Brevets

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 Décision du commissaire no 1474

Commissioner’s Decision #1474

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :      J–00 Signification de la technique
J–50 Simple plan

 

TOPICS:       J–00 Meaning of Art
J–50 Mere plan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 342 012

Application No. 2,342,012


 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 


Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 342 012 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. La recommandation de la Commission d’appel des brevets et la décision de la commissaire sont de rejeter la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

GOWLING WLG (CANADA) LLP

CIPO@gowlingwlg.com


 



 

Introduction

[1]               La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 342 012, qui est intitulée [Traduction] « Dispositif et méthode de détermination de la juste part de profits à remettre en échange de données de contenu réseau incluant des publicités » et appartenant à Sony Corp. L’irrégularité qui subsiste selon la décision finale (DF) est que les revendications ne définissent pas un objet prévu par la Loi, en contravention de l’article 2 de la Loi sur les brevets. La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2]               La demande de brevet canadien no 2 342 012 a été déposée le 26 mars 2001 et mise à la disponibilité du public le 30 septembre 2001.

[3]               La demande a trait à des moyens permettant de déterminer la part de profits à remettre à un fournisseur de contenu réseau incluant des publicités, sachant que les profits sont proportionnels au nombre de fois où le contenu a été consulté par des utilisateurs.

Historique de la demande

[4]               Le 7 juin 2016, une DF a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF indique que la demande est irrégulière au motif que les revendications 1 à 36 (c.-à-d. l’ensemble des revendications au dossier) visent un objet qui n’entre pas dans la définition d’« invention » et qu’elles sont, de ce fait, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[5]               Dans sa réponse à la DF (RDF) du 6 décembre 2016, le demandeur a présenté des arguments en faveur de l’acceptation et a proposé un ensemble modifié de 21 revendications (les premières revendications proposées) qui comprenaient des références plus explicites à l’enregistrement des utilisateurs, au téléversement de contenu et à un écran de programmation permettant de sélectionner les conditions d’inclusion de publicités dans du contenu particulier.

[6]               L’examinateur a jugé que les modifications ne remédiaient pas à l’irrégularité liée à l’objet et n’a pas été convaincu par les arguments du demandeur en faveur de l’annulation du refus. L’examinateur a également jugé que les premières revendications proposées introduisent une irrégularité liée à une erreur typographique.

[7]               La demande et le résumé des motifs préparé par l’examinateur ont, par conséquent, été transmis à la Commission pour révision, conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets. Le 20 janvier 2017, la Commission a transmis au demandeur une copie du résumé des motifs, ainsi qu’une lettre confirmant le refus. Dans une réponse en date du 20 avril 2017, le demandeur a demandé que la Commission procède à la révision.

[8]               Conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets, un comité a été constitué dans le but de réviser la demande refusée et présenter une recommandation à la commissaire quant à la décision à rendre. À la suite de notre révision préliminaire, le 3 octobre 2018, nous avons envoyé une lettre (la Lettre de RP) dans laquelle nous avons présenté notre analyse et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier dont nous disposons, nous estimons que l’objet des revendications au dossier (ainsi que des premières revendications proposées) n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[9]               Le 31 octobre 2018, le demandeur a répondu à la Lettre de RP (RRP) en proposant un nouvel ensemble de 21 revendications (les secondes revendications proposées) et en présentant des arguments écrits supplémentaires en faveur de l’acceptation.

Questions

[10]           La première question à trancher dans le cadre de la présente révision est celle de savoir si les revendications au dossier définissent un objet qui entre dans la définition d’« invention » qui est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[11]           Puisque nous avons déterminé, comme nous l’expliquons ci-dessous, que les revendications au dossier sont irrégulières, la seconde question consiste à déterminer si les secondes revendications proposées constituent une modification déterminée qui est nécessaire aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[12]           Conformément à Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir également Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 aux alinéas 49f) et g) et au para 52). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [RPBB] (OPIC) (révisé en avril 2018), la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution proposée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée.

[13]           Faisant référence au critère relatif au caractère essentiel énoncé dans Free World Trust, le demandeur a prétendu dans la RDF que, pour qu’un élément soit considéré comme non essentiel, [Traduction] « une variante ou l’omission d’un élément doit permettre d’accomplir essentiellement la même fonction, d’une manière essentiellement identique pour obtenir essentiellement le même résultat » ou il doit être clair que l’intention de l’inventeur, telle qu’elle est exprimée dans les revendications, est que l’élément soit non essentiel.

[14]           Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans Canada (AG) c Amazon.com, 2011 CAF 328, aux paragraphes 43, 44, 47, 61 à 63 et 69, une application ou une réalisation pratique revendiquée peut néanmoins ne pas faire partie des éléments essentiels d’une invention revendiquée. Tel qu’il est expliqué à la section 13.05.02c du RPBB, les éléments ayant un effet substantiel sur le fonctionnement d’une réalisation pratique donnée ne sont pas nécessairement tous essentiels à la solution; certains des éléments mentionnés définissent le contexte ou l’environnement de la réalisation, mais dans les faits ne modifient pas la nature de la solution. En conséquence, l’interprétation téléologique doit s’attarder aux éléments qui sont indispensables à l’obtention de la solution qui est proposée dans la description et sous-tendent la réalisation revendiquée.

Objet prévu par la Loi

[15]           La définition d’invention est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[16]           L’énoncé de pratique PN2013–03, intitulé « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » (OPIC, mars 2013) [PN2013–03] apporte des précisions quant à l’approche utilisée par le Bureau des brevets pour déterminer si une invention de nature informatique constitue un objet prévu par la Loi.

[17]           Tel qu’il est expliqué dans l’énoncé de pratique PN2013-03, lorsqu’il appert qu’un ordinateur constitue un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué n’est pas considéré comme une invention désincarnée (p. ex., une simple idée, un schéma, un plan ou un ensemble de règles, etc.), qui serait non prévue par la Loi.

Analyse

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[18]           Dans la Lettre de RP, nous avons indiqué être en accord avec la définition de la personne versée dans l’art fictive énoncée dans la DF, à savoir une personne ou une équipe comprenant des professionnels du marketing et de la publicité pour les fournisseurs de contenu travaillant en collaboration avec des professionnels des technologies de l’information spécialisés dans les systèmes informatisés servant à fournir du contenu.

[19]           Le demandeur n’a pas contesté cette définition; nous l’adoptons donc aux fins de la présente révision.

Les CGC

[20]           Les antériorités suivantes, dont nous avons pris connaissance dans le cadre de notre révision préliminaire, ont été identifiées comme étant pertinentes dans la Lettre de RP :

         D1 :        US 5721827    24 février 1998                        Logan et al.

         D2 :        WO 99/60504 25 novembre 1999                  Landsman et al.

[21]           Dans la Lettre de RP, nous avons indiqué que, d’après la définition susmentionnée de la personne versée dans l’art, l’état de la technique décrit dans la demande (pages 1 à 3, 9 à 14; figures 1 à 3), l’état de la technique décrit dans le document D2 (pages 5 à 20) et la distribution de publicités décrite dans le document D1 (colonnes 5, 10, 11 et 25), les CGC comprenaient les suivantes :

        les publicités associées à du contenu;

        la conception, la mise en œuvre, l’exploitation et la maintenance de composants, de dispositifs, de réseaux et d’applications informatiques, y compris :

o   le Web et les autres protocoles interréseaux; et

o   les ordinateurs à usage général et spécialisé, les dispositifs informatiques, les processeurs et les interfaces utilisateur;

         la réception par un fournisseur de service Internet (FSI) d’une rémunération proportionnelle au nombre de fois où une publicité a été consultée lorsqu’elle était présentée avec du contenu fourni par le FSI;

         les moyens permettant d’effectuer les calculs et le traitement requis pour que cette réception puisse avoir lieu;

         les publicités Web se présentant sous la forme de bannières publicitaires à clic ou de variantes similaires, telles que les publicités interstitielles et l’insertion de segments publicitaires à l’intérieur d’une compilation téléchargeable de segments de programmation.

[22]           Le demandeur n’a pas contesté les CGC énoncées ci-dessus; nous les adoptons donc aux fins de la présente révision.

Le problème et la solution

[23]           Dans la Lettre de RP, nous avons indiqué que, d’après notre analyse préliminaire, le problème tient au fait que les fournisseurs de contenu ne reçoivent pas une rémunération proportionnelle au nombre de fois où les publicités incluses dans leur contenu ont été consultées. Nous avons donc indiqué, toujours dans la Lettre de RP, que la solution consistait à générer des points proportionnellement au nombre de fois où du contenu particulier incluant des publicités a été consulté; les points étant utilisés lors du traitement subséquent des [Traduction] « profits à remettre » afin de déterminer la juste part de profits qui revient au fournisseur de contenu. Dans la Lettre de RP, nous avons ajouté que la solution ne semble pas viser la mise en œuvre par ordinateur de la méthode ou du schéma permettant d’attribuer des points aux fournisseurs de contenu et d’utiliser ces points pour déterminer les profits à remettre.

[24]           Le demandeur a indiqué être en désaccord avec ces définitions, faisant valoir dans sa RRP que cette définition du problème était trop étroite et trop simpliste [Traduction] :

Dans la mesure où il est nécessaire de répertorier les problèmes mentionnés dans la description, je souligne que les problèmes suivants sont décrits aux pages 2 et 3 du mémoire descriptif :

         Un des problèmes que pose le système de réseau informatique classique tient au fait que les créateurs de contenu ne reçoivent pas une part des profits réalisés par le FSI qui est proportionnelle au nombre de fois où leur contenu a été consulté.

         Un des problèmes que pose le système de réseau informatique classique tient au fait qu’il est nécessaire de laisser les utilisateurs cliquer sur la bannière publicitaire.

         Un des problèmes que pose le système de réseau informatique classique tient au fait qu’il n’est pas facile de créer une page d’accueil comportant une bannière publicitaire à l’aide d’un ordinateur personnel sachant que le créateur d’une page d’accueil est contraint d’exécuter des opérations compliquées pour fournir du contenu par l’intermédiaire du réseau informatique. [soulignement présent dans l’original]

[25]           Dans la RRP, le demandeur a également prétendu que ces problèmes sont associés à un système de réseau informatique classique et qu’il propose en conséquence dans sa demande d’améliorer le système de réseau informatique. La solution proposée, telle qu’elle est présentée par le demandeur, comprend des procédures et des opérations se rapportant au matériel et aux fonctionnalités informatiques.

[26]           Comme nous l’avons souligné dans la Lettre de RP, la demande (pages 1 et 2) fait effectivement référence à un système de réseau informatique classique dans le cadre duquel des fournisseurs de contenu créent les pages et le contenu Web qui sont consultés par les utilisateurs et dans le cadre duquel des FSI exploitent les serveurs qui hébergent et fournissent les pages Web aux utilisateurs. Les pages Web incluent des publicités et le nombre de fois où des utilisateurs cliquent sur ces publicités est enregistré afin que les FSI puissent recevoir une rémunération en conséquence.

[27]           Toutefois, le problème associé à cet environnement qui est décrit dans la demande ne concerne pas la fonctionnalité de l’ordinateur ou du réseau, mais le caractère équitable du schéma de détermination de la rémunération. Même si le nombre de fois où une publicité est consultée est principalement attribuable à la popularité du contenu dans lequel la publicité a été insérée, les fournisseurs de contenu ne reçoivent pas une part de profits proportionnelle. La solution correspondante qui est proposée dans la demande (pages 3 à 4, 19 à 20, 45 et 75 à 83) consiste à générer des points proportionnellement au nombre de fois où du contenu particulier incluant des publicités est consulté et à utiliser ensuite ces points pour déterminer la juste part de profits à remettre au fournisseur de contenu.

[28]           Comme nous l’avons souligné ci-dessus, les CGC comprennent non seulement le fonctionnement des systèmes de réseau informatique utilisés pour fournir des pages Web incluant des publicités, mais également le fonctionnement des moyens requis pour tenir le relevé de la consultation des publicités et calculer le montant correspondant du paiement à verser à un FSI. Nous sommes donc d’avis que la personne versée dans l’art ne considérerait pas que la solution réside dans la mise en œuvre par ordinateur du schéma proposé.

[29]           La demande (pages 2 à 4) fait également mention d’un problème additionnel; celui des utilisateurs qui ne cliquent pas sur les bannières publicitaires pour consulter le contenu audio et vidéo complet de la publicité. Comme solution à ce problème, le demandeur propose d’ajouter ou d’annexer l’intégralité de la publicité au contenu de manière à ce que, lorsqu’un utilisateur envoie une requête de contenu et consulte ce contenu, la publicité soit automatiquement présentée sans qu’une action soit requise de la part de l’utilisateur.

[30]           Le problème lié au fait de présenter aux utilisateurs des publicités difficiles à éviter est distinct et indépendant du problème lié au fait de remettre aux fournisseurs de contenu une juste part des profits générés par la publicité, tout comme le sont leurs solutions. Lorsqu’une interprétation téléologique doit être réalisée en pareil contexte, il importe de se concentrer sur une seule solution à un seul problème (RPBB, section 13.05.02c). La personne versée dans l’art considérerait que le problème et la solution liés au partage des profits constituent le point central, car il s’agit de ce vers quoi tendent les revendications et le titre de la description indique qu’il s’agit du point central de la demande. En outre, la présentation de publicités Web selon des modes différents ou dans des formats autres que des bannières publicitaires à clic fait partie des CGC.

[31]           Quant au fait de faciliter la création d’une page Web comportant une bannière publicitaire, il s’agirait là encore d’une question distincte et indépendante de celle de la rémunération équitable. Et, bien que la description (page 3) mentionne qu’il n’est pas facile de créer une page Web comportant une bannière publicitaire, il n’est nulle part ailleurs fait mention de ce problème dans la demande et aucune solution particulière n’est proposée.

[32]           Par conséquent, nous considérons que la solution réside dans le schéma d’attribution de points et dans l’utilisation de ces points pour déterminer la part de profit qui revient aux fournisseurs de contenu.

Les éléments essentiels

[33]           Les revendications indépendantes 1 et 28 visent un dispositif et un système, la revendication indépendante 10 vise une méthode et la revendication indépendante 19 vise un logiciel. Toutes les revendications renvoient à la gestion du contenu fourni et à l’attribution de points aux fournisseurs de contenu proportionnellement au nombre de fois où des utilisateurs ont consulté leur contenu incluant des publicités. Par souci de commodité, la revendication indépendante 10, qui est représentative de l’invention revendiquée, est reproduite ci-dessous [Traduction] :

Revendication 10.     Méthode de fourniture de contenu, comprenant les étapes consistant à :

 

recevoir via un réseau de l’information publicitaire de la part d’au moins un client publicitaire;

 

fournir un logiciel via le réseau à chacun des multiples moyens de fourniture de contenu utilisateur afin que s’affiche un bouton de fourniture de publicités permettant au créateur de contenu de définir les données relatives aux conditions de fourniture du contenu en indiquant si l’information publicitaire doit être ajoutée au contenu;

 

recevoir via le réseau le contenu ainsi que les données relatives aux conditions de fourniture du contenu définies par le moyen de fourniture de contenu utilisateur;

 

mettre en mémoire l’information publicitaire fournie par le client publicitaire, le contenu et les données relatives aux conditions de fourniture du contenu fournis par le moyen de fourniture de contenu utilisateur ainsi que l’information utilisateur associée au moyen de fourniture de contenu utilisateur;

 

recevoir via le réseau une demande pour le contenu de la part d’un ou plusieurs clients;

 

fournir ledit contenu avec ou sans l’information publicitaire, selon les données relatives aux conditions de fourniture du contenu, auxdits clients via le réseau en réponse à la demande des clients;

 

compter le nombre de fois où le contenu incluant l’information publicitaire fourni via le réseau a été consulté par les clients;

 

générer des points proportionnellement au nombre de fois où le contenu est consulté;

 

actualiser le nombre de points accumulés dans l’information utilisateur en mémoire associée au moyen de fourniture de contenu utilisateur; et

 

assurer le traitement des points afin d’établir des données tarifaires en fonction du nombre de points accumulés par ledit moyen de fourniture de contenu utilisateur.

[34]           Dans la Lettre de RP, nous avons exprimé l’opinion préliminaire que les éléments essentiels sont ceux qui se rapportent au schéma d’attribution de points et de détermination de la rémunération du fournisseur de contenu, et qu’ils ne comprennent aucun élément matériel.

[35]           Dans la RRP, le demandeur a indiqué qu’il était en désaccord et a fait valoir ce qui suit [Traduction] :

Contrairement à ce qu’il ressort de la révision préliminaire, le fait d’éliminer les éléments matériels aurait non seulement pour effet de modifier fondamentalement la nature de l’invention définie par les revendications, mais rendrait l’invention totalement inopérante

 

 

Le demandeur estime que rien dans le libellé des revendications ou dans la divulgation n’indique que les inventeurs considéraient l’ensemble des éléments matériels des revendications comme étant non essentiels. Le demandeur estime que le fait de supprimer les éléments matériels des revendications et des étapes qui leur sont associées aurait des effets substantiels sur l’ensemble des fonctions et des résultats des réalisations.

[36]           Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, l’interprétation téléologique a pour but de déterminer les éléments qui sont véritablement essentiels à la nature de l’invention.

[37]           Le problème en l’espèce ne concerne pas la mise en œuvre par ordinateur d’un schéma de partage équitable des profits. La solution fonctionne selon les règles du schéma permettant de générer des points et de déterminer la rémunération des fournisseurs de contenu; elle ne réside pas dans les éléments informatiques. Par conséquent, même si ces détails déterminent l’environnement contextuel de l’invention, nous sommes d’avis qu’ils ne sont pas essentiels à la solution proposée dans la demande et incarnée par l’objet revendiqué.

[38]           Nous considérons que les différences entre le libellé des revendications dépendantes et celui des revendications indépendantes dont découlent ces détails reflètent simplement des réalisations différentes du même ensemble d’éléments essentiels. Ainsi, nous considérons que les éléments essentiels des revendications 1 à 36 au dossier prennent la forme d’une série d’étapes ou d’un schéma assurant un traitement équitable des profits à remettre aux créateurs de contenu :

         compter le nombre de fois où le contenu incluant l’information publicitaire a été consulté par les clients

         générer des points proportionnellement au nombre de fois où le contenu est consulté;

         actualiser le nombre de points accumulés dans l’information utilisateur en mémoire; et

         assurer le traitement des points afin d’établir des données tarifaires en fonction du nombre de points accumulés.

Objet prévu par la Loi

[39]           Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, le demandeur a prétendu dans la RRP que les éléments essentiels comprennent des éléments matériels. Ainsi, selon le demandeur, l’invention aurait une « existence physique » et serait donc prévue par la Loi.

[40]           Cependant, selon l’interprétation présentée ci-dessus, les éléments essentiels des revendications au dossier sont les étapes du schéma permettant de remettre une part proportionnelle des profits aux créateurs de contenu — les éléments essentiels ne comprennent aucun élément matériel. Ce schéma n’entraîne aucun effet discernable ou changement dans la nature ou l’état d’un objet physique. Il suppose simplement de mettre un plan ou un schéma d’action à exécution, et aucun résultat physique ne découle directement de la mise à exécution de ce plan ou de ce schéma. Cette matière n’entre dans aucune des catégories d’invention prévues à l’article 2.

[41]           Par conséquent, nous sommes d’avis que les revendications 1 à 36 au dossier ne définissent pas un objet prévu par la Loi et que, de ce fait, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Revendications proposées

[42]           Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, dans la RDF, le demandeur a proposé un ensemble modifié de 21 revendications. Ces secondes revendications proposées se rapportent à des moyens permettant aux fournisseurs de contenu de s’enregistrer et, en échange, d’avoir accès à un logiciel leur permettant de téléverser du contenu, de régler la programmation du contenu ainsi que les conditions relatives à sa présentation, et d’indiquer si une publicité doit ou non être ajoutée au contenu.

[43]           Ces modifications proposées n’auraient pas d’incidence sur les définitions de la personne versée dans l’art et des CGC qui sont énoncées ci-dessus. Notre définition du problème pertinent et de la solution demeurerait également la même. Ainsi, les éléments essentiels des secondes revendications proposées seraient les mêmes que ceux des revendications au dossier.

[44]           Par conséquent, notre opinion en ce qui concerne l’objet non prévu par la loi s’applique également aux secondes revendications proposées. Il s’ensuit que les secondes revendications proposées ne sont pas considérées comme une modification déterminée nécessaire aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[45]           Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications 1 à 36 définissent un objet non prévu par la Loi et qu’elles sont, de ce fait, non conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Leigh Matheson                      Kristina Bodnar                      Marcel Brisebois
Membre                                   Membre                                   Membre

Décision de la commissaire

[46]           Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande. Les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[47]           En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec),
en ce 7e jour de janvier  2019

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