Brevets

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 Décision du commissaire no 1487

Commissioner’s Decision No. 1487

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :      J–00 Signification de la technique
J–50 Simple plan
O–00 Évidence

 

TOPICS:       J–00 Meaning of Art
J–50 Mere Plan
O–00 Obviousness

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 809 500

Application No. 2,809,500


 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 


Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 809 500 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire rejette la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

ADE & COMPANY INC.

2157, Henderson Highway

WINNIPEG (Manitoba) R2G 1P9


 



 

Introduction

[1]               La présente recommandation concerne la demande de brevet refusée numéro 2 809 500, qui est intitulée « Méthode et système de courtage de contrats d’expédition entre solliciteurs et fournisseurs de services » et inscrite au nom de 3S Applications, Inc. Selon la décision finale (DF), les irrégularités qui subsistent tiennent au fait que les revendications ne définissent pas un objet prévu par la Loi, contrairement à l’article 2 de la Loi sur les brevets, et qu’elles auraient été évidentes, contrairement à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets, la Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2]               La demande de brevet canadienne no 2 809 500 a été déposée le 14 mars 2013 et mise à la disponibilité du public le 22 mai 2013.

[3]               La demande concerne une méthode et un système de courtage de contrats d’expédition et de facilitation des procédures d’expédition.

Historique du traitement

[4]               Le 10 mai 2016, une DF a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indiquait que la demande est irrégulière pour deux motifs : les revendications au dossier (c.-à-d. les revendications 1 à 9) contreviennent à l’article 2 et à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

[5]               Dans une réponse à la DF (RDF) en date du 7 novembre 2016, le demandeur a proposé un mémoire descriptif (le mémoire descriptif proposé) et un abrégé de remplacement, et a présenté des arguments à l’appui de l’acceptation de la demande. Les revendications n’ont pas été modifiées, mais l’information contenue dans les sections « Contexte » et « Résumé de l’invention » de la description proposée a été légèrement reformulée et réorganisée afin de faire ressortir certains points. Une phrase a été ajoutée à l’abrégé proposé afin de refléter les points maintenant mis en évidence.

[6]               L’examinateur a jugé que la description proposée ne remédiait pas aux irrégularités et n’a pas été convaincu par les arguments du demandeur en faveur de l’annulation du refus. Ainsi, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, les modifications proposées n’ont pas été versées au dossier et la demande a été transmise à la Commission pour révision. Le 24 mars 2017, la Commission a transmis au demandeur une copie du résumé des motifs, ainsi qu’une lettre confirmant le refus. Dans une réponse en date du 1er juin 2017, le demandeur a demandé que la Commission procède à la révision.

[7]               Un comité a été constitué dans le but de réviser la demande refusée et de présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. À la suite de notre révision préliminaire, le 1er mars 2019, nous avons envoyé une lettre (la lettre de RP) dans laquelle nous avons présenté notre analyse et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier dont nous disposons, nous estimons que l’objet des revendications au dossier (ainsi que le mémoire descriptif proposé) n’est conforme ni à l’article 2 ni à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[8]               Dans une réponse à la lettre de RP en date du 11 mars 2019, le demandeur a indiqué qu’il ne souhaitait plus participer à une audience et qu’il n’entendait pas présenter d’autres observations écrites.

[9]               Étant donné que le dossier écrit est demeuré le même depuis notre révision préliminaire, notre raisonnement et nos conclusions demeurent les mêmes également.

Questions

[10]           Les questions à trancher dans le cadre de la présente révision consistent à déterminer si les revendications au dossier :

         définissent un objet qui entre dans la définition d’invention énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

         définissent un objet qui n’aurait pas été évident, ainsi que l’exige l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[11]           Une fois que nous aurons examiné ces questions, nous nous pencherons sur la question de savoir si le mémoire descriptif proposé constituerait une modification déterminée nécessaire aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[12]           Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66 [« Free World Trust »], les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (OPIC) révisée en juin 2015 [RPBB], la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution préconisée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée.

[13]           Dans la RDF (pages 15 à 22), le demandeur a indiqué être en désaccord avec ce qu’il a désigné comme [Traduction] « cette approche de l’interprétation téléologique axée sur le problème/la solution » selon laquelle les éléments essentiels sont ceux requis pour résoudre le problème, soutenant que cette approche n’avait aucun fondement en droit canadien.

[14]           Faisant référence au critère relatif au caractère essentiel énoncé dans Free World Trust, le demandeur a prétendu dans la RDF que, pour qu’un élément ne soit pas essentiel, [Traduction] « une variante ou l’omission d’un élément doit permettre d’accomplir essentiellement la même fonction, d’une manière essentiellement identique pour obtenir essentiellement le même résultat » et il doit être clair que l’intention de l’inventeur, telle qu’elle est exprimée dans les revendications, est que l’élément puisse être remplacé ou omis. Il est aussi fait référence dans la RDF à l’affirmation faite dans Canada (AG) c. Amazon.com, 2011 CAF 328 [Amazon.com] selon laquelle c’est du libellé des revendications interprétées téléologiquement dont il convient de tenir compte.

[15]           Toutefois, comme nous l’avons souligné dans la lettre de RP, il a été confirmé dans Easton Sports Canada Inc. c. Bauer Hockey Corp., 2011 CAF 83 (aux paragraphes 31, 33, 39 et 40) que Free World Trust énonce les exigences relatives au caractère non essentiel à titre subsidiaire. Autrement dit, un élément est non essentiel si le libellé de la revendication l’indique ou s’il est clair pour la personne versée dans l’art que l’élément peut être remplacé.

[16]           De plus, dans Amazon.com (aux paragraphes 43, 44, 62 et 63), la Cour d’appel fédérale a indiqué que l’objet brevetable devait être évalué sur le fondement de l’interprétation téléologique, laquelle « nécessite que le commissaire soit attentif à la possibilité qu’une revendication du brevet puisse être exprimée dans un langage qui soit trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance ». À titre d’exemple, la Cour a cité la situation dans Schlumberger Canada Ltd c. Commissaire aux brevets, [1982] 1 CF 845 (CA), indiquant que [Traduction] « ce qui, à première vue, semble être la revendication d’une “réalisation” ou d’un “procédé” peut, dans le cadre d’une interprétation appropriée, constituer la revendication d’une formule mathématique et, par conséquent, ne pas constituer un objet brevetable » et mentionnant le fait que la formule mathématique avait été programmée dans un ordinateur.

[17]           Ainsi qu’il est expliqué à la section 13.05.02c du RPBB, les éléments ayant un effet substantiel sur le fonctionnement d’une réalisation pratique donnée ne sont pas nécessairement tous essentiels à la solution; certains des éléments mentionnés définissent le contexte ou l’environnement de la réalisation, mais dans les faits ne modifient pas la nature de la solution. L’interprétation téléologique doit donc porter sur les éléments qui sont nécessaires pour que la solution — qui est proposée dans la description et qui sous-tend la réalisation revendiquée — puisse produire le résultat escompté.

Objet prévu par la Loi

[18]           La définition d’une invention est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[19]           L’énoncé de pratique PN2013–03, intitulé « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » (OPIC, mars 2013) [PN2013–03] apporte des précisions quant à l’approche utilisée par le Bureau des brevets pour déterminer si une invention mise en œuvre par ordinateur constitue un objet prévu par la Loi.

[20]           Comme l’indique l’énoncé de pratique PN2013-03, lorsqu’il est déterminé qu’un ordinateur constitue un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué n’est pas une invention désincarnée (p. ex., simples idées, schémas, plans ou ensembles de règles, etc.), qui serait non prévue par la Loi.

Évidence

[21]           L’article 28.3 de la Loi sur les brevets exige que l’objet revendiqué ne soit pas évident :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

[22]           Dans Apotex c. Sanofi-Synthelabo Canada, 2008 CSC 61 [Sanofi], au paragraphe 67, la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il est utile, pour évaluer l’évidence, de suivre la démarche en quatre étapes suivante [Traduction] :

(1)a)  Identifier la « personne versée dans l’art »;

  b)     Déterminer les CGC pertinentes de cette personne;

(2)     Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3)     Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)     Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

Analyse

[23]           Les références suivantes ont été citées comme étant pertinentes dans la DF et nous avons cité ces mêmes références dans la lettre de RP :

         D1          US 8352324                8 janvier 2013             Moderegger et al.

         D2          CA 2352761               8 juin 2000                  Gindlesperger

         D3          US 6131087                10 octobre 2000          Luke et al.

         D4          US 2001/0047284       29 novembre 2001      Blalock et al.

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art et les CGC pertinentes

[24]           Dans la lettre de RP, nous avons défini la personne versée dans l’art comme étant une équipe formée d’un professionnel en logistique possédant une expérience des procédés de courtage de contrats d’expédition et d’un programmeur ou autre technologue possédant une expérience dans le développement et la fourniture des logiciels, des outils et de l’infrastructure traditionnellement utilisés pour soutenir ces professionnels dans leur travail.

[25]           Nous avons ensuite recensé les CGC suivantes :

         connaissance du processus d’expédition, des procédés et systèmes généralement employés pour négocier des contrats et retenir des services d’expédition, ainsi que des limites de ces procédés et systèmes;

         matériel informatique à usage général et techniques de programmation informatique;

         utilisation classique des réseaux de communication informatiques;

         reconnaissance du fait qu’il y a des avantages à utiliser des ordinateurs, des logiciels et une infrastructure de communication moderne, etc. pour automatiser ou faciliter l’exécution des étapes de procédures administratives, comme les processus de courtage de contrats;

         utilisation de numéros d’identification uniques pour permettre aux gens d’accéder correctement à des documents, des dossiers, des questions ou d’autres renseignements d’intérêt.

[26]           L’inclusion des points susmentionnés est fondée sur notre définition de la personne versée dans l’art, sur la description de l’état de la technique qui est présentée dans la demande (pages 1 et 2) et dans les documents D1 (colonnes 1 à 3), D2 (pages 1 à 11), D3 (colonnes 1 à 3) et D4 (paragraphes 1 à 5) ainsi que sur le peu de détails que contient la présente description en ce qui concerne l’informatisation du processus de courtage. L’inclusion du dernier point repose également sur le fait que le document D3 (colonnes 5 et 10) donne comme exemple l’attribution de numéros d’identification uniques aux contrats afin de permettre aux parties concernées d’accéder aux renseignements appropriés qui sont associés aux transactions dans la base de données.

Problème et solution

[27]           Dans la RDF, le demandeur a prétendu que le problème consistait à empêcher toute influence indue sur la décision du solliciteur d’octroyer le contrat d’expédition à un fournisseur de services plutôt qu’à un autre. Ainsi, le demandeur a soutenu que la solution résidait dans le fait de communiquer les paramètres des propositions de prix présentées par les fournisseurs de services au moyen de champs de données d’un format normalisé, de manière à prévenir la transmission d’information superflue susceptible d’avoir une influence indue.

[28]           Il est expliqué dans la description (pages 1 et 2) que, même si certaines étapes des procédés utilisés pour retenir des services d’expédition ont été partiellement automatisées grâce aux technologies modernes ou à des solutions autonomes, l’exécution de ces procédés demeure généralement coûteuse en main-d’œuvre et en temps et n’aboutit pas toujours à l’option la plus rentable. Cette situation est liée au fait que les solliciteurs sont fortement tributaires d’évaluations, de décisions et de communications assurées par des humains (par opposition à des évaluations, des décisions et des communications facilitées ou régulées par des systèmes automatisés), du fait qu’il n’existe pas de normes de procédé uniformisées pour gérer avec efficience l’ensemble des tâches d’expédition courantes. En outre, les fournisseurs de services n’ont ni la capacité de dicter un niveau d’automatisation aux solliciteurs ni la volonté de créer pour eux une solution automatisée. Comme solution à ces problèmes, la demande propose une méthode et un système assurant un courtage efficient des contrats d’expédition grâce à l’utilisation d’un format normalisé et simplifié pour l’évaluation et la prise de décisions impartiales.

[29]           La description ne fait mention d’aucun défi lié à la mise en œuvre d’un ordinateur ou d’un système de communication aux fins du processus de courtage. Les passages (pages 10, 11, 14 et 16) qui décrivent les fonctions informatiques et de communication du système, ainsi que ses composantes matérielles possibles, sont formulés en des termes très généraux.

[30]           Ainsi, comme nous l’avons expliqué dans la lettre de RP, compte tenu du niveau et de la nature des renseignements fournis dans la description en ce qui concerne la mise en œuvre, la personne versée dans l’art comprendrait que le problème ne réside pas dans la façon d’informatiser le processus ou dans la façon de mettre en œuvre le processus à l’aide de systèmes informatiques, mais qu’il est plutôt lié à l’absence d’un format normalisé pour consigner et évaluer les données qui interviennent dans le processus de courtage. Cette compréhension concorde avec l’inclusion dans les CGC des systèmes informatiques et de communication permettant de faciliter et d’automatiser les étapes du processus de courtage.

[31]           En conséquence, nous sommes d’avis que la solution réside dans l’utilisation d’un format normalisé et simplifié permettant de procéder à des évaluations et de prendre des décisions impartiales d’une façon efficiente et transparente dans le cadre du processus de courtage de contrats d’expédition.

Les éléments essentiels

[32]           Les revendications indépendantes 1 et 7 au dossier visent des systèmes et la revendication indépendante 8 vise une méthode. Toutes les revendications indépendantes au dossier font mention d’un système informatique (ou de son utilisation) pour accepter, communiquer et stocker de l’information liée au processus consistant pour un solliciteur à communiquer des demandes de prix à des fournisseurs de services sélectionnés, à recevoir des propositions de prix de la part des fournisseurs de services et à communiquer le choix du solliciteur parmi les propositions de prix reçues; sachant que les détails de chaque proposition de prix sont entièrement contenus dans des champs de données d’un format normalisé prescrit et que la proposition de prix constitue l’unique moyen pour les fournisseurs de services d’entrer des données dans le cadre du processus. Les revendications dépendantes au dossier contiennent des détails supplémentaires au sujet de ce qui est communiqué et du contenu des champs de données.

[33]           La revendication 7 qui est la plus étroite des revendications, est reproduite ci-dessous à titre de référence [Traduction] :

7.       Système pour exécuter des communications relatives à des contrats d’expédition entre un solliciteur et un fournisseur de services comprenant :

a. un moyen informatique matériel client configuré pour permettre au solliciteur et au fournisseur de services d’envoyer et de recevoir des communications au moyen d’un réseau de communication, le moyen informatique matériel client comprenant une première mémoire lisible par ordinateur dans laquelle sont stockés des énoncés et des instructions devant être exécutés par un premier processeur de manière à

i) permettre au solliciteur d’entrer les renseignements d’entreprise et les coordonnées d’une pluralité de fournisseurs de services connus avec lesquels ledit solliciteur est déjà en relation, ou dont il connaît l’existence, afin de générer un ensemble prédéfini de fournisseurs de services;

ii) permettre au solliciteur d’entrer une demande de prix pour un service d’expédition requis et sélectionner des fournisseurs de services spécifiques parmi l’ensemble prédéfini de fournisseurs de services afin de générer une liste de distribution contenant les noms des fournisseurs de services auxquels la demande de prix pour ledit service d’expédition requis sera envoyée;

iii) permettre à chacun des fournisseurs de services spécifiques compris dans la liste de distribution d’entrer leur proposition de prix respective;

b. un moyen de stocker des ensembles de données sur

i) l’identité et les coordonnées du fournisseur de services;

ii) les paramètres du service d’expédition requis d’après la demande de prix entrée par le solliciteur;

iii) les détails des propositions de prix contenus dans les propositions de prix entrées par les fournisseurs de services;

c. un moyen informatique matériel central comprenant une deuxième mémoire lisible par ordinateur dans laquelle sont stockées des énoncés et des instructions devant être exécutés par un deuxième processeur de manière à :

i) recevoir une communication du solliciteur comprenant la demande de prix et de l’information concernant les fournisseurs de services spécifiques compris dans la liste de distribution;

ii) distribuer la communication contenant les détails de la demande de prix pour le service d’expédition requis aux fournisseurs de services spécifiques compris dans la liste de distribution;

iii) recevoir des communications d’au moins certains des fournisseurs de services spécifiques compris dans la liste de distribution contenant leur proposition de prix respective pour le service d’expédition requis;

iv) jumeler la communication du fournisseur de services et les communications du solliciteur au moyen d’un numéro d’identification unique;

v) générer un rapport dans lequel les propositions de prix reçues dans les communications des fournisseurs de services sont regroupées en fonction des détails contenus dans la demande de prix antérieurement entrée par le solliciteur et distribuée à l’aide des moyens informatiques matériels et logiciels centraux;

vi) consigner un contrat octroyé par le solliciteur fondé sur la proposition de prix retenue par le solliciteur parmi celles présentées dans les communications reçues desdits au moins certains fournisseurs de services spécifiques;

vii) envoyer une notification de contrat octroyé par le solliciteur à celui des fournisseurs de services spécifiques dont la proposition de prix a été retenue par le solliciteur;

vii) envoyer une notification de refus à un ou plusieurs des fournisseurs de services spécifiques dont la proposition de prix n’a pas été retenue par le solliciteur;

ix) envoyer une notification de clôture des soumissions à un ou plusieurs des fournisseurs de services spécifiques compris dans la liste de distribution qui n’ont pas soumis de proposition de prix;

x) recevoir une communication postérieure à l’octroi de la part de celui des fournisseurs de services spécifiques auquel le contrat a été octroyé, la communication postérieure à l’octroi contenant une mise à jour sur l’état d’avancement du service d’expédition requis;

sachant que le moyen informatique matériel central est configuré de telle sorte que la réception des communications de fournisseurs de services à l’étape iii) comprend l’extraction des propositions de prix desdits au moins certains fournisseurs de services spécifiques par l’intermédiaire uniquement de champs de données d’un format normalisé prescrit, et l’utilisation desdits champs d’un format normalisé prescrit comme unique moyen d’entrer des données pour lesdits au moins certains fournisseurs de services spécifiques dans le cadre des communications des fournisseurs de services, et que le format normalisé prescrit constituant l’unique moyen d’entrer des données pour lesdits au moins certains fournisseurs de services spécifiques empêche ces derniers de transmettre de l’information superflue à même leur proposition de prix, laquelle pourrait autrement influencer indûment le choix du solliciteur parmi les propositions de prix reçues à l’étape vi).

[34]           Dans la RDF, le demandeur soutient que, non seulement l’utilisation de champs de données d’un format normalisé prescrit doit être considérée comme un élément essentiel, mais que cette utilisation rend automatiquement l’ordinateur mentionné également essentiel.

[35]           Nous sommes d’avis que la solution réside dans l’utilisation d’un format normalisé et simplifié qui permet de procéder à des évaluations et de prendre des décisions impartiales d’une façon efficiente et transparente dans le cadre du processus de courtage de contrats d’expédition. Comme nous l’avons expliqué dans la lettre de RP, ce changement dans le processus de courtage repose sur l’utilisation de champs de données normalisés d’un format précis; il ne découle pas de l’informatisation du processus ou de la façon dont les résultats du processus sont communiqués. La solution ne réside pas dans le fait d’utiliser des ordinateurs ou dans la façon de le faire. En fait, l’informatisation de certains aspects du processus de courtage de contrats d’expédition fait partie des CGC. Par exemple, une fois que la décision a été prise de restreindre l’information fournie par un fournisseur de services à des types spécifiques de données et de formats, il semble naturel de recourir ensuite à des techniques faisant partie des CGC impliquant des formulaires informatisés ou sur support papier. Ainsi, même si les éléments liés à du matériel informatique ou à un réseau informatique mentionnés dans les revendications contribuent à définir le contexte ou l’environnement de fonctionnement de la réalisation revendiquée, dans les faits, ils ne modifient pas la nature de la solution. Ils pourraient être remplacés par d’autres éléments sans que la nature de la solution s’en trouve modifiée.

[36]           Par conséquent, nous sommes d’avis que les éléments essentiels de la revendication 1 sont les étapes et les règles énumérées ci-dessous qui régissent la procédure à suivre pour procéder à des évaluations et prendre des décisions dans le cadre du processus de courtage de contrats d’expédition :

         recevoir, d’un solliciteur, les renseignements d’entreprise et les coordonnées d’une pluralité de fournisseurs de services connus afin de générer un ensemble prédéfini de fournisseurs de services pour le solliciteur;

         recevoir, du solliciteur, de l’information sur un service d’expédition requis et sur des fournisseurs de services spécifiques sélectionnés parmi l’ensemble du solliciteur pour recevoir une demande de prix (DDP);

         transmettre les détails du service d’expédition requis aux fournisseurs de services sélectionnés pour recevoir une DDP;

         recevoir, d’au moins certains des fournisseurs de services qui ont reçu une DDP, les détails d’une proposition de prix pour le service d’expédition requis, sachant que :

o   les détails sont fournis uniquement par l’intermédiaire de champs de données qui sont d’un format normalisé prescrit et qui constituent l’unique moyen d’entrer des données pour les fournisseurs de services sélectionnés pour recevoir un DDP, ce qui empêche ces derniers de transmettre au solliciteur de l’information superflue susceptible d’avoir une influence indue;

         générer une notification de rapport au sujet des propositions de prix reçues une fois la période de proposition terminée.

[37]           Ces éléments essentiels sont également présents dans la revendication indépendante 8, qui comprend, en outre, les étapes suivantes :

         une fois que le solliciteur a désigné le fournisseur de services dont la proposition de prix a été retenue parmi celles indiquées dans la notification de rapport, envoyer une confirmation d’octroi du contrat au fournisseur de services désigné;

         envoyer une notification de refus à un ou plusieurs fournisseurs de services dont les propositions de prix n’ont pas été retenues;

         envoyer une notification de clôture des soumissions à au moins un des fournisseurs de services spécifiques qui n’ont pas soumis de proposition de prix;

         rendre accessible une notification de l’état et des détails de l’expédition à titre de communication postérieure à l’octroi entre le solliciteur et le fournisseur de services désigné.

[38]           À l’instar des autres éléments essentiels, ces étapes supplémentaires ont trait à la procédure de prise de décisions qui intervient dans le processus de courtage de contrats, et non à un quelconque élément informatique. De façon similaire, la revendication indépendante 7 contient les mêmes éléments essentiels que la revendication 8, mais comprend en outre l’étape consistant à jumeler les communications du fournisseur de services et du solliciteur au moyen d’un numéro d’identification unique.

[39]           Nous considérons que les différences entre le libellé des revendications dépendantes et celui des revendications indépendantes dont elles découlent reflètent simplement des réalisations différentes du même ensemble d’éléments essentiels.

Objet prévu par la Loi

[40]           Dans la RDF, le demandeur soutient que puisque des éléments informatiques tangibles comptent parmi les éléments essentiels (lesquels seraient nécessaires aux champs de données d’un format normalisé prescrit, selon le demandeur), l’invention revendiquée est brevetable.

[41]           Or, selon l’interprétation ci-dessus, les éléments essentiels en l’espèce sont les étapes et les règles qui régissent la procédure à suivre pour procéder à des évaluations et prendre des décisions dans le cadre du processus de courtage de contrats d’expédition; les éléments essentiels n’incluent pas d’ordinateur. Ces éléments n’entraînent aucun effet discernable ou changement dans la nature ou l’état d’un objet physique. Ils impliquent simplement d’exécuter un plan ou un principe d’action sans qu’aucun résultat physique ne découle directement de l’exécution de ce plan ou de ce principe. Ces éléments n’entrent dans aucune des catégories d’invention prévues à l’article 2.

[42]           Par conséquent, notre opinion est la même que celle que nous avons exprimée dans la lettre de RP : les revendications 1 à 9 ne définissent pas un objet prévu par la Loi et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Évidence

Identifier la personne versée dans l’art et les CGC pertinentes

[43]           Nous considérons que les définitions susmentionnées de la personne versée dans l’art et des CGC pertinentes s’appliquent aux fins de l’analyse de l’évidence.

Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[44]           Dans la lettre de RP, nous avons considéré que l’interprétation des revendications représentait également le concept inventif de ces dernières; nous conservons cette approche aux fins de l’analyse de l’évidence.

Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

[45]           Comme nous l’avons expliqué dans la lettre de RP, nous considérons que le document D1 est la plus pertinente des références citées. Il divulgue un système (abrégé, colonnes 2, 3, 5, 6, 9 et 13) permettant de gérer les demandes de soumissions pour la fourniture de produits et de services, ainsi que l’évaluation de ces soumissions. L’utilisation du système comprend la création, par un solliciteur, d’une base de données contenant de l’information sur un ensemble de fournisseurs de services, et l’entrée par le solliciteur d’information au sujet d’un service d’expédition requis ainsi que la sélection des fournisseurs de services qui recevront une DDP pour le service d’expédition requis. La DDP est transmise aux fournisseurs de services sélectionnés, dont au moins certains soumettent en réponse une proposition de prix pour le service. Une fois la période de soumission terminée, le solliciteur reçoit une notification de rapport au sujet des propositions de prix reçues. Le solliciteur sélectionne une des propositions de prix reçues et le contrat est octroyé au fournisseur de services correspondant. Des communications postérieures à l’octroi ont lieu entre le solliciteur et le fournisseur de services, car l’exécution du service d’expédition est surveillée et évaluée.

[46]           Du point de vue de l’ensemble des revendications, le document D1 ne divulgue pas explicitement que l’unique moyen d’entrer des données pour les fournisseurs de services prend la forme de champs de données d’un format normalisé prescrit servant à communiquer les détails des propositions de prix.

[47]           En outre, s’agissant des revendications 7 à 9 uniquement, le document D1 ne divulgue pas non plus l’envoi de notifications de refus ou de clôture de la période de soumission.

[48]           De plus, en ce qui concerne la revendication 7 uniquement, le document D1 ne divulgue pas non plus explicitement l’utilisation d’un numéro d’identification unique pour jumeler les communications.

Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[49]           Comme nous l’avons reconnu dans la lettre de RP en ce qui concerne la différence entre le document D1 et l’ensemble des revendications, le document D1 (colonnes 1, 3, 12, 13) ne divulgue pas que l’unique moyen d’entrer des données pour les fournisseurs de services prend la forme de champs de données d’un format normalisé prescrit servant à communiquer les détails des propositions de prix. Il reconnaît, cependant, l’importance d’une même compréhension entre le solliciteur et le fournisseur de services en ce qui concerne les détails du service et les exigences associées à la proposition de prix, ainsi que l’importance que les propositions de prix soient présentées selon un format uniforme permettant de les évaluer et de les comparer de façon équitable. À cette fin, le document D1 divulgue l’utilisation d’un [Traduction] « masque » (un genre de formulaire comportant des espaces réservés à l’entrée de données spécifiques), d’échantillons de texte, de champs de données et d’un moyen de validation des données pour s’assurer que la proposition de prix présentée par le fournisseur de services contient les bons types de données, dans un format approprié.

[50]           De plus, le document D4 (paragraphes 211 à 215 et 222 à 228; figures 27-4, 27-5 et 30-1) divulgue un système de négociation de contrats de transport qui exigent également des fournisseurs de services qu’ils fournissent les détails de leur proposition de prix dans des champs de données d’un format normalisé prescrit. Sachant que les documents D1 et D4 s’inscrivent dans des contextes commerciaux similaires et visent des systèmes qui, de façon générale, remplissent la même fonction et fonctionnent de la même manière, la personne versée dans l’art aurait eu une motivation de combiner leurs enseignements dans un contexte où il aurait été sensé de le faire. Sous réserve de certains obstacles, le fait d’intégrer les caractéristiques ou le fonctionnement de l’un à l’autre n’aurait pas constitué une étape inventive. À notre avis, il aurait été évident d’exiger des fournisseurs de services qu’ils utilisent de tels champs de données pour communiquer les détails d’une proposition de prix.

[51]           En ce qui concerne la restriction des communications entre le solliciteur et les fournisseurs de services, le document D1 (colonnes 10 et 13) reconnaît également l’importance d’empêcher la fixation collusoire des prix et les irrégularités dans le processus de courtage et, à cette fin, indique de limiter les communications pendant le processus. Dans ce contexte, et compte tenu des CGC concernant les procédés de courtage de contrats d’expédition, il aurait également été évident de limiter les communications du fournisseur de services avec le solliciteur pendant le processus à la seule entrée contrôlée des détails de la proposition de prix.

[52]           En ce qui concerne les différences supplémentaires entre le document D1 et chacune des revendications 7 à 9, le document D4 (paragraphes 79, 214, 215 et 220; figure 26-1) divulgue également à la fois que les fournisseurs de services peuvent recevoir des notifications de refus en temps opportun et que la date de clôture pour la présentation de propositions de prix est communiquée à l’ensemble des fournisseurs de services ayant reçu la DDP. Compte tenu des CGC concernant les procédés de courtage de contrats d’expédition, notre opinion est la même que celle que nous avons exprimée dans la lettre de RP : il aurait été évident de modifier le système du document D1 pour y intégrer les notifications divulguées dans le document D4.

[53]           S’agissant de la différence supplémentaire entre le document D1 et la revendication 7 en particulier, l’utilisation de numéros d’identification uniques pour permettre aux gens d’accéder correctement à des documents, des dossiers, des questions ou d’autres renseignements d’intérêt faisait partie des CGC. Il aurait donc été évident d’indiquer un tel numéro dans des communications pour s’assurer que les parties concernées font référence au même (et au bon) contrat.

Conclusion quant à l’évidence

[54]           Comme nous l’avons expliqué dans la lettre de RP, nous considérons que l’objet des revendications 1 à 9 au dossier aurait été évident pour la personne versée dans l’art à la lumière du document D1, au regard du document D4 et des CGC. Par conséquent, ces revendications ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

Mémoire descriptif proposé

[55]           Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, le demandeur a proposé un mémoire descriptif et un abrégé modifiés. Dans la RDF, le demandeur a indiqué que les modifications apportées à la description avaient pour but d’inclure les éléments des revendications indépendantes dans le résumé de l’invention et de mettre l’accent sur un problème et une solution spécifiques.

[56]           La description proposée indique qu’un problème principal est lié au fait que les solliciteurs sont fortement tributaires de décisions prises par des humains par opposition à des décisions prises avec l’aide d’un système informatique automatisé qui assure une comparaison et une sélection transparentes et impartiales des propositions de prix reçues. La description indique également que la capacité de prendre des décisions réellement impartiales est aussi amoindrie par le facteur humain qui intervient dans les communications entre les solliciteurs et les fournisseurs de services. La description proposée indique ensuite que son principal objet est une méthode et un système permettant d’assurer le courtage de contrats de services d’expédition d’une manière qui empêche l’exercice d’une influence indue.

[57]           Comme nous l’avons souligné dans la lettre de RP, la solution serait néanmoins mise en œuvre de la même manière, c’est-à-dire par l’utilisation d’un format normalisé simplifié permettant de procéder à des évaluations et de prendre des décisions impartiales.

[58]           Ainsi, comme nous l’avons indiqué dans la lettre de RP, nous sommes d’avis que l’interprétation des revendications du mémoire descriptif proposé demeurerait la même en dépit des modifications proposées à la description.

[59]           Par conséquent, notre opinion en ce qui concerne l’objet non prévu par la Loi et l’évidence s’applique également au mémoire descriptif proposé. Il s’ensuit que le mémoire descriptif proposé n’est pas considéré comme une modification déterminée nécessaire aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[60]           Compte tenu de ce qui précède, le comité recommande que la demande soit rejetée pour les motifs suivants :

         les revendications 1 à 9 définissent un objet non prévu par la Loi et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets;

         les revendications 1 à 9 définissent un objet qui aurait été évident à la date de revendication et, par conséquent, ne sont pas conformes à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets;

Leigh Matheson                      Paul Fitzner                             Liang Ji
Membre                                   Membre                                   Membre

Décision de la commissaire

[61]           Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande. Les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 ni à l’alinéa 28.3b) de la Loi sur les brevets.

[62]           En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec),
en ce 4jour de juillet 2019

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.