Brevets

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Décision du commissaire no 1478

Commissioner’s Decision No. 1478

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :      J00 Signification de la technique
J50 Simple plan


TOPICS:       J00 Meaning of Art
J50 Mere plan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 635 393

Application No. 2,635,393

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 635 393 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

OSLER, HOSKIN & HARCOURT LLP

340, rue Albert, bureau 1900

Ottawa (Ontario) K1R 7Y6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

Introduction

 

[1]          La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 635 393 intitulée « Méthode et systèmes permettant la fourniture d’un portefeuille anti-repère », qui est inscrite au nom de Yves Choueifaty. La question à trancher est celle de savoir si l’objet revendiqué est brevetable ou non.

[2]          La Commission d’appel des brevets (« la Commission ») a procédé à une révision de la demande refusée conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[3]          La demande de brevet 2 635 393 (« la présente demande ») a été déposée au Canada le 19 juin 2008 et a été rendue publique le 22 décembre 2008.

[4]          La présente demande concerne la sélection et la gestion d’un portefeuille de titres avec diversification maximale.

Historique de la poursuite

[5]          Le 28 janvier 2016, une décision finale (« DF ») a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indique que la demande est irrégulière au motif que les revendications 1 à 27 au dossier englobent un objet qui n’entre pas dans la définition d’« invention » et qu’elles sont, de ce fait, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[6]          Dans une réponse à la DF (RDF) en date du 28 juillet 2016, le demandeur a soumis un premier ensemble de revendications proposées et a fait valoir que ce premier ensemble de revendications proposées visait une catégorie d’invention brevetable.

[7]          L’examinateur ayant jugé que la demande n’était pas conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission le 11 octobre 2016 pour révision conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets. Elle était accompagnée d’une explication exposée dans le résumé des motifs (RM) maintenant le refus fondé sur les irrégularités mentionnées dans la DF.

[8]          Dans une lettre datée du 19 octobre 2016, la Commission a transmis une copie du RM au demandeur et a demandé à ce dernier de confirmer son intérêt continu pour la révision de la demande. Dans une réponse en date du 18 janvier 2017, le demandeur a confirmé son intérêt continu pour la révision de la demande.

[9]          Un comité a été constitué dans le but de réviser la demande conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets et de présenter une recommandation au commissaire quant à la décision à rendre.

[10]      Dans une lettre d’examen préliminaire (lettre d’EP) en date du 30 juillet 2018, le comité a énoncé son analyse préliminaire et les raisons pour lesquelles, à la lumière du dossier écrit, les revendications au dossier et le premier ensemble de revendications proposées englobent un objet qui n’entre pas dans la définition d’« invention » et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Dans la lettre d’EP, le comité a offert au demandeur la possibilité de participer à une audience et de présenter des observations supplémentaires.

[11]      Dans une réponse à la lettre d’EP (REP) en date du 1er octobre 2018, le demandeur a soumis un deuxième ensemble de revendications proposées et a soutenu que ce deuxième ensemble de revendications proposées visait une catégorie d’invention brevetable. Le demandeur a étayé son argument par une déclaration de Tristan Froidure (affidavit Froidure), directeur de la recherche chez TOBAM (société de gestion de placements fondée par l’inventeur Yves Choueifaty, PDG et directeur des placements chez TOBAM). Le demandeur a également proposé des pages de description modifiées qui incluent le libellé correspondant aux revendications proposées.

[12]      Lors d’une audience tenue le 4 octobre 2018, le demandeur a expliqué davantage les observations contenues dans la REP.

Questions

[13]      La question à trancher dans le cadre de la présente révision est celle de savoir si les revendications au dossier définissent un objet qui n’entre pas dans la définition d’« invention » et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[14]      Nous examinerons également le deuxième ensemble de revendications proposées afin de déterminer si elles constituent des modifications nécessaires pour rendre la demande conforme à la Loi et aux Règles.

Principes juridiques et pratiques du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[15]      Conformément à Free World Trust c. Électro Santé, 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool c. Camco, 2000 CSC 67 [Whirlpool], aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB], révisé en juin 2015 (OPIC), la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (« CGC ») pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par l’inventeur et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, tel qu’elle est revendiquée.

[16]      Aux pages 2 et 3 de la REP, le demandeur a exprimé son désaccord avec la démarche utilisée par le Bureau pour interpréter les revendications. Plus particulièrement, le demandeur a fait valoir que [Traduction] « la première étape de l’interprétation téléologique ne consiste pas à identifier la personne versée dans l’art, mais à interpréter les revendications afin de leur donner du sens et déterminer leur portée » (REP, page 2, para 3). Le demandeur a ensuite fait valoir que les règles d’interprétation des revendications figurent dans Whirlpool et Free World Trust où les étapes subséquentes consistent à définir la personne versée dans l’art et à établir les CGC (REP, page 3).

[17]      L’observation du demandeur peut être interprétée de deux façons différentes. L’observation peut être perçue comme une démarche par étapes d’interprétation des revendications selon laquelle la première étape consiste à interpréter les revendications pour en déterminer la signification et la portée et la deuxième étape à définir la personne versée dans l’art et les CGC.

[18]      L’une des étapes de l’interprétation des revendications énoncée dans Free World Trust et mise en évidence par le demandeur, c’est que [Traduction] « les revendications doivent être interprétées d’une manière éclairée et téléologique avec un esprit désireux de comprendre, du point de vue de la personne versée dans l’art à la date de publication eu égard aux connaissances générales courantes ».

[19]      À notre avis, cela nécessite qu’une interprétation téléologique se fasse uniquement après que la personne versée dans l’art et les CGC ont été définies. Cette approche reflète les directives du RPBB mentionnées à la section 13.05.02b qui précise qu’une interprétation téléologique dûment éclairée doit tenir compte du mémoire descriptif dans son ensemble tel que le concevrait la personne versée dans l’art, à la lumière des CGC dans le ou les domaines dont relève l’invention, de manière à définir le problème abordé et la solution proposée dans la demande. La solution à ce problème fournit des indications qui permettent de déterminer les éléments essentiels, sachant cependant que les éléments qui ont un effet substantiel sur le fonctionnement d’une réalisation donnée ne sont pas nécessairement tous des éléments essentiels de la solution.

[20]      L’observation du demandeur peut sinon être perçue comme une affirmation selon laquelle l’ensemble des éléments de la revendication doivent être considérés comme essentiels. Également en ce qui a trait aux éléments essentiels, le demandeur a fait valoir à l’audience que [Traduction] « un élément donné peut être déclaré essentiel sur le fondement de l’intention de l’inventeur, telle qu’il l’exprime dans les revendications ou telle qu’on peut l’en déduire », citant Halford c. Seed Hawk Inc, 2006 CAF 275 au par. 13.

[21]      À notre avis, la jurisprudence canadienne établit que l’interprétation téléologique ne peut reposer seulement sur l’interprétation littérale des revendications du brevet et qu’un élément d’une revendication peut ne pas faire partie de l’ensemble des éléments essentiels d’une invention revendiquée, suivant Canada (Procureur général) c. Amazon.com Inc., 2011 CAF 328 [Amazon.com] aux par. 43 et 44 :

[43] Cependant, il me semble que la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, en particulier dans Free World Trust et Whirlpool, requiert que l’identification de l’invention réelle par le commissaire soit fondée sur une interprétation téléologique des revendications du brevet. Cette identification ne peut reposer seulement sur l’interprétation littérale des revendications du brevet ou sur la détermination de « l’essentiel de l’invention » au sens où le juge Binnie utilise ces termes dans les motifs qu’il a rédigés pour la Cour suprême du Canada dans Free World Trust, au paragraphe 46.

[44] Une interprétation téléologique nécessite que le commissaire soit attentif à la possibilité qu’une revendication du brevet puisse être exprimée dans un langage qui soit trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance. Par exemple, ce qui à première vue semble être la revendication d’une « réalisation » ou d’un « procédé » peut, dans le cadre d’une interprétation appropriée, constituer la revendication d’une formule mathématique et, par conséquent, ne pas constituer un objet brevetable. C’était le cas dans Schlumberger Canada Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), [1982] 1 C.F. 845 (C.A.).

 

Objet non prévu par la Loi

[22]      La définition d’« invention » est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

 

[23]      À la suite de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Amazon.com, le Bureau a publié l’énoncé de pratique intitulé « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur – PN 2013-03 » (OPIC, mars 2013) [PN2013-03] dans lequel on précise la pratique du Bureau pour déterminer si une invention mise en œuvre par ordinateur constitue un objet prévu par la Loi.

[24]      Comme il est indiqué dans l’énoncé de pratique PN 2013-03, lorsqu’un ordinateur est jugé comme un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué sera généralement brevetable [prévu par la Loi]. Lorsque, en contrepartie, il est déterminé que les éléments essentiels d’une revendication interprétée se limitent à un objet exclu de la définition du terme « invention » (par exemple, les beaux-arts, les méthodes de traitement médical, une simple idée, un schéma, une série de règles, etc.), l’objet revendiqué ne sera pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Analyse

Vue d’ensemble de la présente demande

[25]      La lettre d’EP, aux pages 3 à 5, donne un aperçu de la présente demande [Traduction] :

Les indices de référence sont des portefeuilles d’instruments financiers qui représentent certains aspects du marché total, comme la capitalisation boursière, les secteurs, les tendances du marché, etc. Par exemple, le S&P 500 et le Dow Jones Industrial Average sont deux des indices boursiers de référence à forte capitalisation les plus populaires. Les fonds communs de placement indiciels ou les fonds indiciels négociables en bourse sont des portefeuilles financiers créés pour suivre les principaux indices et permettre aux investisseurs d’intégrer de tels fonds dans leurs portefeuilles de placements. Ces fonds sont créés selon des règles prédéfinies, comme la pondération des actifs individuels en fonction de leur capitalisation boursière.

Un problème que présentent les indices de référence pondérés par la capitalisation boursière est qu’ils sont plus susceptibles de surpondérer des titres surévalués et sont donc vulnérables à la volatilité du marché ou au risque systématique (présente demande, page 11, lignes 4 à 11). Autrement dit, les indices pondérés par la capitalisation boursière présentent un niveau de risque plus élevé que nécessaire pour obtenir un rendement conforme au marché sous-jacent. La présente demande met en évidence l’objectif d’un portefeuille plus performant et fait référence à Efficient Frontier, un portefeuille optimal qui offre le plus faible niveau de risque pour un rendement donné (présente demande, figure 1).

Selon la présente demande, la recherche indique que la conception de portefeuilles avec l’intention délibérée de s’appuyer sur une faible corrélation aux indices dans le respect des limites acceptables de gestion du risque génère des possibilités de portefeuilles à faible risque sans compromettre le rendement attendu sur des périodes de plusieurs années (page 3, lignes 6 à 9).

L’invention vise une méthode et un système de sélection et de gestion d’un portefeuille de titres dans lequel la corrélation et les covariances des mêmes actifs d’un portefeuille de référence sont utilisées pour sélectionner les titres de l’anti-repère, la pondération des actifs du portefeuille étant déterminée par l’optimisation de la diversification du portefeuille, au moyen de techniques standard d’optimisation de portefeuilles. Le portefeuille anti-repère devient un produit d’investissement qui offre un rendement semblable, mais qui présente une volatilité moindre ou un plus faible risque que les portefeuilles de référence correspondants, ce qui permet de réaliser un meilleur rapport rendement-risque (présente demande, page 1).

 

[26]      Le dossier contenait 27 revendications à la date de la DF, dont trois revendications indépendantes. La revendication indépendante 1 est ainsi formulée [Traduction] :

Une méthode mise en œuvre par ordinateur générant un portefeuille anti-repère, ladite méthode comprenant :

l’acquisition, au moyen d’un système informatique, de données concernant un premier groupe de titres dans un premier portefeuille, où le système informatique comprend un processeur et une mémoire rattachée audit processeur;

l’identification, au moyen d’un système informatique, d’un deuxième groupe de titres à inclure dans un deuxième portefeuille fondé sur lesdites données et sur les caractéristiques de risque dudit deuxième groupe de titres; et

la génération, au moyen d’un système informatique, des pondérations individuelles pour chaque titre dudit deuxième portefeuille selon une ou plusieurs procédures d’optimisation de portefeuilles qui optimisent le rapport anti-repère pour le deuxième portefeuille où le rapport anti-repère est représenté par le quotient de :

un numérateur comprenant un produit interne d’un vecteur ligne d’actions dans ledit deuxième portefeuille et un vecteur colonne d’une caractéristique de risque de retour associée audites actions dans ledit deuxième portefeuille; et

un dénominateur comprenant la racine carrée d’un scalaire formé par un produit interne dudit vecteur colonne desdites actions dans ledit deuxième portefeuille et un produit d’une matrice de covariance et d’un vecteur colonne desdites actions dudit deuxième portefeuille.

 

[27]      Les revendications dépendantes 2 à 9, 11 à 18 et 20 à 27 définissent d’autres limites s’appliquant aux revendications indépendantes, comme la précision du « rapport anti-repère » et la définition des caractéristiques des portefeuilles, et la liste des autres étapes permettant d’obtenir un portefeuille combinant le premier portefeuille et le deuxième portefeuille et de transformer les portefeuilles au moyen de transformations d’actifs spécifiées.

[28]      Pour les besoins de la présente révision, nous estimons que la revendication indépendante 1 est représentative des revendications indépendantes au dossier (méthode de la revendication 1, support de stockage permanent lisible par ordinateur de la revendication 10 et système de la revendication 19), puisque les revendications indépendantes énoncent toutes un objet généralement semblable à l’objet énoncé dans la revendication 1, quoiqu’exprimé selon des modes de réalisation différents. Comme les revendications dépendantes définissent d’autres limites, mais n’ajoutent aucun autre élément essentiel qui pourrait influer sur notre évaluation de l’objet non prévu par la Loi, nous considérons également que la revendication 1 est représentative de l’ensemble des revendications au dossier.

[29]      Nous soulignons particulièrement les revendications 9, 18 et 27, que le demandeur a réécrites sous une forme indépendante, comme fondement pour le deuxième ensemble de revendications proposées. Ces revendications indépendantes au dossier viennent préciser les revendications indépendantes proposées de manière à ce qu’elles comprennent également les éléments suivants :

la transformation, au moyen d’un système informatique, dudit deuxième portefeuille en un portefeuille équivariant, selon la transformation synthétique d’actifs de Choueifaty; et la rétrotransformation dudit portefeuille équivariant selon la rétrotransformation synthétique des actifs de Choueifaty.

 

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[30]      À la page 5 de la lettre d’EP, citant la DF, la personne versée dans l’art est définie comme suit [Traduction] :

La personne versée dans l’art, qui peut être une équipe de personnes, est versée dans le domaine des processus administratifs pour la gestion de portefeuilles de titres/instruments financiers et les dispositifs informatiques (logiciels et matériel) reliés par réseau permettant d’exécuter ces processus.

 

[31]      À l’audience ainsi que dans les observations de l’affidavit Froidure au paragraphe 7, le demandeur a indiqué clairement que [Traduction] « une personne versée dans l’art de l’invention revendiquée serait quelqu’un détenant mes titres de compétence et mon expérience ou l’équivalent » dans la recherche quantitative sur la finance et la gestion des actifs financiers. Ces titres de compétence et cette expérience sont présentés en détail dans l’affidavit Froidure au paragraphe 2 et dans la pièce B. Au paragraphe 15 de l’affidavit Froidure, la technique de l’optimisation de portefeuilles est également définie comme faisant également partie de l’art dans lequel la personne est versée.

[32]      À la lumière de ces observations, et reconnaissant que la présente demande vise la création et l’optimisation de portefeuilles en fonction de principes de finance quantitative, nous révisons notre définition de la personne versée dans l’art afin qu’elle englobe des membres d’équipes versés dans les domaines de la finance quantitative et de l’optimisation de portefeuilles financiers.

Connaissances générales courantes

[33]      Aux pages 5 et 6 de la lettre d’EP, les CGC sont définies en fonction de références à la présente demande.

[34]      À la page 4 de la REP, le demandeur fait valoir que la personne versée dans l’art [Traduction] « aurait peut-être des connaissances pertinentes définies par la CAB aux pages 5 et 6 de l’examen préliminaire ». Cependant, le demandeur a aussi fait valoir que l’évaluation des CGC a été mal interprétée, et que pour comprendre les revendications au dossier ou les revendications proposées, il [Traduction] « faudrait bien plus que les CGC envisagées... par la CAB à la page 6 de l’examen préliminaire ». Plus précisément, à la page 5 de la REP, le demandeur a fait valoir d’autres éléments des CGC, qu’il a précisés à l’audience s’appuyant sur l’affidavit Froidure.

[35]      Étant donné que nous avons révisé notre définition de la personne versée dans l’art ci-dessus afin qu’elle englobe des membres d’équipes versés dans les domaines de la finance quantitative et de l’optimisation de portefeuilles financiers, nous sommes d’avis que les CGC de la personne versée dans l’art comprennent à la fois les éléments de CGC relevés dans la lettre d’EP (selon les références à la présente demande présentées en détail ci-dessous) et d’autres éléments associés à la finance quantitative et à l’optimisation de portefeuilles ainsi qu’ils ont été définis par le demandeur (selon l’affidavit Froidure) [Traduction] :

      sélectionner et gérer des portefeuilles de titres/instruments financiers notamment :

o  titres/instruments financiers incluant des fonds indiciels, des fonds indiciels négociables en bourse, des indices fondamentaux et des indices de diversité (présente demande, pages 11 à 13);

o  divers partis pris dans la sélection de portefeuilles, comme la faible capitalisation, le facteur conjoncturel et les incidences des variations de change (présente demande, pages 10 et 11);

o  différentes mesures liées à la gestion de portefeuilles, comme alpha, bêta, le ratio de Sharpe et Efficient Frontier (présente demande, pages 1 à 3 et figure 1);

      objet général des systèmes informatiques et de l’interréseautage d’ordinateurs par des moyens de réseautage;

      rapport de diversification (présente demande à la page 8, ligne 6) est une fonction quasi concave (affidavit Froidure, para 8 et 9);

      équation (3) (présente demande à la page 9, ligne 8) est une fonction convexe (affidavit Froidure, para 12);

      une fonction quasi concave ou convexe est un type de fonction qui peut complexifier l’optimisation lorsque les ensembles de données sont grands. Un problème convexe peut être résolu beaucoup plus rapidement et plus efficacement en matière de temps de traitement et de puissance de traitement qu’un problème quasi concave ou quasi convexe, surtout pour un portefeuille qui contient un grand nombre de titres (affidavit Froidure, para 10 et 13); et

      utilisation de logiciels d’optimisation, comme MATLAB et l’Optimization Toolbox connexe, comme [Traduction] « techniques standard d’optimisation de portefeuilles » (affidavit Froidure, para 15).

Problème et solution

[36]           Aux pages 6 et 7 de la lettre d’EP, le problème et la solution sont définis comme suit [Traduction] :

Problème

 

Le problème a été défini dans la DF à la page 2 comme étant [Traduction] « la réduction de la volatilité du portefeuille d’un investisseur en regard du marché et du rapport rendement-risque ».

 

À la page 12 de la RDF, le demandeur conteste l’allégation de la DF selon laquelle l’invention ne résout pas un problème informatique, soulignant que l’invention est [Traduction] « une amélioration à la conception de portefeuilles et vient résoudre un problème lié à la conception de portefeuilles et à l’investissement ».

 

Comme démontré dans la section précédente sur les CGC, le mémoire descriptif ne fait que brièvement allusion à un ordinateur, comme il a été cité précédemment. Étant donné l’absence presque totale de renseignements sur la mise en œuvre par ordinateur dans le mémoire descriptif, notre opinion préliminaire est que la personne versée dans l’art comprendrait que le mémoire descriptif ne vise pas un problème informatique ni un problème lié à la mise en place d’étapes pour définir un portefeuille anti-repère. Nous sommes d’accord avec le demandeur dans la mesure où l’invention semble viser un problème lié à la conception de portefeuilles et à l’investissement, mais nous ne croyons pas que ce problème, tel qu’il est décrit dans le mémoire descriptif, englobe un problème informatique en soi.

 

Par conséquent, notre opinion préliminaire est que nous acceptons le problème tel que défini dans la DF, mais nous reconnaissons qu’il fait partie d’un problème lié à la conception de portefeuilles et à l’investissement.

 

Solution

 

La solution a été définie à la page 2 de la DF comme suit [Traduction] :

 

La demande fournit une méthode de création d’un portefeuille anti-repère par la sélection et la gestion d’un portefeuille de titres avec diversification maximale, au moyen d’une approche évolutive à long terme seulement, à l’intérieur d’un éventail de titres donné. (page 2, lignes 18 à 21; de la page 3, ligne 10 à la page 4, ligne 21).

 

Le demandeur n’a pas contesté cette définition et nous l’adoptons aux fins du présent examen préliminaire.

 

[37]      Bien que les observations du demandeur dans la REP ont été faites à l’égard du deuxième ensemble de revendications proposées, l’observation générale présentée par le demandeur est que les revendications reflètent une amélioration de la fonctionnalité informatique, démontrée dans les passages suivants de la REP à la page 6 [Traduction] :

En ce qui concerne l’admissibilité fondée sur une amélioration alléguée de la fonctionnalité informatique, il est respectueusement soutenu que le mémoire descriptif divulgue suffisamment de renseignements pour qu’une personne ordinairement versée dans l’art reconnaisse que l’invention revendiquée offre une amélioration de la technologie informatique et les revendications reflètent l’amélioration de la technologie.

 

 

Par conséquent, la revendication reflète l’amélioration de la technologie informatique. L’amélioration de la fonctionnalité informatique à elle seule nécessite une conclusion selon laquelle les revendications ne visent pas une idée abstraite, un schéma ou une règle.

 

[38]      Comme nous l’avons souligné dans la lettre d’EP, la présente demande divulgue, à la page 6, l’unique référence à un ordinateur dans la description.

D’un côté, l’invention comprend un logiciel permettant l’exécution des étapes décrites ci-dessus, et de l’autre côté, l’invention comprend au moins un système informatique exploitable pour l’exécution de ces étapes. Le logiciel et le système informatique seront tous deux révélés clairement dans la description des divers modes de réalisation de la méthode divulguée.

 

[39]      Selon la section 13.05.02b du RPBB, les CGC fournissent une base de renseignements qui font en sorte que la personne versée dans l’art interprétera le mémoire descriptif en s’attendant à ce qu’il précise quelque chose qui va au-delà des solutions généralement connues à des problèmes généralement connus. Compte tenu des CGC définies précédemment, de la conception que les ordinateurs sont normalement utilisés pour effectuer des calculs, et du fait que la description ne fait référence à aucun problème précis lié à l’ordinateur ni à aucune difficulté associée à la mise en œuvre de la solution par ordinateur, nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art comprendrait que le mémoire descriptif ne vise pas un problème informatique ni un problème lié à la mise en œuvre des étapes de la revendication 1 pour définir un portefeuille anti-repère.

[40]      Compte tenu de ce qui précède, à l’égard des revendications au dossier, nous sommes d’avis que le problème vise la conception de portefeuilles financiers et l’investissement de manière à réduire la volatilité du portefeuille d’un investisseur en regard du marché et du rapport rendement-risque. La solution repose dans la création d’un portefeuille anti-repère, où la pondération de chaque titre du portefeuille est calculée en fonction d’un rapport anti-repère, de sorte que le portefeuille de titres optimise la diversification grâce à une approche évolutive à long terme seulement, à l’intérieur d’un éventail de titres donné.

[41]      Nous examinerons les autres observations du demandeur concernant le problème et la solution à l’égard du deuxième ensemble de revendications proposées dans la section « Revendications proposées » ci-dessous.

Éléments essentiels

[42]      Citant la DF, aux pages 7 et 8 de la lettre d’EP, les éléments essentiels sont définis comme suit [Traduction] :

      acquisition de données concernant un premier groupe de titres dans un premier portefeuille;

      identification d’un deuxième groupe de titres à inclure dans un deuxième portefeuille fondé sur lesdites données et sur les caractéristiques de risque dudit deuxième groupe de titres; et

      génération des pondérations individuelles pour chaque titre dudit deuxième portefeuille selon une ou plusieurs procédures d’optimisation de portefeuilles qui optimisent le rapport anti-repère pour le deuxième portefeuille où le rapport anti-repère est représenté par le quotient de :

      un numérateur comprenant un produit interne d’un vecteur ligne desdites actions dans ledit deuxième portefeuille et un vecteur colonne d’une caractéristique de risque associée audites actions dans ledit deuxième portefeuille; et

      un dénominateur comprenant la racine carrée d’un scalaire formé par un produit interne dudit vecteur colonne desdites actions dans ledit deuxième portefeuille et un produit d’une matrice de covariance et d’un vecteur colonne desdites actions dudit deuxième portefeuille.

 

[43]      Le demandeur a fait valoir aux pages 7 et 8 de la REP, et a de nouveau affirmé à l’audience, que [Traduction] « la présente invention est inextricablement liée à l’utilisation de l’ordinateur et suppose une mise en œuvre particulière de nombres entiers qui est différente de la technologie informatique générique » (REP, page 7, para 3). L’opinion du demandeur selon lequel les renseignements liés à l’informatique contenus dans les revendications sont essentiels à la mise en œuvre de la solution découle directement de la position du demandeur, à savoir que la revendication reflète une amélioration de la technologie informatique.

[44]      Comme l’explique la section 13.05.02c du RPBB, tout élément qui affecte matériellement le fonctionnement d’un mode de réalisation donné n’est pas nécessairement essentiel à la solution; certains éléments cités définissent le contexte ou l’environnement du mode de réalisation, mais ne changent pas véritablement la nature de la solution. En conséquence, l’interprétation téléologique doit permettre de déterminer les éléments qui sont indispensables à la solution — lesquels sont proposés dans la description et sous-tendent le mode de réalisation revendiqué — pour obtenir son résultat.

[45]      Comme il a été défini précédemment, le problème en l’espèce n’est pas celui de la mise en œuvre par ordinateur, mais vise plutôt la conception de portefeuilles financiers et l’investissement. La solution repose dans la création d’un portefeuille anti-repère, où la pondération de chaque titre du portefeuille est calculée en fonction d’un rapport anti-repère, de sorte que le portefeuille de titres optimise la diversification pour ainsi créer un portefeuille performant.

[46]      Nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art, selon cette solution définie, comprendrait que les éléments liés à l’informatique ne sont pas essentiels. La solution fonctionne uniquement au moyen du schéma ou des règles — le calcul d’une équation — permettant la création du portefeuille anti-repère, mais ne repose sur aucune mise en œuvre par ordinateur particulière des calculs utilisés pour créer le portefeuille. Ainsi, les renseignements liés à l’informatique qui ont été divulgués ne sont pas essentiels.

[47]      Le demandeur avait également soutenu dans la RDF que les étapes de collecte de données revendiquées étaient essentielles à la solution et constituaient un objet brevetable, comme il est énoncé dans Re Progressive Casualty Insurance Co, Demande de brevet 2235566 (2013), CD 1349 (CAB & Commissaire aux brevets). Cette observation a été expliquée davantage à l’audience, où il a été soutenu que les données utilisées pour calculer le portefeuille anti-repère sont les données du marché en constante évolution et donc, les données et les calculs connexes utilisés pour créer la portion anti-repère sont des données en temps réel.

[48]      Nous soulignons d’abord que la présente demande revendique les données comme étant des « données concernant un premier groupe de titres » (présente demande, revendication 1). La description décrit ces données comme étant des données historiques sur le marché, par exemple à la page 13, aux lignes 21 à 23.

L’anti-repère est fondé sur des méthodes selon lesquelles un portefeuille peut être créé au moyen de relations statistiques historiques de rendements antérieurs (surtout des relations de covariance) comme facteur premier de sélection et de pondération des titres.

 

[49]      Nous soulignons également qu’au paragraphe 16 de l’affidavit Froidure, la pièce C est mise en évidence en tant que rapport technique comparant différentes façons de créer des portefeuilles anti-repère qui permettent d’optimiser le rapport anti-repère. À la page 3 de la pièce C, les ensembles de données utilisés dans les calculs sont décrits; tous les ensembles de données décrits sont constitués de données historiques.

[50]      Par conséquent, nous sommes d’avis que la personne versée dans l’art comprendrait que l’étape essentielle de l’« acquisition de données » ne fait pas référence à une étape de collecte de données physiques ou en temps réel, mais plutôt à la saisie de données historiques dans les calculs du portefeuille anti-repère pour optimiser le rapport anti-repère.

[51]      À la lumière de l’analyse qui précède, nous sommes d’avis que les éléments essentiels des revendications 1 à 27 au dossier sont définis ci-dessus au paragraphe [42].

Objet non prévu par la Loi

 

[52]      La lettre d’EP, à la page 8, indique être en accord avec l’analyse de la DF, selon laquelle les éléments essentiels visent un schéma ou un ensemble de règles qui impliquent simplement des calculs utilisés pour créer le portefeuille anti-repère et ne visent donc pas un objet brevetable.

[53]      Dans la REP, aux pages 7 et 8, le demandeur a fait valoir qu’il n’y a au Canada aucune jurisprudence qui détermine de façon définitive qu’une méthode commerciale ne peut constituer un objet brevetable.

[54]      Nous sommes d’accord. Cependant, notre analyse susmentionnée montre que les éléments essentiels des revendications au dossier visent un schéma ou un ensemble de règles qui impliquent simplement des calculs utilisés pour créer le portefeuille anti-repère, et non pas qu’ils visent une méthode commerciale. Selon l’énoncé de pratique PN 2013-03, de tels schémas ou de telles règles ne constituent pas un objet brevetable.

[55]      Le demandeur a soutenu dans la REP ainsi qu’à l’audience que [Traduction] « les revendications actuellement au dossier et telles qu’elles ont été modifiées visent un appareil brevetable et une méthode qui génère un changement visible » (REP, page 8, para 3), faisant équivaloir l’objet des revendications au dossier à l’objet doté d’une existence physique et qui manifeste un changement discernable des revendications acceptées dans Amazon.com (REP, pages 8 à 10).

[56]      À notre avis, étant donné que la personne versée dans l’art ne percevrait pas les étapes de collecte de données physiques ou les étapes de traitement informatisé comme étant essentielles, les étapes essentielles sont alors celles associées au calcul de la pondération des titres utilisés pour créer un portefeuille anti-repère qui optimise le rapport anti-repère. Cet objet n’entraîne aucun effet discernable ou changement dans la nature ou l’état d’un objet physique. Il suppose simplement de mettre un schéma ou un ensemble de règles à exécution — le calcul de la pondération des titres dans un portefeuille — et aucun résultat physique ne découle directement de la mise à exécution de ce schéma ou de ces règles. Cet objet n’entre dans aucune des catégories d’invention.

[57]      Dans la REP, aux pages 17 et 18, il est également fait état d’une décision de la Cour fédérale [Traduction] :

Le demandeur souligne que dans la décision récente rendue par la Cour fédérale dans Georgetown Rail Equipment Company c. Rail Radar Inc. 2018 C.F. 70, le juge Fothergill a statué que les brevets canadiens nos 2 572 082 et 2 766 249 étaient valides et contrefaits. La décision, y compris la principale attaque à la validité — qui était fondée sur l’évidence — reposait entièrement sur les faits. Les brevets en cause concernaient un système et une méthode employés pour l’inspection de la voie ferrée à l’aide d’un laser et d’un appareil-photo permettant de recueillir de l’information au sujet de la voie ferrée et comportant, en outre, un processeur destiné à analyser l’information selon un algorithme déterminé [16], [31]. Les composantes individuelles étaient connues et rien n’indiquait que le fait d’adapter ces composantes de façon à mettre en œuvre l’algorithme nécessitait une quelconque ingéniosité. Or, le juge a admis que les brevets étaient inventifs « seulement à l’égard de leurs algorithmes » [129]. Ainsi, malgré l’opinion de la CAB et de l’examinateur, il existe de nombreux brevets canadiens, y compris les brevets canadiens nos 2 572 082 et 2 766 249, qui visent un objet brevetable incluant des revendications qui comprennent un ou plusieurs algorithmes. [Soulignement présent dans l’original]

 

[58]      Ainsi qu’il est indiqué dans la REP, cette affaire, qui reposait entièrement sur les faits en cause, avait trait à l’évidence; la Cour fédérale ne s’est pas penchée sur la question de l’objet non prévu par la Loi. Dans Amazon.com (au paragraphe 62), une affaire dans laquelle la Cour d’appel fédérale a examiné la question liée à l’objet, la Cour a indiqué ce qui suit :

Schlumberger constitue un exemple d’une tentative infructueuse de breveter un procédé visant à recueillir, enregistrer et analyser des données sismiques à l’aide d’un ordinateur programmé selon une formule mathématique. Cette utilisation de l’ordinateur était une application pratique et l’information résultante était utile. La demande de brevet a toutefois été refusée faute d’objet brevetable parce que la Cour a conclu que le seul aspect nouveau de l’invention revendiquée était la formule mathématique qui, n’étant que « de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques », ne peut pas faire l’objet d’un brevet en raison de l’interdiction prévue au paragraphe 27(8).

 

[59]      L’inclusion d’un algorithme dans une revendication ne rend pas automatiquement l’objet de cette dernière non prévu par la Loi. Toutefois, lorsque les éléments essentiels d’une revendication sont simplement les règles et les étapes d’un algorithme abstrait, l’objet de la revendication est non prévu par la Loi. Il s’agit là de la présente situation relative aux revendications au dossier, que nous estimons analogue aux revendications en cause dans Schlumberger Canada Ltd c. Canada (Commissaire aux brevets) [1982] 1 C.F. 845 (CA).

[60]      À la lumière de cette analyse, nous estimons que les revendications 1 à 27 au dossier définissent un objet non prévu par la Loi et que, par conséquent, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[61]      Le demandeur a soumis, avec la REP, un deuxième ensemble de revendications proposées, utilisant les revendications 9, 18 et 27 au dossier, réécrites sous une forme indépendante, comme fondement des revendications proposées. Les revendications indépendantes du deuxième ensemble de revendications proposées énoncent l’élément de transformation synthétique d’actifs de Choueifaty pour mieux définir la procédure d’optimisation de portefeuilles visant à optimiser le rapport anti-repère.

[62]      Selon la REP, aux pages 5 et 6, cet élément transforme le rapport anti-repère (équation (1) de la présente demande, à la page 8, ligne 6), une fonction quasi concave, en une équation équivalente (équation (3) de la présente demande, à la page 9, ligne 8), un problème convexe. L’équation (3) peut être résolue beaucoup plus rapidement et plus efficacement en matière de temps de traitement et de puissance de traitement que l’équation (1), surtout pour un portefeuille qui contient un grand nombre de titres (affidavit Froidure, para 8 à 12).

[63]      Le demandeur résume l’effet de la transformation comme suit [Traduction] : « la personne versée dans l’art reconnaîtrait que l’objet de la transformation synthétique d’actifs divulguée consiste en une transformation de l’optimisation du rapport [anti-repère] en un problème d’optimisation équivalent, de sorte qu’il puisse être résolu rapidement et efficacement » (REP, paragraphe reliant les pages 7 et 8; affidavit Froidure, para 13 et 14).

[64]      Comme la transformation divulguée permet de calculer plus efficacement le rapport anti-repère, le demandeur soutient que l’élément revendiqué reflète une amélioration dans la technologie informatique (REP, page 6, dernier paragraphe), soutenant ainsi davantage les observations du demandeur selon lesquelles le problème et la solution visent un ordinateur et que cet ordinateur constitue un élément essentiel.

[65]      Nous examinons d’abord la question de savoir si la transformation divulguée modifie le problème ou la solution définis à l’égard des revendications au dossier. À notre avis, la personne versée dans l’art considérerait que le problème et la solution n’ont pas changé : le problème repose toujours dans la nécessité de réduire la volatilité du portefeuille d’un investisseur en regard du marché et du rapport rendement-risque. La solution demeure la création d’un portefeuille anti-repère qui suppose le calcul de la pondération des titres pour optimiser le rapport de diversification. L’élément nouvellement divulgué ne fait que préciser la manière dont le calcul particulier est exécuté.

[66]      Ensuite, nous examinons la question de savoir si la transformation divulguée modifie les éléments essentiels définis à l’égard des revendications au dossier qui comprennent les [Traduction] « procédures d’optimisation de portefeuilles qui optimisent le rapport anti-repère pour le deuxième portefeuille ». La personne versée dans l’art comprendrait que la transformation divulguée est une procédure d’optimisation particulière. Nous estimons également, à l’instar de notre position susmentionnée, que la personne versée dans l’art comprendrait que la solution ne fonctionne que grâce au calcul d’une équation pour créer le portefeuille anti-repère, mais qu’elle ne repose pas sur une mise en œuvre par ordinateur particulière des calculs utilisés pour créer le portefeuille anti-repère. Par conséquent, les renseignements divulgués relatifs à l’ordinateur ne sont pas essentiels dans le deuxième ensemble de revendications proposées.

[67]      Étant donné que le problème, la solution et les éléments essentiels du deuxième ensemble de revendications proposées sont identiques à ceux définis dans l’analyse susmentionnée à l’égard des revendications au dossier, les éléments essentiels du deuxième ensemble de revendications proposées visent également un schéma ou un ensemble de règles qui impliquent simplement des calculs utilisés pour créer le portefeuille anti-repère et qu’ils ne visent pas un objet brevetable.

[68]      Ainsi, pour les raisons exposées ci-dessus, nous concluons que le deuxième ensemble de revendications proposées 1 à 63 définirait un objet non prévu par la Loi et qu’elles sont, par conséquent, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets. Ainsi, les revendications proposées ne remédient pas à l’irrégularité liée à l’objet non prévu par la Loi des revendications au dossier et, par conséquent, ne constituent pas des modifications « nécessaires » pour rendre la demande conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets, comme l’exige le paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Conclusions

[69]      Cette révision a permis de déterminer que les revendications 1 à 27 au dossier définissent un objet qui ne s’inscrit pas dans la définition d’« invention », les rendant donc non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[70]      Nous avons également déterminé que le deuxième ensemble de revendications proposées 1 à 63 ne remédie pas à l’irrégularité liée à l’objet non prévu par la Loi et que, par conséquent, le deuxième ensemble de revendications ne constitue pas une modification déterminée qui est « nécessaire » aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[71]      Compte tenu de ce qui précède, le comité recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications 1 à 27 définissent un objet qui ne s’inscrit pas dans la définition d’« invention » et qui, par conséquent, n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[72]      En outre, le deuxième ensemble de revendications proposées ne remédie pas à l’irrégularité liée à l’objet non prévu par la Loi et, par conséquent, le comité refuse de recommander l’introduction de ces revendications, car elles ne constituent pas une modification déterminée qui est « nécessaire » aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

 

 

 

Lewis Robart                 Paul Fitzner                            Liang Ji          

Membre                         Membre                                   Membre

 

 

 

Décision du commissaire

[73]      Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de refuser la demande au motif que les revendications 1 à 27 définissent un objet qui ne s’inscrit pas dans la définition d’« invention » et sont donc contraires à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[74]      En conséquence, conformément à l’article 40 de la Loi sur les brevets, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

 

 

Johanne Bélisle

Commissaire aux brevets

Fait à Gatineau (Québec),

En ce 27e  jour de février 2019

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.