidimensionnelle est configurée pour former une image des pattes arrière de l’animal dans le même champ de vision, de manière à suivre les mouvements de l’animal vivant.

4. Système de traite automatisée selon la revendication 3, dans lequel l’emplacement de la pluralité de trayons et l’emplacement des pattes arrière sont déterminés à diverses distances et profondeurs.

5. Procédé pour traire automatiquement au moins un trayon de la pluralité de trayons d’un animal vivant au moyen d’un système de traite comportant un appareil de traite pourvu de gobelets trayeurs, comprenant les étapes consistant à :

fournir un appareil mobile adapté pour recevoir des instructions caractérisant l’emplacement dudit trayon, pour se déplacer vers ledit emplacement et pour entrer en prise avec ledit trayon afin d’en extraire le lait;

utiliser une source de lumière pour éclairer simultanément une zone englobant ladite pluralité de trayons;

utiliser une caméra à matrice bidimensionnelle comportant une pluralité de pixels pouvant fournir individuellement des données de temps de vol pour capturer une image dudit trayon;

traiter ladite image pour fournir de l’information tridimensionnelle caractérisant ledit emplacement;

utiliser ladite information pour fournir lesdites instructions;

déplacer ledit appareil afin qu’il entre en prise avec ledit trayon, la caméra à matrice bidimensionnelle étant configurée pour former une image des gobelets trayeurs et de la pluralité de trayons dans un même champ de vision.

6. Procédé selon la revendication 5, dans lequel la caméra à matrice bidimensionnelle est configurée pour représenter en une même image les orifices des gobelets trayeurs et la pluralité de trayons, de manière à ce que l’emplacement de la pluralité de trayons corresponde à une mesure relative par rapport à la caméra.

7. Procédé selon la revendication 5 ou 6, dans lequel la caméra à matrice bidimensionnelle est configurée pour former une image des pattes arrière de l’animal dans le même champ de vision, de manière à suivre les mouvements de l’animal vivant.

8. Procédé selon la revendication 7, dans lequel l’emplacement de la pluralité de trayons et l’emplacement des pattes arrière sont déterminés à diverses distances et profondeurs.

[38]      Dans la R-RP, le Demandeur a indiqué que les revendications proposées étaient fondées sur la demande telle qu’elle a été déposée et le Comité a confirmé que c’était bien le cas.

[39]      Le Demandeur a également présenté des arguments à l’appui de la non-évidence des revendications proposées, indiquant ce qui suit aux pages 5 et 6 [Traduction] :

Conformément aux revendications indépendantes, une caméra à temps de vol (TOF) est utilisée pour acquérir l’image des gobelets trayeurs et des trayons simultanément dans le même champ de vision. À cet égard, il est précisé dans les revendications indépendantes que : …la caméra à matrice bidimensionnelle [est] configurée pour former une image des gobelets trayeurs et des trayons dans un même champ de vision.

De fait, une personne moyennement versée dans l’art conclurait d’emblée que la caméra à temps de vol selon l’invention acquiert simultanément l’image des trayons et des gobelets trayeurs. En d’autres termes, la caméra à temps de vol acquiert l’image des trayons et des gobelets trayeurs simultanément et dans le même champ de vision.

À cet égard, il est également fait référence à la divulgation faite dans la description déposée initialement, laquelle comprend le passage suivant (page 6, lignes 22 à 26) :

Sachant que la caméra peut représenter les orifices des gobelets trayeurs et les trayons dans la même image, l’emplacement des trayons correspond à une mesure relative par rapport à la caméra, ce qui simplifie encore plus le processus de fixation, car aucune donnée de position absolue n’a à être échangée entre le capteur et l’unité de commande du robot.

De là, la personne versée dans l’art comprendrait — de façon non équivoque et sans l’ombre d’un doute — qu’il n’est pas nécessaire que des données de position absolue soient transmises à l’unité de commande du robot de traite parce que la caméra à temps de vol permet également de mesurer la différence de distance spatiale entre le trayon respectif et le gobelet trayeur correspondant. Dans la présente demande, cette mesure est appelée mesure relative par rapport à la caméra. Ainsi, le robot de traite n’a plus à se déplacer jusqu’à une position absolue du trayon dans l’espace, il peut être configuré pour combler la différence de distance entre le trayon respectif et le gobelet trayeur correspondant jusqu’à ce que le gobelet trayeur ait atteint le trayon.

Cela permettrait en outre à la personne versée dans l’art de comprendre sans l’ombre d’un doute que la caméra à temps de vol acquiert à la fois la position spatiale absolue du trayon respectif et la position spatiale absolue du gobelet trayeur correspondant par rapport à un point de référence (dans ce cas-ci la caméra à temps de vol elle-même) et détermine une différence de distance entre ses positions absolues dans les trois dimensions spatiales. L’acquisition d’une différence de distance ou d’une mesure relative au moyen d’une caméra à temps de vol est possible uniquement en établissant la différence entre les positions spatiales absolues, mais ces dernières n’ont pas nécessairement à être transmises au robot de traite.

[40]      Aux pages 8 et 9 de la R-DF, le Demandeur a poursuivi son argumentation comme suit [Traduction] :

Ainsi, à la lumière de l’objet de la présente invention, une personne versée dans l’art comprendrait sans l’ombre d’un doute que la caméra à temps de vol de la présente invention est configurée et utilisée pour établir les distances aux trayons et aux gobelets trayeurs de façon simultanée et dans un même champ de vision. Un tel établissement ou une telle détermination de la distance entre la caméra et les gobelets trayeurs ne peuvent pas être inférés des documents cités.

Sur le plan technique, les caractéristiques distinctives ont pour effet de rendre possible la détermination simultanée de la position tridimensionnelle aussi bien des trayons que des gobelets trayeurs. Cela permet d’appliquer rapidement et avec une grande précision chaque gobelet trayeur sur le trayon correspondant. La présente invention permet en outre de déterminer avec précision la position des gobelets trayeurs et d’aligner chaque gobelet trayeur sur le trayon correspondant, aussi bien lors de l’application que pendant la traite.

Dans les réalisations connues des robots de traite de l’art antérieur, la position des gobelets trayeurs était établie, dans chaque cas, au moyen de capteurs mécaniques qui ne permettaient pas d’établir la position et l’alignement des gobelets trayeurs avec autant de précision que le permet la caméra à temps de vol de la présente invention. Plus particulièrement, la caméra à temps de vol de la présente invention permet de repérer un alignement inadéquat des gobelets trayeurs à l’intérieur du robot de traite et pendant le processus d’application des gobelets, et de transmettre l’information appropriée au robot de traite.

Problème objectif

Ainsi, l’invention est fondée sur le problème objectif consistant à appliquer les gobelets trayeurs sur les trayons avec le plus de rapidité et de précision possible.

L’invention remédie à ce problème par l’utilisation d’une caméra à temps de vol qui permet d’acquérir simultanément les données de position tridimensionnelles de tous les trayons et de tous les gobelets trayeurs.

Solution au problème

Il est impossible d’arriver à l’invention revendiquée uniquement en combinant les enseignements contenus dans les documents cités; une étape inventive est nécessaire. À cet égard, il est fait renvoi aux explications présentées ci-dessus. Aucun des documents divulguant une caméra à temps de vol n’indique simultanément à la personne versée dans l’art que ce procédé de mesure est adapté à une application dans un robot de traite. Une personne versée dans l’art à la recherche d’une solution possible au problème technique objectif pourrait repérer les documents D2 et D9 [D4], mais elle n’en tiendrait pas compte, car ces documents relèvent d’un domaine technique différent et ne contiennent aucune indication se rapportant aux robots ou aux machines de traite.

En outre, les problèmes abordés dans les documents D2 et D9 [D4] ne consistent pas à rendre possible la détection simultanée d’une pluralité d’objets (trayons et gobelets trayeurs) devant être connectés les uns aux autres avec le plus de rapidité et de précision possible.

 

Analyse des revendications proposées selon le cadre établi dans Sanofi

(1) : La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

[41]      La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes de cette personne sont les mêmes que celles énoncées à l’étape (1) relativement aux revendications au dossier.

(2) : Le concept inventif des revendications

[42]      Le concept inventif des revendications indépendantes 1 et 5 de l’ensemble de revendications proposées consiste à améliorer les systèmes de traite automatisée en permettant d’appliquer les gobelets trayeurs sur les trayons d’un animal avec plus de rapidité et de précision que dans le cas des systèmes antérieurs, cette amélioration comprenant les éléments suivants :

I)         utilisation d’une caméra à matrice bidimensionnelle comportant une pluralité de pixels pouvant fournir individuellement des données de temps de vol;

ii)         la caméra à matrice bidimensionnelle étant configurée pour former une image des gobelets trayeurs et des trayons dans un même champ de vision.

(3) : Les différences entre l’« état de la technique » et l’idée originale des revendications

[43]      Les différences entre les documents D1 et D3, considérés séparément, et le concept inventif des revendications 1 et 5 proposées sont les suivantes :

a)         le concept inventif repose sur l’utilisation d’un système optique à données de temps de vol pourvu de caméras à matrice de pixels pour déterminer l’emplacement des trayons en trois dimensions, tandis que les documents D1 et D3 enseignent respectivement d’utiliser un système de vision stéréoscopique et un système laser à balayage pour accomplir cette fonction; et

b)         selon le concept inventif, la caméra à matrice bidimensionnelle est configurée pour former une image des gobelets trayeurs et des trayons dans un même champ de vision.

 

(4) : Les différences constituent-elles des étapes qui auraient été évidentes?

[44]      La différence énoncée en a) est la même que celle identifiée à l’égard des revendications 1 à 3 au dossier. Par conséquent, pour les raisons exposées ci-dessus au par. [35], cette différence constitue une étape qui aurait été évidente pour la personne versée dans l’art à la date pertinente.

[45]      Cependant, le Comité est d’avis que la différence énoncée en b) constitue une étape qui n’aurait pas été évidente pour la personne versée dans l’art à la date de revendication. Nous convenons avec le Demandeur que ni le document D1 ni le document D3 n’indiquent que les gobelets trayeurs et les trayons se situent tous dans le champ de vision d’une seule des caméras. Nous convenons en outre avec le Demandeur que les problèmes abordés dans les documents D2 et D4 ne consistent pas à rendre possible la détection simultanée d’une pluralité d’objets (trayons et gobelets trayeurs) devant être connectés les uns aux autres avec le plus de rapidité et de précision possible. Il est vrai que les documents D2 et D4 auraient pu être adaptés pour en arriver à la solution au problème en mettant en œuvre la configuration définie dans les revendications proposées, mais ni l’un ni l’autre de ces documents ne contient de directives en ce sens. Par conséquent, nous concluons que les revendications 1 et 5 proposées n’auraient pas été évidentes à la date de revendication pour une personne versée dans l’art. Il s’ensuit que les revendications dépendantes 2 à 4 et 6 à 8, qui ont une portée plus étroite que les revendications indépendantes 1 et 5, respectivement, auraient également été non évidentes.

[46]      En résumé, nous concluons que les revendications 1 à 8 proposées n’auraient pas été évidentes et qu’elles sont, par conséquent, conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATION DE LA COMMISSION

[47]      Le Comité conclut que l’objet des revendications 1 à 3 au dossier aurait été évident pour la personne versée dans l’art à la date de revendication, en contravention de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Nous concluons également que les revendications 1 à 8 proposées, telles qu’elles ont été soumises dans la lettre du 15 février 2019, remédient à cette irrégularité et n’introduisent pas de nouvelles irrégularités. Par conséquent, nous recommandons que le Demandeur soit avisé, conformément au paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, que la suppression des revendications 1 à 3 au dossier et l’insertion des revendications 1 à 8 proposées dans la lettre du 15 février 2019 constituent des modifications « nécessaires » pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets.

 

Paul Fitzner                               Ed MacLaurin                         Mark Janczarski

Membre                                     Membre                                   Membre

DÉCISION DU COMMISSAIRE

[48]      Je souscris aux conclusions ainsi qu’à la recommandation de la Commission d’appel des brevets. Conformément au paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets, j’avise par la présente le Demandeur que les modifications suivantes, et seulement ces modifications, doivent être apportées conformément à l’alinéa 31b) des Règles sur les brevets dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi j’entends rejeter la demande :

    i)        supprimer les revendications 1 à 3 au dossier; et

    ii)       insérer les revendications 1 à 8 proposées dans la réponse à la lettre de révision préliminaire en date du 15 février 2019.

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec)

en ce 26e jour d’avril 2019

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