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Décision du commissaire no 1455

Commissioner’s Decision No. 1455

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJETS :      B–00 Caractère ambigu ou indéfini
J–00 Signification de la technique
J–50 Simple plan

 

TOPICS:       B–00 Indefiniteness
J–00 Meaning of Art
J–50 Mere Plan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no 2 663 489

Application No. 2,663,489


 


 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 


Ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la demande de brevet numéro 2 663 489 a subséquemment fait l’objet d’une révision, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Conformément à la recommandation de la Commission d’appel des brevets, la commissaire rejette la demande.

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur :

 

BORDEN LADNER GERVAIS LLP

Bay Adelaide Centre – Tour Est

22, rue Adelaide Ouest

Toronto (Ontario) M5H 4E3


 



 

Introduction

[1]               La présente recommandation concerne la révision de la demande de brevet refusée no 2 663 489, qui est intitulée « Alertes et seuils consultatifs pour la gestion de risque de concentration de position ». La demande de brevet est inscrite au nom de Intercontinental Exchange Holdings, Inc. D’après la décision finale (DF), les irrégularités qui subsistent tiennent au fait que les revendications ne définissent pas un objet prévu par la Loi, ce qui n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, et ont un caractère indéfini, ce qui n’est pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. La Commission d’appel des brevets (la Commission) a procédé à une révision de la demande refusée, conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, nous recommandons que la demande soit rejetée.

Contexte

La demande

[2]               La demande de brevet no 2 663 489 a été déposée le 28 avril 2009 et a été mise à la disponibilité du public le 30 octobre 2009.

[3]               La demande concerne la gestion du risque de concentration de position par l’établissement de seuils et la génération d’alertes relatives au niveau de risque.

Historique de la poursuite de la demande

[4]               Le 28 janvier 2016, une DF a été rédigée conformément au paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets. La DF a signalé les irrégularités suivantes dans la demande : les revendications 1 à 65 (c.-à-d. toutes les revendications au dossier) englobent un objet ne s’inscrivant pas dans la définition d’invention et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets, et la revendication 28 a un caractère indéfini et n’est donc pas conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

[5]               Dans sa réponse à la DF (RDF) datée du 8 juin 2016, le demandeur a présenté des arguments en faveur d’une acceptation et a proposé un ensemble de 65 revendications modifiées (le premier ensemble de revendications proposées) afin de clarifier certains points et de les rendre plus explicites.

[6]               L’examinateur a considéré que les modifications corrigeraient l’irrégularité relative au caractère indéfini, mais pas celle relative à l’objet non prévu par la Loi; les arguments du demandeur n’ont pas, non plus, convaincu l’examinateur d’annuler le refus de la demande. Par conséquent, en vertu du paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, la demande a été transmise à la Commission aux fins de révision, de pair avec le résumé des motifs (RM) de l’examinateur. Le 11 octobre 2016, la Commission a envoyé une lettre au demandeur, accompagnée d’une copie du RM, reconnaissant le refus.

[7]               Le demandeur a répondu le 11 janvier 2017, en soumettant des observations à la Commission aux fins d’examen, ainsi qu’un autre ensemble de 65 revendications proposées (le deuxième ensemble de revendications proposées) et une demande d’audience. Plus particulièrement, le demandeur a soutenu que l’invention comprend des éléments informatiques essentiels et, donc, définit un objet prévu par la Loi. Le deuxième ensemble de revendications proposées souligne l’utilisation de composants informatiques et de réseau.

[8]               Un comité a été constitué dans le but de réviser la demande refusée conformément à l’alinéa 30(6)c) des Règles sur les brevets et de présenter une recommandation au commissaire quant à la décision à rendre. À la suite de notre révision préliminaire, le 16 mars 2018, nous avons envoyé une lettre (la lettre de RP) dans laquelle nous avons présenté notre analyse et les raisons pour lesquelles, d’après le dossier dont nous disposons, nous estimons que l’objet des revendications au dossier (ainsi que le deuxième ensemble de revendications proposées) n’est pas conforme à l’article 2 de la Loi sur les brevets, mais que la revendication 28 est conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et à l’article 84 des Règles sur les brevets.

[9]               Le 3 mai 2018, le demandeur a répondu à la lettre de RP (RRP) en soumettant un nouvel ensemble de 65 revendications proposées (le troisième ensemble de revendications proposées) et d’autres observations écrites en faveur d’une acceptation. Le troisième ensemble de revendications proposées est semblable à celui qui figure au dossier, mais les revendications indépendantes proposées 1, 28 et 39 soulignent la génération et la communication d’alertes et la revendication indépendante proposée 60 ajoute l’étape d’imposition de mesures d’intervention.

[10]           Une audience a été tenue par vidéoconférence le 17 mai 2018, lors de laquelle le demandeur a essentiellement fait valoir les observations qui avaient été incluses dans la RRP.

Questions

[11]           Les questions à trancher dans le cadre de la présente révision sont les suivantes :

         Les revendications au dossier définissent-elles un objet qui entre dans la définition d’invention énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets?

         La revendication 28 au dossier définit-elle de façon distincte et explicite l’invention et est-elle fondée sur la description, conformément au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et à l’article 84 des Règles sur les brevets?

[12]           Si nous concluons que les revendications au dossier sont irrégulières, nous déterminerons si le troisième ensemble de revendications proposées constituerait une modification spécifique nécessaire en vertu du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Principes juridiques et pratique du Bureau des brevets

Interprétation téléologique

[13]           Conformément à Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66 [Free World Trust], les éléments essentiels sont déterminés au moyen d’une interprétation téléologique des revendications faite à la lumière de l’ensemble de la divulgation, y compris le mémoire descriptif et les dessins (voir aussi Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67 aux alinéas 49f) et g) et au paragraphe 52 [Whirlpool]). Tel qu’il est indiqué à la section 13.05 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets [« RPBB »] (OPIC) (révisé en avril 2018), la première étape de l’interprétation téléologique des revendications consiste à identifier la personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes (CGC) pertinentes. L’étape suivante consiste à définir le problème abordé par les inventeurs et la solution divulguée dans la demande. Les éléments essentiels peuvent ensuite être déterminés; il s’agit de ceux qui sont indispensables à l’obtention de la solution divulguée, telle qu’elle est revendiquée.

[14]           Dans sa RRP et à l’audience, le demandeur a exprimé son désaccord avec la démarche décrite dans le RPBB. Le demandeur a soutenu que ces directives et leur application sont valides et légales uniquement dans la mesure où elles appliquent correctement les principes de l’interprétation des revendications énoncés dans Free World Trust et Whirlpool. Le demandeur a également soutenu que ces directives ne sont pas conformes aux principes et lignes directrices énoncés dans Canada (AG) c. Amazon.com Inc., 2011 CAF 328 [Amazon.com].

[15]           D’après les observations du demandeur, Free World Trust et Whirlpool montrent qu’un élément n’est non essentiel que s’il est possible que le lecteur avisé comprenne du libellé de la revendication que l’intention de l’inventeur était que cet élément ne soit pas essentiel et qu’il comprenne qu’à la date de la publication, l’élément pourrait être substitué sans affecter le fonctionnement de l’invention. À titre de soutien, le demandeur invoque également Bauer Bauer Hockey Corp. c. Easton Sports Canada Inc., 2010 CF 361, conf. 2011 CAF 83.

[16]           L’approche décrite dans le RPBB a été élaborée en réponse à Amazon.com et reflète donc les principes de cette affaire, ainsi que ceux des affaires précédentes, Free World Trust et Whirlpool.

[17]           À titre d’exemple, Amazon.com (aux paragraphes 43, 44, 47, 61 à 63, 69, 71, 73 et 74) nous rappelle que l’interprétation téléologique « ne peut reposer seulement sur l’interprétation littérale des revendications du brevet », que le libellé des revendications peut être « trompeur, de manière délibérée ou par inadvertance », qu’un mode de réalisation ou une application concrète revendiquée peut, malgré tout, ne pas faire partie des éléments essentiels d’une invention revendiquée, que l’interprétation téléologique doit s’appuyer sur « le fondement des connaissances ayant trait à la réalisation en cause » et que, en l’absence d’un tel fondement, il peut être mal avisé de présumer du caractère essentiel.

[18]           Les directives fournies à la section 13.05.02b du RBPP sont fondées sur ces principes : une interprétation téléologique bien éclairée doit tenir compte de la demande dans son ensemble — y compris le problème abordé dans la demande et la solution proposée. La simple présence d’un élément dans le libellé des revendications choisi par l’inventeur ne peut l’emporter sur l’ensemble des autres considérations lors de l’interprétation téléologique des revendications.

[19]           En outre, il est confirmé dans Easton Sports Canada Inc. c. Bauer Hockey Corp., 2011 CAF 83 aux paragraphes 31, 33, 39 et 40 que Free World Trust énonce les exigences relatives au caractère non essentiel à titre subsidiaire. Autrement dit, un élément n’est pas essentiel si le libellé de la revendication l’indique, ou si le caractère interchangeable de l’élément avait été appréciable.

Objet prévu par la Loi

[20]           La définition d’invention est énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

[21]           L’énoncé de pratique PN2013–03, intitulé « Pratique d’examen au sujet des inventions mises en œuvre par ordinateur » (OPIC, mars 2013) [PN2013–03] apporte des précisions quant à la méthode utilisée par le Bureau des brevets pour déterminer si une invention mise en œuvre par ordinateur constitue un objet prévu par la Loi.

[22]           Comme expliqué dans l’énoncé de pratique PN2013-03, lorsqu’il est déterminé qu’un ordinateur constitue un élément essentiel d’une revendication interprétée, l’objet revendiqué n’est pas une invention désincarnée (p. ex., une simple idée, un schéma, un plan ou un ensemble de règles, etc.), qui serait non prévue par la Loi.

Caractère indéfini

[23]      Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets exige que les revendications définissent distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention :

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[24]      L’article 84 des Règles sur les brevets exige que les revendications soient claires :

Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle-ci.

[25]      Dans Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines Ltd., [1947] C. de l’É. 306 à la p 352, 12 CPR 99, la Cour a insisté sur l’obligation qui incombe au demandeur d’exposer clairement dans ses revendications l’étendue du monopole qu’il cherche à obtenir et d’employer dans ses revendications des termes clairs et précis [Traduction] :

En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

Analyse

Interprétation téléologique

La personne versée dans l’art

[26]           Dans la lettre de RP, nous avons identifié la personne versée dans l’art comme une équipe comprenant un expert spécialisé dans la supervision du risque associé aux comptes de transactions gérés, administrés et encadrés par des sociétés de compensation. L’équipe comprend également un programmeur ou un autre technologue spécialisé dans le développement (ou la sélection) et l’utilisation du logiciel, des outils et de l’infrastructure pour appuyer ces professionnels. Le demandeur n’a pas contesté cette définition; nous l’adoptons donc aux fins de la présente révision.

Les CGC

[27]           À la lumière des CGC énoncées dans la DF et de l’état de la technique décrit dans la demande (paragraphes 2 et 12), nous avons déterminé dans la lettre de RP que les concepts suivants font partie des CGC :

         les ordinateurs sont utiles pour effectuer des calculs plus rapidement que s’ils étaient faits mentalement ou à l’aide de papier et d’un crayon;

         les systèmes informatiques sont utilisés pour assurer le suivi et la surveillance des données et sont particulièrement utiles dans le domaine financier;

         les systèmes informatiques sont utilisés pour transférer de l’information sur un réseau entre deux emplacements distincts;

         les sociétés de compensation supervisent les risques associés aux comptes qu’elles gèrent, administrent et encadrent;

         le concept du risque de concentration de position lorsqu’un client possède un ou plusieurs comptes de transaction auprès de plusieurs sociétés de compensation.

[28]           Le demandeur n’a pas contesté ces concepts; nous les adoptons donc aux fins de la présente révision.

Le problème et la solution

[29]           Nous avons présenté notre première analyse dans la lettre de RP, à savoir que le problème concerne un manque d’information concernant le risque de concentration de chaque position de compte total, et la solution ne repose pas dans le calcul en temps réel ou les communications sur réseau informatique, mais plutôt dans un schéma permettant de diffuser des alertes ou de décider d’imposer des mesures d’intervention lorsque la position de compte globale d’un négociateur dépasse un seuil établi.

[30]           Dans la RRP, le demandeur a contesté cette évaluation de la solution au motif qu’elle concernait les revendications 1 à 59, faisant valoir qu’elle [Traduction] « repose effectivement dans la communication sur réseau informatique » parce qu’une telle communication est requise pour générer et communiquer les alertes consultatives :

La solution revendiquée ne permet pas simplement de [Traduction] « déterminer le moment auquel il faut diffuser les alertes », comme le suggère le comité. La solution revendiquée comprend d’autres mesures concrètes qui sont exécutées en réponse à la décision du moment auquel diffuser une alerte. Les mesures concrètes comprennent la génération d’une alerte consultative et la communication de l’alerte consultative. [Italique ajouté dans l’original.]

[31]           Le demandeur a réitéré cet argument à l’audience, soulignant que la solution revendiquée comprend la génération et la communication automatiques des alertes.

[32]           Comme nous l’avons précisé dans la lettre de RP, la description (paragraphe 2) explique que le risque de concentration de position d’un compte compensé par plusieurs sociétés de compensation peut causer des problèmes et des incertitudes pour les sociétés de compensation individuelles, puisque chacune ne dispose pas de toute l’information liée au risque global du compte à l’échelle des sociétés. Une certaine forme d’alerte consultative, d’indication ou de mise à jour concernant le risque de concentration global de chaque position de compte totale est nécessaire. À titre de solution, la demande (paragraphes 2, 3 et 14) propose l’établissement d’un seuil pour une position de négociateur globale, l’application d’une valeur de paramètre associée à chacun des comptes clients et la comparaison du paramètre global avec la valeur du seuil; si la valeur du seuil est dépassée, une alerte consultative est générée et diffusée. Comme variante de la diffusion d’une alerte, la description (paragraphes 6 et 31) propose de déterminer s’il convient ou non d’imposer certaines mesures d’intervention pour régir les transactions ayant une incidence sur la position du négociateur.

[33]           La description (p. ex., paragraphes 24 à 29) ne fait état d’aucune difficulté quant à la mise en œuvre par ordinateur de la solution, ni ne décrit comment la communication, la compilation et le regroupement des valeurs des paramètres se font, la manière dont les alertes sont automatiquement générées, ni la façon dont les calculs en temps réel et les communications se font, le cas échéant. Les passages (paragraphes 33 à 40 et 59) qui décrivent les configurations de matériel possibles sont sommaires et font référence à des composants génériques.

[34]           Compte tenu du niveau et de la nature de ces détails dans la description, la personne versée dans l’art comprendrait que la solution proposée ne réside pas dans la génération automatique d’alertes, le calcul en temps réel ou les communications sur un réseau informatique. Cette compréhension serait fondée sur l’inclusion de systèmes informatiques et de réseaux de communication informatiques issus des CGC.

[35]           Par conséquent, nous percevons la solution comme un schéma permettant de fournir des alertes consultatives ou de décider d’imposer des mesures d’intervention lorsque la position de compte globale d’un négociateur dépasse un seuil établi.

Les éléments essentiels

[36]           Par souci de commodité, les revendications indépendantes 1, 39 et 60 sont reproduites ci-dessous à titre de revendications représentatives des revendications au dossier : La revendication indépendante 28 décrit un système correspondant à la méthode énoncée dans la revendication 1.

Revendication 1.       Méthode de gestion du risque de concentration de position d’un compte, comprenant :

l’établissement d’un seuil pour la position de négociateur globale associée à un ou plusieurs comptes clients, lesdits comptes clients étant gérés par une ou plusieurs sociétés de compensation;

l’application d’une valeur de paramètre réelle à l’échelle desdits comptes clients pour déterminer une valeur de paramètre globale;

la comparaison de la valeur de paramètre globale au seuil;

la génération automatique d’une alerte consultative si, d’après le résultat de la comparaison, il est déterminé que la valeur de paramètre globale a atteint ou dépassé le seuil;

la diffusion de l’alerte consultative à une entité autorisée,

où chacune des étapes précitées est exécutée par l’entremise d’au moins un dispositif informatique comprenant une mémoire pour stocker des instructions et un processeur pour exécuter lesdites instructions.

 

Revendication 39.     Méthode de gestion du risque de concentration de position d’un compte, comprenant :

l’établissement d’un seuil pour une position de négociateur associée à un compte client, ladite position de négociateur comprenant un ou plusieurs contrats pour l’achat ou la vente d’un titre, ledit compte client étant compensé par une ou plusieurs sociétés de compensation;

la comparaison d’une valeur de paramètre réelle associée à ladite position de négociateur en regard du seuil;

la génération automatique d’une alerte consultative si, d’après le résultat de la comparaison, il est déterminé que la valeur de paramètre réelle a atteint ou dépassé le seuil;

la diffusion de l’alerte consultative à une entité autorisée,

où chacune des étapes précitées est exécutée par l’entremise d’au moins un dispositif informatique comprenant une mémoire pour stocker des instructions et un processeur pour exécuter lesdites instructions.

 

Revendication 60.     Méthode de gestion du risque de concentration de position d’un compte, comprenant :

l’établissement d’un seuil pour une position de négociateur associée à un compte client, ladite position de négociateur comprenant un ou plusieurs contrats pour l’achat ou la vente d’un titre, ledit compte client étant compensé par une ou plusieurs sociétés de compensation;

la détermination d’une valeur de paramètre réelle associée à la position de négociateur;

la comparaison de la valeur de paramètre réelle associée à ladite position de négociateur en regard du seuil;

la décision, d’après le résultat de la comparaison, d’imposer une ou plusieurs mesures d’intervention pour régir les transactions ayant une incidence sur la valeur de paramètre réelle associée à la position de négociateur,

où chacune des étapes précitées est exécutée par l’entremise d’au moins un dispositif informatique comprenant une mémoire pour stocker des instructions et un processeur pour exécuter lesdites instructions.

[37]           La lettre de RP expose notre appréciation préliminaire, laquelle démontre que, étant donné que le problème ne relève pas de la mise en œuvre par ordinateur et que la solution ne repose pas dans le calcul en temps réel ou les communications sur réseau informatique, les éléments essentiels des revendications au dossier n’incluent aucun élément informatique. Le demandeur a contesté cette appréciation dans la RRP et à l’audience, faisant valoir que les éléments essentiels (pour les revendications 1 à 59) incluaient la génération et la diffusion automatiques des alertes consultatives, c’est-à-dire la génération automatique d’une communication électronique, suivie de sa diffusion au moyen d’un réseau informatique.

[38]           Comme l’explique la section 13.05.02c du RPBB, tout élément qui affecte matériellement le fonctionnement d’un mode de réalisation donné n’est pas nécessairement essentiel à la solution; certains éléments cités définissent le contexte ou l’environnement du mode de réalisation, mais ne changent pas véritablement la nature de la solution. En conséquence, l’interprétation téléologique doit permettre de déterminer les éléments qui sont indispensables à la solution — lesquels sont proposés dans la description et sous-tendent le mode de réalisation revendiqué — pour obtenir son résultat.

[39]           Ainsi qu’elle a été établie précédemment, la solution ne repose pas dans la technologie permettant de générer et de diffuser des alertes, mais dans le schéma et les règles permettant de déterminer à quel moment il faut envoyer des alertes ou imposer des mesures d’intervention. La mise en œuvre par ordinateur de ce schéma n’est pas ce que vise cette demande, et est constituée de renseignements relevant des CGC. Par conséquent, la personne versée dans l’art comprendrait que les éléments informatiques ne sont pas essentiels.

[40]           Nous considérons que les différences entre le libellé des revendications dépendantes et celui des revendications indépendantes desquelles elles sont issues reflètent simplement différents modes de réalisation du même ensemble d’éléments essentiels.

[41]           Par conséquent, les revendications 1 à 38 au dossier partagent le même ensemble d’éléments essentiels :

         l’établissement d’un seuil pour la position de négociateur globale associée à un ou plusieurs comptes clients, lesdits comptes clients étant gérés par une ou plusieurs sociétés de compensation;

         l’application d’une valeur de paramètre réelle à l’échelle desdits comptes clients pour déterminer une valeur de paramètre globale;

         la comparaison de la valeur de paramètre globale au seuil;

         l’alerte d’une entité autorisée si, d’après le résultat de la comparaison, il est déterminé que la valeur de paramètre globale a atteint ou dépassé le seuil.

[42]           De plus, les revendications 39 à 59 au dossier partagent le même ensemble d’éléments essentiels :

         l’établissement d’un seuil pour une position de négociateur associée à un compte client, ladite position de négociateur comprenant un ou plusieurs contrats pour l’achat ou la vente d’un titre, ledit compte client étant compensé par une ou plusieurs sociétés de compensation;

         la comparaison d’une valeur de paramètre réelle associée à ladite position de négociateur en regard du seuil;

         l’alerte d’une entité autorisée si, d’après le résultat de la comparaison, il est déterminé que la valeur de paramètre réelle a atteint ou dépassé le seuil.

[43]           Enfin, les revendications 60 à 65 au dossier partagent le même ensemble d’éléments essentiels :

         l’établissement d’un seuil pour une position de négociateur associée à un compte client, ladite position de négociateur comprenant un ou plusieurs contrats pour l’achat ou la vente d’un titre, ledit compte client étant compensé par une ou plusieurs sociétés de compensation;

         la détermination d’une valeur de paramètre réelle associée à la position de négociateur;

         la comparaison de la valeur de paramètre réelle associée à ladite position de négociateur en regard du seuil;

         la décision, d’après le résultat de la comparaison, d’imposer une ou plusieurs mesures d’intervention pour régir les transactions ayant une incidence sur la valeur de paramètre réelle associée à la position de négociateur.

Objet prévu par la Loi

[44]           Selon l’interprétation susmentionnée, les éléments essentiels sont les schémas ou les règles permettant de déterminer à quel moment diffuser des alertes ou imposer des mesures d’intervention. Comme il est expliqué dans la lettre de RP, un tel objet ne présente aucun effet ni changement visible de la nature ou de l’état de l’objet physique. Il suppose simplement l’exécution d’un plan ou l’application d’une théorie d’action, et aucun résultat physique ne découle directement de la mise en application du plan ou de la théorie même. Cette matière n’entre dans aucune des catégories d’invention prévues à l’article 2.

[45]           Le demandeur a fait valoir dans la RRP et à l’audience que la solution revendiquée comprend les actions concrètes et physiques qui consistent à générer et à communiquer électroniquement les alertes, puisque ces actions découlent directement des schémas qui permettent de déterminer la mise en œuvre de ces actions. Ces actions entraîneraient nécessairement un effet ou un changement notable, selon le demandeur.

[46]           Nous ne sommes pas d’accord pour dire que les revendications définissent des étapes physiques causant un effet ou un changement notable. Les schémas et les règles proposés pour déterminer à quel moment diffuser des alertes relèvent de la manipulation et de la présentation d’information ayant une certaine signification ou importance intellectuelle; le résultat qui découle de cette information ne présente aucun effet ou changement notable de manière justifiable.

[47]           En outre, comme il a été expliqué précédemment, les étapes de la génération et de la diffusion des alertes ne sont pas essentielles à la solution établie, à savoir la détermination du moment où ces alertes doivent être fournies. La personne versée dans l’art considérerait plutôt que ces étapes servent à prévoir une certaine activité ou fonctionnalité post-solution, à apporter un contexte à la solution, mais ne constituent pas des éléments essentiels de la solution elle-même.

[48]           Par conséquent, les revendications 1 à 65 sont considérées comme définissant un objet non prévu par la Loi et ne sont donc pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Caractère indéfini

[49]           La revendication 28 au dossier explique un [Traduction] « système » comprenant, entre autres, un [Traduction] « logiciel stocké sur un serveur ». L’examinateur a soutenu dans la DF que cette revendication a un caractère indéfini, parce que même si un système physique peut comprendre un serveur sur lequel est stocké un logiciel, il ne peut comprendre un logiciel abstrait stocké sur un serveur.

[50]           Notre appréciation préliminaire énoncée dans la lettre de RP indiquait que la revendication était conforme au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et à l’article 84 des Règles sur les brevets :

à la section 16.08.04 du RPBB, il est expliqué que, comme le logiciel est considéré comme abstrait, une revendication visant à protéger un logiciel (ou un produit logiciel) doit viser la mémoire physique qui stocke le logiciel plutôt que le logiciel stocké sur la mémoire physique. Toutefois, la revendication 28 ne vise pas un produit logiciel comme ceux décrits dans le RPBB. Le système de la revendication 28 ne comprend pas seulement un logiciel stocké sur le serveur, mais également des terminaux de données couplés au serveur. Étant donné ce libellé et le contexte entourant la revendication, notre appréciation préliminaire spécifiait que la personne versée dans l’art comprendrait facilement le mode de réalisation revendiqué comme étant un système informatique comprenant un serveur et des terminaux de données, un logiciel étant stocké sur ledit serveur.

[51]           Nous demeurons de cet avis.

Revendications proposées

[52]           Comme il a été indiqué précédemment, les revendications indépendantes 1, 28 et 39 du troisième ensemble de revendications proposées soulignent la génération et la diffusion de l’alerte consultative, et la revendication indépendante 60 du troisième ensemble de revendications proposées comprend une étape supplémentaire qui consiste à imposer des mesures d’intervention.

[53]           Les différences entre le troisième ensemble de revendications proposées et les revendications au dossier n’altèrent en rien les identifications susmentionnées de la personne versée dans l’art, des CGC ou encore du problème et de la solution. En ce qui concerne les revendications 1 à 59 au dossier, nous avons expliqué précédemment pourquoi les étapes de la génération et de la diffusion de l’alerte ne manifestent ni un effet ni un changement notable, pas plus qu’elles ne constituent des éléments essentiels de la solution pour les revendications au dossier; ce raisonnement s’appliquerait également aux modifications proposées.

[54]           Quant aux revendications proposées 60 à 65, l’étape ajoutée qui consiste en l’imposition d’une mesure d’intervention, comme la mise en œuvre par ordinateur, fait partie de l’environnement de travail ou du contexte et ne constitue pas une composante essentielle de la solution en soi. La personne versée dans l’art comprendrait que le problème et la solution ne concernent pas le contrôle automatique du compte en ligne d’un négociateur, mais plutôt des règles permettant de déterminer si, et à quel moment, des mesures d’interventions doivent être imposées.

[55]           Nous interprétons le troisième ensemble de revendications proposées comme présentant les mêmes éléments essentiels que ceux des revendications correspondantes au dossier. Par conséquent, étant donné que les éléments essentiels ne comprennent que des schémas ou des règles permettant de déterminer à quel moment diffuser des alertes ou imposer des mesures d’intervention, notre opinion selon laquelle il s’agit ici d’un objet non prévu par la Loi s’applique également au troisième ensemble de revendications proposées.

[56]           Il s’ensuit que le troisième ensemble de revendications proposé n’est pas considéré comme une modification spécifique déterminée nécessaire aux termes du paragraphe 30(6.3) des Règles sur les brevets.

Recommandation de la Commission

[57]           Compte tenu de ce qui précède, le comité recommande que la demande soit rejetée au motif que les revendications 1 à 65 définissent un objet non prévu par la Loi et que, par conséquent, elles ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Leigh Matheson                                  Lewis Robart                          Andrew Strong
Membre                                               Membre                                   Membre

Décision du commissaire

[58]           Je souscris aux conclusions de la Commission ainsi qu’à sa recommandation de rejeter la demande. Les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[59]           En conséquence, je refuse d’accorder un brevet relativement à la présente demande. Conformément à l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

Johanne Bélisle
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec),
en ce 4e jour de juillet 2018

 

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